Liberation

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Eco-Terre Zoom Carte postale... du laos Pour la défense des éléphants surmenés Par Georges THEVENIN QUOTIDIEN : mardi 5 juin 2007 Viengkeo envoyé spécial A Viengkeo, un petit village du nord-ouest du Laos, 10 000 groupies les ont accueillis en vedette. Défilé de mode en costume traditionnel, démonstrations de force... rien n'a été épargné aux 50 pachydermes domestiques du district de Hongsa, lors du premier festival de l'éléphant du pays, en février. Traditionnellement délaissés par les associations écologistes, plutôt tournées vers les animaux sauvages, les 800 éléphants domestiques du pays voient pourtant leur situation sanitaire se dégrader de jour en jour. En cause, une tendance en vogue : le time-sharing,ou «temps partagé». Tout seul, un cornac, chargé des soins et de la conduite d'un éléphant, ne pourra jamais débourser les 8 000 ou 10 000 dollars indispensables pour acheter un pachyderme. La combine, c'est donc de le partager. A quatre, cinq, voire beaucoup plus. «Pendant que l'un prépare une rizière en prévision de la récolte qui s'annonce, l'autre va travailler avec l'éléphant en forêt, et ainsi de suite»,résume Sébastien Duffillot, responsable d'ElefantAsia, une association de sauvegarde de l'éléphant (1). Résultat : l'éléphant travaille plus longtemps et plus souvent qu'auparavant. Et paie cash toutes ces heures supplémentaires, à l'heure de la visite médicale. «Pour s'accoupler, les femelles doivent être plusieurs mois au repos. Avec cette surcharge de travail, elles développent des fibroses de l'utérus, synonymes à terme de stérilité,détaille Delphine Verrier, étudiante vétérinaire à l'université de Melbourne, qui travaille sur la reproduction des éléphants d'Asie. Mais les laisser se reposer n'est pas rentable pour les cornacs.» Entre rentabilité et productivité, le bien-être de l'éléphant serait-il irrémédiablement sacrifié ? Pas si sûr. Incarné par le festival de février, le développement touristique offrirait peut-être une bonne porte de sortie. En baladant les touristes à un train de sénateur, l'éléphant se la jouerait sûrement plus tranquille. En tout cas bien moins stressé et fatigué qu'après dix heures d'affilée à aligner les troncs en forêt. «Pour les cornacs, le tourisme est une alternative intéressante à l'exploitation forestière»,explique Gilles Maurer, d'ElefantAsia. Démonstration pratique, pendant le festival : en facturant 20 dollars la balade en éléphant quatre fois le tarif hors festival , certains cornacs ont vite pris conscience de la pépite inexploitée qui gisait là. Le festival de l'éléphant a déjà créé un petit phénomène touristique. Mal desservi et éloigné des métropoles de Vientiane et de Luang Prabang, Hongsa n'est habituellement qu'une destination de loisirs secondaire et de transit. En un week-end, l'affluence des touristes a pourtant été comparable à celle recueillie par toute la province de Sayaboury en une année. Les prochaines éditions devraient bénéficier d'infrastructures routières flambant neuves, prévues pour 2010. Plus rentable, l'investissement éléphant serait mieux protégé. Sébastien Duffillot prévient : «Si on ne sauve pas cette génération, il n'y en aura pas d'autre.» (1) www.elefantasia.org http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/258390.FR.php © Libération Page 1 of 1 Pour la défense des éléphants surmenés 05/06/2007 http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/258390.FR.php?mode=PRINTERF...

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Eco-TerreZoom Carte postale... du laos

Pour la défense des éléphants surmenés Par Georges THEVENINQUOTIDIEN : mardi 5 juin 2007

Viengkeo envoyé spécial

A Viengkeo, un petit village du nord-ouest du Laos, 10 000 groupies les ont accueillis en vedette. Défilé de mode en costume traditionnel, démonstrations de force... rien n'a été épargné aux 50 pachydermes domestiques du district de Hongsa, lors du premier festival de l'éléphant du pays, en février.

Traditionnellement délaissés par les associations écologistes, plutôt tournées vers les animaux sauvages, les 800 éléphants domestiques du pays voient pourtant leur situation sanitaire se dégrader de jour en jour. En cause, une tendance en vogue : le time-sharing,�ou «temps partagé». Tout seul, un cornac, chargé des soins et de la conduite d'un éléphant, ne pourra jamais débourser les 8 000 ou 10 000 dollars indispensables pour acheter un pachyderme. La combine, c'est donc de le partager. A quatre, cinq, voire beaucoup plus. «Pendant que l'un prépare une rizière en prévision de la récolte qui s'annonce, l'autre va travailler avec l'éléphant en forêt, et ainsi de suite»,�résume Sébastien Duffillot, responsable d'ElefantAsia, une association de sauvegarde de l'éléphant (1).

Résultat : l'éléphant travaille plus longtemps et plus souvent qu'auparavant. Et paie cash toutes ces heures supplémentaires, à l'heure de la visite médicale. «Pour s'accoupler, les femelles doivent être plusieurs mois au repos. Avec cette surcharge de travail, elles développent des fibroses de l'utérus, synonymes à terme de stérilité,�détaille Delphine Verrier, étudiante vétérinaire à l'université de Melbourne, qui travaille sur la reproduction des éléphants d'Asie. Mais les laisser se reposer n'est pas rentable pour les cornacs.»�

Entre rentabilité et productivité, le bien-être de l'éléphant serait-il irrémédiablement sacrifié ? Pas si sûr. Incarné par le festival de février, le développement touristique offrirait peut-être une bonne porte de sortie. En baladant les touristes à un train de sénateur, l'éléphant se la jouerait sûrement plus tranquille. En tout cas bien moins stressé et fatigué qu'après dix heures d'affilée à aligner les troncs en forêt. «Pour les cornacs, le tourisme est une alternative intéressante à l'exploitation forestière»,�explique Gilles Maurer, d'ElefantAsia. Démonstration pratique, pendant le festival : en facturant 20 dollars la balade en éléphant quatre fois le tarif hors festival , certains cornacs ont vite pris conscience de la pépite inexploitée qui gisait là.

Le festival de l'éléphant a déjà créé un petit phénomène touristique. Mal desservi et éloigné des métropoles de Vientiane et de Luang Prabang, Hongsa n'est habituellement qu'une destination de loisirs secondaire et de transit. En un week-end, l'affluence des touristes a pourtant été comparable à celle recueillie par toute la province de Sayaboury en une année. Les prochaines éditions devraient bénéficier d'infrastructures routières flambant neuves, prévues pour 2010. Plus rentable, l'investissement éléphant serait mieux protégé. Sébastien Duffillot prévient : «Si on ne sauve pas cette génération, il n'y en aura pas d'autre.»�

(1) www.elefantasia.org

http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/258390.FR.php

© Libération

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05/06/2007http://www.liberation.fr/actualite/economie_terre/258390.FR.php?mode=PRINTERF...