Liberation

36
Ukraine Trahis par l’Europe Au moins 90 manifestants pro-européens ont été tués en deux jours par la police du régime, qui tire à belles réelles. PAGES 2-5 Un manifestant blessé et en détresse respiratoire est évacué de la la place de l’Indépendance à Kiev après des affrontements avec la police, hier. PHOTO YANNIS BEKHARIS.REUTERS 1,70 EURO. PREMIÈRE ÉDITION N O 10193 VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 WWW.LIBERATION.FR IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,40 €, Andorre 1,90 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,80 €, Canada 4,99 $, Danemark 28 Kr, DOM 2,50 €, Espagne 2,40 €, Etats-Unis 4,99 $, Finlande 2,80 €, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Irlande 2,50 €, Israël 22 ILS, Italie 2,40 €, Luxembourg 1,80 €, Maroc 19 Dh, Norvège 29 Kr, Pays-Bas 2,40 €, Portugal(cont.) 2,60 €, Slovénie 2,80 €, Suède 26 Kr, Suisse 3,30 FS, TOM 440 CFP, Tunisie 2,90 DT, Zone CFA 2 200CFA.

Transcript of Liberation

Page 1: Liberation

UkraineTrahispar l’EuropeAu moins 90 manifestantspro-européens ont été tuésen deux jours par la police durégime, qui tire à belles réelles.PAGES 2­5

Un

man

ifest

antb

less

éet

endé

tres

sere

spira

toire

esté

vacu

éde

lala

plac

ede

l’Ind

épen

danc

Kiev

aprè

sdes

affr

onte

men

tsav

ecla

polic

e,hi

er.P

HO

TOYA

NN

ISBE

KHA

RIS.

REU

TERS

• 1,70 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10193 VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 WWW.LIBERATION.FR

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,40 €, Andorre 1,90 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,80 €, Canada 4,99 $, Danemark 28 Kr, DOM 2,50 €, Espagne 2,40 €, Etats­Unis 4,99 $, Finlande 2,80 €, Grande­Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €,Irlande 2,50 €, Israël 22 ILS, Italie 2,40 €, Luxembourg 1,80 €, Maroc 19 Dh, Norvège 29 Kr, Pays­Bas 2,40 €, Portugal(cont.) 2,60 €, Slovénie 2,80 €, Suède 26 Kr, Suisse 3,30 FS, TOM 440 CFP, Tunisie 2,90 DT, Zone CFA 2 200CFA.

Page 2: Liberation

Derrière les barricades des manifestants, hier, à Kiev. PHOTO BULENT KILIC. AFP

Un blessé est évacué de Maidan Nezalezhnosti après des heurts avec les forces de l’ordre, hier. PHOTO DAVID MDZINARISHVILI. REUTERS

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 20142 • EVENEMENT

Page 3: Liberation

Par FRANÇOIS SERGENT

Le pire

Symbole de l’incuriede l’Europe : les ministresfrançais, allemand et polonaisdes Affaires étrangèresétaient reçus hier parle président ukrainien qui,à la même heure, faisait tirersa police sur les manifestants.Bilan : au moins 60 personnestuées à balles réelles pendantl’entrevue. Depuis trois mois,les Européens laissent fairele président, ViktorIanoukovitch, et son parrainrusse, Vladimir Poutine.Ils les laissent tuer, torturer,tabasser des milliersd’Ukrainiens prêtsà manifester et à mourir pourun idéal d’Europe qui, jouraprès jour, les trahit.Combien faudra-t-il de mortspour que l’Union européenneréagisse ? Le précédentde la Syrie, un autre clientde Poutine, montre quel’indignation et le courage nesont pas les principalesqualités des chefs d’Etat etde gouvernement européens.On voit bien le desseinde Ianoukovitch et Poutine :user de la violence et de larépression pour radicaliserla situation en Ukraine, fairetaire l’oppositiondémocratique pour laisserle champ libre à l’extrêmedroite et aux provocations.Une manière cynique etsanglante de rendre l’Ukraineinfréquentable. Le modèlebiélorusse. Pour le moment,les Ukrainiens, jeunes etretraités, de droite comme degauche, nationalistes ou non,tentent de contrer cettepolitique du pire avec unimmense courage, défiant lesbrutes du régime. Ils veulentencore croire à l’Europe.Ils veulent encore croireque l’Europe les sauverade Poutine et de son pantinukrainien. A l’Europed’exister. Pour une fois.

ÉDITORIALMalgré la présence de trois ministres européens, le régime a accentué larépression hier, autorisant les forces de l’ordre à tirer à balles réelles surles protestataires. Au moins 60 manifestants et 3 policiers ont été tués.

«Ces morts étaienttellement jeunes»«Ç a va, ça va. Enfin, vous

savez, avec le choc,c’est difficile de dire.Tant que je reste vi-vante…» Maryna Bez,

jeune responsable de communica-tion dans une ONG internationaleporte un tee-shirt blanc arborantune large croix rouge. A l’extérieurde l’hôtel Ukraina, elle et d’autresfont de leur mieux pour aiderl’équipe médicale installée dans lehall de l’hôtel quatre étoiles. Là,depuis tôt le matin, entre bar et ré-ception, des dizaines de blesséssont soignés et plusieurs corps demanifestants ont été alignés sur lesol. «Je ne comprends même pas cequ’il se passe. Mais il faut aller jus-qu’au bout, chacun doit faire ce qu’ilpeut. Nous n’avons plus le choix»,soupire-t-elle.En contrebas, sur Maidan Neza-lezhnosti, la place del’Indépendance, les pro-testataires antigouver-nementaux se sont élancés à l’as-saut des forces de l’ordre dès 7h30du matin. Dans un élan désespéré,ils ont réussi à repousser les poli-ciers sur les positions qu’ils occu-paient trois jours auparavant, dansla rue Institutska. La maison del’Ukraine et la rue Hrushevskohoavoisinantes, qui avaient été con-quises mardi par les policiers, ontaussi été reprises. Un assaut menéavec les traditionnelles armes des

contestataires : cocktail Molotov,bombes assourdissantes, pavés, pé-tards, feux d’artifices et quelquespistolets et fusils, aperçus çà et là.

RAVAGES. De l’autre côté, les poli-ciers ont reçu un surcroît d’équipe-ment pendant la nuit, notammentdes fusils automatiques et des kala-chnikovs, et l’autorisation de s’enservir. Plusieurs tireurs embusqués

ont fait des ravagesparmi les assaillants.A 18 h 30, heure locale,

le médecin en chef du village del’EuroMaidan, Oleh Musiy, rappor-tait 70 morts du côté des protesta-taires (60 selon l’AFP) pour la seulejournée d’hier et plus de1500 blessés. Le ministère de l’In-térieur évoquait pour sa part troispoliciers tués.«Pas de photos ici. Nous réorganisonsun centre militaire, car la position esttrès stratégique pour poster des ti-reurs. Pas de journalistes ici», expli-

que dans un anglais courant unjeune manifestant posté au qua-trième étage du bâtiment en ruinesde la Maison des syndicats, surMaidan. Après avoir été utilisécomme «quartier général de la ré-volution» pendant trois mois, lebâtiment a été touché par un in-cendie dans la nuit de mardi. Cetétage était également le QG dugroupe nationaliste d’extrêmedroite «Praviy Sektor» («secteurdroit»), fer de lance des affronte-ments violents de ces dernières se-maines. Le jeune manifestant nenie pas que les deux camps sontresponsables des violences. Lui serevendique d’un autre groupuscule,mais refuse d’en donner le nom.

«Ils [les forces de l’ordre, ndlr] vontrevenir, c’est sûr, il faut se préparer»,dit-il. Dans les escaliers calcinés,un homme se presse vers les hau-teurs avec un lourd fusil automati-que à la main.

FOURMILIÈRE. Du cinquième étagedéserté, la vue sur Maidan Neza-lezhnosti est imprenable. Toute lajournée d’hier, ce sont 10000 per-sonnes qui se sont affairées, en unvéritable mouvement de fourmi-lière, à restructurer l’organisationdu camp en ruines et à en renforcerles défenses. Les groupes paramili-taires sont en première ligne depuisquelques jours, mais ils ne sont plusseulement composés

Par SÉBASTIEN GOBERTCorrespondant à Kiev L’ESSENTIEL

LE CONTEXTELa police ukrainienne a tiréhier sur les manifestantsà Kiev faisant des dizainesde morts.

L’ENJEUL’UE va­t­elle enfin réagir etdéfendre les pro­européens?

w 4 février L’opposition demandeà Ianoukovitch d’accepterune réforme constitutionnelle«urgente».w 9 février 70000 personnesse rassemblent à Maidan.w Dimanche La mairie de Kiev,occupée par les manifestants,est évacuée.

w Mardi Un regain de violencesfait 28 morts à Kiev. La policelance l’assaut contre Maidan.w Mercredi Le président Ianouko­vitch annonce une «trêve».w Hier Des manifestants chargentun cordon de police sur leMaidan. L’opposition dénombreplus de 60 morts rien qu’hier.

MerNoire 500 km

RUSSIEBIÉL

POL

UKRAINE

Kiev

REPÈRES

Les événements tragiques deKiev ont profondément touchéla délégation ukrainienneprésente à Sotchi (Russie). Hier,une mobilisation a été tentéepar une partie des 43 athlètesukrainiens, qui projetaientde porter un brassard noir ensigne de solidarité. Le Comitéinternational olympique (CIO),qui bannit toute référencepolitique, leur aurait refuséce geste symbolique. Ce quedément Mark Adams, le porte­parole du CIO: «On ne leura jamais interdit de porter lebrassard noir.» Les athlètes onttoutefois accroché aux balcons

de leurs logements des drapeauxukrainiens ornés de rubans noirs.Certains ont décidé de quitterla Russie pour rentrer chez eux–la plupart ont terminé leurcompétition. Hier, les deuxfondeuses Marina Lisogor etKaterina Serdyuk ne se sont pasprésentées aux demi­finales dusprint par équipes, officiellementsouffrantes. Quelques heures plustard, la skieuse alpine BogdanaMatsotska et son entraîneur etpère, Oleg Matsotskii, ontclairement fait connaître leurindignation en publiant un textesur leur page Facebook.DINO DI MEO (à Sotchi)

JO : LES ATHLÈTES UKRAINIENS INDIGNÉS

REPORTAGE

Suite page 4

Diaporama Les photos dela journée meurtrière d’hier.Twitter Une sélection decomptes à suivre. Et toutnotre dossier sur la crise.

• SUR LIBÉ.FR«Nous avons décidé deprocéder très rapidementpour priver de visas etgeler les avoirs de ceux quiont du sang sur les mains.»Emma Boninola chef de la diplomatie italienne, hier

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 • 3

Page 4: Liberation

Le présidentukrainien, ViktorIanoukovitch,annonçantmercredià la télévision,qu’il allait «parlerdifféremment»aux manifestants.PHOTO REUTERS

Tout en se défendant d’ingérence, Moscou avance ses pions en Ukraine.

La Russie toujours en embuscadeD epuis le début de la

crise, Moscou insisteofficiellement sur sa

neutralité, tout en rappelantà tout bout de champ les liensétroits entre les peuples «frè-res» russes et ukrainiens, eten accusant l’Occident d’êtreresponsable de la déstabilisa-tion du pays.«Intimidation». Les rares,tardives et vraisemblable-ment impuissantes mesuresprises par l’Occident sont in-terprétées par la Russiecomme une tentative d’ingé-rence dans les affaires ukrai-niennes (lire ci-dessus). Leministre des Affaires étran-gères russe, Sergueï Lavrov,a évoqué une «tentative d’in-timidation». Et «l’exigenced’organiser des élections anti-cipées a pour objectif d’impo-ser à Kiev le choix en faveurdes liens avec l’UE», a déclaréLavrov, en visite officielle àBagdad. Pour Moscou, dessanctions ne feront qu’exa-

cerber le conflit entre l’op-position et le pouvoir.«Le discours de Lavrov estpourtant plus modéré qued’habitude, les accusationscontre l’Occident ne sont pasaussi acerbes et péremptoires,car la Russie comprend aussiqu’elle ne peut pas soutenir in-définiment un Ianoukovitch quiperd totalement le contrôle dupays», remarque la politolo-gue Maria Lipman, du CentreCarnegie.Toutefois, «même si elle n’apas de plan d’action clair etprédéfini, la Russie ne lâcherapas le président ukrainien dansl’impasse actuelle, et le sou-tiendra quelle que soit l’attitudede l’UE», assure Fiodor Lou-kianov, rédacteur en chef deRussia in Global Affairs, quiperçoit une «syrisation» de lacrise en Ukraine. «Sauf queIanoukovtich n’a ni la force etni la stabilité d’Al-Assad. Doncla Russie attend de voir, et vaformuler sa feuille de route au fil

des développements», notel’expert.Pour l’instant, Moscou a sus-pendu le paiement de laprochaine tranche de 2des 15 milliards de dollars(10,9 milliards d’euros) decrédits qu’elle s’est engagéeà verser à l’Ukraine dans lecadre d’un plan de sauve-tage. «Donner de l’argent àKiev en ce moment, c’est le je-ter dans un trou noir. On nesait pas qui dirige le pays»,raisonne Loukianov, qui nedoute pas que Ianoukovitchrecevra quand même cettesomme tôt ou tard. «Nouscontinuerons la coopérationavec nos partenaires ukrai-niens dans tous les domaines,a déclaré de son côté le Pre-mier ministre russe, DmitriMedvedev, en essayant defaire notre possible pour hono-rer les promesses que nousavons faites, mais il est indis-pensable que […] le pouvoir quiœuvre en Ukraine soit légitime

et efficace, et qu’on ne s’essuiepas les pieds avec.» Com-prendre: l’Ukraine doit choi-sir son camp, son avenir esten Russie.Versatile. Moscou se défendévidemment de toute ingé-rence. Il n’a pas besoin d’unvoisin instable et incandes-cent, assurent les experts.Pourtant, le Kremlin ne ver-rait pas forcément d’un mau-vais œil une mise sous tutellede certaines régions d’unpays scindé. Et notammentde la Crimée, que son statutautonome rend versatile. Elleest majoritairement pro-russe, mais surtout inquiètedes événements. Jeudi, leprésident du Conseil suprêmede Crimée, Vladimir Kons-tantinov, s’est rendu à Mos-cou. Les experts de l’institutGorshenin y voient le signed’une «tentative d’annexion»de la péninsule par la Russie.

De notre correspondante àMoscou VERONIKA DORMAN

L’UE compte sanctionner ceux qui ont «les mains tachées de sang».

Une troïka européennepour négocier in extremisP our tenter de conjurer le pire ils

sont venus à trois, le FrançaisLaurent Fabius, l’Allemand

Frank-Walter Steinmeier, le PolonaisRadoslaw Sikorski, ministres des Affai-res étrangères de leur pays respectif ettous les trois parfaitementconscients que «la donne achangé avec les scènes deguerre aux portes de l’UE», comme onle reconnaît au Quai d’Orsay.Cette troïka représente peu ou prou lapalette des positions européennes dansla crise ukrainienne. Partisan con-vaincu d’une ligne très ferme face aurégime ukrainien et en faveur de sanc-tions, le Polonais est désormais soutenupar le ministre français, mais aussi parson homologue allemand, resté long-temps beaucoup plus prudent. Cevoyage de la dernière chance, brève vi-site matinale avant la réunion des mi-nistres des Affaires étrangères à Bruxel-les, était destiné d’après un diplomatefrançais «à donner un message clair» auprésident ukrainien sur le caractère«inadmissible et inacceptable» de la ré-pression, selon les mots employés laveille par François Hollande.Démunie. Après avoir rencontré, jeudià l’aube, une délégation de l’oppositionpendant une heure à l’ambassade alle-mande, ils ont ensuite rencontré le pré-sident ukrainien. «Ce qui devait être unbref entretien s’est transformé en unediscussion qui a duré six heures et qui atouché les questions de fond», expliqueun membre de la délégation. Les tracta-

tions pour une feuille de route et un ca-lendrier de sortie de crise devraient sepoursuivre aujourd’hui.La troïka est restée en contact avecBruxelles, où les autres ministres déci-daient des moyens d’augmenter la

pression sur Kiev. Les joursprécédents les sanctions nesuscitaient pas l’enthou-

siasme général, de crainte de braquer lerégime ukrainien et de le pousser en-core un peu plus dans les bras de Mos-cou. Mais, au vu de la dégradation de lasituation, même les capitales les plusréticentes ont admis que l’UE ne pou-vait se payer de mots. Les Vingt-Huit sesont mis d’accord pour priver de visa

«ceux qui ont les mains tachées de sangen Ukraine» –ce qui reste vague– et degeler leurs avoirs.Trop peu ? Trop tard ? L’ Union euro-péenne est assez démunie faute d’avoirpris la mesure des enjeux stratégiquesen Ukraine, frontière orientale del’Union face à la Russie. L’Ukraine, depar son histoire, est un pays de l’entre-deux. Kiev fut le berceau de la Russiemédiévale, mais l’ouest du pays étaitpartie intégrante de l’Empire austro-hongrois et de la Pologne. D’où une di-

vision encore bien réelle –même si elles’atténue– entre une Ukraine du Sud-Est regardant vers Moscou, fief de Ia-noukovitch, et une Ukraine de l’Ouestbastion du nationalisme qui regardevers l’Occident. L’indépendance n’enfut pas moins votée par référendumen 1991, lors de l’effondrement soviéti-que, par plus de 80% des Ukrainiens.Chéquier. Le déclencheur de la crise,fin novembre, lors du sommet européende Vilnius, fut le refus de Ianoukotvitch,sous pression de Moscou, de signerl’accord d’association avec l’Unioneuropéenne. La contestation de rue apris de plus en plus d’ampleur au fildes semaines, devenant une «euro

révolution». Aux yeux d’unnombre croissant d’Ukrai-niens, l’UE reste symbolede bien-être et de démocra-tie face à un pouvoircorrompu et mafieux.Mais, devant cet espoir, lesVingt-Huit n’arrivent pas à

une position commune, par exemplepour offrir une perspective d’adhésionà l’Ukraine au-delà d’un simple accordd’association, qui impose de doulou-reuses réformes économiques etl’ouverture du marché aux produits oc-cidentaux. La Russie, elle, sait utilisertous les moyens, y compris le chéquier,pour garder le contrôle de Kiev. Poutineavait offert 11 milliards euros pour évi-ter la banqueroute et une ristourne surle prix du gaz.

MARC SEMO

Les jours précédents, les sanctionsne suscitaient pas l’enthousiasmegénéral, de crainte de braquerle régime et de le pousser encoreun peu plus dans les bras de Moscou.

de nationalisteset d’extrémistes comme aupara-vant. Ils ont été rejoints par descentaines d’hommes, étudiants,travailleurs et retraités, portantcasques de fortune et bâtons. «Vousle voyez par vous-même. Nous som-mes de tous âges, de toutes couchessociales, de toutes régions du pays,nous sommes tous unis dans cetteépreuve tragique», affirme Tetiana,mère de deux enfants, qui éclate ensanglots : «Ceux qui sont mortsétaient tellement jeunes, ils auraientpu être mes enfants.»Des milliers de personnes apportentnourriture, vêtements, couvertu-res, s’occupent à casser les trottoirspour faire remonter les pavés jus-qu’à la ligne de front. «Je suis iciavec de nombreux amis, nous pa-trouillons sur Maidan et nous prêtonsmain-forte aux attaquants», expli-que, lucide, Nazar. A Lviv, dansl’ouest du pays, il est ingénieur,père de famille et modéré politique-ment. Casque militaire et gilet pa-re-balles, il n’a pas d’arme visible.«Nous avons loué un appartementdans le centre. On y a ce qu’il faut»,affirme-t-il avec prudence.Dans l’ouest du pays, la situationsemble plus claire. Des dizaines debâtiments publics sont occupés,des représentants de l’Etat sont enfuite ou démissionnaires et denombreuses unités de police ontdéposé les armes et «rejoint le peu-ple», comme à Oujgorod ou Loutsk.Des armes qui seraient mises à dis-position des protestataires. Dansl’Est, les villes de Poltava et de Za-porijia sont le théâtre de manifesta-tions de masse. Et des groupes decitoyens ont bloqué, en rase cam-pagne, un train acheminant destroupes de la ville de Dnipropetro-vsk jusqu’à la capitale.

«ANTITERRORISME». A Kiev, Volo-dymyr Makeyenko, administrateurprincipal de la ville, s’est mis «auservice de la population» et a or-donné la remise en fonction du mé-tro, moyen crucial de circulationpour les manifestants et leurs sou-tiens. Comme une dizaine de dépu-tés du parti des Régions, la majoritéprésidentielle, Makeyenko a rendusa carte du parti hier après-midi.Le parti continue malgré tout dedonner une apparence d’unité.«C’est l’opposition qui a rompu latrêve, décidée mercredi soir, s’em-porte le porte-parole Iouri Miroch-nitchenko en conférence de presse.C’est clairement une tentative deprise du pouvoir par des moyens anti-constitutionnels. Le Président ne sou-haitait pas utiliser la force, vous avezvu qu’il s’est restreint pendanttrois mois ! Mais là, il n’avait plus lechoix.» Mercredi soir, le gouverne-ment avait lancé plusieurs opéra-tions dites «d’antiterrorisme»,autorisant les forces de l’ordre àperquisitionner, réquisitionner, ar-rêter, détenir et interroger à vo-lonté. «C’est insupportable d’enten-dre ce genre de discours quand on voittout ce qui se passe», fulmine l’in-firmière improvisée Maryna Bez :«Il faut qu’ils partent, il faut que çase termine. Le pays va finir à feu et àsang !» •

ANALYSE

Suite de la page 3

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 20144 • EVENEMENT

Page 5: Liberation

Pour le chef d’Etat au passé trouble, rien n’est plus important que son pouvoir, sa fortune et son clan.

Ianoukovitch, voyou devenu présidentV iktor Ianoukovitch est un homme qui

dit une chose et en fait une autre.C’est bien ce que les Ukrainiens qui

réclament son départ depuis trois mois lui re-prochent. Il leur avait fait croire qu’il enga-gerait son pays vers l’Europe, et il avaitmenti. Aujourd’hui, il se dit prêt à arrêterl’offensive des forces de l’ordre contre l’op-position, mais ses snipers continuent de tirersur les manifestants. A ses yeux, son pouvoir,son clan et sa fortune valent manifestementdavantage que quelques vies humaines.Yacht­club. Viktor Ianoukovitch est égale-ment un homme qui lâche rarement prise.Quand les manifestations contre son refus designer un accord d’association avec l’Unioneuropéenne ont commencé sur la place del’Indépendance, l’homme est resté discret.Il n’a pratiquement plus quitté sa résidence,une propriété de 137 hectares située à unequarantaine de kilomètres au nord de Kiev,sur les bords du Dniepr, qui abriterait, d’aprèsles médias ukrainiens, un palais de cinq éta-ges, une maison d’invités de trois étages, ungolf, un yacht-club, un champ de course etune piste d’atterrissage pour hélicoptère. Puisil a fait plusieurs voyages à l’étranger, rap-

portant de Chine, le 5 décembre, une pro-messe d’investissements de 8 milliards dedollars (5,8 milliards d’euros) et de Russie,le 17 décembre, la somme de 15 milliards, uneaide assortie d’une baisse du prix du gaz. As-sez pour ancrer en lui l’idée qu’il pourra tenirun an et financer, y compris à coup de haus-ses des salaires, la campagne pour sa réélec-tion, prévue début 2015,Balayé par la rue lors de la révolution orangede 2004-2005, Ianoukovitch est déjà revenudeux fois au sommet. En 2006 comme Pre-mier ministre de Viktor Iouchtchenko, prési-dent issu de la contestation mais enmal de majorité; la seconde en 2010,en remportant le second tour de laprésidentielle contre l’ex-Première ministreorange Ioulia Timochenko. L’homme a prouvéqu’il ne pardonnait jamais rien. L’égérie à latresse a été jetée en prison à l’issue d’un pro-cès qui fut un cas d’école de justice sélective.Et il refuse de la libérer, malgré sa santé dé-faillante, les condamnations de la Cour euro-péenne des droits de l’homme et les suppli-cations des leaders des pays européens.«En 2004, suite à une médiation européenne,il avait accepté de se soumettre à un troi-

sième tour de la présidentielle et il avait perdu.Alors, pour lui, accepter des élections antici-pées, c’est reconnaître sa faiblesse. Il va essayerde tenir jusqu’au dernier moment», expliquele politologue Volodymyr Fessenko.Prison. L’homme à la carrure massive doiten partie sa pugnacité à une enfance difficiledans une famille pauvre de l’est de l’Ukraine.Elevé par sa grand-mère, qui le prend encharge à la mort de sa mère alors qu’il a 2 ans,le jeune Viktor devient délinquant et passetrois ans en prison après deux condamnationspour vol et agression. Gouverneur de Do-

netsk en 1997 au terme d’une carrièred’apparatchik des affaires dans unerégion troublée par les règlements de

compte pour le contrôle des industries loca-les, il est encore aujourd’hui le «patron» dela zone, dont il a placé des hommes à tous lespostes d’influence. Et cette région d’industrielourde a besoin du gaz russe.L’influence de son clan politico-financier,qu’on appelle la «Famille» (comme celui deBoris Eltsine en Russie dans les années 90),irrite les Ukrainiens. Son pouvoir est plus fortque ne l’était celui de Léonide Koutchma(1994-2005), l’ancien chef d’Etat qui avait

voulu en faire son dauphin à la présidentiellede 2004. Son cercle est malgré tout restreint.Ses plus proches sont l’oligarque Rinat Akh-metov, l’homme le plus riche d’Ukraine, etson propre fils, Olexandre, dentiste de 40 ansdevenu l’une des plus importantes fortunesdu pays en trois ans. «On avait eu des prési-dents sous l’influence d’oligarques. Ianouko-vitch, lui, a décidé de devenir lui-même un oli-garque», fait ressortir Oleg Ribatchouk,militant d’action civique et ex-chef de l’ad-ministration de Iouchtchenko, qui souligneque «s’il perd en politique, il perd tout et, enplus, il va en prison».Ses détracteurs le voient comme un homo so-vieticus qui n’a plus sa place dans un mondenouveau. «Il y a quarante ans, il aurait pu êtreune sorte de semi-dictateur, mais les temps ontchangé, et il ne le comprend pas», dit Ribat-chouk. L’ancien voyou n’était pas à la basel’homme de Poutine. Mais il est prêt à tous lesarrangements avec la Russie, qui veut l’atti-rer dans une union douanière, s’ils peuventrenforcer sa position et sa fortune. Quitte àprovoquer la guerre civile et, à terme, l’écla-tement de son pays.

HÉLÈNE DESPIC-POPOVIC

PROFIL

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 EVENEMENT • 5

Page 6: Liberation

CoréeduNord:l’ONUfaceauxcampsdelamort

Le dessin ci­dessousreprésente

«l’interrogatoire enposition du pigeon». «Vosmains sont attachées de

telle sorte que votrebuste bascule en avant»,décrit Kim Kwang­il dans

son témoignage.«Parfois, on vomissait dusang.» Cette torture est

infligée en cas demauvaise réponse à un

interrogatoire, explique­t­il. «On nous donnait

80 grammes denourriture par repas,

voire moins. De lanourriture pourrie. On en

était réduits à mangerdes serpents que nous

trouvions. C’est terriblede dire ça, mais c’était ce

que nous faisions.»UNITED NATIONS

LES DESSINS DE LA TORTUREKim Kwang­il, un Nord­Coréen de 48 ans,

a passé près de deux ans et demi dansune prison du régime pour avoir tenté de

passer la frontière chinoise. Son récit aété mis en images par un dessinateur en2009 à l’occasion de la publication d’un

livre­témoignage à partir de son récit.Ci­contre, les «positions de la grue, de

l’avion et de la moto». Les détenus sontforcés à rester dans ces positions «jusqu’à

satisfaction du bourreau» ou «le tempsqu’un verre soit rempli de notre

transpiration». En août, il a témoignéauprès de l’ONU à Séoul des tortures qui

lui ont été infligées. UNITED NATIONS

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 20146 • MONDE

Page 7: Liberation

Les Nations uniesévoquent pour lapremière fois dans unrapport des «crimescontre l’humanité»,ouvrant la porte àune saisine de la Courpénale internationale.

Par PHILIPPE GRANGEREAUCorrespondant en Chine

«L a population des camps de prison-niers politiques nord-coréens estgraduellement éliminée par desprivations délibérées de nourriture,

le travail forcé, les exécutions, la torture, la vio-lence sexuelle, l’infanticide […], cela ressembleaux horreurs des camps établis par les Etats to-talitaires au XXe siècle.» Les Nations unies ont

rendu public, cette semaine àNew York, un épais rapportd’enquête dont la lecture est

éprouvante, en particulier ce chapitre consa-cré au goulag du régime communiste. Cetexte basé, sur quantité de té-moignages, évoque «les atro-cités sans parallèle dans lemonde contemporain» perpé-trées actuellement, et depuisplusieurs décennies déjà, parle pouvoir nord-coréen sur sapropre population. De ce fait,les dirigeants de la République populairedémocratique de Corée (DPRK, la Corée duNord), dont le «leader suprême», KimJong-un, pourraient être passibles de «cri-mes contre l’humanité» devant la Cour pénaleinternationale (CPI), souligne le directeur dela commission onusienne chargée durapport, le juge australien Michael Kirby.

«RELIGIEUX». La plupart des atrocités –cer-taines qualifiées d’«innommables» par le rap-port– ont de longue date déjà été énoncéespar les organisations de défense des droits del’homme internationales. La grande diffé-rence est que, cette fois-ci, elles sont quali-fiées de «crimes contre l’humanité» par un or-ganisme habilité à le faire. La Commissiond’enquête sur les droits de l’homme en Coréedu Nord a été mise sur pied en mars 2013 parle Conseil des droits de l’homme de l’ONU.Au bout d’un an de travail, celle-ci annonceofficiellement souhaiter que les responsables«rendent des comptes» pour des «crimes con-tre l’humanité» qu’elle énumère ainsi: «Ex-terminations, meurtres, esclavage, tortures,emprisonnements, viols, avortements forcés etautres formes de violences sexuelles, persécu-tions pour des motifs d’ordre politique, reli-gieux, racial ou sexiste, transfert forcé de popu-lations, disparitions forcées de personnes etactes inhumains causant intentionnellement unefamine prolongée.»«Trop souvent, aux Nations unies, les rapportsne sont pas suivis d’effet, insiste MichaelKirby. Eh bien cette fois, il faut agir. Personnene pourra dire: “On ne savait pas.”» Toutefois,la République populaire de Chine, qui a toutfait pour mettre des bâtons dans les roues des

rapporteurs onusiens pendant leur enquête,pourrait user de son droit de veto au Conseilde sécurité pour empêcher la saisine de laCPI. D’autant que l’allié chinois du régimenord-coréen est lui-même accusé de «com-plicité de crimes contre l’humanité» dans cemême rapport Kirby, car Pékin rapatrie deforce les Nord-Coréens qui se réfugient enChine. «Cette critique n’est pas recevable […],ces gens sont des immigrants illégaux et nondes réfugiés», a répliqué une porte-parole of-ficielle chinoise, en ajoutant que «traduire unpays devant la CPI n’aidera pas à améliorer lasituation des droits de l’homme de ce pays».La défiance de Pékin s’explique aussi du faitque la Chine s’est elle-même, dans le passé,rendue coupable de faits similaires à ceux quisont reprochés à Pyongyang, et que ce typede «crimes contre l’humanité» est imprescrip-tible au regard du droit international. Deson côté, Pyongyang a dénoncé ce «tissu demensonges» faisant partie d’un «complot»ourdi par ses ennemis, les Etats-Unis et laCorée du Sud.

KIDNAPPÉES. Le rapport Kirby s’étend endétail sur les enlèvements de citoyens étran-gers par le régime nord-coréen, au Japon, enCorée du Sud, en Chine, mais aussi ailleursdans le monde. Autour des années 70-80, desdizaines de femmes, dont des Françaises,auraient été kidnappées à Singapour ou àHongkong, puis acheminées par bateau enCorée du Nord ; d’autres ont été attirées à

Pyongyang par divers stratagèmes, dans lebut d’assurer la formation linguistiqued’espions ou pour servir d’épouses à desétrangers eux-mêmes détenus en Corée duNord. Ces kidnappings d’étrangers consti-tuent, eux aussi, selon l’ONU, des «crimescontre l’humanité», car les ordres viennent dusommet de l’Etat. Les dernières disparitionsmentionnées sont celles, relativement récen-tes, de citoyens sud-coréens enlevésen Chine.La Corée du Nord, observe le rapport Kirby,«opère une machine d’endoctrinement à la-quelle la population est soumise depuis l’en-fance, qui propage un culte de la personnalité etune obéissance absolue au leader suprême». Lapopulation est divisée en 51 catégories selonleur loyauté supposée à la dynastie Kim. Lacroyance officielle dans la «pureté de la racecoréenne» fait que toutes les Nord-Coréennesqui sont rapatriées, généralement par la con-trainte, après avoir effectué un séjour enChine, sont soumises à des avortements for-cés. Entre 80000 et 120000 personnes sontdétenues dans quatre grands camps de pri-sonniers politiques, appelés kwanliso («sitesde contrôle»), estime le rapport Kirby. Unmot de travers suffit parfois pour être con-damné, et les détenus sont généralement en-voyés avec toute leur famille, sur trois géné-rations, ce qui fait que de nombreux enfantssont incarcérés jusqu’à leur mort. Les corpsdes morts sont brûlés, et servent parfoisd’engrais. D’anciens gardes qui ont fui en Co-rée du Sud affirment qu’ils ont ordre, «en casde guerre ou de révolution», «d’éliminer» tousles prisonniers et «d’effacer toutes les preu-ves» de l’existence de ces goulags. •

RÉCIT

La Chine pourrait user de son droit de vetoau Conseil de sécurité pour empêcherla saisine de la Cour pénale. Elle est aussiaccusée de «complicité de crimes contrel’humanité» dans ce même rapport Kirby.

REPÈRES

200 km

CORÉEDU SUD

CHINE

CORÉE DU NORD

Hamhung

Chongjin

Kanggye

Wonsan

Sariwon

Sinuiji

Pyongyang

Séoul

Camps présumés de prisonniers ordinairesCamps de prisonniers ordinaires (Kyohwaso)Camps de prisonniers politiques (Kwanliso)

Sour

ce: N

atio

ns u

nies

«Ils nous amenaientaux exécutions publiquescomme à un pique-nique.»Un Nord­Coréencité dans le rapport de l’ONU

«Vous n’êtes plus deshommes, mais des animauxrampants.»Un garde de camp de prisonniers à undétenu cité dans le rapport de l’ONU

320C’est le nombre de témoins et resca­pés nord­coréens interviewés par lesNations unies pour élaborer le rapportrendu public cette semaine à New York.Plus de 80 témoins ont été entenduslors d’audiences publiques qui se sonttenues à Séoul, Tokyo, Londres etWashington, et 240 entretiens confiden­tiels ont été réalisés par les enquêteursde l’ONU.

KIM JONG­UNLe «leader suprême» nord­coréen, 31 ans,a remplacé son père, Kim Jong­Il, morten 2011, qui avait lui­même succédé à KimIl­sung, mort en 1994. En janvier 2013, il aformulé le vœu de la fin de confrontationavec Séoul. En décembre, il a fait exécu­ter son oncle, numéro 2 du régime, pour«actes contre­révolutionnaires».

WEEK­END

DEMAIN EN KIOSQUE

avec:MONDE Voltaire croise l’islam aux EmiratsÉCONOMIE Colorado, la ruée vers l’herbeIDÉES Entretien avec Laurence FontaineCULTURE Copi non conformeNEXT Dorothée Meilichzon, femme d’intérieurs

...ettoutel’actudujour!

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 MONDE • 7

Page 8: Liberation

D epuis la cage grilla-gée, l’Australien PeterGreste adresse un si-

gne de la main à son frère,visiblement tendu. Ce repor-ter chevronné, habituelle-ment basé au Kenya, porte latenue blanche des prison-niers. A ses côtés, ses collè-gues d’Al-Jezira English,l’Egypto-Canadien Moha-med Fahmy, chef du bureaudu Caire, et l’Egyptien BaherMohamed. Cinq autres déte-nus sont présents dans lebox. Au moins deux sont desétudiants, accusés d’avoirtransmis des images à lachaîne qatarie. «Nous avonsété arrêtés à un barrage puisattachés trois jours, battus etélectrocutés», affirme Sou-hayer Saad.Insectes. Au total, 20 per-sonnes, dont 8 incarcérées,sont mises en cause.16 Egyptiens, accusés d’«ap-partenance à une organisationterroriste» et «d’atteinte àl’unité nationale», et 4 étran-gers, pour collaboration avecce «groupe terroriste» en luifournissant argent, équipe-ment et informations.

Arrêtés le 29 décembre, lestrois journalistes ont été dé-tenus des semaines dans desconditions difficiles. Isole-ment, cellules infectéesd’insectes… Début février, ilsont été transférés dans lequartier VIP de la prison deTora, dans le sud du Caire, oùs’est ouvert le procès.«Maintenant, nos conditionsde détention sont correctes, ditMohamed Fahmy. Mais psy-chologiquement, c’est insup-portable. Vingt-trois heurespar jour dans une cellule, sanslivre ni journal…» Blessé àl’épaule avant son interpel-lation, il n’a pas eu accès àdes soins.Pour Al-Jezira English, cettesituation est une première.«Nos journalistes ont déjà étéarrêtés mais jamais détenusaussi longtemps», assure ladirectrice de l’information,Heather Allan. Saluée pour sacouverture des révolutionsarabes en 2011, la chaîne estaujourd’hui conspuée enEgypte. Le média qatari estaccusé d’être devenu la voixdes Frères musulmans, con-sidérés comme une organisa-

tion terroriste. «Il faut distin-guer Al-Jezira en arabe,Al-Jezira Live Egypte et Al-Je-zira English, précise Adel Is-kandar, auteur d’ouvragessur la chaîne. Cette dernièreest la plus professionnelle et laplus neutre. Al-Jezira Egypte,en revanche, promeut l’idéolo-gie des Frères. Et lorsqu’il y ades centaines de manifestantspro-Morsi, elle parle de milliersou de dizaines de milliers.»Prix. Adel Fahmy est per-suadé que son frère paie leprix de cette couverture.«Toute cette affaire vient dufait qu’il s’agit d’Al-Jezira»,assure-t-il. Heather Allanacquiesce : «On peut ne pasêtre d’accord avec le travail denotre chaîne sœur, mais unedifférence d’opinion ne devraitpas être un crime. Ici, de plusen plus de journalistes sontemprisonnés.» Malgré sonajournement, Andrew Gresteest soulagé que le procès soitlancé. «Nous nous sommespréparés à une longue épreuve.Ce procès peut être équitable»,souffle-t-il.

Intérim au CairePERRINE MOUTERDE

EnEgypte,retourdeflammepourAl-JeziraPROCÈS Trois journalistes de la chaîne sont poursuivispour collaboration avec un «groupe terroriste».

La «newsroom» de la chaîne qatarie Al­Jezira English, à Doha. PHOTO FADI AL­ASSAAD. REUTERS

Par MICHEL TAILLE

Le Président fait tombercinq généraux «ripoux»

O fficiellement, le géné-ral Leonardo Barrero,chef d’état-major de

l’armée colombienne, a étélimogé parce qu’il était gros-sier. Dans un enregistrementrendu public dimanche parl’hebdomadaire Semana,l’officier évoque la justice deson pays en termes choisis :«Faites une mafia pour dénon-cer les juges d’instruction ettoute cette connerie !» con-seille-t-il à un subalterne in-carcéré. Deux jours après larévélation, le président libé-ral, Juan Manuel Santos, a or-donné son départ «à cause deses expressions irrespectueu-ses». Cinq généraux hautsplacés sont tombés avec lui,dans une affaire qui dépassede loin les règles d’étiquette.

Selon les enregistrements ju-diciaires révélés par le maga-zine, un réseau de corruptioninterne s’était organisé ausein de l’armée de terre, aubénéfice d’officiers impli-qués dans des assassinats decivils. Ces derniers sont ac-cusés d’avoir fait exécuterdes paysans pour les présen-ter comme des guérillerosmorts au combat, afin d’ob-tenir primes et avancement.Au moins 2 000 cas de cesmeurtres maquillés reposentdans les tiroirs de la justice.Les bandes audio dévoilentune autre de leur source definancement. Des contrats defourniture de matériel etd’intendance étaient arbi-trairement attribués à desentreprises liées à ces mili-taires «ripoux». Leur sur-facturation, dans des con-trats de plusieurs millionsd’euros, permettait aux gra-dés impliqués de rémunérerleurs avocats, d’acheter le si-

lence de sous-officiers té-moins des exécutions ou,tout simplement, de se payerdes appartements. Le cas leplus illustre est celui du colo-nel Róbinson González delRío, impliqué dans la mortd’au moins deux paysans.C’est à lui que s’adressaientles conseils très concrets quiont fait chuter le chef d’état-major. La plupart de ses con-versations portent sur l’attri-bution des contrats: l’officierles négocie auprès des géné-raux, lutte contre la concur-rence d’autres collègues im-pliqués dans les assassinatsde civils, etc. Les enregistre-ments montrent une solida-rité de corps sans faille desresponsables de l’armée deterre avec leurs collègues ac-cusés de meurtres. «Tout ceque vous dites que vous pouvez[nous vendre], je vous l’attri-bue», lui aurait assuré un gé-néral chargé de signer lescontrats.

Pour l’armée de terre, ils’agit du deuxième scandaleen moins d’un mois. Fin jan-vier, Semana avait déjà révéléles travaux obscurs d’un bu-reau des services secrets mi-litaires : il aurait interceptéles communications des né-gociateurs du pouvoir avec laguérilla marxiste des Farc,qui discutent à Cuba les ter-mes d’un accord de paixaprès un demi-siècle de con-flit. Aujourd’hui, le présidentSantos clame sa «sévérité»contre «ceux qui s’enrichis-sent ou permettent la corrup-tion». Face à «toute cette con-nerie», et à trois mois del’élection présidentielle, rienne sera de trop pour rétablirune autorité malmenée par latroupe. •

VU DE COLOMBIE 1656personnes sont mortesdepuis trois ans des suitesdu tsunami qui a dévastéla province japonaisede Fukushima en 2011,victimes de complicationsde santé. C’est plus quele nombre de personnestuées sur le coup,le 11 mars 2011 (1607 morts).A ce tableau, il faut ajoutertous ceux qui ont étédéplacés de force, quel’on compte par dizainesde milliers.

Menacée de destitution,la Première ministrethaïlandaise, Yingluck Shi­nawatra, a clamé son inno­cence hier, après l’annoncepar la commission anticor­ruption (Nacc) de sa pro­chaine inculpation. La Nacclui reproche d’avoir ignorédes faits de corruptionet des pertes financièresimportantes dans le cadredu programme d’aide auxriziculteurs, qui a conduit legouvernement à acheter lacéréale jusqu’à 50% au­dessus du prix du marché.Cette mesure avait contri­bué à la large victoire deShinawatra aux électionsde 2011. Ses détracteursaccusent le programmed’avoir fait perdre à laThaïlande sa place de pre­mier exportateur mondialde riz, tout en entraînantune corruption massiveportée à coups de finance­ments publics. La crisepolitique dans le pays a fait16 morts ces dernièressemaines, et les électionslégislatives du 2 févriern’ont pas réussi à apaiserles tensions. PHOTO REUTERS

THAÏLANDE :YINGLUCKSHINAWATRAMISE EN EXAMEN

LES GENS

FLORIAN DELORME DU LUNDI AU VENDREDI / 11H-12H

AVEC LA PARTICIPATION CHAQUE VENDREDI D’UN JOURNALISTE DE LIBÉRATION

franceculture.fr

en partenariat avec

FC CM libé.indd 1 18/09/13 11:37

«[La politique américaine en Syrie]encourage les extrémistes qui financentle terrorisme et fournissent des armesaux organisations et groupes terroristes.»Sergueï Lavrov le ministre russe des Affaires étrangères,lors d’une visite à Bagdad, hier

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 20148 • MONDEXPRESSO

Page 9: Liberation

André Hazout, le 4 février, avec son avocate Me Toby. PHOTO LIONEL CHARRIER. MYOP

«Pourquoi lesgrandsgynécologuesfrançaisn’ont-ilsrienditauDr Hazout?»Le célèbre médecin a été condamné hier à huit ans de prison pour viols et agressionssexuelles. Dans le milieu hospitalier, ses pratiques de «harceleur» étaient connues.

P as de harcèlement, maisdes agressions sexuelles.Pas de gestes déplacés,mais des viols. Hier, le

docteur André Hazout a été con-damné par la cour d’assise de Parisà huit ans de prison. Le célèbre gy-nécologue, poursuivi par cinq deses patientes et condamné égale-ment à une interdiction définitived’exercer, est reparti menotté de lasalle d’audience. Son avocatMe Francis Spizner a fait appel. «Lacontrainte ne peut pas résulter du seulfait d’être devant un médecin», avaitplaidé quelques heures plus tôtMe Spizner. «Ces femmes sont ma-jeures, ce ne sont pas des enfants, el-les avaient la capacité d’opposer unrefus», a-t-il poursuivi, avant dedémonter les quatre accusations deviol, en insistant sur les relationsambiguës qu’entretenait le méde-cin avec ses patientes, dont l’une areconnu «être tombée amoureused’Hazout».Au-delà de la question de la res-ponsabilité directe du médecin, unsentiment de gêne a entouré ce pro-cès, lié au silence pesant du milieumédical. L’audience n’a pas permisde lever le voile, laissant intactes lesmêmes ambiguïtés, qu’aucune despersonnalités fortes de la médecinedes années 80 aux années 2000 n’alevées, se bornant à répéter l’ab-sence de preuves flagrantes. A l’is-sue de près de trois semai-nes de procès la questiondemeure: comment ce mi-lieu a-t-il supporté aussi longtempsles attitudes de leur confrère Ha-zout? La semaine dernière, le pro-fesseur René Frydman, père scien-tifique du premier bébé-éprouvette,et longtemps patron d’André Ha-zout, est venu témoigner. La coura été très respectueuse devant cegrand médecin. «C’est un désastredéontologique», a martelé Frydman,avant de dénoncer «des carences del’institution».Une jolie formule, mais cela rend-ilcompte de la réalité ? René Fryd-man connaît par cœur le Dr Ha-zout, son ami depuis quarante ans,ils ont été ensemble internes à l’hô-pital Bichat. Il a raconté les bellesannées de «la dream team», autourdu professeur Emile Papiernik, quidonnera naissance à Amandine, lepremier bébé conçu grâce à la tech-nique de la fécondation in vitro(FIV). Il a expliqué comment ils ontpoursuivi leurs relations à l’hôpital

Antoine-Béclère (Clamart) ; lui,Frydman, dirigeant l’unité de gy-nécologie, tandis que le Dr Hazoutintervenait comme assistant. «No-

tre relation était amicale maiselle n’est jamais passée dansle domaine de l’intime», a

concédé René Frydman qui remet-tra à son collaborateur la légiond’honneur en 2006, alors que l’en-quête policière avait déjà com-mencé.

«JOVIAL». L’attitude de René Fryd-man reste un mystère. Ce profes-seur est chaleureux, très intuitif, etpar bien des côtés exceptionnel. Ila été destinataire de plusieursplaintes visant. A la barre, RenéFrydman a expliqué l’avoir convo-qué à deux reprises dans son bureauson ami, précisant que les faits re-prochés étaient alors, à ses yeux,«des gestes déplacés, des tutoie-ments», mais en aucun cas «desagressions sexuelles». «André Ha-zout était quelqu’un d’extraverti, dejovial et d’expansif», a-t-il ajouté.«Il n’a pas nié les faits mais les a mi-nimisés, les présentant comme de lafamiliarité, des signes de compassionpour ses patientes. Je lui ai demandé

de ne pas continuer et il en a prisl’engagement.» René Frydman anoté, aussi, que tous les faits repro-chés ont eu lieu dans le cabinetprivé du Dr Hazout. Et il a mis encause la passivité du conseil del’ordre des médecins, dénonçant«les carences» des organismes quiauraient dû répondre aux patientes,avant d’évoquer un «désastre déon-tologique».

Il n’y aurait donc aucune compli-cité médicale, ni indifférence.

STAFF. Dans son propre service,l’attitude du Dr Hazout était connuede tous, non pas en tant que «vio-leur» mais comme «harceleur». Etle harcèlement, dans un service degynécologie-obstérique n’est pasanodin. «Dans les réunions de staffchez Frydman, si Hazout était là, tou-

tes les femmes sortaient. Aucune nevoulant rester dans le même lieu quelui», raconte une ex-chef de clini-que, désespérée du silence actuel.«Entre nous, il était connu comme leloup blanc, à aucun prix on ne prenaitl’ascenseur seule avec lui», raconteune autre gynécologue. Une autre,encore: «Quand je suis arrivée à An-toine-Béclère, une gynécologue de re-nom, proche de Frydman, m’a tout desuite mise en garde, me disant “Ha-zout, c’est le diable !” Evidemment,on n’imaginait pas entre nous qu’ilpouvait y avoir des viols, mais c’étaitarchiconnu de toutes. Pourquoi lesgrands gynécologues français ne luiont-ils rien dit» ? Cette version-làn’a pas émergé du dossier.Venu témoigner également, le pro-fesseur François Olivennes, quipartageait le cabinet privé d’Ha-zout, n’a rien vu, non plus. Al’audience, il a expliqué être«tombé de l’échelle» en apprenantles faits reprochés à son ex-associé.Reste dans toutes les librairies mé-dicales un livre de référence pourles étudiants: Assistance médicale àla procréation. Signé par René Fryd-man, André Hazout, et FrançoisOlivennes. •

Par ÉRIC FAVEREAUavec VIOLETTE LAZARE

RÉCIT

6patientes ont été reconnuesvictimes d’un viol ou d’uneagression sexuelle par AndréHazout au procès de celui­ci.

REPÈRES

«[Ces patientes] étaient dans un état desidération le plus total: il se passe quelquechose, mais on ne peut pas l’empêcher.»Annie Grenier avocat général, mercredi lors de ses réquisitions

Décryptage La définitiondu viol, une longue cons­truction juridique, retourhistorique sur l’évolutiondans le droit.

• SURLIBÉRATION.FR

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

FRANCE • 9

Page 10: Liberation

WantedDieudonné: latraquededeuxfrancs-tireursdel’infoUn ex-paparazzi et le patron d’un site ont pris pour cible l’«humoriste»et son entourage et utilisent tous les moyens pour le mettre hors jeu.

S ur les talons de Dieudonné,il y a la justice, le ministre del’Intérieur et quelques asso-ciations antiracistes. Il y a

aussi, et c’est moins connu, deuxfrancs-tireurs aux méthodes peuorthodoxes: Jean-Claude Elfassi etJonathan-Simon Sellem, qui aga-cent et intriguent dans le camp dupolémiste condamné six fois pourantisémitisme. Le premier, un ex-paparazzi plein aux as, s’est vu no-tifier une citation directe pour «in-jures publiques» à l’encontre deNoémie Montagne, la compagne deDieudonné ; une procédure simi-laire est envisagée à l’encontre dusecond, «journaliste sioniste»,comme il se définit.C’est sur Internet qu’exercent,

chacun de leur côté, les deux hom-mes. Depuis fin décembre, Elfassia publié sur son site de nombreuxdocuments confidentiels liés àDieudonné ou à son entourage :échanges de mails, liste de dona-teurs ou encore relevés bancaires.Plusieurs de ces informations ontété confirmées et reprises par lesmédias. Comme le fait que le théâ-tre de la Main d’or, QG de «l’hu-moriste», ne dispose pas de licenced’exploitation; ou encoreque les propriétaires,identifiés par Elfassi,souhaitent expulser leur encom-brant locataire. «Je ne savais pres-que rien de Dieudonné, assure-t-il,c’est une amie qui m’a parlé de sespropos. J’ai aussitôt décidé de m’yattaquer.» Après vingt-huit ans decarrière dans l’investigation et lapresse people, l’homme dispose

d’un bon réseau d’informateurs, etd’une certaine aisance matérielle.

PIRATAGE. «Travaille moins et gagneplus en me donnant tes infos», an-nonce son site. «Je vais vers les gensqui ont ce que je cherche et propose depayer, assume-t-il. Pour l’instant,l’affaire Dieudonné m’a coûté10000 euros.» A l’occasion, Elfassine recule pas devant le piratage in-formatique. Ni devant d’«amica-

les» pressions, comme ilreconnaît en avoir exercésur les propriétaires de la

Main d’or, hommes d’affaires juifssoucieux de discrétion, pour lespousser à l’action. Toutefois, il re-fuse d’être présenté en défenseurd’une communauté : «Je suis juif,mais je ne m’identifie pas à une reli-gion, un groupe ou un Etat, jure ceFranco-Israélien, qui aurait effec-

tué son service en Israël. Je n’aimême jamais voté de ma vie.»C’est aussi en franc-tireur qu’il a,le plus souvent, exercé son métierde journaliste. Du reportage deguerre à la presse people en passantpar l’investigation, Elfassi a roulé sabosse – avec succès, mais sanségards excessifs pour la déontolo-gie. «Dans les années 90, lors desattentats à Paris, j’étais le seul à pas-ser derrière les cordons policiers pourfilmer les victimes», se targue-t-il.Au début des années 2000, il selance à la poursuite d’Alfred Sirven,l’ex-numéro 2 d’Elf, en cavale auxPhilippines. Là aussi, astuce et dis-tribution de billets font merveille:«Je le manquais de peu à chaque fois.Il a plus tard confié au juge qu’il pen-sait avoir un tueur aux trousses.»En 2011, Elfassi, 45 ans, a pris sa re-traite. Il vit en Savoie, se consacre

au ski, et alimente son blog descoops people.Dans le camp de «l’humoriste», ona bien identifié l’adversaire. «Il tra-vaille pour la police, estime IsabelleCoutant-Peyre, avocate de NoémieMontagne, la compagne de Dieu-donné. On dirait que c’est lui qui ali-mente le parquet.» Violemmentprise à partie par Elfassi sur sonsite, Noémie Montagne a portéplainte contre le photographe pourdiffamation et injures. En effet, lespublications sont souvent accom-pagnées d’envolées virulentes àl’égard de Dieudonné (qualifié de«gourou raciste et sodomite»,«membre du Hezbollah»), de sonépouse («qui la veut la prend») et deson public (une «secte de porcs»).Des propos à connotation franche-ment raciste, lorsque Dieudonné estassocié aux mots «bananes», «ca-cahuètes», «singe» et «cage». «Cen’est pas du racisme, car je ne m’at-taque qu’à Dieudonné et pas à ungroupe, jure Elfassi. Je ne fais que re-tourner ses armes contre lui. Et puis,sans ces provocations, mes informa-tions passeraient inaperçues.»Quand s’arrêtera-t-il ? «Après ladestruction totale du système Dieu-donné», répond-il simplement.

CONTRÔLE. L’autre croisé s’appelleJonathan-Simon Sellem, 31 ans,animateur principal de JSS News,un site crée en 2008 et basé à Tel-Aviv. A plusieurs reprises, des do-cuments bancaires et comptablesdu couple M’bala M’bala-Montagneet de leurs collaborateurs y ont étépubliés. Simon Sellem se targued’être à l’origine du contrôle fiscalessuyé le 4 février par les Produc-tions de la plume, la société de Noé-mie Montagne. Outre le fait que lelien de cause à effet soit faux – lecontrôle a été déclenché après unsignalement de Tracfin– JSS Newsne s’embarrasse d’aucun équilibredans son traitement journalistiquede l’affaire Dieudonné. Les avocatsde celui-ci ne sont jamais cités et lahache de guerre est brandie :«Dieudonné, tu ne seras jamais unmartyr. Tu ne seras pas un héros. Tonnom sera maudit dans l’histoire, parl’histoire.» Auparavant, Sellem avaitfréquenté le supplément économi-que du Monde et Actualité Juive. Ins-tallé depuis 2006 en Israël, il s’estprésenté en 2013 dans la huitièmecirconscription des Français del’étranger. Il devait faire attelageavec la comédienne Véronique Ge-nest avant que celle-ci ne soit rem-placée par le documentariste AlexJordanov. Avec l’investiture duParti libéral démocrate (PLD), quia rejoint l’UDI en 2013, «JSS» n’arecueilli que 6,7%. Contacté à plu-sieurs reprises, Jonathan-SimonSellem est resté injoignable. •

Par DOMINIQUE ALBERTINIet WILLY LE DEVIN

ENQUÊTE

Jean­Claude Elfassi est né le19 août 1965. Il a travaillé pour lachaîne télévisée «la 5», àFrance 2, puis comme journalisteindépendant. Dans les années2000, il se spécialise dans lesinfos people, avant de prendreune retraite précoce dans lesAlpes.

REPÈRES «J’utilise des disciples,des gens qui viennentsur mon blog et veulenttravailler pour moi.Ils peuvent être flics,fonctionnaires…»Jean­Claude Elfassi en avril 2012FR

EDER

ISO

ULO

Y.G

AM

MA

Jonathan­Simon Sellem est néle 25 février 1983. De 2004 à2006, il est stagiaire à la Télévi­sion française juive (TFJ). Durantle conflit israélo­libanais de 2006,il publie le Plaidoyer contre ladésinformation où il dénonce lapropagande des médias françaisà l’encontre d’Israël.E.

BERN

AU

X.S

TARF

ACE

Le théâtre de Dieudonné, à Paris, le 3 janvier. PHOTO BENOÎT GRIMBERT

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201410 • FRANCE

Page 11: Liberation

NovaTunes2.9Drake + Flight Facilities & Micky Green + Boardwalk

+ Asgeir + Son Lux + Rivière Noire + Jaqee + RJD2

+ Emiliana Torrini + Kelela + Bigott + Juniore + Royal

Canoe + Moh ! Kouyaté + Marian Hill + et bien d’autres...

Le meilleur du Grand Mix

Serge Dassault, 88 ans, est ressorti libre hier soir de sagarde à vue dans les locaux de l’Office central de luttecontre la corruption et les infractions financières et fisca­les, à Nanterre. L’avionneur, soupçonné d’achat de votesà Corbeil­Essonnes, sera convoqué ultérieurement parles juges d’instruction financiers de Paris, GuillaumeDaïeff et Serge Tournaire, en vue de sa mise en examen.Les juges enquêtent sur un système d’achat de voix lorsdes élections municipales de 2008, 2009 et 2010. Lesmagistrats évaluent à 7 millions d’euros les mouvementsde fonds suspects ayant pu servir à rémunérer des élec­teurs ainsi que des hommes de main de Serge Dassault.L’enquête a établi que des sommes ont été versées àplusieurs de ces «rabatteurs» via des sociétés basées auLiban. L’actuel maire (UMP) de Corbeil­Essonnes, Jean­Pierre Bechter, ainsi que sa deuxième adjointe, ont déjàété mis en examen, notamment pour «financement illicitede campagnes électorales». PHOTO REUTERS

SERGE DASSAULT ESTLIBRE… EN ATTENDANTLA MISE EN EXAMEN

400000euros, c’est le montant du braquage, mercredi soir, dedeux commissaires­priseurs devant l’hôtel des ventesDrouot, à Paris. Quatre malfaiteurs, surgissant à moto,leur ont arraché des mallettes remplies de bijoux devaleur. Selon les enquêteurs les auteurs du vol bénéfi­ciaient de renseignements.

L es avocats du jeunecambrioleur de 17 anstué par un buraliste

près de Toulouse en 2009 es-timent que la décision ren-due hier est «normale». Enfin de matinée, la cour d’ap-pel de Toulouse a confirmé lerenvoi du commerçant de-vant une cour d’assises, où ilsera jugé pour meurtre ettentative de meurtre. Il avaitabattu en pleine nuit Jona-than, désarmé, d’un coup defusil tiré à moins d’un mètrede distance, dans son éta-blissement. En clair, au re-gard du dossier, les magis-trats n’ont pas considéré quela légitime défense devaitêtre retenue.Lors de l’audience devant lacour d’appel, fin janvier, leparquet général (lire Libéra-tion du 31 janvier) avait pour-tant, contre toute attente,soutenu la thèse adverse : ilavait estimé que le commer-çant, qui avait pourtant pré-paré une sorte de guet-apensen se procurant des cartou-ches dans les jours précédant

le drame et en installant unlit de camp devant des fenê-tres de son commerce, avaitagi en situation de légitimedéfense. Un non-lieu avaitdonc été requis.«La légitime défense ne peuttenir que face à une situationimprévue, ce qui n’était pas lecas», rappelle Me Simon Co-hen, l’un des avocats de lafamille de Jonathan. D’après

l’enquête menée par les ju-ges, le buraliste avait décou-vert quelques jours avant lesfaits que les barreaux de soncommerce avaient été sciés.Il avait ensuite décidé deguetter l’intrusion des vo-leurs en s’installant un lit defortune. Il s’était égalementprocuré une arme. Prévenudu cambriolage grâce à unpiège artisanal (un fil tendu

entre deux chaises), le com-merçant était allé chercher lefusil à l’étage, puis s’était di-rigé vers les cambrioleurs,deux lycéens encore jamaiscondamnés. Il avait d’abordtiré sur Jonathan, puis en di-rection de son ami, qui avaitréussi à prendre la fuite. «Cerenvoi permet au moins de ré-tablir les faits, en rappelantque la réponse était dispropor-

tionnée», ajouteMe Patrick Mai-sonneuve, autredéfenseur de lapartie civile.L’avocat du bu-raliste, Me Geor-ges Catala, n’a

pu être joint hier. Après avoirfait appel du renvoi de sonclient, ce dernier avait faitvaloir qu’à «2 heures du ma-tin, les gens ont le droit de pa-niquer. Il a agi pour se défen-dre, il ne pouvait pas devinerles intentions des cambrio-leurs, qui ont pris le risque des’introduire dans une maisonhabitée».

VIOLETTE LAZARD

LeburalistedeToulouseserajugépourmeurtreJUSTICE Un non-lieu avait pourtant été requis pourle commerçant, qui a tué un cambrioleur en 2009.

LES GENS

Admise à l’hôpital Cochin pour une plaie au pied, elle y est décédée. Après le dramesurvenu à une patiente de 61 ans samedi dernier, l’Assistance publique­hôpitaux deParis (AP­HP) a ouvert une enquête interne afin de déterminer si des négligences ontété commises par les personnels de l’établissement. Selon la ministre de la Santé, Mari­sol Touraine, le résultat devrait être connu la semaine prochaine. La victime avait ététransférée à Cochin à 16h50, et a été retrouvée décédée vers 23 heures dans une salled’attente. Auparavant une infirmière avait mesuré sa pression artérielle et sa fréquencerespiratoire sans juger nécessaire l’intervention rapide d’un médecin. Hier, le directeurgénéral de l’AP­HP, Martin Hirsch, et plusieurs médecins du groupe hospitalier ontinsisté sur le fait que le service n’était pas plus sollicité que d’habitude samedi et que leseffectifs étaient suffisants. Cochin absorbe cependant une partie des urgences depuisla fermeture de l’Hôtel­Dieu en novembre. La famille de la patiente n’a pas portéplainte. PHOTO KENZO TRIBOUILLARD. AFP

HÔPITAL ENQUÊTE APRÈS UN DÉCÈS AUX URGENCES

«Ce renvoi permet au moinsde rétablir les faits, enrappelant que la réponseétait disproportionnée.»Me Maisonneuve avocatde lapartiecivile

Par la voix de son avocat,l’ancien policier municipalinterpellé mardi dansle cadre de l’enquête surla tuerie de Chevaline(Haute­Savoie) «contestetoute participation» dansce quadruple meurtre. «Ildit qu’il n’est pour rien dansl’affaire. Il dit qu’il n’a pasfréquenté les lieux [ducrime] ce jour­là», a déclaréMe Marc Dufour, dont leclient est toujours en gardeà vue à la gendarmerie deChambéry. Une informa­tion judiciaire pour traficd’armes va cependant êtreouverte, dans le cadrede laquelle il devrait êtredéféré avec un ami,passionné d’armes commelui, également interpellémardi après avoir tentéd’échapper aux gendar­mes. «Le trafic, il ne pourrapas le contester, a aussiestimé Me Dufour. Il aune quantité importanted’armes de la Première etSeconde Guerre mondiale.C’est une encyclopédieen la matière.»

CHEVALINE :LE SUSPECT «N’YEST POUR RIEN»

L’HISTOIRE

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 FRANCEXPRESSO • 11

Page 12: Liberation

A ccusant un retardcertain par rapport àl’Allemagne ou à la

Grande-Bretagne, la Franceest décidée à mettre les bou-chées doubles en matière decyberdéfense. C’est le mes-sage qu’est venu délivrer,hier, le Premier ministre,Jean-Marc Ayrault, à l’occa-sion d’une visite des locauxde l’Agence nationale de lasécurité des systèmes d’in-formation (Anssi), à Paris.«Depuis 2010, c’est plusd’une centaine d’attaques degrande ampleur que l’Anssi aété amenée à traiter, a-t-il re-levé. Bien des fois, les atta-quants avaient pris le contrôletotal du système d’informationvisé.» «Notre hantise, c’est lesabotage, reconnaît un hautresponsable. En perturbantles systèmes du trafic aérien,on peut faire tomber unavion.» En 2009, un jeunePolonais avait provoqué ledéraillement d’un tramwayà l’aide d’une simple télé-commande à infrarouges. Al’été 2012, 30 000 ordina-teurs du principal exporta-teur mondial de pétrole, lasociété saoudienne Aramco,ont été paralysés par une at-taque, imputée à des as-saillants iraniens.«Défiguration». En France,la prise de conscience de cedanger date du Livre blancde 2008, dans lequel il estpour la première fois men-tionné en toutes lettres. Cinqans plus tard, le nouveau Li-vre blanc de la défense et dela sécurité nationale classe ce

risque d’attaque contre lessystèmes d’information desadministrations ou d’uneentreprise stratégique (typeEDF, SNCF ou Areva) justederrière celui d’un conflitarmé et du terrorisme.«Tous les jours, nous faisonsface à des attaques plus ou

moins importantes, précise ledirecteur de l’Anssi, PatrickPailloux. C’est devenu unmoyen de protestation.» Lesagressions les plus fréquen-tes restent les attaques de«défiguration», consistant àmodifier subrepticement unepage d’accueil sur un site.Mais, l’an dernier, l’Anssi atout de même répertorié unetrentaine d’attaques à carac-tère d’espionnage.Pour y faire face, l’agence decyberdéfense créée il y aquatre ans dispose demoyens en hausse constante.Ses effectifs vont passerde 350 agents à 500 «à l’ho-rizon 2015», selon Ayrault.L’Anssi recrute des têtes bienfaites, des «bac plus beau-coup», dixit Patrick Pailloux.Moyenne d’âge : 32 ans.Se définissant comme un«pompier d’Internet», l’Anssia mis en place une cellule deveille, une autre structure estchargée de la détection, parle biais d’une vingtaine de

sondes positionnées sur desnœuds stratégiques desprincipaux sites de l’admi-nistration. L’agence possèdeaussi des «capacités de pro-jection» : des équipes peu-vent être envoyées sur unsite victime d’une attaque.«Leur tâche est d’abord de

comprendre oùsont les pirates,comment ilsagissent et oùils sont instal-lés, avant de lesmettre dehors etde nettoyer le

système après l’avoir débran-ché sur un délai le plus courtpossible», détaille PatrickPailloux.Prévention. Mais alors quele pompier s’avoue «sub-mergé» par la multiplicationdes attaques, le gouverne-ment veut agir dans le do-maine de la prévention. Ladernière loi de programma-tion militaire, adoptée l’andernier, oblige ainsi les«opérateurs d’importance vi-tale» à respecter les règles desécurité édictées par l’Anssiet à lui notifier toute formed’attaque. Le Premier minis-tre a, par ailleurs, demandéle chiffrement «systémati-que» des réseaux de l’Etat.Une initiative qu’il préconiseaussi pour les «messageriesnationales» afin de garantir«l’inviolabilité des correspon-dances». Un objectif qu’ilsera difficile d’atteindre,comme l’a montré l’affaireSnowden.

THOMAS HOFNUNG

Cyberdéfense: l’Etatcontre-attaqueSÉCURITÉ Le Premier ministre a visité, hier, l’agenceprotégeant administrations et entreprises stratégiques.

Suite à une plainte duMrap, l’écrivain et idéolo­gue d’extrême droiteRenaud Camus comparaitaujourd’hui pour «incitationà la haine raciale» devantle tribunal correctionnel deParis. En cause, les propostenus par le président duParti de l’in­nocence,défendu par un conseillerde Marine Le Pen, lors despremières «Assises surl’islamisation de nos pays»,organisées en décem­bre 2010 à Paris par le Blocidentitaire et Riposte laï­que. «Nous n’avons pasaffaire à des voyous, maisà des soldats», dont l’objec­tif est de faire fuir les «indi­gènes» blancs, avaitnotamment déclaréCamus, en martelant sonrefrain sur le «grand rem­placement», théorie fantas­matique selon laquelle lesFrançais seraient menacésd’être démographiquementévincés par des peuplesnon européens. Appréciéau FN, Camus a aussi del’écho chez les partisans dela Manif pour tous et au­delà. Alain Finkielkraut etRobert Redeker font partiedes témoins cités par ladéfense. PHOTO AFP

LE MRAP ENVOIERENAUD CAMUSAU TRIBUNAL

LES GENS

Au Salon Milipol, à Villepinte, le 20 novembre. PHOTO VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS

Par PASCALE NIVELLE

NKM fume de colèrecontre des journalistes

N athalie Kosciusko-Morizet «chérit» la li-berté de la presse.

Mais elle préfère les journa-listes à sa botte, qu’elle apointue. Sinon, elle se plaintà leurs supérieurs. Al’automne, la candidate de ladroite à Paris a appelé les di-rigeants du Figaro, YvesThréard et Alexis Brézet,pour réclamer la tête de So-phie de Ravinel, qui suit sacampagne de Paris. Accusantla journaliste, par ailleurstweeteuse facétieuse, de «nepas assez soutenir» sa cam-pagne. NKM voulait un autrereporter, le Figaro a résisté…L’affaire s’est réglée entregens bien élevés, sans bruit.Sophie de Ravinel est restéeà son poste.

Puis ce fut le tour de BéatriceGurrey, journaliste du Mondeque NKM a prise en grippedès son premier article enseptembre. Depuis, elle necesse de la dénigrer devantses collaborateurs ou lesautres journalistes, espérantmettre les rieurs de son côté.Et elle a coupé les ponts avecle Monde. En janvier, furieused’une citation, attribuée parBéatrice Gurrey à son entou-rage, sur les dissidents«quota Cotorep», NKM a écrità la direction du Monde pourfaire part de ses «doutes surl’honnêteté de madame Gurey(sic) qui ne cache pas son hos-tilité à ma campagne et à mapersonne».Hier, le site Le Lab-Europe 1a publié le mail de relanceenvoyé par l’ex-ministre àdeux dirigeants du quoti-dien, daté du 14 février,écorchant le nom de la jour-naliste:«Chaque jour ou pres-que, madame Gurey déposedans vos colonnes sa livraison

de mensonges et de haine. Nereculant devant aucune inven-tion. Son incompétence sur lesdossiers parisiens ne sauraitêtre seule en cause, il y a danscet acharnement… la marqued’une volonté de nuire. C’estévidemment votre droit d’avoirchoisi votre camp et d’avoirconfié la couverture de cettecampagne à une propagan-diste au service de mon adver-saire… je me sens libredésormais de dénoncer publi-quement les mensonges de vo-tre collaboratrice…»

Mercredi, constatant que sescourriers n’avaient en rienmodifié le traitement de sacampagne dans le Monde,NKM est passée à l’acte surLCP: «Evidemment, si vous li-sez toute la journée les papiersde madame Gurrey, vous vousdites: “Wahou, quel acharne-ment…” Mais c’est une jour-naliste qui est manifestementla 21e tête de liste de madameHidalgo à Paris.» En piècejointe, NKM fournit l’inven-taire détaillé des papiers surla municipale parisienne pu-bliés dans le Monde: «8 arti-cles consacrés aux dissiden-ces, dont 4 portant surDominique Tiberi… 6 articlespour Hidalgo…»Ceux qui ont appris à tra-vailler avec Kosciusko-Mori-zet depuis son arrivée dans lacapitale ne s’étonnent pas.«Elle est complètement pa-rano», dit un conseiller deParis : «Elle épluche tous lesarticles pour savoir qui parleaux journalistes et nous accuseles uns après les autres. Per-sonne n’a le droit de la criti-quer.» A lire ce qui s’écrit surla campagne de NKM, ilsemble cependant que saméthode autoritaire soit peuefficace. •

DROIT DE SUITE

Les communistes ont annoncé hier qu’ils n’utiliseront plusle logo «Front de gauche» sur les affiches officielles de lacandidate PS Anne Hidalgo, avec laquelle le PCF partdès le 1er tour. Le Parti de gauche de Mélenchon, l’autrepoids lourd du Front de gauche, réclamait cette «clarifi­cation» avant d’entamer les discussions pour les euro­péennes. «Le PG a donné à cette affaire une importancedisproportionnée, et, pour tout dire, un peu irresponsable,juge Igor Zamichiei, chef de file des communistes pari­siens. C’est un message à Mélenchon: les prétextes, lesdiversions, c’est fini.» Au PG, on fait part d’une «grandesatisfaction». Mais au PCF, on précise: cela «n’efface ninotre désaccord municipal ni notre différence de concep­tion du Front de Gauche.»A lire sur Libération.fr

LE LOGO FRONT DE GAUCHE REMISÉ

L’HISTOIRE

«Notre hantise, c’est lesabotage. En perturbant lessystèmes du trafic aérien, onpeut faire tomber un avion.»Un haut responsable

4grandes figuresde la Seconde Guerremondiale, deux femmeset deux hommes, vontvoir leurs cendres trans­férées au Panthéon. Lechef de l’Etat l’annonceraaujourd’hui au Mont Valé­rien lors d’un hommageaux héros de la Résistance.Il s’agit de l’ethnologue etrésistante Germaine Tillion,de Geneviève de Gaulle­Anthonioz, ancienne prési­dente d’ATD­Quart mondeet nièce du généralde Gaulle qui fut déportée,du journaliste résistantPierre Brossolette et deJean Zay, homme politiqueassassiné en juin 1944par des miliciens, auquelFrançois Hollande avaitrendu hommage le jourde son investiture à la pré­sidence de la République.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201412 • FRANCEXPRESSO

Page 13: Liberation

PHOTO ALDOSPERBER.

PICTURETANK

Toutskifautsavoirsurlessportsd’hiver

Parce qu’il seraitimprudent departir à l’assautdes pistes sansentraînement,une petiterévisions’impose.

S otchi, c’est (presque) fini. Ilest maintenant grand tempsde penser à tous ceux qui,sans être des champions,

s’apprêtent à filer aux sports d’hi-ver ou dévalent déjà les pentes en-neigées, à skis, en luge, en snow-board ou… sur les fesses. Pour tous

ceux-là, voici un quizde révision. Et pour lesautres, ces très nom-

breux qui n’ont pas la chance degagner les cimes? On leur conseillejustement de bûcher, histoire debattre à plate-culture ceux qui ren-treront honteusement bronzés etoxygénés de leur montagne.

Que faut-il savoir faire pourdécrocher son flocon?

A. Avant tout, savoir s’arrêteren chasse-neige après avoirdévalé une petite pente.B. Savoir surtout enchaînersept à huit virages en chasse-neige sans vomir sa tarti-flette.C. Etre par-dessus tout capa-ble d’effectuer une trace di-recte sans tomber ou appelerses parents.D. D’abord être capable demettre ses skis tout seul et deprendre un téléski sans hur-ler.

Il existe dans le mondeenviron 2000 stations de ski

ayant au moins 5 remontéesmécaniques. Mais en France,combien en a-t-on?

A. 152.B. 173.C. 233.D. 298.

A qui doit-on la création del’historique et so chic station

de Megève durant l’entre-deux-guerres?

A. Noémie de Rothschild,épouse du baron Maurice deRothschild.B. La princesse Angèle deBourbon.C. Armand Allard, tailleur etcréateur du fuseau de skien 1930.D. Jean-Pierre Muffat, comtede Saint-Amour, natif de Me-gève.

Le christiania est une tech-nique de skieur, proposant

virages ou arrêts en maintenantles skis parallèles. D’où vient-il?

2

A. Du Danemark. A Copenha-gue, un quartier autogérés’appelle d’ailleurs ainsi.B. De Norvège. Christiania estl’ancien nom d’Oslo.C. D’Islande. «Ski» s’y dit«christiania».D. De l’île des Cyclades, enGrèce, qui porte ce nom et oùl’on a retrouvé les premiersvestiges de skis.

Combien de Français partentau ski au moins une année

sur deux?A. Environ 8 %.B. Environ 20 %.C. Environ 15 %.D. Environ 3 %.

Qu’est-ce qui ne va pasavec M. Dusse dans

les Bronzés font du ski?A. Ses relations avec Popeye.B. Il chante faux «Quand tereverrai-je, pays merveilleux ?Où ceux qui s’aiment vivent àdeux».C. Le planté du bâton.D. Il s’emmêle la langue entreles mots «bûche» et «bou-che».

Combien d’eau consommeun canon à neige pour

enneiger un hectare?A. Ça dépend du canon.B. 1 700 m3. Autant que pourarroser un hectare de maïs.

C. 2 000 m3. L’équivalent ducontenu d’une piscine olym-pique.D. 4 000 m3 (deux piscinesolympiques).

Pour glisser, il faut farterses skis. Mais d’où vient

le terme «fart»?A. Il s’agit d’un motnorvégien introduit dans lesdictionnaires francophonesen 1907.B. Il vient de l’anglais fart,péter. Car des skis bien fartéspermettent de se la péter.C. On doit ce mot à l’écolemilitaire de ski de Briançon.D’ailleurs, les Anglo-Saxonsdisent, eux, «ski wax».D. Il a été inventé par la so-ciété Fart de Val-d’Isèreen 1930.

Où a été construite la pre-mière piste de luge?

A. Saint-Moritz.B. Gourette.C. Davos.D. Méribel.

«Un nain a beau se tenirsur une montagne, il n’en

est pas plus grand pour cela.»A qui doit-on cette belle phrase?

A. Sénèque.B. Mimi Mathy.C. Heidegger.D. Sim.

Pendant les Jeuxolympiques d’Albertville

(1994), où les sportifs étaient-ilslogés?

A. Aux Contamines-Montjoie.B. A Brides-les-Bains.C. A Robertville.D. A Méribel.

On compte environ250 grammes de fromage

pour une portion normale defondue savoyarde. Combien decalories s’envoie-t-on?

A. Environ 230 calories.B. Environ 300.C. Environ 500.D. Environ 600.

A quand remontele premier téléski,

dit «tire-fesses»?A. A 1908, en Allemagne.L’appareil, d’abord destinéà remonter des sacs decéréales, fut mis à ladisposition des skieurs etlugeurs.B. A 1934, sur les pentesdu Bolgen, près de Davos,grâce aux travaux del’ingénieur Ernst Constam.

C. A 1934, en France, au colde Porte, au lieu-ditLa Prairie, grâce à CharlesRossat.D. A 1936, sur les pentes del’Eclose, à l’Alpe-d’Huez,grâce à Jean Pomagalski,ingénieur et entrepreneurfrançais d’origine polonaise.

Qu’est-ce qui rend le pluspompette: un petit verre

de vin chaud ou de sangria?A. Le vin chaud ne saoule pas,l’alcool s’évapore pendant lacuisson.B. On peut siffler le chaudou le froid, l’effet est quasile même.C. La sangria donne le sangchaud, c’est bien connu.D. L’un comme l’autre necontiennent pas plusd’alcool qu’une bière.

Quel animal n’appartientpas au bestiaire de l’Ecole

du ski français?A. Le cabri.B. L’ourson.C. Le chevreuil.D. Le piou-piou.

Par MARIE­JOËLLE GROSet CATHERINE MALLAVAL

QUIZ

Réponses:1.B;2.C(avec3690remontéesmécaniques);3.A(ulcéréededevoirfréquenterlesAllemandsdanslesstationssuissespendantlaPremièreGuerremondiale,ellesemitentêtedetrouverunlieuenFrancepouvantaccueillirl’aristocratieeuropéennesansavoiràfréquenterles«ennemis»);4.B;5.A(selonl’Observatoiredesinégalités);6.C;7.D;8.A;9.C(dès1879;lespremièrescompétitionsinternationaless’ysontdérouléesle12février1883:21concurrentsavaientdescenduuneroutegeléede4km);10.A(danssesLettresàLucilius);11.B;12.D(pasgrave,onenreprendquandmême);13.A;14.C(lasangriaafficheentre4et11°tandisquelevinchaudplafonneentre6et8°);15.C.

3

4

5

7

6 13

12

11

10

9

814

15

1

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

VOUS • 13

Page 14: Liberation

l éns

DOMINIQUE ROUSSET CHAQUE SAMEDI 11H-12H

franceculture.fr

RETROUVEZ CHAQUE SEMAINE LES DOSSIERS DU CAHIER ECOFUTUR DE LIBÉRATION

en partenariat avec

FC EQ libé.indd 1 07/02/14 16:25

A la plateforme d’Orvault (Loire­Atlantique), le 14 octobre. PHOTO FRANK PERRY. AFP

L es résultats de La Postesauvés par le CICE…Alors que le volume du

courrier a reculé l’annéedernière, l’entreprise publi-que a affiché en 2013 un bé-néfice net en progressionde 31%. Une performancedue au Crédit d’impôt com-pétitivité emploi, dispositifmis en place fin 2012 par legouvernement qui permetaux entreprises de bénéficierd’une baisse de leur fiscalitéproportionnelle à leur massesalariale.La Poste affiche ainsi un ré-sultat net de 627 millionsen 2013, mais dont près de lamoitié –297 millions– pro-vient donc du CICE. Horscrédit d’impôt, il est en re-cul, à 330 millions d’euros.Quant au résultat d’exploita-tion du groupe, qui marqueune baisse de 5,6%, à770 millions d’euros, il auraitchuté de 42% si le CICEn’avait pas été pris encompte. Le chiffre d’affairesannuel global s’est pour sapart établi à 22,08 milliardsd’euros, en progressionde 2% sur un an, grâce auxbonnes performances du Co-

lis et de la Banque postale.Concrètement, la baisse desvolumes de courrier –«liée àla dématérialisation et à uncontexte peu propice aux acti-vités publicitaires» – a étéde 5,5% (après - 5,9%en 2012), mais «ses effets ontété compensés à hauteurde 50% par l’augmentation duprix du timbre intervenue aumois de janvier», indique

La Poste dans son communi-qué. Au finale, l’activitécourrier enregistre en 2013une baisse de 3,5% de sonchiffre d’affaires, à 11,1 mil-liards d’euros, et un résultatd’exploitation en chutede 31%, à 471 millions.Tous les syndicats ont relevél’effet du CICE sur les résul-tats du groupe, SUD PTTparlant d’un «écran de fu-mée» et la CGT rappelant quele dispositif, pour La Postecomme pour les autres en-treprises, s’applique «sans

contrepartie en termes d’em-ploi, d’investissement ou en-core d’augmentations de sa-laire». Mais aucune de cesorganisations n’a pourautant remis en cause l’ap-plication du CICE à La Poste.De fait, le groupe, avecses 266 618 salariés, est lapremière entreprise deFrance en nombre d’em-ployés. Il devrait être ainsi le

premier bénéfi-ciaire du CICE. Dela même manière,il devrait êtreaussi le premier àprofiter des futu-res baisses de co-

tisations, prévues dans ladeuxième vague de baisse decoût du travail. Une boufféed’oxygène pour La Poste,mais qui interroge sur la fi-nalité du dispositif, prévu àl’origine pour doper la com-pétitivité des entreprises àl’export, et notamment dusecteur industriel. Mais, dufait du caractère universel dumécanisme, l’industrie nedevrait bénéficier, en réalité,que de 18,3% des gains liésau CICE.

LUC PEILLON

Le dispositif étaitinitialement prévu pourdoper la compétitivité desentreprises à l’export.

LaPosteremportelapalmeduCICECOURRIER Le groupe devrait être le premier bénéficiairedu crédit d’impôt, en raison du nombre de ses salariés.

Par MOURAD GUICHARD

Une centrale d’achatspour la région Centre

L es collectivités localessentent passer, ellesaussi, le vent des cou-

pes budgétaires. Dans leCentre, la riposte s’organiseautour d’un nouvel outilcensé réduire les dépensesrécurrentes : la centraled’achats territoriale, dont lefaire-part de naissance doitêtre publié aujourd’hui àOrléans.

Matériel informatique, con-trats de maintenance des as-censeurs, repas servis dansles cantines, extincteurs…elle aura vocation à gérertous les achats des servicesrégionaux et au-delà. «Nousinvitons l’ensemble des lycées,des centres de formation, desdépartements, des communeset des structures qui gravitentautour de la région à donnermandat à cette centrale», ex-plique François Bonneau, leprésident socialiste du Cen-tre. Concrètement, cettenouvelle structure vise à op-timiser les dépenses publi-ques en groupant les achatsqui étaient éparpillés entreles différentes directions.«Pour une région comme lanôtre, sur un milliard de bud-get annuel, les achats, horstransport ferroviaire, repré-sentent environ 200 millionsd’euros, détaille Marc Sau-vage, directeur de la centraleet président de la Compagniedes dirigeants et acheteursde France (CDAF). Lorsqu’on

ajoute les potentiels partenai-res, on arrive très viteà 500 millions d’euros mutua-lisables.» Une première ex-périence a été lancée il y adeux ans, qui a permis deréaliser 2 millions d’eurosd’économies sur l’exer-cice 2013. Pour 2015, le Cen-tre espère tripler ce résultat.Parallèlement, une autrecentrale baptisée Epsilon re-groupe cinq régions pour lesseuls achats liés aux projetsinformatiques, comprenantles logiciels, la maintenanceet le développement.

L’exercice économique a ce-pendant ses limites. Al’heure des circuits courts etdu développement durable(la région Centre s’est dotéed’un Agenda 21), difficiled’importer des produitsasiatiques à bas coût. «Lescritères sociaux et environne-mentaux doivent être détermi-nants, affirme François Bon-neau. Il ne s’agit évidemmentpas d’acheter à l’autre bout dumonde des produits manufac-turés dans des conditions indi-gnes.» Selon Marc Sauvage,si ces différentes structuressont nées de la dernièrecrise, elles devraient perdu-rer, voire se développer àd’autres échelles: en France,les dépenses de l’Etat repré-sentent environ 30 milliardsd’euros par an, con-tre 10 milliards pour les seu-les régions. •

VU D’ORLÉANS

+0,33 % / 4 355,49 PTS3 768 188 202€ +42,69%

TECHNIPCAP GEMINIVEOLIA ENVIRON.

Les 3 plus fortesGEMALTOSAFRANBOUYGUES

Les 3 plus basses

+0,42 %16 107,60+0,27 %4 249,38+0,24 %6 812,99

-2,15 %14 449,18Arnaud Montebourg reparten croisade contre les«talibans du droit» de laCommission européennechargés du contrôle desaides publiques. Une posi­tion partagée par l’Allema­gne, le Royaume­Uni et17 autres pays européens,a­t­il assuré à la sortied’une réunion des minis­tres de l’Industrie à Bruxel­les. «Nous demandons qu’ilsoit dérogé à toute cettemécanique hors du temps,bureaucratique et obsolètedes aides d’Etat pour sau­ver notre industrie et ladéfendre», a­t­il expliquéen renouvelant ses atta­ques contre le commissaireeuropéen à la concur­rence, Joaquín Almunia,devenu sa bête noire. «Soitil nous livre une réformed’envergure, soit il prend saretraite», a­t­il déclaré, esti­mant que le commissaireespagnol est «très isolé enEurope». Le ministre duRedressement productif luiavait écrit à la mi­janvieren déplorant que la doc­trine de ses services«œuvre à empêcher l’émer­gence d’acteurs industrielset technologiques euro­péens». PHOTO REUTERS

MONTEBOURGCONTRELES «TALIBANSDU DROIT»

LES GENS

1,44C’est, en milliard d’euros,le bénéfice net de la Ban­que centrale européenne(BCE) en 2013. Ce chiffre,en hausse de 40% parrapport à 2012, est dûaux gains sur les rachatsd’obligations souveraines,surtout grecques et à uneréduction des provisionspour risques.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201414 • ECONOMIEXPRESSO

Page 15: Liberation

Skicross:legangfrançaisbraquelecoffreàmédaillesChapuis, Bovolenta et Midol ont squatté toutes lesmarches du podium, hier. Du jamais-vu aux JO d’hiver.

E t ces trois loustics,vous les connais-siez ? Comment ça,pas du tout ? Eh

bien, il va falloir apprendreleurs noms, et parcœur encore, car de-puis hier, ils appar-tiennent à l’histoire du sportolympique français. Jamaisun podium des JO d’hivern’avait été monopolisé partrois athlètes français. Une

Jonathan Midol peu après lami-course, Leman en estresté là. Les chenapans pre-nant la fuite n’avaient plusqu’à se distribuer le magot.Dans l’esprit de ces trois po-tes, l’ordre d’arrivée resteanecdotique même s’il estassez logique: Jean-FrédéricChapuis, sacré championolympique, avait déjà à sonpalmarès un titre de cham-pion du monde remporté il ya moins d’un an en Norvège.Même si, en dehors de Jonas

Devouassoux et de Jean-Fré-déric Chapuis, aucun desFrançais n’était jamaismonté sur un podium, le trioreconnaissait, quelques mi-nutes après son triomphe,avoir songé à un scénario unpeu fou, mercredi soir, enregardant Steve Missillier etAlexis Pinturault recevoirleurs médailles du slalomgéant (Libération d’hier).«On mangeait ensemble et endéconnant, on s’est dit : “Ceserait bien de faire un, deux,trois.” Pour faire mieux, il fal-lait faire le triplé.» Et les troiscompères de rigoler commedes bossus à l’évocation dece qui est devenu une réalitéà l’issu d’une course réglo,au départ de laquelle aucunestratégie précise n’était arrê-tée. «On se disait “c’est superd’être là”. On ne pouvait pasvraiment faire une coursed’équipe, c’est quand mêmeles Jeux et ce n’est pas dansnotre mentalité. On s’est justedit : “Que chacun donne lemeilleur et on verra ce qu’iladviendra !”»On a vu. Les trois hommesgoguenards se réjouissaientsurtout hier de faire connaî-tre au grand public une dis-cipline ultraspectaculaireautant qu’aléatoire et casse-gueule. «Le skicross plaît auxgens, mais il est malheureuse-ment encore un peu dans l’om-bre. Peut-être que ça va don-ner un bon gros coup de pouceet faire parler encore plus decette discipline», glissaientles inséparables aux micros.

DINGUES. Le skicross n’estolympique que depuis lesJeux de Vancouver, en 2010.L’équipe de France de la spé-cialité n’aura donc pas traînépour prendre ses marques.Son chef, Michel Lucatelli,s’en réjouit tout en restantmesuré: «La préparation spé-ciale, elle a commencé il y aquatre ans, au printemps qui asuivi Vancouver. Certains sesont demandés si la stratégied’aller chercher des skieurs al-pins était la bonne. On se seraitloupés, on nous aurait dit quece n’était pas la bonne.» Deschoix aussitôt cautionnés parFabien Saguez, le directeurtechnique national du skifrançais. «J’ai une affectionparticulière pour ce staff, avecune gestion en direct, un Mi-chel Lucatelli très solide en ma-tière de management. Ils fontdes choix, ils vont au bout deleur logique.»Michel Vion, le président dela Fédération française deski, qui n’est pas du genre àdistribuer les bons points à lalégère, ne tarissait pas d’élo-

ges après la performance desdoux dingues du skicrossqui, d’un coup, ont amélioréle total de médailles françai-ses (15) pour faire mieux qu’àVancouver (11) : «Je suisbluffé. Nerveusement, c’estquelque chose. C’est un sportde dingue. Un tel triplé, ça ar-rive une fois dans la vie. C’esténorme.»Une seule petite ombre estpassée au-dessus de ce po-dium resplendissant. L’ab-sence de Bastien Midol, vice-champion du monde et petitfrère de Jonathan Midol, gra-vement blessé au dos fin dé-cembre en Italie. «Je pensebeaucoup à lui parce quec’était un client. Sa chute nousa touchés, elle a touché les ath-lètes et le staff. Il a fallu enparler. C’est sorti il y a troissemaines, on s’est tous mis àtable et on en a parlé», a con-fié Michel Lucatelli.Cela semble avoir été bénéfi-que pour son frangin, troi-sième de la finale. «Après lachute de Bastien, j’ai eu du malà me libérer, j’étais crispé etj’ai fait des mauvais résultats.Avant la finale, Michel [Luca-telli] m’a dit : “Prends l’éner-gie de ton frère.” J’ai eu degrosses pensées pour lui. Là, ildoit être fou [de joie].» •

Par LIONEL FROISSART

Jean­Frédéric Chapuis(or), Arnaud Bovolenta(argent) et JonathanMidol (bronze) hier,lors de la finale.PHOTO ANDY WONG. AP

La Française MarieMartinod a décrochél’argent en ski half­pipehier soir, derrièrel’Américaine MaddieBowman et devantla Japonaise AyanaOnozuka. C’est la15e médaille française,record pour desJeux d’hiver.

REPÈRES

«N’importe quellemédaille aura legoût de l’or, maisje veux la plus joliede toutes.»Ophélie David25 victoires en Coupedu monde et 3 médaillesmondiales en skicross,qui concourt demain

4C’est le nombre detriplés réalisés par lesNéerlandais à Sotchien patinage de vitesse.

lacune – tout à fait pardon-nable – comblée hier matinà l’heure de l’apéro par Jean-Frédéric Chapuis, 24 ans,Arnaud Bovolenta et Jona-than Midol, 25 ans, qui ontfranchi dans cet ordre la li-

gne d’arrivée de la fi-nale de skicross.Un quatrième trico-

lore au départ de cet ultimeaffrontement (dans cette dis-cipline, les athlètes s’affron-tent quatre par quatre)n’aurait pas fait tâche si Jo-

RÉCIT

nas Devouassoux, seul vain-queur français d’une épreuvede Coupe du monde, n’avaitpas raté le coche lors de sademi-finale. Il n’y avait doncque le Canadien Brady Le-man à pouvoir priver laFrance d’une quatrième mé-daille d’or.

BOSSUS. Mais l’épouvantailde Calgary n’a pas rivalisétrès longtemps avec le gangbleu. S’emmêlant les spatu-les sur l’arrière des skis de

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

SPORTS • 15

Page 16: Liberation

Par DINO DI MEO

Un combiné nordiquefrançais «sans étincelle»

L e combiné nordiquefrançais et Jason Lamy-Chappuis rentrent bre-

douilles de Sotchi. Le cham-pion olympique en titre deVancouver, triple championdu monde à Val di Fiemmel’an dernier, a accumulé lescontre-performances : 35e

sur le petit tremplin, 7e sur legrand. Et hier, il n’a pu ac-crocher qu’une 4e place paréquipes. «On est sortis dès letremplin, concède NicolasMichaud, directeur du nor-dique (discipline qui com-bine saut à ski et ski defond). On a le niveau pour ga-gner, mais on n’a pas été dansle jeu.»

Une accumulation de petitssoucis de santé, de glisse,quelques mètres en moins ausaut, et le relais bleu prend ledépart de la course de fondavec 35 secondes de retard.Devant, Allemagne, Autri-che et Norvège font toute lacourse ensemble. SébastienLacroix, meilleur fondeur, aété placé en premier relayeurpour combler très vite le re-tard, mais la Norvège, partiedevant la France, a eu lamême idée pour rattraperses 25 secondes de retard. Aufinale, les Norvégiens l’em-portent au sprint devant

l’Allemagne et l’Autriche, laFrance terminant à 35 se-condes, soit le handicap dedépart. Déception, tristesseet frustration logique pourune équipe qui, l’an dernier,s’était montrée bien plus in-cisive aux championnats dumonde. «Le scénario a été lepire possible, a commenté Ja-son Lamy-Chappuis, 27 ans.Les trois de tête se sont re-groupés devant et puis se sontrelayés. Et nous, on n’a jamaisété en mesure de rentrer dansle groupe.»

Vainqueur à deux reprises enCoupe du monde en décem-bre, Jason Lamy-Chappuis aconnu un mois de janvierdifficile. «On n’a jamais suhausser notre niveau», con-cède-t-il. Nicolas Michaud semontre plus critique: «Je lesconnais depuis qu’ils sont toutpetits, je ne les avais jamaisvus comme ça, sans étincelle.Je ne les ai jamais vusjoyeux!» Quel est l’avenir decette équipe de France? Toutle monde ne va pas resignerpour quatre ans. «Pourquoion a été moins bons ? s’inter-roge Jason Lamy-Chappuis.Peut-être que cette fois, j’avaistrop envie de bien faire, alorsqu’avant, je le faisais naturel-lement.» •

VU DE SOTCHI

Adelina Sotnikova a battu, hier, la favorite sud­coréenne, Kim Yu­na. PHOTO ADRIAN DENNIS.AFP

PATINAGE ARTISTIQUE La première championne olympique russe enindividuel a remporté le concours sur une décision très contestable.

Sotnikova,pousséeparsonpublic...et lesjuges

L e Palais des sports Ice-berg de Sotchi a retenuson souffle quelques

secondes, le temps que ladernière concurrente du der-nier groupe –la championneolympique sud-coréenne entitre, Kim Yu-na – prenneplace dans l’espace«Kiss&Cry» et attende sesnotes. Puis il a tout lâché. Iln’y avait plus d’EvgeniPlushenko, dont le mysté-rieux forfait avant son pro-gramme court individuel atant fait parler, ni d’équipede hockey, lamentablementdéblayée (1-3) en quart de fi-nale du tournoi olympiquecontre la Finlande. Il n’yavait plus qu’une jeune fillede 18 ans, Adelina Sotnikova,première championne olym-pique russe de patinage del’histoire. Dans la zone d’in-terview à cet instant, AdelinaSotnikova a piqué un sprintjusqu’aux bras de son entraî-neur où elle a fondu en lar-mes. Beau comme l’antique.Quant à la justice sportive,les juges ont bafoué tout cequ’ils ont pu hier. «AdelinaSotnikova aurait fait une mer-veilleuse championne dumonde junior, expliquaitaprès-coup l’ex-entraîneurnational Philippe Pélissier.Pas d’ampleur, pas d’aisancedans l’exécution, pas de flui-dité, mais les sauts sont là– tous là. Entre ce qu’elle aréalisé sur la glace et ce qu’afait Yu-na…»Gouffre. On jurerait queKim Yu-na a senti venir lecoup. Lors de son libred’hier, la native de Bucheona fait comme souvent: elle aassuré le coup, un peu en de-dans sans doute mais enfin,le gouffre qui la sépare detoutes ses concurrentes –So-tnikova comprise– le lui per-met depuis longtemps. LaSud-Coréenne a passé sessept triples facilement, es-quivant certes le double tri-ple-triple (on pourra toujourslui raconter qu’elle perd àcause de ça, ça pourrait lafaire rire dans un bon soir).Mais elle a imposé sur la glacece mélange de facilité– quand les autres sautent25 cm au-dessus de la glace,elle est à 40– et de désinvol-ture qui, depuis le début deson règne à éclipse en 2009,fait le sel de son patinage.

Pourtant, Kim Yu-na a re-joint le Kiss & Cry le visagefermé. Ses entraîneurs, deleur côté, arboraient la minepincée de ceux qui flairentl’entourloupe sans y pouvoirgrand-chose. Va pour Sot-nikova. Difficile de trouverune morale à sa victoired’hier, mais bon, en cher-chant bien, il y a ça : le bat-tage insensé fait depuis dixjours autour de Yulia Lip-nitskaya (5e hier) et de ses15 ans lui aura permis demarcher à l’ombre.Les palmarès aiment gratifierceux que les médias négli-gent et qui savent y puiser

une force supplémentaire :celle du réprouvé. «Je me suistenu à l’écart de toute cetteagitation de ces derniers jours,a-t-elle déclaré après le libred’hier. Je n’ai même pasouvert un journal. J’ai penséau patinage.»Feux. Yu-na pourrait, quantà elle, avoir du mal à s’y re-mettre. Sans même parler del’arnaque d’hier. En 2013, lemagazine Forbes l’avait clas-sée au 6e rang des sportivesles mieux payées du monde,avec 14 millions de dol-lars (10,2 millions d’euros).Depuis son titre olympiquede 2010 qui lui valut, faut-il

le rappeler, d’être classée parle Time parmi les 100 per-sonnalités les plus influentesde la planète, elle a pris goûtà autre chose: le charity busi-ness (Haïti, Fukushima) etune nuée de sponsors quipermettent de dérouler lajournée – depuis le petitdéjeuner jusqu’à l’extinctiondes feux – en passant d’unproduit avec lequel elle estliée commercialement à unautre. Bon vent à elle. Quantaux juges du programmelibre d’hier, il faudra bienqu’ils se regardent un jourdans une glace.

GRÉGORY SCHNEIDER

CLASSEMENT or Totalar. br.

PAYS-BASe

NORVÈGEer

SUISSEe

RUSSIEe

BIÉLORUSSIEe

ÉTATS-UNISe

POLOGNEe

CHINEe

CANADAe

SUÈDEe

AUTRICHEe

RÉPUBLIQUETCHÈQUEe

CORÉEDUSUDe

SLOVÉNIEe

JAPONe

FINLANDEe

ROYAUME-UNI e

SLOVAQUIEe

FRANCE e

par rapport aux médailles d’or

ALLEMAGNEe

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201416 • SPORTS

Page 17: Liberation

PRÉFET DU NORDDirection départementale des territoires et de la mer du Nord

Tél. 03.28.03.84.10AVIS D’ENQUETE PUBLIQUE UNIQUE

Communes de : Quaëdypre, Pitgam, Crochte, Socx, Oost-Cappel, Bissezeele, West-Cappel, Rexpoëde, Hondschoote, Drincham, Wormhout, Warhem

Il est porté à la connaissance du public qu’en application de l’arrêté préfectoral modificatif en date du 13 février 2014, il est procédé à une enquête publique unique ayant pour objet d’obtenir l’autorisation ministérielle de construire et d’exploiter une canalisation de transport de gaz entre Pitgam et Hondschoote dit projet « Artère des Flandres ».Cette demande porte sur :• l’autorisation de construire et d’exploiter une canalisation de transport de gaz entre Pitgam et Hondschoote ;• la déclaration d’utilité publique des travaux de construction et d’exploitation de la canalisation de transport de

gaz ;• la mise en compatibilité des plans locaux d’urbanisme pour les communes de West-Cappel, Rexpoëde et Honds-

choote.Les communes concernées sont visées ci-dessus.L’enquête publique se déroulera pendant trente six jours, du lundi 10 mars 2014 au lundi 14 avril 2014 inclus.Une commission d’enquête a été nommée par le tribunal administratif de Lille désignant :- Monsieur André LE MORVAN, ingénieur CNAM, chef de service qualité du produit gaz à EDF/GRDF, retraité, nommé président de la commission ;- Monsieur Patrick CHLEBOWSKI, retraité de gendarmerie, nommé commissaire enquêteur ;- Monsieur Francis LECLAIRE, cadre responsable des installations de la réparation navale au port autonome de Dunkerque, retraité, nommé commissaire enquêteur ;- Monsieur Guy BOTIN, chef du service de la gestion domaniale du port autonome de Dunkerque, retraité, nommé commissaire enquêteur suppléant.La commission d’enquête se tiendra à la disposition du public aux lieux, dates et horaires suivants :Commune Date Horaire Date HoraireHondschoote 13 mars 2014 09h00 à 12h00 11 avril 2014 14h00 à 17h00Socx 15 mars 2014 09h00 à 12h00 12 avril 2014 09h00 à 12h00West Cappel 17 mars 2014 14h00 à 17h00 05 avril 2014 09h00 à 12h00Warhem 20 mars 2014 14h00 à 17h00Quaëdypre 22 mars 2014 08h30 à 11h30 02 avril 2014 13h30 à 16h30Drincham 24 mars 2014 16h00 à 19h00Rexpoëde 25 mars 2014 09h00 à 12h00Crochte 26 mars 2014 15h00 à 18h00Wormhout 27 mars 2014 09h00 à 12h00Oost Cappel 07 avril 2014 14h00 à 17h00Bissezeele 09 avril 2014 09h00 à 12h00Pitgam 11 avril 2014 09h00 à 12h00

Durant cette période, un exemplaire du dossier, comprenant notamment une étude d’impact, l’avis de l’autorité environnementale, une étude de dangers, un résumé non technique, est mis à la disposition du public dans les mairies citées ci-dessus où toute personne intéressée peut en prendre connaissance pendant les jours et heures habituels d’ouverture de ces mairies.Monsieur Rodolphe LIBOSVAR, directeur de projets, maître d’ouvrage délégué GRT Gaz, sera l’interlocuteur de ce dossier et joignable au 01.55.66.41.12.Pendant la durée de l’enquête, les observations du public peuvent être consignées sur le registre d’enquête tenu à sa disposition dans les mairies. Les observations peuvent également être adressées par écrit, pendant la durée de l’enquête au président de la commission d’enquête dans la mairie siège d’enquête de Quaëdypre 1 bis, route de Socx, 59380 QUAEDYPRE (à l’attention de M. le Président de la commission d’enquête publique « Artère des Flandres »). Elles seront annexées par ses soins au registre d’enquête.Des éléments d’information relatifs à cette enquête sont également disponibles sur le site de la préfecture du Nord à l’adresse suivante : www.nord.gouv.fr/publications/environnement/informationetparticipationdupublic/canalisation-detransportd’énergie.A l’issue de l’enquête, une copie du rapport et des conclusions du commissaire enquêteur sera mise à la disposition du public dans les mairies concernées par l’enquête ainsi qu’à la DDTM59 (62 boulevard de Belfort – CS 90007 – 59042 Lille CEDEX).La décision susceptible d’intervenir à l’issue de la procédure est une autorisation ministérielle conformément aux articles R555-1 et R555-4 alinéa 1 du code de l’environnement. La décision relative à la DUP et ses conséquences au niveau des PLU est prise par le Préfet.

A P P E L D ’ O F F R E S - A V I S D ’ E N Q U Ê T E0 1 . 4 9 . 0 4 . 0 1 . 8 5 - a n n o n c e s @ o s p . f r

REMPLAÇANTSREMPLAÇANTS

OwensJames

JonesBallTipuric

PhillipsBiggarHook

MachForestierDebaty

VahaamahinaChoulyMachenaud

TalèsFickou

LESÉQUIPES au Millennium Stadium de Cardiff, ce soir à 21 heures

MasJenkinsLydiateWilliams

Roberts WebbCharteris

FaletauHalfpenny

North Priestland Jones

WarburtonCuthbert

Jones

Hibbard Szarzewski Picamoles Dulin

FofanaDoussainPapé

Domingo NyangaBonneval

BastareaudPlissonMaestri

LauretHuget

PAYSDEGALLES

FRANCE

SélectionneurPhilippe

Saint-AndréWarrenGatland

Sélectionneur

L e 9 février 2013, Fran-ce-pays de Galles avaitmarqué un tournant

dans le parcours des deuxnations : à compter de cesoir-là, elles ont connu destrajectoires diamétralementopposées. Sortant d’une hu-miliation en Italie, les Bleuscomptaient expier leur incu-rie au Stade de France. Or,battus 6-16, ils connaissaientune nouvelle déconvenue quiallait les précipiter au fonddu gouffre pour le reste del’année. A l’inverse, le paysde Galles, qui venait d’êtregiflé à domicile par l’Irlandeet faisait le dos rond avec uneribambelle d’éclopés, profi-tait de ce succès pour re-prendre de l’altitude. Jusqu’àremporter la 37e compétitionde son histoire, en mettantau passage une raclée à l’An-gleterre (30-3).Embellies. Ce résumépréambulaire du tour-noi 2013 rappelle combien lerugby européen peine,depuis plusieurs années, àdessiner les contours netsd’une hiérarchie fiable. LaFrance, le pays de Galles,l’Angleterre et l’Irlande peu-vent, à quelques mois d’in-tervalle, alterner glissementsde terrain – par exemple laFrance, finaliste de la Coupedu monde 2011 et bonnetd’âne du tournoi 2013 – etembellies – l’Irlande sur unnuage, terrassée à l’ultimeseconde par les All Blacks ennovembre.Arrive, dans ce contexteindécis, le pays de Galles-France de ce soir (1). Il de-

vrait dissiper une partie de labrume enveloppant deuxnations assez difficiles à si-tuer actuellement. D’uncôté, le pays de Galles a ratéson début de tournoi : aprèsune victoire compliquéecontre l’Italie, les hommesde Warren Gatland ont couléà pic en Irlande.Eparpillés façon puzzle(26-3), ils ont été dominésdans tous les secteurs sans,conformément à la rudessedu résultat, jamais montrerle moindre signe de rébel-lion. Un nouvel échec serait

d’autant plus fâcheux que lesuperbe Millennium Stadiumleur offre a priori une mini-longueur d’avance.Quid des visiteurs du soir ?La France est, avec l’Irlande(qui jouera demain à Twic-kenham le sommet de cettetroisième journée, contrel’Angleterre), la dernièreéquipe capable de briguerun Grand Chelem. Pour cela,elle a battu l’Angleterre avecune chance qui ne se repré-sentera pas de sitôt. Puisl’Italie, grâce à une mini-tornade (trois essais en dixminutes) où la haute voltigeindividuelle a colmaté leslacunes du collectif.De quoi garder le sourire,certes, mais assurémentpas plastronner – ce que,d’ailleurs, chacun dans le

groupe tricolore s’est biengardé de faire.«L’objectif du XV de Franceest de retrouver de la con-fiance, et celle-ci ne peut reve-nir qu’avec le succès»,pointait justement notreconsultant (2), le directeursportif du FC Grenoble,Fabrice Landreau (Libérationdu 10 février).Sandwich. En ce sens, lafeuille de route est respectée,mais un flop à Cardiff fragili-serait un édifice dont oncommence à peine à entre-voir les fondations. Contrai-

rement au débutdu tournoi, où ilss’étaient réunisquinze jours enamont, les Bleusont eu un tempsde préparation li-

mité, avec une journée deTop 14 en sandwich (mau-vaise blague récurrente, où ilétait cette fois demandé auxclubs de laisser souffler lesinternationaux, «recom-mandation» qui ne fut suiviequ’à moitié) et seulementtrois entraînements.Dévoilé mercredi matin, leXV de France de départ necomporte qu’un change-ment, le troisième lignedu Racing Métro 92, Wen-ceslas Lauret, remplaçantson compère Bernard Le-roux, amoché contre l’Italie.Mot d’ordre, dicté par lescirconstances : «La conti-nuité.» Sous-entendu, dansla victoire aussi.

GILLES RENAULT(1) A 21 heures sur France 2.(2) A lire lundi

PaysdeGalles-France,ledroitdesavoirSIX NATIONS Après deux victoires un peu poussives,le XV de France rencontre le tenant du titre ce soir.

Le FC Barcelone a été mis en examen hier pour «délitcontre le Trésor public» par un juge de l’Audience natio­nale de Madrid, qui instruit une plainte visant l’ex­prési­dent du club au sujet du transfert de Neymar en 2013.Selon le parquet, des transactions en marge de ce trans­fert étaient «parfois basées sur des contrats simulés».Le Barça avait d’abord chiffré le transfert à 57 millionsd’euros, pour finalement évoquer 86,2 millions. Un «socio»(supporteur­membre) du club a porté plainte pour«appropriation indue» –abus de bien social–, ce qui aentraîné la démission du président, Sandro Rosell, le23 janvier. Mercredi, le Barça a affirmé avoir agi de façon«entièrement conforme aux règles juridiques». Le transfertcrée également des remous au Brésil, le club de Santos,où Neymar jouait, n’ayant reçu que 17 millions d’euros, con­tre 40 millions pour une entreprise propriété de la familleNeymar. Le père du joueur, qui a mis le deal en place, faitl’objet d’une enquête pour une éventuelle fraude fiscale.«J’en ai marre de tout ça», a réagi Neymar sur Instagram.

AFFAIRE NEYMAR : LE BARÇA MIS ENEXAMEN POUR «CONTRATS SIMULÉS»

L’HISTOIRE 30000euros, c’est l’amende àlaquelle Rolland Courbisa été condamné hier pourrecel d’abus de bien social,lors d’une audience decomparution sur reconnais­sance préalable deculpabilité. L’entraîneur deMontpellier a admis avoirtouché un prêt de100000 euros, émanantd’un gérant de brasseries.Pour cet abus de biensocial, Marcel Salerno, ex­président de l’AS Canneset, depuis 2009, présidentde l’AC Arles­Avignon, aété condamné à20000 euros. Selon le par­quet, la somme avait étéremboursée par Courbis.

Le rugby européen peine,depuis plusieurs années,à dessiner les contours netsd’une hiérarchie fiable.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 SPORTS • 17

Page 18: Liberation

18 • NOUS SOMMES UN JOURNAL

Récit de la journée qui a vu le tandem Bruno Ledouxet François Moulias prendre la présidence du conseilde surveillance et celle du directoire de «Libération».

«Entre les mainsde qui sommes-nous tombés?»

L e conseil de surveillance vientde commencer, ce mer-credi 20 février, lorsqu’un ad-ministrateur de la SAIP, la so-

ciété anonyme qui contrôle Libération,s’adresse à Philippe Nicolas, directeurgénéral de Libé. «Nous voudrions avoirune discussion entre actionnaires, sans lesmembres du directoire.» La demande si-dère plusieurs personnes dans la salle.La surprise se lit sur les visages. Il quittela pièce. L’un des commissaires auxcomptes demande alors, la voix un peusèche : «Nous aussi ?» Pas de réponse.Il répète. «Nous aussi ?» Un avocat,venu avec les actionnaires de Refonda-tion, société regroupant les principauxactionnaires du journal, répond: «C’estsans vous, oui, vous sortez.» La suite sedéroule alors dans une atmosphèreétouffante et les récits de plusieurs par-ticipants permettent de raconter com-ment, en quatre heures, deux action-naires ont fait main basse sur Libération.Dans un premier temps, le directeur gé-néral, Philippe Nicolas, est débarqué. Iln’est pas présent dans la pièce, n’avaitpas été prévenu. Selon plusieurs sour-ces, il a été débarqué, parce qu’il consi-dérait qu’il était nécessaire, pour proté-ger Libération, de mettre l’entreprisesous la protection de la loi. C’est-à-dired’envisager un redressement judiciaire,qui permet d’ouvrir une période d’ob-servation pour préparer un plan de con-tinuation ou de cession. Cela se traduit,aussi, par la nomination d’un adminis-trateur judiciaire. Ce que voulaientpeut-être éviter Bruno Ledoux et Fran-çois Moulias, décrypte un participantau conseil de surveillance.

«BRUTALITÉ». Les partisans du limo-geage expliquent lors du conseil de sur-veillance que Philippe Nicolas faisaittandem avec Nicolas Demorand, démis-sionnaire. Il est donc normal qu’il s’enaille. Mais d’autres administrateurs dé-noncent cette décision, qu’ils décou-vrent, visiblement. L’un d’eux: «Je suissurpris de votre brutalité et de vos métho-des.» Un deuxième: «Je vous demande,Messieurs les actionnaires, de reconsidé-rer votre position.» Un troisième: «Vousfaites une grave erreur. Philippe Nicolasa une crédibilité capitale à l’extérieur. Sonlimogeage ne va pas aider nos relationsavec les pouvoirs publics.» Enfin un re-présentant des salariés prend la parolepour enfoncer le clou. Il s’adresse àBruno Ledoux, actionnaire de référenceà la manœuvre : «Vous n’avez plus decrédibilité à l’intérieur. Il n’y a plus deconfiance. Et vous n’avez pas de crédibi-lité à l’extérieur. Philippe Nicolas, ces der-nières semaines, était devenu le seul traitd’union crédible. Vous êtes grillés de par-tout. Avec cette décision, vous nous fragi-lisez encore plus.»La place nettoyée, deux hommes pren-nent le pouvoir, deviennent les diri-

Par LES SALARIÉSDE «LIBÉRATION»

PUBLICITÉ

NOUSSOMMESUNJOURNAL

pasunespaceculturel,pasunplateau télé,

pasunbar,pasun incubateurdestart-up...

Lessalariésde«Libération»répondentauprojetdesactionnaires

PAGES 2­6

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCEAllemagne 3,20 €, Andorre 2,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 3,90 €, Canada 5,50 $, Danemark 34 Kr, DOM 3,30 €, Espagne 3,20 €, Etats­Unis 6 $, Finlande 3,60 €, Grande­Bretagne 3,70 £, Grèce3,60 €, Irlande 3,30 €, Israël 24 ILS, Italie 3,20 €, Luxembourg 3,90 €, Maroc 27 Dh, Norvège 33 Kr, Pays­Bas 3,20 €, Portugal (cont.) 3,30 €, Slovénie 3,30 €, Suède 31 Kr, Suisse 5,90 FS, TOM 520 CFP, Tunisie 3,90 DT, Zone CFA 2 600 CFA.

NOUS SOMMESDES ILLUSTRATEURS

Par REMI MALINGRËY

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

Page 19: Liberation

NOUS SOMMES UN JOURNAL • 19

geants de Libération. Anne Lauvergeon,qui présidait le conseil de surveillance,démissionne –ce qui était prévu de lon-gue date. Elle est remplacée par BrunoLedoux, investisseur en immobilier dontMédiapart a révélé les montages de so-ciétés en cascade vers des paradis fis-caux. François Moulias, qui le représentedans certaines de ses sociétés écrans auLuxembourg à en croire le site d’infor-mation, prend pour sa part la présidencedu directoire, où il se retrouve seul auxmanettes de Libé. Dès que ces informa-tions commencent à circuler, à la sortiedu conseil de surveillance, les plus pru-dents parmi les journalistes se deman-dent: «Entre les mains de qui sommes-nous tombés ?»Le lendemain, un comité d’entreprise setient, pour rendre compte officiellementdes décisions prises la veille. FrançoisMoulias le préside. Les représentants dessalariés reviennent sur les mises engarde lors du conseil de surveillance ausujet des rapports de l’entreprise avecles pouvoirs publics. «Cela ne changerien, on n’attend rien des pouvoirs pu-blics», répond François Moulias. Selonle Monde, «on sent une inquiétude et uneperplexité grandissantes chez les représen-tants de l’Etat». Une source gouverne-mentale indique au quotidien: «Le degréde sérieux de nos interlocuteurs [les ac-tionnaires Ledoux et Moulias, ndlr] estsujet à caution.» Rien ne vient, ajoute-t-elle, étayer l’arrivée d’investisseurs,promise par les actionnaires: «Pas delettre d’intention, de contacts informels…»

CORBEILLE. En CE, François Mouliasannonce pourtant que deux financeurspourraient être intéressés, les discus-sions étant «plus avancées avec l’und’eux». Des informations qui n’avaientpas été évoquées la veille en conseil desurveillance… Le nouveau président (etseul membre) du directoire de Libéra-tion annonce aussi l’arrivée au conseilde surveillance de Pierre Fraidenraich,membre du groupe Canal +, «un vraiprofessionnel et un ami de Bruno». Fran-çois Moulias glisse aux représentants dupersonnel que Bruno Ledoux va bientôt«faire une annonce importante». Ils luifont observer qu’elles sont théorique-ment réservées en priorité au comitéd’entreprise. On apprend le soir en dé-couvrant l’édition du lendemaindes Echos que Bruno Ledoux promet demettre l’immeuble de Libé (qu’il necontrôle qu’en partie) dans la corbeillede la mariée, si d’autres financeursl’accompagnent. Un rebondissement deplus, qu’il faudra préciser, vérifier…Préoccupés du sort de leur entreprise,et de la survie de Libé, les salariés ontdécidé de lancer, aujourd’hui, un «droitd’alerte». C’est-à-dire qu’ils vont poserdes questions très précises, auxquellesles dirigeants devront, dans un délairesserré, répondre par écrit. •

Twitter @nousjournal

Facebook www.facebook.com/noussommesunjournalTumblr noussommesunjournal.tumblr.comMail [email protected]

•SUR LES INTERNETS

Le bar-tabac nuit gravement à la santé

de la presse

NOUS SOMMESDES ILLUSTRATEURS

Par SERGE RICCO

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

Page 20: Liberation

Avec Marine Le Pen,plus rumeur, tu meurs

«La réalité,c’est qu’il y ades demandeursd’asile qui sontenvoyés. Il n’y a pasune augmentationcomme cela,brutale, danscertaines villes,de l’immigration,comme ça par le faitdu hasard,ça n’existe pas.Qu’il existe descentres d’accueilqui envoientdans un certainnombre de villesdes demandeursd’asile parcequ’ils n’arriventplus à les loger,ça, c’est une réalité.Est-ce que c’estle cas au Mans?Si M. Noguès le dit,c’est que cela doitêtre vrai.»Marine Le Pen le 10 février,reprenant à son compte lesaffirmations du candidatfrontiste pour lesmunicipales au Mans.

A u Mans, comme dansd’autres villes, la campagnemunicipale est l’occasion

de voir prospérer la rumeur dite«du 93», selon laquelle le départe-ment de Seine-Saint-Denis (ou larégion Ile-de-France) enverrait–en échange de subsides– des im-migrés dans des villes de l’Ouest.Le candidat manceau du Rassem-blement bleu Marine, Louis No-guès, a ainsi évoqué des «cars»acheminés «nuitamment» par «lesmaires d’ici», ajoutant: «Je ne peuxpas apporter la preuve, parce que leschauffeurs sont employés par la mai-rie ou une entreprise privée, mais ilsdoivent se taire.» Lors d’une confé-rence de presse dans la Sarthe,le 10 février, Marine Le Pen a étéinterrogée sur les curieuses maniè-res de son candidat. Et la prési-

dente du FN, loin deprendre ses distances,a légitimé son affir-

mation: «La réalité, c’est qu’il y ades demandeurs d’asile qui sont en-voyés. Il n’y a pas une augmentationcomme cela, brutale, dans certainesvilles, de l’immigration, comme çapar le fait du hasard, ça n’existe pas.Qu’il existe des centres d’accueil quienvoient dans un certain nombre devilles des demandeurs d’asile parcequ’ils n’arrivent plus à les loger, ça,c’est une réalité. Est-ce que c’est lecas au Mans ? Si M. Noguès le dit,c’est que cela doit être vrai. Pourquoiil inventerait cela?» Et de conclure:«Moi je crois que c’est vrai. Je le dis,et je le dis sur toutes les antennes.Et j’assume tout à fait.»

V oilà une nouvelle versionde la rumeur du 93 : il yaurait des cars déversant

«nuitamment» des demandeursd’asile au Mans et dans la Sarthe.Marine Le Pen recycle la rumeurpour la faire prospérer. Et s’appuiesur un fond de vrai pour diren’importe quoi. Il est exact que lenombre de demandeurs d’asile enFrance a explosé ces dernièresannées (+70% en cinq ans). Et quecet afflux pose un problème de ré-partition sur le territoire.L’Ile-de-France reçoit près de 40%des demandes d’asile, sans avoirla capacité d’héberger les requé-rants. Et il existe effectivementdepuis plusieurs années un dispo-sitif de mutualisation des placesde centres d’accueil des deman-deurs d’asile (Cada) pour «soula-ger» les régions ayant trop peu deplaces et trop de demandes. Maisdans les faits, cela ne se traduit paspar des autocars sillonnant laFrance pour acheminer des de-mandeurs d’asile en province,comme le suggère le FN.

A une très grande majorité (plusde 80%), les demandeurs d’asilesont hébergés dans la région où ilsdéposent leur demande. En théo-rie, les régions (sauf l’Ile-de-France et le Rhône-Alpes, les plussaturées) doivent mettre à disposi-tion 30% des places vacantes desCada pour le dispositif national.Mais, en dépit de nombreuses cir-culaires, cet objectif n’est pas at-teint. Sur quelque 13400 admissi-ons en Cada en 2012, seulement11,7% (soit 1400) étaient des ad-missions «nationales». A en croireNoguès et Le Pen, la Sarthe serait

un des départe-ments d’accueildu surplus des

demandeurs d’asile. Tout faux. Ledépartement compte aujourd’hui310 places en Cada, et 225 enhébergement d’urgence. «Soitde quoi loger 140 ménages. Pour600000 habitants», précise la pré-fecture. Et si des places ont bienété créées durant ces dix dernièresannées, c’est pour répondre à uneaugmentation du nombre de de-mandeurs d’asile dans la région,pas pour accueillir ceux de Paris(ou d’ailleurs).En cinq ans, le flux des premièresdemandes d’asile faites dans lesPays-de-la-Loire (la région de laSarthe) a quasiment doublé, pas-sant de 1277 à 2325. Aujourd’hui,la région propose une place enCada pour deux demandes d’asile.Un des plus faibles ratios del’Hexagone. Résultat logique : iln’y a guère de places vacantespour les demandeurs venus del’extérieur. «En Sarthe, notre con-tribution [au dispositif d’orientationnationale] a été très limitée, tout au

plus quelques personnes, parcequ’on constate que le flux de deman-des déposées en Sarthe correspondpeu ou prou à la capacité d’accueil»,explique la préfecture. Ce qui estvrai pour la Sarthe l’est pour la ré-gion. Selon le dernier rapport del’Office français de l’immigrationet de l’intégration (Ofii), la régionPays-de-la-Loire est l’une de cel-les qui, en proportion, ont hébergéen 2012 le moins de demandeursd’asile venus d’autres régions :12,2% des admissions (soit 65 ad-missions sur l’année).En réalité, c’est même bienmoins. Car l’Ofii apporte le cor-rectif suivant : «L’essentiel de ces65 places a en fait été pourvu au ni-veau régional. Il n’y a eu qu’uneseule famille de 6 personnes qui estvenue d’une autre région.» Pas dequoi remplir un car. A peine unminibus. Mieux, le rapport del’Ofii montre que la région a enfait profité du dispositif nationald’orientation pour adresser dansd’autres départements 138 de-mandeurs d’asile. Soit l’exactcontraire de ce que dit le Frontnational. Ajoutons pour tordre dé-finitivement le cou à cette rumeurmancelle sauce Le Pen que les de-mandeurs d’asile transférés d’unerégion à l’autre (d’où qu’ils vien-nent, où qu’ils aillent) ne voya-gent pas groupés dans des cars.«Cette histoire est un pur fantasme,s’agace-t-on à l’Ofii. Les deman-deurs d’asile, quand ils sont envoyésdans d’autres régions, ont un bon detransport. Ils prennent le plus sou-vent le train. Ce sont des hommes,des femmes, des familles. Ils sonttraités au cas par cas.»

CÉDRIC MATHIOT

INTOX

DÉSINTOX

DÉSINTOXA

LAIN

BRIL

LON

Quitte à être impopulaire, autant quetout le monde le soit aussi. Parolede Cambadélis. Pour le député PS,l’exécutif français est «en dessousdes 20% ou aux alentours de 20%[d’opinions favorables], comme tousles gouvernements en ce momenten Europe ou la plupart des gouver­nements». Un tour d’horizon descotes de popularité chez nos voisinslui donne tort. Quand Angela Merkelgarde 69% d’opinions favorables,Xavier Bettel suscite la sympathiede 80% des Luxembourgeois. LesBelges donnent la note de 5/10 à leurgouvernement et 55% des Suissesfont confiance au Conseil fédéral.David Cameron a, lui, terminé 2013avec une popularité à 37%. Ladéfiance française est en fait compa­rable à celle que connaît le pouvoiren Espagne (18%) ou en Grèce (20%),les champions de l’austérité. Aïe.

CAMBADÉLIS INVENTEUNE ÉPIDÉMIED’IMPOPULARITÉ

SPÉCIAL VRP

Désintox traque tous les jourspetits et gros mensongesdu débat public, en partenariatavec Libération et 2P2L. Unepastille d’impartialité à retrouverdu lundi au jeudi, sur Arte, dansl’émission présentée par ElisabethQuin 28 Minutes, à partirde 20h05, et sur Libération.fr.

SUR LIBÉRATION.FR•

Retrouvez la page Désintoxle mardi et le vendredidans Libération.

NORD-PAS-DE-CALAIS

PICARDIEHAUTE-

NORMANDIE

BASSE-NORMANDIE

BRETAGNE

LORRAINE

ALSACECHAMPAGNE-ARDENNE

BOURGOGNECENTRE

PAYS-DE-LA-LOIRE

FRANCHE-COMTÉ

AUVERGNE

LIMOUSIN

POITOU-CHARENTES

AQUITAINE

MIDI-PYRÉNÉES

LANGUEDOC-ROUSSILLON

PROVENCE-ALPES-CÔTE-D'AZUR

16,3 %

14,3 %14,5 %

22,1 %12,8 %

20,7 %

2 %21 %

15,2 %11,3 %12,2 %

22 %

40,3 %

14,5 %30,3 %

28,1 %

9,5 %

11,2 %

27,7 %

ILE-DE-FRANCE

0%

RHÔNE-ALPES

0%

CORSE

Moyennenationale11,7%

moins de 15 %

de 15 à 25 %

plus de 25 %

Source : Ofii, 2012

Part d’admissions dansles Cada* de demandeursd’asile issus d’autresrégions

*Centre d’accueil des demandeurs d’asile

Quand il s’agit de déplorer le retardde la France en matière d’énergiesrenouvelables, Cécile Duflot forceparfois un peu. Comme le 30 janvier,au micro de France Info: «Des payscomme le Danemark sont capablesd’assurer aujourd’hui 100% de leurélectricité par l’énergie éolienne.»Après vérification auprès du minis­tère danois de l’Energie, il s’avèreque le parc national possèdecette capacité… exceptionnellement–les jours très ventés. Pourl’ensemble de l’année 2013, l’éolienne représentait encore que 34% dela consommation électrique du pays.

DUFLOT FAIT UN PEUTROP TOURNER LESÉOLIENNES DANOISES

LA RECHUTE

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201420 •

Page 21: Liberation

REBONDS • 21

Quel pacte républicain?

D’une polémique l’autre. Tel est le lotd’une société sous tension, en quêtede sens et incertaine de ses valeurscommunes. Un mot devrait être aucœur de cette recherche existen-tielle : république. Un «mot sacré»empreint d’un dogmatisme si puis-

sant qu’il échappe à toute réflexion critique de la partde ceux qui l’emploient allègrement comme label ouargument d’autorité. De même que pour la laïcité,les appels incessants à la «république» par des forcespolitico-sociales antagonistes jettent le trouble. Carla république n’est pas un acquis figé et immuable,sa signification n’est pas univoque.A la fois notion philosophique et système empirique,la «république» désigne tout à la fois l’Etat (souverain)et ses institutions, une forme de gouvernement (alter-native à la monarchie et à l’empire) et un système de

valeurs (de plus enplus assimilé à la dé-mocratie). Cette défi-nition est confortéepar l’étymologie dumot (du latin res pu-blica, «chose publi-que»), laquelle oppose

la république à la «chose privée» et par extension àl’intérêt privé, à l’espace privé. Or cette constructionbinaire (public-privé) est mise en péril par divers mo-des d’expression où prévalent l’individualisme socialet le pouvoir financier. La frontière entre les différen-tes sphères est brouillée et tend à se dissiper.Notre Loi fondamentale (Constitution de 1958) qualifiela république d’«indivisible, laïque, démocratique etsociale». Autant de qualités aujourd’hui mises en causepar des forces supranationales ou infranationales,matérielles et immatérielles, réactionnaires ou pro-gressistes. Le préambule de la Constitution –siège pri-vilégié du pacte républicain défini par un ensemblede valeurs, de droits et de libertés consacrés depuis1789– n’échappe pas à la question de son immuabilité.

La perspective fut balayée par le «rapport Veil» remisau président Sarkozy en décembre 2008, et ce, alorsque la lettre de mission signée par le chef de l’Etat l’aitinvité à exprimer de nouvelles exigences liées notam-ment à l’égalité entre hommes et femmes, aux discri-minations positives, à la bioéthique, au respect dela vie privée et de la protection des données person-nelles ou à l’ancrage européen de la république.De cette lettre de mission ressortait la ferme volontéd’aller au-delà d’une simple actualisation constitu-tionnelle des droits fondamentaux. Quoique passérelativement inaperçu, cet épisode est significatif.Au-delà du réflexe conservateur, le statu quo préconisépar le comité de réflexion trahissait la volonté de nepas heurter une société à fleur de peau dès lorsqu’il s’agit de l’interroger sur elle-même.Cette volonté de figer le pacte républicain contreditles profonds clivages qui caractérisent encore notresociété. Définitivement, la chute du mur de Berlin nesigne pas la fin de l’Histoire. L’alternance et l’arrivéede la gauche au pouvoir n’ont pas mis fin à l’hystérisa-tion de la vie publique inaugurée par le mode d’exer-cice du pouvoir de Nicolas Sarkozy. Les débats surla famille («Mariage pour tous», PMA et GPA, droit àl’IVG, «théorie du genre») et la nation (constructioneuropéenne, globalisation) reflètent les «fractures fran-çaises». A l’inverse, certains discours à l’unisson sonttout aussi symptomatiques du malaise ambiant.La levée de boucliers qu’a causée la volonté gouverne-mentale de refonder la politique d’intégration témoi-gne d’une crispation identitaire constitutive du mou-vement réactionnaire qui traverse le pays. Pourtant,la France du XXIe siècle est de fait une société multi-culturelle et les Français ne sont pas culturellementmonolithiques.Opposer le «sociétal» et le «social» relève de l’artificeautant que de la paresse intellectuelle. Les questionssociétales interrogent la politique d’égalité que veulentet mènent nos gouvernants dans un pays qui cultivela passion pour l’égalité. En cela, la crise identitairede la république est une crise de l’égalité. Les inéga-

lités (sociales et territoriales) continuent de structurerune société incapable de conjuguer le respect du sin-gulier et la définition du commun. L’atomisation etle cloisonnement de la communauté nationale ontengendré une citoyenneté à plusieurs vitesses dontl’inégalité sociale –plus que l’hétérogénéité culturelledes populations– demeure la matrice. En cela, la dé-construction de la république n’a rien d’un spectre,c’est une réalité. L’école se trouve ici au cœur dela chaîne des responsabilités. Pilier du «modèle répu-blicain» –qui reste à (re)définir–, l’école n’échappepas aux phénomènes discriminatoires. Notre systèmed’éducation s’est transformé en une machine desélection et d’immobilité sociales, et contribue in fineà l’autoreproduction des élites. L’idée même de méri-tocratie républicaine se trouve altérée par des méca-nismes de reproduction qui consacrent l’injusticecomme matrice de l’ordre social. Et que dire du poidsde l’hérédité, ce critère archaïque qui influe toujoursplus pour l’accès à la «noblesse d’Etat», à l’aristo-cratie politique ou culturelle. Tout projet de sociétédigne de la mystique républicaine consiste encoreaujourd’hui à refonder l’idée d’égalité au-delà de«théories de la justice» (John Rawls) qui semblent avoirlégitimé l’avènement d’une société des inégaux.Le sentiment d’injustice cultive les divisions et les an-tagonismes. La fracture entre gouvernants et gou-vernés rend d’autant moins audible ce sentiment.Les gouvernants font face à une profonde défiance desgouvernés, défiance nourrie par un procès en incom-pétence, en impuissance, en immoralité et en «non-représentativité». S’attaquer aux déficits de représen-tativité politique et sociologique de la représentationnationale suppose une réforme du mode de scrutinaux élections législatives, laquelle réforme n’est hélastoujours pas inscrite à l’ordre du jour. Celle-ci estpourtant impérative pour réactiver le sentiment d’ap-partenance à une «communauté commune».

Coauteur de: «l’Inégalité politique en démocratie»,Fondation Jean­Jaurès, 2013.

Par BELIGHNABLIMaître deconférences àSciences­Po Paris

Opposer le «sociétal» et le «social»relève de l’artifice. Les questionssociétales interrogent la politiqued’égalité que veulent et que mènentnos gouvernants.

NKM contre NKMP

aris était dénigré, accablé, souf-frant. Voici Paris renaissant, re-belle et conquérant. Le discoursa changé de ton, la ville a changé

d’humeur. Pour viser l’alternance poli-tique, Nathalie Kosciusko-Morizetcommence, dans sa «Lettre à tousles Parisiens», par pratiquer l’alternancesémantique. La comparaison des deuxétats du discours dessine même un pro-fil passionnel. Car ce qui est dit de Paris,où «l’abattement n’est jamais que pas-sager», peut être compris commeune signature plus personnelle. En pas-sant d’un état à l’autre, on se situe ainsitoujours aux extrêmes de l’intensité. Letableau initial, phase du Paris bashing,est celui d’une ténébreuse jubilation.On y découvre le «déclassement» d’uneville «grise», «sale», «éteinte», «su-bie», dans laquelle «on respire mal». Enmatière de sécurité, «la montée des vio-lences, l’explosion des trafics, l’insalubritéqui ne cesse de gagner du terrain nourris-sent le sentiment d’abandon de la majoritédes Parisiens». Et comme une image

vaut mieux qu’un argument, l’anciennuméro 1 de la police nationale sousNicolas Sarkozy actuellement aux côtésde NKM, Frédéric Péchenard, n’hésitepas à affirmer qu’en «certains endroits,[Paris] commence à ressembler sérieuse-ment au Bronx». Mais cela est oublié.Le tableau est celui d’une euphorie dontla redondance donne la démesure. Parisest «le fruit magnifique d’une grandehistoire, qui a fait ses monuments etsa légende…». Paris, «ville généreuse» est«forte de son histoire et de son identitéuniques». Paris «regorge de ressources,et la première d’entre elles, ce sont les Pa-risiens eux-mêmes». Eux qui naguèreétaient à l’abandon redeviennent les hé-ros d’une formidable saga urbaine.«Pour chacun de ceux qui choisissent ourêvent d’y vivre», Paris est «promessed’avenir et de réussite». Le nom même de«Parisien» a de tout temps été «syno-nyme d’émancipation économique ousociale». Cette polarisation extrême –etinverse – des affects concerne tousles domaines. A commencer par l’éco-

nomie. Avec son «attractivité en pertede vitesse», notre capitale «décroche dela compétition mondiale». Un signe ines-péré vient faire office de preuve. L’an-nonce erronée que Londres dépasseraitParis en termes d’accueil de touristesétrangers donne lieu à une proclamationd’un fatalisme triomphant sur le site dela candidate : «Ce qui devait arriver,arriva: Londres détrône Paris!» Mais celaaussi est oublié.C’est le Paris de l’énergie créative qui estdésormais promu : «Je serai l’ambas-sadeur de l’excellence et du savoir-faireparisiens à travers le monde.» Mêmedédoublement pour la culture. On lisait:«Paris perd sa singularité […]. Il ne s’ypasse plus grand-chose de nouveau oud’original: elle fascine moins, elle n’étonneplus […]»; quant aux nuits parisiennes,leur «éclat ne finit pas de se ternir». Orvoici qu’on découvre une défense vi-brante de «la création, qui est faite de li-berté et même de subversion, surtout pasde soumission aux modes ni au pouvoir!».C’est surtout autour du motif fameux de

Par DENISBERTRANDProfesseurde littératurefrançaise àl’universitéParis­VIII

«Paris rebelle», que l’ambivalence pas-sionnelle fait sentir ses excès. Les Pari-siens «sont frondeurs, ils l’ont montré àtravers l’histoire». Et le texte ajoute,mélange provocateur de triangulationpolitique, de contradiction intime et deflatterie opportune: «Ce n’est pas parhasard que le pouvoir central s’est toujoursméfié du peuple de Paris !» Le lyrismedevient alors incantatoire et empruntedes accents révolutionnaires: «A Paris,on ne se résout pas. On ne s’incline pasdevant l’adversité. On ne connaît pasla résignation, et l’abattement n’est jamaisque passager. Paris est une ville d’insur-rection et d’espérance.» Chacun des deuxdiscours, celui du blâme et celui del’éloge, a sa cohérence propre. Maisle passage de l’un à l’autre, avec leursexcès antinomiques, ouvre un abîme quifait sens et question à la fois. Par-delàla stratégie politique, on peutse demander où se situe exactementune candidate qui, dans ce jeu d’alter-nance sémantique, se dresse ainsi, avecune égale passion, contre elle-même.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014

Page 22: Liberation

Pour contredire intelligemment le«French bashing» très en voguedans la presse anglo-saxonneces derniers mois, il faut lire le

dernier ouvrage de Michel Foucher,l’Atlas de l’influence françaiseau XXIe siècle. L’auteur profite de sesnombreux voyages pour enquêter surl’image de la France, et, surprise, le ré-sultat va à contre-courant de la rumeurambiante. Loin de tout déclinisme, no-tre pays rayonne encore, pas seulementpar l’art de vivre ou le luxe mais aussipour ses idées subversives, de la Révo-lution du XVIIIe siècle à la crise finan-cière du XXIe, de Tocqueville à l’idée derégulation.Il est beaucoup question de Frenchbashing…Ce n’est pas nouveau. Cela commenceil y a dix ans déjà avec un discours surle déclin français, incarné entre autrespar Nicolas Baverez. Cette représen-tation de la réalité française s’organiseà la fin du deuxième mandat deJacques Chirac, d’abord pour des rai-sons de politique intérieure. Et il y a euune flambée de French bashing aprèsle refus (justifié) de la France d’inter-venir en Irak.Quelle est l’image de la France?La France est une puissance moyennemais, en même temps, elle est beau-coup plus que cela. Sa présence réelledans le monde passe par des fonda-mentaux qui sont la langue, l’économie(surtout pour les grands groupes),la recherche scientifique et, enfin, notrecontribution permanente au systèmeinternational que ce soit par l’élabora-tion de résolutions aux Nations unies ounos interventions sur des théâtres mili-taires. Le domaine scientifique et tech-nique est curieusement sous-estimé,la France est pourtant une référencemondiale en matière de recherche,de brevets, de santé, en astronomie,en physique, en mathématiques.Trop souvent notre image se résume àun art de vivre alors que nous sommessurtout sollicités pour ouvrir des écolespolytechniques dans différents pays.Nous sommes aussi une référence enmatière de droit, d’organisation del’Etat, nous aidons à la rédaction deconstitutions, l’ENA sert de modèledans des Etats émergents. Il y a aussil’héritage de l’histoire. En Chine,la France incarne l’idéal révolutionnairede 89 mais aussi Tocqueville. Au Brésil,c’est le positivisme, Auguste Comte.Cet héritage, nous devons le cultiver.Il faut entretenir la Francophonie. Maisla présence économique aussi est fon-damentale. Les parts de marché ont

plutôt tendance à baisser même siles groupes du CAC 40 obtiennent debons résultats. L’image d’un Etat, desa politique fait maintenant partie dela grille de lecture d’un investisseur.Aujourd’hui, la crise oblige la Franceà s’adapter et, donc, à ne plus êtreson propre étalon.Quels sont les critères d’influence?Le produit national brut, la langue,une capacité d’intervention militaire,le siège au Conseil de sécurité. Maisl’influence consiste essentiellement endes initiatives. Par exemple, la Franceporte la plupart des idées de régulation,qu’elle soit financière ou environne-mentale. L’époque Chirac fut riche enla matière: taxation sur les transactions

financières… La France dispose aussi dulevier européen. Elle peut y faire passerun certain nombre d’idées tout en s’op-posant aux plus libéraux de la Commis-sion. Il s’agit donc d’une présence mul-tiforme, active, qui n’est pas seulementliée à l’héritage. Il y a peu de pays oùl’on s’inquiète de l’état du monde et oùl’on pense le monde. Ce sont essentiel-lement des anciennes puissances.Et les émergents?Il y a la Chine aussi et un peu le Brésil.La Chine veut réorganiser l’Asie orien-tale sur un modèle sino-centré. Maisl’Inde n’a que la diplomatie deson commerce. Tous les pays qui ontun taux de croissance à deux chiffresn’ont pas forcément une vision dumonde. Les émergents sont avant toutcentrés sur leur propre développement.Quelle différence faites-vous entrele pouvoir d’influence et le soft power?Le soft power est avant tout un conceptaméricain, développé par Joseph Nye(sous-secrétaire d’Etat à la Défense)dans les années 90. Dans soft power,le mot important, c’est power. On évitel’emploi de la force par la séductionmais aussi par des sanctions. Ce n’estdonc pas un pouvoir uniquement cultu-rel, comme on a pu le croire en France.L’idée de soft power était un peu tom-bée en désuétude jusqu’à ce qu’Obamase donne pour objectif dès son premiermandat de restaurer l’image des Etats-Unis dans le monde. En France, nouspouvons utiliser le mot influence quifigure d’ailleurs de façon très explicitedans le premier bulletin de l’Alliance

Nombre de cessions de droits en traduction par pays

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS PLUS DE 50 PAYS

CANADA

Amérique latine :13

Commonwealth : 9

BRÉSIL

ARGENTINE

ÉTATS-UNIS

RUSSIE

CHINE

CORÉE DU SUD

JAPON

INDONÉSIE

ISLANDE

MAROC

TUNISIE

INDE

IRAN

TAÏWAN

6

1

8

TURQUIE

ISRAËL

LIBAN

22

1

123

30

17

1

4

16

16

11

19

14

2 1

GÉORGIEARMÉNIE

26

NISIE

888ISRRAISRIS

6

22

13

3

7

7

13

28

24

78

12

10

12*

4

12

712

7

7

5

20

8 20

5

ALLEMAGNE

ROYAUME-UNI

ESPAGNE

PORTUGAL

SUÈDE

NORVÈGE

ITALIE

POLOGNE

FINLANDE

ROUMANIE

SERBIE

* 7 + 5 pour la Yougoslavie

GRÈCE

RÉP. TCHÈQUE

ESTONIE

LETTONIE

KOSOVO

ALBANIEMACÉDOINE

SLOVAQUIE

HONGRIE

BULGARIE

SLOVÉNIE

CROATIE

LITUANIE

PAYS-BAS

DANEMARK

UKRAINE

BIÉLORUSSIE

1

1

Ouvrages concernés : Cours au Collège de France, Histoire de la sexualité (tomes1, 2

et 3), Surveiller et punir, Les Mots et les Choses, L’Archéologie du Savoir, L’Ordre du discours,

Histoire de la folie à l’âge classique, Hercule Barbin dite Alexina B., Moi, Pierre Rivière, ayant

égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, Raymond Roussel, Dits et écrits.

Nombre de cessions de droits

en traduction par pays

PLUS DE 50 PAYS

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

p p y

Ouvrages concernés : Cours au Collège de France, Histoire de la sexualité (tomes1, 2

et 3), Surveiller et punir, Les Mots et les Choses, L’Archéologie du Savoir, L’Ordre du discours,

Histoire de la folie à l’âge classique, Hercule Barbin dite Alexina B., Moi, Pierre Rivière, ayant

égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, Raymond Roussel, Dits et écrits.

5 - 10

< 5

Ouvr

5 10

10 - 20

> 20

: 157

5 - 10

10 - 20

> 20

: 157

Nombre de cessions de droits en traduction par pays

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS PLU

Nombre de cessions de droits

en traduction par pays

PLUS DE 50 PAYS

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

Source : Gallimard et autres éditeurs

ÉTATS-UNIS

26

26

gères n’a plus le même budgetqu’autrefois. Mais même dans le cadreeuropéen, nous sommes presque lesseuls à dire que ce qui se passe en Afri-que centrale ou de l’Ouest est impor-tant. Et les seuls à y assumer nos res-ponsabilités dans un monde où peud’Etats sont prêts à le faire.Et il y a aussi la langue?La langue, bien sûr, mais aussi la penséeet la culture car cela va ensemble.Le français reste l’une des languesles plus traduites. Avec le dévelop-pement démographique de l’Afrique del’Ouest, il pourrait y avoir, en 2050,quelque 700 millions de francophonesdans le monde. Mais cela ne sera vraique s’il y a un accompagnement etun effort pour l’apprentissage du fran-çais mené par la France, la Belgique,la Suisse et bien sûr les Etats africainsconcernés. Il n’y a pas d’influencenaturelle. Elle doit se construire.Notre défi est à la fois de cultiver la fran-copshère mais aussi de savoir en sortirnotamment sur le plan économique.L’influence française n’est-ce pas aussile droit?Effectivement, une grande majorité depays, en Europe y compris la

MICHELFOUCHERGéographe,diplomate

«On attend de la Francequ’elle produise des idéesdifférentes, subversives»

française (1883): l’objectif était déjà derépondre au défi allemand au lende-main de la défaite et au défi anglo-saxon déjà identifié. Il s’agit de pro-pager l’influence de la France parla langue. L’influence, c’est ausside Gaulle qui mobilise les intellectuelscomme deuxième pilier de la Résis-tance, la résistance intellectuelle aprèsla résistance armée. Le ministre desAffaires étrangères, Laurent Fabius,reprend aussi le terme d’influence :les deux axes de sa politique étantla diplomatie d’influence et écono-mique. Il est intéressant de noter quel’on parle d’influence quand il n’estplus question de logique de puissance.Et une logique d’influence est une stra-

tégie d’adaptation au monded’aujourd’hui. Ce livre estaussi une stratégie de sortiede crise. La société françaisen’aime pas le monde telqu’il est et ainsi nous parlonsplutôt de mondialisation.J’essaie de ne pas employer

ce terme. Il ne s’agit pas de la Francedans la mondialisation mais de laFrance dans le monde.Vous dites que l’influence est là où on nel’attend pas. Qu’entendez-vous par là?On attend de nous que nous produisionsdes idées différentes des idées domi-nantes, même si la référence pourles nouvelles classes moyennes dansle monde vient principalement desEtats-Unis. Que nous nous distinguionsdu rouleau compresseur occidentalo-global. Il y a par exemple l’idée de régu-lation, ou l’idée européenne. Les idéesde subversion. Lire Tocqueville,aujourd’hui, au Bureau politique duParti communiste chinois peut être trèssubversif. Il y a toujours un décalage en-tre ce que l’on apprend de la France àl’étranger dans les manuels scolaires etla réalité française contemporaine. LaFrance gêne, notamment outre-Atlanti-que, parce qu’elle a une voix différente.Mais je crois que c’est cette voix quesouhaitent entendre les émergents. Entémoigne encore le prestige deDe Gaulle. La lumière continue de brillermême si l’astre est éteint.La puissance d’influence française n’est-ce pas d’abord le siège permanent auConseil de sécurité et l’arme nucléaire?C’est vrai, mais il y a aussi la qualité dela diplomatie française, reconnue parses partenaires y compris les Britan-niques. Elle est certes inégale selonles domaines et les régions du mondemais la France n’en conserve pas moinsle 2e ou le 3e réseau diplomatique,même si le ministre des Affaires étran-

Nous sommes aussi une référenceen matière de droit, d’organisationde l’Etat, nous aidons à la rédactionde constitutions, l’ENA sert demodèle dans des Etats émergents.

ATLAS DEL’INFLUENCEFRANÇAISEAU XXIE SIÈCLEsous la directionde MICHELFOUCHERRobert Laffont, avecl’Institut français,179pp., 29€.

DR

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201422 • REBONDS

Page 23: Liberation

Nombre de cessions de droits en traduction par pays

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS PLUS DE 50 PAYS

CANADA

Amérique latine :13

Commonwealth : 9

BRÉSIL

ARGENTINE

ÉTATS-UNIS

RUSSIE

CHINE

CORÉE DU SUD

JAPON

INDONÉSIE

ISLANDE

MAROC

TUNISIE

INDE

IRAN

TAÏWAN

6

1

8

TURQUIE

ISRAËL

LIBAN

22

1

123

30

17

1

4

16

16

11

19

14

2 1

GÉORGIEARMÉNIE

26

NISIE

888ISRRAISRIS

6

22

13

3

7

7

13

28

24

78

12

10

12*

4

12

712

7

7

5

20

8 20

5

ALLEMAGNE

ROYAUME-UNI

ESPAGNE

PORTUGAL

SUÈDE

NORVÈGE

ITALIE

POLOGNE

FINLANDE

ROUMANIE

SERBIE

* 7 + 5 pour la Yougoslavie

GRÈCE

RÉP. TCHÈQUE

ESTONIE

LETTONIE

KOSOVO

ALBANIEMACÉDOINE

SLOVAQUIE

HONGRIE

BULGARIE

SLOVÉNIE

CROATIE

LITUANIE

PAYS-BAS

DANEMARK

UKRAINE

BIÉLORUSSIE

1

1

Ouvrages concernés : Cours au Collège de France, Histoire de la sexualité (tomes1, 2

et 3), Surveiller et punir, Les Mots et les Choses, L’Archéologie du Savoir, L’Ordre du discours,

Histoire de la folie à l’âge classique, Hercule Barbin dite Alexina B., Moi, Pierre Rivière, ayant

égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, Raymond Roussel, Dits et écrits.

Nombre de cessions de droits

en traduction par pays

PLUS DE 50 PAYS

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

p p y

Ouvrages concernés : Cours au Collège de France, Histoire de la sexualité (tomes1, 2

et 3), Surveiller et punir, Les Mots et les Choses, L’Archéologie du Savoir, L’Ordre du discours,

Histoire de la folie à l’âge classique, Hercule Barbin dite Alexina B., Moi, Pierre Rivière, ayant

égorgé ma mère, ma sœur et mon frère, Raymond Roussel, Dits et écrits.

5 - 10

< 5

Ouvr

5 10

10 - 20

> 20

: 157

5 - 10

10 - 20

> 20

: 157

Nombre de cessions de droits en traduction par pays

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS PLU

Nombre de cessions de droits

en traduction par pays

PLUS DE 50 PAYS

MICHEL FOUCAULT : UN CLASSIQUE LU DANS

< 5

5 - 10

10 - 20

> 20

Total : 157

Source : Gallimard et autres éditeurs

ÉTATS-UNIS

26

26

Russie, l’Amérique latine, la moitiédes Etats africains sont des pays de droitromano-germanique dont le droit français,notamment avec le code Napoléon qui futen son temps un énorme progrès, incarnel’un des exemples le plus aboutis. Au débutdes années 90, on voyait de grands juris-tes, comme Robert Badinter, aider à la ré-daction des constitutions de pays de l’ex-glacis sortant du communisme. Ce droitciviliste est l’un des ingrédients de la dé-mocratie. La France était et reste unegrande puissance juridique. Ainsi, la Coureuropéenne de justice, qui est la Cour del’Union européenne travaille exclusi-vement en français.Le point noir, c’est l’économie. Pourquoi?Nous avons une insuffisante adaptation del’offre de nos entreprises à la demande enmatière d’équipement des émergents. Nousavons un nombre insuffisant et une tropgrande faiblesse de financement des entre-prises de taille intermédiaires qui fontla force de l’Allemagne ou de l’Italie duNord et du Centre. Nos parts de marchédans la francosphère sont trois à quatre foissupérieures à celle que nous avons dansle marché mondial. La cause en est quenos entreprises travaillent en français alorsqu’il faut travailler en anglais. C’est le côté

contradictoire d’une position de force, hé-ritage d’une langue qui reste une langue in-ternationale.Quelle est la raison du malaise des Françaiset de leur sensation de déclin?Il y a un discours récurrent sur la Francevictime de la mondialisation. Or, au con-traire, nous sommes bien placés maisnous ne voulons pas le savoir. Nous sommesun acteur de cette mondialisation.Nous l’avons été lors de la constructioneuropéenne car le Marché commun étaitaussi une entreprise de dérégulation.Aujourd’hui, nous voulons, dans le cadre del’OMC, le démantèlement du protection-nisme américain afin d’avoir accès à leurmarché public. Mais il y a un manque deculture géopolitique chez la plupart desdirigeants d’entreprise et la grande majoritédes dirigeants politiques français ne con-naissent pas le monde. Quand ils voyagent–en 2013, François Hollande a fait quelque45 voyages hors des frontières – ils n’enparlent guère et surtout ne mènent aucunepédagogie vis-à-vis de l’opinion. Les partsde marché, les entreprises finiront pars’adapter et les reconquérir. Ce qui nousmenace, c’est le repli intellectuel.

Recueilli par CATHERINE CALVETet MARC SEMO

Sotchi,exemplaireallégorie detous nos maux

Et de jour en jour un peu plus éberlués,constatons l’irréel et audiovisuel enva-hissement de tout, ou à peu près, parl’omniprésence des anneaux…Paradoxalement, ces cinq-là, qui s’avan-cent à la façon des quatre cavaliers bibli-ques, ne sauraient mieux restituer qu’àSotchi l’actualité du monde, et l’apo-calypse qu’à la fois ils incar-nent et promettent. Leursbannières affichent lestriomphes de la dictature néostalinienne,de la corruption capitaliste, du nationa-lisme en fanfare et du massacre accéléréde la planète, défilant dans l’effarantelaideur d’un plumage publicitaire déme-suré et d’un ramage «superjuste trop trucde ouf» que le Dr Garriberts décryptaheureusement samedi, dans son hebdo-madaire Bourre-Paf.Ici, sur les terres de Poutine tout impré-gnées des pluies tiédasses du réchauf-fement climatique et suintant la peur bieninstillée du terrorisme «islamiste», leComité international olympique cau-tionne et préside ces ignominies avec lapassivité lâche d’une Organisation desNations unies qui ne veut rien dire, rienvoir ni rien entendre, tout de même quel’Union européenne à propos de la barba-rie déchaînée en Ukraine voisine. Back-stage, le «tsar» embastille Pussy Riots,militants écologistes, homosexuels op-primés et protestataires multiples, d’unemain orchestrant son barnum anti-droitsde l’homme, de l’autre bénissant l’infinirecommencement des tueries perpétréesen Syrie par son allié Bachar al-Assad. Ettout ça dans l’indifférence à peu près ab-solue de la communauté des nations «dé-mocratiques» – et de leurs journaux,aussi, plus volontiers, sinon exclusive-ment, préoccupés de «tableau des mé-dailles».De sorte qu’à l’heure où nous est sug-gérée la production de projets suscep-tibles de sauver Libération, Sotchi (je disSotchi, mais mes collègues du servicedes Sports ne s’en formaliseront pas :je pourrais évoquer nombre d’autressujets) nous fournit opportunément l’oc-casion de dire des choses qui fâchent.Car c’est aussi de les avoir tues trop long-temps que nous sommes en train demourir. Si nous faisons encore un jour-nal, nous ne sommes pas cette si chouettebande de chouettes copains et copines,famille unie et aimante dans un centra-lisme démocratique soudain réhabilité,façon d’union nationale qu’identifie, sousla bannière «Nous sommes un journal»,l’anonyme et peu rassurante signature del’entité «les Salariés de Libération».Après trois mois de crise désormaisouverte (mais elle dure depuis des an-

nées), cette mythologie, aussi ancréededans nos murs que celle, dehors, ducrypto-hégélien «mon Libé nécessaireavec le café-clope du matin» (lire là-des-sus Etienne Balibar dans notre édition demercredi) ne veut pas quitter le cocon desa couette nostalgique. Prétendre la réé-crire avec une liseuse à l’ombre d’une

machine Nespresso dans lasolitude égoïste ou résignéede son chacun chez soi

–chacun pour soi, tandis que s’éteignentles kiosques et s’interdit le tabac auxbistrots désertés, c’est l’ambitiond’un mauvais remake.Quand il est minuit moins le quartdans le siècle, quand les résistants duFahrenheit 451 de Bradbury se terrent auxmarges de la cité, quand la démocratien’est plus guère qu’une incantation figée(lire là-dessus Manuel Cervera-Marzal inRebonds du 17 février), c’est moins d’une«boîte à idées» dont nous avons besoinque d’un projet éditorial et de finance-ments.Et c’est peut-être aussi de redevenirminoritaires, dynamiques et distingués,comme au temps où Libération inventa àpeu près tout –la sublimation de l’image,l’Evénement, le courrier des lecteurs,les Rebonds et jusqu’au traitement dela publicité – toutes choses dont nousfûmes dépossédés. Tout, et l’accueil deslecteurs, et la «modération» du nau-naute, et notre distribution aussi.C’est qu’à tout confier à d’opaquessous-traitants et d’obscurs actionnaires,nous en avons oublié nos principes,au premier chef desquels le droit pourla presse, de même que pour l’éducation,la santé, la culture, d’être déficitaire sansen être complexée. Car de ce qui futnotre intellectuel collectif, demeurentnotre minimale ambition d’un enga-gement social et notre détestation de l’in-humanité ultralibérale. A moins, biensûr, que je ne me trompe.Pour la structure économique, entre lasociété coopérative et participative sanspapier qu’évoquait lundi Schneidermannen sa Médiatiques, le système d’aides pu-bliques opportunément «désintoxiqué»la semaine dernière («Nous sommes unjournal» du 12 février) et le crowdfunding,avatar de la souscription dont nous avonsquelque historique expérience, en passantpar des partenariats intelligents, il n’estpas imaginable que n’existent pas des pis-tes, des combats et des solutions.Ou bien la mort, puisqu’à l’instar des ci-vilisations de Paul Valéry, nous savonstrop bien, désormais, que les journauxsont mortels. Mais si sa question se poseévidemment, ici et maintenant, mieuxvaut l’envisager debout que couché.

NO SMOKING

Par PIERREMARCELLE

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 REBONDS • 23

Page 24: Liberation

THÉÂTRE La délicateadaptation jouéeà Rennes meten valeur le textede Tchekhovet les déséquilibresdes protagonistes.

«Oncle Vania»,vaille que vaille

U ne bouteille de vodka, de petitsverres et deux buveurs raisonna-blement éméchés à chaque extré-mité d’une très longue table.

Comment celui qui a la bouteille de son côtépeut-il, sans se déplacer, faire boire son par-tenaire? S’il tente de lui envoyer les verres oula bouteille d’une poussée de la main, il estprobable que tout se renversera avant d’arri-ver à destination. S’il lui lance la bouteille, leschances pour que l’autre la rattrape sont mi-nimes. La solution, c’est de remplir le verre,puis d’incliner le plateau de la table de façonà le faire glisser en douceur. C’est encore plusamusant si on commence par envoyer unverre, puis deux à la fois, puis trois.Cette scène de beuverie entre Astrov (JérômeBidaux) et Vania (Alain D’Haeyer), Eric La-cascade aurait pu la vivre – ou en être té-moin– dans un bar de Lille, où il a vécu unebonne partie de sa vie, ou de Rennes, où il estarrivé à l’automne 2012. Bête et amusant, cepetit jeu d’ivrogne ne leste pas seulementd’authenticité cet instant du spectacle –ons’y croirait, comme si on était attablé dansle même bistrot–, il est aussi exemplaire dela façon dont le metteur en scène tire parti dece qui pourrait n’être qu’un détail. Le glisse-ment sur le plan incliné, avec la part de ris-que afférente, renvoie au déséquilibre de per-sonnages tous plus ou moins engagés sur unepente fatale, subissant une vie sur laquelle ilsn’ont pas de prise et à laquelle ils ne peuventmême pas échapper par le suicide ; il n’y apas de morts dans Oncle Vania, rien que descoups de feu qui n’atteignent pas leur cible,ce qui n’est un soulagement ni pour les per-sonnages ni pour les spectateurs.

MUR GRIS. Dans la mise en scène d’Eric La-cascade, l’absence d’échappatoire apparaîtclairement avec une scénographie qui, mêmesi elle se déplie d’acte en acte, n’ouvre quesur des pans de mur gris, comme si l’enfer-mement de la vie à la campagne, «la vie denotre province russe, cette petite vie mesquine»,ainsi que la définit Astrov, n’était même passusceptible d’être allégé par la présence dela nature. La mise en scène n’est pas à pro-prement parler cafardeuse ou mélancolique,elle penche plutôt vers le sentimental, mêmesi elle n’est pas exempte de brutalité. QuandVania, de rage, saccage contre la table le bou-quet de roses qu’il voulait offrir à Elena, pasun pétale n’en sort intact, mais la violencedu geste est comme adoucie par le parfum

Par RENÉ SOLIS Envoyé spécial à Rennes

qui se répand dans la salle. L’image la plusfrappante étant sans doute la moins specta-culaire: un ballet de lustres qui s’écartent et

se séparent lentement et que l’on regarde lagorge nouée, comme si lampes et vies seconfondaient.Qu’un spectacle par ailleurs d’une grandesobriété visuelle –table, chaises et c’est à peu

près tout– génère des images inoubliables esttoujours bon signe. Que les images en ques-tion séduisent d’abord par leur force de sug-

gestion est plus inattendu chezEric Lacascade, plus volontiersporté sur l’épuisement des corpset le paroxysme que sur la délica-tesse des sentiments. Accessible etparticulièrement réussie, sa ver-sion d’Oncle Vania marque certai-nement un tournant dans son tra-

vail. Qui passe par une attention inéditeportée au texte. Jamais le metteur en scènen’avait donné l’impression d’être autant àl’écoute, ni autant soucieux de faire enten-dre. Même s’il réadapte le texte de Tchekhov

à sa façon, d’après la traduction d’AndréMarkowicz et Françoise Morvan, il ne vio-lente rien.

GAIETÉ. En fait, l’essentiel de son interven-tion est d’avoir ajouté à l’Oncle Vania plu-sieurs personnages et situations qui figurentdans l’Homme des bois, la première version dela pièce, reniée par son auteur. L’action n’estplus concentrée dans la propriété de campa-gne de Sérébriakov, le professeur à la retraitevenu s’installer, après avoir fait carrière àMoscou, chez Vania, son beau-frère, et Sonia,sa fille. Elle commence par une fête chez desvoisins, Jeltoukhine et sa jeune sœur, sous lesigne de l’attente et d’une certaine gaieté.

Les invités surgissent de la salle etleur arrivée fonctionne bien, commes’ils emportaient sur scène une partde l’attention et de la curiositédes spectateurs.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201424 •

CULTURE

Page 25: Liberation

Eric Lacascade explique son choix de mixer deux versions de la pièce:

«Servir la parole du poèteplutôt que l’action»E ric Lacascade a pris

en 2012 la successionde Stanislas Nordey

comme directeur de l’écoled’acteurs du Théâtre natio-nal de Bretagne, à Rennes. Ilest aussi devenu, naturelle-ment, un des metteurs enscène associés à la maison.A douze ans d’intervalle,François Le Pillouër, le di-recteur de l’établissement, aainsi redonné une chance àdeux metteurs en scène sor-tant d’une expérience dou-loureuse avec l’institution.Pour Stanislas Nordey, ils’agissait de l’échec – aumoins d’un point de vuecomptable– de l’expériencede «théâtre citoyen» menéeau théâtre Gérard-Philipe deSaint-Denis de 1997 à 1999.Pour Eric Lacascade, ce futencore plus rude. Son départde la direction du Centredramatique national deCaen, en 2006, marqua ledébut d’une traversée du dé-sert. Il a payé non seulementpour le déficit laissé à sonsuccesseur, mais aussi pourun certain radicalisme, tantpolitique – il fut à la pointede la pointe du conflit desintermittents en 2003 –qu’artistique. A Rennes, EricLacascade a enfin trouvéun point d’ancrage et lesconditions pour rappelerqu’il reste un artiste majeur.Pourquoi avez-vous choisi de«mixer» l’Homme des boisavec l’Oncle Vania?Les deux pièces me plaisentpour des raisons différentes.Vania est plus centré surl’intimité, la famille. C’estcomme une dissection trèsbelle, parfaite, presque trop.L’Homme des bois, c’est l’in-verse, un grand mouvementqui déborde de vitalité, dejeunesse, même s’il se perden route. Je voulais monterles deux textes mais, pourdes questions budgétaires,les producteurs potentielsn’étaient pas d’accord. J’aicréé un laboratoire à Vilnius,en Lituanie, avec de jeunesacteurs. Et c’est là-bas quej’ai décidé de fondre lesdeux. Une première versiondu spectacle, jouée à Moscouet même à Séoul, a doncexisté en lituanien.Le premier acte est largementemprunté à l’Homme desbois, puis cela bascule plutôtdans Vania…Oui, et je me suis renducompte que cela posait desproblèmes liés aux différen-

ces entre les maisons. J’ai ditaux acteurs que celle du pre-mier acte était une maisonanti-autoritaire, que la fêtey avait un côté anarchiste,alors qu’à partir dudeuxième acte, on basculedans la maisonautoritaire, dansle communisme,si l’on veut, avecun despote.Dans votre ver-sion, le person-nage du médecinprend une placeparticul ière-ment impor-tante…Oui, même si je ne sais plustrès bien moi-même ce quirelève de l’une ou l’autrepièce. Ce qui est sûr, c’estque j’ai aussi cherché à cas-ser la beauté du personnage,à en faire quelqu’un de déce-vant. Cela vient de mon tra-vail avec Gorki [dont il a

monté les Barbares et les Esti-vants, ndlr], où les protago-nistes finissent toujours pardécevoir.Même si vous adaptez, voussemblez beaucoup plus res-pectueux du texte qu’avant.

Pourquoi?Pour plusieurs rai-sons. Prenons led i s c o u r s d el’Homme des boissur la protection dela forêt, que l’onretrouve presque telquel dans Vania. Jeme suis dit :aujourd’hui, undiscours pareil, on

en entend tous les jours. Jesais qu’en le jouant physi-que, cela va passer.Mais c’est un peu facile et enplus, ce n’était pas commecela qu’il était perçu à l’épo-que de Tchekhov. Je me suisdit que cela valait le coup deservir la parole du poète, pas

l’action. Que cela permettaitde retrouver une distance.Servir la parole avant l’action,c’est nouveau pour vous?Oui. Cela veut dire écouterd’abord. Faire entendre laparole poétique est une façonde perturber la forme quim’était habituelle. Dirigerl’école m’a aussi poussé àchanger ma façon de faire. Aêtre plus attentif à la puis-sance des mots, à leur préci-sion, leur sens. Je suis sansdoute arrivé à un moment dema vie ou entendre les textesles yeux fermés me fait dubien. J’ai longtemps dit quela vie devait être plus forteque la littérature. J’en suismoins sûr. Je ne crois plusque les corps doivent tou-jours prouver qu’ils sont lesplus forts. J’essaie dem’adapter aux situations.Alors qu’avant, je commen-çais par monter sur la table.

Recueilli par R.S.

CA

ROLI

NE

ABL

AIN

Une attente largement partagée par la salle,où les lumières restent longtemps alluméesalors que les acteurs préparent verres et bou-teilles en discutant. Les invités finissent parsurgir de la salle et leur arrivée fonctionnebien, comme s’ils emportaient sur scène unepart de l’attention et de la curiosité des spec-tateurs, comme si le fait de venir du publicfacilitait l’identification.Eric Lacascade n’a jamais été un adepte del’imitation de la réalité. Les comédiens d’On-cle Vania cherchent moins à se fondre dansleurs personnages qu’à appuyer sur leurs ex-cès ou déséquilibres. Millaray Lobos Garcia,qui interprète Sonia, est celle qui va le plusloin sur ce chemin, corps de danseuse cassée,tour à tour maladroite, paniquée ou péremp-toire. Elle surjoue, mais laisse aussi chacunimaginer ce qu’elle peut être. Il n’y a pas dehéros dans Oncle Vania, mais des personna-ges auxquels on a la liberté de choisir de plusou moins s’identifier. Le plus séduisant, As-trov, le médecin lucide, visionnaire, soucieuxd’écologie est aussi un goujat. Ce sont bienles failles des personnages qui intéressentEric Lacascade et que jouent ses acteurs. •

ONCLE VANIA de TCHEKHOVm.s. ÉRIC LACASCADEThéâtre national de Bretagne, Rennes (35).Jusqu’au 1er mars. Théâtre de la Ville, 75004,du 5 au 22 mars.

AlainD’Haeyer,

MillarayLobos Garcia

et JérômeBidaux.

PHOTO BRIGITTEENGUÉRAND

INTERVIEW

Xavi

er L

e R

oy, «

Le

Sacr

e du

pri

ntem

ps »

, 200

7 -

© V

ince

nt C

avar

oc -

© C

entr

e P

ompi

dou,

dir

ectio

n de

la c

omm

unic

atio

n et

des

par

tena

riat

s, c

once

ptio

n gr

aphi

que

: Ch.

Ben

eyto

n, 2

014

Avec le soutien de

En partenariat média avec

LE NOUVEAU FESTIVALDU CENTRE POMPIDOU5ÈME ÉDITION

EXPOSITIONS, SPECTACLES, CINÉMA, CONFÉRENCES ET PERFORMANCES19 FÉVRIER - 10 MARS 2014

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 CULTURE • 25

Page 26: Liberation

ANGEL OLSEN CD: BURN YOUR FIREFOR NO WITNESS (Jagjaguwar).En concert au festival Les Femmes s’en mêlent,le 26 mars au Divan du monde, 75018,le 27 à la Lune des pirates, Amiens (80).Rens.: www.lfsm.net

A 27 ans, l’Américaine Angel Olsenvient de sortir son deuxième véritablealbum, Burn Your Fire for No Witness.

Après avoir croisé le chemin de Will Oldhamdans une soirée étudiante, quelques annéesplus tôt, elle commence sa carrière commechoriste occasionnelle pour Bonnie «Prince»Billy et part en tournée avec le groupe.Parallèlement, elle compose ses propreschansons et mixe maladroitement dans sachambre un premier album, Half Way Home,en 2012. Signée sur le label Jagjaguwar, on luipropose de travailler avec le producteur JohnCongleton (The Walkmen, St. Vincent), dontelle se méfie dans un premier temps. Elle quifaisait jusque-là ses disques seule redoute queson travail ne soit dénaturé. Mais les deux fi-nissent par s’apprivoiser et bouclent l’albumen dix jours.Ska­punk chrétien. Si l’on ressent immé-diatement ses influences folk, Angel Olsenéchappe déjà aux étiquettes, sa musique in-carnant un savant mélange de rock, de punket de grunge. La jeune femme a grandi dansun foyer aimant à Saint-Louis, dans le Mis-souri. Ses parents l’incitent à prendre des le-çons de guitare et de chant, mais les cours,«ce n’est pas trop [son] truc».Adolescente, débordante d’énergie, elle re-joint Good Fight, un groupe ska-punk chré-tien. Cette expérience lui permet accessoire-ment de changer d’avis sur l’Eglise. Sespotes, plus âgés et mélomanes, lui font dé-couvrir Sparklehorse et Neutral Milk Hotel,deux groupes qui influenceront plus tard BurnYour Fire for No Witness. A 19 ans, elle quitte

Saint-Louis, bien décidée à vivre de la musi-que, et part s’installer à Chicago. Seule etdésorientée, elle y enchaîne les boulots ali-mentaires dans des salons de thé, des restau-rants et des bars. Sa vie ressemble alors à unfilm indépendant dans lequel il ne se passe-rait pas grand-chose, mais qui serait em-preint de vérité. Dans le clip Hi-Five, la belleest calée dans un canapé, le regard fixe, mu-tine mais pas naïve; son visage impénétrable

contraste avec sa voix puissante. Elle chante:«Tu es seul toi aussi? Oui, je le suis. Tope là!»Muse sixties. Ode à la solitude, le morceauUnfucktheworld, qui ouvre l’album, illustrecette ambiguïté: «Je dois sauver ma vie. Je suisseule maintenant. Tu ne seras plus là.» Commesi, dans le corps frêle de la chanteuse effacée,digne d’une muse sixties, était entrée unemamma blues brisée. La voix rauque, hyperexpressive, semble marquée par l’empreinte

d’années de solitude pleine d’histoiresd’amour qui se terminent toutes mal.Entre paupérisme et intimisme, l’albumd’Angel Olsen raconte son histoire, avec unmélange de détachement et de sensibilitéénervée, mais pas résignée. Plus optimistequ’elle n’y paraît, elle finit par se demander:«Qu’est-ce qu’il y a de si mauvais avec lalumière ?»

ROMANE GANNEVAL

FOLK La songwriter américaine sort un deuxième album superbement écorché. Sur scène fin mars.

Angel Olsen, ange déçu

ZÉ LUIS CD: SERENATA (Lusafrica).En concert ce soir à 20h30au New Morning, avec Nancy Vieira,7­9 rue des Petites­Ecuries, 75009.

Z é Luis aurait sans doute aimévivre de la musique avantd’atteindre l’âge de la re-

traite. Mais l’avantage, c’est qu’ilnous parvient en ayant accumuléun patrimoine inestimable : descentaines de chansons stockéesdans le disque dur de sa mémoire,la plupart jamais éditées. Une véri-table bibliothèque du savoir popu-laire du Cap-Vert, dont il est le der-nier dépositaire. Et qu’il restitueavec une voix de miel et un déli-cieux abandon qui évoquent lareine de la morna, Cesaria Evora,disparue un an avant la parution deson premier disque.Caillasses. Il y a quelques jours, àAulnay-sous-Bois, en plein cœurdes cités, il a rempli le Cap, sallefonctionnelle de 200 places. Dans

le public : un mélange de compa-triotes et de mélomanes curieux.Dans sa loge, il confie: «Mon métierest, encore aujourd’hui, la menuiserieet l’ébénisterie. Des instruments ?Non, je ne sais pas faire ça, mais jefabrique des chaises, des tables, desarmoires, des lits etmême des charpentesde maisons.»Sodade, hymne de lamorna qu’il intègre àson répertoire, a unrapport étroit avec sapropre vie. La chanson (dont la pa-ternité a fait l’objet d’une bataillejuridique) raconte l’exil quasimentforcé des Cap-Verdiens vers les îlesSao Tomé-et-Principe, dans le golfede Guinée : poussés par la misère,ils allaient cultiver les fertiles terresvolcaniques pour le compte des co-lons portugais. «J’étais bébé quandmes parents ont émigré, raconte-t-il. J’ai grandi à Principe, où mamère tenait une échoppe fréquentée

par les compatriotes. Elle servait lacachupa [le ragoût national] et duvin. Il y avait des gens de tout leCap-Vert, une guitare apparaissait ettout le monde chantait. J’ai baignédans cette ambiance de musique et demorabeza.» Pierre angulaire de

l’identité capverdienne, la mora-beza désigne l’hospitalité, le vivre-ensemble…Quand il a 17 ans, la famille rentreà Praia, sur l’île de Santiago. «Lechoc a été rude, se souvient Zé (di-minutif de José) Luis. Je venaisd’une terre luxuriante, avec des mon-tagnes, des cascades, et je me retrou-vais sur une île de caillasses, où deschèvres faméliques mâchaient dupapier… J’ai voulu repartir, mais ma

mère m’a dit: “Ton pays, c’est ici.”»Dans son nouveau quartier, le jeunehomme a pour voisins des musi-ciens amateurs qui l’accueillent: ila une jolie voix et connaît plus dechansons que quiconque. Travail dubois la semaine et, les vendredis etsamedis soirs, tocatina (fête entreamis) et serenata «quand nous al-lions chanter sous les fenêtres d’unejolie fille. Dans le meilleur des cas, larécompense était, le lendemain, unbaiser sur la joue», s’amuse-t-ilaujourd’hui.Grand bain. Le 25 avril 1974, àLisbonne, des militaires progres-sistes renversent la dictature enplace depuis près d’un demi-siècle«Un moment très fort, rappelle ZéLuis, les gens se sont réunis au Pla-teau, le centre-ville de Praia, pours’embrasser, pleurer, brandir desdrapeaux du Cap-Vert... Hélas, j’aiun peu manqué la fête. Je vivais en-core chez mes parents qui, redoutantque ça tourne mal, m’ont interdit de

sortir. J’ai suivi tout ça à la radio.»Un an plus tard, le Cap-Vert est in-dépendant. Un régime marxisteà parti unique est instauré, et legroupe informel de Zé Luis accèdeà la reconnaissance: le gouverne-ment l’invite à jouer pour les hôtesde marque. Un ami musicien, Ma-rio Lucio, fondateur du groupe Si-mentera, devient en 2008 ministrede la Culture. Lors d’une visite deresponsables culturels étrangers, ilchante quelques chansons et JoséDa Silva, le producteur de CesariaEvora, décide de le lancer dans legrand bain.Depuis un an, Zé Luis sillonne lemonde et s’avoue impressionné pardeux pays : la France et la Grèce.Dans sa tournée actuelle, il a pourinvitée la lumineuse Nancy Vieira,et leurs voix chaudes font merveilleen duo. Avant que le concert neparte sur les grooves dansants de lacoladeira et du batuque.

FRANÇOIS-XAVIER GOMEZ

WORLD A 60 ans, le menuisier cap-verdien prend peu à peu la place laissée vacante par Cesaria Evora.

Zé Luis, du bois dont on fait les hérauts

La musique d’Angel Olsen, originaire du Missouri, mêle rock, punk et grunge. PHOTO ZIA ANGER

Reconnu sur le tard, Zé Luis est unevéritable bibliothèque du savoirpopulaire du Cap-Vert, dont il estle dernier dépositaire.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201426 • CULTURE

Page 27: Liberation

C haque dernier diman-che du mois, à laLoge (1), place à Tête

de lecture. Dans le cadre dece projet qui se veut insolite,le comédien Yves Heck inviteles spectateurs à apporter untexte court, qu’il lira s’il esttiré au sort. Chaque nouvellesession accueille un invité, leplus souvent un écrivain,tenu d’apporter trois textesde son choix qui ponctuerontcette heure littéraire. Pour lerendez-vous de février,c’était le pianiste FrançoisRegis qui improvisait au fil dela lecture du comédien.Plumes. Short Edition, mai-son spécialisée dans la litté-rature courte et partenaire del’opération, propose de soncôté un texte tiré de son ca-talogue pour faire découvrirde nouvelles plumes au pu-blic. Parallèlement, celui-cichoisit la page de Proust qu’ilsouhaite entendre. PourquoiProust ? Car peu importe lapage à laquelle on ouvre sonœuvre, il s’y passe toujoursquelque chose.L’intérêt de cet exercice ré-side dans la concentrationqu’il requiert. C’est avanttout un concentré de littéra-ture. Les textes courts jouis-sent d’une puissance d’évo-cation et d’une efficacité

d’expression rares. Concen-tration intellectuelle aussiquand, à l’écoute d’un textedont l’auteur n’est connuqu’après coup, les specta-teurs se demandent s’ils re-connaissent ses mots. Con-centré d’émotions, enfin.Celle du quidam tiré au sort,qui n’a sûrement pas apportéce texte-là par hasard. Celledu public, curieux d’enten-dre la lecture d’Yves Heck,comédien découvrant untexte en même temps qu’ill’interprète, pendant cesquelques minutes à mi-che-min entre la réception (Heckdans la peau du lecteur) et lacréation (Heck dans la peaude l’acteur) : «J’aime ne passavoir ce que je vais lire, maism’y projeter, m’y livrer toutentier», explique-t-il.Cette «heure aléatoire» tirel’essentiel de sa saveur duhasard qui la régit. L’enchaî-nement fortuit des œuvresconstruit des connexionsinattendues et fécondes,participant à l’atmosphèreconviviale de l’événementpendant lequel le public bé-néficie d’un rapport moinssolennel à la scène et d’unéchange plus spontané avecle comédien. Malgré le tirageau sort, de grandes lignes sedessinent. En majorité, les

spectateurs choisissent destextes de prose romanesque,un peu de poésie, peu dethéâtre. Parmi les élus de cepremier rendez-vous del’année : Joyce, Jaccottet,Bernhard. Le public mani-feste là son envie d’écouterdes textes voués d’ordinaireau silence. Avec raison. Lireà haute voix impose de briserl’élan d’une lecture inté-rieure, de suivre la respira-tion et donc de lire autre-ment.Sonorité. On redécouvre àquel point Claude Simon ci-sèle sa langue en fonction dela sonorité des mots. D’autrestextes peuvent paraître moinsintéressants du point de vuede leur rapport au langagecomme matériau, mais tousont quelque chose à exprimeret à faire écouter. Rien n’estinterdit: libre à chacun d’ap-porter, la fois prochaine, unedescription balzacienne, unroman épistolaire, un mono-logue de théâtre, un poèmeen alexandrins, un essai phi-losophique, un pamphletvoltairien ou une chanson–c’est déjà arrivé.

MAUD COUTURE

(1) Prochain rendez­vous,dimanche 17h30 à la Loge.77, rue de Charonne, 75011.Rens.: www.lalogeparis.fr

LITTÉRATURE Une fois par mois à la Loge, un comédientire au sort et lit des textes apportés par le public.

La voix est livres

L’acteur américain PhilipSeymour Hoffman, décédéà 46 ans au début du moisà New York d’une probableoverdose d’héroïne, alaissé un testament detreize pages assez singulierdans lequel il exprime lesouhait que son filsde 10 ans, Cooper, soitélevé loin d’Hollywood,«dans l’arrondissement deManhattan dans l’Etat deNew York, ou à Chicago,Illinois, ou San Francisco,Californie», afin «qu’il soitexposé à la culture, auxarts et à l’architecturequ’offrent ces villes». Et, sice n’était pas possible, «jesouhaite fortement […] quemon fils Cooper Hoffmans’y rende au moins deuxfois par an», ajoute l’acteur,selon une copie du testa­ment obtenue par le sitespécialisé TMZ et le quoti­dien New York Post. Acette fin, le père établit unfonds dont la gestion seraconfiée à son ex­compagneMarianne O’Donnell, exé­cutrice testamentaire.Cooper pourra disposerde la moitié des sommesà 25 ans, et de l’autre moi­tié à 30 ans. L’acteur lèguele reste (et majeure partie)de sa fortune à MarianneO’Donnell, dont il s’estséparé l’an dernier. Il fauttoutefois noter que le tes­tament date d’octo­bre 2004: Philip SeymourHoffman n’avait alors qu’unfils. Le texte ne mentionnedonc pas ses deux fillesnées en 2006 et 2008.

HOLLYWOOD RAYÉDU TESTAMENTDE SEYMOURHOFFMAN

L’HISTOIRE

Yaron Herman New Project Lepianiste présente en trio AlterEgo Sunside, 60, rue desLombards, 75001. Ce soir, 21h.

Balkan vs Cumbia Battle entrerythmes tziganes et colombiensBellevilloise, 23, rue Boyer, 75020.Ce soir, 20h.

Leon Parker L’art de battre auminimal (y compris sa poitrine),avec Lynn Cassiers (voix,électronique), Pierre Perchaud àla guitare Sunset, 60, rue desLombards, 75001. Ce soir &demain, 21h30.

Yuck Indie rock du groupe desLondoniens Max Bloom &Daniel Blumberg (aussi à l’affichedu festival Fireworks:Childhood, Thumpers, SpeedyOrtiz) Trabendo, parc de laVillette, 75019. Ce soir, 19h30.

MÉMENTO

Caballo Viejo, dont se sont inspirés les Gipsy Kingspour Bamboleo, c’était lui. Tonada de Luna Llena, enregis­tré par Caetano Veloso sur Fina Estampa, ou Lunade Margarita, repris par le Californien Devendra Banhart,aussi. Simón Díaz, le plus célèbre compositeur duVenezuela, est mort mercredi à Caracas, à 85 ans. Issude la tradition llanera (rurale), Díaz était devenu célèbredès les années 50 avec ses émissions de radio quimêlaient chants du terroir et histoires drôles. Seul avecson cuatro (petite guitare à quatre cordes), il fait connaî­tre les tonadas que chantent les éleveurs à leur bétail.Son personnage de Tío Simón (Oncle Simon) dans lesémissions de télé pour enfants le rend encore plus popu­laire. En avril 2006, Devendra Banhart confiait à Libéra­tion : «Il ne se passe pas une journée sans que j’écouteSimón Díaz. C’est mon narcotique. Il a changé ma vie, il arempli un espace magique en moi.» F.­X.G. PHOTO AP

LE VENEZUELAPLEURE SON«ONCLE SIMÓN»

DISPARITION

Kelley Stoltz, un pop à ParisEn marge du circuit balisé des tourneurs, segreffent parfois des initiatives mues par unepassion quasi désintéressée. En voici une quimérite l’attention: la venue à Paris, pour unedate, de Kelley Stoltz, marquis écolo poporiginaire du Michigan et désormais localiséà San Francisco, dont on n’a pas si souventdes nouvelles sous nos latitudes. Pour situerle pedigree, on dira que le gars figure unesorte de Brian Wilson alerte, ascendant Nick

Drake, en embuscade depuis le début desannées 2000 avec quatre albums signés chezSub Pop et une livraison plus récente, DoubleExposure (2013), signée sur Third ManRecords, le label de Jack White (il a d’ailleurstraîné un temps dans le sillage live desRaconteurs). Avis aux amateurs. G.R.PHOTO DREspace B, 16, rue Barbanègre, 75019.Ce soir, à 20h30.

1118270

CONSERVATION ETCSCM au capital de 192 €

Siège social : 8 passage Brulon75012 PARIS

502 781 875 R.C.S PARISPar délibération en date du 29/01/2014, l’AGE a décidé : - de nommer en qualité de cogérants : Mme Elodie APARICIO-BENTZ demeurant 15 rue de l’Asile Popincourt - 75011 PARIS, Mme Aude MANSOURI demeurant 16 bis rue Jacquier - 75014 PARIS et Mme Cécilia AGUIRRE demeurant 13 avenue des Cottages - 92340 BOURG-LA-REINE.- de notifier le départ de deux cogérants : Mme Emmanuelle GARCIN et Julie NIVES-NIVOU.- d’augmenter le capital social d’un montant de 48 € pour le porter à 240 €. Les statuts ont été modifiés en conséquence.Mention sera faite au RCS de PARIS.

1118305Par ASSP en date du 28/01/2014, il a été constitué une société présentant les caracté-ristiques suivantes :Dénomination :

PARIS TRAVAUXForme juridique : SARL Capital social : 1.000 eurosSiège social : 19, rue Alphonse Daudet – 75014 ParisObjet : Le commerce, achat-vente, import-export en gros, demis-gros, marchandises non-règlementées, services….Durée : 99 ans à compter de son immatricu-lation au RCS de ParisGérant : M. POTIN Cédric demeurant au 124, Avenue des Clapeys – 73300 Saint Jean de Maurienne

1118261Par ASSP en date du 14/02/2014, il a été constitué la société suivante :Dénomination :

SAS MOMENTOForme sociale : SASObjet social : Production et distribution de films cinématographiques et de pro-grammes pour la télévisionSiège social : 13 bis, Avenue de la Motte Piquet – 75007 ParisCapital : 10 000 euros

Durée : 99 ansPrésident : M. ANSARI SAHLAN Marc demeurant 58 Avenue de la République – 94100 Saint Maur des FossésDirectrice Général : Mme LAMBOLEY Justine demeurant 58 avenue de la Répu-blique – 94100 Saint Maur des FossésComité de Direction : M. ANSARI SA-HLAN Marc et Mme LAMBOLEY Justine demeurant 58 avenue de la République – 94100 Saint Maur des Fossés.Immatriculation : au RCS de Paris

1118280Le 17 Février 2014 à Paris, a été constituée la société par actions simplifiée dontLes caractéristiques sont les suivantes : Dénomination :

SAS PRESTIGE TRAVEl SERVICEForme : SASUCapital :7 500 €

Siège social : 13 bis, Avenue de la Motte Piquet, 75007 ParisObjet : Exploitant de voitures de tourisme avec chauffeur, transport de personnes, achat et vente de voitures, location de véhicules avec & sans chauffeur, agence de voyageDurée : 99 ansPrésident : M. ANSARI SAHLAN Marc, Domicilié au 58, Avenue de la république 94100 Saint Maur des Fossés. Société immatriculée au registre du com-merce de Paris.

1118294

SARl VENT DU lARGESARl au capital de 293 000 €Siège social : 53 rue de Prony

75017 ParisRCS Paris 499 254 860

Aux termes d’une AGE en date du 2 dé-cembre 2013, les associés ont décidé la dis-solution anticipée de la société à compter du 2 décembre 2013. M. Patrick LESAGE demeurant 22 rue Jonquoy 75014 Paris est nommé liquidateur de la société. Le siège de liquidation est fixé au 22 rue Jonquoy 75014 Paris, où la correspondance devra être adressée et que les actes et documents seront notifiés.Le dépôt des actes et pièces relatifs à la liquidation sera effectué au RCS de Paris.Pour avisLe liquidateur

Libération est habilité aux annonces légales et judiciaires pour le département 75 en vertu de l’arrêté du 20 décembre 2013

Le chorégraphe italien Emio Greco et le metteur en scènenéerlandais Pieter Scholten vont prendre la tête du Balletnational de Marseille, le plus gros Centre chorégraphiquenational (CCN). Ils succèdent au Belge Frédéric Flamand,reparti au nord, notamment à Mons, capitale 2015 dela culture. Greco et Scholten, basés à Amsterdam, ne sontpas des inconnus en France. Leurs spectacles ont souvententhousiasmé le public et la critique. Le langagedu premier, lui­même très bon danseur, est précis, incisifet véloce. Les nominations annoncées par le ministèrede la Culture ont été décidées avec la Ville et la RégionPaca. Le CCN Ballet de Marseille, dont les locaux sontproches de la plage municipale, a un budget de 5 millionsd’euros (dont 1,5 de l’Etat et 1,5 de la Ville). M.­C.V.

GRECO ET SCHOLTEN À LA TÊTEDU BALLET NATIONAL DE MARSEILLE

LES NOMINATIONS

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 CULTURE • 27

Page 28: Liberation

milliardsdedollars Airbus A38046

jambe

brasde…

1111budgets du film

Titanic

8080

Instagram1919

YouTube12

déficit de la Sécu en 20141,441,44

PIB duCambodge

11

Curiosity7,67,6

Bouygues22

budgets de l’ONU3,73,7

jours heures

heures

40 16

Carrefour1

racheté par Google

Valorisation boursière

Valorisation boursière

Le robot sur Mars

sa fortune perso

racheté par Facebookannées de Ligue 123

Bill GatesMark Zuckerberg

24 30024 300

Xavier Niel

2,92,9

de pub en prime time le samedi sur TF1

jours2 6de la production

mondiale de pétrole

appartementsde 70 m2 à Paris

Pink Star

229Le diamant le plus

cher du monde

1

FACEBOOK Le réseau social a racheté l’application à succèsde messagerie instantanée pour 19 milliards de dollars.

Le gros coûtde WhatsAppQ ue veulent dire les chiffres? Les

zéros ont-ils encore un sensquand Facebook en aligneautant dans la case «montant»de son chéquier ? Après s’être

payé Instagram pour un milliard de dollars(729,7 millions d’euros) en 2012, ce qui pa-raissait déjà beaucoup pour une petite applide photos vieillies, voilà que le réseau socialannonce racheter l’application WhatsApp,une messagerie instantanée pour smart-phones, pour dix-neuf fois ce prix. Oui,19 milliards de dollars, soit 13,8 milliardsd’euros.Enfin presque. Dans le détail, seuls 4 mil-liards de dollars seront versés «en numé-raire», c’est-à-dire avec des vrais sous ;12 milliards supplémentaires arriverontsous forme d’actions Facebook (site valo-risé à 170 milliards de dollars) et les 3 der-niers milliards iront aux fondateurs et cin-quante-cinq salariés de WhatsApp s’ils sontencore là dans quatre ans.

INTIMITÉ. Si Facebook a un besoin si crucialde cette application dont pas grand monden’a encore entendu parler en France, c’estque le marché mobile risque de lui passersous le nez et les jeunes avec. L’exode estdiscret à première vue, car les ados ne quit-tent pas le réseau social bleu en claquant laporte et en supprimant leur compte. Sur cesite devenu institutionnel, vitrine des iden-

tités en ligne, ils soignent leur profil en nepostant qu’une pincée de contenus bien sé-lectionnés pour soigner leur image. Ils gar-dent un œil sur leur popularité via le nom-bre de «likes» récoltés et d’«amis»collectionnés, mais, parfaitement cons-cients que la vie privée ne le reste pas long-temps sur un site où traînent leurs parentset grands-parents, c’est ailleurs qu’ils vontchercher un peu d’intimité. Les plus jeunesne se donnent même plus la peine de s’ins-crire sur Facebook: «Quand j’avais 10 ans,témoigne la petite Ruby sur le site Mash-able, je n’étais pas assez grande pour avoirun Facebook [l’âge minimum est de 13 ans,ndlr]. Mais une application magique nommée

Instagram venait de sortir… et nos parentsn’étaient pas au courant qu’il y avait là aussiune limite d’âge. Rapidement, tous mes amisse sont mis à Instagram.» Aujourd’hui,Ruby a 13 ans. Mais «maintenant qu’on a ledroit d’aller sur Facebook, on n’en veut plus».C’est trop tard, ils ont pris le pli des applis.Les secrets s’échangent désormais surWhatsApp, Snapchat, mais aussi Line, We-Chat et Kakao en Asie, moult applicationsrécentes de messagerie instantanée qui re-mettent les échanges intimes et privés à

l’ordre du jour. Snapchat est la plus popu-laire dans l’Hexagone, avec son système dephotos et vidéos qui s’autodétruisent aprèsquelques secondes de visionnage. Facebookne s’y est pas trompé et aurait proposé3 milliards de dollars en novembre pour ra-cheter la start-up. Ça n’a pas marché.

MOBINAUTES. WhatsApp permet pour sapart d’échanger toute sorte de données –dutexte, des smileys, des photos, des sons, desvidéos – dans une même conversation,mais aussi de tchater en groupe, et ce à vo-lonté, pourvu que l’on soit connecté à In-ternet. Une oasis de liberté dans les pays oùbeaucoup de forfaits mobiles ne compren-

nent pas les SMS et MMS illi-mités, comme l’Espagne, oùWhatsApp cartonne.Pour la modique sommede 0,99 dollar par an (aprèsla première année offerte),ça marche sur tous les

smartphones et tablettes du marché: An-droid, Apple, Nokia, Windows Phone etBlackberry. Aujourd’hui utilisée quotidien-nement par 320 millions de mobinautes(voire 450 millions si l’on compte ceux quise connectent au moins une fois par mois),l’application était indispensable à Facebooks’il voulait acquérir une même hégémoniesur mobile que sur les réseaux sociaux «debureau». D’après les sites d’actualité tech-nologique, Facebook aurait déjà manifestéson intérêt en décembre 2012. En avril,

Par CAMILLE GÉVAUDAN

Les secrets s’échangent désormaissur moult applications récentes quiremettent les échanges privés à l’ordredu jour.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201428 • ECRANS&MEDIAS

Page 29: Liberation

milliardsdedollars Airbus A38046

jambe

brasde…

1111budgets du film

Titanic

8080

Instagram1919

YouTube12

déficit de la Sécu en 20141,441,44

PIB duCambodge

11

Curiosity7,67,6

Bouygues22

budgets de l’ONU3,73,7

jours heures

heures

40 16

Carrefour1

racheté par Google

Valorisation boursière

Valorisation boursière

Le robot sur Mars

sa fortune perso

racheté par Facebookannées de Ligue 123

Bill GatesMark Zuckerberg

24 30024 300

Xavier Niel

2,92,9

de pub en prime time le samedi sur TF1

jours2 6de la production

mondiale de pétrole

appartementsde 70 m2 à Paris

Pink Star

229Le diamant le plus

cher du monde

1

c’est Google qui lorgnait WhatsApp. Fauted’acquisition en vue, Facebook a développél’an dernier une stratégie parallèle pourrattraper son retard en matière de messa-gerie mobile. Dans Facebook Messenger,son appli de tchat maison, il intègre des«stickers» (des smileys géants), puisl’ajout de nouveaux contacts via leur nu-méro de téléphone, sans oublier la possibi-lité d’appeler un correspondant d’un sim-ple clic sur sa bobine. Mi-décembre, c’estInstagram (propriété de Facebook) qui semet à pomper les fonctionnalités des mes-sageries en autorisant les échanges d’ima-ges en petit comité et en privé.Ainsi, en glissant dans sa poche les applisau sommet de la vague, Mark Zuckerbergcherche à doubler le nombre de ses clients.«Il y a 5 milliards de personnes dans le mondequi possèdent un téléphone, déclarait-il àBusinessWeek fin 2012, et 1 milliard seule-ment qui utilise Facebook.» Son objectif re-vendiqué est de conquérir «le prochain mil-liard». Et le suivant. •

Jan Koum et Brian Acton cultivent leur imagede geeks cools et défenseurs de la vie privée.

Des fondateursau message téléphoné«W hat’s up ?

(«quoi dene u f , le s

mecs?») —Eh bien écoute,on est milliardaires.» C’estl’échange qu’on imagineentre Jan Koum, Brian Ac-ton et leurs voisins de laSilicon Valley. Les cofon-dateurs de WhatsApp (jeude mots avec «What’s up»)sont sous les projecteurs;dommage, ils n’aiment pasça. Du moins, c’est cequ’ils disent.L’Ukrainien Jan Koum etl’Américain Brian Acton,approchant la quaran-taine, répètent à l’enviqu’ils détestent la pub etpréfèrent s’en tenir à unedéfinition simple de leuraventure, avec le langagecool de circonstance.«WhatsApp a été créée pardeux gars qui ont passévingt ans en cumulé à fairedes trucs de geek chez Ya-hoo!Inc avant de lancerWhatsApp Inc», lit-on surleur site. L’histoire est pluscomplexe… Jan Koum agrandi en Ukraine, pasloin de Kiev. Il arrive enCalifornie avec sa mère àl’âge de 16 ans, la famillevit des aides publiques. Unparcours d’immigrant enforme de rêve américain.Le jeune homme flirte ra-pidement avec le Web etentre à l’université, tout enrejoignant le service in-

formatique deErnst & Young.A la fin des an-nées 90, le voilàchez Yahoo, oùil rencontre sonfutur associé,l ’ i n g é n i e u rBrian Acton. Leduo quitte Ya-hoo en 2007,voyage, postulechez Facebook.En vain. «Onfait partie duclub des rejetésde Facebook !»s’amuse Acton.Puis, en 2009, l’idéegerme dans la tête de JanKoum, aujourd’hui PDG dela start-up. Il achète uniPhone et réfléchit à uneapplication permettant devoir, à côté des noms deson répertoire, un statutindiquant pourquoi la per-sonne n’est pas joignable;par exemple, «à la gym».Le nom WhatsApp est dé-posé. Mais ça avance dou-cement, le projet ressem-ble à une usine à gaz, ilveut renoncer. C’est BrianActon qui le persuade decontinuer. Jan Koum amé-liore l’appli, qui devientune messagerie instanta-née gratuite entre lui et lacommunauté russe. Leconcept prend forme.Brian Acton élargit le dé-bat, estimant que ce ser-

vice pourraitp e r m e t t r ed’envoyer desfichiers, desphotos. Il con-vainc des an-ciens de Yahood ’ i n v e s t i r .En 2010, pre-miers bénéfi-ces. En 2011,WhatsApp estl’une des vingtapplis les plustéléchargés auxEtats-Unis.Les deux hom-

mes apparaissent peu dansla presse, «ça empêche dese concentrer sur le pro-duit», dixit Jan Koum. Etpas de pub sur WhatsApp,car «l’expérience est tou-jours meilleure quand desbannières ne te dérangentpas», expliquait-il à El Paísen 2012. Il se dit aussi fer-mement opposé au «datatracking». De circons-tance, dans un climat mar-qué par la collecte de mé-tadonnées par les géantsdu Web et la NSA… Lesgeeks rechignent mêmeà mettre une enseigne«WhatsApp» sur leurs bu-reaux de Mountain View.«Ça sert seulement à boos-ter l’ego», lâchait Koumdans Forbes. Ces jours-ci,l’ego doit bien se porter.

De notre correspondanteà New York IRIS DERŒUX

AFP

DR

Jan Koum (en haut)et Brian Acton.

Ce rachat, le deuxième plus importantde l’histoire des nouvelles technos–après celui de Compaq par Hewlett­Packard en 2001, pour 25 milliards dedollars–, relance le débat sur l’existenced’une bulle dans le secteur. «Si onentend par là un écart de prix croissantpar rapport à la valeur fondamentaledes start­up rachetées, on est en pleindedans, analyse Christian Parisot, cheféconomiste de la société de BourseAurel BGC. Mais si bulle il y a, parce quecela ne vaut que si elle s’effondre, elleconcerne cette fois un segment bienprécis qui est celui du Web social, dontfait également partie Twitter. C’est lagrande différence avec le début desannées 2000, où tout ce qui touchait deprès ou de loin à l’Internet avait pris unevaleur démesurée.» Avec 55 employéset un tout petit chiffre d’affaires, l’achatde WhatsApp représente un prixjamais vu de 344 millions de dollars paremployé et de 42 dollars par utilisateur.Le japonais Rakuten, qui vient d’acheterla messagerie instantanée Viber, a payé3 dollars par utilisateur… C.Al.

LA BULLE DU WEB SOCIAL

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 ECRANS&MEDIAS • 29

Page 30: Liberation

DROIT DE PREEMPTION URBAIN RENFORCEMODIFICATIF A L’ANNONCE PARUE LE

11 FEVRIER 2014, REMPLACEE PAR L’ANNONCE SUIVANTE, SUITE A UNE ERREUR D’ADRESSE :Par délibération 2013 DLH 259 des 16,17 et 18 décembre 2013, le Conseil

de Paris a :1/ autorisé l’extension de l’opération d’aménagement par la conclusion

d’un avenant n°5 à la concession d’aménagement passée le 7 juillet 2010 avec la SOREQA aux parcelles mentionnées ci-dessous.

2/ décidé d’instituer ou con rmer le droit de préemption urbain ren orcé et de le déléguer à la SOREQA dans le cadre de l’avenant n°5 à la concession d’aménagement passée le 7 juillet 2010 en vue du traitement de divers îlots et parcelles présentant des caractères d’habitat dégradé situés à Paris pour les parcelles suivantes :

- 26 boulevard de Reuilly, 22 à 24 rue de la Durance (12ème)- 4 bis rue de Thionville/2 bis passage de Verdun (19ème)- 38 rue Curial/1 à 7 passage Degrais (19ème)- 5 rue du Clos (20ème)Con ormément aux articles R.211-2 à R.211-4 du Code de l’ rbanisme,

la mention de cette délibération au Conseil de Paris est insérée dans deux journaux di usés dans le Département.EP 14-032

Direction de l’urbanisme

APPEL D’OFFRES - AVIS D’ENQUÊTE01.49.04.01.85 - [email protected]

D epuis dix jours, laFrance a une nouvellewebradio : Rinse. Le

nom évoquera d’embléequelque chose aux habituésdes clubs électroniques,puisque la station installée àParis est une déclinaisond’une radio britannique,lancée comme fréquence pi-rate en 1994 avant de gagnerla bande FM en 2010.Entre les deux, Rinse a faitémerger toute une généra-tion de musiciens, poussantinlassablement les stylesélectroniques les plus nova-teurs et jouant un rôle centraldans l’émergence du dubstep(un héritage syncopé et som-bre du dub et de la techno)auprès du très grand publicoutre-Manche.Rinse.fr se veut donc l’héri-tière de cette culture-là, quirevendique la curiosité avantle buzz. «L’année dernière,j’ai lancé Radio Panamesur Internet sur le modèlede Rinse, explique Manaré,l’homme derrière tout cela.Puis, via un ami commun, j’airencontré les gens de Rinse àLondres, notamment lors dessoirées Fabric. Ils ont entenduque je faisais quelque chose desimilaire à leur état d’esprit et,comme ils fêtent cette annéeleurs 20 ans, ils ont vu dansRadio Paname l’occasion de sedévelopper.»Eclectisme. C’est la pre-mière fois que Rinse confieson nom à une antenne horsde ses terres, même sil’équipe londonienne monterégulièrement des radioséphémères autour de festi-vals ou pendant l’été à Ibiza.«Rinse.fr est indépendante de

sa maison-mère, continueManaré. Rinse nous a parcontre aidés à acheter du ma-tériel, et on profite beaucoupde leur expertise et de leur nompour avoir de vraies ambitionset rassembler tout ce qui se faitde bien autour de nous.»De bien belles intentions, quisont pour l’instant vérifia-bles à l’antenne. Depuis unegrosse semaine, Rinse Franceémet en continu et brasse lesdernières formes électroni-ques avec autant d’éclec-tisme que de modernité– et parfois des problèmestechniques. S’y ajoutent desshows consacrés à d’autresmusiques (funk, hip-hop,pop, rock…). Ce qui rafraî-chit sérieusement l’air face àune bande FM dominée parune vision des musiques declub qui dépasse rarement lesgros tubes du moment.«Gros DJ». Mais Rinse n’apas spécialement l’intentionde se confronter à ces anten-nes sur leur terrain. «Unefréquence FM nous imposeraitdes contraintes, comme lesquotas [de musique franco-phone] qui nous feraient dévierde notre ADN. Et puis, notreauditoire est largement aussilarge sur Internet», d’où laradio peut plus facilementsortir de Paris.«Je me fous du cool, affirmeManaré, bien décidé à mar-cher dans les pas du Rinseoriginal. Je veux autant don-ner la parole à un gros DJcomme Brodinski qu’à un ga-min qui fait sa musique danssa chambre. Montrer qu’enFrance il n’y a pas que DaftPunk.»

SOPHIAN FANEN

WEBRADIO La station britanniquetraverse la Manche.

Rinse.fr,l’electro libre

C’ est ce qui s’appelle se fairetaper sur les doigts. L’Auto-rité de la concurrence a pro-

noncé hier une sanction inéditede 3,5 millions d’euros à l’encontredu groupe Amaury, pour avoir,fin 2008, «mis en œuvre une stratégied’éviction» du journal le 10 Sport,afin de conforter le monopole del’Equipe. C’est l’aboutissement deplus de cinq ans de procédure.En septembre 2008, la sociétéLe journal du sport, fruit d’un par-tenariat entre Michel Moulin, fon-dateur du gratuit d’annonces ParuVendu, et le groupe NextRadioTV,annonce le lancement d’un nouveauquotidien sportif à bas coût,le 10 Sport. C’est la première foisqu’un titre vient chasser sur les ter-rains de l’Equipe, en situation demonopole quasi continu sur lapresse quotidienne nationale d’in-formation sportive depuis 1948. Lariposte du groupe Amaury ne tardepas: deux semaines plus tard, l’édi-teur lance un nouveau quotidiensportif, Aujourd’hui Sport. Mêmeformat, même prix (50 centimesd’euro), même lectorat visé etmême ligne éditoriale (beaucoup defoot) que le 10 Sport. Les deux titresarrivent le même jour en kiosque,renforçant la confusion.Mercatos. Ecœurée, la sociétéLe journal du sport saisit en dé-cembre 2008 l’Autorité de la con-currence, reprochant au groupeAmaury «des pratiques commercialesdéloyales» et «une pratique d’évic-tion consistant à avoir mis sur lemarché un nouveau journal dans leseul but de faire sortir [comprendre“tuer”, ndlr] le 10 Sport». En

mars 2009, pour cause de diffusioninsuffisante, le titre lancé par Mi-chel Moulin disparaît sous sa formede quotidien –il existe aujourd’huien mensuel (il devient hebdo pen-dant les mercatos) et sur le Web. Deson côté, trois mois plus tard,Amaury enterre Aujourd’hui Sport.Officiellement parce que les pers-pectives de marché «ne permettentpas d’assurer une viabilité à moyenterme». Officieusement, parce quele quotidien a joué son rôle : celuid’éliminer son concurrent.D’ailleurs, le titre n’a embauchépersonne: seuls des CDD ou des sa-lariés détachés du groupe y tra-

vaillent. L’éphémère journal sportifdisparaît «au moment où la diffusionaugmentait, et alors que la saison es-tivale était propice au développementdu média», remarque le gendarmede la concurrence.Dès 2009, l’Autorité de la concur-rence procède à des perquisitionsdans des locaux du groupe Amaury,autorisées par le tribunal de Bobi-gny. Notes, documents, tableauxprévisionnels : tout montre que legroupe a mis au point un plan d’at-taque pour éliminer son concurrent.Chez l’éditeur de l’Equipe, on n’a pasvraiment pris de gants, ni le soin dedissimuler les preuves. L’autorité dé-couvre qu’il existe un nom de code,le «Projet Shanghai», destiné à «Tuer10 Sport». Ce n’est pas une première

pour le groupe Amaury : en 2007,pour contrer l’arrivée de Bild enFrance, qui menaçait un autre de sestitres, le Parisien, il avait mis enplace, puis enterré, son «Kill Bild»,un projet de quotidien à bas prix.«Capté». Dans sa décision d’hier,l’Autorité de la concurrence estimeque la création d’un nouveau quoti-dien sportif n’était pas un choix«rationnel d’un point de vue écono-mique pour le groupe Amaury puis-qu’il générait un sacrifice financierimportant du fait de l’effet de canni-balisation des ventes de l’Equipe parle nouveau quotidien». Toujours se-lon l’autorité, «la stratégie mise en

œuvre par le groupeAmaury a capté unepartie des lecteursdu 10 Sport, dimi-nué ses ventes et sonrésultat opération-nel, ce qui a conduit

in fine à l’arrêt de l’activité du quoti-dien». L’Autorité de la concurrencea concédé à Amaury une ristournede 60% de l’amende initiale pour«tenir compte des difficultés financiè-res des filiales presse du groupe», parailleurs largement bénéficiaire avecAmaury Sport Organisation (Tourde France, Paris-Dakar…). Legroupe, qui peut faire appel, jugel’amende «hautement contestable»,et affirme «examiner toutes les voiesde recours contre [cette] décision».Cette dernière devrait fortementaider le 10 Sport au tribunal decommerce, qui réclame à Amaury6 millions d’euros de dommages etintérêts pour abus de position do-minante.

ISABELLE HANNE

PRESSE L’Autorité de la concurrence a condamné le groupepropriétaire de «l’Equipe» à une amende de 3,5 millions d’euros.

«Le 10 Sport»: Amaurysanctionné pour antijeu

Conférence de presse de lancement du quotidien le 10 Sport, en octobre 2008 à Paris. PHOTO V. NGUYEN. RIVA PRESS

Dans les documents saisis chezAmaury, l’Autorité découvre qu’ilexiste un nom de code, le «ProjetShanghai» destiné à «Tuer 10 Sport».

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201430 • ECRANS&MEDIAS

Page 31: Liberation

SCP THREARD-BOURGEON-MERESSE et Associés Avocats au Barreau de Paris - 181 rue de la Pompe – 75116 Paris

Extrait d’unE rEquêtE aux fins dE déclaration d’absEncE

Par jugement rendu le 8 janvier 2014, à la requête de Mademoiselle Isabelle CONSIGNY, ayant pour Avocat la SCP THREARD-BOUR-GEON-MERESSE & Associés, la Chambre du Conseil du Tribunal de grande instance de Paris, a constaté que Monsieur Vincent Claude Paul Marie CONSIGNY, né le 16 octobre 1935 à LYON (69000), fils de Jacques Philippe CONSIGNY et Danielle Louise Marie ARGUIL-LERE, ayant été domicilié 34/36, rue de Clichy à PARIS (75009), n’a plus reparu au lieu de son domicile ou de sa résidence, ni donné de ses nouvelles depuis septembre 1988, et l’a déclaré absent. Ce même jugement a ordonné la publication du présent extrait dans un délai de trois mois à compter de son prononcé.

PUBLICATIONS JUDICIAIRES01.49.04.01.85 - [email protected]

A LA TELE CE SOIR20h50. Vendredi, tout est permis avec Arthur.Divertissementprésenté par Arthur.23h25. Euro Millions.23h30. FlorenceForesti.Motherfucker.Spectacle, 110mn.1h20. L’affiche de lasemaine.1h35. Confessionsintimes.Magazine.

20h50. Rugby : Pays de Galles /France.Tournoi des VI Nations.Sport commenté parMatthieu Lartot, Fabien Galthié etPhilippe Lafon.22h55. Ce soir (ou jamais !).Magazine présenté parFrédéric Taddeï.0h25. La parenthèseinattendue.Magazine.

20h45. Thalassa.Scandinavie, escalesnordiques.Magazine présenté parGeorges Pernoud.22h40. Météo.22h45. Soir 3.23h10. Un soir à Sochi.Magazine présenté parPatrick Montel etLaurent Luyat.23h55. Docs interdits.L’héritage infernal :descendants de nazis.Documentaire.

20h55. Boule & Bill.Comédie française d’Alexandre Charlot,Franck Magnier, 90mn,2013.Avec Franck Dubosc,Marina Foïs.22h15. 20 ans d’écart.Comédie française deDavid Moreau, 92mn,2012.Avec Virginie Efira,Pierre Niney.23h45. Au bout duconte.

20h50. Trois pièces,cuisine, bains.Téléfilm de DietrichBrüggemann.Avec Jacob Matschenz.22h45. Et le singeinventa la culture.Documentaire.23h35. Drama consult.Une expériencenigériane.Documentaire.1h00. Court-circuit.Spécial Belgique.Magazine.

20h50. Elementary.Série américaine :Tueurs en série,À vos risques et périls,M.,Jeux de guerre,Profilage.Avec Jonny Lee Miller,Lucy Liu.1h00. New girl.Trois gars, une fille,Kryptonite,La danse des canards.Série.2h20. Météo.

20h45. Les Chevaliersdu Fiel démontent le Zénith.Spectacle avec Francis Ginibre et Éric Carrière.22h40. Les chevaliersdu Fiel.Repas de famille.Spectacle avec FrancisGinibre, Éric Carrière.0h00. Cascadeur.0h05. Éric Antoine &Friends décoiffentMontreux.

20h35. On n’est pasque des cobayes !Magazine.22h20. C dans l’air.Magazine présenté par Yves Calvi.23h25. Dr CAC.Magazine.23h35. Entrée libre.Magazine.23h55. Global drinks.Le goût des eaux.Documentaire.0h45. L’argent de laneige.

20h40. Les GrossesTêtes.Les Grosses Têtes enfolie : Héros de notreenfance.Divertissementprésenté par Philippe Bouvard.21h45. Les GrossesTêtes.Invité : Michel Galabru.Divertissement.22h50. Zemmour et NaulleauMagazine.

20h50. Vérité oblige.Téléfilm français :Belle de nuit.Avec André Dussollier,Jean-Michel Martial.22h40. Vérité oblige.Ma fille cette inconnue.Téléfilm.0h40. SauveurGiordano.Rendez-moi mon bébé. Série.2h25. La maison dubluff 3.

20h45. Les experts :Manhattan.Série américaine :Sans visage,Machination infernale,Filles d’enfer,Messages codés,Le saut de l’ange.Avec Gary Sinise.0h55. Preuve à l’appui.Contre l’indifférence,33 balles.Série.2h30. TMC Météo.2h35. 90’ Enquêtes.

20h50. Enquêted’action.Ski, fête et dérapages :des vacances de folie !Magazine.22h45. Enquêted’action.Vacances d’enfer auxBahamas.Magazine.23h50. Enquêted’action.Magazine.3h00. Carrément jeux vidéo.

20h45. Tahiti Quest - 5 familles pour une île.Émission 2Jeu présenté parBenjamin Castaldi.22h25. L’école des fans,nouvelle génération.Pascal Obispo.Divertissement.23h20. Total wipeoutmade in USA.Divertissement.0h05. G ciné.0h20. Monk.Série.

20h50. Call the midwife.Série américaine :L’âme soeur,Drôle de patiente.Avec Jessica Raine.22h50. Call the midwife.La vie devant soi,Une novice au couvent,Bienvenue Chummy,Le secret de l’amour.2h50. Programmes denuit.

20h45. Grimm.Série américaine :Le loup dans labergerie,Un peid dans la tombe,Le joueur de violon,Les trois méchantsloups.Avec David Giuntoli,Russell Hornsby.0h05. True blood.Si tu m’aimes, pourquoije meurs ?Série.

20h50. Le zap.Divertissement,100mn.22h30. Enquête très spéciale.2 épisodes.Documentaire.23h35. Enquête très spéciale.2 épisodes.Documentaire.0h35. Programmes de la nuit.

TF1

ARTE M6 FRANCE 4 FRANCE 5

GULLIW9TMCPARIS 1ERE

NRJ12 D8 NT1 D17

FRANCE 2 FRANCE 3 CANAL +

Désir de gratuitéParis Première, 20h40Ce qui est fou, avec ledésir de gratuité de ParisPremière, c’est qu’actuelle­ment des gens payent pourvoir Les Grosses Têtes.

Désir d’existerJimmy, 20h45Jimmy existe encore! Etinaugure une ligne, auxanti­héros consacrée.Exemple avec la bonnesérie Friday Night Lights.

Désir de regarderArte, 20h50Eh bien oui, nous regarde­rons Trois Pièces, cuisine,bains, gentillette comédieromantique sur la jeunesseberlinoise d’aujourd’hui.

LES CHOIX

La CGT réfléchit à uneévolution de la NouvelleVie ouvrière (NVO). Con­fronté à la crise, ce bimen­suel centenaire pourraitdevenir trimestriel, tout enrenforçant son site web,Nvo.fr. Ces dernièresannées, la NVO, créée en1909, «a perdu 1500 abon­nements par an», tombantà 24000 en 2012, souligneà l’AFP la directrice de lapublication, Agnès Naton,également membre de ladirection de la CGT. «Noustenons à ce titre historiqueque nous voulons conserveret nous sommes en train deréfléchir à le faire évoluervers un projet bimédia.» Leprojet comprend égale­ment une refonte du sitede la CGT. Le nombre desalariés devrait être réduitde 56 à 39 personnes, mais«sans aucun licenciement,il y aura des redéploie­ments», a assuré AgnèsNaton. Fondée par ungroupe de syndicalistesanimé par l’ouvrier du LivrePierre Monatte, la Vieouvrière a été rebaptiséeNouvelle Vie ouvrière audébut des années 90.

LE MAGAZINE DELA CGT BASCULESUR LE WEB

LE KIOSQUE

BeIN Sports pique les Mondiauxde handball à Canal+La chaîne qatarie BeIN Sports a annoncé avoir acquis lesdroits de diffusion internationaux des Mondiaux masculinet féminin de handball pour les deux prochaines éditions 2015et 2017. Le Mondial masculin 2015 aura lieu au Qatar. Etl’édition 2017 aura lieu en France. Le Mondial féminin se tien-dra au Danemark en 2015 et en Allemagne en 2017. Les Mon-diaux de handball étaient jusqu’à présent diffusés en Francepar Canal+. BeIN Sports est déjà le diffuseur de la Ligue deschampions de handball depuis la saison 2012-2013, Canal+conservant le championnat de France.

6,5C’est le nombre d’écransque possédaient lesfoyers français en 2013,selon une étude deMédiamétrie publiée hier.Les Français étaient à 82%connectés à l’Internet fixeet/ou mobile. Parmi eux,2,8% ne consultaient Inter­net que depuis un terminalmobile, 45,3% que depuisun terminal fixe. Avec uneprogression de 105% enun an, la tablette est deplus en plus présente dansles foyers français. L’accès àInternet par un ordinateurfixe ou un mobile est majo­ritaire en semaine dans lajournée, mais on voit un picd’utilisation de la tablette àpartir de 21 heures. Et pourcause, beaucoup de Fran­çais continuent à consulterInternet alors qu’ils sontdevant la télévision.

Par ERWAN CARIO

Même pas mort avecEterni.me

A sh est un accro auxréseaux sociaux. Iltweete non-stop, ba-

lance des photos, interagitsans cesse avec ses amis con-nectés. Même quand il parten week-end avec sa com-pagne Martha. Puis il meurt.Un bête accident de voiture.Le deuil est difficile pourMartha et, sur les conseilsd’une amie, elle s’inscrit àun service en ligne un peuspécial. Celui-ci absorbetoute l’activité en ligne dudéfunt et génère une identitévirtuelle capable de tenir unediscussion via un système demessagerie. C’est le scénariodu premier épisode de ladeuxième saison de la sériebritannique Black Mirror.C’est aussi l’objectif annoncéd’une nouvelle start-upaméricaine, Eterni.me.

«Les grands moments et lesémotions de notre vie définis-sent la façon dont nous perçoi-vent notre famille et nos amis.Ils s’estompent petit à petitaprès notre mort. Jusqu’à cequ’ils disparaissent complète-ment.» C’est le premier con-tact avec le site d’Eterni.me.Et il suffit de descendre unpeu pour lire la phrase : «De-venez simplement immortel».On aime beaucoup le «sim-plement». Le système est en-core loin d’être opérationnel(ce n’est pour l’instant qu’àl’état de projet), mais déjà

plus de 3 000 personnesse sont inscrites pour fairepartie des premiers utilisa-teurs. Ceux-ci devront toutdonner de leur vie en ligne àEterni.me et ensuite intera-gir régulièrement avec leurdouble numérique géré parune intelligence artificiellepour affiner son comporte-ment face à ses futurs inter-locuteurs.

Difficile de ne pas trouver çaglauque. Difficile, en mêmetemps de ne pas être fascinépar l’insistance de tous cesbrillants cerveaux à vouloirfaire de notre monde un uni-vers de science-fiction. Géo-localisation, statuts, tweets,mesures personnelles, com-munications, notre vie est entrain de devenir une sommed’informations à traiter.Créer un alter ego numéri-que semble aujourd’hui cré-dible. Le célèbre futurologueRay Kurzweil (qui travailleaujourd’hui chez Google)prévoit que les algorithmespasseront le test de Turing en2029, c’est-à-dire qu’il seradevenu impossible de distin-guer une machine d’un hu-main dans une conversationécrite. Il n’y aura plus besoinde table qui tourne pour dis-cuter avec les macchabées.On attend d’ailleurs avecimpatience le grand débatsur les notions de mort pu-blique et de mort privée. •

DÉBAT D’IP

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 ECRANS&MEDIAS • 31

Page 32: Liberation

ÉTUDIANTS,PROPOSEZ VOS DÉBATS!

...

APPEL À CANDIDATURES!

1RE ÉDITION DU DÉBATHON

12 ÉQUIPES12 MANIÈRES DE DÉBATTRE

12 HEURES

# DEBATHONLIBE

INSCRIPTIONS DU 4 FÉVRIER AU 2 MARS 2014 SUR LIBÉRATION.FR/DEBATHON-2014

LE DÉSORDRE!THÈME?

En partenariat avec

REPERTOIRE

ENTRENOUS

JOURDE fÊTE

MESSAGESPERSONNELS

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

[email protected]: Tél: 01 40 10 51 66

PROCHEVIGNOBLES,CHÂTEAUX, LACS...Belle longère sur1500m² env.DPEGPrix : 55 000€

TRANSAXIA BOURGES02 48 23 09 33www.transaxia.frDOCUMENTATIONGRATUITE

[email protected] Contact: Tél: 01 40 10 51 66

Pour vos annoncesimmobilières dans

Professionnels,contactez-nousau 01 40 10 52 70,Particuliersau 01 40 10 51 66

[email protected]

vente MaiSon

Épisode 3 Dans sa nouvellegrotte sous la Dent, l'oursonpalabre, cours, saute, etjoue ! B.A. Ptit Gars, amuse-toi.Tatitaétontonton

Aimerais continuerconversation commencée undimanche soir aux Éditeurs.

La nuit et le mmt 1 Étoileimpuissancemensonges 2même 3eme choix Serpente.

Eloignée quelques joursencore Devoir. Autre amour.Accoster doucement. Quej'ouvre Sois là, présent,fortement, accueillant.

a votre ServiCe

DIVERS RÉPERTOIRE

disquaire sérieuxachète 33t&45tmoyenne et grandequantité+ Platines vinylesréponse assurée0608 78 13 60

DÉMÉNAGEURS

" déMénaGeMentUrGent "MiCHeLtranSPortdevis gratuit.Prix très intéressant.Tél. [email protected]

LIVRES - REVUES

/4 $#%<!9>4:9#.

%:;4%4=#>2

@#68&@/

5@ 6#8! "@< A&@<$;@>$;@ <#% ("9:@8>++!

+4<<9#%%(++&

+#:97(+++&#:97(++?

+#8=8@8'++&

+#>"4%:+++ )

*-+03+31+*3+*,

&%!#""$!

LiBraireaCHete :Livresmodernes,anciens, Bibliothèques,service de presse.me contacter :0640 15 33 23

Carnet de déCoration

ANTIQUITÉS/BROCANTES

Estimation gratuiteEXPERT MEMBRE DE LA CECOA

[email protected]

06 07 03 23 16

Tous sujets, école de Barbizon,orientaliste, vue de venise,

marine, chasse, peintures degenre, peintres français &

étrangers (russe, grec,américains...), ancien atelierde peintre décédé, bronzes...

XIXe et Moderneavant 1960

Achètetableauxanciens

Mode et Bien-être

PRÊT-A-PORTER

Dans

lalim

itede

sst

ocks

disp

onib

les

-©iro

to12

3-F

otol

ia.c

om

DERNIERS JOURSavant

FERMETURE

CASHMERE MARKET18 rue du Mail, Paris 2e - Métro : sentier

Du lundi au samedi : 11h / 19h

100% Cashmereuniquement

Modèlesfemme

& hommePrix unique

49 €

retrouveztous les jours

les bonnesadresses

de(cours, association,enquête, casting,

déménagement, etc.)

Professionnels, contactez-nousau 01 40 10 51 50,

Particuliers au 01 40 10 51 66ou [email protected]

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201432 • ANNONCES

Page 33: Liberation

LIBÉRATIONwww.liberation.fr11, rue Béranger 75154 Pariscedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARLLibération SARL au capital de 8726182 €.11, rue Béranger, 75003 ParisRCS Paris : 382.028.199Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991. Directoire François Moulias

GérantFrançois Moulias Associée unique SA Investissements Presseau capital de 18 098 355 €.

Directeur de la publication François Moulias Directeur de la rédactionFabrice Rousselot

Directeurs adjoints de la rédactionStéphanie AubertSylvain BourmeauEric DecoutyFrançois SergentAlexandra SchwartzbrodDirectrice adjointede la rédaction,chargée des N° spéciauxBéatrice VallaeysRédacteurs en chefChristophe Boulard (tech) Olivier Costemalle(éditions électroniques)Gérard LefortF. Marie Santucci (Next)Directeurs artistiques Alain BlaiseMartin Le ChevallierRédacteurs en chefadjoints Bayon (culture)Michel Becquembois(édition)Jacky Durand (société)Matthieu Ecoiffier(politique)Jean-Christophe Féraud (éco-futur)Elisabeth Franck-Dumas(culture)

Florent Latrive (éditionsélectroniques)Luc Peillon (économie)Mina Rouabah (photo)Marc Semo (monde)Richard Poirot(éditions électroniques)Sibylle Vincendon etFabrice Drouzy (spéciaux)Fabrice Tassel (société)Gérard Thomas (monde)

Directeur administratif et financierChloé NicolasDirectrice de lacommunication Elisabeth LabordeDirecteur commercial Philippe [email protected] dudéveloppement Pierre Hivernat

ABONNEMENTSMarie-Pierre Lamotte03 44 62 52 [email protected] abonnement 1 anFrance métropolitaine : 371€.

PuBLICITÉ Directeur général deLibération MédiasJean-Michel LopesTél. : 01 44 78 30 18 Libération Medias. 11, rueBéranger, 75003 Paris. Tél. : 01 44 78 30 68Amaury médias25, avenue Michelet93405 Saint-Ouen CedexTél.01 40 10 53 [email protected] annonces.Carnet. IMPRESSIONCila (Héric), Cimp(Escalquens), Midi-print(Gallargues), Nancy Print(Nancy), POP (La Courneuve)Imprimé en France Tirage du 20/02/14:110 866 exemplaires.

Membre de OJD-Diffusion Contrôle.CPPP: 1115C 80064.ISSN 0335-1793.

La responsabilité du jour nalne saurait être engagée encas de non-restitution dedocuments .Pour joindre un journalistepar mail : initiale dupré[email protected]

O S

A U R

N R T E O U

S O R T

O C

C N U S

C U A T R S

R O T

T U

2 6 4

7 5 9

5 2 7

6 7 3 5 8

1 8 6 9

4 9

7 3

9 1 7

9 8 6 7 5

SUDOKU MOYEN

MOT CARRÉ SUDOKU

Démesurés, exagérations.

MOT CARRÉ

3 5 7 2 8 9 1 4 6

6 1 8 7 4 5 2 9 3

9 4 2 6 1 3 8 7 5

7 6 1 8 5 4 9 3 2

5 8 3 9 2 7 4 6 1

2 9 4 3 6 1 7 5 8

8 7 9 5 3 2 6 1 4

4 2 5 1 7 6 3 8 9

1 3 6 4 9 8 5 2 7

A V S T O E R I N

R E N S V I T A O

I O T A N R S V E

N S A V R O I E T

O R V I E T A N S

E T I N S A O R V

V I R O T N E S A

S A O E I V N T R

T N E R A S V O I

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice Nice

Strasbourg

Dijon

Lyon

Toulouse

Bordeaux

Limoges

Orléans

Nantes

Caen

Brest

Lille

Paris

MontpellierMarseille

Nice

Ajaccio

NuageuxSoleil Couvert FaibleModéréFort

CalmePeu agitée

AgitéeAverses Pluie

Éclaircies

Orage

0,6 m/10º

LLEE MMAATTIINN La perturbation donne de lapluie à l'est. Neige en montagne à moyennealtitude. À l'arrière les averses se déclen-chent à l'ouest et sont parfois orageuses,accompagnées de grêle près de la Manche.

LL’’AAPPRRÈÈSS--MMIIDDII La zone perturbée quie legolfe du Lion grâce à la tramontane quidégage le ciel. Ailleurs, les nuages restentdominants avec un régime d'averses forteset orageuses au nord de la Seine.

-10°/0° 1°/5° 6°/10° 11°/15° 16°/20° 21°/25° 26°/30° 31°/35° 36°/40°

FRANCE MIN/MAX

LilleCaenBrestNantesParisNiceStrasbourg

FRANCE MIN/MAX

DijonLyonBordeauxAjaccioToulouseMontpellierMarseille

SÉLECTION MIN/MAX

AlgerBruxellesJérusalem LondresBerlinMadridNew York

Neige

0,3 m/8º

1 m/12º

0,3 m/12º

0,3 m/12º

VENDREDI

Le front pluvieux progresse lentement,se situant des côtes charentaises aunord-est. Les éclaircies se font de plusen plus belles à l'arrière.

SAMEDI Si le ciel est particulièrement biendégagé sur la moitié sud du pays, leséclaircies parviennent également às'imposer dans le nord.

DIMANCHE

0,1 m/14°

1 m/11º

1/83/116/117/153/11

6/148/13

10/154/8

12/273/10

1/80/100/8

3/83/96/9

4/103/9

2/142/10

0,3 m/8º

0,6 m/10º

0,3 m/12º

1,5 m/10º

0,3 m/12º

0,3 m/8º

0,6 m/10º

1 m/12º

1 m/10º

1,5 m/10º

04 9

1 27

01

16

Offre spéciale 2014 !

Bulletin d’abonnementÀ découper et renvoyer sous enveloppe affranchie à Libération abonnements - 45 avenue du Général Leclerc - B590 - 60643 Chantilly cedex

Oui, je profite de l’offre spéciale 2014 de Libération : Un abonnement de 6 mois pour 139,90 € seulement au lieu de 332,10 €**.

Je recevrai le quotidien Libération, livré chez moi* du lundi au vendredi + Libération week-end + le mensuel Next + tous les services et contenus numériques en accès libre (web, iPhone, iPad) + le livre anniversaire, 40 ans.

AP2014

Nom : __________________________________________ Prénom : _____________________

Adresse : _____________________________________________________________________

Code postal : Ville : ___________________________________________

Téléphone :

E-mail : _________________________________________ @ ___________________________

Date et signature obligatoires

*Par portage dans plus de 500 villes de France (Voir le site : abo.liberation.fr) Offre réservée aux particuliers et valable jusqu’au 28 février 2014 exclusivement pour un nouvel abonnement en France métropolitaine. **Vous pouvez acquérir séparément chaque numéro de Libération pour 1,70 € en semaine, 2,60 € le samedi et 3,60 € une fois par mois, lorsqu’il est accompagné du magazine NEXT, le livre des 40 ans pour 39 € + 7 € de frais de port. La livraison est assurée par porteur avant 7h30 dans plus de 500 villes, les autres communes sont livrées par voie postale. Les informations recueillies sont destinées au service de votre abonnement et, le cas échéant, à certaines publications partenaires. Si vous ne souhaitez pas recevoir de propositions de ces publications cochez cette case

Ci-joint mon règlement : Chèque à l’ordre de Libération

Carte bancaire N°

Expire le Cryptogramme mois année

les 3 derniers chiffres au dos de votre carte bancaire

139,90€

seulementau lieu de 332,10 €**

40 ans, le livre anniversaire Le roman d’un journal… le récit d’une époque.Quatre décennies de journalisme à travers ce beau livre de 300 pages d’enquêtes, de témoignages et de photos inédites.

Offrez ou offrez-vous

À un tarif exceptionnel

Un abonnement à Libération + Libé 40 ans, le Livre anniversaire

Vous pouvez commander par téléphone : 03 44 62 52 08 - code AP2014

e spéciale 2014 !Offr

e spéciale 2014 !

e spéciale 2014 !le récit d’une époque.Le roman d’un journal…

0 ans, le livre anniversaire4

+ Libé 4**€10au lieu de 332,seulement9,13

e anniver0 ans, le Livr+ Libé 4ationUn abonnement à Libér

xceptionnel un tarif eÀ

z-vousez ou offreOffr

esaire anniveration

z-vousde photos inédites.de témoignages et00 pages d’enquêtes,3

ce beau livre dejournalisme à traversQuatre décennies de

5 avenue du Général Leclerc - B5Libération abonnements - 4À découper et renvoyer sous enveloppe affrancBulletin d’abonnement

al : Code post

_____________________________________________________________________Adresse :

__________________________________________Nom : + tous les services et contenus numériques en accès libre (web, iPhone, iPad) + Je recevrai le quotidien Libération, livré c

Un abonnement de 6 mois pour offre spéciale 2014 l’je profite de Oui,

xceptionnel

643 Chantilly cedex00 - 695 avenue du Général Leclerc - B5hie àÀ découper et renvoyer sous enveloppe affranc

Bulletin d’abonnement

_____________________________________________________________________

_____________________ Prénom : __________________________________________le livre anniversaire, 4+ tous les services et contenus numériques en accès libre (web, iPhone, iPad) +

hez moi* du lundi au vendredi + Libération week-end + le mensuel NextJe recevrai le quotidien Libération, livré cau lieu de seulement€09,913Un abonnement de 6 mois pour

de Libération : offre spéciale 2014

ille : V

un tarif eÀ

643 Chantilly cedex

_____________________________________________________________________

_____________________

AP2014

. 0 ansle livre anniversaire, 4hez moi* du lundi au vendredi + Libération week-end + le mensuel Next

.**€332,10au lieu de 332,10€

al : Code post

Téléphone :

_________________________________________E-mail :

Carte bancaire N°

Chèque à l’ordre de LibérationCi-joint mon règlement :

tenaires. Si vons partaines publicatihéant, à ceronnement et, le cas écab0 dans plus de 5vant 7h3teur at. La livraison est assurée par porpor

le samedi et 3,6€0 en semaine, 2,6€ 0 on pour 1,7de Libératiticuliers et valable jusqu’au 28 février 2014 exclusivement pour un nvée aux parOffre réser

o.liberatioir le site : abrance (V00 villes de Ftage dans plus de 5ar por*P

Expire le Cryptogramme annéemois

ous pouvez commander par téléphone : 03 4V

___________________________________________ille : V

___________________________ @_________________________________________

Chèque à l’ordre de Libération

ons coons de ces publicatisitioir de propocevous ne souhaitez pas retenaires. Si ves informatistale. Loie po00 villes, les autres communes sont livrées par v0 dans plus de 5

, le livre des 4XTEccompagné du magazine Norsqu’il est aois, l une fois par m€0 le samedi et 3,6ous pouvez arance métropolitaine. **Vonnement en Fouvel abticuliers et valable jusqu’au 28 février 2014 exclusivement pour un n

on.fr) o.liberati

Cryptogramme te bancaireotre carde vhiffres au doles 3 derniers c

8 - code AP204 62 52 0ous pouvez commander par téléphone : 03 4

___________________________________________

obligatoiresDate et signature

___________________________

hez cette case cons cootre vice de vcueillies sont destinées au serons rees informati

de frais de €+ 7 € 9 0 ans pour 3, le livre des 4haque numéro cquérir séparément cous pouvez a

te bancaires hiffres au do

41

JEUX 21:LIBE09 20/02/14 17:01 Page1

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 JEUX­METEO • 33

Page 34: Liberation

Tout a commencé avecun petit bout defemme et son trou-peau de brebis. San-drine Lizaga s’estinstallée il y a troisans dans le village deBourdeaux (Drôme)

pour y faire du fromage. La paysanneélève 60 brebis selon les critères del’agriculture biologique. Avec leur lait,elle confectionne des tomes qu’ellevend sur les marchés. En été, ses bêtesbroutent l’herbe fraîche du Vercors, etlorsqu’il leur arrive un pépin, Sandrineles soigne. «Quand elles sont gravementmalades, j’utilise des antibiotiques, assurel’éleveuse, mais pour les bobos du quoti-dien, les traitements antiparasitaires, jeleur donne des plantes.» Désinfecter lecordon ombilical d’un agneau avec del’huile essentielle de lavande, soigner

un rhume grâce à une infusion de thym,traiter les parasites avec de l’huile es-sentielle d’ail, autant de soins que San-drine pratique sans se poser de ques-tions. Jusqu’à son dernier contrôle de laDirection départementale de la protec-tion des populations (DDPP), le 6 août.

Ordonnances vétérinairesCe jour-là, le contrôle relève du volet«sanitaire» et «bien-être des ani-maux», il fait partie de ceux qui condi-tionnent le versement des aides euro-péennes de la Politique agricolecommune (PAC). Pour Sandrine, envi-ron 15000 euros sont en jeu. Le contrôlese déroule à merveille jusqu’à ce que lesinspecteurs découvrent des flaconsd’huiles essentielles et des tubes de gra-nulés homéopathiques. Ils réclamentdes ordonnances vétérinaires que l’éle-veuse n’a pas. «Quelques jours plus tard,

Par LAURENOUALHAT

Dans la Drôme, Sandrine Lizaga, éleveuse, se voit reprocher d’avoir donné à ses bêtesdes huiles essentielles. L’application d’une législation qui fait barrage aux soins naturels.

Les brebis,interdites

de médecinedouce

Soin des brebis en homéopathie. PHOTO E. HENRY DE FRAHAN.PICTURETANK

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 201434 • TERRE

Page 35: Liberation

j’ai reçu deux courriers qui m’ont demandéde modifier mes pratiques, sous peine deperdre mes aides de la PAC. Jamais monvétérinaire référent ne m’avait fait d’or-donnance pour ces produits… Je suis tom-bée des nues.» L’éleveuse décide alorsd’alerter son syndicat, la Confédérationpaysanne, pour dénoncer une situation«hypocrite» et «ab-surde». Vétérinaires,éleveurs, herboristes ouproducteurs de plantesmédicinales alertent àleur tour sur les risquesencourus par la santénaturelle, menacée parles droits français eteuropéen. Hypocrite, lasituation l’est en effetparce que le soin par les plantes est lamédecine la plus ancienne au monde.Absurde, elle l’est aussi parce que la lé-gislation actuelle est incohérente.La réglementation freine fortement ledéveloppement des médicaments vété-rinaires à base de plantes. Dans unenote sur le statut juridique de ce type deproduits, l’Agence nationale sanitaire

de l’alimentation, de l’environnementet du travail (Anses) est très claire :«L’usage de produits à base de plantesdans le cadre de médecines alternatives enlieu et place de médicaments chimiques,notamment dans le cadre d’une politiquede réduction d’usage de certaines catégo-ries de médicaments tels que les antibioti-ques, entraîne de facto, pour ces produits,le statut de médicament vétérinaire.» Or,un médicament vétérinaire ne se cueillepas dans les prés! Il doit être évalué parl’Anses et obtenir une autorisation demise sur le marché (AMM) avant d’at-terrir dans une étable ou une bergerie,ce qui exige d’effectuer l’ensemble desessais d’innocuité et d’efficacité. Mêmesi la procédure vient d’être simplifiée,elle reste un barrage: une quinzaine demédicaments à base de plantes seule-ment ont obtenu une AMM dans le do-maine vétérinaire en Europe.

Cueillir l’ortie, le cassisLes associations en faveur des prépara-tions naturelles peu préoccupantes(PNPP) s’inquiètent de ce parcours fas-tidieux alors qu’on trouve des huiles es-sentielles dans toutes les boutiques biospour des usages sanitaires, cosmétiquesou alimentaires. Alors que les brebis serégalent de fougères, prêles et buis enpleine nature et que les éleveurs n’ontqu’à se baisser pour cueillir ortie, cassisou pissenlit et préparer eux-mêmesleurs soins. «Le consommateur prend sonpropre risque. L’éleveur, lui, est soumis àune réglementation stricte pour protégerle consommateur final», signale Jean-Pierre Orand de l’Agence nationale dumédicament vétérinaire. «La législationsur les plantes est calquée sur celle du mé-dicament de synthèse, c’est absurde»,s’émeut Philippe Labre, vétérinaire etformateur en médecines naturelles.D’après ce praticien, «on utilise un ar-gumentaire scandaleux pour éliminerl’énorme intérêt des plantes, et nous som-mes dans l’interdiction de solutions inof-fensives à 99%». Rappelons que lecheptel français est un gros consomma-teur d’antibiotiques (782 tonnes ven-dues en 2012) et que l’antibiorésistanceest devenue un problème de santé pu-blique pour les animaux et les hommes.Au-delà du cas précis des médicaments,c’est l’ensemble des plantes utilisées aujardin, dans la cuisine ou pour se soi-gner qui sont dans le collimateur duministère de l’Agriculture et de Bruxel-les. Selon la réglementation euro-péenne, toutes les PNPP (purin d’ortie,tisanes, décoctions, etc.) sont soit dessubstances de base, soit des substancesà faible risque, mais toutes doivent être

approuvées. «Des dos-siers de candidature àl’approbation commu-nautaire sont en coursd’évaluation, depuis fin2011 pour la prêle», ex-plique Patrice Mar-chand de l’Instituttechnique de l’agricul-ture biologique. Déci-der de ne pas classer les

PNPP dans les produits soumis à AMMserait pourtant peu coûteux, simple àmettre en œuvre, et contribuerait demanière évidente à la réduction despesticides. Au moment où le ministèrevante le tournant agro-écologique del’agriculture française, dommage queles pratiques ancestrales et naturellessoient à ce point disqualifiées. •

P armi les patates chaudes qui encom-brent la table de l’écologie politique, ilen est une qui revient sans cesse dans

nos auges : la démographie. Si aborder laquestion du nombre apparaît à beaucoupcomme le summum de l’écologie brune, letabou par excellence, quelques scientifiques,philosophes ou élus osent y réfléchir. Deuxouvrages se penchent sur nos berceaux alorsque 80 millions d’humains s’ajoutent à la po-pulation mondiale chaque année.Archives. Le premier est un minutieux tra-vail d’enquête mené par le journaliste AlanWeisman. Durant deux ans, l’auteur deCompte à rebours a sillonné une vingtaine depays (Israël, Chine, Pakistan, etc.) et fouilléleurs archives. Le livre foisonne d’anecdotes

et de rencontres, de tristes constats et de so-lutions complexes. En liant la question de lasurpopulation humaine à celle de la dégrada-tion des écosystèmes, l’auteur ne se posequ’une seule question : combien de tempscette planète pourra-t-elle fournir l’eau, lanourriture ou encore l’énergie dont nousavons tous besoin? Même si nous semblonsaller vers une planète avec moins de monde,grâce aux moyens de contraception, l’huma-nité grossit d’un million d’individus tous lesquatre jours et demi. Alors même qu’un petitcalcul prospectif nous apprend qu’avec unepolitique mondiale de l’enfant unique, nousserions 1,6 milliard en 2100 (contre dix àdouze milliards prévus), soit autant qu’en1900. Weisman ne veut évidemment élimineraucun être humain de la surface de la Terremais il prévient: «Soit nous prenons nous-mê-mes les choses en main, soit la nature va mettrebeaucoup d’entre nous à la porte, et brutale-ment.»Changement de cadre avec le secondouvrage, publié aux éditions du Sang de laTerre, sous le titre Moins nombreux, plus heu-reux (sans point d’interrogation s’il vousplaît). Dans la préface de cet ouvrage collec-tif, l’eurodéputé Yves Cochet, seul hommepolitique français à avoir posé la question dunombre sur la table législative, notammenten proposant une «inversion de l’échelle desallocations familiales», raconte la surdité poli-tique sur ce dossier.Pour le professeur de socio-anthropologiedes techniques Alain Gras, la démographiene se réduit pas à des questions de natalité oude pyramide des âges mais aussi à notre glou-tonnerie. En corrélant les courbes démogra-phiques et celles de la consommation éner-gétique, le lecteur frémit devant un possibleeffondrement puisque les systèmes hyper-

complexes dont nous dépendons (qu’ils’agisse de l’alimentation ou de l’énergie) ontatteint des niveaux de rendements décrois-sants. La conclusion est alors sans appel. «Larégulation de la population passe d’abord parune régulation de nos comportements envers laplanète. L’obsession folle du progrès conduit àune accélération de la prédation, qui est unesurchauffe d’un autre type que celle de la démo-graphie, mais qui, combinée avec elle, rendl’avenir invivable.»Voyages. Du coup, il devient légitime de sedemander si le droit à la reproduction «infi-nie» ne s’opposerait pas à tous les autresdroits humains dont le premier serait de bé-néficier d’une nature préservée. Consomma-tion de viande, aspiration à posséder un

chez-soi, soif grandissante de voya-ges, accès aux modes de vie occi-dentaux coûtent cher aux autres for-mes de vie sur la Terre. «Sur uneplanète aux ressources finies, nous neserons jamais à la fois riches et nom-breux», suggère Didier Barthès.Du «croissez et multipliez» de la

Génèse aux arguments économiques natalis-tes (faire des enfants assurera votre re-traite…), le contrôle des naissances n’a ja-mais eu bonne presse, et les partisans de lamodération démographique passent souventpour des «racistes antipauvres» puisque lesplus forts taux de natalité sont constatés dansles pays les plus en difficulté. Que les natalis-tes se rassurent, l’inertie du système démo-graphique est telle qu’aucune action concrètene verra d’effet avant 2040 au moins… Il estd’autant plus urgent de s’en préoccuper ànouveau.

L.N.

«Soit nous prenons nous-mêmesles choses en main, soit la natureva mettre beaucoup d’entre nousà la porte, et brutalementAlan Weisman dans «Compte à rebours»

Deux livres abordent le contrôle de la démographie.Objectif: préserver la planète. Et l’homme.

Sept milliardsd’humains,et demain?

DRÔME

ValenceISÈRE

ARDÈCHEHTES-

ALPES

VAUCLUSEGARD

HTE

-LO

IRE

Bourdeaux

30 km

A Vachère­en­Quint(Drôme), brebis des

exploitants Meurot. PHOTO E.HENRY DE FRAHAN.PICTURETANK

MOINSNOMBREUX,PLUS HEUREUXDirigé parMICHELSOURROUILLEEditions Sang dela terre, 176 p., 16 €.

COMPTEÀ REBOURSALANWEISMANFlammarion,426 p., 23,90 €.

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014 TERRE • 35

Page 36: Liberation

PORTRAIT CATHERINE DE ZEGHER

la Biennale de Sydney, en 2012, commissaire de celle de Mos-cou, en septembre 2013, et du pavillon australien à la Bien-nale de Venise, vous expliquera que l’art qui l’intéresse,elle ne le connaît pas, pas encore du moins. Il vient, il se faitdans la marge, aujourd’hui ou demain. S’il faut aller à Miamiou dans un musée pour voir des œuvres, ça n’est plus de l’artcontemporain. Trop tard.Les œuvres des artistes installés, des hommes dans 98% descas, l’ennuient trop souvent. «Je ne vois là, la plupart du temps,rien que des produits à vendre», lâche-t-elle sans animosité,mais avec amusement. Elle cherche à mettre la lumière surles invisibles, les femmes notamment. Quant aux galeristes,elle les évite. «Je ne vais pas les voir. Après, si un artiste quej’ai repéré est exposé dans une galerie, alors oui, je ne vais pasme détourner, je ne suis pas asociale non plus.»Pas asociale, mais elle se tient à distance. Elle raconte avecune naïveté de jeunette qu’à Sydney, au cours d’un dîner,un galeriste lui avait fait une proposition qu’elle juge halluci-nante. Si elle lui dévoilait les trouvailles qu’elle allait exposer,«elle aurait… elle pourrait…». «Elle» n’a pas compris et n’ycroit toujours pas. Ce qui l’intéresse ce sont les artistes invi-sibles: «2% accaparent 98% de la masse d’argent générée parl’art contemporain et 98% des artistes se partagent les 2% qui

restent. C’est ceux-là que je vais voir.» Si elle ignore les plagesde Miami, elle ira en Roumanie, en Bulgarie ou en Ouzbékis-tan pour chercher Geta Bratescu, Samuil Stoyanov ou UmidaAkhmedova et les amener à Moscou. Avant eux, elle a montréSimryn Gill, Julie Mehretu, Ellen Gallagher, Cildo Meireles,Gabriel Orozco (étroitiseur de DS) ou Mona Hatoum, qui sontaujourd’hui muséifiés, multi-galiérisés et collectionnés.Comment faire une exposition d’art contemporain à Mos-cou, financée pour l’essentiel par le ministère russe de laCulture? En s’installant en face du Kremlin, juste de l’autrecôté de la place Rouge avec subtilité. Judith Benhamou-Huet, critique d’art, a trouvé la bonne formule sur son blog,évoquant une «subversivité intelligente, c’est-à-dire soft».Pas de Poutine peinturluré en nuisette ou de Medvedev ensoutien-gorge, à moins que cela ne soit l’inverse. Mais, surla vidéo d’une artiste iranienne, Farideh Lashai, on voyaitChaplin dans le Dictateur jouant avec son globe terrestre àla légèreté d’un ballon de plage, accompagné d’une chansonmélancolique d’Oum Kal-soum. Le Russe Peter Belyiavait, lui, installé un «chan-tier» avec un trou… pour«évacuer toute la merde quivient du Kremlin», dit-il.Cette Madame Sans-Gêne del’art contemporain précisequ’elle est «bélier ascendantcancer», comme si cela avaitde l’importance pourla comprendre et la suivre.Si elle ne veut pas trop parlerde sa vie privée, elle glissepourtant qu’elle a trois en-fants et trois petits-enfants.Elle évoque aussi son pèremédecin qui l’entraînaitdans les cathédrales où les badauds le prenaient pour un con-férencier. Pour ses études, elle regardera plus loin dans lepassé, en étudiant l’archéologie.Un jour, en 1987, l’administration lui demande de maternerde jeunes artistes à qui on a ouvert une ancienne usine textileà Courtrai, la Kanaal Art Foundation. Là, elle apprend à dia-loguer et à regarder, le mot revient souvent dans sa bouche,sans se demander si ça va prendre de la valeur et permettrede dégager une plus-value. «Ce qu’il y a d’intéressant avecCatherine de Zegher, c’est qu’elle passe du temps avec les artis-tes. Elle les écoute, les regarde faire, les encourage. Pas dansles cocktails ou pendant les vernissages, mais chez eux, dansleurs ateliers, à l’endroit où ils travaillent», souligne ElisabethLebovici, professeure à l’Ecole des hautes études en sciencessociales (EHESS). Plutôt avare en compliments pour le mondede l’art contemporain, l’ancienne journaliste de Libération,s’enthousiasme pour celle qui a poussé toute une générationde femmes sur le devant de la scène.Et quand Catherine de Zegher cherche, ça n’est pas pourl’éternité. Léonard de Vinci ou Malevitch, qu’elle adule,occupent déjà l’espace. Elle se penche sur le quart d’heurequi vient. «Je veux vivre complètement dans le présent, le passém’intéresse pour ce qu’il me permet de comprendre le présent,quant à l’avenir… je ne cherche pas du tout à me projeter, commeon dit. Il faut se poser.» Du coup, elle cherche des artistes dontles œuvres éphémères, faites pour disparaître, échapperontà tout marchandage.En l’accompagnant dans son nouveau domaine, on com-prend vite que l’art contemporain va bientôt venirse confronter à l’Adoration de l’Agneau mystique des frèresVan Eyck, achevé en 1432, et dont une escouade de restaura-teurs s’occupe. Elle montre une grande rotonde dans laquelleun couple d’artistes philippins, Alfredo et Isabel Aquili-zan, a pour mission d’imaginer une installation qui devrase confronter au Radeau de la Méduse de Géricault, «le peintrede la compassion» pour reprendre les mots de Catherinede Zegher. Elle n’a pas obtenu le tableau du Louvre, indépla-çable, mais sa copie réalisée en 1859. L’idée de cette confron-tation du Radeau et d’une œuvre éphémère lui est venueen voyant les images des embarcations disloquées qui s’en-tassent sur les plages de Lampedusa. A quoi cela va-t-il res-sembler? Elle n’en sait rien d’autant que les artistes invitésont l’habitude de travailler avec des écoliers ou des étudiants.Il faudra se déplacer et ne pas laisser passer cet instant.Après, tout doit disparaître. •

Par PHILIPPE DOUROUXPhoto THOMAS VANDEN DRIESSCHE

EN 6 DATES

14 avril 1955 Naissanceà Gand (Belgique).1973­1977 Etudesd’archéologie.1987­1999 Directrice dela Kanaal Art Foundationde Courtrai.1999­2006 Directricedu Drawing Center deNew York.Janvier 2014 Directricedu Musée des beaux­artsde Gand.22 février Inauguration del’exposition Guéricault.

E lle rit, elle rit beaucoup et aux éclats. Pas toujours,pas avec n’importe qui, mais elle rit souvent d’elle-même, des situations, des autres, des questions oudes réponses. Elle s’amuse de son domaine avec

une légèreté incisive, parfois acide, de l’image que l’on peutse faire de l’art contemporain, et de l’art en général. Quandnous rencontrons Catherine de Zegher à Gent, Gand pourles francophones, au Museum voor Schone Kunsten (MSK),le Musée des beaux-arts dont elle vient de prendre la direc-tion, on s’étonne qu’elle ne soit pas à Miami pour participerà la grande foire de l’art contemporain. Elle rit, comme sielle venait de mesurer l’océan d’incompréhension danslequel il va lui falloir se débattre. «Je n’y vais pas, ça ne m’in-téresse pas du tout, je n’ai vraiment rien à y faire…»Jeff Koons, Takashi Murakami ou Damien Hirst, ceux qui«font» le marché ne l’intéressent pas. Ou plus… leurs ateliersusines situés aux Etats-Unis ou en Asie, pour se tenir au plusprès des musées, des grands galeristes et des très riches col-lectionneurs qui les accueillent, les vendent ou les achètent,la laissent indifférente. L’ancienne directrice artistique de

Les «stars» de l’art contemporain ennuient la directricedu musée de Gand, tournée vers les outsiders en devenir.

Incubatrice d’artistes

LIBÉRATION VENDREDI 21 FÉVRIER 2014