Libé - Impôts en mal de crédit.pdf

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  • Les livres numriquesde LibrationL'essentiel sur un sujet.

    Rpartis en quatre collections - Actu, Magazine, Archives,Ides - chacune symbolises par un code couleur sur lacouverture.

    Les articles, analyses et enqutes les plus significatifs pub-lis dans le journal ces derniers mois, enrichis d'lments decontexte indits.

    Rforme de l'cole, dbat sur la prostitution, Syrie, Roms oucampagne municipale pour l'Actu; reprise des sries du cah-ier t, slections de portraits de der, de formats longs oude pages Voyages pour la partie Magazine; retour surquelques ppites du journal retrouves dans nos archives,telles la rencontre avec Jacques Mesrine, l'interview deMichel Platini par Marguerite Duras ou la mort de ClaudeLvi-Strauss...

    Le meilleur de Libration, lire sur tous supports, cran,tablette, mobile ou liseuse.

  • IMPTS:EN MAL DE CRDIT

  • Table des matires Couverture Les livres numriques de Libration IMPTS: EN MAL DE CRDIT Table des matires Lgitimit Face aux Pigeons, Bercy laisse des plumes L'impt des super-riches passe la trappe Thomas Piketty: Une improvisation fiscale consternante Qui va payer la rallonge de 6 milliards ? Trop dimpts: la grande illusion Guillaume Allgre: Rduire les ingalits, un thme de

    gauche La moyenne qui cache la fort des hausses Au sein du gouvernement, les impts ne font plus recette Les Verts dsols de stre tir une taxe dans le pied Fiscalit verte, explication de taxe Lcotaxe, impt de chagrin Ecotaxe: la marche arrire prilleuse dAyrault

  • Contestation: les dessous des bonnets TVA: le gouvernement fleur dimpt Ras-le-bol fiscal: Ayrault cope dune rforme Les syndicats reprennent la main

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  • Lgitimit

    EDITORIAL. La France semble vivre une rvoltefiscale comme son histoire en est friande...

    Par Franois SERGENT

    (Paru le 15 novembre 2013)

    La France semble vivre une rvolte fiscale comme son his-toire en est friande : mouvements contre les fermiersgnraux ou les gabelous, et surtout le papier timbr auXVIIe sicle qui inspire aujourdhui les bonnets rouges bre-tons. Les prfets, selon une note confidentielle rvle parle Figaro, sinquitent dune remise en cause de la lgitim-it de limpt.

    Cette rvolte se joue des corps tablis. Les syndicats pat-ronaux ou ouvriers, les partis de droite comme de gauche,les institutions intermdiaires courent aprs un mouvementquils nont pas vu venir et qui se dveloppe hors de leursappareils. LUMP cherche surfer sur le mcontentement,esprant faire de la TVA et de lcotaxe ses nouveaux thmesde combat, disputant un lectorat dartisans, dagriculteursou de petits commerants au FN. Quant Jean-Luc Mlen-chon, aprs avoir habilement trait les Bretons en colre

  • desclaves, il cherche rcuprer le mouvement contrelimpt.

    Les syndicats sinquitent juste titre de cette montede populisme basiste, de ce mouvement sourd qui chappeaux formats habituels de la contestation sociale. Legouvernement et le Prsident, enfoncs dans les abmes delimpopularit, paraissent tout aussi dsempars par cetteinsurrection insaisissable et confuse. Ils ont dj recul surlcotaxe, la taxation des pigeons et de lpargne. Les con-testataires de la TVA sentent le sang.

    Si Hollande cde une nouvelle fois, ce sera toute sa finde quinquennat, toute son action qui seront plombes ja-mais par cette nouvelle capitulation.

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  • Face aux Pigeons,Bercy laisse desplumes

    CONCESSION. Le groupe dentrepreneurs partis enguerre contre la rforme de la taxation desplus-values en cas de cession dune socit a eugain de cause. Bercy va adoucir une mesurepourtant gure douloureuse.

    Par Dominique ALBERTINI

    (Paru le 5 octobre 2012)

    Le gouvernement dpass par le buzz des Pigeons. Aprsplusieurs jours dune fronde indite de certains entrepren-eurs du Web, lexcutif a cd et promis, hier, plusieurs ad-oucissements sur limposition des plus-values sur les ac-tions, notamment lexclusion des crateurs dentreprises dunouveau systme. Un dnouement trs suivi, car il concluaitplusieurs jours dune mobilisation virtuelle mene, notam-ment, par le collectif des Pigeons : un groupe dentrepren-eurs anonymes lanc fin septembre sur les rseaux sociaux,

  • et dont la mise en accusation du budget 2013 a fait tachedhuile.

    Cession. Principal grief de ces patrons 2.0 : lalignement dela fiscalit du patrimoine sur celle du travail, comme promispar Franois Hollande. Car cette rforme conduit imposerles plus-values de cessions dactions, quand les patrons re-vendent leur entreprise, au barme progressif de limpt surle revenu, et non plus au taux unique de 19% (plus 15,5%de prlvements sociaux, soit 34,5%). Selon ce systme, plusla cession rapporte, plus le vendeur est impos, avec un tauxmaximum thorique de 60% environ - addition de latranche suprieure de limpt sur le revenu de 45% au-delde 150 000 euros, et des 15,5% de cotisations sociales.

    Une mesure anti start-up, pour linvestisseur Jean-DavidChamboredon, dont un texte paru dans la Tribune a donnle coup denvoi de la fronde. Il y avait une colre des en-trepreneurs et cest cette mesure qui la cristallise,rsume Marc Simoncini, fondateur de Meetic.fr, enpremire ligne dans la contestation entrepreneuriale.

    Toute la semaine, sur les rseaux sociaux, dans la presse,sur leurs sites personnels, des entrepreneurs ont ainsichant la complainte de lhonnte crateur dentreprisespoli aux deux tiers des fruits de son travail sil veut vendreaprs dix ans passs dvelopper sa socit. Le calcul netient pas mais limage fait flors. Sur Twitter, on affiche unephoto de pigeon pour marquer son soutien au mouvement.

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  • LUMP, de son ct, dclare son soutien la jacquerie desentrepreneurs.

    Face ces tirs croiss, le gouvernement nest pas long ra-gir : la ministre dlgue aux PME, Fleur Pellerin, con-voquait le matin les reprsentants de la Net conomie pourlaprs-midi mme, se dclarant prte ajuster le dispositifpour ne pas dcourager la cration dentreprises. Au mmemoment, sur France Inter, le ministre de lEconomie, PierreMoscovici, se voulait lui aussi conciliant : Quand desmesures sont mal calibres, il faut avoir un dialogue etventuellement une correction.

    Lambiance de la runion, plutt grave au dbut, sestdtendue, raconte Benot Thieulin, directeur de lagenceNetscouade. Les ministres nous ont vite fait savoir quils al-laient corriger le tir. Moscovici [le ministre de l'Economie,ndlr] nous a expliqu quun projet de budget est un textemonstrueux, qui appelle des ajustements. Et Cahuzac [leministre du Budget, ndlr] a ajout que certains auraientt, de toute faon, apports par amendements au cours dela discussion parlementaire. Rsultat : les crateurs den-treprise continueront bnficier du systme actuel, unprlvement forfaitaire de 19% (plus 15,5% de prlvementsociaux). Par ailleurs, tout ce qui est rinvesti fera lobjetdune exonration totale. Et les abattements dimpts, selonla dure de dtention des titres, seront renforcs. De mme,

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  • les avantages fiscaux du rgime Jeune Entreprise innovanteseront conservs.

    Entre deux dclarations damour aux entrepreneurs, lesministres Pierre Moscovici, Jrme Cahuzac et Fleur Peller-in ont toutefois fustig le buzz mdiatique entretenu parles Pigeons, se refusant mme nommer le mouvementque lon sait. Gne, aussi, du ct des fdrationspatronales : Oui, Internet a pu aider, mais jai remis auministre une ptition 8000 signatures. a, cest du pr-cis, fait valoir Jean-Franois Roubaud, prsident de laCGPME. Cest le rsultat dun travail collectif, mme si lesPigeons ont apport de leau notre moulin, concde-t-ondu ct du Medef, opposant de longue date aux mesuresfiscales du budget 2013.

    Du ct des entrepreneurs reus Bercy, on considre, aucontraire, que le mouvement a t dterminant. Onnaurait pas forcment t reus sans la mobilisation desPigeons, estime Benot Thieulin, de Netscouade, pourtantcritique leur gard. Cest lavant-garde dun phnomnequi va sans doute se gnraliser. Les acteurs traditionnelsse font dborder par des mouvements plus rapides, plusspontans, issus des rseaux sociaux. Dautres sont pluspessimistes : Jai peur que nous le payions cher en termesde rputation ltranger, dclare Stphane Distinguin,PDG de lagence FaberNovel, qui voit dans les Pigeonslmergence dune sorte de Tea Party du numrique.

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  • Chez les concerns, en tout cas, on jubilait : La lutte con-tinue, plus que jamais, roucoulons pour les faire reculer,pouvait-on lire hier soir sur leur page Facebook.

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  • L'impt dessuper-riches passe la trappe

    BOULETTE. Annonce surprise de la campagne, lataxation 75% devait tre temporaire et pargnaitles revenus du capital. Le Conseil constitutionnella retoque.

    Par Luc PEILLON

    (Paru le 31 dcembre 2012)

    Ctait le 27 fvrier sur TF1. En pleine campagne prsidenti-elle, Franois Hollande prend tout le monde de court, ycompris son entourage, en annonant une mesure choc : lataxation 75% des revenus au-del de 1 million deuros. Unjoli tour politique, qui permet au candidat de faire dunepierre deux coups : la proposition met en porte--faux ladroite, contrainte de dfendre les trs riches, tout en neut-ralisant la gauche du Parti socialiste, force dapplaudir unemesure qui plafonne, de fait, les trs hauts revenus.

  • La censure du dispositif par le Conseil constitutionnel, en-terre, du moins provisoirement, cette promesse de cam-pagne, dj passablement dulcore. Et avec des argumentsqui, en creux, mettent en lumire un certain dilettantismede la part du gouvernement. Car si lexcutif, de plus en plusgn ces derniers temps par cette mesure, avait voulu lafaire censurer, il ne sy serait pas pris autrement

    Qui tait concern par la taxe de 75% ?

    Au-dessus de 1 million deuros par mois, le taux dimposi-tion devrait tre de 75%. Laffaire commence mal. Face Laurence Ferrari, en direct la tlvision, le candidat social-iste voulait videmment parler d1 million deuros par an.Franois Hollande corrigera par la suite, et prcisera, aucours de la campagne, que la mesure serait provisoire, letemps de redresser les comptes de la nation. Sous entendu :au moins jusquen 2017, date de retour lquilibre des fin-ances publiques, tel que le prvoyait le PS dans son pro-gramme. La nature des rmunrations concernes, surtout,navait pas t prcise. Comprendre donc lensemble desrevenus.

    Une fois lue, la nouvelle majorit va semployer raboter lapromesse de campagne. Premier point : la dure de vie decette contribution exceptionnelle de solidarit ne seraque de deux ans, et non pas jusqu lextinction du dficitpublic. Deuxime chose : elle ne concernera que les revenusdactivit, et non pas ceux du capital. Une limitation plutt

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  • tonnante venant dun candidat qui prnait lalignement dela fiscalit du capital sur celle du travail. Au finale, est doncinstitue une taxe de 18% pour la part des revenus du travaildpassant 1 million deuros par an, un taux qui correspondau diffrentiel entre laddition de toutes les impositions di-verses existantes (prlvements sociaux, taux marginal delimpt sur le revenu, taxe Sarkozy de 4% au-del de500000 euros) et 75%.

    Pourquoi le Conseil constitutionnel la-t-il censure?

    En France, limposition des revenus du travail pouse unprincipe simple : elle se fait sur la base du foyer fiscal. Uncouple (deux parts) dont lun des membres gagne200000 euros et lautre 20000 euros, sera impos aubarme sur la base moyenne de 110000 euros par part. Or,contre toute logique fiscale, le gouvernement avait institu,pour la taxe 75%, une imposition par personne physique.Bref, si un des membres du couple gagne 1,1 million deuros,et lautre 200000 euros (soit 1,3 million deux), ils taientredevables, du moins le premier membre, de la taxe 75%.Par contre, un couple, dont chacun touche 900000 euros,soit 1,8 million deux, ntait pas soumis la taxe, aucundes deux ne gagnant, individuellement, plus de 1 million.Pour le Conseil constitutionnel, le lgislateur [a] ainsi m-connu lexigence de prise en compte des facults

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  • contributives. Et de censurer la mesure pour mconnais-sance de lgalit devant les charges publiques.

    Quid de la mesure dsormais?

    Invalid par le Conseil constitutionnel, le dispositif, prometle gouvernement, sera rexamin lors de la prochaine loi definances, celle de 2014 Et pas, a priori, dans le cadre duncollectif budgtaire dans les mois venir. Un report quisonne comme un enterrement de premire classe. Quim-porte, semble dire lexcutif, puisque cette mesure nauraittouch que 1500 2000 contribuables, et ne devait rapport-er que 200 millions deuros, sur un total de 20 milliardsdimpts nouveaux attendus en 2013. Reste le symbole poli-tique, qui intervient aprs le crdit dimpt de 20 milliardsaccord sans conditions aux entreprises

    Quelles sont les autres dcisions du Conseilconstitutionnel?

    Globalement, les sages de la rue de Montpensier ont validla plupart des dispositions de la loi de finances 2013, notam-ment la nouvelle tranche de limpt sur le revenu 45% au-del de 150000 euros par an et le crdit dimpt (CICE)pour les entreprises. Il a aussi approuv la rforme lie aumouvement des Pigeons, qui adoucit lalignement de la fisc-alit du patrimoine sur celle du travail pour les crateursdentreprises. Il ny aura cependant pas de rtroactivit con-cernant la taxation des dividendes au barme de limpt sur

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  • le revenu, qui ninterviendra que pour les sommes touchesaprs le 1er janvier.

    Au total, le conseil na censur que pour un demi-milliarddeuros de mesures fiscales sur prs de 20 milliards de re-cettes supplmentaires attendues. Entre autres : une partiedu plafonnement de limpt de solidarit sur la fortune,limposition des plus-values immobilires sur les terrains btir et le relvement de la fiscalit des retraites chapeaux,des stock-options et des bons anonymes. Ces dcisions duconseil censurent toutes la mme chose : une taxation jugeexcessive.

    Une jurisprudence semble ainsi se mettre en place, qui con-sidre comme confiscatoire un taux dimposition de plusde 70% environ. Le conseil, enfin, a rabot la niche fiscalepour les investissements raliss outre-mer et dans lecinma et censur lexonration des droits de succession desimmeubles en Corse.

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  • Une improvisationfiscale consternante

    INTERVIEW. Lconomiste Thomas Piketty plaidepour une rforme de limpt sur le revenu etdnonce le manque dambition du gouvernement.

    Recueilli par Jean-Christophe FERAUD

    (Paru le 31 dcembre 2012)

    C'tait la mesure choc de la campagne de Franois Hol-lande: taxer 75% la part de revenus suprieure un mil-lion d'euros. Mais peine incluse dans la premire loi definances du gouvernement Ayrault, la nouveaut est cen-sure par le Conseil constitutionnel. Proche de la gauche,lconomiste Thomas Piketty (chroniqueur pour Libration)ne cache pas sa dception face au bricolage fiscaldu gouvernement. Pour lui, il faut arrter la poudre auxyeux et engager sans attendre une rforme fiscale plusambitieuse.

    La censure de la taxation 75% des plus hautsrevenus par le Conseil constitutionnel tait-elleprvisible ?

  • Juridiquement, ce revers tait effectivement prvisible. Silon y regarde de prs, le Conseil constitutionnel na pas cen-sur la taxation 75% des revenus suprieurs 1 milliondeuros - un niveau dimposition que lon a dj connu enFrance par le pass - mais le fait que cette rforme ne sap-pliquait pas de manire cohrente entre limpt sur lerevenu dun ct et cette taxe exceptionnelle de lautre.Limpt sur le revenu est toujours calcul sur le revenu dufoyer alors que la taxe tait prvue sur le revenu individuel !Cette diffrence dassiette est une erreur juridique majeurequi aurait videmment pu tre vite.

    Le conseil aurait pu ajouter une autre incohrence gnrale: cette taxe sappliquait uniquement aux revenus dactivit etnon lensemble des revenus soumis limpt. Mais le plusabsurde cest que lon passait dun seul coup de 45%dimposition au-del de 150000 euros, la plus haute tranchede limpt sur le revenu, 75% au-del de 1 milliondeuros ce qui veut dire qu 999000 euros le riche con-tribuable tait toujours impos 45% ! Cette passoire fiscaleentre hauts et trs hauts revenus nest absolument pascohrente, ni dun point de vue politique ni dun point devue conomique, social ou symbolique.

    Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a-t-il faitpreuve damateurisme dans cette affaire ?

    Sans aucun doute. Pour moi, ce revers est surtout la con-squence du bricolage fiscal qui tient lieu de politique de

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  • gauche au gouvernement. Cest un peu comme sil avaitvoulu se dbarrasser au plus vite de cette promesse des 75%qui, en tout tat de cause, tait autant symbolique sur leplan des recettes quau niveau politique. Au bout du compte,cette improvisation fiscale est assez consternante : le Partisocialiste a tout de mme t dix ans dans lopposition, ilavait largement le temps de prparer une rforme fiscaleambitieuse et cohrente! L, on a limpression dsastreuseque le PS na pas assez travaill sur cette question centrale.

    Le Conseil constitutionnel est-il dans son rlequand il intervient ainsi dans le dbat fiscal ?

    Lactivisme fiscal du juge constitutionnel en France et dansdautres pays pose vraiment question. Pour moi, il na pasforcment entrer dans ce niveau de dtail sur la dcisionfiscale. On peut sinterroger sur le rle des juges en matirede politique fiscale, car ils disent tout de mme beaucoup debtises ! Par exemple, dire comme ils le font dans cette d-cision, que les prlvements sociaux sont plus importantssur les revenus du capital que sur ceux du travail est totale-ment faux : le Conseil constitutionnel oublie au passagetoutes les cotisations sociales qui ne frappent que lessalaires. Cela montre tout de mme les limites de la com-ptence des juges constitutionnels en matire fiscale

    Mais Franois Hollande a-t-il eu raison, sur le fond,de vouloir cette taxe 75% sur les plus riches?

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  • Pour moi, cette promesse de taxation 75% des plus riches,ctait juste de la poudre aux yeux. Il aurait mieux valu in-stituer un taux plus bas mais plus efficace. Dans notre livrePour une rvolution fiscale [cocrit avec Camille Landais etEmmanuel Saez, le Seuil 2011, ndlr], nous proposons unetaxation des plus riches 60%, CSG incluse, mais qui sap-plique vritablement toutes les sources de revenus, capitalcomme travail.

    Avoir des taux de 75% et plus qui ne rapportent rien, a nesert rien ni personne. Il est quand mme tonnantquavec des taux qui montent jusqu 45% on se retrouve collecter deux fois moins de recettes avec limpt sur lerevenu, environ 50 milliards deuros, quavec la CSG dont letaux est de seulement 8% mais qui rapporte 90 milliards !Pourquoi ? Parce que les taux suprieurs de limpt sur lerevenu sappliquent une assiette totalement perce. On laencore vu cet automne avec la reculade du gouvernementface aux Pigeons : finalement, les plus-values 80% sur lecapital resteront exonres du barme dimposition de droitcommun. Et, au finale, on empile les rgimes drogatoiresqui annulent le rendement de limpt. Je crois que cettefameuse taxe 75% a surtout t un cache-sexe qui a permisau gouvernement de dissimuler son absence totale de r-forme fiscale de fond.

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  • Que devrait faire la gauche pour trouver de nou-velles recettes fiscales et aller vers plus de justicedevant limpt?

    La gauche est oblige davoir une approche globale de lim-pt si elle veut faire consensus sur une question aussi sens-ible et centrale. Elle doit avoir le courage dune remise platcomplte, il faut refonder notre systme fiscal. Ce quilaurait fallu faire tout de suite et quelle doit faire au plusvite, cest une rforme densemble de limpt sur le revenuen jouant sur deux gros leviers. Premirement, il faut denouvelles tranches qui instituent une progressivit rgulireet cohrente de limpt. Ensuite, il faut fusionner limpt surle revenu avec la CSG et le prlever la source. Chez tousnos voisins limpt est unifi de la sorte.

    La France est vraiment le seul pays couper en deux limptsur le revenu, avec dun ct une CSG prleve la source,et, de lautre, un impt sur le revenu prlev un an plus tard.Il faut en finir avec cet archasme fiscal qui nous cre toutessortes de complications. Non seulement pour la taxation deshauts revenus, mais aussi et surtout quand on veut menerune politique du pouvoir dachat en direction des plus bassalaires : on se retrouve aujourdhui verser des primespour lemploi avec un an de retard, car ce dispositif fonc-tionne avec limpt sur le revenu. Cest totalement absurde.

    Voyez-vous vraiment le gouvernement Ayrault selancer dans un grand soir fiscal en 2013?

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  • Malheureusement, je crois quil nen a ni la volont ni lecourage politique ncessaires. Cest pourquoi jespre queles dputs socialistes, qui ont le pouvoir de voter limpt,vont enfin se rveiller. Il faut quils arrtent de voter lesyeux ferms les bricolages fiscaux du gouvernement : desaugmentations de TVA, des reculades sur la taxation desplus-values, une taxe 75% aussi mal ficele qui conduit fi-nalement cette censure Si le gouvernement ne fait passon travail, cest au Parlement de le faire.

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  • Qui va payer larallonge de 6 milliards?

    CALCULS. Prparant le budget 2014, legouvernement annonce qu'un tiers du nouveleffort de baisse du dficit sera financ par lahausse des prlvements. Tout en esprant unretour de la croissance qui pourrait lui permettrede lever le pied.

    Par Christophe ALIX

    (Paru le 26 aot 2013)

    Avec les retraites, cest lautre grand rendez-vous de la ren-tre: le projet de budget 2014, qui sera prsent le25 septembre en Conseil des ministres, doit poursuivre ledsendettement entam en 2010. Alors que le voletdpenses, traditionnellement tranch au dbut de lt, estdj connu, les arbitrages du volet recettes, avec ses nou-velles hausses de prlvements, devraient tre dvoils cettesemaine.

  • Conformment lengagement du gouvernement, cet effortde baisse du dficit public de 20 milliards deuros en 2014sera obtenu aux deux tiers par des conomies sur lesdpenses (14 milliards) et pour un tiers par de nouvelles re-cettes (6 milliards). Des mesures qui reprsentent un effortstructurel (hors effet de la conjoncture) de 1 point de PIB en2014, aprs 1,8 point en 2013.

    Moins importante que lan pass (o elle avait reprsent lesdeux tiers de leffort), cette hausse des prlvements re-pousse 2015 la promesse de stabilisation des impts. Dansce contexte anxiogne, la bonne nouvelle dune croissancede 0,5% au deuxime trimestre fait rver le gouvernement,qui sapprterait, ds lors, annoncer une moindre haussedimpts. Reste quavec un taux de prlvements oblig-atoires dj pass de 45% du PIB en 2012 46,3% cette an-ne, les dispositions du projet de loi de finances 2014 vontvenir sajouter aux mesures dj votes lautomne 2012.Do leffet cumulatif redout et les dommages potentielssur une ventuelle reprise. Inventaire des mesures dj con-nues et de celles venir.

    Ce qui change en 2013 (revenus 2012)

    Le gel du barme de limpt sur le revenu, pour la deuximeanne conscutive, reprsentera une hausse dimpt de 2%pour lensemble des Franais, tandis que les plus aiss in-augureront la nouvelle tranche 45% (au-del de150000 euros par part). Le plafond des niches fiscales est

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  • abaiss 18000 euros plus 4% des revenus nets, toutcomme le plafond du quotient familial, rduit de 2300 2000 euros par demi-part.

    Pour les gros patrimoines soumis limpt de solidarit surla fortune (ISF), le seuil dentre est maintenu 1,3 milliondeuros, mais il sera dsormais soumis six tranches (de0,5% 1,5%) au lieu de deux prvues par la rforme de Nic-olas Sarkozy. LISF sera plafonn, cette anne, 75% delensemble des revenus.

    Ce qui changera en 2014 (revenus 2013)

    Les revenus du capital (intrts, dividendes, plus-values)seront soumis au barme de limpt sur le revenu, dans lecadre de la rforme visant aligner la fiscalit du capital surcelle du travail. Dimportants amnagements permettrontnanmoins dobtenir, pour les plus-values de cessions (engros, les ventes dactions), jusqu 85% dabattements aubout de huit ans de dtention des titres. Le plafond desniches fiscales sera nouveau rabot (abaiss 10000 euros), ainsi que celui du quotient familial, qui des-cendra de 2000 1500 euros.

    Pour financer le crdit dimpt pour les entreprises (CICE),les mnages seront galement touchs, partir du 1er janvi-er, par le relvement de la TVA. De 7% 10% pour le tauxintermdiaire (btiment, restauration, etc.) et de 19,6% 20% pour le taux normal. Le taux rduit sur les produits de

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  • premire ncessit sera en revanche descendu de 5,5% 5%.Autre mesure dj dcide : la suppression de la rductiondimpt pour frais de scolarit.

    Certains dispositifs, insiste-t-on Bercy, concernent gale-ment des allgements dimpts. Il ny a pas que des plus, ily a aussi des moins, fait-on ainsi valoir dans lentouragedu ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, en citantlallgement du rgime fiscal des cessions de terrains viergeset de rsidences secondaires. Dautres hausses de recettesne se traduiront pas par des hausses de prlvements,plaide-t-on aussi Bercy. Cest le cas de la lutte contre lafraude fiscale, dont le gouvernement attend 2 milliards derecettes supplmentaires lan prochain.

    Ce quil reste trancher

    Actes dans leur principe, les mesures de fiscalit colo-gique, qui porteront notamment sur la taxation du gazole oulinstauration dune taxe carbone, doivent encore tre arbit-res. Le gouvernement a cependant prvenu quellesvisaient davantage corriger les comportements qu d-gager de nouvelles recettes.

    Egalement ltude, une prolongation du gel du barme delimpt sur le revenu, mais qui pargnerait les mnages desdeux premires tranches. Une hausse de la CSG devrait aus-si voir le jour, dans le cadre de la rforme des retraites.Dautres pistes, enfin, ont t ouvertes, mais ne devraient

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  • dboucher quen fin danne. Cest le cas de la rforme de lafiscalit de lassurance-vie, de limposition forfaitaire an-nuelle des entreprises (base sur leur chiffre daffaires), ouencore de mesures durcissant lencadrement de la pratiquedes prix de transfert (ces changes entre une filialetrangre et une maison mre des fins doptimisation fisc-ale). En tout tat de cause, la ventilation de ces prlve-ments additionnels entre mnages et entreprises nest pasencore arbitre. Et, Bercy, on martle le fait que ces nou-veaux prlvements seront rduits au maximum.

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  • Trop dimpts: lagrande illusion

    ANALYSE. Fin de l't 2013, veille de la prsentationdu budget en Conseil des ministres. Les joursprcdents, Pierre Moscovici, ministre del'Economie, a voqu un ras-le-bol fiscal, suivipar le Prsident, qui affirme sur TF1 envisager unepause fiscale. Cafouillage? Le systme franaisreste pourtant un des plus justes des paysoccidentaux.

    Par Christophe ALIX et Luc PEILLON

    (Paru le 24 septembre 2013)

    Quatre petits mots - ras-le-bol fiscal - assens fin aotpar le ministre de lconomie auront symbolis (et justifi)le tournant conomique du gouvernement. Prsent demainen Conseil des ministres, le projet de budget 2014 devraitafficher un taux de prlvements obligatoires en trs lgrehausse (+0,15 point de PIB) par rapport 2013. Soit prs de3 petits milliards deuros. En avance sur son calendrierquinquennal, lexcutif choisit ainsi de privilgier la baisse

  • des dpenses publiques (15 milliards) dans son effort de r-duction du dficit public. Mme si, dans le dtail, cettequasi-stabilisation des impts, en moyenne, cache unmouvement de transfert de prs de 10 milliards deuros desmnages vers les entreprises.

    Stratgique, sincre, ou opportuniste : cette sortie sur le ras-le-bol fiscal des Franais revt une crdibilit dautant plusforte quelle mane dun homme, Pierre Moscovici, qui, deux titres au moins, ntait pas attendu sur ce terrain. A lafois en tant que socialiste, cens dfendre limpt commeoutil de redistribution, mais aussi comme chef de ladminis-tration fiscale, charge de recouvrer limpt. Une positionpas trs loigne - du moins dans le discours - de ceux quiconsidrent que les Franais paient trop dimpts. LaFrance, championne des prlvements obligatoires (PO) ?Dcryptage dun concept omniprsent dans le dbat public,mais la ralit toute relative.

    Les prlvements obligatoires ont-ils explos enFrance ?

    Le taux de PO correspond, en pourcentage de la richesse na-tionale, lensemble des diffrents prlvements oprschaque anne sur les mnages et les entreprises pour finan-cer les dpenses publiques. Il devrait stablir lanneprochaine 46,1% du PIB. Soit une hausse de plus de quatrepoints depuis la crise financire. Mais sur le long terme, lavritable hausse correspond en fait au dveloppement de

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  • lEtat providence. De 1960 1980, le taux de prlvementsobligatoires sest ainsi envol de dix points, passant de30,1% 40,2%. Mais depuis plus de vingt ans, ce tauxnvolue plus que de quelques points, la hausse comme la baisse, oscillant entre 42% et 46%.

    Surtout, le taux de PO en France a progress, en proportion,comme les autres pays dvelopps. Ainsi, si la France a vuson taux de PO progresser dun peu plus de sept pointsentre 1975 et 2008, il en fut de mme, en moyenne, pourlEurope des Quinze, mais aussi pour les pays de lOCDE.

    Peut-on comparer les taux de prlvementsobligatoires ?

    Les taux de prlvements obligatoires entre pays dveloppsconnaissent nanmoins des carts de 20 25 points, entreles Etats-Unis, par exemple, et le Danemark. Sauf que lesprlvements obligatoires ne peuvent se comparer dunpays un autre sans prendre en considration les dpensesquils financent, cest--dire en tenant compte de la placedes services publics et des transferts sociaux danslconomie du pays, explique le Conseil des prlvementsobligatoires (CPO), manation de la Cour des comptes, dansun rapport de 2008. Ainsi, crit cette institution peu coup-able de militer pour la hausse des impts, chaque socitdcide de consacrer X% de ses ressources la sant et laprotection sociale - premire source dcart [entre taux dePO] ; ensuite, second lment dhtrognit, elle dcide de

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  • financer les services correspondants de faon publique etobligatoire plus ou moins marque. Cest dans cette doubledcision que rside la principale source de diffrences entretaux de prlvements obligatoires.

    Les Etats-Unis financent ainsi une grande partie de leur sys-tme mdical (37%) par des assurances prives, dont lescotisations volontaires ne rentrent pas dans le taux deprlvements obligatoires. Ce qui ne les empche pas, au fi-nale, de consacrer, en 2011, 17,9% de leur PIB leur systmede sant, contre 11,6% seulement pour la France Mmechose pour les pays qui ont dvelopp les retraites par capit-alisation, et dont les contributions ne sont pas considrescomme des PO. Bref, cest en ignorant, dlibrment ounon, les contreparties des prlvements, que se dveloppentnombre de commentaires partiels et partiaux sur leurpoids, ou sur leur poids plus important en France quail-leurs, ce qui est abusif, crit le Conseil.

    Autre faon, galement, de mieux comparer les diffrentstaux de PO: en les apprhendant nets de transferts oprsentre les diffrentes catgories. En effet, rappelle le Conseil,une partie des prlvements est directement redistribueaux agents conomiques, essentiellement sous forme deprestations sociales pour les mnages et de subventionspour les entreprises. Autrement dit, ils sont redistribusimmdiatement au bnfice de ceux qui sont prlevs. Cettepartie tant diffrente dun pays lautre, en la mettant de

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  • ct, on neutralise ainsi une des raisons de cette incompar-abilit du taux brut. Rsultat, selon une tude publie parlOCDE en 1998, ce taux net se trouve tre moins lev enFrance que dans la moyenne des pays dvelopps. Mieux : ilest rest assez stable depuis 1959, prs de 17 % du PIB.

    Des impts plus justes en France ?

    Un taux de PO ne dit rien non plus sur ses diffrents con-tributeurs (entreprises, mnages, capital). Or la France sedistingue par un systme de prlvement bien plus juste so-cialement que la plupart des autres pays dvelopps. Ainsi,si le travail est relativement plus tax en France via les cot-isations salariales et patronales, la part des impts indirects(TVA) et surtout directs (impt sur le revenu) dans lesprlvements obligatoires y est souvent moindre quailleurs.

    En matire de TVA (la moiti des recettes fiscales enFrance) et en attendant le relvement des trois taux au1er janvier prochain, la France se situe lgrement en des-sous de la moyenne europenne. Cet impt particulirementingalitaire, qui touche en premier lieu les plus modestes -qui dpensent la totalit de leur revenu sans pouvoirpargner - tait de 19,6% en France en 2011, contre 20,7%en moyenne en Europe. Il atteint mme 25% au Danemark,23% au Portugal et en Irlande, 21% en Espagne et en Italieou encore 20% au Royaume-Uni.

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  • Mais cest surtout par rapport limpt sur le revenu (IR)que les disparits sont les plus fortes. Le seuil de son dclen-chement se situe autour 15000 euros en France, contre6800 en Belgique, 7600 en Allemagne ou 10950 en Suisse.Rsultat : la moiti des Franais ne sont pas imposables. Etsi la France sest aligne sur ses grands voisins europens encrant une nouvelle tranche 45%, les seuils dimposition ysont plus progressifs quailleurs, ce qui explique que la partdes contribuables les plus modestes y est moins importante,tandis que celle des mnages aiss est surreprsente.

    Il nexiste par exemple que trois tranches en Angleterre, olon atteint le taux maximal de 45% partir de 1650 eurosnet par mois, soit le revenu mdian franais ! En Belgique,o la tranche suprieure atteint 50% et la progressivit estbien plus rapide (la premire tranche commence 25%contre 5,5% en France), le travail est finalement bien plustax quailleurs, linverse du capital, quasiment exonrdimpts. Ce pays a ainsi choisi, comme beaucoup dautres,de financer la faible imposition du capital par de fortsprlvements sur les actifs.

    Au finale, la position des contribuables franais est peut-tre l'une des plus enviables des pays dvelopps. Ce qui neles empche pas, pour 84% dentre eux (1), de ressentir unras le bol fiscal. Sans croire pour autant (70%), la pausefiscale dcrte par lexcutif (2).

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  • (1) Sondage CSA pour Nice-Matin, ralis par Internet du27 au 29 aot auprs de 1 005 personnes.

    (2) Sondage BVA ralis pour i-Tl, CQFD et le Parisien du19 au 20 septembre.

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  • Rduire lesingalits, un thmede gauche

    INTERVIEW. Pour Guillaume Allgre, de lOFCE,lexcutif a t terriblement maladroit endcrtant une pause fiscale et devrait plutt faireuvre de pdagogie.

    Recueilli par Vittorio de FILIPPIS

    (Paru le 24 septembre 2013)

    Chercheur lOFCE (Observatoire franais des conjoncturesconomiques), Guillaume Allgre travaille notamment surles questions lies aux politiques fiscales.

    De manire gnrale, comment analysez-vous ledbat sur la suppose trop forte pression fiscalefranaise?

    Il faut dabord rappeler que les impts ne sont pas destins tomber dans une sorte de trou noir. On ne dira jamais as-sez combien ils sont l pour financer les dpenses publiques.Il nexiste pas de pouvoir rgalien sans impts capables de

  • financer la police, la justice, la dfense, dassurer les droitsde proprit, de financer les infrastructures. Il ny a pasdEtat social sans ducation gratuite, sans un systme desant publique digne de ce nom, ou sans protection sociale.En outre, limpt contribue la rduction des ingalits, quinormalement est au cur des proccupations de la gauche.La troisime fonction de limpt vise inciter les citoyens adopter des comportements vertueux. Dire que limpt esttrop lev, ou quil ny aura pas de nouvelles taxes, cestprendre le risque de rendre inaudible la ncessit dunepolitique fiscale capable de prendre en compte certaines ex-ternalits ngatives lies, notamment, aux activitsproductives.

    Le discours actuel ne va pas dans ce sens

    Il est tonnant de voir quel point les politiques ne font pasuvre de pdagogie pour expliquer ceux qui sestimentsurtaxs que, finalement, ils profitent, ont profit etprofiteront de laction publique, donc de lcole, de la police,de la sant et des retraites. Mme si, videmment, il est sainquil y ait une discussion dmocratique sur le niveau de mu-tualisation de ces dpenses. Il est dommage que le dbat nesoit pas prsent de cette faon.

    Dun point de vue conomique, peut-on dire que laFrance a atteint un seuil de prlvement obligatoirefatidique, seuil partir duquel on pourraitprtendre que trop dimpt tue limpt?

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  • Au dbut des annes 80, cet adage avait t popularis parun conomiste libral amricain, Arthur Laffer. Thorique-ment, il existe un niveau au-del duquel la recette des im-pts diminue lorsque les taux augmentent. Certains en d-duisaient quil suffisait de baisser les impts pour renoueravec la croissance.

    Il y aurait donc un taux maximum de prlvementobligatoire

    Les tudes relatives ce sujet ne sont pas convaincantes. Cequi est certain, cest que des pays, limage du Danemark,ont toujours connu des taux de prlvements obligatoiresplus importants que la France, tout en demeurant desconomies trs comptitives. Nous navons pas atteint unelimite partir de laquelle une hausse des impts setraduirait par une diminution des recettes fiscales. Cela sevoit, en France, par le fait que le dficit structurel a bien trduit par laugmentation rcente des impts, ce que per-sonne ne conteste.

    Mais ny a-t-il pas eu trop daustrit trop tt?

    Il faut distinguer la question conjoncturelle, celle qui est lie la relance de lactivit, de la question structurelle, relativeau niveau souhaitable des prlvements obligatoires et de ladpense publique. A court terme, il tait ncessaire de briserle cercle vicieux de la rcession. Ce qui a t fait dans unpremier temps, au lendemain de la crise de 2008. Mais en

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  • effet, ensuite, il y a eu probablement trop daustrit troptt, cest--dire avant que ne soit enclenche la baisse duchmage. Dans lidal, les plans daustrit ne devraient treenclenchs que lorsque lemploi augmente nouveau, cest--dire lorsque la croissance dpasse les 1,5%.

    Le gouvernement fait-il fausse route lorsquilvoque une pause fiscale?

    Le gouvernement a promis de rduire le dficit, ce qui, enlabsence de croissance supplmentaire, ne peut tre atteintquen augmentant les impts ou en rduisant les dpenses.Il faut galement financer les rductions dimpts promisesaux entreprises. A cet effet, le gouvernement a dj prvu12 milliards dimpts supplmentaires sur les mnages en2014. Dans ce contexte, voquer une pause fiscale est ter-riblement maladroit. Il devrait plutt insister sur le fait queceux qui disaient hier que lEtat tait en faillite ne se rjouis-sent pas aujourdhui de la rduction des dficits. Ce qui tend montrer que leur proccupation ntait la rduction desdficits, mais plutt le dmantlement de lEtat social.

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  • La moyenne qui cachela fort des hausses

    VASES COMMUNICANTS. Si, dans le budget 2014, letaux des prlvements obligatoires augmente peu,cest grce aux baisses consenties aux entreprises.

    Par Luc PEILLON

    (Paru le 19 septembre 2013)

    Comment, avec plus de 10 milliards dimpts suppl-mentaires pour les mnages lanne prochaine, legouvernement peut-il parler de pause fiscale? Tout simple-ment en ne communiquant que sur la moyenne finale entreles hausses et les baisses, raisonnement qui permet daffich-er une augmentation de la fiscalit de seulement 0,15% duPIB lanne prochaine. Soit 3 petits milliards. Une faon devoir pertinente si la moyenne de ces mouvements est ral-ise au sein dune mme catgorie. Or, ici, cette quasi-stabil-it est le fruit dune forte hausse pour les mnages, venantcompenser une forte baisse pour les entreprises

    Les particuliers vont ainsi subir plusieurs augmentationslanne prochaine. La plus importante est celle de la TVA,

  • pour un montant de 6,4 milliards deuros. Au 1er janvier, letaux intermdiaire passera de 7 10%, le taux normal de19,6 20%, tandis que le taux bas descendra de 5,5 5%.Les mnages vont aussi subir une baisse du plafond duquotient familial, de 2 000 1 500 euros par demi-partfiscale, pour un gain pour lEtat de 1 milliard deuros.

    Un milliard, cest galement ce que devrait dgager lahausse des droits de mutation, pays lors des transac-tions immobilires. Diverses niches fiscales, par ailleurs,seront rabotes, dont les rductions dimpts pour enfantsscolariss (0,5 milliard). Les actifs, de leur ct, subiront unrelvement de 0,15% de leurs cotisations retraites (pour1 milliard deuros), et les retraits devront dclarer leur ma-joration de pension pour familles nombreuses(1,2 milliard). Les cotisations des employeurs pour les mu-tuelles, enfin, seront fiscalises (1 milliard). Lensemble re-prsente une hausse de 12 milliards, auxquels il faut re-trancher prs de 2 milliards de baisse (dont la chute de ren-dement de certains impts sur le capital). Addition finalepour les mnages : plus de 10 milliards.

    Pour les entreprises, cest linverse. Elles connatront unebaisse dimpts dun montant quivalent aux hausses pourles mnages. La plus importante tant le crdit dimptcomptitivit emploi (CICE), pour un total de 11 mil-liards (2 milliards ayant dj t accords cette anne sousforme de prfinancement). Une refonte de plusieurs taxes,

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  • couple linstauration dun nouvel impt sur lexcdentbrut dexploitation (EBE) devrait rduire ce gain de2,5 milliards. Mais comme les entreprises voient par ailleursquelque 4,5 milliards dimpts steindre lanne prochaine,la baisse finale pourrait aller jusqu 13 milliards. Reste sa-voir ce que va dcider le gouvernement sur la fiscalit co-logique, dcision qui pourrait faire baisser ce montant dunmilliard ou plus.

    Le gouvernement, enfin, attend 2 milliards de recettes lis la lutte contre la fraude fiscale, et qui composeront les-sentiel de cette lgre hausse des prlvements obligatoires.De 3 milliards, en moyenne

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  • Au sein dugouvernement, lesimpts ne font plusrecette

    PATAQUS. Tandis que la prparation du budget2014 a lieu en plein dbat sur le supposras-le-bol fiscal, le nouveau ministre del'Ecologie, le socialiste Philippe Martin, lche unebombinette aux universits d't d'EuropeEcologie-Les Verts, avec lannonce inopine de lacration dune taxe carbone.

    Par Grgoire BISEAU (envoy spcial LaRochelle)

    (Paru le 24 aot 2013)

    Il faut reconnatre ce gouvernement un certain gnie poli-tique se mettre tout seul dans des situations impossibles.Lundi, jour de sa rentre, il planche sur les dfis de laFrance de 2025. Et ressort avec la polmique sur le

  • regroupement familial et lomniprsence de son ministre delIntrieur, Manuel Valls. Vendredi, jour de louverture deluniversit dt du Parti socialiste La Rochelle, les minis-tres ont eu grer une sorte dinjonction contradictoire:lannonce de la cration dun nouvel impt, unecontribution climat-nergie, alors que Pierre Moscovici,ministre de lEconomie, avait trois jours plus tt reconnutre trs sensible au ras-le-bol fiscal qu[il] ressen[t] de lapart de nos concitoyens. Une dclaration pour le moinstrange, alors que lexcutif a prvu pour lan prochain, aminima, laugmentation de la TVA pour financer le crditdimpt comptitivit emploi (CICE) et celle trs probablede la CSG pour boucler la rforme des retraites, dont lesprincipes seront prsents lundi et mardi aux partenairessociaux.

    Confidence. La journe de vendredi a donc tdouloureuse pour les ministres prsents La Rochelle. Laveille au soir, ils apprenaient que leur collgue lEcologie,Philippe Martin, tait venu aux universits dt dEuropeEcologie-les Verts les bras chargs dun cadeau : unecontribution climat-nergie, vieille revendication des colo-gistes. En clair, le retour de la taxe carbone. Manifestement,personne na t mis dans la confidence. Le flottement estgnral. Dautant que beaucoup de ministres et dputs ontconstat sur leurs lieux de vacances la confirmation de ceque rpte lopposition depuis des semaines : un dbut detrop-plein fiscal.

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  • Cest rare que les Franais vous parlent de fiscalit, con-firme Bruno Leroux, le patron des dputs socialistes. Cestdevenu une vraie proccupation. Il ne faut pas que legouvernement installe lide que, ds quil y a une difficult,cela passe toujours par des impts nouveaux. Un dputraconte : Cela fait un moment que jai alert lexcutif surcette question, en train de devenir un vrai problme poli-tique, mais personne ne voulait me croire. Aujourdhui, ilsont compris. Alors quand Moscovici fait sa sortie mardisur le ras-le-bol fiscal, il est convaincu dtre dans laligne. A La Rochelle, ministres et dputs rptent la mmechose: Les Franais ont le sentiment que la coupe estpleine, rsume lun dentre eux. Ministre de lAgriculture etfidle de Hollande, Stphane Le Foll lche : Il faut tre ex-trmement vigilant pour ne pas passer dun effort compris quelque chose qui serait vcu comme inacceptable.

    Cest tout le problme du gouvernement : prparer lesFranais de nouvelles hausses dimpts, tout en leur assur-ant avoir bien entendu leur mise en garde. Un ministresoupire : Au minimum, tout a manque un peu de co-ordination. A la tte du gouvernement, ce conseiller est unpeu dsespr : Ce nest pas bien malin de parler de ras-le-bol au moment o lon va annoncer des mesures de fin-ancement des retraites. Un cadre du PS embraye: Mo-scovici est une nouvelle fois contretemps.

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  • Taux dpargne. Dans la prparation de sonbudget pour lan prochain, le gouvernement est officielle-ment la recherche de 6 milliards deuros de recettes sup-plmentaires. Vendredi, La Rochelle, le ministre delEconomie na pas voulu confirmer le chiffre, se contentantde rappeler quil y aura le moins de hausses de prlve-ments possible en 2014, et une stabilisation en 2015.Daprs nos informations, Bercy chercherait mme rduirela facture et pourrait annoncer une hausse dimpts moinsimportante.

    Dans ce contexte, rien dtonnant ce que les principauxleaders socialistes naient pas fait un trs bon accueil cettecontribution climat-nergie. Ds le matin, la prsidente dela rgion Poitou-Charentes, Sgolne Royal, le patron dessnateurs socialistes, Franois Rebsamen, sy dclarent hos-tiles. Notamment au nom du pouvoir dachat et du soutien la croissance. Pour la premire fois depuis longtemps, letaux dpargne na pas augment, et la consommation sestun peu libre, souligne la dpute Karine Berger. Cest lesigne quun peu doptimisme revient. Il ne faut surtout pascasser a.

    Il faudra attendre la mi-journe pour que les lments delangage concocts par lexcutif arrivent jusquLa Rochelle. Cette contribution ne serait pas une nouvelletaxe, mais le verdissement de la fiscalit existante. En findaprs-midi, devant les jeunes militants socialistes,

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  • Philippe Martin est formel : Si ctait un nouvel impt, jeserais le premier tre contre. Bruno Le Roux pose sesconditions : Il faudra des mesures de redistribution pourles plus modestes, sinon cela ne passera pas au Parle-ment. Pour cette rentre, beaucoup craignaient le dossierdes retraites. Ce sera celui des impts. Pour le bonheur delopposition.

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  • Les Verts dsols destre tir une taxedans le pied

    MALCHANCE. Les responsables dEE-LV ont tpigs sur la fiscalit verte par le PS qui les a faitpasser pour le parti des impts.

    Par Lilian ALEMAGNA

    (Paru le 17 septembre 2013)

    Les voil pigs Des mois que les cologistes essaient deconvaincre quils sont responsables, psent sur le gouverne-ment et arrtent de se demander tous les quatre matins silsdoivent en sortir. Un cafouillage ministriel sur lacontribution climat-nergie, lannonce dun report de la loisur la transition nergtique et un projet de budget trop peuvert leur got auront remis le feu Europe Ecologie-lesVerts (EE-LV). Et permis lElyse de les ligoter dans lapire des postures, celle du parti des impts. Exactementlcueil quils voulaient sviter.

  • Ce nest pas rendre service lcologie [] que de la r-duire des impts. Prononce dimanche sur TF1, laphrase de Franois Hollande fait mal EE-LV. Le chef delEtat a certes gliss quil y aurait une modulation des taxesexistantes pour se dsintoxiquer du diesel et un crditdimpt pour la rnovation thermique . En douce pour nepas avoir lair de leur cder. Et il a renonc au passage faire de la pdagogie sur la fiscalit verte.

    Quand on martle pendant trois jours "diesel, diesel, dies-el", on se met nous-mmes dans la nasse, regrette Jean-Vincent Plac, patron des snateurs EE-LV. On ne peutsen prendre qu nous-mmes , ajoute un dirigeant. On esttombs pieds joints dans le pige des socialistes: nouscoller limage la plus impopulaire possible.

    Elphant. Secrtaire national du mouvement, PascalDurand rame pour faire sortir sa formation de cette galrefiscale. Nous ne voulons pas dimpts supplmentairesmais une autre fiscalit, rappelle-t-il Libration. Si, dunct on taxe le carbone et les produits polluants, mais quede lautre on raffecte les ressources la transition colo-gique et quon baisse la TVA sur le btiment pour luttercontre la prcarit nergtique, cest neutre ! De quoi re-calibrer sa sortie de samedi au conseil fdral dEE-LV. Dur-and avait menac de tirer les consquences si Hollandentait pas clair sur ses engagements vendredi lors de la con-frence environnementale. On a identifi collectivement

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  • des marqueurs. Les instants de vrit arrivent, affirmeDurand. Il appartient au Prsident de dire o il veut aller.Quil porte lintrt de la France et pas de tel ou tel lobbyautomobile ou ptrolier. Quil se dise prt mettre de lco-logie dans les politiques publiques.

    Pour certains responsables EE-LV, le coup de semonce deDurand ne fait que dstabiliser le mouvement : des diri-geants accuss de nervosit et une base qui voudrait viterde passer pour des M. ou Mme Taxe en campagne muni-cipale. Au moment o il fallait y aller avec doigt, les pro-pos de Pascal ont fait leffet dun lphant dans un magasinde porcelaine , cingle Plac. La parole de Pascal corres-pond au ras-le-bol des colos, le dfend Laurence Abeille,dpute du Val-de-Marne. Les reports et les tergiversa-tions, lAssemble, on les vit au jour le jour.

    Course gauche. Dans ses critiques, Durand avait tprcd par le ministre Pascal Canfin et les coprsidents desdputs EE-LV lAssemble, Franois de Rugy et BarbaraPompili, menaant de ne pas voter le budget. Donc desortir de la majorit. Une course gauche, comme lob-serve un cadre, pour se positionner avant le congrs dEE-LV fin novembre Caen. Chacun doit se dterminer nonpas par rapport un parti dans une majorit [] mais parrapport lintrt de la France, a mis en garde Hollandedimanche soir. Tentant cette fois de les enfermer dans unautre pige, celui de lopportunisme.

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  • Fiscalit verte,explication de taxe

    OUBLIETTES. Officiellement prioritaires, lescontributions cologiques sont rgulirementabandonnes par les gouvernements.

    Par Coralie SCHAUB

    (Paru le 12 septembre 2013)

    Totem des uns, pouvantail des autres, la fiscalit colo-gique ou verte est un des serpents de mer de lpoque.Mais de quoi parle-t-on ? A quoi sert-elle ? Et vers quoi va-t-on (ou pas) ?

    A quoi sert-elle ?

    La fiscalit verte consiste taxer davantage les activits pol-luantes ou contribuant au changement climatique. En appli-quant le principe pollueur payeur, pour, in fine, orienterles comportements et rduire les nuisances pour la socit.Elle permet aussi de lever des fonds pour financer des poli-tiques juges cologiquement vertueuses. Pour ses dfen-seurs, ces recettes pourraient aussi permettre de rduire

  • les impts ou les charges pesant sur la consommation ou letravail.

    Quexiste-t-il dj ?

    En France, pas grand-chose. Si l'on considre cette fiscalitau sens large, on peut y inclure par exemple les redevancesdes agences de leau, des recettes perues auprs des us-agers selon une logique simple : ceux qui utilisent de leauen altrent la qualit et la disponibilit. Il existe galementla TGAP (taxe gnrale sur les activits polluantes), quidevait financer notamment la politique de gestion desdchets. La TGAP date de 1999. Cest la premire vraietaxe cologique en France. A lchelle de lhistoire delimpt, la fiscalit cologique est trs rcente, note lavocatspcialiste de lenvironnement Arnaud Gossement. Depuis,il ne sest pas pass grand-chose.

    Hormis la tentative avorte, lors du quinquennat de NicolasSarkozy, de cration dune contribution carbone censepermettre dacclrer la transition vers la sobrit ner-gtique et de faire baisser les missions de gaz effet deserre. Cette taxe carbone avait t propose parlingnieur Jean-Marc Jancovici puis reprise par Nic-olas Hulot et le Grenelle de lenvironnement, qui en avaitfait une contribution climat-nergie largie llectricit.Notamment pilonne par Sgolne Royal, elle avait t re-toque en 2009 par le Conseil constitutionnel. Pourtant, re-marque Gal Virlouvet, membre du Conseil conomique,

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  • social et environnemental (Cese) et spcialiste du sujet, lafiscalit carbone marche bien chez certains de nos voisins.En Sude, elle a ainsi permis de rduire de quelques pourcent les missions de CO2.

    Quelle est sa part ?

    Ngligeable. Loffice statistique europen Eurostat con-statait en 2010 quelle reprsentait 1,86% du PIB en France,contre 2,37% en moyenne dans lUE la France pointant lavant-dernire place, galit avec la Lituanie. Et justedevant lEspagne. Elle reprsente seulement 4,1% desprlvements obligatoires (PO), calcule Gal Virlouvet.Do les conclusions dun avis du Cese, rapport par Vir-louvet et vot mardi 10 septembre, qui prconise une aug-mentation significative de la part de la fiscalit environ-nementale au sein de lensemble des PO. Et juge quunebaisse de la TVA mrite dtre tudie pour compenser.

    Cette monte en puissance devrait, toujours selon le Cese,sintgrer dans une vaste rforme des prlvements oblig-atoires. Le premier point est une promesse de campagnede Franois Hollande, raffirme en septembre par Jean-Marc Ayrault en conclusion de la confrence environ-nementale, rappelle Virlouvet. Et de poursuivre:PourBercy, la fiscalit cologique est moins nfaste lactivitconomique que la moyenne des PO.

    Que prpare le gouvernement ?

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  • Officiellement, la fiscalit cologique reste une priorit.Mais lnime report, la semaine dernire, de lcotaxe poidslourds, tait dj perue comme un trs mauvais signalpar les ONG et les Verts. Restait arbitrer sur les deuxmesures phares prconises par le Comit pour la fiscalitcologique (CFE), prsid par lconomiste Christian de Per-thuis, qui avait rendu un rapport dtape mi-juillet : labaisse de lavantage fiscal accord au diesel au dtriment delessence et lesquisse dune taxe carbone. Sur le dtail, dansce rapport, les avis divergent (le CFE rassemble lus, associ-ations, entreprises et syndicats). Perthuis propose din-troduire ds 2014 une assiette carbone au taux de 7 euros latonne de CO2 (qui grimperait jusqu 20 euros la tonne en2020 et rapporterait alors 4 milliards deuros).

    Il propose aussi un rattrapage progressif de lavantage dudiesel (dans un objectif de sant publique), accompagndaides financires aux mnages et aux entreprises. Mais lerapport fait galement tat dalternatives proposes par laFondation Nicolas-Hulot. Celle-ci veut ainsi porter le prixde la tonne de CO2 40 euros ds 2020 et demande un rat-trapage plus rapide de la fiscalit gazole.

    Maintenant, la question est de savoir si lon enclenche ds2014 et comment on anticipe la meilleure faon possible demonter en rgime, dclarait Perthuis mi-juillet. Questiontoujours valable aujourdhui. Ce que propose Perthuis etqua repris Philippe Martin (le ministre socialiste de

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  • l'Ecologie, ndlr), cest le verdissement dune taxe existante,la TIC (taxe intrieure de consommation) et non une nou-velle taxe, comme ltait la contribution climat-nergie duGrenelle, analyse Arnaud Gossement. Qui pointe troisfailles : Elle ne changera pas les comportements ; elle nerapportera rien lEtat et donc ne financera pas la trans-ition cologique ; elle ne concernera que les nergiesfossiles, encourageant la consommation dlectricit.

    Un bon point de dpart malgr tout ? Uniquement sil y aune trajectoire prvue, conclut-il. Or, ma connaissance,ce nest pas prvu par le projet de loi de finances. La fisc-alit cologique se rsume des trs faibles et contra-dictoires signaux politiques.

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  • Lcotaxe, impt dechagrin

    GOUTTE D'EAU. Cest la mesure qui fait exploser laBretagne. Vote en 2009, l'cotaxe poids lourdsentre en vigueur la fin de l't 2013, alors que lacontestation de l'impt tend s'amplifier. Unprlvement qui cristallise les mcontentementscontre Paris et menace dentraner legouvernement dans une crise politique.

    Par Lilian ALEMAGNA

    (Paru le 28 octobre 2013)

    Quest-ce que lcotaxe ?

    Vote en 2009 sous la droite, lcotaxe sappliquera, au1er janvier 2014, aux poids lourds de plus de 3,5 tonnes roul-ant sur le rseau national (hors autoroutes). Un systme depage - 173 portiques dans toute la France - permettradidentifier les camions, dots de botiers GPS. La Bretagnebnficie damnagements : rabais de 50%, exonration dela RN164 et exclusion du transport de lait. La mesure doitrapporter 1,15 milliard deuros par an, dont 750 millions

  • pour financer les infrastructures de transport, notamment lerail et le fluvial. Un enjeu pour la Bretagne, dont la part demarch du fret ferroviaire - 1,4% - a dclin ces derniresannes, au profit de la route.

    Pourquoi cette colre bretonne ?

    Peu importent les cadeaux, depuis cet t, la mobilisationbretonne contre cette taxe va croissant. Lors de manifesta-tions pour lemploi, cet t, deux portiques sur les trois in-stalls dans le Finistre ont t mis terre. Producteurs,salaris et patrons rclament la suppression de ce quilscomparent la gabelle. Cest llment symbolique der-rire lequel une partie du patronat sabrite pour sexonrerde ses propres responsabilits, critique Pierre Maille,prsident PS du conseil gnral du Finistre. Il fait aussi re-marquer que la droite a beau jeu de vouloir supprimer lco-taxe alors que cest elle qui la mise en place

    Face la violence de la contestation, les socialistes bretonsdemandent son ajournement. On ne dit pas merde lcotaxe, loin de l, assure le dput de Quimper, Jean-Jacques Urvoas. On dit juste "ajournement" le temps defaire retomber la pression. Les efforts de lEtat ne serontaudibles quune fois que lcotaxe ne bouchera pluslhorizon.

    Comment le gouvernement peut-il sen sortir ?

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  • Un lu finistrien rsume dune phrase : On ne peut plusbouger aujourdhui, ce serait cder. On ne peut pas ne pasbouger, ce serait tre entt. Jean-Marc Ayrault a rejettout abandon de la mesure, mais promis un dialogue.Pour la dbrancher, a cote 2 milliards, compte un pilierde la majorit. On est leuro prs, ce nest pas possible.Des amnagements seront proposs aujourdhui Ayrault par Stphane Le Foll, ministre de lAgriculture. Lesministres de lEcologie et des Transports, forts du soutien deHollande, ne comptent pas lcher. Les problmes de laBretagne ne viennent pas de lcotaxe, dit-on chez le premi-er. On leur a facilit linstallation de porcheries, dcallcotaxe de trois mois. Je comprends quil faille aider la r-gion, mais si on veut faire la transition cologique, on nepeut pas renoncer ses jalons. Encore faut-il lesexpliquer.

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  • Ecotaxe: la marchearrire prilleusedAyrault

    RECUL. Face aux violences en Bretagne, le Premierministre cde et ajourne la mesure sine die. Le chefdu gouvernement a beau affirmer tre sorti delimpasse par le haut, ce nouveau recul alimenteles critiques sur une crise de gouvernance.

    Par Matthieu ECOIFFIER

    (Paru le 30 octobre 2013)

    Cette fois pourtant, ils pensaient avoir trouv le bon tempopour ne pas se prendre un rteau. Il y a deux semaines, danslavion qui ramne la dlgation franaise dAfrique du Sud,Franois Hollande a convoqu ses ministres de lAgricultureet des Transports pour une runion au sommet surlcotaxe. O il fut question - dj - damnagements pour laBretagne. Le hic, cest que ct calendrier, lexcutif pensaitavoir jusquau 2 novembre, date de la grande manifestationprvue Quimper. Mais les Bretons ont intensifi la

  • pression avant. Et, bien plus embtant, laffaire Lonarda,du nom de cette adolescente kosovare arrte pour expul-sion lors d'une sortie scolaire, est venue mobiliser tout lex-cutif et la gauche pendant une grosse semaine face l'ampleur de l'indignation.

    Immense Gchis. Rsultat ? On a perdu quinze jourset cest un immense gchis : il ny avait plus de sortie pos-sible par le haut, dplore une source gouvernementale.Comme nous lcrivions ds hier, lcotaxe est suspenduesine die sur tout le territoire national. Cest pourtant par lehaut que Jean-Marc Ayrault estime tre sorti de limpasse.Le courage, Mesdames, Messieurs, ce nest pas lobstina-tion. Le courage, cest dcouter, cest de comprendre. Lecourage, cest de rechercher la solution, de la chercher en-semble, et dviter lengrenage de la violence. Le courage,cest de crer les conditions dun dialogue sincre, a justi-fi le Premier ministre depuis Matignon, o il venait de re-cevoir une fois de plus des lus bretons mobiliss contre ledispositif.

    Bonnets rouges. Face la colre dun millier de bonnetsrouges bretons plus ou moins instrumentaliss par la droite,le courage est de ne rien faire. Cest la seule solutionpour que la crise bretonne ne se duplique pas au reste de laFrance, affirmait hier un pilier du groupe socialiste. Signede la fbrilit qui rgne au sommet de lEtat. On est dansun moment difficile, bombards de sujets politiques

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  • majeurs. Lunit de temps et de lieu cre une cristallisationpolitique dlicate et il faut avoir des nerfs, reconnaissaitun ministre.

    Hier, pour ne pas trop froisser les cologistes, le chef dugouvernement a aussi prcis que suspension nest passuppression. Mais cet exercice dquilibrisme permanentrig en manire de gouverner sest une nouvelle fois rvlhasardeux. Pascal Durand, le patron dEurope Ecologie-Les Verts, a jug que cette dcision nallait rsoudre en ri-en les problmes que rencontre la Bretagne. Si lacoprsidente du groupe EE-LV lAssemble nationale, Bar-bara Pompili, a clairement exclu une sortie du gouverne-ment, dont son parti reste partenaire, cette dcision passetrs mal chez les cologistes.

    Cette suspension sine die, cest juste minable, cest une rec-ulade vraiment invraisemblable face un lobby agro-in-dustriel men par le prsident de la FNSEA, Xavier Beulin,et le Medef pour casser une logique conomique qui auraitt la relocalisation, a de son ct tacl Jos Bov. Unpoids lourd du PS reconnaissait les zigzags cologiques de lamajorit qui, un jour, fait la contribution climat-nergie etun autre dfait lcotaxe : Le prix du rassemblementest dans lambigut du gouvernement aujourdhui.

    Ennemis de toujours. Autres victimes collatrales delarbitrage, les ministres de lEcologie et des Transports,Philippe Martin et Frdric Cuvillier, allis dans la dfense

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  • de cette taxe - pas forcment pour les mmes raisons ; lepremier pour lcologie, le second pour le fric, dixit unconseiller -, ont t soigneusement tenus lcart des ngo-ciations ces derniers jours. Hier matin dans la cour deMatignon, Cuvillier tirait la gueule, rapporte un con-seiller. Et il na pas voulu lcher prise : pas de fausse joie,suspension ne signifie pas suppression, a-t-il martel aurisque de remettre le feu.

    A droite, si Jean-Franois Cop a eu beau jeu de saluer le re-port comme une marque de sagesse, ses troupes ont en-fonc le clou de la faiblesse de lexcutif lors des questionsdactualit lAssemble nationale. Vous avez perdu laconfiance des Franais, avez-vous encore une majorit etles moyens de gouverner ? a lanc Guillaume Chevrollier,dput UMP de Mayenne. O allons-nous, Monsieur lePremier ministre ? Quest devenu le ras-le-bol fiscal, questdevenue la pause fiscale ? a tacl Serge Dassault.

    Ce report sine die de lcotaxe suffira-t-il calmer la situ-ation en Bretagne? Le gouvernement attend beaucoup dunerunion de travail avec le prfet, programme le 7 novembre Rennes. Mais le rejet de lcotaxe a agglomr un attelagehtroclite entre des ennemis de toujours: grande distribu-tion, agriculteurs, leveurs, filires agroalimentaires. Unecoalition difficile raisonner. Hier, Christian Troadec, lemaire (divers gauche) de Carhaix (Finistre) exigeait unesuspension dfinitive. Et les jeunes agriculteurs

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  • confirmaient leur participation la manifestation prvue le2 novembre Quimper. Quand on a enfonc un coin

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  • Contestation: lesdessous des bonnets

    FRONDE. Rouges, verts ou oranges, desmouvements de protestation multiformes etparfois violents se multiplient l'automne 2013.Enqute sur des manifestants qui occupent lafois le terrain anti-impts et anti-Hollande.

    Par les services ECONOMIE et SOCIT

    (Paru le 13 novembre 2013)

    Jamais l o on lattend. Depuis le dbut de la criseen 2008, nombre de commentateurs pronostiquent, chaquet, la fameuse rentre chaude. Un gros mouvement so-cial, plutt de gauche, emmen par les syndicats et mani-festant entre Rpublique et Nation. Cest finalementcinq ans plus tard, sur des revendications teintes, pour cer-taines, de poujadisme, dans un cadre dcentralis et horsdes corps intermdiaires, que surgit aujourdhui lafronde. Partie de Bretagne fin octobre sur la question delcotaxe, la grogne gagne dsormais dautres rgions. Et cesur des motifs les plus divers, mme si la lutte contre la

  • fiscalit reste lun des plus partags. Autopsie dunmouvement multiforme et aux alliances parfois contre-nature

    Contre lcotaxe : les bonnets rouges

    Ce sont les fameux bonnets rouges bretons. Alliance, lorigine, dagriculteurs, de petits patrons du transport et delagroalimentaire de la pninsule, ils sont mobiliss depuisdes mois contre cette taxe poids lourds prvue initialementpour le 1er janvier 2014. Ils vont percer mdiatiquement le26 octobre, lorsque leur action contre un portique dgnreavec les forces de lordre. Trois jours plus tard, le gouverne-ment annonce un moratoire sur lcotaxe.

    Une suspension qui ne dsarme pas les intresss. Le2 novembre, ils sont entre 15000 et 30000 dans les rues deQuimper, rclamer labrogation de cette taxe. Avec un slo-gan qui se veut rassembleur, mais aussi rgionaliste :Vivre, travailler et dcider au pays. Le mouvementprend galement une autre dimension : malgr les appels deJean-Luc Mlenchon ne pas dfiler avec le patronat,nombre de salaris prfreront se rendre Quimper pluttqu Carhaix o, le mme jour, SUD, FSU et CGT organisentleur propre rassemblement. Symbole du caractre htro-clite, voire contradictoire, des bonnets rouges : lors du dfil Quimper, des agriculteurs mettront terre la sono de FO,seul syndicat prsent, car les slogans sen prenaient aupatronat.

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  • En marge des Bretons, un mouvement des bonnets rougesdit national sest cr sur les rseaux sociaux. Derrire lecompte Twitter (6800 abonns) et la page Facebook Lesbonnets rouges, cahier de dolances 2013 (5500 fans) secache Antoine, un charg de com sans allgeance partisane.Quand jai vu les bonnets rouges dtruire le portique, jaicompris que le symbole tait trs porteur. Jai largi la re-vendication pour demander la fin du matraquage fiscal,raconte-t-il. Ce mouvement a fait des mules. Une dizainede comptes dpartementaux se sont crs, grs par des in-dividus pars : en Indre-et-Loire, les licencis de Michelin ;en Isre, un tudiant, et dans plusieurs dpartements dessympathisants FN

    Contre la fin des subventions europennes : pat-rons et salaris unis

    Le 4 novembre, emmens par leur patron, les salaris delentreprise Tilly-Sabco, spcialise dans lexportation depoulets congels, sen vont manifester Morlaix. Pendantque leur PDG sentretient avec le sous-prfet, les salaris d-foncent le portail du btiment. Leur revendication ? Lemaintien des restitutions europennes, ces subventions lexportation dont la fin programme depuis cet t met endifficult nombre dentreprises agroalimentaires enBretagne. Le soir mme, le ministre de lAgriculture prometde dfendre leur cause Bruxelles.

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  • Contre les hausses de TVA : les bonnets verts,oranges

    Opposs la hausse de la TVA au 1er janvier, deux mouve-ments au moins surfent sur les bonnets. Les bonnetsverts, crs lorigine par des adhrents de lAssociationdes voyageurs-usagers des chemins de fer (Avuc), baseau Mans, protestent contre le passage de 7 10% de la TVAsur les transports en commun au 1er janvier. Les bonnetsoranges, eux, sont composs de professionnels de lquita-tion et sinsurgent contre le relvement de 7 20% de laTVA pour les centres questres. Ils taient 4000 hier dansles rues de Paris.

    Contre la hausse des charges : les petits patrons

    Absents des couloirs de Bercy, les petits patrons, eux, mon-tent au crneau aujourdhui contre les charges fiscales etsociales. LUnion professionnelle artisanale (UPA) lanceune campagne daffiches noires chez les commerants, bar-res de sacrifi mais pas rsign. Un immense plan so-cial se profile lhorizon, salarment les artisans, quicraignent la disparition de lconomie de proximit.1,1 milliard deuros de charges fiscales et sociales suppl-mentaires en 2013, 100 millions de plus en 2014, leshausses de TVA au 1er janvier, les nouveaux prlvementssajoutent la crise pour asphyxier les chefs dentreprise delartisanat, du commerce de proximit et lensemble destravailleurs indpendants, dnoncent-ils.

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  • Contre les rythmes scolaires : des syndicats etlUMP

    Contre les nouveaux rythmes scolaires, ce sont des mairesUMP qui manifesteront, demain, aux cts de syndicalistesenseignants. Le front qui souvre commence fragiliser leministre Vincent Peillon, et avec lui la refondation delcole, priorit du quinquennat. Car toute une srie din-trts se sont agrgs autour de la dlicate question desrythmes. Les enseignants du primaire, pris de revenir lemercredi matin, estiment quils sont perdants, et avec euxleurs lves, puiss. Quant aux syndicats, CGT, FO ou SUD,ils appellent un abandon de la rforme. La politisation dece dossier, redoute par le Parti socialiste, est en train de seraliser.

    Contre les radars : des anonymes alcooliques

    Derrire les destructions de radar de vitesse - une centaineun peu partout en France jusquici -, difficile, enfin, de sa-voir qui se cache. Des bonnets rouges, peut-tre, mais aussi,et pour finir, monsieur Tout-le-monde. En Bretagne, lesgendarmes ont ainsi attrap un artisan de 48 ans, son fils etsa belle-fille, tous deux employs intrimaires, qui es-sayaient de vandaliser ce week-end un radar Saint-Jean-de-Vilaine (Ille-et-Vilaine). Selon un proche de lenqute,cest aprs avoir refait le monde autour dun verre que cetartisan et son fils ont dcid daller casser un radar, surfond de ras-le-bol fiscal. Le pre et le fils taient trs

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  • alcooliss. Selon le parquet de Rennes, lartisan na re-vendiqu aucune appartenance un mouvement prcis.

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  • TVA: le gouvernement fleur dimpt

    PRILS. Rvolte en Bretagne, note alarmiste desprfets, appel la manifestation du Front degauche Lexcutif risque davoir du mal faireadmettre une nouvelle hausse.

    Par Grgoire BISEAU et Laure BRETTON

    (Paru le 15 novembre 2013)

    Puisquil y a dj eu un recul sur la taxation sur les plus val-ues, sur lexcdent brut dexploitation (EBE), sur la fiscalitde lpargne et sur lcotaxe pourquoi le gouvernement nereculerait-il pas sur la hausse de la TVA, annonce pour jan-vier ? Aprs tout, les centres questres ont bien obtenu uneenveloppe de 20 millions deuros pour compenser cette fu-ture augmentation Voil ce que devaient ruminer les artis-ans et commerants en lanant mercredi leur campagne demobilisation contre limpt en gnral, et la hausse de laTVA en particulier. Esprant bien un effet boule de neigeTout comme le Front de gauche de Jean-Luc Mlenchon quiappelle, lui, descendre dans la rue Paris pour protester

  • contre cet impt injuste et exiger une rvolution fiscalele 1er dcembre, soit le lendemain dune nouvelle manifesta-tion des bonnets rouges quelque part en Bretagne.

    Et si cette hausse de TVA, programme depuisdcembre 2012 et destine financer une partie du crditdimpt pour les entreprises, tait la goutte deau de lexas-pration fiscale ? Et si elle fdrait contre elle tous les m-contentements qui sexpriment un peu partout dans le pays?

    Poujadisme. A Matignon, on banalise en frisant le dni: On nest absolument pas dans une situation de pr-in-surrection. Tout le monde peut sengouffrer derrire la con-testation de limpt mais, une certaine poque, on ap-pelait a du poujadisme, balance-t-on dans lentourage duPremier ministre. O lon minimise la note de synthse desprfets du 25 octobre, rvle par le Figaro, qui met engarde contre une remise en cause de la lgitimit delimpt et un sentiment daccablement. Elle est ni plusni moins alarmante que les prcdentes, banalise-t-on Matignon.

    Le 1er janvier peut tre un moment difficile passer, af-firme pourtant Franois Rebsamen, le patron des snateurssocialistes. Il faut rester vigilant. Car cette hausse intervi-ent dans un contexte de revendications catgorielles tousazimuts, un moment o les corps intermdiaires nejouent plus leur rle. Et comme cette France des lodens

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  • verts, pour reprendre lexpression dun dirigeant socialiste,a pris got depuis les manifestations contre le mariage pourtous descendre dans la rue, toutes les alchimies de coagu-lation entre les foyers de protestation semblent dsormaispossibles. Patron des dputs PS, Bruno Le Roux ne croitgure cette hypothse : Il y a toujours un risque, mais cesera parce quon naura pas t capables de produire undiscours qui explique clairement do vient cette hausse deTVA. Il ny aura une acceptabilit de leffort que si on donnedu sens notre action. Sous-entendu : il serait temps quele gouvernement dfende mieux sa politique devant lesFranais

    Lobbies. Mercredi matin, les dputs PS ont reu, rienque pour eux, une petite leon de mise en perspective poli-tique de Louis Gallois. Lex-patron dEADS, auteur dufameux rapport qui a inspir le CICE, a manifestement faitdu bien au moral de la majorit. Ctait limpide, lui arussi donner une cohrence toute une politique depuisdix-huit mois, sextasie un parlementaire. Pour linstant,les lus socialistes qui rclament de revenir sur la hausse dela TVA sont ultra-minoritaires, la plupart tant issus ducourant Gauche populaire.

    Mais ils commencent parler. Comme Franois Marc, rap-porteur du budget au Snat : Pour ma part, je suis trsrserv quant augmenter la TVA, quel que soit le taux.En choisissant de crer trois catgories de taux diffrents

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  • selon les secteurs dactivit (5,5%, 10% et 20%) le gouverne-ment a suscit de faux espoirs, chacun esprant une baisse.On a ouvert la porte aux revendications, se lamente unpoids lourd de la majorit. Maintenant, chacun y va de sonmot dordre et cest trs difficile de sen sortir. La gauchene peut pas donner limpression de courir derrire tous leslobbys, prvient Thomas Thvenoud, dput PS de Sane-et-Loire et ancien auteur du rapport sur la TVArestauration.

    Conscient du danger, le gouvernement ne veut surtout pasdonner limpression douvrir grand le cahier des dolancesfiscales. A Matignon, on assure que la TVA vote il y a unan sappliquera quoi quil arrive au 1er janvier. Jean-MarcAyrault a juste demand Bernard Cazeneuve, ministredlgu au Budget, et Sylvia Pinel, ministre dlgu lAr-tisanat et au Commerce, damliorer les choses lamarge pour certaines professions. Hier, les syndicats, touten prenant leur distance avec les appels manifester deMlenchon contre la TVA, ont tous rappel Franais Hol-lande sa promesse dune grande rforme fiscale. Reste,elle, lettre morte.

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  • Ras-le-bol fiscal:Ayrault cope dunerforme

    COUP. Lannonce surprise dune remise plat delquation fiscale franaise par le Premier ministrea pris de court le gouvernement. La gauche espremaintenant une refonte denvergure.

    Par Lilian ALEMAGNA et Grgoire BISEAU

    (Paru le 20 novembre 2013)

    Vous en avez marre dentendre parler dimpts ? Eh bien ava continuer pendant au moins un an. Il y a quelque chosede paradoxal vouloir rpondre au sentiment dexaspra-tion fiscale des Franais par lannonce dune grande r-forme fiscale.

    Elle tait presque enterre, la voil aujourdhui totalementressuscite. On la disait politiquement inflammable en pri-ode de crise, la voici brandie en extincteur de la fronde fisc-ale qui sest empare du pays depuis plusieurs semaines. Enannonant, hier matin dans une interview aux Echos, que

  • le temps est venu dune remise plat de notre fiscalit,Jean-Marc Ayrault a pris son petit monde par surprise. Etcest une premire au sommet de lexcutif.

    Jusqu prsent, le prsident de la Rpublique nous avaithabitus tout le contraire : suivre scrupuleusement uncalendrier de rformes dfini longtemps lavance.Puisquil nest pas de nature autoritaire, lautorit deFranois Hollande a doit tre de crer la surprise, confi-ait il y a un mois un intime du chef de lEtat. Cest chosefaite. Les niveaux historiques dimpopularit qui frappent leduo sont passs par l. Il fallait reprendre la main. Arrter laspirale infernale de la contestation. On tait enferm dansun dbat fiscal sans queue ni tte avec des tonalitspoujadistes, analyse le dput PS Dominique Lefebvre. Ilfallait bien trouver une porte de sortie.

    Mordicus. Depuis quelques semaines, Franois Hollandetait press par ses proches de rpondre cette crise de con-fiance sur un autre terrain que lconomique et le social. Etvoil le chef de lEtat qui, dIsral, envoie son Premier min-istre lancer la contre-attaque en annonant la mise enchantier de la proposition numro 14 de son programme decampagne : une rforme, qui devait normalement aboutir aurapprochement de la CSG et de limpt sur le revenu.Pourtant, le 22 octobre, devant les dputs socialistes, lemme Jean-Marc Ayrault assurait mordicus que cette

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  • mesure, revendique par une large partie de la majorit,ntait pas lordre du jour.

    Hollande et Ayrault ont donc jou aux petits cachottiers. Cenest quen fin de semaine dernire que le duo sest mis dac-cord en secret sur le fond et la forme des annonces. Maiscela fait un mois que le sujet fait partie de leur discussion,dit-on Matignon. Notamment depuis lannonce, en oc-tobre, dun projet dassises de la fiscalit des entreprises.Trs rares sont ceux au gouvernement avoir t mis dansla confidence. Mme le trs hollandais Michel Sapin, le min-istre du Travail, a t averti la veille.

    Mme chose au ministre des Finances. Ce qui fait sourirece dput socialiste : Cest quand mme pas banal que cesoit le Premier ministre qui conduise la politique fiscale dupays sans en informer Bercy. Dans lentourage de PierreMoscovici, on veut relativiser : Tout cela ne tombe pas duciel ni dune autre plante. Le patron des dputs social-istes, Bruno Leroux, nest pas non plus tomb totalement desa chaise. Aprs avoir appel une grande rforme fiscaleen juin dernier, il se souvient que Jean-Marc Ayrault luiavait confi en priv envisager cette hypothse, mais pour2015. Hier, en tout cas, lElyse, on ntait pas mcontentde ce petit effet de surprise. Ni que le Premier ministremonte en premire ligne , selon les mots dun collaborat-eur du chef de lEtat.

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  • Thermique. Reste une question lourde : une rformefiscale de grande ampleur sans aucune marge de manuvrebudgtaire est-elle politiquement vendable ? Ce dirigeantsocialiste proche de Hollande en doute franchement : Poursortir de cette situation, il faudrait un choc thermiquenorme. Les gens sont tellement crisps sur les questionsfiscales quil aurait fallu annoncer une vritable baisse. Cenest pas lavis de la dpute PS Karine Berger : Autantcest impossible de vendre une telle rforme en demandanten mme temps des efforts aux Franais, autant dansun contexte de stabilit fiscale, cest envisageable. Mais il ya un mais. Faire une telle rforme prlvements con-stants, cela signifie quil y aura des perdants et des gag-nants et quil faudra dire lesquels, avertit Dominique Lefe-bvre. En attendant, la majorit, et surtout laile gauche, aretrouv un dbut de moral.

    Abois. En juillet, quatre sensibilits les plus gauche duPS avaient fait front commun pour tenter de sauver len-gagement numro 14. Rsultat : recadrage immdiat et refusde tout amendement. Aujourdhui, tout est sur la table etprt la ngociation, dit-on Matignon. Il fallait une r-ponse de gauche, se rjouit Christian Paul, dput PS de laNivre et animateur de la Gauche durable. Le sujet se d-place, heureusement et enfin, sur la question dune justicefiscale. Notre combat [] na pas t vain, se flicite deson ct la Gauche populaire.

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  • Il y a encore un mois, ce sont les mmes qui se montraientdcourags des refus du gouvernement. Si socialistes et co-logistes sont tout sourire, le Front de gauche, lui, lest beau-coup moins. Ceux qui pourtant appellent marcher le1er dcembre Paris pour une rvolution fiscale dnon-cent une nouvelle manuvre. Cest une opration de com-munication dun homme aux abois, attaque OlivierDartigolles, porte-parole du PCF. Jean-Marc Ayrault neprend toujours pas la mesure des enjeux. Il recule sur lco-taxe ? Alors quil aille au bout et renonce laugmentationde la TVA ! Mais de a, Ayrault la redit hier, il n est pasquestion.

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  • Les syndicatsreprennent la main

    PORTE DE SORTIE. Aprs les bonnets rouges, lescentrales abordent avec bienveillance le dialoguepropos par le Premier ministre dans le cadre de larforme fiscale.

    Par Luc PEILLON

    (Paru le 26 novembre 2013)

    Sortir dun tte--tte avec les bonnets rouges pour ret-rouver des interlocuteurs connus : ctait lun des objectifs,peut-tre mme le principal, de lexcutif, lorsquil a lancson invitation aux partenaires sociaux pour discuter de fisc-alit. Une convocation qui ntait pas sans dplaire non plusaux organisations patronales et syndicales, elles-mmesmarginalises par les mouvements de protestation htro-clites et incontrlables qui se sont dvelopps ces derniressemaines. Et qui voyaient comme une revanche, ou tout dumoins une forme de reconnaissance de leur rle, cettepremire consultation par lexcutif.

  • Cest donc avec la mine presque rjouie que les huiles desgrandes confdrations sont ressorties, hier, de la rue deVarenne. Premier tre reu, Jean-Claude Mailly, le re-sponsable de Force ouvrire (FO) - dont certaines de ses or-ganisations en Bretagne ont pourtant fray avec les bon-nets rouges - a fait preuve dune certaine bienveillance lgard du locataire de Matignon : Je sens un Premier min-istre qui veut effectivement lancer le dossier en mettanttout sur la table de manire transparente. Mailly estimepar ailleurs que cette initiative nest pas un coup de comde la part dAyrault.

    a ne peut pas tre un coup de com, a sembl confirmerpour sa part Laurent Berger, son homologue de la CFDT,qui a appel le Premier ministre prendre ses responsab-ilits face un ras-le-bol souvent trs catgoriel etdangereux. Le responsable de la CGT, Thierry Lepaon, acru comprendre, de son ct, que nous allions avoir uncalendrier assez prcis de discussions avant la fin de cettesemaine ou au dbut de la semaine prochaine. Presquesoulag de se retrouver en terrain balis, il a mme rclam,pour que le dcor soit parfait, une confrontation avec lepatronat.

    Du temps. Mme le Medef, certes plutt bien trait cesderniers mois avec lobtention du CICE (crdit dimpt com-ptitivit emploi, dun montant de 20 milliards deuros paran), a salu une mthode de concertation, qu[il] avait

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  • demande depuis plusieurs semaines pour sortir le pays delornire. Nous savons que la remise plat prendra dutemps, a galement concd le responsable de lUPA (artis-anat). Tout en maintenant nanmoins son appel une mo-bilisation le 13 novembre, pour protester contrelasphyxie des commerants et artisans de proximit.

    Poujadistes. Car si, sur la forme, les partenaires sociauxse sont montrs plutt satisfaits de cette premire ren-contre, ils sont loin dtre tous en phase avec le gouverne-ment sur le fond des dossiers. Les principaux syndicats sontainsi favorables une plus grande progressivit de limptsur le revenu (IR), mais restent hostiles un prlvement la source, qui conduirait confier aux employeurs nombrede donnes personnelles sur les salaris. De la mme man-ire, ils sont moyennement emballs par une fusion entrelIR et la CSG, craignant un mlange des sources de finance-ment entre ce qui revient lEtat et ce qui abonde la Scur-it sociale. Le Medef, pour sa part, continue et continuera derclamer, comme lensemble du patronat, une baisse ducot du travail et de la fiscalit des entreprises.

    Lpisode des bonnets rouges a galement permis derabibocher une grande partie des syndicats (sauf FO et laCGC), qui se sont retrouvs hier soir en intersyndicale. Ob-jectif : aboutir une initiative commune face lamonte des intrts corporatistes et poujadistes, a expli-qu Laurent Berger, de la CFDT. Autrement dit, ce nest

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  • pas le mouvement des bonnets rouges qui va rsoudre lasituation, a rsum Pascale Cotton, numro 2 de la CFTC.

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    Les livres numriques de LibrationIMPTS: EN MAL DE CRDITTable des matiresLgitimitEDITORIAL. La France semble vivre une rvolte fiscale comme son histoire en est friande...

    Face aux Pigeons, Bercy laisse des plumesCONCESSION. Le groupe dentrepreneurs partis en guerre contre la rforme de la taxation des plus-values en cas de cession dune socit a eu gain de cause. Bercy va adoucir une mesure pourtant gure douloureuse.

    L'impt des super-riches passe la trappeBOULETTE. Annonce surprise de la campagne, la taxation 75% devait tre temporaire et pargnait les revenus du capital. Le Conseil constitutionnel la retoque.

    Une improvisation fiscale consternanteINTERVIEW. Lconomiste Thomas Piketty plaide pour une rforme de limpt sur le revenu et dnonce le manque dambition du gouvernement.

    Qui va payer la rallonge de 6 milliards ?CALCULS. Prparant le budget 2014, le gouvernement annonce qu'un tiers du nouvel effort de baisse du dficit sera financ par la hausse des prlvements. Tout en esprant un retour de la croissance qui pourrait lui permettre de lever le pied.

    Trop dimpts: la grande illusionANALYSE. Fin de l't 2013, veille de la prsentation du budget en Conseil des ministres. Les jours prcdents, Pierre Moscovici, ministre de l'Economie, a voqu un ras-le-bol fiscal, suivi par le Prsident, qui affirme sur TF1 envisager une pause fiscale. Cafouillage? Le systme franais reste pourtant un des plus justes des pays occidentaux.

    Rduire les ingalits, un thme de gaucheINTERVIEW. Pour Guillaume Allgre, de lOFCE, lexcutif a t terriblement maladroit en dcrtant une pause fiscale et devrait plutt faire uvre de pdagogie.

    La moyenne qui cache la fort des haussesVASES COMMUNICANTS. Si, dans le budget 2014, le taux des prlvements obligatoires augmente peu, cest grce aux baisses consenties aux entreprises.

    Au sein du gouvernement, les impts ne font plus recettePATAQUS. Tandis que la prparation du budget 2014 a lieu en plein dbat sur le suppos ras-le-bol fiscal, le nouveau ministre de l'Ecologie, le socialiste Philippe Martin, lche une bombinette aux universits d't d'Europe Ecologie-Les Verts, avec lannonce inopine de la cration dune taxe carbone.

    Les Verts dsols de stre tir une taxe dans le piedMALCHANCE. Les responsables dEE-LV ont t pigs sur la fiscalit verte par le PS qui les a fait passer pour le parti des impts.

    Fiscalit verte, explication de taxeOUBLIETTES. Officiellement prioritaires, les contributions cologiques sont rgulirement abandonnes par les gouvernements.

    Lcotaxe, impt de chagrinGOUTTE D'EAU. Cest la mesure qui fait exploser la Bretagne. Vote en 2009, l'cotaxe poids lourds entre en vigueur la fin de l't 2013, alors que la contestation de l'impt tend s'amplifier. Un prlvement qui cristallise les mcontentements contre Paris et menace dentraner le gouvernement dans une crise politique.

    Ecotaxe: la marche arrire prilleuse dAyraultRECUL. Face aux violences en Bretagne, le Premier ministre cde et ajourne la mesure sine die. Le chef du gouvernement a beau affirmer tre sorti de limpasse par le haut, ce nouveau recul alimente les critiques sur une crise de gouvernance.

    Contestation: les dessous des bonnetsFRONDE. Rouges, verts ou oranges, des mouvements de protestation multiformes et parfois violents se multiplient l'automne 2013. Enqute sur des manifestants qui occupent la fois le terrain anti-impts et anti-Hollande.

    TVA: le gouvernement fleur dimptPRILS. Rvolte en Bretagne, note alarmiste des prfets, appel la manifestation du Front de gauche Lexcutif risque davoir du mal faire admettre une nouvelle hausse.

    Ras-le-bol fiscal: Ayrault cope dune rformeCOUP. Lannonce surprise dune remise plat de lquation fiscale franaise par le Premier ministre a pris de co