L'homme descend de l'ourse… · ... des heures de chronique à la radio et un ravisse - ment total...

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Serge Bouchard L’HOMME DESCEND DE L’OURSE Bouchard nous ramène à la vie, à la mort, à l’amour. Monique Roy, Châtelaine Extrait de la publication

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131 Serge Bouchard est un orignal. Il a la couenne dure, le cou puissant, le sabot obstiné. Il est de ce cuir dont on fait les bêtes lumineuses. S’ il sait aller le nez en l’air, humant l’air du temps, dire d’où vient le vent et ce qu’ il emportera, il préfère observer le sol.

Il y trouve des indices, des pistes, des fragments qu’ il emmagasine, des brindilles qu’ il tisse d’un sens nou-veau. Mais là où il excelle, c’est quand il creuse. L’ hu-mus riche des habitudes enfouies le ravit, il plonge un sabot gourmand dans ces débris, se réjouit de leur odeur étrange et familière à la fois. Immanquable-ment, il s’enfonce dans les bois opaques et en ramène des morceaux choisis. C’est qu’ il sait caller, l’orignal.

Marie-France Bazzo (extrait de la préface)

Anthropologue de formation (et d’esprit), Serge Bouchard a publié Le Moineau domestique, L’ homme descend de l’ourse, Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu, Les corneilles ne sont pas les épouses des corbeaux, C’ était au temps des mammouths laineux et, en collaboration avec Bernard Arcand, six volumes de Lieux communs. On peut le lire dans la revue L’Inconvénient et l’entendre à la radio de Radio-Canada.

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Serge Bouchardl’homme descend de l’ourse

Bouchard nous ramène à la vie, à la mort, à l’amour.Monique Roy, Châtelaine

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Les Éditions du Boréal, rue Saint-Denis

Montréal (Québec) HJ L

www.editionsboreal.qc.ca

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L’homme descend de l’ourse

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DU MÊME AUTEUR

CHEZ LE MÊME ÉDITEUR

L’homme descend de l’ourse, ; coll. « Boréal compact », .

Le Moineau domestique : histoire de vivre, .

Récits de Mathieu Mestokosho, chasseur innu, .

Les corneilles ne sont pas les épouses des corbeaux, coll. « Papiers

collés », .

C’était au temps des mammouths laineux, coll. « Papiers collés »,

; coll. « Boréal compact », .

EN COLLABORATION AVEC BERNARD ARCAND

Quinze lieux communs, coll. « Papiers collés », .

De nouveaux lieux communs, coll. « Papiers collés », .

Du pâté chinois, du baseball et autres lieux communs, coll. « Papiers

collés », , .

De la fin du mâle, de l’emballage et autres lieux communs, coll.

« Papiers collés », .

Des pompiers, de l’accent français et autres lieux communs, coll.

« Papiers collés », .

Du pipi, du gaspillage et sept autres lieux communs, coll. « Papiers

collés », .

Les Meilleurs Lieux communs, peut-être, coll. « Boréal compact »,

.

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Serge Bouchard

L’homme descendde l’ourse

préface de Marie-France Bazzo

Boréal

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© Les Éditions du Boréal pour l’édition originale© Les Éditions du Boréal pour la présente éditionDépôt légal : e trimestre

Bibliothèque nationale du Québec

Diffusion au Canada : DimediaDiffusion et distribution en Europe : Volumen

Données de catalogage avant publication (Canada)

Bouchard, Serge, -

L’homme descend de l’oursee éd.(Boréal compact ; )Éd. originale : .

ISBN ----

I. Titre.

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À Christiane,ma sœur,ma seule

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Notre tâche d’homme est de trouver lesquelques formules qui apaiseront l’an-goisse infinie des âmes libres.

CAMUS

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Le Bouchard nordique

Serge Bouchard est un camion Mack qui a beaucoup roulé.Un vieux modèle, aux formes arrondies, bien entretenu, auxchromes astiqués, quoique sans ostentation. Celui qui sait déco-der le langage des vieux camions y lit des kilomètres de commu-nion avec les routes d’Amérique, des histoires de villes et d’au-rores boréales, de snack-bars douteux et d’animaux improbablesentraperçus à la brunante. Depuis le temps qu’il roule, la méca-nique est parfaitement rodée. Il en est des voix comme des mo-teurs : certaines rassurent. Celle de Serge Bouchard, profonde etbasse, fleure bon le diesel.

Il maîtrise parfaitement les rouages complexes des petitesvitesses, mais pratique avec bonheur les accélérations sauvages,juste pour la beauté de la chose. Quand il roule avec BernardArcand au rallye des « lieux communs », on reconnaît ses bassesfréquences caractéristiques, sa manière large d’aborder lesvirages, l’audace avec laquelle il frôle les précipices.

Avec lui, on sait qu’on ira loin, sur des routes désertes, dansdes contrées où peu osent s’aventurer. On sait aussi qu’on ne man-quera pas de gaz, qu’on roulera sans heurts, qu’il saura déchiffrerla carte routière la plus cryptée et qu’il connaîtra infailliblementle routier sympa où se réchauffer l’âme au bout du périple.

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Serge Bouchard est un orignal. Il a la couenne dure, le coupuissant, le sabot obstiné. Il est de ce cuir dont on fait des bêteslumineuses. S’il sait aller le nez en l’air, humant l’air du temps,dire d’où le vent vient et ce qu’il emportera, il préfère observer le sol.

Il y trouve des indices, des pistes, des fragments qu’il emma-gasine, des brindilles qu’il tisse d’un sens nouveau. Mais là où ilexcelle, c’est quand il creuse. L’humus riche des habitudesenfouies le ravit, il plonge un sabot gourmand dans ces débris, seréjouit de leur odeur étrange et familière à la fois. Immanqua-blement, il s’enfonce dans les bois opaques et en ramène desmorceaux de choix. C’est qu’il sait caller, l’orignal !

Serge Bouchard est un 29 janvier. Sa tâche est ardue et sonaspect rébarbatif. Il est là pour nous rappeler que nous habitonsun pays âpre et froid. Il l’exprime certes avec des mots quiréchauffent, avec patience et entêtement, mais il demeure que samission est colossale : nous rappeler que nous sommes des nor-diques. Les temps sont durs pour le 29 janvier. La mode est à ladouceur, au consensus, aux idées molletonnées, aux opinions encoton ouaté. Juste avant lui, il y a eu le dégel de janvier, rava-geuse guest star espérée et séductrice ; après lui viendront lesvacances annuelles dans le Sud et leur message pernicieux :pourquoi geler quand on peut peler, pourquoi résister quand ilest si bon de s’abandonner ?

Coincé entre le redoux fatal et le festival du coup de soleilinstitutionnalisé, le 29 janvier est une date singulière et symbo-lique, dure et lumineuse, vive et froide ; un rempart contre lamollesse ambiante. C’est un jour qui s’apprivoise ou qui semérite. Non, il n’y en aura pas de facile pour le 29 janvier !

Serge Bouchard est un phénomène géologique. Il agit enprofondeur et remue intensément. Mais attention. Il n’est pas dece métal dans lequel on taille des curiosités telluriques. Chez lui,nulle inconstance typique des geysers, et il ne risque pas de tom-ber dans le tape-à-l’œil des canyons, ou dans le racole-touristesdes cascades fameuses. Vous ne le verrez jamais envier le sort des

L’HOMME DESCEND DE L’OURSE

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pics flamboyants, ou la vie trépidante des glissements de terrainsou des failles géologiques les plus médiatisées.

Non, Serge Bouchard appartient aux couches sédimentéesprofondes. Il a la mémoire du bouclier canadien et l’obstinationd’une plaque tectonique sous-marine. Il remue les glaisesanciennes, retourne les roches et fouille les fissures les plusminuscules. Son projet : faire remonter à la surface des éclatsoubliés pour que le promeneur distrait heurte du pied uncaillou, se penche machinalement pour le ramasser, se mette àl’observer plus attentivement, et y découvre, pour autant que sacuriosité ne soit pas trop érodée, des mots anciens et des mer-veilles renouvelées.

Serge Bouchard est un anthropologue.Avant de le lire, je croyais que les gens comme lui étudiaient

de manière scientifique l’homme, son épouse, et les traces qu’ilslaissent dans la structure sociale. Autant dire que c’était vague,mais que l’affaire était sérieuse. Aujourd’hui, plusieurs « lieuxcommuns », des heures de chronique à la radio et un ravisse-ment total plus tard, je ne sais pas plus ce qu’est un anthropo-logue patenté.

S’ils sont tous moulés sur Serge Bouchard marque dépo-sée, ils sont poètes, menteurs, adorent incarner en entrevue le père Noël, le vrai. Il savent défendre la veuve et le cendrier, ce mal-aimé. Ils rêvent de devenir présidents plénipotentiairesde la république autonome d’Abitibi. Ils parlent à leur auto,disent des choses magnifiques de leur amoureuse, ont dans leurtrousse professionnelle des outils aussi surprenants que l’écouteassidue des tribunes téléphoniques ; la route, la nuit en compa-gnie de routiers ; et une voix belle à faire dérailler les trains.Mais je préfère croire que Bouchard est un cas même chez lesanthropologues. Mieux : un défaut de production, inestimableet unique.

La perfection serait de rouler, une nuit de fin janvier aufroid craquant, dans un gros camion surchauffé, entre deux ran-gées d’épinettes noires, juste un peu au nord de Val-d’Or, et

LE BOUCHARD NORDIQUE

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d’entendre Serge Bouchard raconter, assis à côté de vous, l’his-toire triste des tables de cuisine, ou faire l’éloge des gardes-chasse.

Mais vous l’aurez compris, Bouchard se méfie de la perfec-tion et fuit les évidences. Nous le lirons donc, assis sur une rocheancienne du bouclier canadien. Plaisir assuré.

Marie-France Bazzo, février 1998

L’HOMME DESCEND DE L’OURSE

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Présentation de l’Ourse

Ce livre est la suite d’un autre dont le titre faisait aussiréférence à un animal plus petit et peut-être moins noble : LeMoineau domestique.Comme le premier, ce livre contient despropos, des morceaux, des je-ne-sais-quoi tant il est difficilede nommer ces petits tableaux. Il y en avait cinquante-sixdans le Moineau. Il y en a plus de soixante dans l’Ourse, cetteOurse que je pensais intituler tome II. Mais je n’ai pas retenul’idée. D’ailleurs, de façon curieusement similaire, le Moineaudevait avoir pour titre L’Erreur humaine.Voilà bien la naturede ma pensée : je ne retiens pas mes idées, elles ne sont jamaisfaites, je les laisse courir. Ce qui m’entraîne dans une rondeétonnante. Je suis installé dans l’inachevé et l’inépuisable.Voilà pourquoi je fais dans le presque-rien, pour reprendreles mots de Vladimir Jankélévitch que je cite si souvent. C’estde la musique, c’est de la peinture, c’est de la littérature.

Charles Ferdinand Ramuz écrit : « Il n’y a d’éternelle-ment neuf que l’éternellement vieux. Il n’y a d’inépuisableque les lieux communs. » Je n’ai pas fini. Pour comprendre leplaisir illicite contenu dans cette routine qui consiste à écriresans cesse sur à peu près n’importe quoi pour finalement direla même chose, je citerai volontiers un autre de mes vieux

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compagnons, Montaigne : « Le continuel ouvrage de notrevie, c’est de bâtir la mort. » Voilà. Je me cherche de l’ouvrage.Je bâtis ma mort mais je cherche à retarder l’échéance indéfi-niment, me trouvant tous les prétextes possibles pour allon-ger le travail. L’idée de finir me fait horreur. Il est malsaind’arriver, à moins de repartir aussitôt. Les plus beaux voyagessont ceux qui ne mènent nulle part, ce sont des allers retours.Il est mauvais de mettre un point final à nos œuvres, disaientles vieux Navahos. L’idéal est de tout effacer et de recommen-cer sans cesse.

Depuis la parution du Moineau en 1991, mes petits mor-ceaux ont fait du chemin. Ils ont un penchant radiopho-nique. François Ismert, le réalisateur de Fragments, une émis-sion à la radio FM de Radio-Canada, les aimait bien. Il m’encommanda quelques-uns. Lui vint l’idée saugrenue d’en vou-loir plus, beaucoup plus, d’où la saga des Lieux communs,pièces cousines que j’ai eu le plaisir d’écrire et de lire avecBernard Arcand depuis cinq ans sur les ondes FM de Radio-Canada dans le cadre d’une autre émission réalisée par Fran-çois Ismert.

L’affaire ne s’arrête pas là. Je prévoyais donner suite auMoineau domestique et dans les faits je m’y suis mis dès saparution. Depuis 1991 et parallèlement aux Lieux communs,je n’ai cessé d’écrire des textes courts pour augmenter monouvrage et ma bonne humeur. La radio est tenace et séduc-trice. Depuis 1995, je lis régulièrement une chronique àl’émission Indicatif présent animée par Marie-France Bazzo.Les projets se sont fondus l’un dans l’autre et la moitié destextes qui composent L’homme descend de l’ourse ont été pré-parés pour cette émission.

C’est bien sûr avec honneur et sens du devoir que jepublie, c’est-à-dire rends publiques, ces chroniques que tantd’auditeurs ont demandées. Je pense en particulier aux« Cendriers », aux « Fleurs », à « L’éloge de l’Abitibi » et aux« Vrais hommes ne dansent pas ». L’autre moitié réunit des

L’HOMME DESCEND DE L’OURSE

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textes publiés à la pièce, principalement dans la revueL’Agora. Le texte sur « La mort » fut rédigé à la demande de larevue Frontières. « La Lune » était une commande du Muséede la civilisation du Québec. Au fond, chacun a son histoire.Puis, il y a des inédits, tel « L’épinette, la Lune et le palmier »,qui clôt le recueil.

Et l’affaire ne s’arrête pas là non plus. Un événement estsurvenu. Dans le cours de mon ouvrage, j’ai rencontrél’amour, tel que j’en témoigne devant Dieu et les hommesdans le morceau intitulé « L’amour humain ». Marie-Chris-tine est une femme de cœur, de lettres et de sens. Elle a préci-pité les choses et elle a mis son cœur dans le manuscrit. Il s’enest trouvé meilleur. Je lui dois tout ce meilleur.

Serge Bouchard, janvier 1998

PRÉSENTATION DE L’OURSE

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L’ourse

L’homme ne descend pas du singe, il descend de l’ourse.Nous nous devons de redresser notre arbre généalogique carce n’est pas faire honneur à notre mère l’ourse que de la relé-guer ainsi aux oubliettes de la lignée. Reprenons l’observationd’un judicieux humoriste : les animaux étant en général siagréables à regarder, pourquoi faudrait-il qu’en matière depaternité et de maternité nous nous réclamions du plus laid,c’est-à-dire du singe, comme si ses grimaces étaient unepreuve incontestable de parenté ? Oublions ces facéties an -thropologiques et retenons la théorie algonquienne : l’oursest notre frère. C’est lui qui nous a fabriqués. C’est notremaître de bout en bout, de la naissance à la maturité.

Il est à remarquer que l’ours est rond, d’où les peluches etles oursons. Ces rondeurs sont des invites à la tendresse, à ladouceur, ce sont des caresses destinées à nos fors intérieurs,sources de chaleur qui nous amusent ou nous endormentselon le temps de la journée. Il faut avoir un cœur de pierrepour tuer un petit ours endormi au faîte d’un bouleaulorsque son corps allongé repose sur une branche dontl’écorce est tout à fait lisse, le museau sur un nœud noir, sesquatre petites pattes se balançant dans le vide, moulé à la

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forme de la branche et installé dans ces hauteurs comme s’ils’était doucement assoupi sur l’édredon d’un beau grand lit.Il grimpait là pour s’amuser et c’est durant son jeu que lesommeil l’aura surpris. Il s’en faut d’un chasseur excité que cesomme ne soit son dernier.

S’il ne meurt, l’ours vieillit. L’on a beaucoup exagéré sursa férocité. Bien sûr il grogne, mais la plupart du temps ils’agit de ses humeurs, qui sont souvent mauvaises en vieillis-sant. Mais Il pourrait aussi y avoir d’autres causes : sa solitudepeut-être, et la simple présence de l’homme, cet homme quile déçoit énormément. L’ours, il est vrai, n’aime pas lesimportuns, il attache une importance considérable à sa tran-quillité, il soigne la paix de son esprit au moins autant que sasécurité. À la grandeur du bois, il va sans peur, intraitable etcurieux, comme s’il errait à la recherche de quelque chosequ’il ne tient pas à réellement trouver, content qu’il est de sescourses, trop heureux de farfouiner sans fin dans des espacesinépuisables sous le rapport de ses recoins.

Les ours les plus beaux sont aussi les plus gros. Voilà uneespèce qui ne craint pas d’engraisser et, dans le dictionnairedes ours, ne cherchez pas le mot « anorexie », ils l’ont bouffé.Aux premières neiges, ils se trouvent un trou, une anfractuo-sité rassurante à l’intérieur de laquelle ils se couchent enboule. Commence alors le recueillement sacré du grandesprit qui se repose les idées. L’ours épuise ses réserves dans sapropre tanière, se chauffant de lui-même, échappant auxtempêtes et aux dépressions, insensible à la longueur dutemps, à l’interminable passage des mauvais jours, complète-ment absent à tout ce qui l’entoure, immobile en principejusqu’au soleil du printemps. Il est l’unique artisan de sonbonheur, c’est un sage, un fidèle, un praticien de l’habitude.

L’ours est le meilleur de l’homme. Il y a de cela plus devingt-cinq années, un bel ours noir s’est présenté en pleincœur du village montagnais de Mingan. Il semblait savoir oùil allait. Au moment où des gens s’apprêtaient à le tuer parce

L’HOMME DESCEND DE L’OURSE

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CRÉDITS ET REMERCIEMENTS

Les Éditions du Boréal reconnaissent l’aide financière du gouvernement du Canadapar l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour leurs activités d’édition et remercient le Conseil des arts du Canada pour son soutien financier.

Les Éditions du Boréal sont inscrites au programme d’aide aux entreprises du livre et de l’édition spécialisée de la SODEC et bénéficient du programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres du gouvernement du Québec.

Photographie de la couverture : François-Xavier Bouchart, Ours, collection « Picot ».

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MISE EN PAGES ET TYPOGRAPHIE :LES ÉDITIONS DU BORÉAL

CE QUATRIÈME TIRAGE A ÉTÉ ACHEVÉ D’IMPRIMER EN AVRIL SUR LES PRESSES DE MARQUIS IMPRIMEUR

À MONTMAGNY (QUÉBEC).

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