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L'Historiographie de la Révolution Française a la veille du bicentenaire Michel Vovelle La Revolution est-elle "terminée"? Qu'on me permette de débuter en rapportant une boutade, mais c'est une boutade amère: elle me renvoie à ma premiere rencontre avec Albert Soboul, et c'était, si j'ai bonne mémoire en 1958. Jeune agrégé d'histoire, je m'engageais dans la voie de la recherche, avec l'idée de travailler sur la Révolution. Et Albert Soboul que je consultais, de me dire tout à trac Pourquoi veux-tu travailler sur la Révolution Française? Ça n'intéresse plus personne. Remarque paradoxale. lui-même, soutenant alors sa thèse, était au faite de sa productivité — et, nous le verrons à l´instant, il était loin d'être seul, ou isolé. Force m'est pourtant de me remémorer cette phrase pessimiste, lorsque je considère combien, dans une optique toute différente, l'idée a cheminé. Ce qu'exprime en termes d'humour inquiet Albert Soboul en 1958, bientôt François Furet le reprendra, définissant la Revolution comme un objet froid, puis annonçant en 1978 (Penser la Révolution) la Révolution est terminée, phrase qu'il commente en 1986 (Le Nouvel Observateur, 28 février) Quand j'ai écrit la Revolution est terminée c'est une maniere d'exprimer un voeu et un constat. Ne soupçonnons pas Francois Furet d'arnères pensées homicides: mais lorsqu'il se place ainsi au niveau du souhait, il considère bien non seulement qu'une cértaine historiographie de la Révolution Française a vécu, mais plus encore que pour qu'une autre puisse renaitre plus sereine, ou plus scientifique sans doute - il convient bien que l'objet du débat soit revêtu selon l'expression consacrée de la beauté du mort. Ce faisant, il ne fait que répercuter avec finesse une des nouvelles idées recues, souvent formulée en termes plus banais, tout n'a-t-il pas été dit ou plutôt écrit sur la Révolution Française? Quelles retouches apporter à un canevas événementiel sans mystère? Ou, avec plus de perfidie, I´histonographie française de la Révolution ne s'est-elle pas sclérosée, devenant répétitive, en s'enfermant dans le dogmatisme, quitte à laisser la fraicheur des nouvelles découvertes à d'autres, les anglo-saxons peut-être, dont on souligne l'activité sur ce chantier qu'ils abordent sans préjugés. Entre les constais et les procès d'intention, quelques réalités s'imposent, au tournant des années 80, dans l'appréciation de ce paysage collectif. Comme elle a reculé dans les programmes de l'enseignement primaire et a fortiori secondaire, 1'histoire de la Révolution, enseignée à la veille de la dernière guerre mondiale dans la quasi totalité des Universités Françaises, ne l'est plus aujourd'hui que dans quelques unes, mis à part la Sorbonne-Paris I, forteresse assiégée? ainsi à Rouen, Tours, Dijon ou Aix. Misére d'une pédagogie qui n'a pas été encouragée, comme en témoignent les difficultés à survivre de grandes collections documentaires (les Archives Parlementaires). Avant de conclure prématurément, peut-être, convient-il de nous interroger; et sans remonter au déluge, d'opérer le flash back indispensable pour apprécier la situation au vrai. En termes de "Flash back": gloire et misère de I'historiographie révolutionnaire. On peut parler d'un âge d'or de l'historiographie de la Révolution, si l'on se place à ce que Pierre Chaunu appelerait l'horiz on 1900, et ce que pour ma part j'aimerais qualifier d'époque jauressienne, quand Jaurès non seulement mène à bien l'ample saga de l'Histoire Socialista de la Révolution écrivant dit-il à la triple lumière de Michelet, de Marx et de

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L'Historiographie

de la Révolution Française

a la veille du bicentenaire

Michel Vovelle

La Revolution est-elle "terminée"?

Qu'on me permette de débuter enrapportant une boutade, mais c'est uneboutade amère: elle me renvoie à mapremiere rencontre avec Albert Soboul,et c'était, si j'ai bonne mémoire en 1958.Jeune agrégé d'histoire, je m'engageaisdans la voie de la recherche, avec l'idée detravailler sur la Révolution. Et AlbertSoboul que je consultais, de me dire toutà trac Pourquoi veux-tu travailler sur laRévolution Française? Ça n'intéresse pluspersonne. Remarque paradoxale.lui-même, soutenant alors sa thèse, étaitau faite de sa productivité — et, nous leverrons à l´instant, il était loin d'êtreseul, ou isolé.

Force m'est pourtant de meremémorer cette phrase pessimiste,lorsque je considère combien, dans uneoptique toute différente, l'idée acheminé. Ce qu'exprime en termesd'humour inquiet Albert Soboul en 1958,bientôt François Furet le reprendra,définissant la Revolution comme un objetfroid, puis annonçant en 1978 (Penser laRévolution) la Révolution est terminée,phrase qu'il commente en 1986 (LeNouvel Observateur, 28 février) Quandj'ai écrit la Revolution est terminée c'estune maniere d'exprimer un voeu et unconstat.

Ne soupçonnons pas Francois Furetd'arnères pensées homicides: maislorsqu'il se place ainsi au niveau dusouhait, il considère bien non seulementqu'une cértaine historiographie de laRévolution Française a vécu, mais plusencore que pour qu'une autre puisserenaitre — plus sereine, ou plusscientifique sans doute - il convient bienque l'objet du débat soit revêtu selonl'expression consacrée de la beautédu mort.

Ce faisant, il ne fait que répercuteravec finesse une des nouvelles idéesrecues, souvent formulée en termes plus

banais, tout n'a-t-il pas été dit ou plutôtécrit sur la Révolution Française? Quellesretouches apporter à un canevasévénementiel sans mystère? Ou, avec plusde perfidie, I´histonographie française dela Révolution ne s'est-elle pas sclérosée,devenant répétitive, en s'enfermant dansle dogmatisme, quitte à laisser la fraicheurdes nouvelles découvertes à d'autres, lesanglo-saxons peut-être, dont on soulignel'activité sur ce chantier qu'ils abordentsans préjugés.

Entre les constais et les procèsd'intention, quelques réalités s'imposent,au tournant des années 80, dansl'appréciation de ce paysage collectif.Comme elle a reculé dans les programmesde l'enseignement primaire et a fortiorisecondaire, 1'histoire de la Révolution,enseignée à la veille de la dernière guerremondiale dans la quasi totalité desUniversités Françaises, ne l'est plusaujourd'hui que dans quelques unes, misà part la Sorbonne-Paris I, forteresseassiégée? — ainsi à Rouen, Tours, Dijonou Aix. Misére d'une pédagogie qui n'apas été encouragée, comme entémoignent les difficultés à survivre degrandes collections documentaires (lesArchives Parlementaires).

Avant de conclure prématurément,peut-être, convient-il de nous interroger;et sans remonter au déluge, d'opérer leflash back indispensable pour apprécierla situation au vrai.

En termes de "Flash back": gloire etmisère de I'historiographierévolutionnaire.

On peut parler d'un âge d'or del'historiographie de la Révolution, si l'onse place à ce que Pierre Chaunu appeleraitl'horiz on 1900, et ce que pour ma partj'aimerais qualifier d'époque jauressienne,quand Jaurès non seulement mène à bienl'ample saga de l'Histoire Socialista dela Révolution écrivant dit-il à la triplelumière de Michelet, de Marx et de

Plutarque; introduisant en tous cas, nefut-ce qu' à titre d'anticipation la pratiqued'une approche résolument scientifique,mais aussi fait créer sous l'égide desChambres Parlementaires la célèbreCommission de recherche et depublication de textes et de documentsrelatifs à l'histoire économique et socialede la Révolution Française. Sur unchantier où se rencontrent des savantsde tous pays — Minzes, Loutchisky,Kareiew, défricheurs de l'histoire agrairede la Revolution — s'inscritl'enchainement, alors, des grandessilhouettes de l'école française: AlphonseAulard, premier occupant en 1886 de lachaire d'Histoire de la Révolution à laSorbonne, poursuit avec Albert Mathiezun débat d'idées par héros interposés —Danton contre Robespierre — lectureradicale contre lecture socialiste.

Mais cet aspect polémique ne masquepas l'extrême fécondité d'une recherchequi, de Mathiez à Lefebvre, à Sobouljusqu'à hier a posé les bases d'une école,diverse dans sa continuité, porteuse d'undiscours progressivement elaboré surla Révolution.

Une historiographie conquérante etsûre d'elle-même?

Sûre d'elle-même cette école jacobine?On l'a dit, et peut-être avec tropd'insistance. Conquérante, à coup sûr:depuis les chantiers de l'histoire politique,à laquelle ils ont su ne pas se tenir, cesmaitres, à commencer par Mathiez(Mouvement social et vie chère sous laTerreur) pour poursuivre par Lefebvre (leGeorges Lefbvre des Paysans du Nordsous la Révolution Française ou de LaGrande Peur), pour culminer dans lesSans Culottes parisiens en l´an II d'AlbertSoboul, ont elaboré une lecture socialede la Révolution Française, introduisantprogressivement sur la scene les massesrurales, puis urbaines, proposant leschéma explicatif d'une Révolution

bourgeoise à soutien populaire, quiconstituerait l'originalité de la voierévolutionnaire française, en un modèleoù se réunifient les Révolutions —bourgeoise, urbaine et paysanne — dontGeorges Lefebvre avait dit la diversité.

Marxiste, ce modèle jacobin? Oui etnon, adoptant certes le presuppose d'unemutation nécessaire, fondée dur lechangement des structures sociales et desformes de production à la fin duXVIIlème siècle, autant et plus peut-êtreque sur l'evolution des idées. Maissuffisamment large et convaincant pourretenir l'adhésion d'hiistoriens qui, deMarcel Reinhard à Jacques Godechot,pour ne citer que quelques uns restentplus jacobins que marxistes. Et l'on peutparler d'un véritable épanouissement dansles années 1950 à 1960, quand lesdernières années de Georges Lefebvres'éclairent du rassemblement à Paris detoute une pléiade de chercheurs: A.Soboul, J.F. Suratteau, mais aussi venusde l'étranger, G. Rudé, A. Saitta, R.Cobb, K. Tovnesson, W. Markow ou K.Takahashi. La Révolution Françaisedirait-on n'a jamais attiré tant de monde:et c'est alors pourtant qu'Albert Soboulme tient les propos désabusés sur lesquelsj'ai ouvert cette réflexion.

Soboul a raison: à cette époque déejà,la crise est ouverte.

Un autre climat historiographique.

A la fin des années 50, nous sommesau moment même du triomphe desAnnales E.S.C., ees secondes Amales,animées par Fernand Braudel qui rédigealors son article célèbre sur La longuedurée (1958). Pour lui comme pour toutle courant qu'il représente, la Révolutionest de l'ordre des épiphénomènes, petitevague de l'histoire, reportée aux dérivesde longue durée aux masses d'histoirelente qui constituent à son avis l'essentiel:ressortissant en somme de ce qu'il range

Pour lui comme pourtout le courant qu'ilreprésente, laRévolution est del'ordre desépiphénomènes, petitevague de l'histoire,reportée aux derivesde longue durée auxmasses d'histoire lentequi constituent à sonavis 1'essentiel:ressortissant en sommede ce qu'il range avecun mépris non caché aurang de l'importunpathétique.

avec un mépris non caché au rang del'importun pathétique.

Triomphe de la longue durée, sur leschantiers de l'histoire sociale, et bientôtde l'histoire de la civilisation matérielle,puis des mentalités ("Un temps pluslong" selon R. Mandrou) et bientôt d'uneanthropologie histonque qui tendra à sefiger dans l'histoire immobile d' E. LeroyLadune.

La tentation fut grande pour nombrede chercheurs de s'investir dans la longuedurée. Qui de nous n'y a pas cédé, si peuque ce soit, et sans regrets? J'ai moimême risqué dans La Mort et l'Occidentde 1300 à nos jours, une fresquepluriséculaire, sur un chantier où lalongue durée s'impose. Mais dans ledomaine précis des étudesrévolutionnaires, cette conjuncturedéfavorable allait se doubler, dans cesannées 1960, d'une attaque frontalecontre les positions reçues.

La grande attaque.

Cette offensive est partie de plusieurspoints: elle a trouvé dans les écolesanglo-saxonnes ses premiers champions(chez A. Cobban dans le Mythe de laRévolution, ou, Outre Atlantique, chezG. Taylor Nor, capitalistic wealth at theorigins of the French Revolution Mais cecourant a été très vite relayé en Franceoù le livre de Francois Furet et DenisRichet La Révolution Française, mit en1965 le feu aux poudres. Si l'on résumeen quelques propositions une séried'arguments, désormais entrés dansl'histoire de l'historiographie, l'attaqueportait sur plusieurs thèmes, audemeurant très liés.

Sur les causes et sur l'interprétationsociale de la Révolution, là où Cobbanavait dénié toute causalité sociale à unaffrontement pour lui de l'ordreessentiellement du politique, d'autrescontestaient la réalité de la réactionnobiliaire aux sources de la Révolution,

et plus encoré l'existence ou laconsistance d'une bourgeoisie veritabledans la France de la fin du XVIIIéme

siècle, soulignant qu'une part importantedu capital, industriei et des entreprisestournées vers l'avemr étaient aux mainsdes nobles. . . (Taylor). Entre unenoblesse progressiste, libérale et ouverteaux idées nouvelles, et la couchesupérieure de la bourgeoisie, un consensusde fait n'existait-il pas dans le cadre des"elites" chères à D. Richet, et à quelquesautres, et dans ces conditions laRévolution était-elle nécessaire, nepouvait-elle être évitée ou stabilisée austade d'un compromis réformiste, d'unemonarchic constitutionnelle?

Etonnant retournements si l'on yréfléchit. ... moins de 20 ans plus tôt,en 1948, Daniel Guérin dans Bourgeois etBras nus, la lutte des classes sous laRévolution Française, écrivant à lalumière des theories de la Révolutionpermanente, avait vu dans la dynamiquerévolutionnaire un mouvement trop tôtarrêté par la politique non sansmachiavélisme de la bourgeoisiemontagnarde, alors qu'il était porteur deson propre dépassement en termes deRévolution prolétarienne. Hypothèseaventureuse, que l'analyse concrete ducontenu social de la sans-culotterieparisienne par Soboul devait rumer.

Désormais, dans la pensée deshistoriens que l'on commence àdénommer révisionnistes car ils seproposent de reviser de fond en combleles certitudes reçues, c'est bien aucontraire d'un mouvement trop loinpoursuivi qu'il s'agit. Le compromisétait possible, on l'a frôlé en 1970l'année heureuse; le dérapage de laRévolution Française qui s'opère de 1791à 94 est dû à l'intrusion incongrue desmasses populaires urbaines ou paysannes,mobilisées sur la base de leursrevendications traditionnelles, en matièreagraire ou de subsistances, sur unprogramme passéiste.

Cette notion du dérapage de laRévolution entraine la remise en cause del'idée même d'un mouvement ascendant,de la Révolution bourgeoise à laRévolution démocratique de l'an II, oùFrançois Furet (dans son Catéchisme dela Révolution Française) voit des relentsde finalisme, comme elle remet enquestion la théorie des circonstances,jusqu'alors admise, selon laquelle c'estpour faire face à la Centre Révolutionintérieure, comme à la coalition despuissances monarchiques que laradicalisation aurait dû se faire, fondéesur l'alliance momentanée, mais un tempsefficace d'une partie de la bourgeoisie, etdu mouvement populaire. La Révolutionaurait-elle revé ces perils, créant des tigresde papier, pour se livrer à un dlire dontelle s'intoxique elle-même? Un seconddiscours du révisionnisme est déjà engerme dans ce faisceau de critiques.

Une nouvelle phase, une nouvelle donne?

Ma génération — celle des historiensqui ont atteint le demi siècle peu après1980 — accuse sévèrement le choc, dansses effectifs mêmes, de cette attaque,combinée à l'air du temps, du triomphedes Nouvelles Annales. C'est alors quenous avons pris conscience du recul de laplace de la Révolution Française, nonseulement dans la recherche, ou dans lapedagogic, mais dans une sensibilité etune culture qui lui devenaient étrangères.

Dirions-nous qu'une nouvelle phasecommence avec 1968, ou la Révolutionrêvée? L'argument serait trop facile sansdoute. Et pourtant, c'est dans les annéesqui ont suivi ce mouvement qui se voulaitune fête autant qu'une Révolution, qu'ona vu se multiplier les études sur la fêterévolutionnaire: colloque deClermont-Ferrand en 1974, ouvrages deMona Ozouf et de Michel Vovelle en1976. Comme fête, mais point seulementà ce titre l'événement révolutionnairerefait surface. La querelle des "jacobins"

et des "révisionnistes" qui semblaits'enliser dans une sorte de guerre detranchées, souvent sans élégance,s'anime à nouveau pour le bien de larecherche.

Dans le camp "jacobin"...

Dans ce que nous appelerons, pourfaire simple, le camp jacobin, lesprovocations, au bon sens du terme,recues, ont conduit à d'utiles réflexions:ainsi sur le concept de bourgeoisie quede... Guizot à Lefebvre on n'avait passuffisamment precisé, l'employant dansdes deceptions, larges ou étroites parfoiscontradictoires. Des travaux comme ceuxde Régine Robin (La France en 1789 —Semur-en-Auxois) ont fortementcontribué à éclaircir le problème enproposant les traits d'une bougeoisiemixte, ou de transition caractéristique decette phase, où le monde de la rentePemporte encoré sur celui du profit. C'estchez elle aussi qu'on peut chercher —ainsi dans telle reflexión sur le conceptde "liberté" dans le discours desParlementaires lors des édits de Turgotsur la liberté des grains en 1776 — uneanalyse sans complaisance des ambiguitéset des contradictions de la notiond'élites à la veille de la Révolution.

En même temps qu'Albert Soboul etses élèves approfondissaient leursrecherches dans le champ de l'histoireagraire (études sur le prélèvementseigneunal et la fin de la féodalité)comme urbaine (travaux sur lemouvement populaire parisien), d'autreschercheurs de même sensibilité (MichelVovelle) proposaient une nouvelle lecturede l'histoire religieuse ou culturelle de laRévolution et s'efforçaient de poser lesbases d'une histoire des mentalitésrévolutionnaires, annexant de nouveauxterritoires à la recherche...

Dans les rangs des révisionnistes...

Entre temps, les choses ont égalementchangé dans les rangs de l'école

"révisionniste", dont le succés estincontestable non seulement en Francemais dans le monde anglo-saxon, et danstoute une partie de l'Europe, à tel pointque l'on peut se demander si une nouvellevulgate n'est pas en tram de se substituerà l'ancienne.

Elle est toutefois en renouvellement.Penser la Révolution Française, que FFuret public en 1978, prolonge en lesmodifiant singulièrement les propositionsde 1965. Certes, il revient sur lacondamnation de la théorie descirconstances mais pour dire, citantQuinet "Non ce n'est pas la nécessité deschoses qui a fait le système de la Terreur.Ce sont les idées fausses", ou mêmeparlant en nom propre "le vrai est que laTeneur fait partie de l'idéologierévolutionnaire". Pour analyser cessources endogènes de la dériverévolutionnaire, F. Furet s'appuie sur leshistoriens du XIX é m e siècie qu'ilredécouvre parfois. sinon Tocqueville, ouQumet, qui n'étaient pas des oubhés, dumoins Augustin Cochin, historien

conservateur monarchiste du début dusiècle, auquel il emprunte l'idée que lanouvelle sociabilité démocratique etrousseauiste des loges maçonniques etsociétés de pensée, fraie la voie à lareprise en mam et à la confiscationtotalitaire de la Révolution par la"machine" jacobine ouvrant ce conceptde souveraineté populaire dont il fait la"matrice du totalitarisme" (Penser laR.F., p. 232), estimant que "1789 ouvreune période de dérive de l'histoire".

La Révolution française reprend danscette nouvelle lecture une cohésioncertaine (on est loin du "dérapage")puisqu'elle acquiert le statut d'événementfondateur, mais, hélas, ce n'est pas enbien puisqu'elle se trouve conteniren germe les dérives totalitaires duXX é m c siècle. Par delà Cochin, Furetinscrit ici sa reflexión en continuitéavec celle de Talmon (Origins of thetotalitarian democracy). Rousseau est enprocès comme celui qui a porté lesthemes de volonté collective et desouveraineté nationale dont se sont

nourris les jacobins: "C'est la faute àRousseau" conclut Jacques Julliard quipartage ce point de vue (1986).

Le réveil de 1'histoire centrerévolutionnaire.

François Furet ne se reconnait pas, et1'a dit, dans le réveil récent, provoquépour partie depuis deux ou trois ans par1'approche du bicentenaire d'unehistoriographie ouvertement contrerévolutionnaire. A vrai dire, avait-ellejamais disparu? Elle avait gardé sespositions fortes, de tradition depuis leXIXème siècle, al'académie française(dans le sillage de Pierre Gaxotte) ou dansles bibliothèques des gares. Vieillechanson un peu fatiguée, elle a connutout récemment un regain de vitalitéremarquable. Petite monnaie caricaturaledes reflexions de Francois Furet, l'imaged'une révolution totalitaire, antichambredu Goulag fait florès. La Révolutionassimilée à la Terreur et au bain de sangdevient le mal absolu. Toute unelittérature se développe sur le thème du"génocide franco français" à partird'apréciations souvent audacieuses dunombre des morts de la guerre de Vendée128 000, 400 000... et pourquoi pas600 000? Certains historiens, sans êtrespécialistes de la question, ont mis, telPierre Chaunu, tout le poids de leurautorité morale qui est grande àdévelopper ce discours de l'anathème,disqualifiant d'entrée toute tentative pourraison garder. Telle histoire tientbeaucoup de place, en fonction dessoutiens dont elle dispose, dans lesmédias comme dans une partie de lapresse. Doit-elle nous cacher les aspectsplus authentiques d'un chantier desétudes révolutionnaires aujourd'hui enplein réveil?

Un chantier en plein réveil.

Dresser un bilan au vrai des chantiersactuels de la recherche sur la Révolution

est une tache facilitée par la conjuncturemême du bicentenaire qui, en stimulantla demande, fait mieux apparaitre lestraits de la production. Les comptesrendus que dresse périodiquement dans laRevue historique Jacques Godechot, leflux plus simplement de l'édition,fournissent des tests assez sûrs. Parailleurs, le bulletin publié depuis 4 anspar la Commission de recherchehistorique (C.N.R.S.) pour le bicentenairede la Révolution, recensant programmesde recherches et colloques qui en sontl'expression, offre une couverture plusfiable encoré des tendances de larecherche, telle qu'elle se pratiqueaujourd'hui sur le chantier, en Franceet dans le monde.

Ne nous cachons pas que certains deees indices sont à interpréter, ainsi laprofusion éditoriale des dernières annéesrévèle-t-elle aussi des phénomènes demode, des engouements entretenus par lesmédias, autant et parfois plus qu'elle nereflete le mouvement authentique de larecherche alors même que les collectionsérudites et publications savantes de texteset de documents (les ArchivesParlementaires) ont de la peine à survivre.On touche ici le problème de la distorsionentre le discours des doctes et celui quiest porté par les médias: nous yreviendrons.

Cette précaution prise, il estnéanmoins loisible de tenter un tableauou un bilan en marche.

Redécouverte du Politique.

L' historiographie actuelle de laRévolution, pour suivre un parcoursclassique d'exposition, a vu s'arrêter lemouvement de déclin de l'histoirepolitique, sensible dans toutes lesbranches de l'histoire sous l'influence del'École des Annales. Une réévaluationdu politique s'est opérée ici,signifícativement. En ferons-nous unedes consequences des relectures

"révisionnistes" apportées par FrançoisFuret? II est vrai qu'elles définissent uneapproche très spécifique du politique,dans le cadre d'une histoireconceptualisée selon l'expression del'auteur, qui sans trop recourir auxapports d'une recherche de terrain queF. Furet n'apprécie guère, se tourneplutôt, pour ennchir son modèleexplicatif vers la redécouverte regressivedes precedents histonographiquess'attachant à Tocqueville, Quinet, Marx,et bien sur Augustin Cochin. Cette écolen'est point la seule toutefois à oeuvrerdans le dómaine du politiquerévolutionnaire: une particulière attentiondoit être portee à cet autre courant oùse realise, à partir de l'analyse dudiscours, menee par des lexicologues quisont aussi des historiens, une approchedes contenus — qu'il s'agisse du discoursjacobin, ou de celui du mouvementpopulaire et de ses porte parole — Hébertou d'autres — Les etudes de JacquesGuilhaumou ou Annie Geoffroy, maisd'autres encoré, sont à cet égard trèssignificatives.

D'où qu'on vienne, la convergence sefait en ce dómaine sur un certain nombrede questions tests: et celle du jacobinisme(Claude Mazauric "Jacobinismo etRévolution" (1984) est bien le typemême de ees questions centrales, ou secristallise le débat sur le sens même de laRévolution.

L'histoires des hommes: ambiguitésde la biographic.

Au coeur de cette redécouverte dupolitique, l'approche biographique tientune place ambigue. On l'eut dit hier, àbon droit, en déclin, et songeant auxgrands débats du debut du siècle —Danton contre Robespierre, Aulardcontre Mathiez — nous aurions pu écrireà l'instar de Lucien Febvre "sur une

* "Journal de ma vie " de Ménétra,

histoire qui n'est plus la nôtre". Puisvoici que, tout récemment, sur unchantier des biographies révolutionnairesqui sembalit surtout réservé désormaisaux historiens académiques, un retours'est operé: Saint Just, Danton, Mirabeau,Madame Roland, Lucile et CamilleDesmoulins retrouvent de nouveauxbiographes, souvent de qualité, de façonassez révélatrice. Le trait n'est passpécifique du chantier révolutionnairecar ces retour de la biographie qui ont étéanalyses (nº special de la revueEspaces-Temps, 1986) sont un des traitsgénéraux d'une historiographied'aujourd'hui en mal d'identifications etde personnalisation. On cherche seshéros comme on cherche ses racines. Dumoms, à côté des grandes figures,l'histoire révolutionnaire se prête-t-elleaussi à valoriser les "études de cas",qui ont contribué à renouveler laconception même de la biographie ense penchant sur les héros anonymesou semi-anonymes, dont l'aventure peutétre aussi éclairante que celle des premiersrôles: on songe au maitre vitrier Ménétradont le "Journal" a été étudié par DanielRoche*. Et j'ai mói même "fait parler"deux de ces anonymes en Révolution, lemaitre menuisier d'Aix-en-Provence,Joseph Sec, qui se révèle (dirons-noustout entier?) dans son tombeaucénotaphe maçonnique et jacobin,comme le poète Thédore Désorques,auteur de l'Hymne à l'Etre Suprême du20 prairial an II, exemple à la limitede l'artiste en Révolution.

Un détour actuel de la biographieprend dans le cadre des étudesrévolutionnaires une importanceparticulière: c'est celui qu consiste àsuivre les processus d'héroisation, ou defabrication posthume des grandes figuresrévolutionnaires, au sein même del'aventure collective: ce travail de

l'imaginaire a été suivi dans 'la mort deMarat" de façon tout à fait exemplairepar une équipe de chercheurs dans uneétude interdisciplinaire.

Histoire sociale, histoire des masses.

Il reste que les retours du politique,pas plus que ceux de la biographic nesauraient masquer le poids essentiel decette histoire sociale autant et plus quepolitique des masses en Révolution quidemeure bien, dans la suite del'historiographie jacobine l'objectifessentiel.

Cette histoire a ses chantiers et sesprojets. Le chantier parisién, défrichésuccessivement par Marcel Reinhard sousl'angle sociologique et démographique,puis par Albert Soboul et ses élèves auregard des formes du mouvementpopulaire, est fort loin d'être épuisé:on espère pouvoir en 1989 présenter unesynthèse, sinon definitive du moinsreformulée de l'ensemble de ces travaux.Puis il convient, si l'on me passel'expression de "déparisianiser" l'histoirede la Révolution Française, en prenantpossession renforcée de l'espace national.C'est le but que se poursuit laconstitution en cours à l'Institutd'Histoire de la Révolution Française(Paris I) d'un centre de documentationnational sur micro-fíches, rassemblant lesdonnées actuellement dormantes oustériles des mémoires de maitrises ou desthemes, tant provinciaux que parisiens.Dans le même sens, on travaille à mettresur pied un Atlas Historique de laRevolution Française (projet conjoint del'E.H.E.S.S. et de l'I.H.R.F.). A ceprogramme formulé dans l'absolu, laréponse des regions est vive: les travaux sesont multiplies, tant sur l'Ouestrévolutionnaire et contre-révolutionnaire(Colloque de Rennes, 1985 LesRésistances à la Révolution) que sur leMidi provençal et languedocien leDauphiné, la région du Nord:

enumération forcément incomplète deschantiers en cours à la veille dubicentenaire. Dans ees cadres régionaux,les différentes branches de l´histoiresociale révolutionnaire témoignent d'undynamisme inégal, alors que l'histoireéconomique, malgré des travaux brillantset récents (D. Woronoff: l'industriesidérurgique, L. Bergeron: banquiers ethommes d'affaires, Bruguère sur lesspéculateurs) reste trop confinée à uncercle de spécialistes, comme peút êtrel'histoire démographique, au lendemaindu coup de fouet que lui avait donnéMarcel Reinhard.

L'histoire rurale n'est pas morte.

L'histoire rurale n'a pas régressé,tant dans l'approche des structures, ouAlbert Soboul a animé jusqu'à sa mortune recherche sur l'étude du prélèvementseigneurial et son éradication sous laRévolution (theses de J.N. Luc sur"L'élimination des droits féodaux enCharente Maritime" et de GuyLemarchand sur "La fin du féodalismedans le pays de Caux"). Quant àl'approche de la dynamique sociale, àpartir des mouvements paysans sousla Révolution — ainsi dans la grande crisedu printemps et de l'automne 1792, maisaussi bien dans le mauvais gré generalisecontre le racahat des droits féodaux quitouche certaines regions en 1790 - c'estun chantier en pleine activité à partir destravaux de A. Ado (malheureusementtrop mal connus encore), de M. Vovelleet de J. Nicolas qui entreprend uneenquête d'ampleur nationale (Colloquetenu à l'Université de Paris VII en 1984sur les émotions populaires à l'époquemoderne).

Histoires urbaines.Les histoires urbaines — sociologie et

mouvement social intimement mêlées —vont leur train, en continuité avec lesapports de Soboul, de Rudé (enfin

Il reste que les retoursdu politique, pas plusque ceux de labiographic nesauraient masquerle poids essentiel decette histoire socialeautant et plus quepolitique des massesen Révolution quidemeure bien, dansla suite deI'historiographiejacobine l'objectifessentiel.

traduit en français... après 25 anspour sés "foules révolutionnaires"). Onexplore systématiquement de grandschantiers ouverts: citons sans prétendreà l'exhaustivité, l'étude des foules, quidébouche sur celle des langages et desgestuels de la violence (B. Conein surLes massacres de septembre 1792). Demême une étude sociologique dufédéralisme dans ses différentes formesest-elle en cours (Voir la récentepublication collectives sur leFédéralisme jacobin, 1986). Dans cettedemarche, après les groupes de la sansculotterie étudiés par Soubol (Paris)ou Vouvelle (Marseille), uninvestissement se tourne légitimement,à nouveau, vers les attitudes et stratégiesdes bourgeoisies en Révolution, à partirde la prosoprographie des élites etnotables municipaux.

Enfin cette histoire sociale rejointl'histoire politique dont elle estindissociable dans le vif courant decuriosité qui se porte sur les contrerévolutions paysannes, sur la façon etles raison du basculement de touteune partie des masses paysannes dansl´hostilité, éventuellement armée aunouveau regime: le colloque déjà citésur les Résistances a la Révolution(RENNES, 1985) est à cet égardexemplaire. Une série d'hypothèses detravail ont été élaborées depuis la grandethèse de reference de Paul Bois sur"Les paysans de l'Ouest", dont lesconclusions sont parfois aujourd'huicontestées (Roger Dupuy, D. Sutherland),dans un débat d'idées qui n'a rien à voiravec les miserables polemiques sur legénocide franco-français.

En passant par le religieux:l'emphase sur le culturel.

Reste qu'à travers l'analyse desnouvelles publications, comme deschantiers de la recherche et rencontresscientifiques, s'inscrit avec une

particulière netteté une emphase mise surle culturel, puis le mental. Peut-on parlerd'une "derive" sur l'imaginaire audétriment de l'étude des conditionsobjectives? Pour n'être pas spécifiqueque de la période révolutionnaire,l' révolution y est particulièrementsensible. Cette démarche ne va pas sansprovoquer une nouvelle approche del'histoire religieuse de la Révolution,profondément renouvelée: on s'estattaqué au problème de ladéchristianisation, événementtraumatique qui introduit aux formes dela religiosité proprement révolutionnaire,et de libération à chaud des disciplinestraditionnelles (M. Vovelle, Religion etRevolution, 1976). Tout récemment enréouvrant le dossier des attitudes duclergé français devant le sermentconstitutionnel de 1790, TimothyTackett (Clergé, Revolution Nation,1986) a insisté autant que sur sesconsequences religieuses, sur la ruptureirreversible qu'il provoque, dans toutl'espace française, au niveau des optionspour ou contre la Révolution: événementstructurant de grand avenir.

Mais les aspects plus spécifiquementculturels focalisent aussi nombre derecherches: la table rase révolutionnaire,exprimée par le vandalisme, la politiquedirective notamnient em matière delangues et de patois (D. Julia, J. Revel,M. De Certeau: Une politique de lalangue), ne représentent qu'un pan de ceque plusieurs ont exprimé en termesde "Révolution culturelle" (S. Bianchi),on se penche également sur toute unepolitique innovatrice dans le domaine dessciences et des techniques, dans les artsoü la naissance du musée, corollaire del'émergence de la notion de patrimoinenational est le complément dialectiquedes destructions du vandalisme.

Enfin l'extrême créativité dans lalittérature, dans la musique, commedans l'expression graphique et

iconographique d'une période qu'on a dità tort sterile suscite toute une série dedécouvertes de chantiers jusqu'alors peuprospectés (M. Vovelle, La RévolutionFrançaise, Images et Récits, 1986).

Du culturel aux mentalités.

De la culture aux mentalités, latransition semble aisée, et commenaturelle. Malgré les précédents célebres(La Grande peur, de Georges Lefebvre),les approches nouvelles d'histoire desmentalités ont rencontre quelquesdifficultés à s'imposer sur un chantierou planait l'ombre de Tame et de sesélèves. C'est toutefois chose faiteaujourd'hui (Michel Vovelle, La mentalitérévolutionnairé) al or même que l'ons'interroge sur les visages de cet "hommenouveau" que la Révolution Françaisea entrepris de façonner, pris comme ledisait G. Lefebvre entre les pulsionscontradictores de l'espérance et de lapeur, inséré dans les nouvelles sociabilités,du club à la fête. . .

Au coeur même de la vie des hommes,la Révolution assume ainsi pleinementce rôle d'événement fondateur, auxretombées de longue durée: celles mêmesque tout un courant de recherchesentreprend d'analyser.

L'image projetée de laRévolution Française.

Les avatars des idees forcé, et desvaleurs lancees dans le monde par laFrance révolutionnaire, non seulementdans la pensée politique et philosophique,mais dans la littérature, dans les arts, etplus largement dans tout ce qu'on appelleaujourd'hui l'imaginaire collectif vastechantier et vaste aventure, qui nous mènejusqu'au XXème siècle. Dans ce domainequelques pierres d'attente, mais combiensuggestives: ainsi les travaux de Maurice

Agulhon sur les expressions allégoriquesde la République, sous la forme des"Marianne" du XIXème siècle*. Maisdisons plus largement que la très fortemobilisation internationale qui s'effectueau plan scientifique à l'approche dubicentenaire vise très naturellement àanalyser ees aventures posthumes de laRévolution Française, à travers ladiffusion de ses idées force dans lesdifférents pays. La réponse múltipledes historiographies nationales entémoigne.

En termes de conclusion:triomphante ou menacée.

Pour rapide qu'il soit, le tableauauquel nous venons de nous livrer nesaurait confirmer l'impression desclérose, de déclin ou de répétitivitéque le dictionnaire des idées recuesnous avait retransmis. L'histonographiede la Révolution Française est en pleinréveil. On ne saurait plus désormaisparler aujourd'hui d'une lecturehégémonique en ce domaine, marquépar une explosion tous azimuths, etc'est sans doute un bien. Reste quecette histonographie trahit aussi sondésarroi, entre les scrupules d'unehistoriographie "jacobine" qui reprendlentement confiance après avoir été lacible de toutes les attaques, le malaised'une histonographie "révisionniste" quia peut-être épuisé sa nouveautésainement provocatrice, et se trouveconfrontée au réemploi, vulgarisé ettravesti par une troisième école, quenous dirons de "l'anatheme" d'idéesforces lancees hier sur les "derives"inévitables de la Révolution. Quant àce troisième groupe, si sa place surle plan scientinque n'est pas grande —disqualifíé par un recours à lapolemique qui lui enlève sa

Enfin l'extremecréativité dans la

littérature, dans lamusique, commedans l'expression

graphique eticonographique d'une

période qu'on a dità tort stérile suscite

toute une série dedécouvertes de

chantiers jusqu'alorspeu prospectés.

* Les "lieux de mémoire " que Piere Nora a entrepris de recenser dans un ample ouvrage collectif,nous introduit directment à ce chantier.

crédibilité — il n'en ba pas moinsl'estrade avec assurance, pour quelquestemps.

Cela ne facilite guère lê nécessairetravail de rattrapage, ou deréapprivoisement, dans le publiccependant très désireux de découvrir,d'une image altérée tant par la perte dela mémoire collective que par le recul desconnaissances. Il serait très dommageableque le bicentenaire voie s'ouvrir ainsiles branches des ciseaux, entre unerecherche historique active et ouverte,et un discours véhiculé par les médias surles thèmes les plus rebattus d'unetradition très largementcontre-révolutionnaire, naturalisantPimage d'une Révolution exclusivementvue à travers ses aspects sanglants etdestructeurs.

Reste que dans cette situation ouverte,les raisons d'espérer ne manquent pas. LaRévolution n'est pas "terminée" ellereste bien l'un des tests discriminants lesplus fortement marqués dans l'imaginairecollectif des français. Hors de France, ellesuscite une remarquable convergenced'intérêts, une sympathie collective quis'étonne souvent des états d'âmes desfrançais eux-mêmes. On peut espérer quecette convergence de demandes,nationales, provinciales et Internationalestrouvera son écho en 1989 dans la tenuedu Congrès Mondial prévu sur "L'imagede la Révolution Française". Il est en touscas de la responsabilité des historiens dese montrer, comme on disait sous laRévolution, à la hauteur descirconstances. C'est un rendez-voushistorique à ne pas manquer.