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Document 1 de 1 JurisClasseur Administratif Cote : 01,2011 Date de fraîcheur : 06 Novembre 2010 Fasc. 1090 : INSTRUCTION . - Règles générales Antoine Béal Premier conseiller au tribunal administratif de Cergy-Pontoise Professeur associé à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Points-clés 1. - L'instruction devant les juridictions administratives de droit commun a fait l'objet d'une récente codification (V. n° 1 à 3). Elle présente ainsi des caractères généraux (V. n° 4 à 21) qui différent largement de la procédure applicable devant les juridictions judiciaires. 2. - La présentation de la requête qu'elle soit individuelle ou collective, obéît à des règles précises (V. n° 22 et 23). 3. - La mise en oeuvre de l'instruction est normalement obligatoire (V. n° 25 à 27), mais elle peut connaître un certain nombre de cas de dispense (V. n° 28 à 36). 4. - L'analyse du traitement des irrecevabilités (V. n° 37 à 91) conduit à distinguer les irrecevabilités insusceptibles d'être couvertes en cours d'instance (V. n° 38 à 62), celles qui ne sont opposables qu'après une demande de régularisation et donc susceptibles d'être couvertes en cours d'instance (V. n° 63 à 77), puis examiner les procédures de régularisation (V. n° 78 à 81) et les conséquences du non-respect de ces procédures (V. n° 82 à 91). 5. - L'instruction implique une série d'opérations matérielles (V. n° 92 à 192). Le déroulement général (V. n° 93 à 132) pose la question des modalités concrètes de la communication (V. n° 99 à 110), des documents à communiquer (V. n° 111 à 119) et du délai de production (V. n° 120 à 132). 6. - Différentes procédures permettent à la juridiction d'obliger une partie à produire (V. n° 133 à 148) : la mise en demeure (V. n° 134 à 139), l'acquiescement aux faits (V. n° 140 à 151) et, enfin, certaines requêtes impliquent des interventions particulières de la part du juge instructeur : demande de production de documents supplémentaires (V. n° 152 à 163), demande de communication des motifs de la décision attaquée (V. n° 164 à 167), mise en cause (V. n° 168 à 170) et enfin obligation de soulever un moyen d'ordre public (V. n° 171 à 197). 7. - Une fois l'instruction achevée, le juge peut clore l'instruction (V. n° 198 à 212) ce qui a certains effets (V. n° 213 à 226). Il peut parfois la rouvrir (V. n° 220 à 226), notamment suite à une note en délibéré (V. n° 227 à 236). 8. - Certains contentieux soumettent le juge à un certain délai pour statuer (V. n° 237 à 256) avec parfois une sanction de dessaisissement en cas de dépassement (V. n° 244 à 251). Dans certains cas de figure, le juge doit suspendre l'instruction pour poser une question préjudicielle (V. n° 258 à 268) ou une question de droit nouvelle au Conseil d'État (V. n° 269 à 273) ou suite au décès du requérant (V. n° 274 à 279), à la saisine du Tribunal des conflits (V. n° 280 à 283) ou du Conseil constitutionnel (V. n° 284 à Page 1

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JurisClasseur Administratif

Cote : 01,2011

Date de fraîcheur : 06 Novembre 2010

Fasc. 1090 : INSTRUCTION . - Règles générales

Antoine Béal

Premier conseiller au tribunal administratif de Cergy-Pontoise

Professeur associé à l'université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Points-clés

1. - L'instruction devant les juridictions administratives de droit commun a fait l'objet d'une récentecodification (V. n° 1 à 3). Elle présente ainsi des caractères généraux (V. n° 4 à 21) qui différentlargement de la procédure applicable devant les juridictions judiciaires.

2. - La présentation de la requête qu'elle soit individuelle ou collective, obéît à des règles précises (V. n° 22et 23).

3. - La mise en oeuvre de l'instruction est normalement obligatoire (V. n° 25 à 27), mais elle peut connaîtreun certain nombre de cas de dispense (V. n° 28 à 36).

4. - L'analyse du traitement des irrecevabilités (V. n° 37 à 91) conduit à distinguer les irrecevabilitésinsusceptibles d'être couvertes en cours d'instance (V. n° 38 à 62), celles qui ne sont opposablesqu'après une demande de régularisation et donc susceptibles d'être couvertes en cours d'instance (V.n° 63 à 77), puis examiner les procédures de régularisation (V. n° 78 à 81) et les conséquences dunon-respect de ces procédures (V. n° 82 à 91).

5. - L'instruction implique une série d'opérations matérielles (V. n° 92 à 192). Le déroulement général (V.n° 93 à 132) pose la question des modalités concrètes de la communication (V. n° 99 à 110), desdocuments à communiquer (V. n° 111 à 119) et du délai de production (V. n° 120 à 132).

6. - Différentes procédures permettent à la juridiction d'obliger une partie à produire (V. n° 133 à 148) : lamise en demeure (V. n° 134 à 139), l'acquiescement aux faits (V. n° 140 à 151) et, enfin, certainesrequêtes impliquent des interventions particulières de la part du juge instructeur : demande deproduction de documents supplémentaires (V. n° 152 à 163), demande de communication des motifsde la décision attaquée (V. n° 164 à 167), mise en cause (V. n° 168 à 170) et enfin obligation de souleverun moyen d'ordre public (V. n° 171 à 197).

7. - Une fois l'instruction achevée, le juge peut clore l'instruction (V. n° 198 à 212) ce qui a certains effets(V. n° 213 à 226). Il peut parfois la rouvrir (V. n° 220 à 226), notamment suite à une note en délibéré(V. n° 227 à 236).

8. - Certains contentieux soumettent le juge à un certain délai pour statuer (V. n° 237 à 256) avec parfoisune sanction de dessaisissement en cas de dépassement (V. n° 244 à 251). Dans certains cas de figure, lejuge doit suspendre l'instruction pour poser une question préjudicielle (V. n° 258 à 268) ou unequestion de droit nouvelle au Conseil d'État (V. n° 269 à 273) ou suite au décès du requérant (V. n° 274à 279), à la saisine du Tribunal des conflits (V. n° 280 à 283) ou du Conseil constitutionnel (V. n° 284 à

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304) dans le cas d'une question prioritaire de constitutionnalité.9. - L'instruction peut enfin être abrégée en cas de connexité ou d'incompétence de la juridiction saisie (V.

n° 308 et 309). Elle peut être également interrompue suite à un des cinq incidents prévus par le Code dejustice administrative auquel il faut ajouter le non-lieu (V. n° 310).

Sommaire analytique

Introduction

I. - Caractères généraux de l'instruction

A. - Une procédure spécifique

B. - Une procédure inquisitoriale

C. - Une procédure écrite

1° Principe

2° Exceptions

D. - Une procédure contradictoire

1° Principe

a) Énoncé du principe

b) Sanctions de sa méconnaissance

2° Adaptation à l'urgence

a) Devant le juge de l'élection

b) Devant le juge des référés

c) Devant le juge des reconduites à la frontière

3° Exceptions au principe

E. - Une procédure peu onéreuse

F. - Procédure ordinaire et spéciale

II. - Présentation de la requête

A. - Dépôt de la requête

B. - Requêtes collectives

III. - Mise en oeuvre de l'instruction

A. - Principe d'une instruction

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B. - Cas de dispense d'instruction

1° Principe

2° Champ d'application

3° Procédure de dispense d'instruction

4° Conditions de sa mise en oeuvre

a) Possibilité de recourir à une ordonnance

b) Garanties procédurales à respecter

c) Champ d'application

5° Cas des dispenses d'instruction des interventions volontaires

IV. - Traitement des irrecevabilités

A. - Irrecevabilités non susceptibles d'être couvertes en cours d'instance

1° Irrecevabilité tirée de la tardiveté de la demande

2° Irrecevabilité tirée du défaut de motivation

a) Principe

b) Champ d'application

c) Cas particulier du contentieux de la reconduite à la frontière

d) Conséquences d'une demande d'aide juridictionnelle sur l'obligation de motiver dans le délai de recourscontentieux

e) Modalités de la motivation (V. Fasc. 1085, Présentation des requêtes)

3° Irrecevabilités liées aux conclusions

a) Défaut de conclusions

b) Conclusions irrecevables

c) Irrecevabilité à raison de la nature ou de l'étendue des conclusions formulées

d) Conclusions de l'intervenant

4° Irrecevabilité liée à l'omission de la formalité de recours préalable obligatoire

a) Recours facultatif et obligatoire

b) Champ d'une telle obligation

c) Conséquence d'une telle obligation

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d) Exception au principe : saisine du juge du référé suspension

e) Conséquences de l'absence de mention de cette obligation

f) Cas des tiers

5° Irrecevabilité liée à l'absence de litige susceptible d'être soumis au juge

6° Irrecevabilité liée à une procédure concomitante

B. - Irrecevabilités qui ne pourront être opposées qu'après invitation du demandeur à régulariser sa demande

1° Défaut de droit de timbre

2° Acte de saisine non rédigé en français

3° Défaut de production de la décision attaquée

4° Défaut de production de copies de la requête et des pièces en nombre prescrit

a) Question des copies de la requête

b) Question des pièces de la requête

5° Défaut de ministère d'avocat

6° Défaut de signature de la requête par son auteur

7° Défaut de qualité de la personne physique pour représenter la personne morale auteur de la requête

8° Défaut d'élection de domicile du demandeur résidant à l'étranger

C. - Procédures de régularisation

D. - Traitement du dossier en l'absence de réponse à la demande de régularisation

E. - Conséquences de l'omission des procédures d'appel à régulariser

1° Irrégularité du jugement ayant opposé l'irrecevabilité

2° Irrecevabilité non opposée par les premiers juges : impossibilité de l'invoquer pour la première fois enappel

F. - "Traitement" des dossiers déjà instruits et affectés de telles irrecevabilités

G. - Traitement des irrecevabilités par ordonnance

1° Textes applicables

2° Garanties procédurales à respecter

3° Champ d'application

V. - Opérations matérielles de l'instruction

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A. - Déroulement général de l'instruction

1° Une instruction écrite

2° Une instruction contradictoire

3° Une instruction inquisitoriale

4° Une instruction soumise à des délais de production

B. - Modalités de mise en oeuvre de l'instruction

1° Modalités concrètes de communication

a) Règle générale

b) Dispositions particulières à la communication des mémoires et des pièces

c) Question des requêtes et mémoires en défense collectifs

d) Question de la communication aux mandataires

e) Question de la notification à l'État

f) Communication au demandeur

g) Communication au cocontractant de l'administration défendeur

2° Documents soumis à communication

a) Documents soumis à communication

b) Documents non soumis à communication

c) Procédures contentieuses soumises à des règles particulières en matière de communication

3° Fixation du délai de production des mémoires

a) Principe d'un délai de production

b) Modalités de calcul du délai de réponse

c) Caractère suffisant de ce délai dans le contentieux de droit commun

d) Caractère suffisant de ce délai dans les contentieux devant être jugés en urgence

e) Méconnaissance du délai

C. - Procédures permettant d'obliger une partie à produire

1° Mise en demeure du demandeur de produire le mémoire complémentaire

2° Mise en demeure du défendeur de produire des observations

a) Procédure à respecter

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b) Calcul du délai

c) Conséquence de l'échec de la mise en demeure

3° Acquiescement aux faits

a) Recours à la procédure

b) Champ d'application

c) Procédure à respecter pour pouvoir la mettre en oeuvre

d) Conséquence devant l'instance en cours

e) Cas où il peut être appliqué

f) Conséquence devant l'instance d'appel

g) Cas non prévu par le Code de justice administrative

D. - Interventions particulières du juge

1° Demande de production de documents supplémentaires à la demande du juge

a) Principe

b) Procédure à respecter

c) Champ d'application de cette obligation

d) Cas du secret médical et du secret fiscal

e) Limites à ce pouvoir

2° À la demande des parties

3° Demande d'information sur les motifs de l'acte : jurisprudence "Barel"

a) Principe

b) Champ d'application

c) Conséquences

4° Mises en cause

E. - Information des parties sur le moyen relevé d'office susceptible de fonder la solution

1° Portée du principe posé

2° Procédures juridictionnelles relevant du champ d'application de l'obligation d'information préalable

a) Procédures juridictionnelles entrant dans le champ

b) Procédures échappant à cette obligation d'information préalable

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3° Obligations procédurales à respecter sous peine d'irrégularité du jugement

a) Communication du moyen

b) Lettre de communication

c) Délai pour produire des observations

d) Possibilité de soulever un moyen d'ordre public alors que l'affaire a été audiencée

4° Parties à mettre en cause

a) Question des mandataires

b) Question de la partie bénéficiaire du moyen

5° Limites à l'obligation d'information

a) Cas de figure où l'obligation est écartée

b) Cas de figure où l'obligation est maintenue

6° Contrôle du respect de l'obligation d'information par le juge d'appel ou de cassation

a) Principe

b) Question du caractère d'ordre public d'un tel manquement

c) Office spécifique du juge d'appel

d) Office spécifique du juge de cassation

VI. - Clôture des mesures générales d'instruction

A. - Différentes procédures de clôture de l'instruction

1° Procédure de droit commun devant les tribunaux et devant les cours : dispositions des deux premiersalinéas de l'article R. 613-1

2° Procédures dérogatoires devant les tribunaux et devant les cours

a) La convocation à l'audience vaut clôture de l'instruction : dispositions de l'article R. 613-2

b) Défaut de mémoire en défense

c) Dispositions de l'article R. 611-1-1

3° Procédures d'urgence

a) Référés d'urgence

b) Contentieux de la reconduite à la frontière

c) Urgence sur l'ensemble de l'instruction : dispositions de l'article R. 611-11

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4° Procédure de clôture devant le Conseil d'État

5° Personnes destinataires

a) Parties à qui l'ordonnance n'a pas été notifiée

b) Intervenants

B. - Effets attachés à la clôture de l'instruction hors note en délibéré

1° Computation du délai de clôture

2° Principe : non-obligation de communication en cas de production de mémoire postérieurement à la clôture

3° Sur la capitalisation des intérêts

4° Sur la prescription quadriennale

5° Sur les tiers

6° Procédure à suivre : obligation de viser les mémoires

a) Principe : obligation de viser

b) Exceptions

C. - Réouverture de l'instruction

1° Procédure de réouverture

2° Conditions de la réouverture

a) Réouverture obligatoire

b) Réouverture facultative

3° Effets de la réouverture

D. - Note en délibéré

1° Historique

2° Procédure à respecter

a) Devant le juge de droit commun

b) Devant le juge des référés

c) Devant le juge de la reconduite à la frontière

3° Office du juge

a) Juge de droit commun

b) Juge des référés

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c) Devant le juge de la reconduite à la frontière

4° Étendue du contrôle sur le respect de ces dispositions

VII. - Organisation de l'instruction dans le temps

A. - Contentieux soumis à un délai pour statuer

1° Urgence à statuer sans dessaisissement

a) Dispositions prévues par le Code de justice administrative

b) Dispositions prévues par d'autres textes ou codes

2° Urgence à statuer avec dessaisissement

a) Champ d'application : articles R. 114 et R. 120 du Code électoral

b) Computation du délai

c) Conséquences du non-respect du délai prescrit : dessaisissement du tribunal

d) Procédure à suivre par le tribunal en cas de dessaisissement

e) Procédure devant le Conseil d'État

3° Urgence à statuer avec rejet implicite de la demande

a) Référé fiscal

b) En matière de contravention de grande voirie

c) En matière d'enregistrement de candidature aux élections législatives

d) Mesures d'assignation à résidence ou d'interdiction de séjour pris en application de la loi du 3 avril 1955sur l'état d'urgence

B. - Suspension de l'instruction

1° Questions préjudicielles

a) Principe

b) Juridictions pouvant être saisies

c) Procédure à respecter par le requérant

d) Procédure à respecter par le juge

e) Autorité de la chose jugée par la juridiction saisie

f) Cas de figure où le juge administratif a retenu l'existence d'une question préjudicielle devant le jugejudiciaire

g) Cas de figure où le juge administratif a retenu l'existence d'une question préjudicielle devant la Cour de

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justice des communautés européennes

h) Cas de figure où le juge administratif n'a pas retenu l'existence d'une question préjudicielle

2° Dispositions de l'article L. 113-1 : question de droit nouvelle

3° Décès du requérant

a) Généralités

b) Reprise d'instance

4° Saisine du Tribunal des conflits

a) Saisine obligatoire : article R. 771-1 du Code de justice administrative

b) Saisine facultative : article R. 771-2 du Code de justice administrative

c) Conséquence de la saisine

5° Saisine du Conseil constitutionnel : question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

a) Procédure devant les tribunaux et cours administratives d'appel

b) Procédure devant le Conseil d'État en cas de transmission d'une cour ou d'un tribunal

c) Procédure directe devant le Conseil d'État

6° Hypothèses particulières

a) En contentieux électoral

b) Mise en oeuvre de la prescription quadriennale

C. - Hypothèses d'instruction abrégée devant la juridiction

1° En cas d'incompétence ou de connexité

2° En cas d'incidents

Bibliographie

Introduction

1. - La procédure contentieuse a pour but essentiel d'assurer une bonne justice et elle peut à ce titre revendiquer sa placeparmi les disciplines juridiques. À côté des règles de pure forme, qui sont d'ailleurs nécessaires à l'Administration de lajustice, elle comporte des règles de fond (droits d'action, de défense, ...) qui ont une importance capitale.

Pendant la plus grande partie du XIXe siècle, la procédure contentieuse administrative a présenté les plus graveslacunes, du moins devant les conseils de préfecture auxquels ont succédé les tribunaux administratifs. En effet, si leConseil d'État avait pu, en application de l'article 14 du décret du 22 juillet 1806, élaborer une procédure autonomelargement dégagée des règles de la procédure civile, il s'était montré plus réservé en ce qui concerne les conseils depréfecture qui étaient soumis à des règles plus ou moins flottantes et souvent inspirées du Code de procédure civile.

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2. - Il fallut attendre le décret du 12 juillet 1865 et surtout la loi fondamentale du 22 juillet 1889 pour que cesjuridictions fussent pourvues d'un véritable code de procédure, qui marque l'autonomie définitive de la procédurecontentieuse administrative (CE, 13 mars 1925, Desreumeaux : Rec. CE 1925, p. 262 ; S. 1927, 3, p. 143). Depuis lors,les références au Code de procédure civile ont disparu des arrêts du Conseil d'État sanctionnant les règles à suivredevant les tribunaux administratifs.

3. - Enfin, la codification de l'ensemble des textes relatifs aux juridictions administratives de droit commun sous formed'un Code de justice administrative effectuée par l'ordonnance n° 2000-387 du 4 mai 2000 (Journal Officiel 7 Mai2000), entrée en vigueur au 1er janvier 2001, constitue la plus récente, mais aussi la plus importante évolution qu'aitconnue l'instruction devant la juridiction administrative de droit commun. Il convient désormais de s'y référer. Il fautnoter que cette partie du Code de justice administrative est entièrement d'origine réglementaire et ne comporte aucunedisposition de nature législative hormis les dispositions du titre préliminaire qui pose dans son article L. 5 le principeselon lequel "L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles del'urgence".

I. - Caractères généraux de l'instruction

4. - La procédure applicable devant les juridictions administratives de droit commun présente des caractèresfondamentaux qui opposent la procédure administrative en général à la procédure civile.

Sans s'attacher à montrer ici en quoi cette procédure est simple - le déroulement des phrases de la procédure le révélera -il importe surtout, avant d'entrer dans l'analyse des règles de ladite procédure, de souligner rapidement ses caractèresfondamentaux, car ils servent de base à l'application et à l'interprétation des dispositions tant jurisprudentielles quelégislatives et réglementaires qui sont applicables en la matière. Il faut noter que le Code de justice administrativecomporte un titre préliminaire avec onze articles rappelant les traits fondamentaux de la procédure administrativecontentieuse et donc ceux de l'instruction (CJA, art. L. 5).

A. - Une procédure spécifique

5. - Le Code de justice administrative consacre un livre spécifique à cette question : le livre VI intitulé "Del'instruction". De ce fait, les dispositions procédurales applicables devant le juge judiciaire ne peuvent recevoirapplication.

Ainsi, les dispositions de l'article 706-12 du Code de procédure pénale, qui font obligation à la victime d'une infractionou ses ayants droit engageant une action contre les personnes responsables du dommage d'indiquer s'ils ont saisi lacommission d'indemnisation instituée par l'article 706-4 du même code et si celle-ci leur a accordé une indemnité, àpeine de nullité du jugement, ne sont pas applicables devant le juge administratif (CE, 17 déc. 2007, n° 271482, CneAngles : JurisData n° 2007-072870 ; Rec. CE 2007, tables, p. 1017) ; de même, les dispositions de l'article 117 du Codecivil relatif à la présence du ministère public dans une instance relative au versement, entre les mains de l'administrateurde ses biens, d'une pension de réversion d'une personne en état de présomption d'absence (CE, 16 déc. 1998, n° 161115,Martin : JurisData n° 1998-051116 ; Rec. CE 1998, p. 488).

6. - Certes, il se peut encore que la juridiction administrative ait recouru à des règles de procédure civile (concl.Chardeau ss CE, 2 mars 1956, Cie frse automobiles de place : D. 1956, jurispr. p. 268), mais ce n'est qu'à titre tout àfait exceptionnel, le plus souvent d'ailleurs en vertu de dispositions formelles du Code de justice administrative, car cesrègles ne sont pas, par elles-mêmes, applicables en procédure administrative (CE, 6 juill. 1938, Gomma : Rec. CE 1938,p. 632. - CE, 22 mars 1957, X : S. 1957, p. 433, note Blanchier). Dans ces hypothèses mêmes, il n'est fait appel à desdispositions du Code de procédure civile qu'en tant qu'elles traduisent des principes généraux de procédure et le Conseild'État ne manque pas au surplus de leur donner au besoin une physionomie propre, adaptée aux caractères généraux dela procédure administrative (note F.R., § 3, ss CE, 6 févr. 1931 : S. 1931, 3, p. 49. - note II, B, ss Cons. préf. Rennes,4 juill. 1953 : D. 1953, jurispr. p. 528).

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B. - Une procédure inquisitoriale

7. - C'est une procédure du type inquisitorial car elle est dirigée par le juge au lieu de l'être par les mandataires desparties comme en procédure civile qui est au contraire du type accusatoire. En effet les dispositions de l'articleR. 611-10 applicable aux tribunaux administratifs disposent que : "Sous l'autorité du président de la formation dejugement à laquelle il appartient, le rapporteur fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé auxparties pour produire leurs mémoires. Il peut demander aux parties, pour être jointes à la procédure contradictoire,toutes pièces ou tous documents utiles à la solution du litige", et celles de l'article R. 611-17, applicables aux coursadministratives d'appel que : "Le rapporteur règle, sous l'autorité du président de la chambre, la communication de larequête. Il fixe, eu égard aux circonstances de l'affaire, le délai accordé aux parties pour produire leurs mémoires. Ilpeut demander aux parties, pour être joints à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à lasolution du litige". Le juge intervient donc dans tous les incidents de l'instance et, à l'expérience, ce système s'est montrésatisfaisant grâce à l'impartialité du juge.

C. - Une procédure écrite

1° Principe

8. - C'est une procédure écrite, tandis que la procédure civile est essentiellement orale. Toutes les conclusions desparties et même leurs moyens doivent faire l'objet de mémoires (CJA, art. R. 611-1). Le juge ne peut statuer que surpièces. Cette pratique, qui a d'abord été discutée, a prouvé sa supériorité incontestable.

2° Exceptions

9. - La jurisprudence, puis le Code de justice administrative ont toutefois admis la possibilité de présenter desconclusions ou des moyens nouveaux par oral lors des observations échangées pendant les audiences relatives aujugement des affaires de reconduite à la frontière des étrangers en situation irrégulière (CJA, art. R. 776-13) et àl'examen des référés d'urgence.

D. - Une procédure contradictoire

1° Principe

a) Énoncé du principe

10. - Ce principe est posé de la manière la plus solennelle par l'article L. 5 issu du titre préliminaire du code. Cetarticle dispose en effet que : "L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sontadaptées à celles de l'urgence". Il est mis en pratique par les dispositions de l'article R. 611-1 qui prévoit que : "Larequête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. Larequête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sontcommuniqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 etR. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux".

11. - Ainsi, il appartient au juge administratif, agissant en vertu des pouvoirs d'instruction qui lui sont conférés enla matière par le Code de justice administrative d'assurer la communication des mémoires et autres pièces de laprocédure dans le respect du principe du contradictoire. Ni les dispositions de l'article R. 611-1 dudit code,exemptant de l'obligation de communication les répliques et autres pièces dépourvues d'éléments nouveaux, nicelles de l'article R. 611-3 du même code, relatives au mode de communication des mémoires et pièces, n'ont pourobjet et ne pourraient avoir légalement pour effet de dispenser le juge de s'assurer par tous moyens du respect duprincipe général du contradictoire (CE, 29 juill. 1998, n° 188715, Synd. avocats France et a. : JurisDatan° 1998-051023 ; Rec. CE 1998, p. 313).

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Après avoir cassé l'arrêt attaqué, le Conseil d'État renvoie l'affaire pour assurer le respect du principe ducontradictoire, un moyen d'appel ayant été présenté pour la première fois devant lui (sol. impl., CE, 9 févr. 2000,n° 189945, SARL construction De Giorgi : JurisData n° 2000-060237 ; Rec. CE 2000, p. 49).

b) Sanctions de sa méconnaissance

12. - Si une juridiction a méconnu le principe du contradictoire, son jugement doit être annulé pour irrégularité dela procédure. Citons parmi de très nombreux exemples :

- le cas où un premier mémoire en défense adressé par télécopie parvenue au greffe de la juridictionavant la clôture de l'instruction, a été confirmé par courrier postérieurement à la clôture de celle-ci.Dans ce cas, il doit être de ce fait regardé comme produit régulièrement. Il appartient, dès lors, à lajuridiction de le communiquer au requérant, faute de méconnaître les exigences qui découlent desdispositions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative (CE, 3 avr. 2002, n° 220086,Peschard et a. : JurisData n° 2002-063859 ; Rec. CE 2002, tables, p. 879) ;

- le cas où le conseil d'une partie qui justifie n'avoir pas reçu le mémoire contenant une fin denon-recevoir opposée à ses conclusions, est présent à l'audience au cours de laquelle il apprend, parle magistrat rapporteur, l'existence du nouveau mémoire et, par le rapporteur public, la teneur de lafin de non-recevoir qui lui est opposée, s'abstient de réagir en produisant une note en délibéré, unetelle abstention ne saurait priver la partie de son droit au respect de la procédure contradictoire tellequ'elle est garantie par l'article L. 5 du Code de justice administrative et organisée par lesdispositions de l'article R. 611-1 et suivants du même code qui imposent à la juridictionadministrative de veiller à la communication des mémoires mentionnés par ces dispositions (CAADouai, 3 août 2006, n° 05DA01434, GAEC Barbet : JurisData n° 2006-311192 ; Rec. CE 2006,tables, p. 1022).

2° Adaptation à l'urgence

a) Devant le juge de l'élection

13. - Les dispositions de l'article R. 12 du Code électoral, qui permettent au préfet de déférer au tribunaladministratif, dans les deux jours, les opérations de la commission administrative chargée de la révision annuelledes listes électorales, le tribunal administratif statuant dans les trois jours, ne sauraient conduire le juge àméconnaître celles des articles R. 611-1 et R. 711-2 du Code de justice administrative qui ont pour objet d'assurer lerespect du caractère contradictoire de l'instruction dont, conformément au principe rappelé à l'article L. 5 du mêmecode, l'urgence peut permettre d'aménager les modalités de mise en oeuvre mais dont elle ne saurait écarterl'application. Annulation du jugement, le tribunal administratif n'ayant pas communiqué le déféré du préfet aumaire et n'ayant pas averti ce dernier du jour auquel l'affaire serait appelée à l'audience (CE, sect., 13 déc. 2002,n° 242598, maire Saint-Jean-d'Eyraud : JurisData n° 2002-064686 ; Rec. CE 2002, p. 459).

b) Devant le juge des référés

14. - L'observation du délai de quarante-huit heures mentionné au 5e alinéa de l'article L. 2131-6 du Code généraldes collectivités territoriales doit être conciliée avec le respect du principe du caractère contradictoire de laprocédure. Il suit de là que la communication du déféré préfectoral que le président du tribunal administratif ou lemagistrat délégué par lui donne à l'auteur de l'acte attaqué pour le mettre à même de présenter ses observations doitêtre assortie de l'indication du délai, compatible avec les dispositions susmentionnées et appropriées aux donnéesde l'espèce, qu'il lui impartit à cet effet et que ce n'est qu'à l'expiration de ce délai qu'il peut, nonobstant l'absence detelles observations, régulièrement statuer (CE, 13 juill. 1999, n° 210348, Cne Monétier-les-Bains : Rec. CE 1999,p. 246).

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Eu égard au délai imparti au juge des référés, saisi en application de l'article L. 521-2 du Code de justiceadministrative, pour statuer, la circonstance qu'un mémoire en défense soit parvenu, d'une part, au tribunal sousforme de télécopie et, d'autre part, au début de l'audience publique à laquelle étaient représentés tant le requérantauquel le mémoire a été communiqué sur le champ, que le défendeur, n'est pas, quel qu'ait été le délai imparti par lejuge au défendeur pour produire, de nature à porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure suivie devantle juge des référés (CE, 22 mars 2001, n° 231463, Cne Éragny-sur-Oise : JurisData n° 2001-062573 ; Rec. CE2001, tables, p. 1137).

c) Devant le juge des reconduites à la frontière

15. - Méconnaît le principe du contradictoire un jugement qui, pour annuler un arrêté de reconduite à la frontière,se fonde sur des pièces produites par le requérant lors de l'audience à l'appui d'allégations nouvelles et rédigées enlangue portugaise, dès lors que, si ces pièces ont été montrées au représentant du préfet, celui-ci, qui n'avait pas deconnaissance de la langue portugaise, n'a été d'aucune façon mis en mesure d'en apprécier la portée (CE, 24 sept.1999, n° 201968, préfet Indre-et-Loire : JurisData n° 1999-051009 ; Rec. CE 1999, tables, p. 953).

3° Exceptions au principe

16. - Elles sont assez nombreuses et diverses :

- en cas de non-communication d'un mémoire ne contenant aucun moyen ou aucun élément nouveau : siles dispositions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative sont destinées à garantir lecaractère contradictoire de l'instruction et si la méconnaissance de l'obligation de communiquer lepremier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il enva autrement dans le cas où ce mémoire ne contient aucun moyen (CE, 14 mars 2001, n° 204073, CtsBureau et a. : JurisData n° 2001-062462 ; Rec. CE 2001, tables, p. 1137) ou quand cetteméconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties (CE, 7 juill. 2004, n° 256398, Communautéagglomération Val-de-Garonne : JurisData n° 2004-067143 ; Rec. CE 2004, tables, p. 831) ou quandle mémoire en défense produit devant le Conseil d'État statuant comme juge de cassation n'apporteaucun élément nouveau par rapport à ceux qui figuraient déjà dans les écritures de première instanceet d'appel (CE, 24 oct. 2005, n° 259807, Guigue et Féd. synd. généraux éduc. nat. et recherchepublique [SGEN-CFDT] : JurisData n° 2005-069119 ; Rec. CE 2005, tables, p. 1042) ;

- quand le juge ne s'est pas fondé pour prendre sa décision sur un des éléments non soumis au principedu contradictoire : dès lors qu'il ressort de l'examen du jugement que le tribunal administratif ne s'estpas fondé, pour prendre sa décision, sur des éléments dont M. C. n'aurait pas eu connaissance, lemoyen tiré de ce que le caractère contradictoire de la procédure n'aurait pas été respecté doit, en toutétat de cause, être écarté (CE, 22 mai 1996, n° 135746, Colosiez : JurisData n° 1996-050800 ; Rec.CE 1996, tables, p. 1094) ;

- les conclusions du rapporteur public : l'exercice de la fonction de rapporteur public n'étant passoumise intégralement au principe du contradictoire applicable à l'instruction, ses conclusions, quipeuvent d'ailleurs ne pas être écrites, n'ont, pas plus que la note du rapporteur ou le projet de décision,à faire l'objet d'une communication aux parties (CE, 29 juill. 1998, n° 179635, 180208, Esclatine :Rec. CE 1998, p. 320, concl. D. Chauvaux ; JCP G 1998, I, 176, obs. Bonichot et Abraham ; AJDA1999, p. 69, note Rolin ; GACA, n° 60, note Bonichot). Il faut noter que depuis cette jurisprudence lesparties doivent être en mesure de connaître le sens des conclusions (CJA, art. R. 711-2 et R. 711-3) ;

- un arrêté de délégation non communiqué : un jugement n'a pas méconnu le principe du contradictoirede la procédure en se fondant sur l'existence d'un arrêté de délégation de signature sans en ordonnerpréalablement la production au dossier eu égard au caractère réglementaire de cet arrêté et au fait qu'ilavait été régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture (CE, 26 sept. 2001,n° 206386, Ferjani : JurisData n° 2001-062925 ; Rec. CE 2001, tables, p. 1137) ;

- dans le contentieux électoral : Il résulte des dispositions combinées de l'article R. 773-1 du Code de

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justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du Code électoral que, par dérogation auxprescriptions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative, le tribunal administratif n'est pastenu d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dont l'électionest contestée à l'auteur de la protestation dirigée contre cette élection. Il en découle que la circonstanceque l'auteur de la protestation n'aurait pas été en mesure de répondre au mémoire en défense qui lui aété, en fait, communiqué n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure à l'issue de laquellele jugement a été rendu (CE, 11 févr. 2002, n° 235093, Élect. mun. Brasles : JurisDatan° 2002-063596 ; Rec. CE 2002, tables, p. 753) ;

- en ce qui concerne la phase administrative de la demande d'aide à l'exécution : la règle du caractèrecontradictoire de l'instruction ne commençant qu'avec la phase juridictionnelle de la procédureengagée, sur le fondement des dispositions des articles R. 921-5 et R. 921-6 du Code de justiceadministrative, par le président de la cour administrative d'appel en vue de prescrire des mesuresd'exécution, la circonstance que la demande d'exécution présentée par une partie n'a pas étécommuniquée à l'autre lors de la saisine du président de la cour administrative d'appel ne constitue pasune méconnaissance de la règle du caractère contradictoire de l'instruction, dès lors que, à la date àlaquelle il a été saisi, le président n'avait, par hypothèse, pas encore pris l'ordonnance ouvrant la phasejuridictionnelle de la procédure (CE, 27 sept. 2002, n° 217012, Cne Solers : JurisDatan° 2002-064664 ; Rec. CE 2002, tables, p. 888) ;

- en ce qui concerne le secret médical ou fiscal (V. infra n° 115 et 157 s.). Ainsi, si le caractèrecontradictoire de la procédure fait obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse être rendue surla base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairementautrement, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, lorsque, comme en l'espèce, l'acte attaquén'est pas publié en application de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Si un tel défaut depublication interdit la communication de l'acte litigieux aux parties autres que celle qui le détient, dèslors qu'une telle communication priverait d'effet la dispense de publication de l'acte attaqué, il ne peut,en revanche, empêcher sa communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettantd'apprécier le bien-fondé d'un moyen (CE, 31 juill. 2009, n° 320196, Assoc. Aides : JurisDatan° 2009-006582).

E. - Une procédure peu onéreuse

17. - C'est une procédure peu onéreuse : sa mise en oeuvre est désormais à nouveau gratuite depuis la suppression dudroit de timbre d'un montant de15 euros par l'ordonnance n° 2003-1325 du 22 décembre 2003 ; elle n'est assortied'aucun frais de justice hormis les éventuels dépens mis à la charge de la partie perdante.

Les parties ne sont obligées de recourir au ministère d'un avocat qu'en certains domaines du contentieux ; par ailleurs,elles peuvent obtenir le bénéfice de l'aide juridictionnelle (V. Fasc. 1088).

En outre, elles peuvent, le cas échéant, obtenir la condamnation de la partie adverse à leur payer une partie des sommesqu'elles ont exposées pour les besoins du procès (CJA, art. L. 761-1. - V. Fasc. 1102).

F. - Procédure ordinaire et spéciale

18. - Il importe de distinguer la procédure ordinaire, qui s'applique chaque fois qu'une loi particulière n'en a pasautrement disposé, et les procédures spéciales, établies dans des matières déterminées (exemple : contraventions degrande voirie, V. Fasc. 1170), contentieux des arrêtés préfectoraux de reconduite d'étrangers à la frontière (CJA, art.R. 776-1 et s.) ou aux référés (CJA, art. R. 522-1 et s.).

D'ailleurs, ces procédures spéciales ne modifient pas l'ensemble de la procédure ordinaire, mais seulement les règlesrelatives à l'introduction des instances et aux communications : elles laissent en général subsister celles qui ont trait à la

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manière dont les jugements sont rendus.

19. - Les règles de la procédure ordinaire ont été fixées par la loi fondamentale du 22 juillet 1889, qui a été complétéepar des textes divers. Ce texte est désormais codifié au livre VI du Code de justice administrative.

Elles s'appliquent de plein droit à toutes les instances portées devant le tribunal administratif, alors même que les textesparticuliers lui attribuant compétence sur une matière déterminée ne prévoient aucune disposition à cet égard.Précisément, il n'est dérogé à cette procédure ordinaire que dans les cas et selon la mesure où des textes de cette natureédictent des dispositions spéciales sur un ou plusieurs points de la procédure.

20. - Dans ces conditions, il convient de maintenir la distinction entre la procédure ordinaire expressément retenue parle code dans le titre premier du livre VI et les procédures spéciales. En effet, il n'est apporté aucune modification auxarticles de la loi du 22 juillet 1889 qui en posaient le principe, notamment les articles 10 et 11. Au surplus, le codedispose qu'il n'est pas dérogé aux textes qui ont institué des délais spéciaux de recours (CJA, art. R. 421-4) et prévoitexpressément le maintien en vigueur des dispositions législatives spéciales existant en matière d'élections municipales etcantonales d'une part (CJA, art. R. 773-1. - V. Fasc. 1132) et d'édifices menaçant ruine d'autre part (CJA, art. R. 775-1. -V. Fasc. 1108).

21. - Le présent fascicule a pour objet une présentation générale de la procédure ordinaire d'instruction. Certains despoints qui y sont abordés sont plus particulièrement développés dans les Fascicules consacrés au contentieux del'annulation (V. Fasc. 1140) au contentieux de la responsabilité de la puissance publique (V. Fasc. 1122), au contentieuxde la répression (V. Fasc. 1170) à l'expertise et aux autres mesures d'instruction (V. Fasc. 1092).

II. - Présentation de la requête

A. - Dépôt de la requête

22. - Les dispositions du Code de justice administrative prévoient que celle-ci ainsi que les pièces produites par lesparties "sont déposées ou adressées au greffe" (CJA, art. R. 611-1).

À cet effet, les greffes des tribunaux, des cours et du Conseil d'État sont ouverts au public à des horaires fixes afin depermettre aux justiciables de déposer leur requête.

B. - Requêtes collectives

23. - Le Code de justice administrative comporte des dispositions spécifiques pour les requêtes comportant plusieursrequérants, les requêtes collectives. Ainsi l'article R. 411-5 prévoit que : "Sauf si elle est signée par un mandatairerégulièrement constitué, la requête présentée par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi lessignataires, la désignation d'un représentant unique. À défaut, le premier dénommé est avisé par le greffe qu'il estconsidéré comme le représentant mentionné à l'alinéa précédent, sauf à provoquer, de la part des autres signataires quien informent la juridiction, la désignation d'un autre représentant unique choisi parmi eux".

De même, les dispositions de l'article R. 773-2 aux termes duquel : "Si les réclamants n'ont pas de mandataire ou dedéfenseur commun, l'avertissement du jour où leur requête sera portée en séance est adressé au premier dénommé dansla protestation" organisent une approche comparable de la protestation présentée en matière de contentieux desélections municipales et cantonales par des réclamants multiples.

Enfin, en matière de contentieux fiscal, les articles R. 197-1 à R. 197-3 du Livre des procédures fiscales posent unprincipe de requêtes distinctes. Toutefois, l'irrecevabilité à raison de la méconnaissance de ces dispositions ne peut êtreopposée que si les contribuables ont été invités à régulariser (CE, 11 oct. 1978, n° 8078, Y. c/ Administration fiscale :JurisData n° 1978-000349 ; Rec. CE 1978, p. 340).

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Pour plus d'information sur le contentieux lié à la présentation de la requête, on pourra se référer au Fascicule 1085.

III. - Mise en oeuvre de l'instruction

24. - Le tribunal administratif, comme toute juridiction, ne peut rendre un jugement que s'il est saisi d'une requête (CE,15 nov. 1889, Guigon : Rec. CE 1889, p. 1402) ayant fait l'objet d'une instruction : ce n'est là que l'application d'unerègle élémentaire de toute procédure contentieuse. Toutefois, toute demande présentée au juge ne nécessite pas d'êtreinstruite pour recevoir réponse. Il faut donc envisager d'abord le principe de l'instruction puis les cas où une dispensed'instruction est possible.

A. - Principe d'une instruction

25. - Immédiatement après l'enregistrement de la requête au greffe (CJA, art. R. 611-1), le président du tribunal (ou, àParis, le président de la section à laquelle cette requête a été transmise) désigne un rapporteur qui sera chargé de soninstruction sous l'autorité du président de la formation à laquelle il appartient (CJA, art. R. 611-9). Il existe desdispositions similaires pour les cours administratives d'appel (CJA, art. R. 611-16) et pour le Conseil d'État (CJA, art.R. 611-20).

Les mêmes dispositions précisent que le rapporteur désigné ne peut être dessaisi d'un dossier que sur sa demande etavec l'accord du président ou par décision du président de la juridiction.

L'instruction constitue une formalité essentielle de la procédure et son irrégularité entraîne la nullité du jugement rendu(CE, 25 janv. 1957, Raberanto et Synd. féd. fonctionnaires malgaches : Rec. CE 1957, p. 66). Serait nulle, saufhypothèse de la mise en oeuvre de la dispense d'instruction organisée par les dispositions de l'article R. 611-8 du Codede justice administrative, la décision juridictionnelle intervenue sur le fond sans instruction du dossier.

26. - Le juge administratif dirige seul l'instruction (CJA, art. R. 611-10, pour les tribunaux ; art. R. 611-17, pour lescours) ; de ce fait, il n'a aucune obligation, avant de se prononcer lui-même sur le litige dont il est saisi, d'attendrel'intervention d'une mesure d'instruction ordonnée par le juge judiciaire et n'est pas tenu de répondre aux conclusionstendant à ce que des instances soient jointes (V. Fasc. 1100) ou à ce qu'il soit sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapportd'expertise demandé par le juge judiciaire (CE, 27 nov. 1985, n° 42395, Sté parisienne matériaux enrobés : JurisDatan° 1985-605145 ; Dr. adm. 1986, comm. 52).

27. - L'appréciation portée par le juge d'appel sur l'utilité d'une mesure d'instruction complémentaire à celles mises enoeuvre échappe au contrôle du juge de cassation (CE, 14 janv. 1994, n° 125232, Lartigau et a.).

B. - Cas de dispense d'instruction

1° Principe

28. - Le Code de justice administrative prévoit en effet des cas de figure où une requête peut être dispenséed'instruction. Ce sont les dispositions de l'article R. 611-8 qui en fixent les règles : "Lorsqu'il apparaît au vu de larequête que la solution de l'affaire est d'ores et déjà certaine, le président du tribunal administratif ou le président dela formation de jugement ou, à la cour administrative d'appel, le président de la chambre ou, au Conseil d'État, leprésident de la sous-section peut décider qu'il n'y a pas lieu à instruction".

2° Champ d'application

29. - Le principe de dispense d'instruction d'une requête, posée par l'article R. 611-8 du code, peut s'appliquer àtoutes les requêtes introduites devant le juge administratif de droit commun.

Toutefois, devant le juge du référé administratif, la procédure est régie par les dispositions de l'article L. 522-3 et

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connue sous le terme de procédure de tri. De même, s'agissant de la procédure d'admission des pourvois en cassationdevant le Conseil d'État, ce sont les dispositions des articles R. 822-1 et suivants du code qui s'appliquent.

3° Procédure de dispense d'instruction

30. - Aucune disposition n'exige que la décision de dispense d'instruction prise par le président du tribunaladministratif en vertu de l'article R. 611-8 du code soit notifiée au requérant ; dès lors, l'absence de notification de ladécision de dispense d'instruction n'est pas de nature à entacher la procédure d'irrégularité (CE, 29 juill. 1983,n° 43140, Meallier : Rec. CE 1983, tables, p. 823).

L'acte par lequel il est fait application des dispositions de cet article constitue une mesure d'administration de lajustice qui n'est pas susceptible de faire l'objet d'un recours devant le juge d'appel ou de cassation. Ces dispositionsn'assortissent d'aucun formalisme l'usage, par les autorités qu'elles mentionnent, de la faculté qu'elles leur ouvrent detransmettre le dossier sans instruction au commissaire du gouvernement. Par suite, la circonstance que le présidentd'une formation de jugement a estimé utile de donner à sa décision de dispenser une requête d'instruction la formed'une ordonnance et de notifier celle-ci au demandeur ne saurait affecter la nature de cet acte ni ouvrir à son égardune voie de recours. Il s'ensuit qu'est en tout état de cause irrecevable la requête dirigée par un justiciable contre deuxordonnances décidant de dispenser d'instruction les requêtes qu'il avait introduites devant un tribunal administratif(CE, 14 déc. 2005, n° 285647, Der Agobian : JurisData n° 2005-069454 ; Rec. CE 2005, tables, p. 1041). De même,cette ordonnance ayant le caractère d'une mesure préparatoire à la décision juridictionnelle, sa régularité ne peut êtrecontestée qu'à l'occasion d'un recours dirigé contre cette décision juridictionnelle, et n'est, par suite, pas susceptiblede faire l'objet d'un recours (CE, 11 févr. 2005, n° 258801, Lamouissi : JurisData n° 2005-068008 ; Rec. CE 2005,tables, p. 1041).

Cette suppression de l'instruction n'agit pas sur la procédure du jugement, qui ne peut être rendu qu'aprèsconvocation des parties (CE, 11 mai 1977, n° 001687, Melki. - V. Fasc. 1100). Précisément, le tribunal pourra alorsdécider qu'il sera néanmoins procédé à l'instruction habituelle.

4° Conditions de sa mise en oeuvre

a) Possibilité de recourir à une ordonnance

31. - Il est possible de rejeter par ordonnance les requêtes pour lesquelles le principe d'une instruction n'a pas étéretenu.

En effet le Code de justice administrative donne compétence au président de la formation de jugement pour yprocéder. Il faut distinguer entre les tribunaux et cours administratives d'appel et le Conseil d'État.

32. - Devant ce dernier, ce sont les dispositions de l'article R. 122-12 qui prévoient que :

Les présidents de sous-sections peuvent, par ordonnance :

1° Donner acte des désistements ;

2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;

3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariserou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1ou la charge des dépens ;

6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présentent

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à juger en droit des questions identiques à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant aucontentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 ;

7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production dece mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables,des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien oune sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Ils peuvent, en outre, rejeter par ordonnance des conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle.

33. - Devant les tribunaux et cours administratives d'appel, ce sont les dispositions de l'article R. 222-1 quis'appliquent et qui prévoient que :

Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris etles présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance :

1° Donner acte des désistements ;

2° Rejeter les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative ;

3° Constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête ;

4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariserou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

5° Statuer sur les requêtes qui ne présentent plus à juger de questions autres que la condamnation prévue à l'article L. 761-1ou la charge des dépens ;

6° Statuer sur les requêtes relevant d'une série, qui, sans appeler de nouvelle appréciation ou qualification de faits, présententà juger en droit, pour la juridiction saisie, des questions identiques à celles qu'elle a déjà tranchées ensemble par une mêmedécision passée en force de chose jugée ou à celles tranchées ensemble par une même décision du Conseil d'État statuant aucontentieux ou examinées ensemble par un même avis rendu par le Conseil d'État en application de l'article L. 113-1 ;

7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production dece mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables,des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien oune sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé.

Les présidents des cours administratives d'appel et les présidents des formations de jugement des cours peuvent, en outre, parordonnance, rejeter les conclusions à fin de sursis à exécution d'une décision juridictionnelle frappée d'appel et les requêtesdirigées contre des ordonnances prises en application des 1° à 6° du présent article. Ils peuvent, de même, annuler uneordonnance prise en application des 1° à 5° du présent article à condition de régler l'affaire au fond par application de l'une deces dispositions.

Pour plus d'information sur l'application de ces dispositions, il faut se référer aux Fascicules 1026 et 1023.

b) Garanties procédurales à respecter

34. - L'ordonnance rendue par le président sur le fondement de ces dispositions n'intervenant pas au terme d'uneaudience, elle n'a pas à faire l'objet d'un prononcé en audience publique (CE, 29 déc. 1997, n° 138763, Féd. dptalechasseurs Saône-et-Loire).

Les dispositions de l'article R. 222-1 qui donnent dorénavant au président du tribunal administratif le pouvoir derejeter par ordonnance les requêtes ne relevant manifestement pas de la compétence des juridictions administrativesn'ont pas pour effet d'emporter jugement sur le fond de l'instance et, par suite, ne sont pas contraire aux dispositionsde l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentalesaux termes desquelles "toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement par un tribunal

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indépendant établi par la loi" (CAA Paris, 18 juill. 1996, n° 95PA03509, Naran : JurisData n° 1996-045608).

Si pour rejeter par voie d'ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 222-1 une requête n'ayant pas étédispensée d'instruction, le président de la formation de jugement se fonde sur un moyen qu'il relève d'office, il nepeut y procéder qu'après mise en oeuvre de la procédure d'information des parties organisée par les dispositions del'article R. 611-7. Le président ne peut en pareil cas fonder sa décision que sur des moyens soulevés par ledéfendeur ou sur des moyens d'ordre public qu'il peut soulever d'office (V. infra n° 167). Mais il peut égalementtenir compte dans son appréciation des éléments du dossier de l'instance en référé qui a, le cas échéant, précédé larequête (CE, 12 mars 1980, n° 12572, CH spécialisé Sarreguemines : Rec. CE 1980, p. 141. - CE, 6 mai 1985,n° 27089, Bouges : JurisData n° 1985-040695 ; Rec. CE 1985, tables, p. 544 ; Quot. jur. 11 févr. 1988, p. 3).

c) Champ d'application

35. - La dispense d'instruction ne peut être utilisée que pour prendre une décision insusceptible de porter préjudiceaux défendeurs (CE, sect., 5 avr. 1996, n° 116594, Synd. avocats France : JurisData n° 1996-050455 ; Rec. CE1996, p. 118 ; Gaz. Pal. 1996, 1, lettre jurispr. p. 316 ; JCP G 1997, II, 22817, note Breton) ; toutefois, pour un casrare où le juge a pu dispenser d'instruction un dossier dans lequel satisfaction sera donnée au demandeur sans que lejugement soit affecté d'irrégularité pour être intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire (la requêten'ayant pas été communiquée au défendeur. - CE, 8 mars 1996, n° 144318, CHG, Guy Thomas de Riom : JurisDatan° 1996-050297 ; Gaz. Pal. 1996, 2, lettre jurispr. p. 340).

Exemple

Solution certaine du litige autorisant le prononcé d'un jugement sans instruction du dossier, dans une hypothèse de solution aufond stricte reprise de nombreux précédents (en l'espèce non-cumul du supplément familial de traitement dans un ménage defonctionnaires, CE, 18 oct. 1995, n° 147347, Nicolas).

Aussi, l'Administration ne pouvant opposer pour la première fois en appel la prescription quadriennale de la créance invoquéepar le demandeur, la juridiction de premier ressort, lorsqu'elle se trouve saisie de conclusions indemnitaires susceptibles de sevoir opposer une telle prescription, doit-elle s'abstenir de rejeter la demande sans instruction du dossier ceci ayant pour effetde priver l'Administration de la possibilité de se prévaloir de la non-exigibilité de ladite créance (CE, 1er déc. 1982, n° 43771,min. Budget c/ Autret : Rec. CE 1982, tables, p. 569. - sur l'impossibilité de dispenser d'instruction un dossier dans lequel ledéfendeur pourrait opposer la prescription quadriennale, CE, 29 déc. 1997, n° 150333, min. Budget c/ Mialon : JurisDatan° 1997-051334 ; Dr. adm. 1998, comm. 131).

L'autorité relative de la chose jugée n'étant pas d'ordre public, le président ne peut supprimer l'instruction au motif que larequête tend aux mêmes fins par les mêmes moyens qu'une précédente requête déjà jugée (CE, 27 oct. 1965, Blagny : Rec. CE1965, p. 559. - CE, 26 mars 1971, Devillers : Rec. CE 1971, p. 259).

Enfin, le président de formation de jugement, lorsqu'il se prononce par voie d'ordonnance prise sur le fondement de l'articleR. 222-1, a le pouvoir de statuer sur les conclusions tendant à la condamnation prévue aux dispositions de l'article L. 761-1 oude décider de la charge des dépens.

5° Cas des dispenses d'instruction des interventions volontaires

36. - La jurisprudence admet que soit dispensée d'instruction une intervention présentée dans un dossier alors quecelui-ci est en état d'être jugé, sous réserve toutefois que la solution du litige au principal ne dépende pas d'un moyeninvoqué uniquement par l'intervenant (CE, 1er mars 1995, n° 124550, Assoc. "Groupe information asiles" :JurisData n° 1995-041924 ; Rec. CE 1995, tables, p. 977).

IV. - Traitement des irrecevabilités

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37. - À côté de la question souvent similaire, mais toutefois distincte de la dispense d'instruction, se pose celle dutraitement des irrecevabilités. Il serait en effet sans utilité d'inviter un défendeur potentiel à préparer un mémoire sur desconclusions qui se trouveraient sans portée à raison de ce que le rejet de la demande s'imposerait du fait d'anomaliesirrémédiables ou devenues telles l'affectant. Ces questions relatives à la recevabilité de la requête sont spécifiquementtraitées dans les fascicules particuliers :

- délais (V. Fasc. 1084) ;- intérêt et qualité pour agir (V. Fasc. 1082) ;- représentation des parties (V. Fasc. 1088).

Elles ne sont abordées ici qu'en ce qui concerne les modalités de leur instruction.

Il faut à cet effet distinguer deux grands types d'irrecevabilité : celles non susceptibles d'être couvertes en coursd'instance et celles qui le sont et impliquent de ce fait, pour pouvoir être opposées, une mesure de régularisation, fautede quoi la procédure serait entachée d'irrégularité. La procédure permettant de les rejeter sera donc différente.

A. - Irrecevabilités non susceptibles d'être couvertes en cours d'instance

38. - Entrent dans cette catégorie les irrecevabilités non susceptibles d'être régularisées ou qui ne sont susceptibles del'être que jusqu'à expiration du délai de recours contentieux.

En de telles hypothèses, il n'y a d'évidence pas lieu d'instruire le dossier ni même d'en informer préalablement lerequérant. Ainsi, sans qu'il soit nécessaire de formaliser cette décision, l'irrecevabilité sera opposée, "sans autre formede procès", le plus souvent par la voie d'une ordonnance prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 duCode de justice administrative (V. supra n° 33).

Les cas d'irrecevabilité non susceptibles d'être couverts en cours d'instance sont désormais au nombre de six.

1° Irrecevabilité tirée de la tardiveté de la demande

39. - Est tardive la requête présentée après expiration du délai de recours contentieux défini par les dispositions del'article R. 421-1 du code (sur l'appréciation de la tardiveté, V. Fasc. 1084).

2° Irrecevabilité tirée du défaut de motivation

a) Principe

40. - La requête doit être motivée avant l'expiration du délai de recours contentieux. Aux termes du premier alinéade l'article R. 411-1 du code : "La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits etmoyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge" et aux termes du deuxième : "L'auteur d'une requêtene contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieursmoyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours". Cette seconde disposition, introduite par le décret du 29 mai1997 (D. n° 97-563 : Journal Officiel 31 Mai 1997), n'est pas une innovation, mais a le mérite de rappeler quel'irrecevabilité tenant au défaut de motivation de la requête ne peut être couverte que jusqu'à expiration du délai derecours contentieux et donc indirectement que si un mémoire ampliatif produit après expiration dudit délai peutcompléter utilement une requête sommaire en développant les moyens qui y ont été formulés il ne saurait sauvercelle-ci de l'irrecevabilité qui l'affecterait à raison d'un défaut de motivation (CE, 1er juin 1953, Vasnier : Rec. CE1953, p. 254 ; JCP G 1953, I, 1132).

41. - Cette irrecevabilité ne peut donc être opposée qu'une fois le délai de recours contentieux expiré. Toutefois,aucune disposition ni aucun principe n'impose au tribunal administratif d'inviter le requérant à régulariser la requêteprésentée affectée d'un défaut de motivation alors que le délai de recours contentieux n'est pas encore écoulé (CE,

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7 juill. 1993, n° 135284, Casas : JurisData n° 1993-045385 ; Gaz. Pal. 1993, 2, lettre jurispr. p. 523) ; cetteposition jurisprudentielle n'a pas été affectée par les apports du décret du 29 mai 1997. L'irrecevabilité tenant audéfaut de motivation étant régularisable jusqu'à expiration du délai de recours contentieux, on pourrait concevoirqu'information en soit donnée au demandeur. Toutefois, une telle information est susceptible de se révélerparticulièrement frustratoire dès lors qu'elle ne peut avoir d'intérêt que si elle parvient au demandeur à un momenttel qu'il lui est encore possible de pallier utilement l'anomalie ; ceci ne peut se rencontrer que dans l'hypothèse où lademande est présentée à la juridiction alors que le délai de recours contentieux court depuis peu et qu'il est procédésans délai à l'instruction première de celle-ci. Il est vraisemblable que les greffes s'abstiendront de donner une telleinformation.

Enfin, l'exigence de motivation dans le délai d'appel, résultant des dispositions du Code de justice administrative,n'est incompatible ni avec les stipulations de l'article 6, paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni avec celles de l'article 14-1 du pacte international relatif auxdroits civils et politiques (CAA Paris, 26 mai 1992, n° 90PA00964, Metrat : JurisData n° 1992-051870 ; Rec. CE1992, tables, p. 1209).

b) Champ d'application

42. - La requête doit donc être motivée. La motivation de la requête doit permettre au défendeur de présenterutilement sa défense ; ainsi, en matière de responsabilité des constructeurs le maître de l'ouvrage doit-il formulersans équivoque sur quel fondement il entend fonder son action, faute de quoi sa requête sera regardée commeinsuffisamment motivée et partant irrecevable (CAA Lyon, 1re ch., 19 sept. 1989, OPAC Dpt Ain : Rec. CE 1989,p. 333. - CAA Lyon, 1re ch., 23 févr. 1990, n° 89LY00408, OPAC Bouches-du-Rhône : JurisData n° 1990-041815. -CAA Nantes, 23 oct. 1991, n° 89NT00980, OPAC Seine-Maritime : JurisData n° 1991-052325 ; Gaz. Pal. 1993, 1,pan. dr. adm. p. 16).

L'obligation de motivation des requêtes posée par l'article R. 411-1 s'applique également aux requêtes par lesquellesles préfets, sur le fondement des dispositions des articles 3 et 4 de la loi du 2 mars 1982, désormais codifiées auxarticles L. 2131-6, L. 3132-1 et L. 4142-1 du Code général des collectivités territoriales, défèrent aux tribunauxadministratifs les actes des collectivités territoriales, aux fins d'en faire contrôler la légalité (CE, sect., 27 févr.1987, n° 54847, Cne Grand-Bourg-de-Marie-Galante : JurisData n° 1987-606317 ; Rec. CE 1987, p. 79).

Cette obligation pèse sur toute requête, y compris les demandes présentées au juge des référés (CE, 4 nov. 1992,n° 125151, Vales).

S'agissant des mémoires en intervention, si l'article R. 632-1 du code ne prévoit pas une telle obligation, celle-ci estposée par la jurisprudence (CE, sect., 12 juin 1981, n° 13173, Grimbichler : Rec. CE 1981, p. 256. - CE, 18 févr.1994, n° 102444, Comité intérêt local Costebelle : JurisData n° 1994-041497).

c) Cas particulier du contentieux de la reconduite à la frontière

43. - Toutefois dans le cas du recours tendant à l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il est admis quel'irrecevabilité de la requête qui résulterait d'une absence de motivation soit régularisée par le développementd'observations orales à l'audience (CE, prés. sect. cont., 29 nov. 1991, n° 126277, préfet Aisne : JurisDatan° 1991-049592 ; Rec. CE 1991, p. 1098), le juge ayant, par ailleurs, l'obligation de répondre à un moyen soulevéoralement à l'audience (CE, prés. sect. cont., 28 oct. 1991, n° 121423, Mohamed A. H. : JurisDatan° 1991-048440 ; Rec. CE 1991, p. 1098).

d) Conséquences d'une demande d'aide juridictionnelle sur l'obligation de motiver dans le délai de recourscontentieux

44. - Le délai de recours contentieux pendant lequel le demandeur peut régulariser une requête en exposant les faits

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et en énonçant les moyens pour respecter le Code de justice administrative est prorogé par la demande d'aidejudiciaire. Mais dans ce cas, il est obligé de procéder à la régularisation dans le délai de deux mois à compter de lanotification de la décision du bureau d'aide judiciaire (CAA Lyon, 26 juill. 1990, n° 89LY01142, Hamouchi :JurisData n° 1990-045606 ; Rec. CE 1990, tables, p. 916, 917).

e) Modalités de la motivation (V. Fasc. 1085, Présentation des requêtes)

45. - Sont considérées comme motivées les requêtes suivantes :

- la motivation par renvoi à des documents joints (CE, 11 juill. 1962, min. Fin. : Rec. CE 1962,p. 472. - CE, 10 déc. 1965, Territoire Comores : Rec. CE 1965, p. 679. - CE, 20 oct. 1967, n° 64832,Nondi : Dr. adm. 1967, comm. 377). Ainsi, lorsque par deux requêtes distinctes un demandeurconteste la légalité d'actes intervenus au cours d'une même procédure administrative, est regardéecomme valablement motivée celle qui se borne à renvoyer à la motivation de la seconde, sans copiejointe de celle-ci et alors même que cette dernière fait l'objet d'un rejet pour irrecevabilité (CE,29 sept. 1982, n° 26760 et 27096, Synd. CGT URSSAF Alpes-Maritimes : Rec. CE 1982, tables,p. 703) ; de même, est valablement motivée la requête qui se réfère à un précédent jugement dutribunal faisant droit à une demande dont le requérant allègue qu'elle est semblable à la sienne (CE,3 juill. 1985, n° 43261, Cne Morlaix c/ Épx Poder : JurisData n° 1985-041517 ; Rec. CE 1985,p. 726 ; Gaz. Pal. 1986, 1, pan. dr. adm. p. 64. - CE, 18 déc. 1985, n° 52125, Gresse : JurisDatan° 1985-605193 ; Dr. adm. 1986, comm. 122) ;

- de même, la requête dirigée contre la décision réitérant le refus de communiquer un documentadministratif malgré l'avis favorable à une telle communication donnée par la CADA, requête qui necomporte pas de motivation expresse mais est accompagnée de l'avis de la commission, doit êtreregardée comme fondée sur le moyen tiré du caractère communicable du document dont s'agit (TALyon, 9 avr. 1991, Sté Eurimmo : JCP G 1991, IV, p. 393) ;

- enfin, les dispositions de l'article R. 411-1 du Code de justice administrative n'imposent pas que lesfaits et les moyens soient exposés de manière distincte (CE, 8 déc. 2000, n° 183836, Szmaja :JurisData n° 2000-061485 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1153).

46. - Ne sont pas considérées comme motivées les requêtes suivantes :

- la demande préalable jointe à la requête ne comportant l'énoncé d'aucun moyen, ne peut pallierl'irrecevabilité qui résulte du défaut de motivation que pour autant qu'elle-même comporte un énoncéde moyens (CE, 24 mars 1995, n° 129225, Cts Zapka) ;

- les demandes formées à l'encontre d'une nouvelle délibération décidant la participation d'unorganisme à la société d'économie mixte "Valedar", et motivées par référence aux demandesdistinctes présentées à l'encontre de la délibération antérieure du même conseil municipal décidant laparticipation de la commune à ladite société, n'étaient pas accompagnées de la copie de ces dernièresdemandes. Dans ces conditions, les demandes dirigées contre la nouvelle délibération, même si ellesétaient qualifiées de "complémentaires" à celles qui étaient présentées contre la premièredélibération ne sauraient être regardées comme comportant l'exposé sommaire des moyens prescritpar le Code de justice administrative (CE, 3 févr. 1989, n° 88127, Assoc. "Essor économique etsocial du Couserans et de l'Ariège" et Comité défense environnement Couserans : Rec. CE 1989,tables, p. 843) ;

- de même, en l'absence de référence expresse à la requête tendant à la suspension à l'exécution de ladécision attaquée - préalablement jugée séparément - il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoirde se saisir directement des faits et moyens exposés par un mémoire dans cette requête non motivée,à l'occasion de l'examen d'une requête jugée séparément et tendant à l'annulation de la mêmedécision. Dans ce cas de figure, la requête sera jugée irrecevable (TA Rennes, 15 juin 1988, n° 8806,

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REGOA, Goas) ;- enfin, le défaut de motivation ne saurait être couvert par la présentation d'observations orales à

l'audience (CE, 2 nov. 1957, Dujancourt : Rec. CE 1957, p. 577).

3° Irrecevabilités liées aux conclusions

a) Défaut de conclusions

47. - Aux termes de l'article R. 411-1 du code : "La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contientl'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge".

Les conclusions doivent être assorties des précisions permettant au juge d'en apprécier la portée (CE, 22 avr. 1988,n° 92883, Ternon).

Ainsi, la demande qui s'en rapporte à la sagesse du tribunal pour fixer la solution qui lui paraîtra la plus conforme àla réglementation en vigueur et ne comportant pas de motivation, ne présente pas les caractères d'un recours, iln'appartient donc pas au tribunal d'y statuer (CE, 28 sept. 1984, n° 36953, min. Éduc. nat. c/ Vannier et a.).

b) Conclusions irrecevables

48. - Les conclusions doivent, de règle générale, être présentées dans le délai du recours contentieux (V.Fasc. 1084). Après l'expiration de ce délai, le requérant ne peut plus les étendre, ni même en modifier la causejuridique.

Sont ainsi irrecevables :

- les conclusions subsidiaires, présentées "en tant que de besoin", ne sont recevables que si ellesprésentent un lien de connexité avec les conclusions principales (CE, 8 févr. 1956, Arfeuille : Rec.CE 1956, p. 68) ;

- les conclusions non chiffrées. Le requérant qui cherche à obtenir réparation d'un préjudice doit, àpeine d'irrecevabilité de sa demande, chiffrer celle-ci ; mais il peut renvoyer la détermination duquantum de la réparation qu'il entend obtenir à la production d'un mémoire ultérieur qui sera déposéaprès prise de connaissance du rapport de l'expertise sollicitée ou en cours (hypothèse de l'expertisedéjà ordonnée par le juge des référés ou le juge judiciaire). Ainsi, le montant de la demande doit êtreregardé comme étant fixé dès lors que le demandeur a, dans sa requête, renvoyé le chiffrage dupréjudice après dépôt du rapport de l'expertise qu'il a sollicitée, fût-ce par la voie du référé, et qu'il a,ultérieurement à ce dépôt chiffré son préjudice à la somme retenue par l'expert (CE, 21 févr. 1996,n° 121766, ODHLM Hautes-Pyrénées : JurisData n° 1996-050051 ; Rec. CE 1996, p. 49 ; Dr. adm.1997, comm. 173). Si le tribunal saisi dans ces conditions s'estime suffisamment informé par leséléments du dossier pour évaluer le préjudice allégué et devoir refuser l'expertise sollicitée, il doitinviter le requérant à chiffrer le montant de ses prestations avant de statuer (CE, sect., 6 janv. 1989,n° 79873, Guerrault : JurisData n° 1989-640079 ; Rec. CE 1989, p. 1 ; AJDA 1989, p. 327 ; JCP G1989, II, 21314) ;

- enfin, les contestations de décisions insusceptibles de recours : acte de gouvernement, acte ne faisantpas grief : mesure d'ordre intérieur, mesure préparatoire, mesure indicative, circulaire nonimpérative, directive (sur ces points, V. Fasc. 1140).

c) Irrecevabilité à raison de la nature ou de l'étendue des conclusions formulées

49. - On se limitera ici à rappeler l'irrecevabilité d'un recours pour excès de pouvoir lorsque l'auteur se borne à

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demander l'annulation de certaines dispositions d'une décision, alors que celles-ci ne sont pas divisibles del'ensemble du texte. Pour une hypothèse de "pseudo-symétrie" : est déclaré irrecevable un recours tendant àl'annulation d'un arrêté portant modification de déclaration de vacances dans 45 disciplines différentes, le moyeninvoqué étant tiré de ce que n'était pas modifiée la date limite de dépôt des dossiers de candidature, à raison de ceque l'intéressé, candidat dans l'une des disciplines, ne s'est pas borné à contester l'arrêté en cause en tant qu'ilconcerne les vacances relatives à cette seule discipline (CE, 25 juin 1997, n° 178575, Ventalou).

d) Conclusions de l'intervenant

50. - L'intervenant doit formuler des conclusions marquant son intention non équivoque de s'associer auxprétentions du demandeur ou du défendeur. Sera irrecevable l'intervention qui se borne :

- à s'en remettre à la sagesse du juge (CE, 14 juin 1968, Synd. nat. médecins hôpitaux privés à but nonlucratif : Rec. CE 1968, p. 362) ;

- à demander la suppression de certains passages outrageants, injurieux ou diffamatoires contenusdans les pièces et mémoires produits à l'instance, sans comporter de conclusions affirmantl'association aux conclusions de l'une des parties en présence (TA Lyon, 28 juin 1994, n° 9400883,Épx Daoudi : JurisData n° 1994-050768) ;

- à demander le maintien d'une amende pour recours abusif (CE, 21 oct. 1994, n° 144617, Comitédéfense intercnale Maisons-Mesnil Le Pecq : JurisData n° 1994-048712 ; Rec. CE 1994, tables,p. 1120).

4° Irrecevabilité liée à l'omission de la formalité de recours préalable obligatoire

51. - Des textes particuliers organisent en certaines matières un recours spécifique. Les effets d'une telle instructionsur la recevabilité du recours contentieux sont différents selon que le recours ainsi organisé a un caractère facultatifou non, et aussi selon que le demandant a la qualité de tiers ou "d'intéressé" à la décision.

a) Recours facultatif et obligatoire

52. - L'organisation d'un recours facultatif ne prive pas l'intéressé de la possibilité de former directement unrecours contentieux dirigé contre la décision (CE, 7 nov. 1979, Boury-Nauron : Rec. CE 1979, p. 831 ; Dr. adm.1979, comm. 382), mais dans l'hypothèse d'un recours préalable obligatoire, l'absence de mise en oeuvre de laprocédure ainsi ouverte, rend irrecevable la requête présentée devant le juge ; par exemple, en matière deremembrement foncier, les décisions des commissions communales de remembrement doivent être contestéesdevant la commission départementale avant de saisir le juge administratif du litige (CE, 4 mars 1949, Cheret,Guerin et Simon : Rec. CE 1949, p. 103).

Il n'est pas question ici de recenser l'ensemble des matières (impôts, fonction publique militaire, élections, décisionsordinales, fédérations sportives, etc.) où une telle obligation existe (V. étude adoptée le 29 mai 2008 par le Conseild'État, Les recours administratifs préalables obligatoires : Doc. fr.) mais d'en étudier les conséquences au niveau dela recevabilité du recours dirigé contre une décision dont la contestation fait l'objet d'une telle obligation.

b) Champ d'une telle obligation

53. - Si les dispositions des articles 1er et 2 du décret du 10 novembre 2000, qui se rapportent à la procédurecontentieuse, ne font pas obstacle à l'application du principe général selon lequel toute décision administrative peutêtre contestée devant l'autorité hiérarchique, toutefois, l'exercice d'un recours hiérarchique auprès du ministre desAffaires étrangères contre la décision d'une autorité diplomatique ou consulaire refusant la délivrance d'un visad'entrée en France ne peut avoir pour effet ni de soustraire l'auteur du recours à l'obligation de saisir la commissioninstituée par ce décret préalablement à l'introduction d'un recours contentieux, alors même que l'intéressé se

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bornerait à demander devant la juridiction administrative l'annulation de la décision prise par le ministre sur lerecours hiérarchique, ni de conserver le délai imparti pour saisir la commission (CE, 18 juin 2003, n° 240290,Anwarul : JurisData n° 2003-065633 ; Rec. CE 2003, tables, p. 900).

Lorsqu'une décision entre dans le champ de l'obligation de recours préalable auprès du comité national olympiqueet sportif français, elle ne peut être attaquée directement devant le juge, qui lui oppose ainsi une irrecevabilité, alorsmême que le recours préalable aurait été finalement introduit postérieurement à la saisine du juge (CE, 22 nov.2006, n° 289839, Assoc. Squash Rouennaise : JurisData n° 2006-071071 ; Rec. CE 2006, tables, p. 998).

La formalité du recours préalable obligatoire qui s'applique aux décisions n'atteint pas les actes détachables quipeuvent faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir devant le juge administratif (CE, 13 nov. 1970, Moreau eta. : Rec. CE 1970, p. 661 ; Dr. adm. 1970, comm. 382).

Les codébiteurs solidaires sont réputés se représenter mutuellement dans toutes les instances relatives à la dette.Dès lors, pour justifier de la recevabilité de l'instance qu'il a directement introduite devant le tribunal administratifcontre une pénalité dont il est le débiteur solidaire, un contribuable peut se prévaloir de la réclamationrégulièrement présentée contre cette même pénalité par le débiteur principal (CE, 8 mars 2004, n° 248132, Pinot :JurisData n° 2004-080533 ; Rec. CE 2004, tables, p. 803).

c) Conséquence d'une telle obligation

54. - La réponse est des plus simple : le non-respect de l'obligation d'un recours administratif préalable rendirrecevable la requête et cette irrecevabilité n'est pas susceptible de faire l'objet d'une régularisation même parl'exercice postérieur de ce recours. Ainsi parmi de très nombreux exemples volontairement non répertoriés : lenon-respect de l'obligation de recourir à un arbitrage avant toute procédure contentieuse prescrite par unedisposition contractuelle liant les parties au litige entraîne l'irrecevabilité de la requête présentée devant le tribunal(CE, 9 déc. 1991, n° 84308, Snoy : JurisData n° 1991-048774 ; Dr. adm. 1992, comm. 46), la non-saisine de lacommission de recours des militaires (CE, 19 mai 2004, n° 248175, Jouve : JurisData n° 2004-066861 ; Rec. CE2004, p. 234).

d) Exception au principe : saisine du juge du référé suspension

55. - L'objet même du référé organisé par les dispositions de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative estde permettre, dans tous les cas où l'urgence le justifie, la suspension dans les meilleurs délais d'une décisionadministrative contestée par le demandeur. Une telle possibilité est ouverte y compris dans le cas où un textelégislatif ou réglementaire impose l'exercice d'un recours administratif préalable avant de saisir le juge de l'excès depouvoir, sans donner un caractère suspensif à ce recours obligatoire. Dans une telle hypothèse, la suspension peutêtre demandée au juge des référés sans attendre que l'Administration ait statué sur le recours préalable, dès lors quel'intéressé a justifié, en produisant une copie de ce recours, qu'il a engagé les démarches nécessaires auprès del'Administration pour obtenir l'annulation ou la réformation de la décision contestée. Saisi d'une telle demande desuspension, le juge des référés peut y faire droit si l'urgence justifie la suspension avant même que l'Administrationait statué sur le recours préalable et s'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doutesérieux quant à la légalité de la décision. Sauf s'il en décide autrement, la mesure qu'il ordonne en ce sens vaut, auplus tard, jusqu'à l'intervention de la décision administrative prise sur le recours présenté par l'intéressé (CE, sect.,12 oct. 2001, n° 237376, Sté Produits Roche : JurisData n° 2001-062970 ; Rec. CE 2001, p. 463 ; RFD adm. 2002,p. 324, concl. P. Fombeur ; AJDA 2002, p. 123, chron. Guyomar et Collin ; JCP G 2002, II, 10020, note Cristol).

e) Conséquences de l'absence de mention de cette obligation

56. - L'irrecevabilité pour défaut de mise en oeuvre du recours préalable obligatoire est opposable, alors mêmequ'il ne serait pas fait mention de ce caractère préalable obligatoire à l'action contentieuse dans la notification quimentionne la possibilité d'exercer ce recours administratif en indiquant le délai imparti, celle-ci étant regardée

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comme satisfaisant aux prescriptions de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 (CE, 9 févr. 1996, n° 161450,Ragot : JurisData n° 1996-050084 ; Rec. CE 1996, p. 32. - solution infirmant la solution, CE, 1er avr. 1992,n° 88068, Abit : JurisData n° 1992-041406 ; JCP G 1992, IV, p. 176, note M.-C. Rouault. - ou pour une décisionplus récente qui en reprend le principe, CE, 19 mai 2004, n° 248175, Jouve, cité supra n° 54).Toutefois, l'absencede cette mention aura pour effet que le délai du recours contentieux ne commence pas à courir.

f) Cas des tiers

57. - Le recours préalable obligatoire peut, selon les textes qui l'instituent, ne pas s'imposer aux tiers ou aucontraire, concerner tous les requérants. C'est le considérant de principe de la décision "Leroy Merlin" qui permetde distinguer les tiers qui y sont soumis des autres qui ne le sont pas. Cette décision dispose en effet que "sousréserve du cas où, en raison tant des missions conférées à un ordre professionnel qu'à son organisation à l'échelonlocal et au plan national, les dispositions législatives ou réglementaires prévoyant devant les instances ordinales uneprocédure obligatoire de recours administratif préalablement à l'intervention d'une juridiction doivent êtreinterprétées comme s'imposant alors à peine d'irrecevabilité du recours contentieux à toute personne justifiant d'unintérêt lui donnant qualité pour introduire ce recours contentieux, une procédure de recours administratif préalablen'est susceptible de s'appliquer qu'aux personnes qui sont expressément énumérées par les dispositions qui enorganisent l'exercice" (CE, sect., 10 mars 2006, n° 278220, Sté Leroy Merlin : JurisData n° 2006-069781 ; Rec. CE2006, p. 118).

58. - Tiers visé par l'obligation :

- pour les décisions en matière de création et d'extension d'établissement sanitaire privé comportantdes moyens d'hospitalisation (CE, 1er févr. 1980, min. Santé et Famille c/ Clinique Ambroise Paré :Rec. CE 1980, p. 62) ;

- pour les décisions prises en application de l'article L. 415 du Code de la santé publique qui s'imposenon seulement au praticien qui a sollicité l'inscription ou à l'instance ordinale compétente comme ilest dit à l'article L. 415 mais également à tout praticien justifiant d'un intérêt suffisant pour contesterla légalité de la décision prise par le conseil départemental (CE, 28 sept. 2005, n° 266208, Louis :JurisData n° 2005-068950 ; Rec. CE 2005, p. 401).

59. - Tiers non visé :

- pour les décisions en matière d'inscription au tableau de l'ordre des experts-comptables (CE, 25 avr.1975, Bierge : Rec. CE 1975, p. 266) ;

- pour les décisions prises en matière d'urbanisme commercial, seules les personnes visées à l'articleL. 720-10 du Code de commerce sont soumises à l'obligation de recours administratif obligatoiredevant la Commission nationale d'équipement commercial (CE, sect., 10 mars 2006, n° 278220, StéLeroy Merlin, cité supra n° 57).

5° Irrecevabilité liée à l'absence de litige susceptible d'être soumis au juge

60. - Entrent dans cette catégorie les hypothèses où, contrairement à ce que soutient le demandeur, il n'y a plus delitige à la date d'enregistrement de sa requête : par exemple à raison du retrait déjà intervenu de l'acte attaqué, àraison de ce que la décision dont il demande la suspension à exécution a été entièrement exécutée (sur ce point, V.Fasc. 1094). Il faut toutefois sur ce point être très vigilant entre le non-lieu qui concerne un événement postérieur àl'introduction de la requête et l'irrecevabilité liée à un événement antérieur à celle-ci (V. Fasc. 1098).

6° Irrecevabilité liée à une procédure concomitante

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61. - Entrent dans une telle hypothèse les demandes de suspension d'une décision sans qu'ait été présentée unedemande d'annulation de ladite décision (V. Fasc. 1094). Il faut noter que les dispositions relatives à l'obligationd'une demande au fond pour pouvoir présenter une demande de référé provision ont été abrogées (sur ce point, V.Fasc. 1095 et 1097) et qu'elle ne s'applique pas non plus au référé liberté prévu par les dispositions de l'articleL. 521-2 du code.

62. - Entre également dans cette hypothèse l'obligation de notification de la requête prévue par le Code del'urbanisme. En effet, la recevabilité d'un recours contentieux à l'encontre d'un document d'urbanisme était auxtermes de l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme (recodifié sous l'article R. 600-1 du même code par le décretn° 2000-389 du 4 mai 2000), conditionné par la notification par le requérant dudit recours, dans le délai de 15 jourssuivant son enregistrement au greffe de la juridiction, à l'auteur de la décision, et s'il y a lieu, au titulaire del'autorisation. L'étendue de cette obligation a été modifiée par les dispositions du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007(Journal Officiel 6 Janvier 2007) qui dispose désormais que :

En cas de déféré du préfet ou de recours contentieux à l'encontre d'un certificat d'urbanisme, d'une décision de non-opposition àune déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir, le préfet ou l'auteur du recours est tenu, àpeine d'irrecevabilité, de notifier son recours à l'auteur de la décision et au titulaire de l'autorisation. Cette notification doitégalement être effectuée dans les mêmes conditions en cas de demande tendant à l'annulation ou à la réformation d'une décisionjuridictionnelle concernant un certificat d'urbanisme, une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou un permisde construire, d'aménager ou de démolir. L'auteur d'un recours administratif est également tenu de le notifier à peined'irrecevabilité du recours contentieux qu'il pourrait intenter ultérieurement en cas de rejet du recours administratif.

Le juge doit ainsi soulever d'office l'irrecevabilité du déféré ou du recours non assorti des justifications établissantl'accomplissement des formalités prescrites par les dispositions de l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme, lanotification de la requête dans les délais prévus par ces dispositions opérées par le greffe ne pouvant avoir pour effetde régulariser (CE, sect., 6 mai 1996, avis, n° 178473, Andersen : JurisData n° 1996-050503 ; Dr. adm. 1996,comm. 462. - CAA Lyon, 16 janv. 1996, n° 95LY00774, Pieulle). Cette procédure n'a pas à être mise en oeuvres'agissant des refus de permis de construire (CE, sect., 6 mai 1996, n° 178426, SARL Nicolas Hill Immobilier :JurisData n° 1996-050459 ; Dr. adm. 1996, comm. 466 ; JCP G 1996, IV, p. 232, note M.-C. Rouault) mais trouveapplication aux décisions de non-opposition à l'exécution de travaux exemptés de permis de construire visés parl'article L. 422-2 du Code de l'urbanisme (CAA Nantes, 28 mai 1997, n° 95NT00796, Pochon et Fourneaux). Lesdispositions de l'article L. 600-3 du Code de l'urbanisme trouvaient application s'agissant des actes réglementairesd'urbanisme tels les schémas de mise en valeur de la mer (CE, 7 juill. 1997, n° 170406, Assoc. "Sauvegarde del'étang des mouettes et de l'environnement" : JurisData n° 1997-050382). Toutefois la réforme introduite par ledécret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 (préc.) les en a exclus. Une notification opérée à l'avocat du bénéficiaire ou del'auteur ne peut valoir notification à ces derniers (CAA Nantes, 20 déc. 1995, n° 95NT00288, Vernhes-David : Rec.CE 1995, p. 565 ; Dr. adm. 1996, comm. 239).

B. - Irrecevabilités qui ne pourront être opposées qu'après invitation du demandeur à régulariser sa demande

63. - Cette seconde catégorie d'irrecevabilités présente une différence fondamentale avec la première, car elle estcomposée d'irrecevabilités susceptibles d'être couvertes en cours d'instance. De ce fait, elles ne pourront être opposéesqu'après avoir mis en demeure le requérant de régulariser, toute irrecevabilité prononcée sans le respect d'une telleobligation entacherait d'irrégularité la procédure. C'est ce que prévoient les dispositions du premier alinéa de l'articleR. 612-1 du Code de justice administrative qui dispose : "Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilitésusceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'officecette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser".

Comme pour la catégorie précédente il ne peut ici être dressé qu'un bref rappel (V. également Fasc. 1085) desirrecevabilités entrant dans cette catégorie et qui se rapportent toutes à la forme de la requête.

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1° Défaut de droit de timbre

64. - L'article 4 de la loi de finances n° 93-1352 du 30 décembre 1993 avait modifié l'article 10 de la loi n° 77-1468du 30 décembre 1977 instituant la gratuité des actes de justice devant les juridictions civiles et administratives etl'article 1089 B du Code général des impôts et institué, s'agissant des requêtes enregistrées auprès des tribunauxadministratifs, des cours administratives d'appel et du Conseil d'État, un droit de timbre de 100 francs. Toutefoiscette disposition a été supprimée par l'ordonnance n° 2003-1235 du 22 décembre 2003 (Journal Officiel 24Décembre 2003) pour les requêtes enregistrées à compter du 1er janvier 2004 sans toutefois que cette mesure ait uneffet rétroactif. Sont ainsi abrogées les dispositions des articles L. 411-1 et L. 522-2 du Code de justiceadministrative.

2° Acte de saisine non rédigé en français

65. - La requête doit être rédigée en langue française, faute de quoi elle sera irrecevable (CE, sect., 22 nov. 1985,Quillevere : Rec. CE 1985, p. 333, concl. M. Latournerie ; Dr. adm. 1986, comm. 58 ; AJDA 1985, p. 716-751 ;D. 1986, jurispr. p. 71. - rappr. TA Rennes, 21 nov. 1984, Quillevere : D. 1984, jurispr. p. 467. - V. aussi CE, 7 juill.1989, n° 93346, Sabanathan).

Toutefois, le juge est tenu d'inviter le requérant à régulariser son recours faute de quoi cette irrecevabilité ne pourraêtre régulièrement opposée (CE, 18 oct. 2000, n° 206341, Sté Max-Planck-Gesellschaft : JurisDatan° 2000-061239 ; Rec. CE 2000, p. 432). La production de la traduction française de la requête doit, pour rendrecette dernière recevable, être produite avant expiration du délai de recours contentieux (CE, 22 mars 1989,Wijenyake Mudalige : Rec. CE 1989, p. 99).

3° Défaut de production de la décision attaquée

66. - Aux termes de l'article R. 412-1 du Code de justice administrative :

La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de la décision attaquée ou, dans le casmentionné à l'article R. 421-2, de la pièce justifiant de la date de dépôt de la réclamation.

Cette décision ou cette pièce doit être accompagnée de copies dans les conditions fixées à l'article R. 411-3.

Cette règle est la conséquence logique du principe posé par l'article R. 421-1 du code selon lequel le juge ne peut êtresaisi que par voie de recours contre une décision, laquelle en quelque sorte concrétise l'existence du litige que le jugeest invité à trancher.

L'insertion, par le décret du 29 mai 1997, des termes "à peine d'irrecevabilité" dans la rédaction antérieure del'article, semble conduire à l'abandon du tempérament jurisprudentiel apporté en matière de contentieux indemnitaireconsistant à n'opposer l'irrecevabilité pour absence de décision préalable à une requête que pour autant quel'administration défenderesse ne liait pas le contentieux en défendant sur le fond sans opposer à titre principall'irrecevabilité.

4° Défaut de production de copies de la requête et des pièces en nombre prescrit

a) Question des copies de la requête

67. - Aux termes de l'article R. 411-3 du Code de justice administrative : "Les requêtes doivent, à peined'irrecevabilité, être accompagnées de copies, en nombre égal à celui des autres parties en cause, augmenté dedeux".

L'insertion, par le décret du 29 mai 1997, des termes "à peine d'irrecevabilité" dans la rédaction antérieure de

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l'article, s'accompagnant de la suppression de l'article R. 90 du Code des tribunaux administratifs et des coursadministratives d'appel qui organisait l'invitation à régulariser fait entrer le traitement de l'irrecevabilité pourméconnaissance des prescriptions de l'article R. 411-3 dans le schéma général d'instruction organisé s'agissant desirrecevabilités apparentes susceptibles de régularisation (V. infra n° 82).

Il convient d'observer que si aux termes de l'article R. 411-4 : "En cas de nécessité, le président de la formation dejugement ou, au Conseil d'État, le président de la sous-section chargée de l'instruction, exige des partiesintéressées la production de copies supplémentaires" le décret du 29 mai 1997 a supprimé la partie de la dispositionantérieure fondant une possible sanction d'irrecevabilité.

b) Question des pièces de la requête

68. - Aux termes de l'article R. 412-2 du code : "Lorsque les parties joignent des pièces à l'appui de leurs requêteset mémoires, elles en établissent simultanément un inventaire détaillé. Sauf lorsque leur nombre, leur volume ouleurs caractéristiques y font obstacle, ces pièces sont accompagnées de copies en nombre égal à celui des autresparties augmenté de deux" ; l'obligation instituée par cette disposition ne comporte pas de sanction expressémentformulée, ce qui était déjà le cas dans la rédaction antérieure et ce, à la différence des dispositions ayant mêmeobjet de l'article 53 du décret du 30 juillet 1963 modifié applicable au Conseil d'État (CE, 1er juin 1994, n° 143770,Marangoni : JurisData n° 1994-048215 ; Rec. CE 1994, p. 280 ; Gaz. Pal. 1995, 1, pan. dr. adm. p. 67).

5° Défaut de ministère d'avocat

69. - Se reporter au Fascicule 1088. Il sera simplement rappelé ici que la représentation des parties par ministèred'avocat est prescrite en certains domaines de contentieux devant le tribunal administratif par les articles R. 431-2 etR. 431-3, devant la cour administrative d'appel par l'article R. 811-7 du Code de justice administrative. Il faut noterque cet article a été profondément modifié par les dispositions du décret n° 2003-543 du 24 juin 2003 (JournalOfficiel 25 Juin 2003) renforçant considérablement l'obligation d'avocat en appel.

Cette obligation peut également résulter de la combinaison de dispositions législatives attribuant un contentieuxspécifique au conseil de préfecture et de celles de l'article 2 de la loi du 22 juillet 1889 dans sa rédaction résultant dudécret du 30 septembre 1953 ainsi en est-il, par exemple en matière de contentieux des installations classées (CE,12 déc. 1975, Hervé : Rec. CE 1975, p. 1196) une telle dispense ne pouvant, par suite, être étendue à l'appel dujugement rendu en un tel domaine (CE, 6 juin 1975, n° 95292, Froment : Rec. CE 1975, tables, p. 1196. - CAABordeaux, 6 janv. 1997, n° 93BX00769, Féd. limousine pour étude et protection nature : JurisDatan° 1997-040350).

La demande présentée au tribunal administratif dirigée contre un titre de perception émis par l'État n'est pasdispensée du ministère d'avocat (CE, 16 oct. 1996, n° 146936, Dpt Loire : JurisData n° 1996-051139 ; Gaz. Pal.1997, 1, lettre jurispr. p. 493 ; JCP G 1997, II, 22796, note S. Damarey).

70. - L'obligation d'inviter le requérant à procéder à la régularisation de sa requête affectée d'un vice tenant au défautde ministère d'avocat ou de signature pèse sur le tribunal alors même que l'irrecevabilité aurait été dénoncée par ledéfendeur dans un de ses mémoires sans provoquer de réaction du demandeur (CAA Lyon, 3 nov. 1992,n° 91LY00541, Assoc. Adiprovar : Dr. adm. 1993, comm. 121. - cependant, sur l'évolution observée en d'autresdomaines, V. infra n° 74).

Toutefois, l'irrecevabilité de conclusions à fin d'indemnisation présentées sans le ministère d'avocat ne fait pasobstacle à la recevabilité de conclusions en annulation pour excès de pouvoir présentées dans la même requête (CE,7 oct. 1964, Nickel : JCP G 1965, II, 14090, note G. Liet-Veaux).

De plus, la requête irrecevable pour ce motif conserve le délai de recours, de sorte que le requérant peut saisir ànouveau le tribunal administratif dans les deux mois de la notification de son jugement d'irrecevabilité (CE, 28 avr.

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1950 : Rec. CE 1950, p. 243).

71. - L'irrecevabilité tenant au défaut de mandat reçu de l'appelant par l'avocat ayant introduit l'appel au nom decelui-ci mais postérieurement à son décès est opposable aux héritiers déclarant reprendre l'instance par un mémoireenregistré plus de deux mois après notification du jugement dont il est fait appel (CAA Nantes, 13 avr. 1995,n° 93NT0082, Dumont-Forestier : JurisData n° 1995-043089 ; Rec. CE 1995, tables, p. 1002).

6° Défaut de signature de la requête par son auteur

72. - Il résulte des termes de l'article R. 431-4 du code que lorsque le requérant n'est pas représenté par l'un desmandataires mentionnés à l'article R. 431-2, la requête doit être signée par son auteur.

Le défaut de signature de la requête emporte irrecevabilité de la requête (CE, 13 oct. 1982, Rabin : Gaz. Pal. 1983, 1,pan. dr. adm. p. 156).

L'authentification de la requête adressée au tribunal par télécopie, nécessaire à sa recevabilité, devra être apportéesoit par la production d'un exemplaire dûment signé soit par l'apposition ultérieure de la signature du demandeur aubas du document enregistré par le greffe (CE, 13 mars 1996, n° 112949, Diraison : JurisData n° 1996-050176 ; Rec.CE 1996, p. 78 ; Gaz. Pal. 1996, 2, lettre jurispr. p. 340 ; Dr. adm. 1996, comm. 286. - sur la question de la dated'enregistrement de requête adressée par cette voie, V. Fasc. 1084).

73. - Il convient de rappeler ici que le refus du requérant opposé à la demande du tribunal de déclarer son identitéexacte et complète, alors que le dossier administratif fait apparaître des incertitudes sur le nom de l'intéressé, entraînel'irrecevabilité de la requête (CE, 5 juill. 1993, n° 115583, Clément : JurisData n° 1993-045381 ; Rec. CE 1993,tables, p. 948).

7° Défaut de qualité de la personne physique pour représenter la personne morale auteur de la requête

74. - Il résulte des termes de l'article R. 431-4 du Code de justice administrative que lorsque le requérant est unepersonne morale et n'est pas représenté par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, la requête doit êtresignée par "une personne justifiant de sa qualité pour agir".

75. - Toute personne morale ne peut présenter de requête que par la médiation d'une personne physique habilitée àl'incarner. La capacité de cette dernière à signer la requête présentée au nom de la personne morale suppose qu'ellesoit investie de la fonction de représentation. Mais cette fonction ne confère pas par elle-même à son titulaire lepouvoir de décider d'agir ; ce dernier appartient à l'organe statutaire désigné dans l'acte constitutif de la personnemorale, et, en l'absence d'une telle décision à l'organe délibérant le plus solennel (assemblée générale pour uneassociation par exemple, CE, 10 mai 1995, n° 126969, Université Valenciennes : JurisData n° 1995-046037 ; Rec.CE 1995, tables, p. 982 ; Gaz. Pal. 1995, 2, lettre jurispr. p. 568. - en revanche, la production d'un mandat d'agirn'est pas nécessaire si le président de l'association, auteur de la requête, a reçu des statuts la capacité de "porterplainte et d'agir en justice", CAA Paris, 30 avr. 1996, n° 95PA01238, Assoc. sauvegarde patrimoine martiniquais :JurisData n° 1996-043705). Toutefois, une possibilité de délégation du pouvoir de décider de l'action en justice peutêtre organisée par une disposition statutaire.

La justification de la délibération donnant à une personne physique qualité pour agir au nom du syndicat qu'ellereprésente doit être produite avant clôture de l'instruction (CE, 23 avr. 1997, n° 144618, Synd. nat. techn. ettravailleurs production cinématographique et télévision : JurisData n° 1997-050446).

76. - Ces questions étant traitées dans le Fascicule 1088, il ne sera ici rappelé que quelques règles essentiellesintéressant directement l'instruction des dossiers.

Si l'action est présentée par ministère d'avocat, il n'y a lieu de subordonner la recevabilité de l'action introduite à la

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production de pièces justifiant la qualité de la personne physique représentant la personne morale à agir que si cettequalité a été contestée par une partie à l'instance (CE, 28 févr. 1997, n° 161084, Rajaobelison : JurisDatan° 1997-050196). A contrario, l'obligation de production de telles pièces pèse dans l'hypothèse où la requête estprésentée au nom d'une personne morale sans recourir à un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2 du code.

L'exigence de production d'un mandat autorisant la personne physique représentant une personne morale à agir aunom de celle-ci s'applique dans les mêmes conditions au recours principal (demande ou défense) et à l'intervention(CE, 7 févr. 1994, n° 125334, Pierre et Féd. professeurs de Français à l'étranger).

S'il appartient au juge saisi d'une demande présentée pour le compte d'une association d'inviter son auteur, au cas oùil ne se serait pas acquitté spontanément de cette obligation, à justifier de sa qualité à ester au nom de l'association enproduisant les statuts ainsi qu'éventuellement, la décision de l'organe compétent lui conférant cette qualité, il nesaurait être tenu de préciser davantage la nature du document susceptible de régulariser la demande (CAA Nantes,30 oct. 1996, n° 95NT01591, Assoc. romainvilloise défense environnement : JurisData n° 1996-047919).

Dès lors que l'irrecevabilité tenant à ce que la personne physique introduisant une requête au nom d'une personnemorale ne produit pas le mandat lui donnant qualité pour agir au nom de celle-ci est opposée par le défendeur, letribunal n'est pas tenu d'inviter l'auteur de la requête à procéder à la régularisation de cette dernière et peut opposerl'irrecevabilité qui résulte de cette non-production (CE, 28 avr. 1997, n° 164820, Assoc. commerçants nonsédentaires Corbeil-Essonnes : JurisData n° 1997-050447. - abandon de la jurisprudence antérieure illustrée parexemple par CE, 4 nov. 1992, n° 124419, AFU "le moulin à vent" : JurisData n° 1992-050296).

L'appropriation des écritures produites par le directeur d'une association sans qualité pour agir au nom de celle-ci,alors même qu'il aurait été autorisé par son conseil d'administration, par le président de l'association régularise larequête (CAA Nantes, 29 mars 1995, n° 94NT0358, Institut médico-éducatif Ancenis : JurisData n° 1995-043094).

8° Défaut d'élection de domicile du demandeur résidant à l'étranger

77. - Aux termes de l'article R. 431-8 du Code de justice administrative : "Les parties non représentées devant untribunal administratif qui ont leur résidence hors du territoire de la République doivent faire élection de domiciledans le ressort de ce tribunal". Cette nouvelle rédaction uniformise les règles relatives à l'obligation d'élection dedomicile pesant sur les personnes non représentées ayant leur résidence hors du territoire de la Républiqueantérieurement différentes selon que le tribunal saisi était un tribunal de la métropole ou un tribunal d'un départementou territoire d'outre-mer.

L'absence d'élection de domicile dans le ressort du tribunal administratif du requérant domicilié à l'étranger lors del'introduction de la requête, malgré l'invitation à régulariser qui a été adressée à l'intéressé par le greffe, entraînel'irrecevabilité de ladite requête (CE, 28 sept. 1992, n° 130551, Vromant. - CAA Nancy, 23 avr. 1993,n° 93NC00101, Épx Lorz : JurisData n° 1993-043569 ; Rec. CE 1993, tables, p. 948).

Un requérant ayant indiqué deux adresses dans sa demande, l'une en France dans le ressort du tribunal administratifqu'il a saisi, l'autre à l'étranger, ne peut contester la régularité de la procédure d'instruction à raison de ce que lesmémoires de la partie adverse auraient été adressés à la première de ces adresses et qu'eu égard aux délais de leurtransmission à la seconde de celles-ci, il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre (CE, 15 juin 1987,n° 51804, Mascaro : Rec. CE 1987, tables, p. 885).

C. - Procédures de régularisation

78. - Les dispositions du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel introduites par le décretdu 29 mai 1997 organisaient l'appel du demandeur à régulariser sa requête selon deux procédures l'une de portéegénérale, l'autre particulière dont la mise en oeuvre n'est prévue que pour des irrecevabilités limitativement énumérées.Ces dispositions ont fait l'objet d'une réforme unifiant ces deux procédures et supprimant l'article R. 612-2.

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79. - Désormais aux termes de l'article R. 612-1 du code issu des dispositions du décret n° 2002-547 du 19 avril 2002 :

Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, lajuridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. Toutefois, lajuridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les casd'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément àl'article R. 751-5. La demande de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetéescomme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande derégularisation tient lieu de l'information prévue à l'article R. 611-7.

La mention sur la demande de régularisation des effets qui s'y attachent en application des textes est substantielle ; sonomission priverait de portée l'acte d'instruction (CE, 10 mai 1995, n° 124959, Lacoste : JurisData n° 1995-043032 ;Rec. CE 1995, tables, p. 965 ; Dr. adm. 1997, comm. 526).

Le dispositif adopté relève d'une double logique :

- d'une part, assurer au justiciable la garantie que ne pourra lui être opposée d'irrecevabilité de cette naturesans que son attention ait été attirée sur l'anomalie affectant sa requête ;

- d'autre part, permettre le traitement rapide et selon une procédure allégée des dossiers des demandeursqui, bien qu'informés, n'ont pas procédé à régularisation.

Le principe ainsi posé selon lequel une irrecevabilité régularisable ne peut être opposée sans que l'auteur desconclusions ait été invité par le greffe à régulariser était déjà affirmé par la jurisprudence (CE, 25 févr. 1987, Mortet :Rec. CE 1987, tables, p. 880. - CE, 6 sept. 1993, n° 133576, Assoc. "Mouvement pour la sauvegarde de Croissy" :JurisData n° 1993-046350).

80. - L'invitation, assortie d'un délai imparti pour y satisfaire (lequel ne peut être inférieur à quinze jours, sauf urgence)est faite par lettre recommandée avec accusé de réception, information étant donnée à l'intéressé que sa carenceemportera possibilité d'opposer l'irrecevabilité.

La décision juridictionnelle opposant cette irrecevabilité pourra intervenir sans mise en oeuvre de la procédured'information de l'article R. 611-7 (sur la forme de celle-ci, V. infra n° 171).

81. - Il peut apparaître expédient, en présence d'une requête affectée de plusieurs irrecevabilités régularisablesd'adresser à son auteur une unique invitation à régulariser comportant l'énumération des diverses anomalies affectant sademande contentieuse. Toutefois, cette pratique a des limites à raison de l'ordre logique de traitement desirrecevabilités : ainsi a-t-il été rappelé que la demande de régularisation de la requête collective par désignation d'unmandataire unique (CJA, art. R. 411-5) est un préalable à l'invitation à procéder à la régularisation d'autres vices deforme affectant la requête laquelle devra être adressée audit mandataire (CE, 31 juill. 1996, n° 173556, Élect.Argenton-Château : JurisData n° 1996-050877 ; Gaz. Pal. 1996, 2, lettre jurispr. p. 599 ; Dr. adm. 1996, comm. 581. -sur l'interruption des délais par l'effet de la demande d'aide juridictionnelle, V. Fasc. 1084).

D. - Traitement du dossier en l'absence de réponse à la demande de régularisation

82. - En une telle hypothèse, il résulte de la lettre du texte qu'en l'absence de régularisation observée au terme du délai,la requête est devenue irrémédiablement irrecevable ; une telle irrecevabilité peut dès lors être opposée par ordonnanceprise sur le fondement de l'article R. 222-1 du Code de justice administrative.

E. - Conséquences de l'omission des procédures d'appel à régulariser

83. - Il convient de distinguer ici selon que le jugement a déclaré l'irrecevabilité de la demande ou que, au contraire, il aaccueilli cette dernière.

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1° Irrégularité du jugement ayant opposé l'irrecevabilité

84. - Le jugement opposant une irrecevabilité au nombre de celles qui sont régularisables après expiration du délaide recours contentieux sans que le demandeur ait été appelé à procéder à la régularisation de sa demande est entachéd'irrégularité. Ainsi en est-il, par exemple :

- de l'irrecevabilité tirée du défaut d'avocat en première instance, alors qu'aucune demande derégularisation n'est intervenue en première instance (CE, sect., 27 janv. 1989, Chrun : Rec. CE 1989,p. 37) ;

- du défaut de droit de timbre (CE, sect., avis, 18 févr. 1994, n° 155152, Chatbi : JurisDatan° 1994-040897 ; Rec. CE 1994, p. 79 ; JCP G 1994, IV, p. 123).

2° Irrecevabilité non opposée par les premiers juges : impossibilité de l'invoquer pour la première fois enappel

85. - Quand l'irrecevabilité n'a pas été soulevée en première instance, le défendeur de première instance ne peututilement soutenir, pour la première fois en appel, l'irrecevabilité de la demande de première instance à condition quel'anomalie affectant cette dernière et qu'il invoque est au nombre de celles qui n'auraient pu être régulièrementopposées par les premiers juges qu'après que le demandeur ait été appelé à procéder à la régularisation de sa requête(CE, 5 déc. 1986, n° 52686, Morra : JurisData n° 1986-045892).

S'agissant d'une fin de non-recevoir opposée en appel et tirée :

- du défaut de ministère d'avocat en première instance alors qu'aucune demande de régularisation n'estintervenue en première instance (CE, 21 sept. 1990, n° 46103, Sté concours techniques : JurisDatan° 1990-645050 ; Rec. CE 1990, p. 249. - CAA Lyon, 22 janv. 1997, n° 95LY0186, Sté régie Chapot :Dr. fisc. 1997, comm. 556) ;

- du défaut de qualité pour agir des représentants de l'association demanderesse en première instance(CE, 30 nov. 1994, n° 135963, Cne Poligny : JurisData n° 1994-047733 ; Rec. CE 1994, tables,p. 1138. - CAA Paris, 19 déc. 1996, n° 95PA00025, Assoc. Seine-et-Marnaise sauvegarde nature : Dr.adm. 1997, comm. 105).

86. - Si le juge d'appel est conduit à se prononcer sur le litige par la voie de l'évocation (situation qui le place en jugede premier ressort) il lui appartiendra, avant de statuer sur la demande, de prendre les mesures pour pallier les vicesde l'instruction, et notamment, s'il y a lieu, d'adresser les appels à régulariser qui n'auraient pas été effectués. Demême, en hypothèse d'évocation, la production devant le juge d'appel de la délibération de l'assemblée générale d'uneassociation intervenue après prononcé du jugement, est de nature à régulariser la demande contentieuse (CE, 27 janv.1995, n° 119276, SCI domaine de Tournon et a. et Cne Aix-en-Provence : JurisData n° 1995-045461 ; Rec. CE1995, tables, p. 1005. - pour une solution [implicite] comparable s'agissant du ministère d'avocat, CE, 10 févr. 1984,Dufour : Rec. CE 1994, p. 59).

F. - "Traitement" des dossiers déjà instruits et affectés de telles irrecevabilités

87. - Si le défendeur n'a pas soulevé de fin de non-recevoir de la requête à raison de l'une de ces irrecevabilités, ilappartiendra au président de la formation de jugement, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du Code dejustice administrative d'informer le demandeur de ce que celle-ci est susceptible de fonder la décision à intervenir (V.infra n° 171 s.).

Cette décision pourra être opposée par ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 222-1.

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G. - Traitement des irrecevabilités par ordonnance

1° Textes applicables

88. - Les dispositions du Code de justice administrative permettent en effet de traiter les irrecevabilités que nousvenons d'étudier par ordonnance. Il faut à cet effet distinguer entre le Conseil d'État (CJA, art. R. 122-12) et lestribunaux et les cours administratives d'appel (CJA, art. R. 222-1).

Aux termes de l'article R. 122-12 :

Les présidents de sous-sections peuvent, par ordonnance : (...)

4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ouqu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

Aux termes de l'article R. 222-1 du Code de justice administrative :

Les présidents de tribunal administratif et de cour administrative d'appel, le vice-président du tribunal administratif de Paris etles présidents de formation de jugement des tribunaux et des cours peuvent, par ordonnance : (...)

4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ouqu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ;

2° Garanties procédurales à respecter

89. - Concernant ces garanties, on renverra supra n° 34.

3° Champ d'application

90. - Aux termes mêmes de ces articles, une irrecevabilité ne peut conduire au rejet d'une requête par voied'ordonnance que si celle-ci est manifestement irrecevable, ou lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leurauteur à la régulariser ou qu'elle n'a pas été régularisée à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens.

Le rejet par voie d'ordonnance de l'article R. 222-1 peut intervenir, si la mesure d'appel à régulariser a étérégulièrement opérée sur le fondement des dispositions de l'article R. 612-2, dès l'expiration du délai imparti dans lamise en demeure. Seront opposables par cette voie les irrecevabilités tenant à la non-production de la requête ennombre d'exemplaires suffisant au regard des dispositions de l'article R. 411-3 du code, feu le défaut de timbre fiscal,la non-production de la décision attaquée, le défaut de ministère d'avocat.

L'irrecevabilité tenant au défaut de motivation de la requête peut régulièrement être opposée par ordonnance prise surle fondement de l'article R. 222-1, dès lors que le vice n'a pas été couvert avant expiration du délai de recourscontentieux.

En matière de demande de référé pouvait ainsi être rejetée une requête qui se borne à l'exposé de faits sans comporterde demande de mesure susceptible d'être ordonnée en application des dispositions des articles R. 128 à R. 130 duCode des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CE, 4 nov. 1992, n° 125151, Vales).

91. - Limites. Les dispositions de l'article L. 118-2 du Code électoral qui font obligation au juge saisi d'unecontestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné de surseoir àstatuer jusqu'à réception des décisions de la commission de contrôle des comptes de campagne et des financementspolitiques, font obstacle à ce que, sans attendre la décision de ladite commission, le président du tribunaladministratif rejette une telle contestation, manifestement tardive, par ordonnance, pour irrecevabilité manifeste (CE,ass., 23 oct. 1992, n° 136965, Tourlet, Élect. cant. Montrichard : JurisData n° 1992-046690 ; Rec. CE 1992, p. 377 ;

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Dr. adm. 1992, comm. 474 ; RFD adm. 1992, p. 1097) ; le juge d'appel peut soulever d'office le moyen tiré de cetteméconnaissance des dispositions de l'article L. 118-2 du Code électoral (solution implicite).

V. - Opérations matérielles de l'instruction

92. - Si le magistrat instructeur estime que la requête doit faire l'objet d'une instruction, celle-ci obéit à des règlesposées par le livre VI du Code de justice administrative. Il faut à cet effet poser les règles générales applicables àl'ensemble des juridictions de droit commun (CJA, Livre VI, Titre premier, Chapitre premier, Section I) et les règlesparticulières pour les tribunaux (CJA, Section 2), les cours (CJA, Section 3) ou le Conseil d'État (CJA, Section 4).

Il faudra, ensuite, étudier les différentes procédures à la disposition du magistrat instructeur lui permettant soit de forcerune partie récalcitrante à produire (CJA, Chapitre 2) soit de procéder à une instruction particulière eu égard au contenude la requête (CJA, art. R. 611-7 et Titre II).

A. - Déroulement général de l'instruction

93. - Suite à sa désignation (CJA, art. R. 611-9, R. 611-16 et R. 611-20), le rapporteur procède à l'établissement d'unplan d'instruction qui consiste :

- d'une part, à déterminer les parties en demande et en défense ;- et, d'autre part, à organiser un calendrier de communication des requêtes et des mémoires entre ces

différentes parties.

Pour les tribunaux, ce sont les dispositions de l'article R. 611-10 qui s'appliquent, pour les cours, ce sont celles del'article R. 611-17 et, enfin, celles de l'article R. 611-20 pour le Conseil d'État. L'exécution matérielle des mesures qu'ildécide est assurée par le greffe de la chambre et au Conseil d'État par celui de la sous-section.

Les dispositions des articles R. 611-11 et R. 611-18 permettent devant les tribunaux et les cours au président de laformation de jugement d'utiliser les pouvoirs qu'il détient des dispositions de l'article R. 613-1 et de fixer ainsi d'embléel'ensemble du calendrier de procédure y compris la date de clôture de l'instruction et l'indication de la date de l'audience.Ces dispositions sont souvent utilisées pour les contentieux devant être jugés rapidement tels les affaires électorales oules obligations de quitter le territoire français.

1° Une instruction écrite

94. - La notification est obligatoirement écrite (CE, 6 juin 1913, Allegrini : Rec. CE 1913, p. 640). Elle est organiséeselon différentes modalités.

2° Une instruction contradictoire

95. - Ce sont les dispositions des articles L. 5 et R. 611-3 qui le prévoient. Ce dernier dispose en effet que : "Lesdécisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties, en même temps que les copies, produites enexécution des articles R. 411-3 et suivants et de l'article R. 412-2, des requêtes, mémoires et pièces déposés augreffe. La notification peut être effectuée au moyen de lettres simples".

3° Une instruction inquisitoriale

96. - C'est le magistrat instructeur qui la dirige (CJA, art. R. 611-10, pour les tribunaux ; art. R. 611-17, pour lescours) et non pas les parties, même si celles-ci peuvent lui demander de prendre telle ou telle mesure.

4° Une instruction soumise à des délais de production

97. - Ce sont les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux, R. 611-17 pour les cours et R. 611-25 pour le

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Conseil d'État qui prévoient, eu égard aux circonstances de l'affaire, un délai accordé aux parties pour produire leursmémoires.

B. - Modalités de mise en oeuvre de l'instruction

98. - La mise en oeuvre de l'instruction consiste en une communication de la requête aux différentes parties. Il faudras'interroger sur les modalités concrètes de cette communication, puis sur les documents soumis à la procédurecontradictoire et, enfin, sur la fixation du délai de production.

1° Modalités concrètes de communication

a) Règle générale

99. - Ce sont les dispositions de l'article R. 611-3 qui prévoient les règles de droit commun en matière de modalitésde communication. Elles disposent en effet que :

Les décisions prises pour l'instruction des affaires sont notifiées aux parties, en même temps que les copies, produites enexécution des articles R. 411-3 et suivants et de l'article R. 412-2, des requêtes, mémoires et pièces déposés au greffe. Lanotification peut être effectuée au moyen de lettres simples. Toutefois, il est procédé aux notifications de la requête, desdemandes de régularisation, des mises en demeure, des ordonnances de clôture, des décisions de recourir à l'une des mesuresd'instruction prévues aux articles R. 621-1 à R. 626-3 ainsi qu'à l'information prévue à l'article R. 611-7 au moyen de lettresremises contre signature ou de tout autre dispositif permettant d'attester la date de réception.

Les dispositions du début de l'article R. 611-5 sont relatives à la communication des pièces jointes qui obéissentaux mêmes règles que les mémoires : "Les copies, produites en exécution de l'article R. 412-2, des pièces jointes àl'appui des requêtes et mémoires sont notifiées aux parties dans les mêmes conditions que les requêtes etmémoires".

Il résulte ainsi des dispositions de l'article R. 611-3 du Code de justice administrative qu'un mémoire en répliquepeut être communiqué à l'autre partie par lettre simple. Dans le cas où une partie soutient ne pas avoir reçu un telmémoire transmis par lettre simple, la décision du Conseil d'État "Garde des Sceaux, ministre de la Justice c/Perrier" fixe les règles que doit suivre le juge d'appel afin de vérifier si la procédure a été ou non correctementsuivie. Ainsi, il est fait mention de cette communication sur la fiche de suivi de la requête figurant au dossier, ilétait donc loisible à la partie se plaignant de l'absence de communication par l'accès au système informatique desuivi de l'instruction qui lui avait été fourni, de vérifier l'état de la procédure à tout moment, notamment au reçu del'avis d'audience, et de s'aviser alors qu'un mémoire avait été produit, cette consultation la mettant à même dedemander au greffe de la juridiction de procéder, le cas échéant, à un nouvel envoi. Ensuite, il ressort des mentionsde la décision juridictionnelle attaquée que le rapporteur a été présenté publiquement à l'audience, à laquelle cettepartie avait la faculté de se faire représenter, en application de l'article R. 732-1 du même code, le rapport danslequel sont mentionnées les productions des parties. Enfin, il ne ressort d'aucun élément au dossier qu'elle auraitcontesté, comme elle pouvait le faire en application de l'article R. 731-3, dans une note en délibéré, avoir reçucommunication du mémoire en question (CE, 5 mars 2009, n° 315084, Garde des Sceaux, min. Justice c/ Perrier :JurisData n° 2009-075055 ; JCP A 2009, act. 317). Cette jurisprudence a été étendue au mémoire en défense avecune petite variante liée au fait que l'avocat en défense était présent lors de l'audience publique au cours de laquellele rapporteur y a présenté publiquement, en application de l'article R. 731-3 du Code de justice administrative, lerapport dans lequel sont mentionnées les productions des parties. La décision précise qu'il ne ressort d'aucunélément du dossier que son avocat aurait contesté, ni dans les observations qu'il a été amené à présenter oralementaprès le rapport, ni, comme il pouvait le faire en application de l'article R. 731-5, dans une note en délibéré, avoirreçu communication du mémoire en défense (CE, 7 juill. 2008, n° 294146, Cne Haillicourt : JurisDatan° 2008-073865 ; JCP A 2008, act. 667).

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Dans la mesure où la communication des autres mémoires peut être opérée par simple lettre, il sera alors peut êtrefacile à une partie d'invoquer devant le juge d'appel qu'elle n'a pas eu communication d'un des mémoires de lapartie adverse ; le juge d'appel appréciera la vraisemblance d'une telle affirmation en procédant à l'analyse ducontenu des mémoires de l'intéressé (CE, 1er févr. 1993, n° 43141, Bertin). Le Conseil d'État a ainsi, en sa qualitéde juge d'appel des élections, censuré un jugement de tribunal administratif au motif qu'en l'absence d'envoi de laprotestation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception par le greffe du tribunal, il ne résulte pas del'instruction que cette protestation ait été effectivement communiquée au requérant. Le Conseil en a tiré que cetteabsence ayant été de nature à porter atteinte au caractère contradictoire de la procédure, le jugement a été rendu à lasuite d'une procédure irrégulière (CE, 19 déc. 2008, n° 317046, Élect. mun. Vulvoz : AJDA 2009, p. 503).

b) Dispositions particulières à la communication des mémoires et des pièces

100. - Les dispositions qui suivent prévoient des modalités particulières de communication.

101. - Communication en la forme administrative - Les dispositions de l'article R. 611-4 prévoient en effetque : "La notification peut également être effectuée dans la forme administrative. Il est donné récépissé de cettenotification et, à défaut de récépissé, il est dressé procès-verbal de la notification par l'agent qui l'a faite. Lerécépissé ou le procès-verbal est transmis immédiatement au greffe".

102. - En cas de pièces jointes volumineuses - Les dispositions de la fin de l'article R. 611-5 disposent en effetque : "Lorsque le nombre, le volume ou les caractéristiques des pièces jointes font obstacle à la production decopies, l'inventaire détaillé de ces pièces est notifié aux parties qui sont informées qu'elles-mêmes ou leursmandataires peuvent en prendre connaissance au greffe et en prendre copie à leurs frais".

Dès lors que ni le nombre, ni le volume, ni les caractéristiques des pièces produites par une partie ne font obstacle àce qu'elles soient communiquées à la partie adverse, est entachée d'irrégularité la décision juridictionnelleintervenue sans qu'il ait été satisfait à la demande de communication formulée (CE, 18 oct. 1993, n° 118586,Zirah : Rec. CE 1993, p. 957 ; Gaz. Pal. 1993, 2, lettre jurispr. p. 568).

103. - Déplacement des pièces - Les dispositions de l'article R. 611-6 disposent en effet que : "Le président de lajuridiction ou, au Conseil d'État, le président de la sous-section chargée de l'instruction peut autoriser ledéplacement des pièces, pendant un délai qu'il détermine, dans une préfecture ou une sous-préfecture, ou au greffed'une autre juridiction administrative. En cas de nécessité reconnue, il peut également autoriser la remisemomentanée de ces pièces, pendant un délai qu'il fixe, entre les mains des avocats ou avoués des parties ou desreprésentants des administrations".

Si le président du tribunal autorise la remise momentanée des pièces prévue par ces dispositions du code, il doitlaisser un délai suffisant au bénéficiaire de la remise pour que celui-ci présente ses observations après prise deconnaissance des documents communiqués. Faute d'un délai suffisant, la procédure ne pourrait être regardéecomme contradictoire (CE, 7 oct. 1981, Épx Martinet : Rec. CE 1981, tables, p. 872 ; RD publ. 1982, p. 849 ; Dr.adm. 1981, comm. 378. - V. infra n° 120).

Ce droit de communication est important, en tant qu'il permet aux parties de prendre connaissance des piècesjointes aux requêtes et mémoires, pour lesquelles la production des copies n'est pas exigée.

Aussi chaque partie doit être avisée par le tribunal administratif des différentes productions versées au dossier (CE,sect., 26 mars 1976, Conseil rég. ordre pharmaciens : Dr. adm. 1976, comm. 127 ; AJDA 1977, p. 157).

Toutefois le droit de prendre communication des défenses au greffe du tribunal administratif doit être concilié avecles nécessités du bon fonctionnement de la justice ; n'est pas entaché d'irrégularité le jugement rendu alors quel'accès au dossier sollicité par le requérant immédiatement avant le début de l'audience au rôle de laquelle l'affaireétait inscrite, lui a été refusé (affaire relevant du contentieux des élections municipales, CE, 14 févr. 1990,

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n° 108266, Chereau : JurisData n° 1990-040672 ; Gaz. Pal. 1990, 2, pan. dr. adm. p. 549).

Est inopérant le moyen tiré de ce que la circonstance que le requérant n'ait pas eu communication d'un ensemble de150 pièces produites par la partie adverse et que celles-ci n'aient pu le cas échéant qu'être consultées au greffe dutribunal constituerait une violation des dispositions de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegardedes droits de l'homme et des libertés fondamentales, celles-ci ne trouvant application au recours pour excès depouvoir (dirigé contre un arrêté de licenciement d'un agent public) qui ne procède pas d'un litige relatif aux droits etintérêts de caractère civil (CE, 8 juin 1994, n° 112122, Jacquet et a.).

104. - D'autres formes de communication sont concevables, notamment à raison de l'urgence : ainsicommunication par télégramme (CE, 20 déc. 1972, n° 826361, Meyronneime), par télécopie.

c) Question des requêtes et mémoires en défense collectifs

105. - Ces cas de figure qui posent des questions communes sont régis pour les mémoires en demande par lesdispositions de l'article R. 411-6 qui énoncent que : "À l'exception de la notification de la décision prévue auxarticles R. 751-1 à R. 751-4, les actes de procédure sont accomplis à l'égard du mandataire ou du représentantunique mentionné à l'article R. 411-5, selon le cas" et pour les mémoires en défense par celles de l'article R. 611-2qui dispose que : "Sauf s'il est signé par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, le mémoire endéfense ou en intervention présenté par plusieurs personnes physiques ou morales doit comporter, parmi lessignataires, la désignation d'un représentant unique. À défaut, le premier dénommé est avisé par le greffe qu'il estconsidéré comme le représentant mentionné à l'alinéa précédent, sauf à provoquer de la part des autressignataires, qui en informent la juridiction, la désignation d'un autre représentant unique choisi parmi eux. Àl'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-1 à R. 751-4, les actes de procédure sontaccomplis à l'égard du représentant unique".

d) Question de la communication aux mandataires

106. - La communication est adressée aux parties lorsque celles-ci ne sont pas représentées, dans l'hypothèsecontraire, à leur mandataire (V. Fasc. 1088). En effet, lorsqu'il y a eu constitution d'avocat ou d'avoué, les actes deprocédure ne sont accomplis qu'à l'égard de celui-ci (sauf notification du jugement ou de l'ordonnance).

S'il s'agit des collectivités publiques, il faut suivre les règles habituelles de représentation (V. Fasc. 1088).

e) Question de la notification à l'État

107. - Des dispositions particulières existent devant les tribunaux administratifs afin de mieux "cibler" cettecommunication. Ainsi l'article R. 611-12 prévoit que : "Les communications à l'État des demandes et des différentsactes de procédure sont faites à l'autorité compétente pour représenter l'État devant le tribunal".

Sur la détermination du représentant de l'État, voir Fascicule 1089.

Cette disposition a une portée générale et s'applique dans l'hypothèse même où l'acte attaqué a été pris par un préfet(CE, 2 mai 1958, min. Int. : Rec. CE 1958, p. 256) ou par un chef des services déconcentrés (CE, 17 nov. 1986, SALuchaire c/ Barse et a. : Rec. CE 1986, p. 664) et alors même que le tribunal serait saisi sur renvoi pour apprécierde la légalité d'une décision administrative.

Ainsi, sera entaché de vice de procédure le jugement du tribunal administratif intervenu alors que la requête a étécommuniquée au préfet dans une hypothèse où la représentation de l'État appartenait au ministre (CE, 7 juill. 1993,n° 91163, min. Aff. soc. et Emploi c/ Synd. nat. personnel préfectures, départements et régions CGT-FO :JurisData n° 1993-045295).

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Lorsqu'une décision intéresse plusieurs ministres, la communication au ministre "principalement intéressé" est à larigueur suffisante (CE, 18 mars 1960, min. Éduc. nat. : Rec. CE 1960, p. 204).

108. - Il faut noter que des dispositions spécifiques ont été prévues par les articles R. 611-13 à R. 611-15 pour lacommunication des requêtes mettant en cause soit l'État, soit certains actes des autorités locales.

Ainsi devant les tribunaux administratifs de la Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie, les demandesprésentées contre une décision prise au nom ou pour le compte de l'État et les demandes présentées contre l'État etmettant en cause sa responsabilité ainsi que toutes les demandes présentées contre les délibérations ou actes desautorités locales sont communiquées par le tribunal administratif au Haut-commissaire. Les demandes présentéescontre une délibération de l'assemblée de la Polynésie française ou du congrès de la Nouvelle-Calédonie sontcommuniquées au président de l'assemblée concernée (CJA, art. R. 611-14).

Ainsi devant le tribunal administratif de Mayotte, les demandes présentées contre une décision ou une délibérationprise au nom ou pour le compte de l'État ou de la collectivité territoriale, et les demandes présentées contre l'État oula collectivité territoriale et mettant en cause leur responsabilité, sont communiquées par le tribunal administratif aureprésentant du Gouvernement (CJA, art. R. 611-15).

Enfin, devant le tribunal administratif de Mata-Utu, les demandes présentées contre une décision ou unedélibération prise au nom ou pour le compte de l'État ou du territoire des îles Wallis et Futuna, et les demandesprésentées contre l'État ou le territoire des îles Wallis et Futuna et mettant en cause leur responsabilité, sontcommuniquées par le tribunal administratif à l'administrateur supérieur.

f) Communication au demandeur

109. - Quand un requérant a indiqué deux adresses dans sa demande, l'une en France dans le ressort du tribunaladministratif qu'il a saisi, l'autre à l'étranger, il ne peut contester la régularité de la procédure d'instruction à raisonde ce que les mémoires de la partie adverse auraient été adressés à la première de ces adresses et qu'eu égard auxdélais de leur transmission à la seconde de celles-ci, il n'a pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre (CE,15 juin 1987, n° 51804, Mascaro, cité supra n° 77).

g) Communication au cocontractant de l'administration défendeur

110. - Méconnaît les dispositions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative et le caractèrecontradictoire de la procédure, un tribunal qui ne communique pas la requête à la société Semercli signataire de laconvention attaquée passée avec la commune défenderesse et directement intéressée au maintien de celle-ci (CAAVersailles, 12 mars 2009, n° 07VE02221, Cne Clichy-La-Garenne : JurisData n° 2009-004034).

2° Documents soumis à communication

111. - Cette question est importante et a fait l'objet d'une nombreuse jurisprudence, car le défaut de communicationd'un document qui aurait dû être communiqué entache d'irrégularité la procédure pour atteinte au principe ducontradictoire. Il en résulte que serait nul le jugement rendu sur le vu de mémoires non communiqués (CE, 2 juin1944, Éts Le Prieur : Rec. CE 1944, p. 161. - CE, 6 févr. 1952, Joffroy : Rec. CE 1952, p. 801. - CE, 1er juill. 1959,Piquerel : RD publ. 1959, p. 1248). Il faut donc distinguer entre les documents soumis à communication et ceux quetant le code que la jurisprudence, ont écartés d'une telle obligation. Il faut, enfin, réserver une place particulière àcertaines procédures limitant cette exigence de communication.

a) Documents soumis à communication

112. - Pour déterminer si un document entre ou non dans le champ de cette obligation, il faut partir des dispositionsdu code qui prévoit à son article R. 611-1 que : "La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête

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et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans lesconditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sontcommuniqués s'ils contiennent des éléments nouveaux".

Le mémoire en défense, quel que soit son contenu doit être communiqué au demandeur (CE, 9 juill. 1997,n° 153012, Holley : JurisData n° 1997-050980 ; Gaz. Pal. 26-30 déc. 1997, lettre jurispr. p. 5). Un premiermémoire en défense adressé par télécopie parvenu au greffe de la juridiction avant la clôture de l'instruction,confirmé par courrier postérieurement à la clôture de celle-ci, est produit régulièrement. Il appartient à la juridictionde le communiquer au requérant, faute de méconnaître les exigences qui découlent des dispositions de l'articleR. 138 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, reprises à l'article R. 611-1 duCode de justice administrative (CE, 3 avr. 2002, n° 220086, Peschard et a., cité supra n° 12).

Ainsi, si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux,la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction.

La communication doit porter, à peine de nullité du jugement sur toute pièce essentielle dont le tribunaladministratif a obtenu la production (CE, 28 févr. 1964, Daligault : Dr. adm. 1964, comm. 80), ainsi, s'agissant delettres versées le jour de l'audience (CE, 14 mai 1993, n° 138718, Ho-A-Chuck, Élect. cant. Roura : JurisDatan° 1993-044927).

L'obligation de communication des mémoires s'applique selon les mêmes principes et sous les mêmes sanctionséventuelles aux mémoires des parties principales et aux mémoires des parties intervenantes (CE, 9 nov. 1984, StéGroupement pour étude et réalisation implantations commerciales : Dr. adm. 1984, comm. 535).

Dès lors que ni le nombre, ni le volume, ni les caractéristiques des pièces produites par une partie ne font obstacle àce qu'elles soient communiquées à la partie adverse, est entachée d'irrégularité la décision juridictionnelleintervenue sans qu'il ait été satisfait à la demande de communication formulée (CE, 18 oct. 1993, n° 118586, Zirah,cité supra n° 102).

b) Documents non soumis à communication

113. - Un certain nombre de documents échappent ainsi à cette obligation de communication sans entacher laprocédure d'irrégularité. Cette possibilité est prévue par une lecture a contrario des dispositions du dernier alinéa del'article R. 611-1 qui prévoit que : "Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent deséléments nouveaux".

Il faut les classer en diverses rubriques.

114. - Documents n'apportant aucun élément nouveau de nature à porter atteinte au principe ducontradictoire - Il résulte des dispositions de l'article R. 611-1, destinées à garantir le caractère contradictoire del'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est enprincipe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des piècesdu dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties(CE, 7 juill. 2004, n° 256398, Communauté agglomération Val-de-Garonne, cité supra n° 16). De même, si laméconnaissance de ces dispositions tenant à ce que le premier mémoire en défense d'un défendeur n'est pascommuniqué à l'auteur de la requête constitue en principe une irrégularité qui vicie la procédure, il en va autrementdans le cas où ce mémoire ne contient aucun moyen (CE, 14 mars 2001, n° 204073, Cts Bureau et a., cité supran° 16).

Dès lors que le mémoire en défense produit devant le Conseil d'État statuant comme juge de cassation n'apporteaucun élément nouveau par rapport à ceux qui figuraient déjà dans les écritures de première instance et d'appel etbien qu'il soit regrettable qu'un mémoire soit produit le matin même de l'audience, le respect du caractère

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contradictoire de la procédure et des droits de la défense ne conduit pas, dans ces conditions, à reporter l'affaire,alors surtout que l'avocat des requérants n'a pas demandé de report (CE, 24 oct. 2005, n° 259807, Guigue et Féd.synd. généraux éduc. nat. et recherche publique [SGEN-CFDT], cité supra n° 16).

Dès lors qu'il ressort de l'examen du jugement que le tribunal administratif ne s'est pas fondé, pour prendre sadécision, sur des éléments dont M. C. n'aurait pas eu connaissance, le moyen tiré de ce que le caractèrecontradictoire de la procédure n'aurait pas été respecté doit, en tout état de cause, être écarté (CE, 22 mai 1996,n° 135746, Colosiez, cité supra n° 16).

Dans le cas d'un litige opposant le requérant à l'administration fiscale et portant sur la question de savoir si lesactivités que l'intéressé a exercées en Italie pendant deux ans entrent dans le champ d'application des dispositionsde l'article 81 A du Code général des impôts. Dans la mesure où cette question a été débattue par les parties dans lesmémoires échangés devant le tribunal administratif et où le jugement frappé d'appel devant la cour administratived'appel se fondait, pour rejeter les conclusions du requérant, sur le motif qu'il résultait de l'instruction que lesactivités exercées par ce dernier en Italie pendant la période en cause n'entraient pas dans le champ d'applicationdes dispositions précitées, eu égard à l'argumentation de la requête d'appel et aux autres pièces du dossier soumis àl'examen de la cour, le président de chambre de la cour n'a pas fait une inexacte application des dispositions duCode de justice administrative en décidant qu'il n'y avait pas lieu de communiquer la requête à l'administrationfiscale et en transmettant directement le dossier au rapporteur public pour qu'il fût inscrit au rôle d'une formationcollégiale de jugement (CE, 8 nov. 2000, n° 203724, Morel : JurisData n° 2000-061296 ; Rec. CE 2000, p. 507).

115. - Documents non communicables en raison de leur protection - Si le caractère contradictoire de laprocédure exige la communication à chacune des parties de toutes les pièces produites au cours de l'instance, cetteexigence est nécessairement exclue en ce qui concerne les documents dont le refus de communication constituel'objet même du litige (CE, 13 mai 1992, n° 105129, min. Int. c/ Le Calve. - CE, 20 juin 1997, n° 172761, Assoc.sauvegarde vallées et prévention pollutions). En une telle hypothèse le juge a la faculté d'ordonner àl'Administration la production desdits documents sans que soit donnée communication des pièces au requérant.

Ainsi, l'Administration ne peut être tenue, pour l'exécution des mesures d'instruction ordonnées par le juge desréférés, de communiquer des pièces couvertes par un secret protégé par la loi, tel le secret des affaires, sansl'autorisation de celui dans l'intérêt duquel le secret a été édicté, qu'il s'agisse de pièces n'émanant pas del'Administration mais qu'elle détient ou de pièces émanant de l'Administration ou d'un organisme de contrôledépendant de l'État, tels les passages de rapports reproduisant des informations couvertes par le secret (CE, 6 avr.2001, n° 202420, min. Éco., Fin. et Ind. c/ Vannier-Moreau et a. : JurisData n° 2001-062598 ; Rec. CE 2001,tables, p. 1088).

De même, si le caractère contradictoire de la procédure exige la communication à chacune des parties de toutes lespièces produites au cours de l'instance, cette exigence est nécessairement exclue en ce qui concerne les documentsdont le refus de communication constitue l'objet même du litige. En l'espèce, l'état de l'instruction ne permettant pasd'apprécier le bien-fondé du moyen invoqué par la Banque de France pour justifier son refus, tiré de ce que lesrapports dont la communication est demandée par M. H. constitueraient, dans leur intégralité, et non dans les seulsparagraphes que la Commission d'accès aux documents administratifs avait exclus de la communication, desdocuments préparant des décisions ultérieures, il y a lieu d'ordonner avant dire droit, tous droits et moyens desparties demeurant réservés, la production des deux rapports dont s'agit à la sous-section de la section du contentieuxchargée de l'instruction de l'affaire sans que communication de ces pièces soit donnée à M. H., pour être ensuitestatué ce qu'il appartiendra sur les conclusions de la Banque de France (CE, sect., 23 déc. 1988, n° 95310, Banquede France c/ Huberschwiller : JurisData n° 1988-647084 ; Rec. CE 1988, p. 688 ; AJDA 1989, p. 99).

De même quand l'acte attaqué n'est pas publié en application de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978. Siun tel défaut de publication interdit la communication de l'acte litigieux aux parties autres que celle qui le détient,dès lors qu'une telle communication priverait d'effet la dispense de publication de l'acte attaqué, il ne peut, en

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revanche, empêcher sa communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettant d'apprécier lebien-fondé d'un moyen (V. supra n° 16).

Commet une erreur de droit le tribunal administratif qui juge que la SNCF est fondée à refuser la communication,sur le fondement du I de l'article 6 de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, de la base de données "CEZAR"(Connaître l'évolution des zones à risques), qui recense l'ensemble des informations relatives aux atteintes à lasécurité des biens et des personnes, sans rechercher si, eu égard à la diversité des informations contenues, aux diresmêmes des parties, et en l'absence de précisions sur la nature et la portée de leur divulgation éventuelle, certainesinformations étaient susceptibles d'être communiquées et pouvaient être disjointes des informations noncommunicables. Réglant l'affaire après annulation, le Conseil d'État ordonne avant-dire-droit la communication parla SNCF au Conseil d'État de l'intégralité de la base de données CEZAR, le cas échéant par consultation sur place,sans que ces pièces soient communiquées au demandeur (CE, 6 févr. 2008, n° 304752, Sté anonyme d'exploitationhebdomadaire "Le Point" : JurisData n° 2008-073054 ; Rec. CE 2008, p. 268).

116. - Documents non communicables en raison des modalités de leur production - En raison du droit absoludes parties de prendre communication des pièces au greffe, toute pièce produite doit être enregistrée audit greffe :par suite, le tribunal administratif ne peut légalement ordonner la communication de pièces à l'audience horsprocédure d'urgence (CE, 11 mars 1955, secr. d'Ét. Guerre c/ Coulon : Rev. prat. dr. adm. 1955, n° 190 ; D. 1955,jurispr. p. 555, note de Soto ; AJDA 1955, II, p. 182 ; Gaz. Pal. 1955, 1, p. 273).

Il en va de même pour les documents produits après clôture de l'instruction (CE, 13 juin 1958, Barbier : Rec. CE1958, p. 349 ; Rev. prat. dr. adm. 1958, n° 280. - V. infra n° 191 s.).

c) Procédures contentieuses soumises à des règles particulières en matière de communication

117. - En matière de contentieux des reconduites à la frontière. - Les observations en défense n'ont pas à êtrecommuniquées d'office au requérant à qui il appartient de demander une telle communication (CE, 28 juill. 1993,n° 136601, Camara : JurisData n° 1993-045543 ; Gaz. Pal. 1993, 2, lettre jurispr. p. 521) ; il appartiendra au jugede satisfaire à cette demande et de suspendre l'audience un temps suffisant pour permettre au représentant de lapartie concernée d'en prendre connaissance et de préparer sa réplique (CE, prés. sect. cont., 20 mars 1992,n° 126965, Tenia : JurisData n° 1992-041712 ; Rec. CE 1992, tables, p. 1223 ; Gaz. Pal. 1992, 2, pan. dr. adm.p. 157) ; en revanche méconnaît les dispositions de l'article R. 773-13 du code, et entache par suite d'irrégularitéson ordonnance le magistrat qui pour rejeter la demande d'annulation se fonde sur les informations contenues dansune fiche de police invoquée à la barre par le représentant du préfet, sans que ce document ou les informations qu'ilcontenait aient été communiquées au demandeur (CE, 22 janv. 1997, n° 163690, Nafa : JurisDatan° 1997-050013 ; Dr. adm. 1997, comm. 99).

118. - Dans les instances ouvertes sur une saisine du juge sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 ducode (CE, 8 mars 1996, n° 156510, Sté CGC entreprise : JurisData n° 1996-050367 ; Gaz. Pal. 1996, lettrejurispr. p. 340).

119. - En raison des dispositions particulières du Code électoral, le tribunal administratif n'est pas tenu decommuniquer au demandeur les observations en défense des proclamés élus et l'article 6 de la conventioneuropéenne de sauvegarde des droits de l'homme ne s'applique pas à ce contentieux (CE, 7 juill. 1993, n° 142798,Roustan : JurisData n° 1993-045296 ; Gaz. Pal. 1993, 2, lettre jurispr. p. 521). Il résulte des dispositionscombinées de l'article R. 773-1 du Code de justice administrative et des articles R. 119 et R. 120 du Code électoralque, par dérogation aux prescriptions de l'article R. 611-1 du Code de justice administrative, le tribunaladministratif n'est pas tenu d'ordonner la communication des mémoires en défense des conseillers municipaux dontl'élection est contestée à l'auteur de la protestation dirigée contre cette élection. Il en découle que la circonstanceque l'auteur de la protestation n'aurait pas été en mesure de répondre au mémoire en défense qui lui a été, en fait,communiqué n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure à l'issue de laquelle le jugement a été rendu

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(CE, 11 févr. 2002, n° 235093, Élect. mun. Brasles, cité supra n° 16).

3° Fixation du délai de production des mémoires

a) Principe d'un délai de production

120. - Pour que le principe du contradictoire posé par l'article L. 5 du Code de justice administrative puisse êtrepleinement respecté, le code prévoit que la réponse à la suite de la communication des mémoires tant en demande,qu'en défense ou en intervention doit être faite dans des délais prévus respectivement aux articles R. 611-10 pourles tribunaux, R. 611-17 pour les cours et R. 611-25 pour le Conseil d'État. Toutefois, ces articles ne prévoient pasde durée pour ce délai qui est fixé "eu égard aux circonstances de l'affaire", c'est-à-dire eu égard à sa complexité,mais aussi à l'urgence de la procédure. Il appartient donc au magistrat instructeur de le fixer, sous contrôle le caséchéant du juge d'appel ou de cassation. La fixation d'un délai trop bref pour pouvoir produire constituant uneatteinte au principe du contradictoire, le jugement ou l'arrêt entaché d'une telle violation sera annulé. Il faut doncs'interroger sur les modalités de calcul du délai, sur le caractère suffisant du délai de production avec undéveloppement particulier pour les procédures d'urgence et, enfin, sur les conséquences du non-respect de ce délai.

121. - Toutefois l'absence de fixation d'un délai précis n'entache pas d'irrégularité la procédure pour la productiond'un mémoire complémentaire. Ainsi, le tribunal administratif de Lille a pu légalement clore l'instruction et fixer ladate de son audience, l'affaire étant en état d'être jugée (CE, 10 oct. 1990, n° 94808, Cts Roussel : JurisDatan° 1990-645247 ; Rec. CE 1990, tables, p. 926).

b) Modalités de calcul du délai de réponse

122. - En dehors de précision s'agissant de la détermination du point de départ du délai imparti à une partie pourproduire son mémoire, celui-ci est fixé au jour de réception de la notification de la lettre du greffe lui ayant impartiledit délai (CE, sect., 28 juill. 1989, n° 105626, Ville Lyon c/ Rives et a. : JurisData n° 1989-043625 ; Rec. CE1989, p. 174 ; AJDA 1990, p. 68 ; LPA 7 oct. 1990, p. 11).

c) Caractère suffisant de ce délai dans le contentieux de droit commun

123. - L'appréciation de ce délai est soumise au contrôle du juge d'appel, qui peut rechercher si le délai accordé aété suffisant eu égard aux circonstances de l'affaire (CE, 11 oct. 1963, Assoc. "Les amis du site de Clagny" : AJDA1964, II, p. 55, concl. Braibant. - V. aussi CE, 10 mai 1957, sous-secr. d'Ét. marine marchande : AJDA 1957, II,p. 246, concl. Lasry ; Rev. prat. dr. adm. 1957, n° 233. - CE, 23 févr. 1966, Le Penven : Rec. CE 1966, p. 141),étant bien entendu que la brièveté du délai accordé ne vicie pas la procédure s'il s'agit d'un mémoire ne renfermantaucun élément nouveau (CE, 16 févr. 1966, n° 62830, Guérin : Dr. adm. 1966, comm. 110. - CE, 23 janv. 1985,n° 54441, Franck : Gaz. Pal. 1985, 2, pan. dr. adm. p. 330. - V. aussi CE, 18 mai 1984 : Rec. CE 1984, tables,p. 720 ; D. 1986, inf. rap. p. 35. - CE, 3 avr. 1987, min. Urb. et Log. c/ Assoc. protection environnement habitantsChâteauneuf-de-Grasse : Rec. CE 1987, p. 121), et ce alors même que le mémoire ne serait nouveau qu'en ce qu'ilrégularise une demande antérieure irrégulièrement présentée (par exemple, pour un mémoire opposantrégulièrement la prescription quadriennale antérieurement invoquée par l'avocat de la personne publique, CE,26 juill. 1985, CPAM Thionville c/ Iffly : Rec. CE 1985, p. 782).

124. - Un délai suffisant pour répondre doit être ménagé entre la notification d'un mémoire comportant deséléments nouveaux et l'appel de l'affaire à l'audience ce qui peut impliquer l'obligation pour le tribunal de rouvrirl'instruction (CE, 13 janv. 1988, n° 65856, Abina : JurisData n° 1988-005076 ; Rec. CE 1988, p. 6. - V. égalementFasc. 1100).

Relève, en revanche, de la seule appréciation des juges du fond et pas du juge de cassation, la question du caractèresuffisant du délai laissé à une partie pour répondre à des observations qui lui ont été communiquées (CE, sect.,5 juill. 2000, n° 189523, Rochard : JurisData n° 2000-060720 ; Rec. CE 2000, p. 298 ; AJ 2000, p. 613, chron.

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Guyomar et Collin).

125. - Un délai de 48 heures a été jugé suffisant dans le cas où le mémoire ne comportait pas d'élément nouveaupar rapport à ceux qui avaient été précédemment communiqués (CE, 29 déc. 2000, n° 211240, Gubler : JurisDatan° 2000-061868 ; RFD adm. 2001, p. 294).

126. - A été jugé insuffisant le délai laissé à une partie dans les cas suivants :

- avant l'introduction de la clôture de l'instruction. Dans le cas d'observations et de pièces produitespar le défendeur la veille de l'audience sans laisser à l'association requérante la possibilité derépliquer utilement (CE, sect., 31 déc. 1976, n° 03164, Assoc. Les amis de l'île de Groix : Rec. CE1976, p. 585) ;

- si le président d'un tribunal administratif n'est pas tenu de faire droit aux demandes de l'une desparties tendant à ce que les pièces jointes à un mémoire en défense de l'Administration lui soientcommuniquées en mains propres ou au greffe d'un autre tribunal administratif, il doit, dès lors qu'ildécide de lui communiquer ces pièces, lui laisser un délai suffisant pour présenter des observations àleur sujet. Le délai de quatre jours dont a disposé l'avocat des requérants entre la réception despièces et l'audience n'a pas été suffisant, compte tenu des éléments nouveaux de fait et de droitapportés par ces pièces sur lesquelles le tribunal s'est expressément fondé pour rejeter la requête,pour que le caractère contradictoire de l'instruction ait été respecté (CE, 7 oct. 1981, n° 09662,Martinet, cité supra n° 103) ;

- postérieurement à l'envoi au requérant, le 13 septembre 1982, par le greffe du tribunal administratif,de l'avis l'informant que l'affaire serait examinée à l'audience du 11 octobre 1982, l'Administration aproduit, le 30 septembre 1982, un second mémoire en défense qui comportait de nouveaux élémentsde fait et de droit. Si ce mémoire a été communiqué au requérant, celui-ci n'a pas disposé en l'espèced'un délai suffisant avant l'audience pour discuter ces éléments. Annulation du jugement pourprocédure irrégulière (CE, 23 mars 1988, n° 48131, Laurens : Rec. CE 1988, tables, p. 959) ;

- dans le cas d'un mémoire en défense enregistré au greffe du tribunal administratif le 14 juin 1983,alors que l'audience publique s'est tenue le 17 juin 1983. Dans ce cas le requérant n'a pas bénéficiéd'un délai suffisant pour présenter ses observations et la procédure suivie devant le tribunaladministratif est entachée d'irrégularité (CE, 23 nov. 1988, n° 54147, Moissinac : Dr. adm. 1989,comm. 53) ;

- un délai de trois jours pour répondre à un mémoire en défense n'est pas, de règle générale suffisantpour que le principe du contradictoire de l'instruction puisse être considéré comme respecté (CE,20 janv. 1989, SIVOM agglomération Rouennaise : Dr. adm. 1989, comm. 130. - V. également CE,23 nov. 1988, Moissinac, préc. - CE, 7 avr. 1993, n° 101340, SA Terconseil : JurisDatan° 1993-043345) ;

- méconnaît le principe du caractère contradictoire de la procédure le jugement qui condamne la partieperdante à verser à l'autre partie une somme de 86 644 F au titre des frais exposés par elle et noncompris dans les dépens alors que le mémoire comportant une demande tendant à obtenir lacondamnation à verser une somme de 324 040 F n'a été communiqué à l'autre partie que la veille del'audience, sans que celle-ci ait bénéficié d'un délai raisonnable pour prendre connaissance despièces justificatives présentées à l'appui de cette demande (CE, 21 août 1996, n° 133816, 133878,min. Éco. et Fin. c/ SA Bolle et Cie : Rec. CE 1996, p. 344).

d) Caractère suffisant de ce délai dans les contentieux devant être jugés en urgence

127. - Le calcul du délai doit être différent s'agissant des procédures d'urgence comme le rappellent les dispositionsde l'article L. 5 du Code de justice administrative. Il convient donc de leur réserver un examen particulier.

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128. - Référés de droit commun prévus par les articles L. 521-1 et suivants du Code de justiceadministrative. - Eu égard au caractère particulier de la procédure de suspension et à l'urgence qui s'y attache, lacirconstance que la requérante n'ait eu communication du mémoire en défense que le jour de l'audience ne constituepas une atteinte au caractère contradictoire de la procédure (CE, 13 nov. 1992, n° 133194, Javet-Tanguy :JurisData n° 1992-050634).

129. - Déféré référé prévu par l'article L. 2131-6 du Code général des collectivités territoriales. -L'observation du délai de quarante-huit heures mentionné au 5e alinéa de l'article L. 2131-6 du Code général descollectivités territoriales doit être conciliée avec le respect du principe du caractère contradictoire de la procédure.Il suit de là que la communication du déféré préfectoral que le président du tribunal administratif ou le magistratdélégué par lui donne à l'auteur de l'acte attaqué pour le mettre à même de présenter ses observations doit êtreassortie de l'indication du délai, compatible avec les dispositions susmentionnées et appropriées aux données del'espèce, qu'il lui impartit à cet effet et que ce n'est qu'à l'expiration de ce délai qu'il peut, nonobstant l'absence detelles observations, régulièrement statuer (CE, 13 juill. 1999, n° 210348, Cne Monétier-les-Bains, cité supra n° 14).

130. - Contentieux de la reconduite à la frontière - Dans la mesure où le demandeur peut présenter lors del'audience publique de nouvelles conclusions et de nouveaux moyens, aucune disposition du Code de justiceadministrative relative à cette procédure spécifique (CJA, Livre VII, Titre VII, Chapitre VI) ne prévoit de délaispour pouvoir présenter des observations.

e) Méconnaissance du délai

131. - Par le requérant - Ce délai, qui peut d'ailleurs être prolongé sur demande, n'est pas d'ordre public. Mais letribunal peut régulièrement statuer après expiration du délai imparti pour la production des mémoires en défense ouen réplique (CE, 12 mars 1958, Michel Lucien : Rev. prat. dr. adm. 1958, n° 154) même si l'Administration n'a pasrépondu à tous les mémoires du requérant mais dès lors que l'affaire est en l'état d'être jugée (CE, 10 févr. 1978,n° 06110, Allamellou).

132. - Par le juge - En revanche, sera regardée comme intervenant en méconnaissance du caractère contradictoirede la procédure toute décision juridictionnelle intervenant avant que le délai donné au destinataire de la notificationpour produire ses observations ne soit expiré (CAA Lyon, 9 avr. 1991, SCI avenue de la Lanterne : Rec. CE 1991,tables, p. 1123. - pour une ordonnance se prononçant sur une demande de référé-provision, CAA Paris, 6 mars1997, n° 96PA00279, Assoc. emploi-formation-solidarité. - pour l'ordonnance rendue par le président du tribunaladministratif sur le fondement de l'article R. 222-1 du code, alors qu'aucun délai n'avait été imparti au défendeurpour produire ses observations en réponse à la communication qui lui a été adressée de la demande et qu'il n'a paseu de convocation à une audience, CAA Nantes, 8 oct. 1996, n° 96NT01569, Raynal : JurisData n° 1996-051310. -pour une ordonnance, prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code qui, au vu d'un mémoireen défense, constate qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une requête, alors que le délai imparti au demandeur, auquel lemémoire en défense a été communiqué, pour produire un mémoire en réplique, n'est pas expiré, CAA Paris, 6 mars1997, n° 96PA00555, Charlery).

C. - Procédures permettant d'obliger une partie à produire

133. - Il arrive assez souvent qu'une partie ne respecte pas le calendrier de procédure ainsi établi. Dans ce cas de figure,le Code de justice administrative prévoit deux procédures afin d'obliger une partie à produire. L'une concerne ledemandeur, l'autre le défendeur.

1° Mise en demeure du demandeur de produire le mémoire complémentaire

134. - Cette première procédure n'est applicable que devant les tribunaux et les cours. Elle est relative à la mise endemeure pour le demandeur de produire le mémoire complémentaire qu'il a annoncé dans son mémoire introductifd'instance. Elle est prévue par les dispositions de l'article R. 612-5 qui dispose : "Devant les tribunaux administratifs

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et les cours administratives d'appel, si le demandeur, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée, n'a pasproduit le mémoire complémentaire dont il avait expressément annoncé l'envoi ou, dans les cas mentionnés ausecond alinéa de l'article R. 611-6, n'a pas rétabli le dossier, il est réputé s'être désisté".

Il résulte de ces dispositions que la mise en demeure prévue par l'article R. 612-5, à la différence de celle prévue parl'article R. 612-3, peut régulièrement intervenir sans avoir été précédée d'une invitation à produire dans un délaidéterminé (CE, 17 mai 2006, n° 272327, Mallein : JurisData n° 2006-070137 ; Rec. CE 2006, tables, p. 1021).

Ces dispositions du code ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'article 6 de la convention européenne desauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 10 oct. 1997, n° 136605, Comité sauvegardeenv. Simandres et cnes limitrophes : JurisData n° 1997-050715 ; Dr. adm. 1997, comm. 352).

Pour plus de précision sur l'application de ces dispositions assez rarement utilisées devant les tribunaux et les coursadministratives d'appel, voir Fascicule 1098.

2° Mise en demeure du défendeur de produire des observations

135. - Elle est prévue par les dispositions de l'article R. 612-3 du code qui prévoit que : "Lorsqu'une des partiesappelées à produire un mémoire n'a pas respecté le délai qui lui a été imparti en exécution des articles R. 611-10,R. 611-17 et R. 611-26, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, le président de lasous-section chargée de l'instruction peut lui adresser une mise en demeure". Cet article prévoit ensuite "qu'en casde force majeure, un nouveau et dernier délai peut être accordé".

Il faut toutefois noter qu'à côté de la mise en demeure de produire des observations et de sa possible conséquencel'acquiescement au fait (CJA, art. R. 612-6), la clôture de l'instruction peut également être utilisée dans ce but (V.infra n° 195).

136. - Les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux et R. 611-17 pour les cours issues du décret du22 février 2010 permettent au président de la formation de jugement de déléguer les pouvoirs qui lui sont conféréspar cet article au rapporteur du dossier.

a) Procédure à respecter

137. - Elle est prévue par les dispositions de l'article suivant, l'article R. 612-4, qui dispose : "Lorsqu'elle concerneune administration de l'État, la mise en demeure est adressée à l'autorité compétente pour représenter l'État ; dansles autres cas, elle est adressée à la partie ou à son mandataire, s'il a été constitué".

Les alinéas suivants sont relatifs à la procédure devant les tribunaux administratifs de la Polynésie française et deNouvelle-Calédonie où la mise en demeure est adressée par le président du tribunal administratif auhaut-commissaire si elle concerne une administration de l'État, le tribunal administratif de Mayotte où la mise endemeure est adressée par le président du tribunal administratif au représentant du Gouvernement si elle concerneune administration de l'État ou de la collectivité territoriale et enfin devant le tribunal administratif de Mata-Utu oùla mise en demeure est adressée à l'administrateur supérieur si elle concerne une administration de l'État ou duterritoire des îles Wallis et Futuna.

La mise en demeure ne peut régulièrement intervenir que vis-à-vis d'une partie qui n'a pas observé le délai qui luiavait été préalablement imparti pour produire un mémoire (CE, 24 avr. 1985, Dpt Hauts-de-Seine c/ Rouby : Rec.CE 1985, p. 732 ; Dr. adm. 1985, comm. 311 ; Gaz. Pal. 1986, 1, pan. dr. adm. p. 74 ; LPA 3 oct. 1986, p. 10 s. ;Quot. jur. 6 févr. 1988, p. 3).

Dans le cas où une partie au litige a été mise en demeure de produire un mémoire dans un premier délai fixé parl'autorité juridictionnelle compétente en application du premier alinéa de l'article R. 612-3 du Code de justice

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administrative et où cette autorité a ultérieurement fixé plus tard la clôture de l'instruction toujours sur le fondementdu premier alinéa de l'article R. 613-1 du même code, puis l'audience de jugement à des dates auxquelles le délaisusmentionné n'était pas encore expiré, sans avoir, au préalable, informé la partie mise en demeure de ce que ledélai fixé à sa production serait raccourci a entaché d'irrégularité son jugement (CE, 20 avr. 2005, n° 265326,Garde des Sceaux, min. Justice c/ Soulhol : JurisData n° 2005-068230 ; Rec. CE 2005, p. 155).

Toutefois, le président de la formation de jugement n'est pas tenu de mettre le défendeur en demeure de présenter sadéfense, dès lors qu'il estime que l'affaire est en état d'être jugée (CE, ass., 8 avr. 1987, min. Santé c/ Tête : Rec. CE1987, p. 144. - CE, 10 oct. 1990, n° 94808, Cts Roussel, cité supra n° 121).

b) Calcul du délai

138. - Le délai donné dans la mise en demeure est un délai franc (CE, 4 mai 1998, n° 154718, CneSaint-Sauveur-sur-École : JurisData n° 1998-050511).

c) Conséquence de l'échec de la mise en demeure

139. - D'une part, l'expiration du délai imparti par la mise en demeure ne fait pas obstacle à la prise enconsidération d'observations ou de pièces ultérieurement produites avant la clôture de l'instruction (CE, 7 mars1956, Danne : Rec. CE 1956, p. 111).

D'autre part, elle permet la mise en oeuvre de la procédure d'acquiescement aux faits.

3° Acquiescement aux faits

140. - Il est prévu par les dispositions de l'article R. 612-6 qui dispose que : "Si, malgré une mise en demeure, lapartie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoiresdu requérant".

Il faut ajouter à cette procédure celle issue de l'article R. 611-10 à la suite d'une demande d'un jugement avant diredroit (V. infra n° 149).

a) Recours à la procédure

141. - Cette procédure n'est pas obligatoire et la juridiction peut parfaitement juger une affaire sans y recourir.Ainsi pour annuler la décision du directeur des affaires sanitaires et sociales des Alpes-Maritimes qui lui étaitdéférée, le tribunal administratif de Nice ne s'est pas fondé sur le motif que le ministre de la Santé était, fauted'avoir présenté des observations en défense, réputé avoir acquiescé aux faits exposés dans la requête. Il a pulégalement, dès lors qu'il estimait l'affaire en état, statuer sans être tenu de mettre le ministre en demeure deprésenter sa défense. Le ministre n'est dès lors pas fondé à soutenir que, faute d'avoir été précédé d'une telle mise endemeure, le jugement serait intervenu sur une procédure irrégulière (CE, ass., 8 avr. 1987, n° 45172, min. Santé c/Tête, cité supra n° 135. - CE, 10 oct. 1990, n° 94808, Cts Roussel, cité supra n° 121).

b) Champ d'application

142. - Elle ne s'applique qu'aux faits invoqués par le demandeur et pas à ceux invoqués par un intervenant endemande.

En revanche, si le défendeur n'a pas produit, la circonstance qu'un observateur en défense ait produit, interdit d'enfaire usage (CE, 31 oct. 1986, n° 69647, min. Aff. soc. c/ Barthes et a.).

c) Procédure à respecter pour pouvoir la mettre en oeuvre

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143. - À défaut de mise en demeure, le tribunal administratif entache d'irrégularité la procédure en décidant que lapartie défenderesse a acquiescé aux faits exposés dans la requête (CE, 24 avr. 1985, n° 44191, 50486, DptHauts-de-Seine c/ Rouby, cité supra n° 137).

Un tel acquiescement aux faits ne peut être retenu si le ministre produit avant la clôture de l'instruction (CE, 23 oct.1987, n° 62929 et 63565, Épx Fournier et SCAVAB. - CAA Paris, 26 mai 1995, n° 94PA00257, Merlin : Dr. fisc.1995, comm. 2246), fût-ce pour demander un délai aux fins de faire procéder à des vérifications pour s'assurer parexemple de la non-prescription de la créance invoquée par le demandeur (CE, 4 oct. 1985, n° 2546, min. Éduc. nat.c/ Vine : Gaz. Pal. 1986, 1, pan. dr. adm. p. 233).

De même, si les défendeurs à l'instance n'ont pas observé le délai imparti par le Conseil d'État en application duCode de justice administrative, mais s'ils ont produit un mémoire enregistré avant que le Conseil d'État ne statue, ilsne peuvent être regardés, en tout état de cause, comme ayant acquiescé aux faits de la requête (CE, 11 févr. 1983,n° 34302, Synconem et a. : Rec. CE 1983, tables, p. 825).

Le fait que le ministre a omis de répondre à l'un des moyens formulés par le requérant ne constitue pas unacquiescement aux faits allégués à l'appui de ce moyen (CE, 11 mars 1970, n° 75821, Gayrard : Rec. CE 1970,p. 181).

Si le ministre invoque l'irrecevabilité des moyens soulevés, il ne peut être pour autant regardé comme ayantacquiescé aux faits allégués, car il appartient en pareil cas au tribunal administratif de le mettre en demeure deproduire ses observations au fond (CE, 10 mars 1971, min. Agr. : Rec. CE 1971, p. 206).

En revanche, si le tribunal ne se fonde que de manière surabondante sur un tel acquiescement, la circonstance quela procédure de communication de la mise en demeure ait été entachée d'irrégularité n'a aucune conséquence sur larégularité du jugement (CE, 4 déc. 1995, 110592, Cne Alleuds).

d) Conséquence devant l'instance en cours

144. - L'expiration du délai permet donc à la formation de jugement de tenir pour établis "les faits exposés dans lesmémoires du requérant". Toutefois l'application de cette procédure ne saurait dispenser le tribunal, d'une part, devérifier que les faits allégués par le demandeur ne sont pas contredits par les autres pièces du dossier, d'autre part,de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'examen de l'affaire (CE, 15 oct. 1957, Cne Challes-les-Eaux :Rec. CE 1957, p. 537. - CE, 21 oct. 1959, n° 38702, Cne Nouvion-le-Comte).

De même, si le juge administratif n'est pas tenu de procéder à une mise en demeure lorsque le défendeur n'a produitaucun mémoire avant de statuer, il doit alors, s'il y procède, et c'est la portée de cette nouvelle jurisprudence, entirer toutes les conséquences de droit. Il doit toutefois vérifier que l'inexactitude des faits exposés dans lesmémoires du requérant ne ressort d'aucune pièce du dossier (CE, 30 déc. 2009, n° 314972, Konte : JurisDatan° 2009-017486).

Ainsi dans le cas d'un requérant demandant au juge la condamnation de l'État à acquitter des honoraires d'expertise,le défaut de réponse du ministre, malgré une mise en demeure, à la communication de la requête doit, enapplication des dispositions de l'article R. 612-6 du Code de justice administrative, le faire regarder comme ayantadmis la réalité des missions d'expertise et du défaut de paiement invoqués. Toutefois, le requérant n'ayant produitaucun élément précis et probant permettant de déterminer le système de tarification appliqué par le ministre ni leprix de chacune des expertises, sa créance ne saurait être regardée comme exigible et liquide (TA Paris, 12 déc.2003, n° 0112896, Friez : Rec. CE 2003, tables, p. 935).

e) Cas où il peut être appliqué

145. - Dans le cas où la presse quotidienne a publié des informations présentées comme provenant d'un rapport

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provisoire de la Cour des comptes relatif à la gestion de la Société FR 3 mettant en cause la requérante, celle-ci ademandé à la Cour des comptes de recevoir ses observations, de les annexer au rapport litigieux et de supprimerdans ce rapport un passage qu'elle jugeait injurieux, outrageant et diffamatoire. Requête dirigée contre la décisionimplicite de rejet résultant du silence gardé sur sa demande. Le ministre de l'Économie et des Finances auquel larequête a été communiquée, s'étant abstenu d'y répondre en dépit des mises en demeure qui lui ont été adressées, ily a lieu de regarder comme établies les allégations de la requête relatives à l'existence et au contenu des passages encause (CE, sect., 12 févr. 1993, n° 83814, Gaillard : JurisData n° 1993-040247 ; Rec. CE 1993, p. 28).

Ainsi un professeur d'enseignement général de collège, détaché pour occuper un poste d'enseignement au Maroc autitre de la coopération, soutient, sans être contredit par l'Administration, qui n'a pas produit d'observations, que lesservices du ministère des Affaires étrangères lui ont laissé croire que le contrat qui lui était proposé pourrait, surleur intervention, être modifié de telle sorte que sa rémunération soit affectée d'un coefficient multiplicateur de 1,8et l'ont assurée qu'en tout état de cause ce contrat pourrait être signé au-delà du délai d'une semaine qui avait étéfixé par les autorités marocaines (CE, 21 juin 1985, n° 38144, Manzano : Rec. CE 1985, tables, p. 732).

f) Conséquence devant l'instance d'appel

146. - L'acquiescement aux faits en première instance à la suite de l'utilisation de la procédure de mise en demeuren'empêche pas le défendeur de contester ces faits par la voie de l'appel (CE, 9 oct. 1968, Ville Grenoble : Rec. CE1968, p. 483. - CE, 8 févr. 1985, n° 41187, min. Transports c/ Martinet. - CE, 4 févr. 1991, n° 68137, CneTarascon-sur-Ariège c/ Llorca et a. : JurisData n° 1991-040616).

g) Cas non prévu par le Code de justice administrative

147. - On peut ajouter au titre de l'acquiescement aux faits prévus par les dispositions susvisées de l'articleR. 613-6, deux cas supplémentaires prévus par la jurisprudence et qui reposent sur le bon sens :

- ainsi, un contribuable qui, ne pouvant être joint, rend impossible la réalisation d'un supplémentd'instruction contradictoire ordonné par le juge, doit être réputé acquiescer à l'évaluation faite parl'Administration de son bénéfice imposable (CE, 1er juill. 1991, n° 41140, SCI "Les Dioscures" :Rec. CE 1991, tables, p. 824) ;

- quand une pièce administrative a été perdue dans les services et que l'administration défenderesse estdans l'incapacité de la produire, le tribunal peut être amené à tenir pour établies les allégations durequérant touchant l'inexistence d'une telle pièce (CE, 11 mai 1973, Sanglier : Rec. CE 1973,p. 345 ; RD publ. 1973, p. 1747 s., note Waline. - CE, 21 juill. 1989, secr. d'Ét. auprès min. Ind.,PTT et tourisme, chargé PTT c/ Tovhami).

D. - Interventions particulières du juge

148. - Sont exposées ci-après les mesures d'instruction générales, autres que les demandes faites au demandeur pourqu'il procède à la régularisation de sa requête examinée supra n° 132 et suivants, et auxquelles le juge doit (ou peut)recourir.

Toutefois un fascicule spécifique étant consacré à l'expertise, la visite des lieux, l'enquête, la vérification d'écriture et lesmesures diverses d'instruction prévues par les dispositions du titre II du chapitre VI du Code de justice administrative,ces procédures ne seront pas à nouveau étudiées. Il convient donc de se reporter au Fascicule 1092.

Il ne reste donc à étudier au titre de ce chapitre que les demandes de communication de documents de la part du juge, dela part des parties, des dispositions relatives au pouvoir général d'instruction du juge à la suite de la jurisprudence"Barrel" et à la mise en cause.

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1° Demande de production de documents supplémentaires à la demande du juge

a) Principe

149. - Les dispositions finales de l'article L. 611-10 prévoient en effet que le rapporteur : "peut demander auxparties, pour être jointes à la procédure contradictoire, toutes pièces ou tous documents utiles à la solution dulitige". Le juge administratif peut toujours ordonner la production de toutes pièces ou renseignements qui luiparaissent utiles au règlement du litige (CE, 28 mai 1954, Barel : Rec. CE 1954, p. 308, concl. M. Letourneur. -CE, 17 nov. 1961, Anisset : Rec. CE 1961, tables, p. 1138. - TA Grenoble, 6 juin 1973, Bosvy : JCP G 1974, II,17658, note Ravinovitch), en particulier les pièces au vu desquelles a été prise la décision attaquée (CE, 8 nov.1972, min. Santé publ. : Rec. CE 1972, p. 719).

Cette possibilité peut être mise en oeuvre à n'importe quel moment de l'instruction. Le tribunal peut même estimer,lors du délibéré, que le dossier ne comporte pas tous les éléments nécessaires pour apporter une solution au litige etdécider, par un jugement avant-dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction aux fins de compléter soninformation ; l'instruction de l'affaire se trouve donc rouverte. Une telle mesure serait inutile, dès lors que les piècesdu dossier permettent de façon suffisante l'information nécessaire du tribunal, et en conséquence annulée par le juged'appel (CE, 9 déc. 1964, Couturier : Rec. CE 1964, p. 630).

Le décret n° 2010-164 du 22 février 2010 (Journal Officiel 23 Février 2010).a profondément remodelé lesdispositions du chapitre premier du titre II du livre VI du Code de justice administrative consacrées à l'expertise à lasuite des travaux d'un groupe de travail mis en place par le vice-président du conseil d'État et sous la présidence deD. Chabanol (V. Fasc. 1092).

150. - Le décret du 22 février 2010 a introduit dans la Code de justice administrative un nouvel article R. 611-8-1qui permet au président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, le président de la sous-section chargéede l'instruction, de demander à l'une des parties de reprendre, dans un mémoire récapitulatif, les conclusions etmoyens précédemment présentés dans le cadre de l'instance en cours. Ce texte permet d'informer la partie que, sielle donne suite à cette invitation, les conclusions et moyens non repris seront réputés abandonnés. Cette procédureest également possible en appel. Il peut alors être demandé à la partie de reprendre également les conclusions etmoyens présentés en première instance qu'elle entend maintenir. Le juge se trouve ainsi doté d'un instrumentprocédural nouveau qui lui sera bien utile en cas de requête "fleuve" où il est difficile de terminer ce qui relève d'unmoyen ou d'une argumentation.

151. - Les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux et R. 611-17 pour les cours issues du décret du22 février 2010 permettent au président de la formation de jugement de déléguer les pouvoirs qui lui sont conféréspar cet article 611-8-1 au rapporteur du dossier.

152. - Ce pouvoir d'instruction est à distinguer de celui dont dispose le juge des référés, saisi à cette fin parl'administré, d'ordonner à l'Administration de communiquer au demandeur les décisions qui le concernent et, le caséchéant, le dossier au vu duquel ces décisions ont été prises (CE, 26 mars 1982, n° 34200, min. Int. c/ AboudouMze : Rec. CE 1982, p. 137 ; Dr. adm. 1982, comm. 193).

b) Procédure à respecter

153. - Le caractère contradictoire de la procédure exige la communication à chacune des parties de toutes lespièces produites au cours de l'instance, y compris celles demandées par le juge.

Toutefois, cette exigence est nécessairement exclue en ce qui concerne les documents dont le refus decommunication constitue l'objet même du litige. Dans une telle hypothèse le juge peut ordonner la production desdocuments sans communication à l'intéressé (CE, sect., 23 déc. 1988, Banque de France c/ Huberschwillet, citésupra n° 114. - CE, 13 mai 1992, n° 105129, min. Int. c/ Le Calve, cité supra n° 115).

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154. - Si l'Administration ne fournit pas les pièces et documents utiles à la solution du litige demandés enapplication des dispositions de l'article R. 611-10, cette demande pourra prendre la forme d'un jugement avant-diresur le fond prescrivant la production des éléments nécessaires au juge.

Cette procédure plus solennelle emporte une sanction car si l'Administration s'abstient alors de produire, dans ledélai à elle imparti, les pièces demandées par le tribunal, elle peut être réputée avoir acquiescé aux faits allégués parle requérant (CE, 17 oct. 1958, min. Int. : Rec. CE 1958, p. 490. - CE, 26 oct. 1960, Rioux : Rec. CE 1960, p. 558,concl. Chardeau. - CE, 1er déc. 1978, Artéon : Rec. CE 1978, p. 485. - CE, 26 févr. 1986, n° 58453, 59693,Deloste et a. : Rec. CE 1986, p. 47).

L'expiration du délai imparti par le juge à l'une des parties pour produire ses justifications ne peut avoir pour effetde rendre irrecevable la production ultérieure de pièces ou mémoires par cette partie dès lors qu'aucune clôtured'instruction n'est intervenue (CAA Lyon, 29 mars 1990, n° 89LY00641, min. Équip. c/ SCI boulevard des Lions :JurisData n° 1990-045605 ; JCP G 1990, IV, p. 205).

155. - Il résulte, selon la Cour européenne des droits de l'homme, de l'article 6, § 1 de la convention européennedes droits de l'homme, que l'Administration peut être contrainte de communiquer à son adversaire des documentsqui ne lui sont pourtant pas opposés (CEDH, 24 févr. 1994, n° 3/1993/398/476, Bendenoun c/ France : Dr. adm.1994, comm. 281).

c) Champ d'application de cette obligation

156. - Le pouvoir du juge d'ordonner la production de pièces n'est pas limité aux pièces au vu desquellesl'Administration a statué, alors même qu'il s'agirait de la décision d'une Commission nationale statuant en appeld'une décision d'une commission régionale (CE, 15 juill. 1964, min. Santé publ. c/ Lalo : Rec. CE 1964, p. 435. -CE, 14 oct. 1964, n° 61097, min. Santé publ. c/ Fournet).

En réalité, il peut ordonner la production de tous documents nécessaires sans qu'une telle mesure d'instruction soitconsidérée comme une immixtion dans la gestion administrative (CE, 18 juill. 1973, min. Équip. : Rec. CE 1973,p. 529).

De même, saisi d'un recours dirigé contre l'autorisation de diffuser des services de télévision par voie hertzienneterrestre en mode numérique accordée sur le fondement de l'article 41 de la loi du 30 septembre 1986 modifiéerelative à la communication audiovisuelle, le juge de l'excès de pouvoir peut, dans le cadre de ses pouvoirsd'instruction et afin d'apprécier l'existence éventuelle d'un contrôle conjoint sur la société titulaire d'une telleautorisation, ordonner à l'une des parties à l'instance de produire la convention d'actionnaires qui la lie à un tiers(CE, 20 oct. 2004, n° 260898, Sté TF1 : JurisData n° 2004-067542 ; Rec. CE 2004, p. 376).

d) Cas du secret médical et du secret fiscal

157. - Le secret médical, garanti à la fois par l'article 378 du Code pénal et par le Code de déontologie médicale,interdit de façon absolue à un médecin de communiquer (hors les cas où la loi l'oblige ou l'autorise à se porterdénonciateur) à un tiers, le dossier médical d'un malade. Mais le secret n'est pas opposable au malade lui-même(CE, 12 avr. 1957, Deve : Rec. CE 1957, p. 266 ; Dr. adm. 1957, comm. 191 ; AJDA 1957, p. 317, concl.M. Gazier) : il ne trouve pas non plus à s'appliquer au malade lui-même vis-à-vis des tiers (CE, 11 févr. 1972,Crochette : Rec. CE 1972, p. 138 ; Dr. adm. 1972, comm. 91).

Aussi le juge administratif peut-il ordonner à un praticien de révéler à son malade l'affection qui l'atteint, ce dernierconservant la liberté d'apprécier s'il doit ou non communiquer les documents de son dossier médical au juge (CE,12 nov. 1969, n° 75863, Pasquier : Rec. CE 1969, p. 494 ; AJDA 1969, II, p. 707 ; D. 1969, jurispr. p. 732, concl.G. Guillaume ; JCP G 1970, II, 16569, note Morand. - CE, 20 juill. 1971, Pasquier : Rec. CE 1971, p. 562 ; AJDA1971, II, p. 552).

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Le tribunal peut donc légalement ordonner à l'Administration la communication au malade de son dossier médical"par toute voie qu'elle estimera compatible avec les dispositions du Code de déontologie médicale", une telleformule laissant au ministre la possibilité de communiquer ce dossier par l'intermédiaire d'un médecin désigné à ceteffet par l'intéressé (CE, 26 mars 1982, n° 28486, min. Jeunesse et Sports c/ Marchetti).

De même si le caractère contradictoire de la procédure fait obstacle à ce qu'une décision juridictionnelle puisse êtrerendue sur la base de pièces dont une des parties n'aurait pu prendre connaissance, il en va nécessairementautrement, afin d'assurer l'effectivité du droit au recours, lorsque, comme en l'espèce, l'acte attaqué n'est pas publiéen application de l'article 26 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 (Journal Officiel 7 Janvier 1978). Si un tel défautde publication interdit la communication de l'acte litigieux aux parties autres que celle qui le détient, dès lors qu'unetelle communication priverait d'effet la dispense de publication de l'acte attaqué, il ne peut, en revanche, empêchersa communication au juge lorsque celle-ci est la seule voie lui permettant d'apprécier le bien-fondé d'un moyen (V.supra n° 16).

158. - Il peut ainsi, sans porter atteinte au secret fiscal, ordonner par jugement avant-dire droit, la production departies d'un procès-verbal de réunion du comité du fonds de développement économique et social se rapportant :

- d'une part, à la composition effective dudit comité lors de la séance dont s'agit ;- d'autre part, à l'examen de la demande formulée par la société requérante dans le but d'obtenir le

bénéfice d'une disposition fiscale - demande sur laquelle a été émis un avis défavorable (CE,1er juill. 1983, min. délégué auprès min. Éco. et Fin. c/ Sté Hilton International : Rec. CE 1983,tables, p. 823).

e) Limites à ce pouvoir

159. - Il appartient aux tribunaux administratifs saisis d'un recours dirigé contre une décision administrative, derequérir des administrations compétentes, la production de tous documents qu'ils jugent de nature à permettre lavérification des allégations du requérant, à la seule exception de ceux dont la communication est exclue par uneprescription législative et notamment par l'article 378 du Code pénal.

Mais ils ont le pouvoir lorsque les documents sont couverts par un secret garanti par la loi, de prendre cependanttoutes mesures de nature à lui procurer, par les voies de droit, tous éclaircissements pour former sa conviction surles points en litige, y compris sur la nature des pièces dont l'Administration lui refuse communication et sur lesraisons de ce refus (CE, 25 nov. 1983, n° 45689, min. Aff. soc. et Solidarité nat. c/ Ghariani : JurisDatan° 1983-043007).

160. - Le pouvoir du tribunal de prescrire la production de documents peut être limité en raison d'autresprescriptions législatives. Ainsi le juge ne peut discuter un refus de communication motivé par les nécessités de ladéfense nationale. En pareil cas, il statue au vu des seules pièces produites, sauf à se procurer, par les voies de droit,les éclaircissements nécessaires, même sur la nature des pièces écartées et les raisons de leur exclusion (CE,11 mars 1955, secr. d'Ét. guerre c/ Coulon, cité supra n° 115), car l'Administration doit fournir au juge toutesindications lui permettant de se prononcer en pleine connaissance de cause (CE, 2 oct. 1963, Houhou : Rec. CE1963, p. 468).

Ainsi, est-il possible de recourir à une mesure d'instruction confiée au magistrat instructeur en application del'article R. 626-1 du code relatif aux mesures d'instruction autres que celles prévues par les chapitres I à IV dusixième livre pour prendre connaissance du document et s'assurer qu'il comporte effectivement des mentionsjustifiant le refus de communication (TA Nice, 16 janv. 1987, Michaut : Rec. CE 1987, p. 459).

161. - De même, les pouvoirs du juge (sur leur étendue, Cohen, Le juge administratif et la preuve : JCP G 1968, I,2203) sont limités en ce qui concerne la production de pièces comptables : il ne peut en principe ordonner que la

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représentation sans déplacement de livres de comptabilité en vue d'en extraire ce qui concerne le différend (CE,6 mai 1927, Cne Eymoutiers : Rec. CE 1927, p. 517) sous réserve des pouvoirs particuliers qu'il tient désormais enmatière fiscale de l'article 90, paragraphe 6, alinéa 2 et suivants, de la loi n° 59-1472 du 28 décembre 1959, codifiéà l'article L. 201, 2e alinéa du Livre des procédures fiscales.

2° À la demande des parties

162. - Les parties peuvent aussi demander au tribunal administratif la production de pièces qu'elles-mêmes jugentdécisives mais en raison du caractère inquisitorial de la procédure, c'est le juge qui doit apprécier le bien-fondé decette demande (CE, 27 janv. 1965, Sté appareils centrifuges : Rec. CE 1965, tables, p. 982).Il n'y a pas lieunotamment d'ordonner la production de pièces sans intérêt (CE, 26 mai 1911, Cne Coudray : Rec. CE 1911, p. 642. -CE, 5 nov. 1982, Schwetzoff : Rec. CE 1982, p. 369) ou en dehors du litige (CE, 1er déc. 1968, Launay : Rec. CE1968, p. 89), ni celle de l'original d'une pièce dont la copie non contestée figure au dossier (CE, 28 juin 1912,Manrot : Rec. CE 1912, p. 472).

Mais c'est à tort qu'un tribunal rejette comme irrecevables les conclusions d'une requête tendant à ce que soitordonnée la production de divers documents administratifs que le demandeur estimait nécessaires à la solution dulitige (CE, 9 mars 1984, n° 54794, Henri Bert : Dr. adm. 1984, comm. 183).

163. - Toutefois, le tribunal administratif, qui dirige seul l'instruction, n'est pas tenu de répondre aux conclusionsd'un requérant tendant à ordonner la production de pièces qu'il prétend avoir été soustraites du dossier administratifayant servi de base à la décision attaquée, dès lors que ce dossier, versé à l'instance, contient tous les élémentsd'information nécessaires permettant au tribunal de statuer en toute connaissance de cause sur le litige (CE, 7 oct.1983, Limoge : Rec. CE 1983, p. 403).

3° Demande d'information sur les motifs de l'acte : jurisprudence "Barel"

a) Principe

164. - Il ne s'agit plus ici d'obtenir de la personne publique défenderesse la communication d'un document, mais lesmotifs de l'acte attaqué. Un tel pouvoir a été conféré par voie prétorienne. S'il avait déjà été utilisé auparavant (CE,sect., 1er mai 1936, Couespel du Mesnil : Rec. CE 1936, p. 485), c'est avec la décision "Barel" (CE, ass., 28 mai1954, cité supra n° 152) que le Conseil d'État a reconnu au juge administratif un tel pouvoir d'instruction.

b) Champ d'application

165. - Exemples :

- à l'occasion de la contestation d'un arrêté d'assignation à résidence (CE, ass., 30 juin 1959, Grange :Rec. CE 1959, p. 85, concl. Chardeau) ;

- à l'occasion de la contestation d'une mesure de licenciement fondé sur des motifs politiques (CE,26 oct. 1960, Rioux, cité supra n° 154) ;

- à l'occasion de la contestation d'une nomination au conseil économique et social (CE, ass., 11 mai1973 : Rec. CE 1973, p. 344) ;

- à l'occasion de la contestation d'un retrait du décret accordant l'extradition d'un étranger à un pays(CE, 14 déc. 1994, n° 156490, Conféd. helvétique : JurisData n° 1994-048218 ; Rec. CE 1994,p. 549 ; AJDA 1995, p. 56, concl. Vigouroux ; JCP G 1995, II, 22389, note Van Tuong ; JDI 1995,p. 369, note Julien-Laferrière ; RFD adm. 1995, p. 109, note Labayle) ;

- à l'occasion de la contestation d'un refus d'inscription à un tableau d'avancement. En effet, si un telacte n'est pas au nombre des décisions individuelles refusant aux intéressés un avantage auquel ilsont droit qui, en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, doivent être motivées, ilappartient toutefois à l'Administration de donner au juge de l'excès de pouvoir les motifs d'une telle

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décision, afin de lui permettre d'exercer son contrôle. Le juge a la faculté, dans le cadre de sespouvoirs d'instruction, de demander à l'Administration de lui faire connaître les motifs de fait et dedroit fondant le refus d'inscription au tableau d'avancement d'un fonctionnaire qui y avait été inscritl'année précédente (CE, 12 févr. 2003, n° 218983, Puechmaille : JurisData n° 2003-065070 ; Rec.CE 2003, tables, p. 935) ;

- la circonstance qu'une disposition prévoit que la décision administrative n'a pas à être motivée ne faitpas obstacle au pouvoir du juge de contrôler que les motifs retenus par l'Administration ne sont pasentachés d'une erreur de droit ou de fait, d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement depouvoir ; il lui appartient, par suite, d'apprécier souverainement l'opportunité d'inviter l'auteur de ladécision à lui communiquer ses motifs (CE, 7 juill. 1995, n° 138041, M'Baye : JurisDatan° 1995-043852 ; Rec. CE 1995, p. 289 ; JCP G 1995, IV, p. 259, note M.-C. Rouault ; Dr. adm.1995, comm. 597).

c) Conséquences

166. - Lorsque l'Administration ne répond pas (CE, 14 déc. 1994, n° 156490, Conféd. helvétique, cité supran° 161) ou se borne à présenter en réponse un exposé de caractère général sur les divers éléments pris en compte(CE, 12 févr. 2003, n° 218983, Puechmaille, cité supra n° 165), les allégations du requérant doivent être regardéescomme établies.

167. - Le juge peut même tenir compte à cette occasion de la mauvaise volonté de l'Administration à coopérer (CE,ass., 11 mars 1955, secr. d'Ét. guerre c/ Coulon, cité supra n° 116. - CE, ass., 6 nov. 2002, n° 194295, Moon SunMyung c/ CNIL : Rec. CE 2002, p. 380 ; AJDA 2002, p. 1337 chron. Donnat Casas ; RD publ. 2003, p. 430, noteGuettier).

4° Mises en cause

168. - Lorsque le tribunal est saisi d'un litige comportant une demande de réparation en raison d'un accident subi parun assuré social, il a l'obligation, en vertu des dispositions des articles L. 454-1 (accident ayant le caractèred'accident du travail), L. 376-1 (autres accidents provoqués par un tiers) du Code de la sécurité sociale, d'effectuerles mises en cause nécessaires pour que le jugement à intervenir soit commun au tiers auteur de l'accident, à lavictime, aux caisses de sécurité sociale. Cette obligation, dont le manquement constitue une irrégularité que le juged'appel doit soulever d'office (CE, 10 mai 1974, CPAM Eure : Rec. CE 1974, p. 283. - CE, 5 juin 1985, n° 35425,Cts Weisz : Dr. adm. 1985, comm. 390), vaut, que la requête initiale ait été présentée par la caisse (arrêt préc.) ou parl'assuré (CE, 18 mars 1960, Ville Tours : Rec. CE 1960, p. 209 ; Dr. adm. 1960, comm. 152), que l'accident ait lecaractère d'accident du travail (CE, 10 mai 1964, préc.) ou non (CE, 11 oct. 1963, Cne Seichamps : Rec. CE 1963,p. 482).

169. - Une mise en cause similaire de l'État ou de certaines autres personnes publiques est obligatoire, dans leslitiges ayant pour objet la recherche d'une réparation en raison de l'accident dont a été victime l'un de leurs agents,pour leur permettre d'exercer l'action subrogatoire organisée par les dispositions de l'ordonnance n° 59-76 du7 janvier 1959 (CE, 13 nov. 1968, n° 68236, Bartoli. - CE, 2 mars 1984, Adm. gén. Assistance publique c/ Borg : Dr.adm. 1984, comm. 167. - CAA Lyon, 30 déc. 1992, n° 91LY00228, Cne Boisset c/ Sarret : JurisDatan° 1992-050519 ; Rec. CE 1992, p. 601).

170. - Il n'existe pas d'autres hypothèses de mise en cause. Notamment, il n'appartient pas au juge saisi d'un recoursde plein contentieux de provoquer les observations d'une personne à l'encontre de laquelle le demandeur n'a présentéaucune conclusion alors qu'elle est éventuellement, eu égard au litige, la débitrice de la réparation à apporter à cedernier ou, saisi d'une demande de réparation des dommages affectant un ouvrage public présentée par une personnepublique sans qualité pour introduire une telle demande, de mettre en cause la collectivité détentrice de l'immeuble :

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ainsi, le juge n'a pas à mettre en cause la région dans l'instance introduite par une commune recherchant laresponsabilité des constructeurs d'un lycée postérieurement à la prise d'effet du transfert des compétences opéré parla loi du 22 juillet 1983 (CAA Lyon, 16 mars 1994, n° 92LY00033, Sté Sicra et a. : JurisData n° 1994-046744 ; Rec.CE 1994, tables, p. 1119).

E. - Information des parties sur le moyen relevé d'office susceptible de fonder la solution

171. - Les dispositions de l'article R. 611-7 issues du décret du 22 janvier 1992 imposent aux juridictions de droitcommun quand elles entendent soulever un moyen ou une question d'ordre public, d'en informer préalablement lesparties. Cet article dispose en effet que : "Lorsque la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevéd'office, le président de la formation de jugement ou, au Conseil d'État, la sous-section chargée de l'instruction eninforme les parties avant la séance de jugement et fixe le délai dans lequel elles peuvent, sans qu'y fasse obstacle laclôture éventuelle de l'instruction, présenter leurs observations sur le moyen communiqué".

Ces dispositions sont destinées à provoquer un débat contradictoire sur les moyens que le juge doit relever de sa propreinitiative. Elles font obligation à la formation de jugement, lorsqu'elle entend soulever d'office un moyen qui n'a pas étéinvoqué par les parties ni relevé par son président avant la séance de jugement, de rayer l'affaire du rôle de ladite séanceet de communiquer le moyen aux parties ; annulation du jugement qui a méconnu la procédure ainsi organisée (enl'espèce moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée, CE, sect., 30 oct. 1992, n° 140220, min. Aff.étr. secr. d'Ét. grands trav. c/ Assoc. sauvegarde site Alma-Champ de Mars : JurisData n° 1992-050293 ; Rec. CE1992, p. 384 ; RFD adm. 1992, p. 1007 ; JCP G 1992, IV, p. 335, note M.-C. Rouault).

172. - Il n'est pas question dans ce fascicule de se prononcer sur l'étendue de cette obligation et notamment sur laquestion de savoir si telle question ou tel moyen est ou n'est pas d'ordre public (V. Fasc. 1086), mais uniquement des'interroger sur les spécificités de la procédure à suivre dans ce cas de figure.

Il faut toutefois indiquer, comme l'a jugé le Conseil d'État dans la décision "Syndicat des avocats de France",qu'"aucune disposition législative ni aucun principe général s'imposant au pouvoir réglementaire n'implique que le jugesoit tenu d'informer les parties de ce que la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office,en les invitant à présenter éventuellement des observations" (CE, sect., 5 avr. 1996, n° 116594, cité supra n° 35).

173. - On devra s'interroger d'abord sur la portée de cette obligation, puis sur les procédures juridictionnelles relevant etne relevant pas de son champ d'application, sur la procédure à suivre et, enfin, sur les cas où l'absence decommunication entache ou n'entache pas d'irrégularité la procédure.

1° Portée du principe posé

174. - L'obligation d'information pèse sur le juge dès lors qu'il soulève un moyen qui n'a pas été invoqué par lesparties et donc alors même que le moyen soulevé d'office n'est pas d'ordre public (CE, 2 oct. 1996, n° 154324, DptYvelines : JurisData n° 1996-051197 ; Gaz. Pal. 1997, 1, lettre jurispr. p. 52).

En revanche, il n'a pas à informer les parties que la solution pourrait être fondée sur un moyen qui est par natured'ordre public dès lors que celui-ci, ayant été invoqué par une partie, n'est pas soulevé d'office (CE, 21 oct. 1994,n° 117946, CRAM Rhône-Alpes : JurisData n° 1994-048279, sol. impl., en l'espèce : irrecevabilité - soulevée par ledéfendeur - tenant à l'absence de production par la personne agissant au nom d'une personne morale de l'acte attestantde la décision de cette dernière d'agir en justice).

175. - Toutefois, pour pouvoir être soulevé d'office, le moyen doit répondre à deux conditions cumulatives : êtreutile à la solution du litige et ressortir des pièces du dossier. Ainsi, le juge ne peut procéder à des investigations pours'assurer de l'existence d'un moyen d'ordre public. En revanche, il peut prescrire une mesure d'instruction pourapprécier de la tardiveté que laissent présumer les pièces jointes au dossier (CE, 13 févr. 1987, n° 42833, Morel :JurisData n° 1987-042007 ; Rec. CE 1987, tables, p. 883). De même, le juge administratif ne peut soulever un

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moyen d'ordre public que si la demande dont il est saisi est recevable (CE, 25 oct. 1993, n° 121616, CneCollonges-sous-Salève c/ Épx de Laëre : JurisData n° 1993-048016 ; Gaz. Pal. 1994, 1, lettre jurispr. p. 100).

Ensuite la procédure ne vise que les moyens d'ordre public et pas le cas où le juge relèverait d'office des conclusions(CE, 8 déc. 1995, n° 144029, Cne Saint-Tropez : JurisData n° 1995-048481 ; Rec. CE 1995, p. 431),

Enfin, il faut noter que la communication d'un tel moyen ne peut permettre à une des parties de le soulever s'il n'estplus possible pour elle de le faire, le délai de recours contentieux étant expiré et le moyen relevant d'une causejuridique nouvelle (CAA Nantes, 8 juin 1999, n° 96NT01518 : Dr. adm. 1999, comm. 260).

2° Procédures juridictionnelles relevant du champ d'application de l'obligation d'information préalable

176. - Le texte de l'article ne prévoyant aucune précision à cet effet, il convient de fixer son champ d'applicationprocédural.

a) Procédures juridictionnelles entrant dans le champ

177. - Entrent dans le champ toutes les procédures de droit commun devant les tribunaux, les cours administrativesd'appel et le Conseil d'État à condition que ces procédures soient de nature juridictionnelle.

178. - Toutefois, en raison de la rédaction de l'article L. 5 du code qui permet d'adapter le principe ducontradictoire à l'urgence, on pouvait s'interroger sur l'application de l'article R. 611-7 aux procédures d'urgence. Laréponse se révèle assez nuancée. Ainsi la jurisprudence a inclus certaines procédures d'urgence dans le champ del'article :

- les instances introduites sur le fondement des dispositions des articles L. 551-1 et L. 551-2 relativesau référé précontractuel (CE, sect., 2 oct. 1996, n° 160361, SARL entr. gén. électricité NoëlBéranger : JurisData n° 1996-050739 ; Rec. CE 1996, p. 379 ; Dr. adm. 1996, comm. 542 ; Gaz.Pal. 1997, 1, lettre jurispr. p. 50) ;

- le référé provision prévu par les dispositions de l'article R. 541-1 du Code de justice administrative.Le juge du référé lorsqu'il statue en matière de provision à l'issue d'une procédure contradictoire, esttenu de communiquer le moyen d'ordre public soulevé d'office sur lequel il entend fonder sadécision. Il peut toutefois procéder à cette communication au cours de l'audience lorsqu'il juge utilela tenue de celle-ci. Dans cette hypothèse, la communication du moyen d'ordre public relevé d'officedoit être mentionnée dans la décision du juge des référés. Dès lors que le moyen tiré del'incompétence de l'auteur d'un acte invoqué par le requérant, quoique fondé, n'a pas été soulevé, lejuge des référés a l'obligation de le relever d'office et de le communiquer préalablement aux partiesconformément à l'article R. 611-7 du Code de justice administrative (CE, 14 juin 2006, n° 282317,Sté France Télécom Marine : JurisData n° 2006-070296 ; Rec. CE 2006, tables, p. 1007) ;

- la demande de suspension provisoire d'une décision, présentée sur le fondement de l'article L. 10 duCode des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CAA Paris, 12 déc. 1996,n° 96PA02746, Benyounes : JurisData n° 1996-046784). Il faut noter que cet article a été depuisabrogé ;

- la procédure de référé prévue par l'article R. 531-3 du Code de justice administrative (CAA Lyon,5 nov. 1998, n° 98LY01192, Bertin). Il faut noter que cet article a été depuis abrogé ;

- enfin, s'agissant de la procédure de référé suspension, la position du Conseil d'État est un peunuancée. D'une part, il affirme qu'en application des dispositions combinées des articles L. 521-1,L. 522-1, R. 611-7, R. 522-9 et R. 522-11 du Code de justice administrative, le juge des référés,lorsqu'il statue en urgence à l'issue d'une procédure contradictoire, est tenu de communiquer lemoyen d'ordre public soulevé d'office sur lequel il entend fonder sa décision. D'autre part, il permetau juge des référés de procéder à cette communication au cours de l'audience. Mais dans cette

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hypothèse, la communication du moyen d'ordre public relevé d'office doit être mentionnée dans ladécision du juge des référés (CE, 27 juill. 2001, n° 233718, Sté foncière MFC : JurisDatan° 2001-062818 ; Rec. CE 2001, p. 417).

b) Procédures échappant à cette obligation d'information préalable

179. - Il faut d'abord noter que ce texte ne s'appliquant qu'aux juridictions de droit commun, il n'est pas applicableaux juridictions administratives spécialisées tels la Commission des recours des réfugiés devenue la Cour nationaledu droit d'asile (CE, 28 févr. 1996, n° 145062, Kola Olang Nghoie : JurisData n° 1996-050341 ; Rec. CE 1996,tables, p. 115), la Commission centrale d'aide sociale (CE, 18 févr. 2004, n° 250707, min. Aff. soc., Travail etSolidarité c/ Quinty : JurisData n° 2004-067178 ; Rec. CE 2004, tables, p. 754), le Conseil national de l'ordre desmédecins (CE, 29 déc. 2000, n° 287246, Weiss : Rec. CE 2000, tables, p. 1161).

180. - Il faut ensuite mentionner les dispositions expresses de l'article R. 611-7 qui exclut de son champ certainesprocédures. Il prévoit ainsi dans son dernier alinéa toute une série d'exceptions : "Les dispositions du présent articlene sont pas applicables lorsqu'il est fait application des dispositions des articles R. 122-12, R. 222-1, R. 611-8 ouL. 822-1".

Ces dispositions sont relatives aux ordonnances prises par le président de la section du contentieux ou les présidentsde sous-section du Conseil d'État (CJA, art. R. 122-12), par les présidents de juridiction ou de chambre destribunaux administratifs et des cours administratives d'appel (CJA, art. R. 222-1), à la dispense d'instruction (CJA,art. R. 611-8. - CE, 29 déc. 1995, n° 140477, Gendre : JurisData n° 1995-050085) et à la procédure d'admissiondes pourvois en cassation (CJA, art. L. 822-1).

Ces dispositions de l'article R. 611-7 du Code de justice administrative ont été jugées légales car elles n'ontméconnu ni les exigences de la procédure contradictoire ni les garanties qui découlent de la convention européennede sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 30 déc. 1998, n° 151454, Assoc. syndicaleNevon : JurisData n° 1998-051199 ; Rec. CE 1998, p. 518).

181. - Ensuite, les dispositions de l'article R. 522-10 excluent elles aussi l'application de notre article. Il dispose :"Lorsqu'il est fait application de l'article L. 522-3, les dispositions des articles R. 522-4, R. 522-6 et R. 611-7 nesont pas applicables". La procédure dite du tri devant le juge des référés se trouve donc elle aussi hors du champd'application.

Les dispositions de l'article R. 771-4 relatives à l'instruction d'une question prioritaire de constitutionnalitéprévoient qu'en cas de défaut de présentation par mémoire distinct et motivé, le moyen peut être rejeté sanscommunication d'un moyen d'ordre public prévu par les dispositions de l'article R. 611-7 (V. infra n° 287).

182. - Enfin, par voie jurisprudentielle, le Conseil d'État a décidé d'exclure du champ des dispositions de l'articleR. 611-7 le contentieux des recours dirigés contre les arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière eu égard à labrièveté du délai de recours contentieux et du délai imparti pour y statuer (CE, prés. sect. cont., 6 juill. 1994,n° 159288, préfet Pas-de-Calais : JurisData n° 1994-048222 ; Rec. CE 1994, p. 350. - CE, 1er févr. 1995,n° 150194, Serhoual : JurisData n° 1995-041513 ; Rec. CE 1995, tables, p. 832 ; Gaz. Pal. 1995, 1, lettre jurispr.p. 292).

3° Obligations procédurales à respecter sous peine d'irrégularité du jugement

a) Communication du moyen

183. - La première obligation est une évidence : il faut communiquer aux parties le moyen. Ainsi, faute d'avoircommuniqué à Mme C. son intention de soulever cette irrecevabilité, le tribunal administratif a méconnu les

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prescriptions de l'article R. 611-7 et son jugement doit être annulé (CE, 14 févr. 1997, n° 152641, Chartier :JurisData n° 1997-050157 ; Rec. CE 1997, p. 42).

184. - Les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux et R. 611-17 pour les cours issues du décret du22 février 2010 permettent au président de la formation de jugement de déléguer les pouvoirs qui lui sont conféréspour faire application des dispositions prévues par l'article R. 611-7 pour communiquer aux parties un moyend'ordre public au rapporteur du dossier.

b) Lettre de communication

185. - Cette obligation se fait, ensuite, par le moyen d'une lettre envoyée en recommandé avec accusé de réceptionou tout autre dispositif permettant d'assurer la date de réception et a pour but de permettre aux parties de présenterdes observations. La jurisprudence est ainsi très attentive au respect de la procédure contradictoire à l'occasion de lamise en oeuvre de la communication.

Ainsi la lettre doit être suffisamment intelligible afin de permettre aux parties d'identifier le moyen soulevé.Toutefois, les dispositions de l'article R. 611-7 n'impliquent pas que soient explicités les motifs de droit ou de faitqui conduisent à envisager de soulever le moyen d'ordre public (CE, 21 déc. 1994, n° 137488, SARL La FlotteFrançaise : JurisData n° 1994-052981 ; Rec. CE 1994, tables, p. 1119 ; Gaz. Pal. 1995, 1, lettre jurispr. p. 132, enl'espèce, la simple référence à la disposition du code fixant la règle générale relative aux délais de présentation de larequête est jugée suffisante). Il n'est pas nécessaire qu'elle porte aussi sur un texte qui ne fait que préciser celui quiest invoqué (CE, sect., 5 mai 1995, n° 155820, Burruchaga : JurisData n° 1995-045629 ; Rec. CE 1995, p. 197 ;AJDA 1995, p. 754, obs. Théron).

En revanche, la formulation "un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête" sansautre précision ne permet pas l'identification du moyen susceptible d'être opposé et ne met pas, par suite, les partiesen mesure d'en discuter utilement entachant d'irrégularité le jugement (CE, 25 sept. 1995, n° 153191, Assoc.licenciés sans procédure de la RDPE Gironde : JurisData n° 1995-049210 ; Rec. CE 1995, tables, p. 976). Demême, n'est pas suffisamment identifié le moyen d'ordre public seulement énoncé "comme tiré du champd'application de la loi" (CE, 25 oct. 1996, n° 143362, préfecture Morbihan : JurisData n° 1996-051198 ; Gaz. Pal.1997, 1, lettre jurispr. p. 52).

c) Délai pour produire des observations

186. - Les dispositions de l'article font expressément référence à un délai permettant aux parties de produire leursobservations.

Ainsi s'agissant des délais, la jurisprudence censure des délais trop brefs.

Exemple

En adressant aux parties le 15 mai une lettre, reçue en télécopie le même jour, leur communiquant un moyen susceptibled'être relevé d'office, et les invitant à présenter des observations sur ce moyen avant le 17 mai, date de l'audience, le présidentdu tribunal administratif n'a pas mis les parties en mesure d'engager un débat contradictoire. Son jugement doit être annulépour irrégularité de la procédure (CAA Lyon, 17 oct. 1997, n° 95LY01392, Alessandri : Rec. CE 1997, tables, p. 1024).

La clôture d'instruction est sans influence sur la mise en oeuvre de cette procédure et sur la prise en compte desmémoires en réponse qui échappent au délai de clôture.

d) Possibilité de soulever un moyen d'ordre public alors que l'affaire a été audiencée

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187. - Si la formation de jugement se rend compte qu'un moyen d'ordre public doit être soulevé au moment où elledélibère, elle doit rayer l'affaire du rôle, communiquer le moyen aux parties et les reconvoquer à une nouvelleaudience publique (CE, sect., 30 oct. 1992, n° 140220, min. Aff. étrangères et secr. d'Ét. grands trav. c/ Assoc.sauvegarde site Alma Champ de Mars, cité supra n° 171. - CE, sect., 8 avr. 1994, n° 145780, n° 146921, Gaboldeet min. Éco. : JurisData n° 1994-042571 ; Rec. CE 1994, p. 185).

4° Parties à mettre en cause

a) Question des mandataires

188. - La communication du moyen d'ordre public, susceptible d'être soulevé d'office, n'a, lorsque la partie estreprésentée par un mandataire, à être effectuée, en application des dispositions de l'article R. 611-7, qu'au seulmandataire (CE, 8 sept. 1997, n° 164729, Polaina).

Il en va différemment dans un cas de figure un peu complexe lié au changement d'adresse de l'avocat. S'il appartientaux parties d'informer le tribunal d'un changement d'adresse, l'obligation procédurale imposée par les dispositionsde l'article R. 611-7 impose, lorsque le courrier par lequel la juridiction informe les parties de ce que la solution dulitige est susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office, régulièrement adressé au seul avocat en vertu del'article R. 431-1 du Code de justice administrative, n'a pu lui être remis en raison d'un changement d'adresse nonsignalé et a été retourné au greffe de la juridiction et en cas d'insuccès des nouvelles tentatives pour joindre l'avocat,d'informer personnellement le requérant du moyen relevé d'office (CE, 13 févr. 2009, n° 300217, Mallavergne :JurisData n° 2009-081444 ; JCP A 2009, act. 227).

b) Question de la partie bénéficiaire du moyen

189. - De même est irrégulier le jugement dont la solution est fondée sur un moyen d'ordre public intervenu sansqu'il ait été satisfait à l'obligation d'information des parties et alors même que cette méconnaissance n'a concernéque la partie à l'avantage de laquelle ce moyen a été mis en oeuvre (CE, ass., 3 mars 1993, n° 142226, min. Équip.c/ Cne Saint-Germain-en-Laye : JurisData n° 1993-041690 ; Rec. CE 1993, p. 60 ; Gaz. Pal. 1993, 2, lettre jurispr.p. 399) ; cette méconnaissance peut être invoquée en appel par la partie qui, au bénéfice de ce fondement, a obtenusatisfaction et à qui l'avertissement n'avait pas été adressé (CE, 27 avr. 1994, n° 139285, Koenig : JurisDatan° 1994-042802 ; Gaz. Pal. 1994, 2, lettre jurispr. p. 540).

En revanche, il n'existe aucune obligation de communiquer les observations formulées par une partie en réponse àl'information reçue du juge, à son adversaire, alors même qu'un tel échange peut s'avérer souhaitable. Aussisemble-t-il difficile de rattacher le dispositif de l'article R. 611-7 du code aux exigences résultant du principe ducontradictoire entendu au sens strict (comme pourrait l'accréditer une lecture a contrario de la décision, CE,22 juill. 1992, n° 111267, Demange).

5° Limites à l'obligation d'information

190. - Alors même que la procédure juridictionnelle relève bien du champ d'application de l'article, la jurisprudencea écarté cette obligation dans certains cas de figure où la prise en considération du moyen n'est pas de nature àremettre en cause la solution du litige. Par contre elle l'a maintenu dans la situation inverse.

a) Cas de figure où l'obligation est écartée

191. - Cette obligation a été ainsi écartée :

- dans le cas où les requérants ont soulevé un moyen tiré de la méconnaissance de dispositionslégislatives et que la cour administrative d'appel a jugé que ces dispositions n'étaient pas applicablesà l'espèce en cause en se bornant à écarter le moyen comme non fondé ; dès lors, elle n'avait pas à

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procéder à la communication prescrite par l'article R. 611-7 (CE, 14 mars 2001, n° 204073, CtsBureau et a., cité supra n° 16) ;

- dans le cas où une cour administrative d'appel saisie d'un litige relatif à un dommage de travauxpublics relève dans ses motifs que la société C. avait la qualité de tiers par rapport au réseaucommunal d'assainissement sans avoir, ce faisant, à soulever d'office un moyen d'ordre public (CE,9 févr. 2000, n° 179667, Cne Fresnes : JurisData n° 2000-060405 ; Rec. CE 2000, p. 46) ;

- dans le cas où un requérant soulève, après inscription de l'affaire au rôle, un moyen fondé sur unecause juridique distincte de ceux invoqués dans le délai de recours contentieux, le juge peut souleverd'office l'irrecevabilité sans avoir procédé à la communication de ce moyen d'ordre public (sol.impl., CE, 8 févr. 1999, n° 180058, n° 180207, n° 180334, Siano et a. : Rec. CE 1999, tables,p. 954) ;

- dans le cas d'absence de production, avant l'intervention du jugement, de la délibération habilitant leprésident d'une association à agir au nom de celle-ci, nonobstant l'invitation de produire ce documentadressée à l'association par le greffier en chef. Dans la mesure où cette absence de productionemporte irrecevabilité de la demande, celle-ci peut être prononcée sans qu'il soit nécessaire de mettreen oeuvre la procédure de l'article R. 611-7 du code (CE, 28 janv. 1998, n° 160042, Épx Merrain eta. : JurisData n° 1998-050015 ; Dr. adm. 1998, étude 10, concl. Abraham) ;

- le moyen tiré d'une incompétence au sein de l'ordre des juridictions administratives - qui n'affectepas la solution du litige - n'a pas à faire l'objet d'une information préalable des parties : ainsi en est-ildu renvoi par une juridiction qui constate son incompétence pour se prononcer sur certaines desconclusions dont elle est saisie à la juridiction compétente (CE, 16 oct. 1992, n° 130667,éd. Feugas-Pétriat : JurisData n° 1992-046239 ; JCP G 1992, IV, 49) ;

- le moyen tiré de l'incompétence territoriale d'un tribunal administratif peut être soulevé d'office sansinformation des parties (sol. impl., CAA Paris, 25 janv. 1994, n° 93PA00132, Robin : JurisDatan° 1994-042026) ; cette solution a été mise en oeuvre par le Conseil d'État, statuant comme juged'appel, alors que pour décider du renvoi à la cour administrative d'appel, il soulevait d'officel'incompétence matérielle de l'ordre des juridictions administratives dans une hypothèse où il auraitété utile de recueillir les observations des parties (en l'espèce, sur la nature des activités confiées àun agent contractuel d'une commune déterminant alors la nature du lien de droit public ou de droitprivé l'unissant à la collectivité territoriale (CE, 22 déc. 1993, n° 127978, CneSainte-Marie-de-la-Réunion : JurisData n° 1993-048774) ;

- le juge peut, sans mettre en oeuvre la procédure de l'article R. 611-7, relever le caractère abusif d'unerequête et infliger à son auteur une amende sur le fondement des dispositions de l'article R. 741-12du Code de justice administrative (CE, 11 mai 1994, n° 141235, Bertin) ;

- le rejet d'une intervention par un moyen soulevé d'office ne requiert pas l'information préalable desparties (CE, 22 juin 1992, n° 65142, Cne Rothau : JurisData n° 1992-045297 ; Rec. CE 1992,tables, p. 1236. - CE, 25 mai 1994, n° 140157, Groupe information asile : JurisDatan° 1994-044441 ; Gaz. Pal. 1994, 2, lettre jurispr. p. 667) ;

- lorsque le juge a invité l'auteur d'une requête entachée d'une irrecevabilité régularisable à larégulariser, et que celui-ci s'en est abstenu, il n'y a pas lieu d'informer les autres parties que ladécision à rendre paraît susceptible d'être fondée, sur le moyen, relevé d'office, tiré de cetteirrecevabilité (sol. impl., CE, 16 févr. 1994, n° 108665, Territoire Nouvelle-Calédonie : Rec. CE1994, tables, p. 1058) ;

- lorsqu'il rejette la demande de réparation d'un préjudice en se fondant sur l'absence de lien decausalité directe entre ce préjudice et l'action de la collectivité en cause, le juge ne soulève pasd'office un moyen, mais relève seulement que l'une des conditions de la mise en jeu de laresponsabilité de la puissance publique n'est pas remplie (CE, 26 mars 2003, n° 244533, Santinacci :JurisData n° 2003-065163 ; Rec. CE 2003, p. 151 ; JCP A 2006, 1056, note D. Jean-Pierre) ;

- le juge administratif, saisi de conclusions mettant en jeu la responsabilité de la puissance publique,ne soulève pas d'office un moyen d'ordre public lorsqu'il constate au vu des pièces du dossier qu'une

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des conditions d'engagement de la responsabilité publique n'est pas remplie et cela alors même qu'ilfonde ce constat sur des dispositions législatives ou réglementaires non invoquées en défense. Enconséquence, il n'est pas tenu de procéder à la communication prescrite par les dispositions del'article R. 611-7 du Code de justice administrative pour les moyens relevés d'office par le juge. Enl'espèce, la cour n'ayant commis aucune irrégularité en n'informant pas les parties de ce qu'ellecomptait fonder son rejet d'une demande de réparation sur l'absence de préjudice subi par lesdemandeurs, alors pourtant qu'elle s'est appuyée sur des dispositions du Code civil, jamais invoquéesen défense, desquelles il découlait que les demandeurs étaient réputés n'avoir jamais été propriétairesde l'office pharmaceutique dont ils estimaient la valeur dépréciée par la faute de l'Administration(CE, 30 nov. 2005, n° 269546, Guitard et a. : JurisData n° 2005-069308 ; Rec. CE 2005, tables,p. 1059 ; AJDA 2006, p. 842, note Moreau) ;

- dans la mesure où le juge fiscal est tenu de déterminer, en fonction de l'objet du redressement et dudéroulement de la procédure d'imposition, le régime de dévolution de la charge de la preuveapplicable au litige qui lui est soumis même s'il n'est pas invoqué par les parties, il n'a pas ce faisantà faire application de l'article R. 611-7 du code. En l'espèce, n'a pas commis d'erreur de droit la courqui, pour attribuer au contribuable la charge de la preuve, relève que ce dernier n'a pas contesté dansle délai de trente jours la notification de redressement qui lui avait été adressée, alors même quel'Administration ne s'en était pas prévalu (CE, 5 mars 1999, n° 140779, Valeri : JurisDatan° 1999-051244 ; Rec. CE 1999, p. 52) ;

- enfin, même si la jurisprudence ne s'est pas encore prononcée sur ce point, il faut écarter del'obligation d'information le rejet implicite d'un moyen d'ordre public que le juge estime mal fondé.Ce cas de figure peut se poser dans le contentieux de l'urbanisme où, en application des dispositionsde l'article L. 600-4-1 du code, le juge doit se prononcer sur l'ensemble des moyens d'annulation.

192. - La cour administrative d'appel de Nantes y a ajouté les hypothèses où le moyen d'ordre public fondant pourpartie la décision, n'affectant pas directement la solution au fond du litige, il n'a pas à faire l'objet d'unecommunication :

- moyen d'ordre public conduisant à l'annulation du jugement tiré de l'absence de mise en cause de lacaisse de sécurité sociale (CAA Nantes, 8 avr. 1992, n° 89NT00916, Cts Tanguy : JurisDatan° 1992-044064 ; AJDA 1993, p. 98) ;

- en matière fiscale, moyen tiré de l'incompétence de la commission départementale des impôtsintervenue dans la phase précontentieuse, ce moyen n'ayant d'effet que sur la charge de la preuve(CAA Nantes, 24 juin 1992, n° 90NT00188, SA Chimique Pantochal : RJF 1992, n° 1544 ; AJDA1993, p. 99) ; on peut facilement concevoir qu'une partie estimant ne pas avoir la charge de la preuvese dispense de verser au dossier des éléments qu'en hypothèse inverse elle jugerait nécessaire deproduire ; aussi, cette solution peut paraître contestable à quiconque considère que la règle posée parl'article R. 153-1 vise à l'amélioration du débat contradictoire (D. Chabanol, La juridictionadministrative et le contradictoire : Gaz. Pal. 1993, 1, doctr. p. 2).

b) Cas de figure où l'obligation est maintenue

193. - L'obligation de communiquer est maintenue dans les hypothèses suivantes :

- dans le cas où la question de la compétence de la juridiction a des conséquences sur la solution dulitige (CE, 21 déc. 1994, n° 137488, SARL La Flotte Française, cité supra n° 185) ;

- de même l'invocation d'un non-lieu constitue un moyen d'ordre public à communiquer aux parties(CE, 29 avr. 1998, n° 164012, Cne Hannappes : JurisData n° 1998-050176 ; Rec. CE 1998, p. 185).

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6° Contrôle du respect de l'obligation d'information par le juge d'appel ou de cassation

a) Principe

194. - Le juge d'appel ou de cassation censure le non-respect de l'obligation de communication :

- dans le cas où la cour a rejeté la requête d'appel en se fondant sur l'inapplicabilité au litige de laconvention de Vienne, qu'aucune des parties à l'instance n'avait invoquée devant la couradministrative d'appel, la cour s'est fondée sur un moyen soulevé d'office, sans en avoirpréalablement informé les parties et les avoir mises en mesure de présenter leurs observations.L'arrêt attaqué a donc été rendu à la suite d'une procédure irrégulière (CE, 4 oct. 1999, n° 142377,Synd. copr. 14-16 boulevard Flandrin : JurisData n° 1999-051362 ; Rec. CE 1999, p. 297) ;

- dans le cas où pour rejeter la demande de Mme C. tendant à l'annulation d'une décision de lacommission départementale d'aménagement foncier, le tribunal administratif a, d'office, relevé quecertains des moyens qu'elle invoquait n'avaient pas été soulevés devant cette commission et étaientpar suite irrecevables sans en avoir communiqué à Mme C. son intention de soulever cetteirrecevabilité (CE, 14 févr. 1997, Chartier, cité supra n° 183) ;

- dans le cas où un contribuable a demandé à être déchargé de cotisations supplémentaires d'impôt surle revenu mises à sa charge en soutenant que devait être déduite des revenus fonciers de la sociétéimmobilière dont il est associé à 99 %, taxés par l'Administration, à la suite d'une vérification decomptabilité, dans la catégorie des revenus fonciers, une partie au moins des dépenses de travauxsupportées par cette société. Pour rejeter cette demande, la cour administrative d'appel s'est fondéesur la circonstance que le requérant ne justifiait ni du paiement effectif des dépenses dont ildemandait la déduction ni de leur lien avec l'immeuble en cause, alors que l'Administration n'avaitjamais contesté ni que les factures produites devant elle avaient pour objet des travaux effectués surles immeubles appartenant à la société ni qu'elles avaient donné lieu à des règlements au cours desannées vérifiées. En relevant ainsi d'office de tels moyens, sans en avoir informé préalablement lesparties dans les conditions prévues à l'article R. 611-7 du Code de justice administrative, la cour améconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure (CE, 30 mai 2007, n° 274477,Boscher : JurisData n° 2007-081161 ; Rec. CE 2007, tables, p. 1018, 1034).

Toutefois, et c'est le bon sens même, le défaut de communication d'un moyen d'ordre public sur le fondement del'article R. 611-7 ne peut être utilement critiqué lorsque les premiers juges n'ont pas retenu ce moyen dans leurdécision (CAA Nancy, 1er juin 1994, n° 93NC00681, Cuignet : JurisData n° 1994-053118 ; Rec. CE 1994, tables,p. 1137).

b) Question du caractère d'ordre public d'un tel manquement

195. - N'est pas d'ordre public le moyen tiré de ce qu'une cour administrative d'appel se serait fondée sur un moyensoulevé d'office sans que les parties en aient préalablement été informées (CE, 28 juill. 2000, n° 198318, CnePort-Vendres : JurisData n° 2000-060941 ; Rec. CE 2000, p. 360).

c) Office spécifique du juge d'appel

196. - Le juge d'appel est saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel lorsqu'il censure le jugementdu tribunal administratif qui a soulevé d'office un moyen qui n'était pas d'ordre public (CE, 29 mars 1985,n° 45498, Cne Ermont c/ Schweitzer : JurisData n° 1985-005340 ; Rec. CE 1985, tables, p. 748 ; Dr. adm. 1985,comm. 242), par la voie de l'évocation lorsqu'il censure le jugement à raison de la méconnaissance de l'obligationd'information laquelle affecte la régularité de ce dernier (CE, sect., 8 avr. 1994, Gabolde, cité supra n° 187).

Le juge d'appel lorsqu'il censure un jugement d'un tribunal administratif qui a soulevé d'office un moyen qui n'étaitpas d'ordre public, statue sur le litige par voie d'évocation (CE, 13 oct. 1997, n° 125918, min. Agr. et Forêt c/ Épx

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Ricoup : JurisData n° 1997-051096. - abandon jurisprudence, CE, 29 mars 1985, Cne Ermont, préc.).

d) Office spécifique du juge de cassation

197. - La méconnaissance par le juge du fond d'un moyen d'ordre public (en l'espèce tiré de ce qu'une personnepublique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas) ne peut être soulevée pour la première foisdevant le juge de cassation s'il ne ressortait pas des pièces du dossier soumis aux juges du fond (CE, sect., 26 juin1992, n° 114728, Cne Béthoncourt c/ Cts Barbier : JurisData n° 1992-043846 ; Rec. CE 1992, p. 268 ; JCP G1992, IV, p. 240, note M.-C. Rouault).

VI. - Clôture des mesures générales d'instruction

198. - Lorsqu'il n'y a pas lieu à instruction ou que les parties ont produit leurs moyens de défense ou ont laissé expirerle délai imparti à cet effet, l'affaire est dite en état d'être jugée. Se pose alors la question de la clôture de l'instruction.

Toutefois l'absence de fixation d'un délai précis de production d'un mémoire complémentaire et de mise en demeured'avoir à produire un tel mémoire, n'interdit pas à une juridiction de clore légalement l'instruction et de fixer ainsi la datede son audience à condition que l'affaire soit en état d'être jugée (CE, 10 oct. 1990, n° 94808, Cts Roussel, cité supran° 121).

199. - Il existe plusieurs dispositions au sein du Code de justice administrative relatives aux différentes procédures declôture de l'instruction. Nous examinerons ces différentes procédures, puis les effets d'une telle clôture, son éventuelleréouverture et, enfin, nous étudierons la procédure particulière relative à la note en délibéré.

A. - Différentes procédures de clôture de l'instruction

200. - Le Code de justice administrative prévoit en effet différentes procédures distinctes de clôture. La nouvelleréforme issue du décret du 22 février 2010 (V. supra n° 149) a encore multiplié ces différentes procédures.

1° Procédure de droit commun devant les tribunaux et devant les cours : dispositions des deux premiersalinéas de l'article R. 613-1

201. - S'agissant de la procédure devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, lesdispositions des deux premiers alinéas de l'article R. 613-1 prévoient que :

Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close.Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Les lettres remises contre signature portantnotification de cette ordonnance ou tous autres dispositifs permettant d'attester la date de réception de ladite ordonnance sontenvoyés à toutes les parties en cause quinze jours au moins avant la date de la clôture fixée par l'ordonnance. Devant lestribunaux administratifs de Mayotte, de la Polynésie française, de Mata-Utu et de Nouvelle-Calédonie, le délai de notificationest porté à un mois et l'ordonnance peut être notifiée par voie administrative.

Une ordonnance de clôture de l'instruction qui ne respecte pas le délai prescrit par les dispositions de l'articleR. 613-1 du code est irrégulière et donc inopposable aux parties ; toutefois la régularité du jugement n'en est pasautomatiquement affectée ; ainsi demeure régulier le jugement rendu sans que la date de clôture ainsi fixée ait étéopposée au requérant (CE, 6 mars 1992, n° 80844, Loulergue : JurisData n° 1992-041843).

202. - Le défaut de visa de la décision ordonnant la clôture ou la réouverture de l'instruction dans un jugementn'entache pas ce dernier d'irrégularité (CE, 23 mars 1994, n° 115299, Sté "Groupe de recherche et de construction" :JurisData n° 1994-042796) eu égard aux dispositions de l'article R. 741-2 du Code de justice administrative ;solution ordinaire à raison des dispositions l'article R. 623-1 du code (CE, 4 mars 1994, n° 111094, Malie :JurisData n° 1994-041390 ; Gaz. Pal. 1994, 1, lettre jurispr. p. 330).

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203. - Les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux et R. 611-17 pour les cours issues du décret du22 février 2010 (V. supra n° 149), permettent au président de la formation de jugement de déléguer les pouvoirs quilui sont conférés par cet article au rapporteur du dossier.

2° Procédures dérogatoires devant les tribunaux et devant les cours

a) La convocation à l'audience vaut clôture de l'instruction : dispositions de l'article R. 613-2

204. - Si aucune ordonnance n'a été prise en application des dispositions susvisées de l'article R. 613-1, ce sontalors les dispositions de l'article suivant qui entraînent clôture de l'instruction. En effet ces dispositions prévoientque : "Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est closetrois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis lementionne".

b) Défaut de mémoire en défense

205. - C'est l'une des modifications issues du décret du 22 février 2010 (V. supra n° 149). Elle repose sur deux casde figure :

- la première codifiée au dernier alinéa de l'article R. 613-1. Elle permet, lorsqu'une partie appelée àproduire un mémoire n'a pas respecté depuis plus d'un mois le délai qui lui a été assigné par unemise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 oulorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, de clore l'instruction à la date d'émissionde l'ordonnance prévue au premier alinéa de l'article. Cette procédure permet ainsi de sanctionnerune partie qui n'a pas produit en raccourcissant le délai de la clôture ;

- la seconde est codifiée au dernier alinéa de l'article R. 613-2. Elle permet lorsqu'une partie appelée àproduire un mémoire n'a pas respecté, depuis plus d'un mois, le délai qui lui a été assigné par unemise en demeure comportant les mentions prévues par le troisième alinéa de l'article R. 612-3 oulorsque la date prévue par l'article R. 611-11-1 est échue, de clore l'instruction à la date d'émissioncette fois de l'avis d'audience qui doit le mentionner.

c) Dispositions de l'article R. 611-1-1

206. - Cette nouvelle disposition introduite par le décret du 22 février 2010 (V. supra n° 149), prévoit un systèmede clôture a effet immédiat suite à une information donnée par la juridiction. En effet, lorsque l'affaire est en étatd'être jugée, les dispositions de cet article permettent à la juridiction d'informer les parties de la date ou de lapériode à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience. Cette information précise alors la date à partir delaquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et ledernier alinéa de l'article R. 613-2. Il faut enfin noter que le recours à cette procédure ne tient pas lieu del'avertissement à la tenue de l'audience prévu à l'article R. 711-2.

3° Procédures d'urgence

a) Référés d'urgence

207. - Ces dispositions de clôture de l'instruction préalablement à l'audience ne s'appliquent pas au contentieux desréférés. En effet les dispositions de l'article R. 522-8 prévoient que :

L'instruction est close à l'issue de l'audience, à moins que le juge des référés ne décide de différer la clôture de l'instruction àune date postérieure dont il avise les parties par tous moyens. Dans ce dernier cas, les productions complémentaires déposéesaprès l'audience et avant la clôture de l'instruction peuvent être adressées directement aux autres parties, sous réserve, pour la

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partie qui y procède, d'apporter au juge la preuve de ses diligences.

b) Contentieux de la reconduite à la frontière

208. - Les dispositions de droit commun ne s'appliquent pas non plus au contentieux de la reconduite à la frontière.Ce sont alors les dispositions des articles R. 776-12 et R. 776-13 qui s'appliquent et qui prévoient que : "Jusqu'aumoment où l'affaire est appelée, les parties peuvent présenter des conclusions ou observations écrites" et que :"Après le rapport fait par le président du tribunal administratif ou son délégué, les parties peuvent présenter enpersonne ou par un avocat des observations orales. Elles peuvent également produire des documents à l'appui deleurs conclusions. Si ces documents apportent des éléments nouveaux, le magistrat demande à l'autre partie de lesexaminer et de lui faire part à l'audience de ses observations. Sans préjudice de l'article R. 776-8, les observationsorales peuvent être présentées au nom de l'État par le préfet du département dans lequel est situé le centre derétention administrative où se trouve l'étranger lors de l'introduction de son recours et, si le centre de rétentionadministrative est situé à Paris, par le préfet de police".

c) Urgence sur l'ensemble de l'instruction : dispositions de l'article R. 611-11

209. - Cet article permet au président de la formation de jugement devant les tribunaux et les cours lorsque lescirconstances de l'affaire le justifient de faire usage, dès l'enregistrement de la requête, d'une possibilité de fixer ladate à laquelle l'instruction sera close. Les parties doivent être informées lors de la notification de cette ordonnancede la date prévue pour l'audience. Toutefois, cette information ne tient pas lieu de l'avertissement à la tenue del'audience prévu à l'article R. 711-2.

4° Procédure de clôture devant le Conseil d'État

210. - Toutes les dispositions précitées du Code de justice administrative ne s'appliquent pas devant le Conseild'État. Ce sont en effet les dispositions spécifiques de l'article R. 613-5 qui fixent les conditions de la clôture. Cetarticle dispose que : "Devant le Conseil d'État, l'instruction est close soit après que les avocats au Conseil d'État ontformulé leurs observations orales, soit, en l'absence d'avocat, après appel de l'affaire à l'audience".

5° Personnes destinataires

a) Parties à qui l'ordonnance n'a pas été notifiée

211. - L'absence de notification de l'ordonnance de clôture de l'instruction n'a pas par elle-même pour effetd'entacher le jugement rendu à la suite de cette ordonnance d'un vice susceptible d'entraîner l'annulation, mais,seulement de rendre ladite ordonnance inopposable aux parties concernées par cette absence de notification (CE,5 nov. 1984, Lefèvre : Rec. CE 1984, tables, p. 707. - CE, 6 févr. 1985, n° 54639, Lefèvre : Dr. adm. 1985, comm.158. - CE, 15 oct. 1990, n° 116744, Synd. CGT personnel Hôpital Dupuytren).

b) Intervenants

212. - Une association pour le compte de laquelle aucun mémoire n'a été déposé au greffe du tribunal administratifet donc pour laquelle aucune intervention n'a été formée avant la date de clôture de l'instruction n'a pas la qualité departie à l'instance, alors même que son avocat a fait connaître avant cette date au président du tribunal administratifqu'il s'inscrivait en vue de former une telle intervention. Le président du tribunal administratif n'avait donc pasl'obligation de lui notifier l'ordonnance de clôture de l'instruction ni de la convoquer à l'audience (CE, sect., 16 déc.1994, n° 105798, secr. d'Ét. auprès Premier min., chargé de l'environnement et Féd. dptale chasseurs Creuse :JurisData n° 1994-048512 ; Rec. CE 1994, p. 563 ; Gaz. Pal. 1995, 1, lettre jurispr. p. 132).

B. - Effets attachés à la clôture de l'instruction hors note en délibéré

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1° Computation du délai de clôture

213. - Le délai prévu par les dispositions de l'article R. 613-2, qui a été adopté dans l'intérêt d'un bon fonctionnementde la justice et qui a remplacé le dispositif antérieur dans lequel la clôture intervenait à l'audience, doit être dans tousles cas compté sans qu'il y ait lieu de distinguer selon qu'il comporte ou non un samedi, un dimanche ou un jour fériéou selon qu'il est ou non précédé d'un tel jour (CE, 9 avr. 1999, n° 202344, Creton : JurisData n° 1999-051321 ;Rec. CE 1999, p. 132 ; RFD adm. 1999, p. 687, note Claisse).

Le président du tribunal ayant fixé la clôture de l'instruction à la date du 4 octobre, un mémoire présenté à cette daten'a pas à être examiné, en l'absence de réouverture de l'instruction (CE, 10 juill. 1996, n° 155711, Assoc. "ComitéCinq cantons-Barre" : JurisData n° 1996-051108).

2° Principe : non-obligation de communication en cas de production de mémoire postérieurement à la clôture

214. - Ce sont les dispositions de l'article R. 613-3 qui fixent les effets de la clôture : "Les mémoires produits aprèsla clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. Si lesparties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridictionne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction".

Ainsi, un tribunal administratif qui fait droit à des conclusions tendant à l'annulation d'une décision sans statuerexpressément sur une fin de non-recevoir, opposée dans un mémoire en défense produit après la clôture del'instruction, tirée de ce que cette décision ne serait pas susceptible de recours, doit être regardé comme ayantexaminé puis écarté comme non fondé ce moyen susceptible d'être relevé d'office, sans que l'absence de réponsemotivée à cette fin de non-recevoir puisse lui être reprochée (CE, 28 déc. 2005, n° 264418, Ville Dole c/ Rigaud :JurisData n° 2005-069439 ; Rec. CE 2005, tables, p. 1041).

3° Sur la capitalisation des intérêts

215. - La clôture d'instruction par ordonnance ne fait pas obstacle à ce que la capitalisation des intérêts soit accordéealors qu'elle n'a été demandée que postérieurement à ladite ordonnance (CE, 11 juin 1993, n° 108391, Auzelle :JurisData n° 1993-042319 ; Rec. CE 1993, p. 171 ; RFD adm. 1993, p. 833 ; Dr. adm. 1993, comm. 423). Lasolution est contraire en ce qui concerne les conclusions aux fins de remboursement de frais irrépétibles, surlesquelles il ne peut être régulièrement statué sans que la partie adverse ait été mise à même d'y répondre (CE,29 mars 1993, n° 128204, Cne Argelès-sur-Mer : JurisData n° 1993-043981 ; Rec. CE 1993, tables, p. 1078).

4° Sur la prescription quadriennale

216. - Les ministres qui entendent opposer à une demande indemnitaire la prescription quadriennale peuventdemander au juge de surseoir à statuer pour saisir en application des dispositions de l'article 1er du décret du23 décembre 1981 relatif à l'application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances surl'État..., le comité du contentieux près l'agent judiciaire du Trésor. Toutefois un ministre qui a disposé d'un délai dedeux ans pour recueillir un tel avis n'est pas fondé à soutenir qu'en statuant, après que le président du tribunaladministratif a pris une ordonnance de clôture de l'instruction, sur la demande dont il était saisi, le tribunal l'airrégulièrement privé de la possibilité d'opposer la prescription quadriennale (CE, 12 oct. 1992, n° 90220, min. Éduc.nat. c/ Gernez : JurisData n° 1992-045795 ; Rec. CE 1992, p. 368 ; JCP G 1992, IV, p. 330, note M.-C. Rouault ;Dr. adm. 1992, comm. 489 ; RFD adm. 1992, p. 1100 ; Gaz. Pal. 1993, 1, lettre jurispr. p. 42).

5° Sur les tiers

217. - L'introduction d'une intervention n'est pas subordonnée à d'autre condition de délai que celle découlant del'obligation pour l'intervenant d'agir avant la clôture de l'instruction. Les dispositions du troisième alinéa de l'articleR. 632-1 du code aux termes desquelles le jugement de l'affaire "ne peut être retardé par une intervention", ne frappe

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pas d'irrecevabilité une intervention au motif qu'elle concerne une affaire qui est en état d'être jugée. Elles dispensentseulement, en pareille hypothèse, le tribunal administratif de procéder à la communication aux parties d'uneintervention qui serait produite à ce stade de la procédure hors le cas où la solution du litige au principal dépendraitd'un moyen invoqué uniquement par l'intervenant (CE, 1er mars 1995, n° 124550, Assoc. "Groupe informationasile", cité supra n° 36).

6° Procédure à suivre : obligation de viser les mémoires

a) Principe : obligation de viser

218. - Il résulte des dispositions des articles R. 613-1 à R. 613-3 du Code de justice administrative que lorsque,postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance,et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il luiappartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision, ainsi que de leviser sans l'analyser. Par suite, est entaché d'une irrégularité justifiant son annulation un arrêt dont les visas ne fontpas mention d'un mémoire enregistré après la clôture de l'instruction et avant l'audience publique (CE, 27 juill.2005, n° 258164, Berreville : JurisData n° 2005-080818 ; Rec. CE 2005, tables, p. 1041).

Ainsi en visant un mémoire qui est parvenu sous forme de télécopie au greffe avant la clôture de l'instruction, et quia été confirmé par un mémoire reçu après la clôture, une cour administrative d'appel ne méconnaît pas lesdispositions de l'article R. 156 du Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, reprises àl'article R. 613-3 du Code de justice administrative (CE, 19 mars 2003, n° 228229, Cts Temple-Boyer : JurisDatan° 2003-065300 ; Rec. CE 2003, tables, p. 935).

Toutefois, l'absence de visa d'un mémoire produit après la clôture de l'instruction ne procède pas d'une erreurmatérielle mais d'une interprétation des textes et d'une appréciation par le juge dans l'instruction de la requête quine sauraient être contestées par la voie du recours en rectification d'erreur matérielle (CAA Lyon, plén., 26 sept.1991, n° 89LY01702, Synd. intercnal études, construction et gestion Beaurepaire : Quot. jur. 19 nov. 1991, p. 4. -V. également Fasc. 1100).

b) Exceptions

219. - Si le requérant fait valoir que la cour administrative d'appel a, en méconnaissance des prescriptions del'article R. 741-2 du Code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire en réplique quele ministre avait présenté dans l'instance et les observations qu'il avait apportées en réponse, lesquels avaient étéproduits avant la clôture de l'instruction, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier larégularité des arrêts attaqués dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que ces écritures n'apportaient aucunélément nouveau auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs (CE, 22 juin 2006, n° 263423, Casagrande :JurisData n° 2006-080913 ; Rec. CE 2006, tables, p. 1022).

C. - Réouverture de l'instruction

220. - Elle est prévue par les dispositions de l'article R. 613-4 qui dispose : "Le président de la formation de jugementpeut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. Cette décisionest notifiée dans les mêmes formes que l'ordonnance de clôture. La réouverture de l'instruction peut également résulterd'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. Les mémoires qui auraient étéproduits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties".

221. - Les dispositions des articles R. 611-10 pour les tribunaux et R. 611-17 pour les cours issues du décret du22 février 2010 (V. supra n° 149), permettent au président de la formation de jugement de déléguer les pouvoirs qui luisont conférés par cet article 613-4 au rapporteur du dossier.

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1° Procédure de réouverture

222. - Il faut normalement une ordonnance de réouverture. Toutefois, le président de la formation de jugement quiordonne, après la clôture de l'instruction, la communication d'un mémoire doit être regardé comme ayant rouvertl'instruction. Le jugement de l'affaire après cette réouverture sans que soit tenue une nouvelle audience constituedonc une irrégularité de procédure (CE, 4 mars 2009, n° 317473, 317735, Élect. cant. Belle-Île-en-Mer : AJDA 2009,p. 1054, concl. Guyomar).

Ainsi, dans le cas où un mémoire en défense a été communiqué à l'autre partie la veille de la date de clôture del'instruction en l'invitant à produire, le cas échéant, un mémoire en réplique "dans les meilleurs délais", cette mentionn'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. Par suite, le caractère contradictoire de l'instructiona été méconnu (CE, 24 juill. 2009, n° 316694, SCI 40 Servan : JurisData n° 2009-005941 ; Rec. CE 2009, tables,p. ; JCP A 2009, act. 953. - CE, 22 févr. 2010, n° 320803, Aubertier : JurisData n° 2010-001152 ; AJDA 2010,p. 1165).

La notification tardive d'une ordonnance de réouverture d'instruction n'affecte la régularité du jugement rendu que sile mémoire ayant motivé ladite réouverture contenait des moyens nouveaux (CE, 29 mars 1993, CneArgelès-sur-Mer, cité supra n° 215).

2° Conditions de la réouverture

223. - Si cette procédure est normalement facultative en raison de l'utilisation du verbe pouvoir dans la rédaction del'article susvisé du Code de justice administrative, la réouverture de l'instruction peut s'imposer dans certains cas defigure. Dans ces cas le refus de réouverture sera sanctionné par le juge d'appel qui annulera le jugement pourirrégularité de la procédure. En revanche, la prise en compte d'une demande de réouverture la où elle ne s'imposepas, ne peut faire l'objet d'un contrôle de la part du juge d'appel, la décision de faire droit à une demande deréouverture étant entièrement discrétionnaire. Il faut donc distinguer ces deux cas de figure.

a) Réouverture obligatoire

224. - Chaque fois qu'une des parties produit avant la date de clôture fixée, un mémoire contenant les élémentsnouveaux qui doit, dès lors, être communiqué aux autres parties avec l'obligation de ménager à celles-ci un délaisuffisant pour y répondre et donc, le cas échéant de rouvrir l'instruction.

Ainsi, dans le cas où un mémoire en défense a été communiqué à l'autre partie la veille de la date de clôture del'instruction en l'invitant à produire, le cas échéant, un mémoire en réplique "dans les meilleurs délais", cettemention n'a pas eu pour effet de reporter la date de clôture de l'instruction. Par suite, le caractère contradictoire del'instruction a été méconnu faute d'un délai suffisant laissé à la partie en cause (V. supra n° 222).

De même, en cas de réponse à un moyen d'ordre public communiqué en application des dispositions de l'articleR. 611-7 du Code de justice administrative (V. supra n° 171).

De même, lorsque le juge se prononce en matière de plein contentieux et qu'aucune disposition n'a fixé la clôture del'instruction, un changement des circonstances de fait et de droit intervenu avant la lecture de la décision emportenécessité de rouvrir l'instruction contradictoire (CE, sect., 19 nov. 1993, n° 100288, Brutus : JurisDatan° 1993-047993 ; Rec. CE 1993, p. 326 ; AJDA 1994, p. 80).

Dans le cas d'une production par le requérant, après la clôture de l'instruction, d'un constat d'huissier montrant quela quasi-totalité desdites parcelles demeurait à l'état de bois pour contester le défaut d'urgence invoqué en défense.Si ce document a été présenté le lendemain de l'audience, alors que l'instruction était close, la nature de la pièceproduite faisait au juge des référés, eu égard au débat qui s'était engagé devant lui et dans les circonstancesparticulières de l'espèce, obligation de rouvrir l'instruction afin de recueillir les observations des défendeurs. En

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l'absence de réouverture de l'instruction, l'ordonnance attaquée a été rendue à l'issue d'une procédure irrégulière(CE, 10 déc. 2001, n° 237973, Assoc. Gabas nature patrimoine : JurisData n° 2001-063274 ; Rec. CE 2001, tables,p. 1119).

b) Réouverture facultative

225. - Le président du tribunal administratif peut, sans porter atteinte aux droits de la défense, décider de ne pasrouvrir l'instruction alors que cette mesure a été demandée par le nouvel avocat désigné par le défendeur (CE,19 avr. 1989, Zimbris : Gaz. Pal. 1989, 2, pan. dr. adm. p. 486).

Le tribunal peut sans entacher son jugement d'irrégularité refuser de rouvrir l'instruction pour permettre à une partiede répondre à un mémoire produit peu avant la clôture d'instruction et ne comportant pas d'élément nouveau (CE,20 mars 1996, n° 162927, Sté Causse Wallon : JurisData n° 1996-050382 ; Gaz. Pal. 1996, 2, lettre jurispr.p. 340).

Quand un désistement parvient après la clôture de l'instruction, le tribunal administratif a la faculté de rouvrirl'instruction et de donner acte du désistement après l'avoir communiqué aux parties, mais il n'est pas tenu de lefaire. Régularité du jugement qui statue en l'état du dossier à la date de clôture de l'instruction (CE, 5 avr. 1996,n° 141684, Nouveau synd. intercnal aménagement vallée de l'Orge : JurisData n° 1996-050086 ; Rec. CE 1996,p. 121 ; Dr. adm. 1996, comm. 232, obs. G.G.).

Il n'y a pas lieu de rouvrir l'instruction pour accueillir une intervention formée après clôture de l'instruction ; laditeintervention sera réputée non formée et l'intervenant n'étant pas partie à l'instance est donc privé de la possibilité defaire appel (CE, 16 déc. 1994, cité supra n° 212).

Dans le cas où le mémoire produit par les requérants postérieurement à la clôture de l'instruction et à l'audiencepublique contenait des éléments de fait relatifs aux formalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du Codede l'urbanisme alors que ceux-ci étaient en mesure d'en faire état avant la clôture de l'instruction, la réouverture del'instruction n'était pas obligatoire (CE, 19 déc. 2008, n° 297716, Montmeza et Lancon : JurisDatan° 2008-074668 ; Rec. CE 2008, tables, p. 841 ; AJDA 2009, p. 557).

3° Effets de la réouverture

226. - Si, à la suite de la production d'un mémoire postérieurement à la clôture de l'instruction, le président de laformation de jugement, alors même qu'il n'y était pas tenu, décide de rouvrir celle-ci, cette décision impliquenécessairement que soient alors soumises au principe du contradictoire toutes les productions faites par les partiesdepuis la précédente clôture d'instruction, en sorte que le tribunal ne peut, sans entacher son jugement d'irrégularité,s'abstenir de tenir compte des nouveaux éléments ainsi versés au débat (CE, 27 juin 2007, n° 293349, 293400, min.d'État, min. Écologie, Développement et aménagement durables c/ Assoc. défense contre nuisances industrielles etSté applications industrielles résines plastiques composites : JurisData n° 2007-072090 ; Rec. CE 2007, tables,p. 1018).

Un mémoire produit pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction (CJA, art.R. 613-4) et qui n'est pas celui qui a conduit à rouvrir l'instruction, peut ne pas être communiqué aux parties s'il necontient aucun élément de fait ou de droit qui n'ait déjà été porté à leur connaissance (CE, 19 mars 2008, n° 300335,Mas : JurisData n° 2008-073269 ; Rec. CE 2008, p. 864).

D. - Note en délibéré

1° Historique

227. - Suite à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme "Kress" (CEDH, 7 juin 2001, Kress c/

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France), une pratique très ancienne devant le Conseil d'État a été utilisée pour éviter une condamnation sur le terraindes stipulations de l'article 6, § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertésfondamentales : la pratique de la note en délibéré. Celle-ci repose sur l'envoi pendant le moment où la formation dejugement délibère sur la requête d'une note afin de répondre aux arguments développés par le rapporteur public. Unetelle pratique rétablissait ainsi le principe de l'égalité des armes en permettant à une des parties de répondre aurapporteur public.

C'est la décision du Conseil d'État "Leniau" qui est venue dans un premier temps organiser par voie jurisprudentiellela procédure relative à la note en délibéré. Cette décision prévoit en effet que lorsque le juge administratif est saisi,postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note endélibéré émanant d'une des parties à l'instance, il lui appartient dans tous les cas d'en prendre connaissance avant laséance au cours de laquelle sera rendue la décision et le cas échéant de rouvrir l'instruction et de soumettre au débatcontradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré (CE, 12 juill. 2002, n° 236125, Leniau : JurisDatan° 2002-064119 ; Rec. CE 2002, p. 278 ; AJDA 2003, p. 2243, chron. Gherardi).

Ensuite, le décret n° 2006-964 du 1er août 2006 (Journal Officiel 3 Aout 2006) a introduit cette pratiquejurisprudentielle au sein du Code de justice administrative. Elle a ainsi été codifiée à son article R. 731-3.

228. - Désormais le statut et la procédure de la note en délibéré sont réglementés par les dispositions du décretn° 2009-14 du 7 janvier 2009 (Journal Officiel 8 Janvier 2009) codifié aux articles R. 731-3 et R. 741-2 du Code dejustice administrative. L'article R. 731-3 dispose en effet que : "Postérieurement au prononcé des conclusions durapporteur public, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note endélibéré" et l'article R. 741-2 que : "La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été faitapplication des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ous'est poursuivie hors la présence du public. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoiresainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. Mention y est faite que lerapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toutepersonne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus.Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. La décision fait apparaître la date de l'audienceet la date à laquelle elle a été prononcée".

2° Procédure à respecter

a) Devant le juge de droit commun

229. - D'abord, et dans tous les cas de figure, le juge doit en prendre connaissance (CE, 12 juill. 2002, Leniau, citésupra n° 227. - CE, 29 nov. 2002, n° 225356, Domergue : JurisData n° 2002-080247 ; Rec. CE 2002, tables,p. 878).

Ensuite, le juge doit la viser sous peine d'irrégularité de la procédure (CE, 27 juill. 2005, n° 258164, Berreville, citésupra n° 210).

Enfin, en cas de lecture sur le siège ou de lecture anticipée de la décision, les parties doivent en être dûmentaverties, au plus tard lors de l'audience publique afin de n'être pas privées de la possibilité de présenter une note endélibéré afin de respecter le principe du contradictoire (CE, sect., 11 févr. 2005, n° 258102, Cne Meudon :JurisData n° 2005-067905 ; Rec. CE 2005, p. 55).

Si le juge administratif peut être valablement saisi d'une note en délibéré adressée par télécopie dès lors qu'elle estenregistrée avant la date de lecture de la décision, c'est à la condition que son auteur l'authentifie ultérieurement,mais avant la même date, par la production d'un exemplaire dûment signé de cette note ou en apposant, au greffe dela juridiction saisie, sa signature au bas de ce document. En l'absence d'une telle authentification, le défaut de visade la note produite par télécopie n'entache pas d'irrégularité le jugement (CE, 26 avr. 2006, n° 265039,

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Daubernard : JurisData n° 2006-070062 ; Rec. CE 2006, tables, p. 1004 ; AJDA 2006, p. 1630).

b) Devant le juge des référés

230. - Il résulte des dispositions combinées des articles R. 522-7 et R. 522-8 du code que l'instruction est close àl'issue de l'audience publique, sauf si le juge des référés décide d'en différer la clôture. Lorsqu'il est saisi,postérieurement à l'audience ou, s'il a différé la clôture de l'instruction, à la date qu'il a fixée, d'une pièce nouvelleémanant d'une des parties à l'instance, qu'elle s'intitule ou non "note en délibéré", il appartient dans tous les cas aujuge des référés d'en prendre connaissance avant de rendre son ordonnance (CE, 2 mai 2006, n° 292910, SakinatAmiraleva alias Sultanat Kirilova, épse Koulayeva : JurisData n° 2006-070085 ; Rec. CE 2006, tables, p. 1009).

Ainsi, le juge des référés qui soumet au débat contradictoire deux notes en délibéré doit différer la clôture del'instruction et fixer pour cette dernière une nouvelle date de clôture. Est entachée d'irrégularité une ordonnance quirejette une demande de suspension pour absence de moyen propre à créer un doute sérieux, alors que l'une des deuxnotes comportait un moyen qui n'est mentionné ni dans les visas ni dans les motifs (CE, 5 déc. 2007, n° 304799,Assoc. Transparence : JurisData n° 2007-072813 ; Rec. CE 2007, tables, p. 1018).

Enfin, quand un mémoire a été produit sous la forme d'une "note en délibéré" le lendemain de l'audience à l'issue delaquelle l'instruction de la demande présentée par la requérante sur le fondement des dispositions de l'articleL. 521-1 du Code de justice administrative avait été close, mais avant le prononcé de l'ordonnance, qu'il a étéenregistré au greffe du tribunal administratif et versé au dossier, il doit être ainsi présumé avoir été examiné par lejuge des référés même si celui-ci ne l'a pas visé dans son ordonnance. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cemémoire contenait des éléments nouveaux que le juge des référés ne pouvait ignorer sans méconnaître son office.Dès lors, le moyen tiré de ce que l'absence de mention dans les visas de la "note en délibéré" produite par lerequérant entacherait d'irrégularité l'ordonnance ne peut qu'être écarté (CE, 14 nov. 2003, n° 258519,Rouger-Pelatan : JurisData n° 2003-066158 ; Rec. CE 2003, tables, p. 913).

c) Devant le juge de la reconduite à la frontière

231. - Il résulte de la combinaison des articles R. 776-12 et R. 776-13 du Code de justice administrative,applicables en première instance en matière de reconduite à la frontière, que si dans le cadre de la procédure oralequi succède à l'instruction contradictoire écrite, les parties peuvent produire des documents nouveaux à l'appui deleurs observations orales, l'instruction écrite est normalement close, en application de l'article R. 776-12, aumoment où l'affaire est appelée. Toutefois, lorsque, postérieurement à cette clôture, le juge est saisi d'un mémoireémanant d'une partie qui n'en a pas exposé les éléments dans le cadre de la procédure orale, il lui appartient de faireapplication dans ce cas particulier des règles générales relatives à toutes les productions postérieures à la clôture del'instruction. À ce titre, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le jugedirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sadécision, ainsi que de le viser sans l'analyser (CE, sect., 27 févr. 2004, n° 252988, préfet Pyrénées-Orientales c/Abounkhila : JurisData n° 2004-066487 ; Rec. CE 2004, p. 94).

3° Office du juge

a) Juge de droit commun

232. - La décision de principe est la décision "Léniau" (citée supra n° 227). Elle pose le principe selon lequel s'il atoujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoireles éléments contenus dans la note en délibéré, le juge administratif n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sadécision que dans trois cas de figure :

- si cette note contient l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas enmesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa

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décision sur des faits matériellement inexacts ;- si cette note contient l'exposé d'une circonstance de droit nouvelle ;- si cette note contient l'exposé d'un moyen que le juge devrait relever d'office.

Ainsi la juridiction ne peut tenir compte d'éléments contenus dans une note en délibéré sans rouvrir l'instruction(CE, 9 juill. 1997, n° 154089, Sté imm. Meaux Jaurès : JurisData n° 1997-050459).

Ainsi ces conditions se trouvent remplies en matière de prescription quadriennale. Il résulte des termes mêmes del'article 7 de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 que l'autorité administrative peut, nonobstant la clôture del'instruction, invoquer la prescription quadriennale jusqu'à la date de lecture du jugement par lequel le tribunaladministratif se prononce sur un litige relatif à une créance que détiendrait sur elle un tiers. Par suite, lorsque laprescription est invoquée dans une note en délibéré, il appartient au tribunal, non seulement de viser cette note,mais aussi de statuer sur l'exception ainsi soulevée, après avoir, s'il entend y faire droit, rouvert l'instruction (CE,30 mai 2007, n° 282619, Cne Saint-Denis c/ Dormeuil : Rec. CE 2007, tables, p. 1017).

233. - Par contre, ces conditions ne sont pas remplies dans le cas où le mémoire produit par les requérantspostérieurement à la clôture de l'instruction et à l'audience publique contenait des éléments de fait relatifs auxformalités de notification prévues à l'article R. 600-1 du Code de l'urbanisme alors que ceux-ci étaient en mesured'en faire état avant la clôture de l'instruction. Dans ce cas de figure, la réouverture de l'instruction n'était pasobligatoire (V. supra n° 225).

De même, une note en délibéré présentée par le demandeur et contestant la position prise dans ses conclusions parle rapporteur public, qui estimait que le point de départ des intérêts devait être fixé au 2 juillet 1997, dated'enregistrement devant le tribunal administratif de la première demande expresse de la société tendant auversement d'intérêts contractuels, ne peut être regardé comme relative à une circonstance de droit nouvelle nicomme un moyen soulevé d'office rendant nécessaire une réouverture de l'instruction (CE, 22 juill. 2009,n° 301755, Sté Baudin Chateauneuf : JurisData n° 2009-013909 ; AJDA 2009, p. 502).

De même dans le cas où une note en délibéré présente des conclusions tendant à ce que soit transmise au Conseilconstitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité alors que la possibilité de présenter devant la Cour unetelle question a été ouverte à compter du 1er mars 2010 par les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 du10 décembre 2009 et où le requérant était donc en mesure de la formuler dans l'affaire dont il s'agit avant la clôturede l'instruction (CAA Lyon, 10 juin 2010, n° 08LY00409, Cote. - V. infra n° 287).

b) Juge des référés

234. - S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, de rouvrir l'instruction et desoumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la pièce produite, le juge des référés n'est tenu de lefaire, à peine d'irrégularité de son ordonnance, que si ce document contient soit l'exposé d'une circonstance de faitdont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge nepourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droitnouvelle ou que le juge devrait relever d'office. À l'effet de permettre aux parties de s'assurer de la régularité de laprocédure au regard de ces exigences, la ou les productions postérieures à l'audience doivent figurer au dossier de laprocédure (CE, 2 mai 2006, n° 292910, cité supra n° 230).

c) Devant le juge de la reconduite à la frontière

235. - Si le juge de la reconduite a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de tenir compte d'une noteen délibéré - après l'avoir visé et, cette fois, analysé - il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision,que si ce mémoire contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesurede faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur desfaits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office. Dans

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tous les cas où il est amené à tenir compte de ce mémoire, il doit - à l'exception de l'hypothèse dans laquelle il s'agitpour le juge de la reconduite de se fonder sur un moyen qu'il devait relever d'office - le soumettre au débatcontradictoire, soit en suspendant l'audience pour permettre à l'autre partie d'en prendre connaissance et de préparerses observations, soit en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure (CE, sect., 27 févr. 2004, n° 252988, citésupra n° 231).

4° Étendue du contrôle sur le respect de ces dispositions

236. - La note en délibéré, produite après la séance publique mais avant la lecture de la décision, a été enregistrée augreffe de la cour administrative d'appel et versée au dossier. En estimant que cette note ne justifiait pas la réouverturede l'instruction et en se bornant à la viser sans prendre en compte son contenu pour rendre son arrêt, la couradministrative d'appel n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 5 du Code de justice administrative aux termesdesquelles "l'instruction des affaires est contradictoire (...)" ni, en tout état de cause, les stipulations de l'article 6 § 1de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CE, 21 nov. 2003,n° 244820, Biord-Genest : JurisData n° 2003-066202 ; Rec. CE 2003, tables, p. 936).

L'appréciation juridique à laquelle se livre le juge pour déterminer si un moyen présenté pour la première fois dansune note en délibéré justifie la réouverture de l'instruction n'est ainsi pas susceptible d'être discutée dans le cadre d'unrecours en rectification d'erreur matérielle (CE, 10 août 2005, n° 268776, Nogues : JurisData n° 2005-068806 ; Rec.CE 2005, tables, p. 1040).

VII. - Organisation de l'instruction dans le temps

237. - L'instruction d'un dossier n'est, sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires impartissant au tribunalun délai pour statuer (délai parfois assorti d'une sanction) enfermée dans aucun délai. Toutefois, le délai effectivementconstaté doit demeurer dans la limite du délai raisonnable, eu égard notamment à la complexité de l'affaire, faute dequoi la responsabilité de l'État pourrait être engagée devant la Cour européenne des droits de l'homme pourmanquement aux dispositions de l'article 6, paragraphe 1 de la convention sauvegarde des droits de l'homme et deslibertés fondamentales (CEDH, 24 oct. 1989, H. c/ France : RFD adm. 1990, p. 203 s. ; LPA 28 févr. 1990, p. 12. - CE,ass., 28 juin 2002, n° 239565, Garde des Sceaux, min. Justice c/ Magiera : JurisData n° 2002-063993 ; Rec. CE 2002,p. 249) ou aux principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions administratives (CE, sect., 17 juill.2009, n° 295653, Ville Brest : JurisData n° 2009-005396).

238. - Toutefois, certains contentieux sont soumis à un délai assez bref, en règle générale justifié par l'urgence qu'ilsprésentent.

Dans d'autres cas de figure, le juge est tenu de suspendre l'instruction afin de procéder à une question préjudicielle ou deposer au Conseil d'État une question de droit nouvelle. Il faut enfin réserver un traitement à part en cas de décès durequérant et d'incompétence matérielle ou territoriale de la juridiction saisie.

A. - Contentieux soumis à un délai pour statuer

239. - De règle générale, aucun délai n'est imparti aux tribunaux administratifs pour statuer sur les requêtes dont ils sontsaisis. Toutefois, certains textes sont intervenus pour instituer une urgence à statuer dans des domaines particuliers. Ilfaut distinguer trois types d'urgence à statuer : celle sans conséquence sur la régularité du jugement, celle qui a pourconséquence un dessaisissement quand le délai fixé n'est pas respecté et, enfin, celle qui entraîne rejet implicite de lademande.

1° Urgence à statuer sans dessaisissement

240. - Certaines dispositions prévoient que le tribunal doit statuer sur les requêtes dont il est saisi dans un certaindélai sans assortir de sanction le non-respect de ce délai. Dans ces conditions, la jurisprudence du Conseil d'État a

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estimé que le dépassement du délai n'entraînait ni dessaisissement ni irrégularité de la procédure de nature à entacherle jugement d'irrégularité.

a) Dispositions prévues par le Code de justice administrative

241. - Le délai de 72 heures prévu par les dispositions des articles L. 776-1 par renvoi à l'article L. 512-1 du Codede l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et R. 776-1 du Code de justice administrative pour juger lecontentieux des reconduites à la frontière. En effet, la circonstance que le jugement du président du tribunaladministratif ou du conseiller délégué par lui soit rendu plus de 48 heures (délai applicable à l'époque) après lasaisine du tribunal n'a pas eu pour effet d'entacher de nullité ledit jugement (CE, 6 juill. 1990, n° 116172, préfetHauts-de-Seine c/ Korchi : JurisData n° 1990-646455 ; Rec. CE 1990, tables, p. 904).

242. - Cette jurisprudence peut être transposée :

- au délai de 3 mois prévu par les dispositions du Code de justice administrative pour juger lecontentieux des obligations de quitter le territoire français prises en application des mêmesdispositions de l'article L. 512-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- au délai de quarante-huit heures prévu par les dispositions de l'article L. 521-2 du Code de justiceadministrative relatif au référé liberté ;

- au délai de 20 jours prévu par les dispositions de l'article R. 551-1 du code (CE, sect., 3 nov. 1995,n° 152484, District agglomération nancéenne : JurisData n° 1995-045624 ; Rec. CE 1995, p. 321 ;Dr. adm. 1995, comm. 721).

b) Dispositions prévues par d'autres textes ou codes

243. - On retrouve de telles dispositions en matière d'élections :

- les conditions dans lesquelles sont jugés les recours exercés contre les élections aux chambresdépartementales d'agriculture sont fixées, non par les articles R. 117 et R. 121 du Code électoral,mais par l'article 33 du décret du 17 janvier 1973. Si le 4e alinéa de cet article dispose qu'il est statuépar le tribunal administratif dans le délai d'un mois, cette disposition, au contraire des articles R. 117et R. 121 du code, n'a pas prescrit que le tribunal administratif qui ne statue pas dans le délai d'unmois se trouverait dessaisi (CE, 23 mai 1980, n° 19888, Lemaire : Rec. CE 1980, p. 241) ;

- si l'article 14 du décret du 14 mars 1970, fixant les modalités de recours contre les élections auxconseils des universités, prescrit que "le tribunal administratif statue dans le délai maximum d'unmois", aucune disposition ne prévoit que le tribunal soit dessaisi faute d'avoir statué dans ce délai(CE, ass., 31 janv. 1975, n° 90847, Élect. conseil université Toulouse-le-Mirail) ;

- le délai de trois jours fixé à l'article R. 12 du Code électoral relatif à la procédure d'élaboration deslistes électorales n'est pas imparti au tribunal administratif à peine de dessaisissement (CE, 4 mars1998, n° 193903, min. Int. : JurisData n° 1998-050233 ; Rec. CE 1998, tables, p. 926) ;

- il ne résulte ni des dispositions combinées des articles R. 114 et R. 115 du Code électoral, ni d'aucunautre texte, que les règles relatives au délai dans lequel le tribunal administratif doit se prononcer età son éventuel dessaisissement s'appliquent dans le cas où le tribunal statue, non sur un contentieuxrelatif à l'élection, mais, dans le cas prévu à l'article L. 118-3 du même code, sur l'inéligibilité d'uncandidat qui n'a pas été élu et dont le compte de campagne a été rejeté par la commission (CE,28 juill. 2000, n° 207401, Comm. nat. comptes campagne et financements politiques c/ Marguerite :JurisData n° 2000-061121 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1013).

2° Urgence à statuer avec dessaisissement

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244. - Ce sont certaines dispositions du Code électoral qui le prévoient. Il faut noter que les dispositions de l'articleL. 511-1 du Code du travail avaient mis en place un système équivalent mais qui a été depuis abrogé (pour sonapplication, CE, 24 oct. 1980, n° 21605, Sté "Groupe Bongrain". - CE, 29 avr. 1981, n° 22306, Christ).

a) Champ d'application : articles R. 114 et R. 120 du Code électoral

245. - Aux termes des dispositions de l'article R. 114 du Code électoral :

Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation augreffe (bureau central ou greffe annexe) ; la décision est notifiée dans les huit jours à partir de sa date au préfet et aux partiesintéressées, dans les conditions fixées à l'article R. 751-3 du Code de justice administrative. En cas de renouvellement d'unesérie sortante, ce délai est porté à trois mois. S'il intervient une décision ordonnant une preuve, le tribunal administratif doitstatuer dans le délai d'un mois à compter du jour ou le jugement sur la question préjudicielle est devenu définitif. Dans le casprévu à l'article R. 115, le tribunal administratif doit statuer dans le délai d'un mois, à compter du jour où le jugement sur laquestion préjudicielle est devenu définitif. Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 118-2, les délais, prévusaux premier et deuxième alinéas, dans lesquels le tribunal administratif doit se prononcer, courent à partir de la date deréception par le tribunal administratif des décisions de la Commission nationale des comptes de campagne et desfinancements politiques ou, à défaut de décision explicite, à partir de l'expiration du délai de deux mois prévu audit article.

Aux termes des dispositions de l'article R. 120 du Code électoral :

Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de deux mois à compter de l'enregistrement de la réclamation augreffe (bureau central ou greffe annexe) et la notification en est faite dans les huit jours à partir de sa date, dans les conditionsfixées à l'article R. 751-3 du Code de justice administrative. En cas de renouvellement général, le délai est porté à trois mois.

246. - Les dispositions des articles R. 114 et R. 117 du Code électoral sont applicables aux élections à l'assembléeterritoriale de la Polynésie française (CE, 18 févr. 1998, n° 187957, n° 188473, Tong Sang et a. : JurisDatan° 1998-050228 ; Rec. CE 1998, tables, p. 927).

La contestation de l'élection des membres de la commission d'appel d'offres d'une commune au sein du conseilmunicipal, conformément aux dispositions de l'article 22 du Code des marchés publics, ressortit au contentieux desélections municipales. Trouvent par suite à s'appliquer les dispositions des articles R. 120 et R. 121 du Codeélectoral prévoyant que, faute d'avoir statué dans le délai de deux mois, le tribunal administratif est dessaisi auprofit du Conseil d'État (CE, 30 mars 2007, n° 298103, Techer : JurisData n° 2007-071670 ; Rec. CE 2007, tables,p. 867).

Les articles R. 120 et R. 121 du Code électoral sont applicables à l'élection du bureau d'un syndicat communautaired'aménagement d'une ville nouvelle ainsi qu'à l'élection des représentants de ce syndicat auprès d'un syndicatintercommunal d'études et d'aménagement de la région (sol. impl., CE, 9 févr. 1979, n° 09992, n° 09993, n° 09994,Élect. membres bureau synd. communautaire aménagement agglomération nouvelle Évry et désignation déléguésde ce synd. communautaire aménagement au synd. intercnal études et aménagement région Évry : Rec. CE 1979,p. 48).

Les dispositions des articles R. 120 et R. 121 du Code électoral sont applicables à l'élection du président du bureaud'un syndicat mixte (sol. impl., CE, 13 mars 2002, n° 183577, Chevassus A l'Antoine : JurisData n° 2002-063746 ;Rec. CE 2002, tables, p. 754).

Les dispositions de l'article R. 114 du Code électoral sont applicables dans le cas de saisine directe du tribunal, jugede l'élection, par la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, en applicationde l'article L. 52-15 du Code électoral (CE, 16 nov. 1998, n° 194398, Élect. cant. partielle Vic-sur-Aisne :JurisData n° 1998-051231 ; Rec. CE 1998, tables, p. 927).

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La réclamation dirigée contre un arrêté préfectoral déclarant démissionnaire d'office un conseiller municipal entreégalement dans le champ de ces dispositions (CE, 16 déc. 1994, n° 121071, Guérin : JurisData n° 1994-049732 ;Rec. CE 1994, tables, p. 964).

b) Computation du délai

247. - Il résulte des dispositions combinées des articles L. 52-12, L. 118-2, R. 120 et R. 121 du Code électoral quela Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques doit, dans le délai de deux moissuivant l'expiration de la première période de deux mois prévue au deuxième alinéa de l'article L. 52-12 et ouverte àcompter du tour de scrutin où l'élection a été acquise, non seulement examiner les comptes de campagne descandidats mais également transmettre ses décisions au tribunal. Par suite, le délai dont dispose le tribunal pour seprononcer court à compter de la réception de ces décisions ou, à défaut, à compter de l'expiration du délai au termeduquel elle aurait dû intervenir (CE, 10 nov. 2004, n° 261455, Élect. mun. Noisy-le-Sec : JurisDatan° 2004-067628 ; Rec. CE 2004, tables, p. 708).

c) Conséquences du non-respect du délai prescrit : dessaisissement du tribunal

248. - Aux termes des dispositions de l'article R. 117 du Code électoral : "Faute d'avoir statué dans les délais fixéspar les articles R. 114 et R. 115, le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet etles parties intéressées en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseild'État".

Aux termes des dispositions de l'article R. 121 du Code électoral : "Faute d'avoir statué dans les délais ci-dessusfixés, le tribunal administratif est dessaisi. Le secrétaire greffier en informe le préfet et les parties intéressées enleur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'État".

249. - La conséquence du non-respect de ce délai est donc le dessaisissement du tribunal (CE, 6 nov. 1963, Élect.mun. Belleville-sur-Allier : Rec. CE 1963, p. 525).

Ainsi, parmi une très nombreuse jurisprudence, le cas où le tribunal administratif d'Amiens n'ayant pas statué dansle délai de trois mois qui lui était imparti pour se prononcer sur le déféré du préfet de l'Oise dirigé contre lesopérations électorales organisées le 11 mars 2001 dans la commune de Liancourt, le préfet a, en application desdispositions précitées de l'article R. 121 du Code électoral, porté ce déféré devant le Conseil d'État (CE, 15 févr.2002, n° 236931, 237378, Élect. mun. Liancourt : Rec. CE 2002, tables, p. 753).

Si le tribunal administratif statue sur un litige après expiration du délai sanctionné par le dessaisissement, lejugement ainsi intervenu est entaché d'irrégularité (CE, 16 déc. 1994, n° 121071, Guérin, cité supra n° 246).

Enfin, la circonstance que la requête serait manifestement irrecevable n'est pas de nature à ne pas entraîner ledessaisissement du tribunal une fois le délai dépassé (CE, 28 sept. 2001, n° 231256, Dabin et a. : JurisDatan° 2001-062933 ; Rec. CE 2001, p. 440).

d) Procédure à suivre par le tribunal en cas de dessaisissement

250. - Lorsqu'en de telles espèces le dessaisissement est constaté, le secrétaire-greffier en informe le préfet et lesparties intéressées, en leur faisant connaître qu'ils ont un délai d'un mois pour se pourvoir devant le Conseil d'État.Il ne peut donc être procédé comme en l'espèce à un renvoi par voie d'ordonnance du président du tribunal auConseil d'État ; faute de s'être vu notifier le dessaisissement dans les conditions prescrites et notamment du délaidans lequel il devait saisir le Conseil d'État, aucun délai ne peut alors être opposé à l'intéressé (CE, 8 janv. 1992,n° 120282, Préel : JurisData n° 1992-040472 ; Rec. CE 1992, p. 3 ; Gaz. Pal. 1992, 2, pan. dr. adm. p. 126).

e) Procédure devant le Conseil d'État

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251. - Il résulte de l'article R. 121 du Code électoral que le Conseil d'État ne peut être valablement saisi d'uneprotestation relative à des élections municipales, après dessaisissement du tribunal administratif, que par le préfetou le protestataire. La transmission au Conseil d'État, par le défendeur, du mémoire qu'il avait produit devant letribunal administratif ne peut être regardée comme une requête (CE, 17 janv. 1994, n° 148589, Kartadinama, Élect.mun. Grand-Santi : JurisData n° 1994-040521 ; Rec. CE 1994, tables, p. 964).

Le Conseil d'État, avant d'examiner le dossier en lui-même, contrôlera le bien-fondé de l'appréciation ayant conduitle tribunal administratif à s'estimer dessaisi et, s'il estime erronée cette appréciation, prononcera le renvoi del'affaire devant la juridiction du premier degré (CE, 12 mars 1982, n° 36650, Sté Bachy c/ Valevza : JurisDatan° 1982-040783).

Le Conseil d'État statuant après dessaisissement du tribunal administratif, doit examiner, même s'ils n'ont pas étérepris devant lui, tous les moyens invoqués devant le tribunal (CE, 19 oct. 1966, n° 67787, Élect. mun.Cubiérettes : Rec. CE 1966, p. 552).

3° Urgence à statuer avec rejet implicite de la demande

252. - Le principe selon lequel le silence gardé par une juridiction ne peut valoir rejet connaît quelques très raresexceptions.

a) Référé fiscal

253. - Ce sont les dispositions de l'article L. 279 du Livre des procédures fiscales qui le prévoit :

En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires, lorsque les garanties offertes par le contribuable ont étérefusées, celui-ci peut, dans les quinze jours de la réception de la lettre recommandée qui lui a été adressée par le comptable,porter la contestation, par simple demande écrite, devant le juge administratif, qui est un membre du tribunal administratifdésigné par le président de ce tribunal. Cette demande n'est recevable que si le redevable a consigné auprès du comptable, àun compte d'attente, une somme égale au dixième des impôts contestés. Une caution bancaire ou la remise de valeursmobilières cotées en bourse peut tenir lieu de consignation. Le juge du référé décide dans le délai d'un mois si les garantiesoffertes répondent aux conditions prévues à l'article L. 277 et si, de ce fait, elles doivent être ou non acceptées par lecomptable. Il peut également, dans le même délai, décider de dispenser le redevable de garanties autres que celles déjàconstituées. Dans les huit jours suivant la décision du juge ou l'expiration du délai laissé à ce dernier pour statuer, le redevableet le comptable peuvent, par simple demande écrite, faire appel devant le tribunal administratif. Celui-ci, dans le délai d'unmois, décide si les garanties doivent être acceptées comme répondant aux conditions de l'article L. 277 ; à défaut de décisiondans ce délai, la décision intervenue au premier degré est réputée confirmée.

C'est l'arrêt de section "Godard" qui a fixé la procédure applicable en cas de rejet implicite. Il a posé que lecontribuable disposait d'un délai de deux mois pour se pourvoir contre le jugement implicite résultant du silencegardé pendant plus d'un mois par le tribunal administratif saisi d'un appel dirigé contre une ordonnance du juge duréféré fiscal (CE, sect., 9 févr. 1979, n° 4430, Godard : Rec. CE 1979, p. 51).

Dans ce cas, le jugement implicite intervenu par suite de l'expiration du délai d'un mois, prévu par les dispositionsde l'article L. 277 du Livre des procédures fiscales, à compter de l'introduction de l'appel, devant le tribunaladministratif, d'une ordonnance du juge du référé administratif en matière de garanties, doit être regardé commefondé sur les mêmes motifs que ladite ordonnance. La société requérante ayant produit devant le tribunaladministratif au cours de l'instruction de sa demande, une estimation d'un expert qui constituait un commencementde preuve dont il appartenait au tribunal d'apprécier la portée, ce dernier, en confirmant l'ordonnance du juge duréféré, sans se prononcer sur ladite évaluation, n'a pas donné de base légale à son jugement. Ce délai est d'une duréede trois mois à compter de l'introduction de l'appel devant le tribunal administratif (sol. impl., CE, 5 déc. 1984,n° 59642, n° 60218, Sté d'intérêt collectif agricole Dinde d'Anjou : Rec. CE 1984, p. 402).

Ainsi, si au cours de l'instruction de son appel devant le tribunal administratif, le contribuable a produit une

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attestation notariale faisant ressortir que l'acte de mainlevée d'une des hypothèques avait été définitivement signé,cette attestation ne liait pas le tribunal. Celui-ci, en confirmant l'ordonnance du juge du référé sans se prononcer surcette attestation, n'a pas donné de base légale à son jugement (CE, 25 mai 1988, n° 91302, Lamarque : Rec. CE1988, p. 728). De même, quand devant le tribunal administratif, la société requérante a produit des précisions surles pièces servant de fondement à sa demande de référé, si ces précisions ne liaient pas le tribunal, celui-ci, enconfirmant l'ordonnance du juge du référé, sans se prononcer sur les informations complémentaires apportées par lasociété, n'a pas donné de base légale à son jugement (CE, 23 nov. 2001, n° 214934, Sté Mepo Stop Mil [MSM] :JurisData n° 2001-080070 ; Rec. CE 2001, p. 571).

b) En matière de contravention de grande voirie

254. - En matière de contravention de grande voirie, l'écoulement d'un délai d'un an depuis le dernier acte de laprocédure de poursuites (V. Fasc. 1170) entraîne la prescription de l'action publique.

c) En matière d'enregistrement de candidature aux élections législatives

255. - Ce sont les tribunaux administratifs qui sont compétents pour se prononcer sur le bien-fondé d'un refus decandidature aux élections des députés et des sénateurs. Dans ce cas particulier de compétence, le préfet ne peutrefuser l'inscription, mais doit saisir le tribunal afin qu'il se prononce sur le bien-fondé de la candidature litigieuse.Les dispositions du Code électoral prévoient dans ce cas de figure un délai extrêmement bref de trois jours pour quecelui-ci se prononce. Le silence gardé par le tribunal au-delà de ce délai, vaut rejet de la demande du préfet ce quirevient à l'obliger à enregistrer la dite candidature.

L'article L. 159 relatif à l'élection des députés prévoit en effet que : "Si une déclaration de candidature ne remplitpas les conditions prévues aux articles précédents, le préfet saisit dans les vingt-quatre heures le tribunaladministratif qui statue dans les trois jours. La décision du tribunal ne peut être contestée que devant le Conseilconstitutionnel saisi de l'élection" et le dernier alinéa de l'article suivant, l'article LO 160 prévoit que : "Si les délaismentionnés à l'alinéa précédent ne sont pas respectés, la candidature doit être enregistrée" (V. Fasc. 1132).

Il existe des dispositions similaires pour les élections sénatoriales prévues aux articles L. 303 et L. 304, ce dernierrenvoyant aux dispositions de l'article LO 160.

d) Mesures d'assignation à résidence ou d'interdiction de séjour pris en application de la loi du 3 avril 1955sur l'état d'urgence

256. - L'article 7 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence prévoit en effet que :

Toute personne ayant fait l'objet d'une des mesures prises en application de l'article 5 (3°), ou de l'article 6 peut demander leretrait de cette mesure. Sa demande est soumise à une commission consultative comprenant des délégués du Conseil généraldésignés par ce dernier et comportant, en Algérie, la représentation paritaire d'élus des deux collèges. La composition, lemode de désignation et les conditions de fonctionnement de la commission seront fixés par un décret en Conseil d'État. Lesmêmes personnes peuvent former un recours pour excès de pouvoir contre la décision visée à l'alinéa 1er ci-dessus devant letribunal administratif compétent. Celui-ci devra statuer dans le mois du recours. En cas d'appel, la décision du Conseil d'Étatdevra, intervenir dans les trois mois de l'appel. Faute par les juridictions ci-dessus d'avoir statué dans les délais fixés parl'alinéa précédent, les mesures prises en application de l'article 5 (3°) ou de l'article 6 cesseront de recevoir exécution.

Il faut relever que ces dispositions n'ont donné lieu à aucun contentieux devant la juridiction administrative.

B. - Suspension de l'instruction

257. - Elle peut résulter de ce que le juge administratif ne peut apporter de solution au litige dont il est saisi qu'aprèsqu'ait été tranchée une question préjudicielle, ou une demande d'avis posée au Conseil d'État, en cas du décès du

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requérant alors que le dossier n'est pas en état d'être jugé, en cas de saisine du Tribunal des conflits ou du Conseilconstitutionnel en application des dispositions de l'article 61-1 de la Constitution et, enfin, de quelques hypothèsesparticulières organisées par des textes.

1° Questions préjudicielles

a) Principe

258. - Lorsque le tribunal administratif se trouve en présence d'une question dont la solution est incertaine etnécessaire au jugement du fond, il sursoit à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire l'ait tranchée.

La question préjudicielle doit alors présenter deux caractéristiques :

- elle doit, d'abord, ne pas relever de la compétence du juge administratif ;- elle doit, ensuite, poser une question nécessaire à la solution du litige, une question sérieuse.

259. - Une question ne relevant pas de sa compétence - Le juge administratif est compétent pour constater quele règlement annexé à la convention relative à l'assurance chômage, qui prévoit la réduction du montant del'allocation d'assurance servie aux allocataires bénéficiant d'avantages de vieillesse ou d'autres revenus deremplacement à caractère viager et aux allocataires bénéficiant de certaines pensions d'invalidité, est entachéd'incompétence, dès lors qu'il appartient au seul pouvoir réglementaire, agissant par voie de décret en Conseild'État, de fixer les conditions et limites dans lesquelles l'allocation d'assurance peut se cumuler avec des avantagesde vieillesse, d'autres revenus de remplacement à caractère viager et des pensions d'invalidité (sol. impl., CE,18 mai 1998, n° 187836, Union nat. coordination Assoc. militaires et a. : JurisData n° 1998-050336 ; Rec. CE1998, p. 196).

260. - Une question sérieuse - Ainsi quand un requérant conteste un arrêté de reconduite à la frontière au motifqu'il possède la nationalité française par filiation maternelle et que le seul fait établi par l'intéressé pour soutenir quesa mère, née en 1947 en Gambie, est française, est la naissance de sa grand-mère maternelle en 1920 au Sénégal. Enl'absence de toute autre précision, notamment sur le lieu de naissance des parents de cette dernière, ce fait n'est pasde nature à constituer un commencement de preuve de ce que celle-ci, ainsi que sa fille mineure, étaient françaisesavant l'accession du Sénégal à l'indépendance le 20 juin 1960. Le requérant ne peut ainsi, en tout état de cause,soutenir utilement que, par application de l'article 13 du Code de la nationalité française dans sa rédaction envigueur à cette dernière date, sa mère aurait conservé de plein droit la nationalité française. Le juge peut dans cesconditions rejeter la requête, sans qu'il y ait lieu de poser une question préjudicielle au juge judiciaire (CE, 16 juin1995, n° 159289, Gomez : JurisData n° 1995-048161). Il en va différemment pour une personne qui produit unecopie d'une pièce rectifiant un acte togolais à l'appui de ses allégations tirées qu'elle serait devenue française enapplication de l'article 84 du Code de la nationalité alors en vigueur lorsque sa mère a elle-même acquis lanationalité française par déclaration à la suite de son mariage avec un ressortissant français. Cette question denationalité soulève une difficulté sérieuse relevant de la compétence du juge judiciaire (CE, 14 avr. 1995,n° 146720, préfet Val-d'Oise : JurisData n° 1995-046834 ; Rec. CE 1995, tables, p. 997).

b) Juridictions pouvant être saisies

261. - Dans la mesure où il n'existe pas de questions préjudicielles à l'intérieur d'un même ordre juridictionnel, lesjuridictions pouvant être saisies sont nécessairement les juridictions relevant de l'ordre juridictionnel judiciaire.

Il faut toutefois noter que les stipulations du traité de Rome, reprises par les traités ultérieurs, ont mis en place uneautre procédure de question préjudicielle au profit de la Cour de justice de l'Union européenne.

c) Procédure à respecter par le requérant

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262. - Le tribunal impartit à la partie intéressée au règlement de la question préjudicielle un délai pour justifier deses diligences à l'effet de saisir la juridiction compétente.

Le requérant qui ne justifie pas de diligence suffisante pour faire trancher une question préjudicielle ne met pas lejuge à même d'apprécier le bien-fondé de sa requête. Celle-ci doit être donc rejetée (CE, 16 nov. 1979, n° 6866,Jolivet).

d) Procédure à respecter par le juge

263. - La circonstance que le juge a posé une question préjudicielle entraîne toute une série de conséquences :

- il se peut aussi que, malgré la diligence de la partie demanderesse à l'incident, la question n'ait pas,néanmoins, été résolue, soit qu'elle ait été mal posée au juge civil, soit qu'il l'ait mal comprise. Enpareil cas et attendu que le tribunal ne peut lui-même trancher le point litigieux, il sera égalementcontraint de statuer au fond en considérant que la partie intéressée n'a pas apporté la justification deson moyen (CE, 16 mars 1877, Élect. Prades : Rec. CE 1877, p. 287. - CE, 4 juill. 1952, Godet :Rec. CE 1952, p. 354) ;

- le pourvoi en cassation, qui n'a pas d'effet suspensif, n'empêche pas le tribunal administratif destatuer au vu de la réponse faite à une question préjudicielle par la juridiction civile (CE, sect.,25 juill. 1975, Ville Lourdes : Rec. CE 1975, p. 445 ; Dr. adm. 1975, comm. 331) ;

- si le juge a omis d'ordonner une mise en demeure à cet effet, la partie adverse ne peut y suppléer parune sommation (CE, 10 févr. 1937, Pichard : Rec. CE 1937, p. 380) ;

- le juge ne doit pas, en principe, trancher le fond du litige avant que celle-ci se soit prononcée, saufs'il reconnaît après coup que la question préjudicielle n'a pas d'influence décisive sur la solution duprocès : en pareil cas, il peut, nonobstant le sursis par lui prononcé, rendre son jugement définitif à lacondition naturellement, d'écarter entièrement le point de droit objet du renvoi préjudiciel ;

- dans le cas où un tribunal administratif a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soitprononcée sur le point de savoir si une personne faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontièrepossède la nationalité française et où l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle en vuede se pourvoir en cassation contre un arrêt de la cour d'appel jugeant qu'il ne détient pas lanationalité française. Dans la mesure où l'article 1045 du Code civil prévoit que le délai de pourvoien cassation suspend l'exécution de l'arrêt qui statue sur la nationalité et que le pourvoi en cassationexercé dans ce délai est également suspensif. Dans ces conditions, la demande d'aide juridictionnelleayant interrompu le délai de pourvoi en cassation, l'arrêt de la cour d'appel n'est pas devenu définitifainsi que la question de la nationalité de l'intéressé. Dans ces conditions, le magistrat délégué doitprolonger le sursis à statuer jusqu'à ce que le délai de pourvoi se soit écoulé ou jusqu'à ce quel'autorité judiciaire se soit prononcée (CE, 28 juill. 2000, n° 212866, Dilekh : JurisDatan° 2000-061118 ; Rec. CE 2000, p. 338) ;

- dans le cas où le Conseil d'État a par décision du 11 juillet 2001 sursis à statuer jusqu'à ce que soittranchée la question de savoir si les parties à la convention d'assurance chômage pouvaient, enapplication des stipulations litigieuses, confier à la commission paritaire nationale le soind'interpréter, préciser ou compléter les règles de fonctionnement du régime d'assurance chômage.Par un jugement rendu le 2 juillet 2002, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grandeinstance de Paris s'est prononcé dans le sens de l'illégalité de ces stipulations. Faute pour cejugement d'avoir été signifié, le délai d'appel à son encontre n'a pas commencé à courir. Il ressort despièces du dossier, notamment des éléments produits devant le Conseil d'État en réponse à unemesure d'instruction, que les demandeurs à l'instance devant le tribunal de grande instance de Parisn'ont pas l'intention de procéder à la signification du jugement. Il ne pourra donc être regardé commedéfinitif qu'à l'expiration du délai de deux ans au terme duquel, en vertu des dispositions del'article 528-1 du Code de procédure civile, les parties qui ont comparu ne seront plus recevables àen relever appel. Il résulte toutefois des stipulations de l'article 5 de la convention d'assurance

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chômage agréée par l'arrêté attaqué qu'elle cessera de produire ses effets le 31 décembre 2003, soitavant le terme du délai de deux ans prévu à l'article 528-1 du Code de procédure civile. Dans lescirconstances de l'espèce, et eu égard notamment à la nature de l'acte litigieux, il y a lieu pour leConseil d'État de statuer sans attendre l'expiration de ce délai et, le jugement du 2 juillet 2002 devantainsi être regardé comme tranchant la question préjudicielle qui avait été soulevée dans la présenteinstance, d'en tirer les conséquences pour ce qui concerne l'arrêté attaqué (CE, 23 juill. 2003,n° 228361, n° 228545, Synd. Sud travail et a. : JurisData n° 2003-066103 ; Rec. CE 2003, p. 342) ;

- dans le cas où par une décision avant-dire droit en date du 29 octobre 1997 le Conseil d'État a sursisà statuer sur une requête dont il était saisi jusqu'à ce que la Cour de justice des communautéseuropéennes ait répondu à la question de savoir si l'entrée en vigueur du règlement (CEE) du Conseildu 14 juillet 1992 avait pour effet de priver les autorités nationales de la possibilité de modifier lescaractéristiques d'une appellation au cours de la procédure d'enregistrement instituée par l'article 17dudit règlement, la Cour de justice des communautés européennes, par un arrêt du 9 juin 1998, aprécisé, en réponse à une question préjudicielle posée par une autre juridiction, en quel sens devaitêtre interprété le règlement (CEE) du Conseil du 14 juillet 1992, et notamment son article 17. Cetarrêt peut être regardé comme répondant à la question préjudicielle posée par le Conseil d'État par sadécision du 29 octobre 1997 (CE, 30 déc. 1998, n° 170232, SA Fromagerie Philipona et StéFromagerie Franc-Comtoise : JurisData n° 1998-051519 ; Rec. CE 1998, p. 512).

e) Autorité de la chose jugée par la juridiction saisie

264. - La décision devenue définitive par laquelle le juge judiciaire répond à la question préjudicielle posée par lejuge administratif sur l'existence de l'obligation d'assistance envers un malade hospitalisé incombant à l'une despersonnes désignées aux articles 205, 206, 207 et 208 du Code civil, s'impose, quels que soient ses mérites, au jugeadministratif (CAA Paris, 16 avr. 1992, n° 89PA00183, Adm. gén. assistance publique Paris c/ Launay : Rec. CE1992, tables, p. 1316).

Si les requérants ont, en outre, soulevé par la suite devant le Conseil d'État un moyen tiré de ce que les parties àl'accord et à l'avenant ne pouvaient prévoir la restriction des droits à pension de réversion sans méconnaître unprincipe d'acquisition progressive des droits à la retraite consacré, selon eux, par la Cour de justice descommunautés européennes, une telle contestation, qui touche à la licéité des stipulations des conventions ayant faitl'objet de la question préjudicielle tranchée par la Cour de cassation, ne pouvait plus être utilement portée devant leConseil d'État statuant au contentieux dès lors que l'autorité judiciaire s'était prononcée sur cette questionpréjudicielle (CE, 21 févr. 2000, n° 165041, n° 165059, n° 165060, Assoc. défense cadres retraités et a. : JurisDatan° 2000-060456 ; Rec. CE 2000, p. 69).

Alors même qu'elle ne faisait pas l'objet du renvoi préjudiciel, l'interprétation du traité et des actes communautaires,que la Cour de justice des communautés européennes est compétente pour donner en vertu du a) et du b) del'article 234 du traité des communautés européennes, s'impose au Conseil d'État. Il appartient ensuite à la juridictionnationale, saisie du principal, éclairée par l'arrêt de la Cour, de qualifier les faits, en procédant, le cas échéant, auxinvestigations contradictoires qu'elle est à même d'ordonner (CE, ass., 11 déc. 2006, n° 234560, Sté De Groot EnSlot Allium B.V. et Sté Bejo Zaden B.V. : JurisData n° 2006-071448, cette jurisprudence revient sur CE, sect.,26 juill. 1985, Onic : Rec. CE 1985, p. 233).

f) Cas de figure où le juge administratif a retenu l'existence d'une question préjudicielle devant le jugejudiciaire

265. - La légalité d'un arrêté ministériel prononçant l'extension ou l'élargissement d'un accord collectif relatif à unrégime complémentaire de retraite ou de prévoyance complémentaire des salariés ou d'un avenant à celui-ci estnécessairement subordonnée à la validité de la convention ou de l'avenant en cause. Ainsi, lorsqu'une contestation

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sérieuse s'élève sur la validité d'un tel accord, la juridiction administrative, compétemment saisie d'un recours pourexcès de pouvoir dirigé contre l'arrêté ministériel d'extension ou d'élargissement est, eu égard au caractère decontrat de droit privé que présente l'accord ou l'avenant, tenue de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cettequestion préjudicielle (CE, 22 nov. 2000, n° 208779, Féd. nat. personnel encadrement stés service informatique,études, conseil et ingénierie : JurisData n° 2000-061542 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1187. - V. aussi CE, 7 juill.2000, n° 198564, Féd. frse stés d'assurance : JurisData n° 2000-061224 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1186).

Lorsqu'une contestation sérieuse s'élève sur la validité d'un accord ou d'un avenant relatif à l'assurance chômage destravailleurs privés d'emploi, la juridiction administrative compétemment saisie d'un recours pour excès de pouvoirdirigé contre l'arrêté ministériel d'agrément est, eu égard au caractère de contrat de droit privé que présente l'accordou l'avenant, tenue de renvoyer à l'autorité judiciaire l'examen de cette question préjudicielle (CE, 6 oct. 2000,n° 209312, Jouanine : JurisData n° 2000-061360 ; Rec. CE 2000, tables, p. 1187).

L'article 1er de l'ordonnance du 22 novembre 1945 excluant du champ d'application d'une mesure de reconduite à lafrontière une personne qui, à la date de la mesure, a la nationalité française alors même qu'elle aurait également unenationalité étrangère. L'article 29 du Code civil réservant à l'autorité judiciaire le soin de trancher les questions denationalité, une question préjudicielle doit, le cas échéant, en application des dispositions de l'article 1042 du Codede procédure civile, être posée au tribunal de grande instance (CE, 28 juill. 2000, n° 212866, Dilekh : JurisDatan° 2000-061118. - V. aussi CE, 14 avr. 1995, n° 146720, préfet Val-d'Oise, cité supra n° 260).

Il n'appartient qu'à l'autorité judiciaire de trancher la question de savoir si le candidat dont est demandéel'annulation de l'élection au conseil régional avait son domicile dans une commune de la région à la date del'élection (CE, 11 déc. 1998, n° 195203, Élect. régionales Basse-Normandie [Dpt Orne] : JurisDatan° 1998-051418 ; Rec. CE 1998, tables, p. 927).

La question de savoir si une commune était titulaire d'un droit de pêche dans une rivière avant l'entrée en vigueurde l'ordonnance royale du 10 juillet 1835 classant la rivière en cause au nombre de celles dans lesquelles la pêcheserait exercée au profit de l'État et si elle a continué à détenir ce droit, nonobstant l'intervention de laditeordonnance, faute d'avoir reçu l'indemnité préalable prévue par l'article 3 de la loi du 15 avril 1829, relève, en vertude l'article L. 35-3 du Code rural, de la seule compétence de l'autorité judiciaire (CE, 11 mars 1998, n° 142259,Cne Alliancelles : JurisData n° 1998-050210 ; Rec. CE 1998, tables, p. 1125).

La question de l'application des dispositions de l'article 2265 du Code civil, selon lequel celui qui acquiert de bonnefoi et par juste titre un immeuble en prescrit la propriété par dix ans si le véritable propriétaire habite dans le ressortde la cour d'appel dans l'étendue de laquelle l'immeuble est situé (CE, 6 avr. 1992, n° 87646, Bertimon : Rec. CE1992, p. 151).

La question de savoir si des accords relatifs au régime de retraite des cadres pouvaient valablement réduire lemontant de la majoration pour charge de famille et réduire les droits à pension de reversion pour les bénéficiairesdu régime dont les retraites ont déjà été liquidées et s'ils pouvaient légalement créer une contribution de solidarité àla charge des retraités, destinée à permettre l'attribution de points de retraite aux cadres aux chômage, soulève unecontestation sérieuse (CE, 26 juill. 1996, n° 165041, n° 165059, n° 165060, Assoc. défense cadres retraités et a. :JurisData n° 1996-050603 ; Rec. CE 1996, tables, p. 1121).

g) Cas de figure où le juge administratif a retenu l'existence d'une question préjudicielle devant la Cour dejustice des communautés européennes

266. - Soulève une contestation sérieuse la question de savoir si les stipulations des articles 73 B à 73 G du traitéde Rome modifié, selon lesquelles l'interdiction de toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre Étatsmembres ne porte pas atteinte au droit qu'ont les États membres "de prendre des mesures justifiées par des motifsliés à l'ordre public ou à la sécurité publique", permettent à un État membre de prévoir un régime d'autorisation

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préalable pour les investissements étrangers de nature à mettre en cause l'ordre public, la santé publique ou lasécurité publique, l'autorisation étant réputée acquise à l'issue d'un délai d'un mois sauf ajournement de l'opérationprononcé par le ministre (CE, 6 janv. 1999, n° 181533, Assoc. "Église de scientologie de Paris" et Scientologyinternational reserves trust : JurisData n° 1999-050022 ; Rec. CE 1999, tables, p. 974).

h) Cas de figure où le juge administratif n'a pas retenu l'existence d'une question préjudicielle

267. - Le juge administratif est compétent pour constater l'illégalité de certaines clauses d'un accord d'assurancechômage, et partant, la légalité de l'arrêté par lequel le ministre chargé du travail a procédé à l'agrément de cetaccord en tant qu'il a exclu les clauses illégales de l'agrément (CE, 11 juill. 2001, n° 224586, Mouvemententreprises France et conféd. générale PME [MEDEF CGPME] : Rec. CE 2001, p. 363).

268. - Le juge administratif est compétent pour constater que le règlement annexé à la convention relative àl'assurance chômage, qui prévoit la réduction du montant de l'allocation d'assurance servie aux allocatairesbénéficiant d'avantages de vieillesse ou d'autres revenus de remplacement à caractère viager et aux allocatairesbénéficiant de certaines pensions d'invalidité, est entaché d'incompétence, dès lors qu'il appartient au seul pouvoirréglementaire, agissant par voie de décret en Conseil d'État, de fixer les conditions et limites dans lesquellesl'allocation d'assurance peut se cumuler avec des avantages de vieillesse, d'autres revenus de remplacement àcaractère viager et des pensions d'invalidité. Une telle question ne soulève pas de contestation sérieuse (sol. impl.,CE, 18 mai 1998, n° 187836, Union nat. coordination assoc. militaires et a., cité supra n° 259. - sur ces points, V.Fasc. 1061).

2° Dispositions de l'article L. 113-1 : question de droit nouvelle

269. - L'article L. 113-1 du Code de justice administrative organise une procédure de renvoi pour avis au Conseild'État. Cette procédure dont la mise en oeuvre facultative est laissée à l'initiative du tribunal administratif ou de lacour administrative d'appel, ne peut porter que sur une "question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuseet se posant dans de nombreux litiges".

Il n'appartient qu'à la seule formation de jugement d'apprécier l'opportunité de mettre en oeuvre cette procédure ; lesconclusions tendant à obtenir du juge qu'il transmette au Conseil d'État, le dossier d'une affaire sur le fondement del'article L. 113-1 du Code de justice administrative sont irrecevables (CE, 21 févr. 1992, n° 120876, Orsane :JurisData n° 1992-040969).

270. - Le jugement par lequel le dossier est transmis au Conseil d'État n'est pas susceptible de recours.

271. - Le renvoi entraîne le sursis à toute décision sur le fond de l'affaire jusqu'à l'avis du Conseil d'État, lequel doitêtre formulé dans le délai de trois mois ou jusqu'à l'expiration de ce délai. Toutefois cette hypothèse paraît peuvraisemblable car il apparaît peu probable qu'un président de tribunal administratif qui aurait sollicité l'avis duConseil d'État, réclame, à l'expiration du délai, le retour du dossier à la juridiction de premier ressort pour y recevoirsolution.

272. - Cette innovation devrait permettre à partir d'un dossier "pilote", d'obtenir du Conseil d'État un avis de principesur l'application d'une règle de droit nouvelle par exemple, et permettre un traitement rapide des séries d'affaires danslesquelles le litige se ramène pour l'essentiel à une contestation sur la mise en oeuvre de cette règle (pour plusd'information sur cette procédure, V. Fasc. 1092).

273. - Il faut enfin noter qu'il existe une procédure similaire devant le tribunal administratif de Papeete prévue parles articles R. 225-2 et R. 225-5 du Code de justice administrative.

3° Décès du requérant

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a) Généralités

274. - Devant le tribunal administratif, l'interruption de l'instance peut résulter du décès de l'une des parties encause ou de sa disparition s'il s'agit d'une personne morale. L'héritier n'a pas à présenter un acte formel de reprise del'instance (CE, 20 janv. 1971, n° 77957, Chauvin). Si la qualité d'héritier est contestée d'un côté quelconque, letribunal sursoit à statuer jusqu'au jugement de cette question préjudicielle par la juridiction civile.

275. - La reprise d'instance n'est pas exigée de la part d'un enfant mineur lorsqu'il atteint sa majorité dès l'instantqu'aucune demande nouvelle n'est présentée à son nom : l'instance régulièrement engagée par son représentant légalse poursuit valablement à son égard (CE, 26 janv. 1962, min. Armées c/ Manceau : Rec. CE 1962, p. 73).

276. - Toutefois, lorsque l'instruction est terminée, le tribunal peut valablement statuer sans différer la procédure(CE, 16 mai 1947, Marchat : Rec. CE 1947, p. 673. - CE, 21 nov. 1952, Boulmer : Rec. CE 1952, p. 256).

Au contraire, si l'affaire n'est pas en état, l'instance se trouve interrompue. Dès lors, tous les actes d'instructionpostérieurs à la notification du décès de la partie sont nuls s'ils ont été dirigés contre celle-ci au lieu de l'être contreses héritiers après remise d'instance (CE, 27 nov. 1844, Parmentier : Bull. CE et cass. 1844, 45, p. 10).

Ainsi la personne inculpée de contravention de grande voirie, et citée à comparaître devant le tribunal administratifétant décédée postérieurement à l'introduction du pourvoi par le préfet, l'action publique est éteinte. Par suite, il n'ya pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande du préfet tendant à la condamnation au paiement d'uneamende (CE, 24 févr. 1989, n° 92525, secr. d'Ét. mer c/ Alix : Rec. CE 1989, tables, p. 856. - pour une solutioncomparable à raison du caractère personnel de l'amende infligée par la Cour de discipline budgétaire et financière,CE, 21 juill. 1989, n° 99258, Aubert : Rec. CE 1989, tables, p. 857).

b) Reprise d'instance

277. - La reprise d'instance est volontaire lorsque l'héritier fait connaître son intention de continuer le procès par unmémoire adressé au greffe et notifié à l'adversaire dans les conditions habituelles (CE, 12 nov. 1949, Vecchini :Rec. CE 1949, p. 480).

La reprise d'instance est forcée lorsque la partie adverse en prend l'initiative en déposant à cet effet une demandeincidente.

278. - Les protestations électorales ne sont pas au nombre des actions qui se transmettent aux héritiers.Irrecevabilité de la veuve de l'auteur décédé d'une protestation, agissant en son nom, de ses enfants mineurs et aunom de son mari, à interjeter appel du jugement de tribunal administratif ayant statué sur cette protestation (CE,27 mars 1996, n° 171552, n° 173897, Élect. mun. Floressas : JurisData n° 1996-050319) ; même solution opposéeaux colistiers (non présents en première instance) du candidat tête de liste faisant appel d'un jugement annulant lesopérations électorales remportées par sa liste (CE, 26 juin 1996, n° 172002, Élect. mun. Anse : JurisDatan° 1996-050310 ; Dr. adm. 1996, comm. 363).

279. - En cas de reprise d'instance à la suite du décès du demandeur, le juge n'est pas tenu de recommuniquer à lapersonne reprenant ladite instance le mémoire déjà notifié au requérant, et dont cette dernière avait accusé réceptionau nom de celui-ci (CE, 3 oct. 1994, n° 122440, Béal : JurisData n° 1994-048316 ; Dr. fisc. 1994, comm. 2066).

4° Saisine du Tribunal des conflits

280. - L'instruction d'une affaire peut se trouver suspendue dans deux cas de figure, la première est obligatoire ets'applique à l'ensemble des juridictions administratives de droit commun, la seconde est facultative et ne relève quedu seul Conseil d'État.

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a) Saisine obligatoire : article R. 771-1 du Code de justice administrative

281. - Les dispositions de cet article, issues de l'article 6 du décret du 25 juillet 1960, obligent en effet unejuridiction administrative de droit commun qui veut décliner sa compétence à saisir le Tribunal des conflits quandune juridiction de l'ordre judiciaire, saisi du même litige, a, par une décision qui n'est plus susceptible de recours,décliné la compétence de l'ordre de juridiction auquel elle appartient au motif que le litige ne ressortit pas à lacompétence de cet ordre.

b) Saisine facultative : article R. 771-2 du Code de justice administrative

282. - Les dispositions de l'article suivant du code, l'article R. 771-2 également issu du décret du 25 juillet 1960,prévoient une procédure facultative à la seule initiative des deux juridictions suprêmes, Cour de cassation etConseil d'État quand ils ont un doute sur l'étendue de leur compétence. Ils ont alors la faculté de saisir le Tribunaldes conflits.

c) Conséquence de la saisine

283. - La conséquence d'une telle saisine, quel que soit l'article utilisé, est simple et claire : la juridiction doitsurseoir à toute procédure jusqu'à ce que le Tribunal des conflits rende sa décision.

Pour plus de précision sur ces deux procédures dites de conflit sur renvoi, il convient de se référer au fasciculespécifiquement consacré au Tribunal des conflits (V. Fasc. 1065).

5° Saisine du Conseil constitutionnel : question prioritaire de constitutionnalité (QPC)

284. - Les dispositions de l'article 61-1 de la Constitution introduites par la loi constitutionnelle n° 2008-724 du23 juillet 2008 (Journal Officiel 24 Juillet 2008) ont en effet mis sur place une procédure tout à fait nouvellepermettant à un justiciable à l'occasion d'une instance en cours devant une juridiction de mettre en cause unedisposition législative qui porterait atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit.

285. - Ce sont les dispositions de la loi organique n° 2009-1523 (L. org., 10 déc. 2009 : Journal Officiel 11Décembre 2009) qui ont réformé l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseilconstitutionnel et mis en place la procédure afférente à cette question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Cesdispositions ont été complétées par le décret n° 2010-148 du 16 février 2010 (Journal Officiel 18 Février 2010) quiest désormais codifié aux articles R. 771-3 et suivants du Code de justice administrative.

a) Procédure devant les tribunaux et cours administratives d'appel

286. - Invocation - Les dispositions de l'article 23-1 de l'ordonnance du 7 novembre 1959 et celles de l'articleR. 771-3 du code pris pour son application prévoient qu'un tel moyen peut être soulevé à la fois en premièreinstance et en appel et ce même pour la première fois.

287. - Présentation de la requête - Il faut présenter un tel moyen, à peine d'irrecevabilité, dans un mémoiredistinct et motivé. Ce mémoire, ainsi que, le cas échéant, l'enveloppe qui le contient, doit porter la mention :"question prioritaire de constitutionnalité" (CJA, art. R. 771-3).

Les dispositions de l'article R. 771-4 prévoient qu'en cas de défaut de présentation par mémoire distinct et motivé,le moyen sera rejeté sans la procédure de mise en demeure de régulariser prévue par les dispositions de l'articleR. 612-1 ni la communication d'un moyen d'ordre public prévu cette fois par les dispositions de l'article R. 611-7.

La requête peut être présentée sous forme de note en délibéré (V. supra n° 233).

288. - Instruction - Elle ne fait pas échec à l'ordre d'examen des questions de procédure et doit donc être

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examinée après les questions relatives au désistement, à l'incompétence de la juridiction, au non-lieu ou àl'irrecevabilité de la requête de fond.

Par contre le principe de l'économie des moyens ne peut trouver à s'appliquer et même s'il ressort de l'instructionqu'un autre moyen est de nature à entraîner l'annulation de l'acte attaqué, la juridiction ne peut rejeter le moyen surce fondement et doit l'examiner.

Un tel moyen ne peut faire l'objet d'un moyen soulevé d'office par le juge (Ord. 7 nov. 1959, art. 23-1).

Si la juridiction estime que le moyen a des chances de prospérer, elle communique le mémoire aux autres parties(CJA, art. R. 771-5) à qui elle impartit un bref délai pour présenter leurs observations. Ce délai est d'environ 15jours et sans mise en demeure de produire.

La procédure ainsi engagée respecte le principe du contradictoire. Il n'en va différemment qu'en cas de refus detransmission.

Si la requête au fond fait l'objet d'une demande d'aide juridictionnelle et que la question prioritaire est posée avantque le bureau d'aide juridictionnelle ne se soit prononcé, elle peut tout de même faire l'objet d'une transmission auConseil d'État. Par contre, si elle ne paraît pas fondée, le rejet ne peut intervenir qu'après que le bureau se soitprononcé sur la demande.

Enfin, la question prioritaire de constitutionnalité soulevée pour la première fois devant les cours administrativesd'appel est soumise aux mêmes règles qu'en première instance (CJA, art. R. 771-11).

289. - Décision prise - La juridiction peut rejeter la demande par voie d'ordonnance (CJA, art. R. 771-7 etR. 771-8) si elle estime que la demande est irrecevable ou que les conditions à remplir pour une transmission nesont pas remplies. Il lui est toutefois possible de le faire par une formation collégiale avec rapporteur public. Cettedécision de refus doit faire l'objet d'une motivation circonstanciée permettant, le cas échéant au juge d'appel ou aujuge de cassation d'en vérifier le bien-fondé.

La décision de transmission peut aussi être prise sous la forme d'une ordonnance (CJA, art. R. 771-8).Contrairement au refus, elle n'a pas à être motivée.

Il faut noter que si une autre juridiction est déjà saisie et a transmis soit au Conseil d'État soit au Conseilconstitutionnel la même question, elle n'est pas tenue de transmettre la question prioritaire. Dans ce cas, elle diffèresa décision sur le fond, jusqu'à ce qu'elle soit informée de la décision du Conseil d'État ou, le cas échéant, duConseil constitutionnel (CJA, art. R. 771-6). Toutefois si la juridiction estime que la demande qui lui est présentéea de meilleures chances d'aboutir que celle qui a déjà fait l'objet d'une transmission, il lui est tout à fait loisible de latransmettre à son tour.

La décision qui est prise ne doit pas se prononcer sur le bien fondé du moyen, mais uniquement sur la question desavoir si la demande remplit les 3 conditions posées par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1959 dans sarédaction issue de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009 :

La disposition contestée est applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites ;

Elle n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseilconstitutionnel, sauf changement des circonstances ;

La question n'est pas dépourvue de caractère sérieux.

La décision fait ensuite l'objet d'une notification dans les formes prévues par les articles R. 751-2 à R. 751-4 et

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R. 751-8 du code (CJA, art. R. 771-9). La notification d'une décision de refus de transmission mentionne que cettedécision ne peut être contestée qu'à l'occasion d'un recours formé contre la décision qui règle tout ou partie dulitige.

En cas de transmission, cette notification mentionne que des observations peuvent être produites devant le Conseild'État, dans le délai d'un mois. Elle indique les modalités selon lesquelles ces observations peuvent être présentées(CJA, art. R. 771-9).

290. - Effets de la décision - En cas de refus de transmission, elle dessaisit la juridiction du moyend'inconstitutionnalité. La décision qui règle le litige vise le refus de transmission (CJA, art. R. 771-10). Ce rejets'impose au juge du "fond" de la requête quelque soit la juridiction qui a décidé de rejeter la question prioritaire(juridiction saisie, Conseil d'État ou Conseil constitutionnel).

Il faut toutefois apporter une légère nuance dans le cas où le refus de transmission a été fondé sur la première destrois conditions prévues par l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et tirée de l'applicabilité au litige(CJA, art. R. 771-10, al. 2).

En cas de transmission, aucune disposition n'est prévue dans le Code de justice administrative et ce sont cette foisles dispositions de l'article 23-3 de l'ordonnance qui s'appliquent. Elles prévoient que lorsque la question esttransmise, la juridiction sursoit à statuer jusqu'à réception de la décision du Conseil d'État ou, s'il a été saisi, duConseil constitutionnel. Le cours de l'instruction n'est pas suspendu et la juridiction peut prendre les mesuresprovisoires ou conservatoires nécessaires.

291. - Voies de recours - Seul le refus de transmettre peut faire l'objet d'un recours. Toutefois ce recours ne peutêtre exercé qu'à l'occasion du recours formé contre la décision qui règle tout ou partie du litige. Cette contestationdoit, à peine d'irrecevabilité, faire l'objet, avant l'expiration du délai d'appel, d'un mémoire distinct et motivé,accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission (CJA, art. R. 771-12, al. 1er).

Enfin, la contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit, de même, faire l'objet d'unmémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission (CJA, art. R. 771-12,al. 2).

292. - Cas particulier des référés d'urgence - Il faut d'abord noter que le décret ne comporte pas de mesurerelative aux référés. Ce sont les travaux d'un groupe de travail ayant abouti à un vade-mecum du rapporteur qui ontposé des pistes pour les règles applicables eu égard à l'urgence qui s'attache à ce qu'il se prononce très rapidement.

D'abord, il est possible au juge des référés de se prononcer sur un autre moyen que celui tiré de la questionprioritaire de constitutionnalité. Ainsi, contrairement au juge de droit commun, il n'est pas tenu de poser la questionprioritaire.

Dans le cas où cette question apparaîtrait comme le seul moyen propre à créer un doute sérieux quand à la légalitéde l'acte attaqué au sens de l'article L. 521-1 du code, il appartiendra au juge des référés d'apprécier s'il peut fairedroit à une demande conservatoire, en l'attente de la décision qui sera prise par le Conseil d'État puis, le cas échéantpar le Conseil constitutionnel. Dans un tel cas, la suspension d'une décision pourrait, dans un premier temps, êtreprononcée non jusqu'à ce qu'il soit statué sur la requête en annulation de la décision, mais jusqu'à ce qu'il soit statuésur la question prioritaire de constitutionalité.

A contrario, dans le cas où le juge des référés n'entendrait pas faire droit à la requête pour défaut d'urgence, ildisposerait néanmoins de la faculté, s'il le juge utile pour la résolution de l'affaire au fond, de transmettre lui-mêmela dite question.

Enfin, il faut noter que l'extrême brièveté du délai de 48 heures imparti par la loi dans lequel le juge du référé

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liberté doit statuer ne lui permettant pas d'opérer un tel renvoi.

b) Procédure devant le Conseil d'État en cas de transmission d'une cour ou d'un tribunal

293. - Instruction - La demande transmise en application des dispositions précédemment examinées fait l'objetd'une instruction devant la section du contentieux du Conseil d'État.

Il faut noter que les modalités retenues se rapprochent fortement de celles utilisées lors de l'instruction desdemandes d'avis contentieux prévues par les dispositions de l'article L. 113-1 du Code de justice administrativenotamment en ce qui concerne le ministère d'avocat. Si la requête dont est saisie la juridiction qui a décidé le renvoiest dispensée du ministère d'avocat devant cette juridiction, la même dispense s'applique à la production desobservations devant le Conseil d'État ; dans le cas contraire, et sauf lorsqu'elles émanent d'un ministre ou duPremier ministre, les observations doivent être présentées par un avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation(CJA, art. R. 771-20, al. 2).

La notification de la décision de transmission fait déjà en partie état de la procédure à suivre. L'instruction seradonc très rapide et les parties pourront produire des observations dans le délai d'un mois courant à compter de lanotification qui leur a été faite de la décision de transmission ou, le cas échéant, dans le délai qui leur est impartipar le président de la section du contentieux ou par le président de la sous-section chargée de l'instruction (CJA, art.R. 771-20, al. 1er).

Il faut noter que doivent être systématiquement mis en cause le ministre compétent et le Premier ministre. Ilspeuvent alors produire des observations dans les mêmes conditions, c'est-à-dire dans un délai d'un mois courant àcompter de la notification qui leur a été faite de la décision de transmission ou, le cas échéant, dans le délai qui leurest imparti par le président de la section du contentieux ou par le président de la sous-section chargée del'instruction.

294. - Décision prise - Le Conseil d'État peut décider soit de transmettre la question au Conseil constitutionnelsoit de ne pas transmettre.

Les dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance prévoient que le Conseil d'État doit prendre sa décision dans undélai de trois mois à compter de la réception de la transmission prévue à son article 23-2.

Ce même article prévoit également les conditions dans lesquelles le Conseil d'État se prononce sur le bien fondé dela transmission au Conseil constitutionnel.

Ces conditions sont au nombre de trois :

- d'abord on retrouve les conditions prévues aux 1° et 2° de l'article 23-2 : "La disposition contestéeest applicable au litige ou à la procédure, ou constitue le fondement des poursuites" elle "n'a pasdéjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseilconstitutionnel, sauf changement des circonstances ;". Par contre au troisième alinéa relatif au faitque "la question n'est pas dépourvue de caractère sérieux" est substitué une condition plus largetirée de ce que "la question est nouvelle ou présente un caractère sérieux". Ce point a été éclairé parle Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009 relative à la loiorganique n° 2009-1523 du10 décembre 2009. Le conseil a ainsi qualifié de "nouvelle" une questionqu'il n'a pas encore apprécié, la loi ne lui ayant jamais été soumise ;

- toutefois le Conseil d'État n'est pas tenu de renvoyer au Conseil constitutionnel une questionprioritaire de constitutionnalité mettant en cause, par les mêmes motifs, une disposition législativedont le Conseil constitutionnel est déjà saisi. En cas d'absence de transmission pour cette raison, ildiffère sa décision jusqu'à l'intervention de la décision du Conseil constitutionnel (CJA, art.R. 771-18).

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295. - Notification - La décision est notifiée aux parties, au ministre compétent et au Premier ministre dans lesformes prévues aux articles R. 751-2 à R. 751-4 (CJA, art. R. 771-21).

296. - Effets de la décision - Il faut distinguer quand le Conseil d'État refuse de transmettre et quand il transmet.

Quand il refuse de transmettre la question, la procédure reprend son cours devant le juge du fond.

Quand il transmet la question au Conseil constitutionnel, le juge du fond sursoit à statuer jusqu'à ce que celui-ci sesoit prononcé.

297. - Voies de recours - Rien n'est prévu pour cette question spécifique, il convient donc de se référer auxdispositions prévues au paragraphe suivant (V. infra n° 304).

c) Procédure directe devant le Conseil d'État

298. - Invocation - Les règles sont identiques à celles prévues pour les tribunaux et les cours mais cette fois enapplication des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance. Cet article prévoit que le moyen peut être invoquépour la première fois en cassation.

299. - Présentation de la requête - Les règles sont également identiques : mémoire distinct et enveloppe portantla mention : "question prioritaire de constitutionnalité" (CJA, art. R. 771-13).

300. - Instruction - Elle ne fait pas échec à l'ordre d'examen des questions de procédure et doit donc êtreexaminée après les questions relatives au désistement, à l'incompétence de la juridiction, au non-lieu ou àl'irrecevabilité de la requête de fond.

Par contre le principe de l'économie des moyens ne peut trouver à s'appliquer et même s'il ressort de l'instructionqu'un autre moyen est de nature à entraîner l'annulation de l'acte attaqué, le Conseil d'État ne peut rejeter le moyensur ce fondement et doit l'examiner.

Un tel moyen ne peut faire l'objet d'un moyen soulevé d'office par le juge (Ord. 7 nov. 1959, art. 23-1).

Si le Conseil d'État estime que le moyen a des chances de prospérer, il communique le mémoire aux autres partiesainsi qu'au ministre compétent et au Premier ministre (CJA, art. R. 771-15) à qui il impartit un bref délai pourprésenter leurs observations. Ce délai est d'environ 15 jours et sans mise en demeure de produire.

La procédure ainsi engagée respecte le principe du contradictoire. Il n'en va différemment qu'en cas de refus detransmission (CJA, art. R. 771-15, al. 2).

Si la requête au fond fait l'objet d'une demande d'aide juridictionnelle et que la question prioritaire est posée avantque le bureau d'aide juridictionnelle ne se soit prononcé, elle peut tout de même faire l'objet d'une transmission auConseil d'État. Par contre, si elle ne paraît pas fondée, le rejet ne peut intervenir qu'après que le bureau se soitprononcé sur la demande.

Il faut enfin noter que lorsqu'une question prioritaire de constitutionnalité est posée à l'appui d'un pourvoi encassation, le Conseil d'État se prononce sur le renvoi de cette question au Conseil constitutionnel sans être tenu destatuer au préalable sur l'admission du pourvoi (CJA, art. R. 771-17).

301. - Décision prise - Le Conseil d'État peut décider soit de transmettre la question au Conseil constitutionnelsoit de ne pas transmettre.

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La procédure applicable est alors en tous points similaire à celle décrite supra n° 294.

302. - Effets de la décision - Il faut distinguer quand le Conseil d'État refuse de transmettre et quand il transmet.

Quand il refuse de transmettre la question, la procédure reprend son cours devant le juge du fond.

Quand il transmet la question au Conseil constitutionnel, le Conseil d'État en application de l'article 23-5 del'ordonnance de 1959, sursoit à statuer jusqu'à ce que celui-ci se soit prononcé. Toutefois cet article prévoit que si leConseil d'État est tenu de se prononcer en urgence, il peut n'être pas sursis à statuer.

303. - Notification - La décision est notifiée aux parties, au ministre compétent et au Premier ministre dans lesformes prévues aux articles R. 751-2 à R. 751-4 (CJA, art. R. 771-21).

304. - Voies de recours - Elles sont prévues par les dispositions de l'article R. 771-16. Il prévoit que lorsque l'unedes parties entend contester devant le Conseil d'État, à l'appui d'un appel ou d'un pourvoi en cassation formé contrela décision qui règle tout ou partie du litige, le refus de transmission d'une question prioritaire de constitutionnalitéprécédemment opposé, il lui appartient, à peine d'irrecevabilité, de présenter cette contestation avant l'expiration dudélai de recours dans un mémoire distinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus detransmission.

De même, la contestation du refus de transmission par la voie du recours incident doit faire l'objet d'un mémoiredistinct et motivé, accompagné d'une copie de la décision de refus de transmission.

305. - Ce sera donc en définitive au Conseil constitutionnel et à lui seul de se prononcer. Il statue dans un délai detrois mois à compter de sa saisine. Les parties sont mises à même de présenter contradictoirement leursobservations et l'audience est publique, sauf dans les cas exceptionnels définis par le règlement intérieur du Conseilconstitutionnel. La décision rendue par le Conseil constitutionnel est motivée, elle est notifiée aux parties etcommuniquée au Conseil d'État, ainsi que, le cas échéant, à la juridiction devant laquelle la question prioritaire deconstitutionnalité a été soulevée.

6° Hypothèses particulières

a) En contentieux électoral

306. - Les dispositions de l'article L. 118-2 du Code électoral prévoient que : "Si le juge administratif est saisi de lacontestation d'une élection dans une circonscription où le montant des dépenses électorales est plafonné, il sursoità statuer jusqu'à réception des décisions de la commission instituée par l'article L. 52-14 qui doit se prononcer surles comptes de campagne des candidats à cette élection dans le délai de deux mois suivant l'expiration du délai fixéau deuxième alinéa de l'article L. 52-12".

Elles font ainsi obligation au juge saisi d'une contestation d'une élection dans une circonscription où le montant desdépenses électorales est plafonné de surseoir à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission de contrôledes comptes de campagne et des financements politiques. Ainsi, elles font obstacle à ce que, sans attendre ladécision de ladite commission, le président du tribunal administratif rejette une telle contestation, manifestementtardive, par ordonnance, pour irrecevabilité manifeste (CE, ass., 23 oct. 1992, n° 136965, Tourlet, Élect. cant.Montrichard, cité supra n° 91) ; le juge d'appel peut soulever d'office le moyen tiré de cette méconnaissance desdispositions de l'article L. 118-2 du Code électoral (solution implicite).

Le délai de deux mois dont dispose la Commission nationale des comptes de campagne, en vertu de l'articleL. 118-2 du Code électoral, pour se prononcer sur les comptes des candidats court à compter de la date de dépôt descomptes à la préfecture, si elle intervient dans le délai de deux mois prescrit par l'article L. 52-12 du code, ou de ladate limite à laquelle les comptes auraient dû être déposés (sol. impl., CE, sect., 28 juill. 1993, n° 141719,

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n° 142362, Berthely et Louis-Carabin [Élect. mun. Moule] : JurisData n° 1993-044535 ; Rec. CE 1993, p. 245).

Toutefois, les conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble des opérations des élections régionales et cantonalesqui se sont déroulées les 21 et 28 mars 2004 sur le territoire national n'étant pas relatives à une élection dans unecirconscription particulière, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article L. 118-2 du Codeélectoral et de surseoir à statuer jusqu'à réception des décisions de la commission de contrôle des comptes decampagne et des financements politiques (CE, 11 juin 2004, n° 266193, Ottay : JurisData n° 2004-067133 ; Rec.CE 2004, tables, p. 708).

b) Mise en oeuvre de la prescription quadriennale

307. - Les ministres qui entendent opposer à une demande indemnitaire la prescription quadriennale peuventdemander au juge de surseoir à statuer pour saisir en application des dispositions de l'article 1er du décret du23 décembre 1981 relatif à l'application de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances surl'État..., le comité du contentieux près l'agent judiciaire du Trésor. Toutefois un ministre qui a disposé d'un délai dedeux ans pour recueillir un tel avis n'est pas fondé à soutenir qu'en statuant, après que le président du tribunaladministratif a pris une ordonnance de clôture de l'instruction, sur la demande dont il était saisi, le tribunal l'airrégulièrement privé de la possibilité d'opposer la prescription quadriennale (CE, 12 oct. 1992, n° 90220, min.Éduc. nat. c/ Gernez, cité supra n° 216).

C. - Hypothèses d'instruction abrégée devant la juridiction

1° En cas d'incompétence ou de connexité

308. - L'instruction du dossier devant le tribunal administratif peut ne pas être conduite jusqu'à la mise en état d'êtrejugé s'il doit pour des questions de compétence ou de connexité faire l'objet d'un renvoi à une autre juridiction del'ordre juridictionnel administratif. Le terme de la phase d'instruction devant la juridiction saisie sera fixé à la date del'ordonnance de renvoi du dossier à la dite juridiction. Les actes d'instruction déjà accomplis conservent leur validitédevant la juridiction de renvoi à laquelle il appartiendra, le cas échéant, de prendre les mesures d'instruction quidemeurent nécessaires pour mettre le dossier en état.

Cependant ils devront, le cas échéant, faire l'objet de régularisation pour être conformes aux règles de procéduredevant le Conseil d'État. Ainsi en matière de production du mémoire ampliatif où les règles procédurales ne sont pasles mêmes : le point de départ du délai de quatre mois fixé à la date d'enregistrement du dossier au Conseil d'État, necommencera de courir que de la date à laquelle le requérant a reçu notification de l'ordonnance de renvoi duprésident du tribunal administratif, si celle-ci est postérieure à ladite date d'enregistrement (CE, 26 juin 1985, Comitédptal défense Finistère contre la ligne très haute tension Cordenais la Martyre et a. : Rec. CE 1985, tables, p. 734 ;Dr. adm. 1985, comm. 434. - CE, 25 mars 1987, n° 76050, Geromini : Dr. adm. 1987, comm. 303) ou, à défaut de ladate à laquelle il a eu connaissance de cette dernière, en l'espèce connaissance résultant d'une invitation à régulariseradressée à l'appelant par le secrétariat de la section du contentieux (CE, 22 juill. 1994, n° 149336, Cne Palaiseau :JurisData n° 1994-048214 ; Rec. CE 1994, tables, p. 1122).

309. - Toutefois, dans un souci d'efficacité évident, l'article R. 351-4 du code prévoit qu'il n'y a pas lieu à mise enoeuvre des procédures de règlement de compétence lorsque les conclusions ressortant de la compétence d'unequelconque juridiction administrative sont entachées d'une irrecevabilité manifeste non susceptible d'être couverte encours d'instance (CE, 9 juill. 1982, n° 30628 et 30629, min. Trav. et Participation c/ Synd. FO personnels navigantsbatellerie. - CE, 29 mai 1987, n° 78370, Maurice), ou pour constater qu'il n'y a pas lieu de statuer sur tout ou partiedes conclusions.

On se reportera s'agissant de ces questions de connexité et des compétences matérielles et territoriales au sein de lajuridiction administrative aux Fascicules 1070, 1073 et 1076.

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2° En cas d'incidents

310. - Le titre III du livre VI du Code de justice administrative prévoit cinq incidents avant que l'affaire ne soitdéfinitivement instruite et qui peuvent avoir comme conséquence une interruption ou une fin de l'instruction. Cesincidents sont la demande incidente, l'intervention, l'inscription de faux, la reprise d'instance et la constitution d'unnouvel avocat, le désaveu d'avocat et le désistement. On peut aussi y joindre le non-lieu. Dans la mesure où cesincidents ont fait, ainsi que le non-lieu, l'objet de deux fascicules qui leur sont spécifiquement consacrés, ilconviendra de s'y rapporter (pour l'intervention, V. Fasc. 1090. - pour les autres cas de figure, V. Fasc. 1098).

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