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Mémoire de fin d’études L’ACTION PUBLIQUE D’ÉGALITÉ FEMMES-HOMMES DANS LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES : ENTRE INSTITUTIONNALISATION ADMINISTRATIVE, TRANSITION POLITIQUE ET CONTRACTION DES FINANCES PUBLIQUES L’exemple de la nouvelle région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée, du département de la Haute-Garonne et de la mairie de Toulouse DIPLÔME DE L’IEP Mémoire présenté par Mme Yseline FOURTIC, sous la direction de Mme Isabelle LACOUE- LABARTHE Année universitaire 2015-2016

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Mémoire de fin d’études

L’ACTION PUBLIQUE D’ÉGALITÉ

FEMMES-HOMMES DANS LES

COLLECTIVITÉS TERRITORIALES :

ENTRE INSTITUTIONNALISATION

ADMINISTRATIVE, TRANSITION

POLITIQUE ET CONTRACTION DES

FINANCES PUBLIQUES L’exemple de la nouvelle région Occitanie –

Pyrénées-Méditerranée, du département de la

Haute-Garonne et de la mairie de Toulouse

DIPLÔME DE L’IEP

Mémoire présenté par Mme Yseline FOURTIC,

sous la direction de Mme Isabelle LACOUE-

LABARTHE

Année universitaire 2015-2016

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

1

En préalable à la lecture

Ce mémoire utilise l'écriture inclusive et l'usage du féminin, en suivant notamment les

recommandations posées par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes

dans le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe (novembre 2015)1.

De manière générale, la règle dite de proximité, de voisinage ou de contiguïté, qui accorde

en genre, et en nombre, l'adjectif, le participe passé et le verbe avec le nom qui les précède

ou les suit immédiatement est mobilisée. Comme le souligne Éliane VIENNOT,

professeure de littérature française, en préalable de l'ouvrage collectif L'Académie contre la

langue française – Le dossier "féminisation", l’usage du féminin dans la langue est

« couramment appliqué jusqu'au XVIème siècle, attaqué au début du XVIIème par

MALHERBE et dans une moindre mesure par VAUGELAS, en raison de la plus grande

"noblesse" reconnue au genre masculin »2.

Le Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe relate que « Jusqu’au

XVIIème siècle, tous les noms de métiers, fonctions et dignités exercé.e.s par des femmes

étaient nommé.e.s au féminin, de même que tous les métiers, fonctions et dignités

exercé.e.s par des hommes l’étaient au masculin […]. Ce sont les réformes des

grammairiens et lexicographes au XVIIème siècle qui ont "imposé" la règle du masculin

qui l’emporte, aboutissement d’une longue période de réflexion qui débute à la

Renaissance sur la place des femmes et des hommes dans la société, et en particulier sur

le terrain politique. […] En 1647, douze ans après la création de l’Académie française,

l’un de ses membres, Claude FAVRE DE VAUGELAS, préconise que le masculin doit

l’emporter en grammaire au motif que "le masculin est plus noble que le féminin". Un siècle

plus tard, le professeur Nicolas BEAUZEE justifie que, selon lui, "le genre masculin est

réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle". »3.

L’avant-propos de L’Académie contre la langue française – Le dossier féminisation présente

clairement les retombées contemporaines de cette volonté ancrée d’affirmation du genre

masculin comme universel : « En juin 1984, l’Académie française déclarait la guerre aux

partisanes et partisans de la "féminisation des noms de métiers, de titres et de fonctions". Cet

objectif était pourtant modeste, facile à réaliser, et nécessaire : les femmes ayant enfin

1 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Gaëlle ABILY, rapporteure, Danielle BOUSQUET, présidente, Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, novembre 2015 2 Éliane VIENNOT (dir.), Maria CANDÉA, Yannick CHEVALIER, Sylvia DUVERGER, Anne-Marie HOUDEBINE, L’Académie contre la langue française – Le dossier « féminisation », Éditions iXe, juin 2016, p. 4 3 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Gaëlle ABILY, rapporteure, Danielle BOUSQUET, présidente du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Guide pratique pour une communication publique sans stéréotype de sexe, novembre 2015, p. 13

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obtenu que toutes les professions, toutes les dignités et toutes les fonctions s’ouvrent à

elles, il s’agissait que les activités nommées exclusivement au masculin le soient aussi au

féminin. […]. Pour l’Académie française, il n’en était tout simplement pas question.

Selon elle, l’entreprise relevait "d’un contresens sur la notion de genre grammatical", elle ne

pouvait que déboucher "sur des propositions contraires à l’esprit de la langue" »4.

Ajoutons enfin que Pierre BOURDIEU souligne que « La force de l’ordre masculin se

voit au fait qu’il se passe de justification : la vision androcentrique s’impose comme

neutre et n’a pas besoin de s’énoncer dans des discours visant à la légitimer » : « On a

souvent observé que, tant dans la perception sociale que dans la langue, le genre masculin

apparaît comme non marqué, neutre, en quelque sorte, par opposition au féminin qui est

explicitement caractérisé »5.

4 Éliane VIENNOT (dir.), Maria CANDÉA, Yannick CHEVALIER, Sylvia DUVERGER, Anne-Marie HOUDEBINE, L’Académie contre la langue française – Le dossier « féminisation », Éditions iXe, juin 2016, p. 9 5 Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Éditions du Seuil, 1998, réédition de 2014, p. 22

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Remerciements

J’adresse mes sincères remerciements en premier lieu à Isabelle LACOUE-LABARTHE,

directrice de ce mémoire.

A mes proches également, qu’elles et ils soient remercié.e.s pour leur soutien

indéfectible : ma famille, Antoine POUNT-BISET, et Mauranne LAGNEAU.

Merci à l’équipe du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, notamment

Marie-Annick BOURDIN, Margaux COLLET, Romain SABATHIER et Caroline

RESSOT ; et à Marie BECKER et Perrine PUJOL-MATHIEU du Conseil Supérieur à

l’Égalité Professionnelle.

Enfin, merci aux personnes reçues en entretien, et à celles qui les ont facilité :

• Nadia BAKIRI, présidente de la commission égalité femmes-hommes de la

région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée ;

• Corine BLANC-DORONIS, chargée de mission au sein de la direction des

ressources humaines du département de la Haute-Garonne ;

• Elsa BOYER-CROQUETTE, chargée de mission égalité femmes-hommes de la

région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée ;

• Carole DELGA, Présidente de la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée

• Sophie DEJOUX, directrice de l’environnement et du développement durable de

la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée ;

• Maxime DOLLÉ, du cabinet du Président de la Haute-Garonne ;

• Madeleine DUPUIS, conseillère municipale déléguée à l’égalité femmes-hommes

de la ville de Toulouse de 2008 à 2014 ;

• Lionel FERNANDES, référent égalité femmes-hommes de la direction des

ressources humaines de la ville de Toulouse et de Toulouse Métropole ;

• Sylvie FROIDEFOND, chargée de mission à l’égalité femmes-hommes de la ville

de Toulouse

• Jérémie MARTIN et Étienne PEYRAT, du cabinet de la Présidente de la région

Occitanie – Pyrénées-Méditerranée ;

• Nadia PELLEFIGUE, vice-présidente au Développement économique, à la

Recherche, à l’Innovation et à l’Enseignement supérieur de la région Occitanie –

Pyrénées-Méditerranées ;

• et Christine STÉBENET, conseillère départementale déléguée à l’égalité femmes-

hommes du département de la Haute-Garonne.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Résumé

Mots-clés : politiques publiques, égalité femmes-hommes, collectivités

territoriales, gender mainstreaming, féminisme

Un peu plus de deux ans après la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les

femmes et les hommes, qui dispose que les collectivités territoriales doivent « mettre en

œuvre une politique pour l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche

intégrée », ce mémoire vise à analyser la manière dont les exécutifs politiques et

administratifs locaux prennent en charge l’action publique d’égalité femmes-hommes.

Trois niveaux de collectivités ont été choisis pour réaliser cette étude : la mairie de

Toulouse, le département de la Haute-Garonne et la région Midi-Pyrénées, devenue la

région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée.

Au-delà du développement des obligations légales en matière d’égalité des sexes, il s’agit

d’observer l’institutionnalisation administrative qui en découle, les répercussions des

transitions politiques et l’évolution des périmètres d’intervention des collectivités. En

effet, on observe un mouvement de resserrement de celles-ci autour de leurs

compétences obligatoires, induit par la contraction de leurs marges de manœuvre

financières et parachevé par la suppression de la clause générale de compétence.

Domaine d’action publique d’abord flottant et dépendant du bon vouloir des

décideur.euse.s politiques, l’instrumentation de l’égalité entre les femmes et les hommes

s’est peu à peu professionnalisée et structurée grâce à la conjonction de trois

dynamiques : hausse des contraintes légales, intégration des politiques d’égalité femmes-

hommes à l’instrumentation publique, qualification et identification de l’action publique

d’égalité des sexes.

Le développement de l’évaluation des politiques publiques, encouragé par le caractère

surplombant des préceptes du New Public Management, participe également à la réussite de

l’action publique d’égalité des sexes. L’évaluation des politiques publiques offre ici des

opportunités non pas de rationalisation budgétaire, mais de redéfinition des cadres

d’intervention vers une action publique émancipée des dérives du mythe de

l’universalisme des politiques publiques (en réalité un universalisme masculin abstrait) et

capable de déjouer les mécanismes de reproduction des privilèges sexués.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Les collectivités territoriales disposent aujourd’hui de leviers transversaux et de

méthodologies adaptées pour parvenir à une approche intégrée de l’égalité.

Au terme de l’analyse, il apparait que les trois niveaux de collectivité observés se

positionnent à différentes phases du processus d’institutionnalisation administrative et

politique de l’action publique d’égalité entre les femmes et les hommes. La montée en

puissance des contraintes légales en la matière a permis d’appuyer les revendications

territoriales des mouvements féministes et le positionnement des partisan.e.s

administratif.ve.s et politiques d’une action publique locale d’égalité.

La mise en œuvre de l’approche intégrée de l’égalité et des actions correctrices

spécifiques en parallèle constituent un levier puissant de transformation des politiques

publiques, si tant est qu’elles soient investies de ressources suffisantes.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Table des matières

En préalable à la lecture ........................................................................................................... 1

Remerciements .......................................................................................................................... 3

Résumé ....................................................................................................................................... 4

Table des matières..................................................................................................................... 6

Introduction ............................................................................................................................... 9

L’illusion égalitaire et la persistance des écarts sexués ................................................................... 9

Le cadrage législatif et réglementaire ............................................................................................. 12

L’action publique locale d’égalité : l’ouverture progressive d’un terrain nouveau dans la bataille

culturelle contre la domination masculine ..................................................................................... 15

Une identification encore hésitante des facteurs de réussite ...................................................... 18

Partie 1 – Impulsions internationale et européenne : vers une prise en compte de

l’approche intégrée de l’égalité dans l’ordre juridique français .......................... 22

I. Une égalité femmes-hommes incarnée dans la construction

communautaire ? .............................................................................................. 23

1. L’égalité salariale au service de la compétitivité ............................................................... 23

2. La ramification de l’action communautaire d’égalité des sexes au-delà des

considérations économiques ....................................................................................................... 24

3. D’une politique sectorielle à une action publique diversifiée ......................................... 25

4. L’égalité en tant que principe organique de l’Union européenne .................................. 26

5. La conceptualisation du gender mainstreaming dans un cadre néo-libéral ........................ 27

II. Le gender mainstreaming : institutionnalisation et normalisation

progressive en tant qu’instrument d’action publique ...................................... 29

1. La dilution bureaucratique du gender mainstreaming ........................................................... 29

2. Une action publique intégrée au-delà de la portée de ses promoteur.rice.s ................. 30

3. Un instrument intégré oublieux de la spécificité des inégalités de sexe ....................... 32

4. Une action publique évaluée par nature ............................................................................ 34

III. La Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans

la vie locale : élaboration d’un outil-clé ............................................................ 35

1. Une impulsion politique initiée en non-mixité ................................................................. 35

2. Des débats au texte : contenu et exigences de la Charte européenne pour l’égalité entre les

femmes et les hommes dans la vie locale ............................................................................................... 36

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Partie 2 – Entre volontarisme politique et exécution administrative : des

instrumentations transversales communes ......................................................... 38

I. La parité en tant que garante de l’égalité de représentation politique ..... 38

1. La progression vers la parité à l’échelle locale et l’extension à l’échelle administrative

......................................................................................................................................................... 38

2. Les assemblées départementales, de 13,9 % à 50,1 % de conseillères .......................... 40

3. Le Conseil départemental de la Haute-Garonne à l’heure de la parité ......................... 45

4. Région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée et mairie de Toulouse : deux signalétiques

paritaires opposées ....................................................................................................................... 48

II. Le rôle stratégique de la gestion des ressources humaines ...................... 51

1. Un arsenal législatif déployé tardivement dans la fonction publique face à des inégalités

ancrées ............................................................................................................................................ 52

2. L’intégration de l’égalité professionnelle dans le bilan social : le rapport de situation

comparée ........................................................................................................................................ 57

3. Du bilan social à la correction des inégalités révélées ..................................................... 61

Partie 3 – L’approche intégrée territoriale de l’égalité : impact de la loi du 4 août

2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes .................................. 63

I. Le rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les

hommes, une obligation nouvelle et faiblement appropriée ........................... 63

1. Le cadrage juridique du rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes

et les hommes ................................................................................................................................ 63

2. Méthodologie d’élaboration du rapport ............................................................................ 65

3. Faire de l’action publique locale pour l’égalité des sexes un marqueur identitaire de la

collectivité ...................................................................................................................................... 71

4. Du rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes au

plan d’action afférent ................................................................................................................... 74

II. Des réponses nouvelles à la hausse de la contrainte budgétaire :

financement des politiques publiques et démarche budgétaire sensible au

genre .................................................................................................................. 77

1. Entre contrainte budgétaire et développement de l’évaluation ..................................... 78

2. Le concept de budgétisation sensible au genre ................................................................ 80

3. Mettre en œuvre une démarche budgétaire sensible au genre dans les collectivités

territoriales : principes et cas pratiques ...................................................................................... 82

4. Le levier de la commande publique : quelques pistes d’intégration du genre à la

politique budgétaire ...................................................................................................................... 87

5. Les prémices politiques d’une sensibilité budgétaire au genre dans l’ancienne région

Midi-Pyrénées ................................................................................................................................ 91

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Partie 4 – Une action publique à la fois transversale et priorisée : l’éducation et

l’aménagement du territoire................................................................................. 95

I. L’éducation à l’égalité des sexes par la mise au jour des inégalités ......... 95

1. La formation des agent.e.s, un levier crucial mais inégalement déployé ...................... 96

2. Combattre les inégalités à la racine : le rôle des collectivités dans le développement

d’une culture de l’égalité filles-garçons ...................................................................................... 99

3. Des interventions diverses, adaptées aux compétences des collectivités ................... 105

II. L’urbanisme, la politique de la ville et la prise en charge des territoires

ruraux fragilisés : repenser l’espace public à l’aune du genre ....................... 107

1. Le rôle des politiques urbaines dans la perpétuation des discriminations sexistes de

l’espace public ............................................................................................................................. 107

2. Questionner les processus de construction de la ville sous l’angle du genre ............. 110

3. Des inégalités territoriales qui s’interpénètrent et s’auto-renforcent : quelles réponses

des collectivités locales ? ............................................................................................................ 115

Conclusion ............................................................................................................................. 119

Annexes .................................................................................................................................. 123

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Introduction

« Agir pour l’égalité femmes hommes en tant que collectivité, c’est agir dans le sens de la justice, répondre

à un enjeu de démocratie et renforcer la cohésion sociale.

Prendre en compte les différences de situations et de besoins des femmes et des hommes dans les diagnostics

territoriaux et dans l’action publique, c’est garantir une meilleure efficacité des politiques publiques. »6

L’illusion égalitaire et la persistance des écarts sexués

Le premier écueil auquel se heurtent les velléités d’organiser une action publique locale

en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes est celui de l’illusion de l’égalité. A

première vue, les politiques publiques ne semblent pas être genrées, et tel ou telle

observateur.rice ne prendra pas en compte leur capacité à reproduire des inégalités

sexuées, des mécanismes de domination masculine et autres stéréotypes de sexe7. Or

« les inégalités […] interfèrent dans l’accès des femmes et des hommes aux dispositifs

publics »8.

Arguer de la nécessité d’une politique d’égalité entre les femmes et les hommes au niveau

local, qu’elle soit correctrice ou préventive, c’est donc engager un effort de

conceptualisation d’une part, et d’affinement de l’analyse d’autre part. Il s’agit de

démontrer le bien-fondé de la construction des politiques publiques au regard du genre9,

et la persistance des inégalités sexuées grâce à l’implacabilité des statistiques afférentes.

6 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 34 7 Nous utiliserons ici la définition portée par le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes dans le Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes – « Pour l’égalité femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements publics » (octobre 2014), qui désigne les rôles et stéréotypes de sexe comme les « agents du sexisme », en reprenant notamment les travaux d’ALLPORT en 1954 qui distinguent des « représentations sociales cristallisées ». Ayant une dimension évaluative et normative, les stéréotypes sont des croyances qui « se font faussement passer pour [descriptives], et ce indépendamment des preuves matérielles, scientifiques et empiriques qui attesteraient de leur crédibilité ». Les stéréotypes de sexe sont des « représentations schématiques et globalisantes sur ce que sont et ne sont pas les filles et les garçons, les femmes et les hommes, sous-entendu par nature ». Ils légitiment les rôles de sexe, c’est-à-dire les « constructions sociales, qui traduisent la différenciation et la hiérarchisation entre les sexes » et les « assignations à être, à se comporter et à faire selon les normes de la féminité pour les unes, et selon les normes de la masculinité pour les autres », pp. 33-34. 8 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 35 9 Concernant l’emploi du terme « genre », on reprendra ici les mots de Marlène COULOMB-GULLY : « Inscrit dans un partage entre nature et culture et dans une perspective constructiviste, le genre dit d’abord que la condition et l’identité des femmes ne se comprend que dans la relation aux hommes et qu’elles sont le résultat d’une construction sociale et culturelle dans un contexte donné : "LA femme" n’existe pas et la tâche de l’histoire est de comprendre l’évolution des système de genre (gender system), ensembles de rôles sociaux sexués et systèmes de

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Cette illusion de l’égalité est par bien des points similaire au mythe de l’universel,

largement dénoncé par les militant.e.s de la lutte pour la parité. Entre autres, la

philosophe Sylviane AGACINSKI souligne que l’universalisme républicain est un

universel masculin abstrait : « De 1789 jusqu’en 1944, toutes les propositions universelles

concernant "les hommes" en général, ou "tous les citoyens", ne parlent que d’un

universel masculin […]. Je voudrais dire maintenant un mot de cette neutralisation, qui,

d’une certaine façon, persiste dans une conception dominante mais peu consciente, non

pas de la citoyenneté mais, beaucoup plus profondément, de l’humanité elle-même. La

notion même d’être humain reste marquée par l’ancien schéma de l’universel masculin

ou, cela revient au même ; d’un masculin universalisé »10.

Comme le soulignent Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES sur les liens entretenus entre

la démocratie et la parité femmes-hommes11, « Trop asexuée sur la figure asexuée de la

citoyenneté, la représentation démocratique laisse sans doute trop peu de place à la

question du genre comme identité fondatrice des droits de la femme ». Isabelle

LACOUE-LABARTHE revient notamment sur la longue tradition de marginalisation

politique des femmes, et sur la diffusion généralisée dans le monde occidental au

XVIIIème siècle de stéréotypes affirmant l’existence d’une différence de nature entre

femmes et hommes, théories aboutissant à une sexualisation du corps social. De même,

Christine GUIONNET et Érik NEVEU soulignent la « tendance de l’histoire à ignorer

l’action des femmes dans l’espace public »12.

L’illusion de l’égalité se conjugue avec son pendant logique : l’imaginaire relatif à

l’impartialité de la fonction publique, qui serait aveugle aux particularismes parmi ses

agent.e.s et naturellement à leur sexe. La grille salariale des fonctionnaires les préserverait

représentation définissant le masculin et le féminin. Le genre implique aussi qu’il n’y a pas de sexe que féminin ; il rend visibles les hommes comme individus sexués et promeut une histoire des masculinités, d’où l’expression parfois utilisée d’histoire des genres. Confronté à d’autres catégories d’analyse comme la classe sociale, il invite enfin à réfléchir aux différences entre femmes. Concernant tout autant l’histoire générale, le genre propose une relecture sexuée des événements et phénomènes historiques qui contribue à leur explication. Par ailleurs, s’interroger sur "le genre de…" (la nation, la citoyenneté, la protection sociale, le travail…) ne concerne pas seulement la place respective des hommes et des femmes : une approche parfois qualifiée de post-structuraliste déplace l’accent des parties (les hommes et les femmes) vers le principe de partition, conduit à l’analyse des enjeux de signification de la division entre masculin et féminin et permet de mieux comprendre la construction des rapports sociaux hiérarchiques. », in Marlène COULOMB-GULLY (dir.), Les mots de l’Histoire des femmes, Presses universitaires du Midi, 2004 10 Sylviane AGACINSKI, « La part des femmes », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, pp. 32-33 11 Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 14 12 Christine GUIONNET et Érik NEVEU, Féminins/Masculins. Sociologie du genre, Paris, Armand Colin, 2007, p. 186, in Isabelle LACOUE-LABARTHE, « Approche historique de la loi sur la parité hommes/femmes en France », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 57

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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de toute inégalité entre eux, et les règles en matière d’avancement seraient également

garantes de potentialités égales au regard de l’ancienneté des agent.e.s.

Les chiffres produits par le ministère de la Fonction publique et présentés dans l’édition

2015 du Rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction

publique13, statistiques issues de la situation au 31 décembre 2013, permettent d’apporter

un éclairage à la réalité des écarts dans la fonction publique. Les effectifs de la fonction

publique sont féminisés à 62 % (contre 44 % de femmes dans le secteur privé). Cette

proportion est presque identique à celle observée dans la fonction publique territoriale,

où les agentes représentent 61 % de l’ensemble des employé.e.s et aux chiffres observés

pour l’ensemble de la fonction publique dans les catégories A et C où les femmes

représentent 63 % des effectifs, contre 56 % dans la catégorie B.

Dans la fonction publique territoriale, les femmes représentent donc 61 % de l’ensemble

des effectifs et des effectifs de catégorie A, et 52,2 % des agent.e.s de catégorie A+ : une

proportion plus importante que les 39,5 % dans l’ensemble de la fonction publique, et

que dans les deux autres versants de la fonction publique, avec respectivement 37,6 %

d’agentes A+ dans la fonction publique d’ État – où les femmes représentent 54,4 % des

effectifs totaux ; et 44,7 % dans le versant hospitalier – où les femmes représentent 77,4

% des effectifs totaux. Autre statistique significative, les femmes représentent 27,8 %

dans les emplois et corps d’encadrement supérieur et de direction, soit une proportion

près de deux fois moindre que celle observée dans la catégorie A+. Parmi ces mêmes

emplois, le salaire brut moyen des femmes est inférieur de 13,3 % dans le versant

territorial (les données traitées datent ici de 2012).

L’équipe de recherche Economix – Université Paris-Ouest Nanterre La Défense14 a

mis en évidence un écart de salaire global moyen entre les agentes et les agents

employé.e.s à temps complet de 12 % dans la fonction publique en 2009 (hors

enseignant.e.s), un écart qui se réduit à 8 % pour la seule fonction publique territoriale.

Par ailleurs, les travaux du Centre d’études pour l’emploi15 se sont penchés sur les sources

des différents écarts de rémunération, estimant que : « plus des quatre cinquièmes de

l’écart de rémunération selon le sexe peuvent être expliqués essentiellement par la

13 Direction générale de l’administration et de la fonction publique, Rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Édition 2015, Ministère de la Fonction publique – DGAFP, avril 2016 14 Dominique MEURS (dir.), Florent FREMIGACCI, Laurent GOBILLON, Sophie PONTHIEUX et Sébastien ROUX, Mesurer et analyser les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes au sein de la fonction publique en France, octobre 2014, in Direction générale de l’administration et de la fonction publique, Rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique. Édition 2015, Ministère de la Fonction publique – DGAFP, avril 2016 15 Mathieu NARCY (coord.), Emmanuel DUGUET, Chloé DUVIVIER et Joseph LANFRANCHI, Identification et quantification des sources de l’écart de rémunération entre hommes et femmes au sein de la fonction publique entre hommes et femmes au sein de la fonction publique. L’apport de l’analyse non paramétrique, Centre d’études de l’emploi, mars 2015, pp. 3-4

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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différence de durée de travail et par une répartition entre les catégories, les

ministères/filières, les corps, les grades et les professions en défaveur des femmes. La

ségrégation professionnelle16, c’est-à-dire le fait que les femmes occupent des positions

moins avantageuses que les hommes, explique plus de 40 % de l’écart de rémunération

entre les femmes et les hommes. […] Au final, les résultats obtenus montrent des

configurations inégalitaires très différentes dans les trois versants de la fonction publique,

suggérant des mesures spécifiques de promotion de l’égalité salariale ».

Bruno VINCENT17 s’est penché plus avant sur les inégalités de positionnement au

sein des emplois de direction : les femmes représentent 8% des directeur.rice.s

généraux.ales des services et environ 21 % des directeur.rice.s général.e.s adjoint.e.s

(DGA). Cet écart se renforce parallèlement à la taille de la collectivité. De surcroît, la

répartition des attributions des DGA témoigne de la forte prégnance des stéréotypes de

sexe : au regard de leur proportion dans l’ensemble des DGA, les femmes sont largement

surreprésentées dans les domaines des ressources humaines, de l’éducation,

l’enseignement, la jeunesse et la solidarité. Ce poids des stéréotypes de sexe se retrouve

d’ailleurs dans les délégations régulièrement attribuées aux élues : petite enfance,

communication, école, famille, etc.

Le cadrage législatif et réglementaire

La mobilisation pour l’égalité entre les femmes et les hommes ne doit pas donc pas

être dirigée uniquement vers les habitant.e.s. En tant qu’employeuses, les collectivités

ont vu leurs obligations en la matière être régulièrement réaffirmées par la loi. Ainsi, la

loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des conditions

d’emploi des agent.e.s contractuel.le.s dans la fonction publique comporte un volet sur

l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Dans le cadre du bilan social,

les collectivités doivent présenter en comité technique un rapport afférent. Structuration

des effectifs, recrutements, départs, promotions, formations, rémunérations, articulation

des temps de vie, conditions de travail… Ce rapport permet à la collectivité de disposer

16 Le rapport pré-cité définit la ségrégation professionnelle de la manière suivante : « La ségrégation professionnelle est la concentration des femmes et des hommes dans des types et niveaux d’activité et d’emploi différents, où un sexe est limité à une gamme restreinte d’occupations (ségrégation horizontale). Cette ségrégation recoupe largement les stéréotypes de genre (et donc les qualités professionnelles attribuées aux femmes et aux hommes) et peine à diminuer depuis 30 ans. ». 17 Bruno VINCENT, Du plafond de verre aux plafonds de verre : l’inégal accès des femmes et des hommes aux emplois de direction générale des grandes collectivités territoriales, 2010, in Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 15

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

13

de statistiques extrêmement précises et étendues sur les écarts persistants entre ses

agentes et ses agents.

De surcroît, la loi du 12 mars 2012 prévoit la mise en place de quotas afin de favoriser

l’accès des femmes aux postes de direction et d’encadrement supérieur, notamment à

travers les nominations aux hautes fonctions d’encadrement des trois fonctions

publiques. Les régions, les départements et les communes de plus de 80 000 habitant.e.s

entrent dans le champ d’action de cette législation : en 2017, leurs comités de direction

devront comporter au moins 40 % de personnes de chaque sexe. Cette contrainte de

représentation de chaque sexe (les manquements seront pénalisés financièrement à

hauteur de 90 000 euros par unité d’emploi manquante à partir de 2017) s’appuie sur une

réorganisation de l’organisation des concours, examens ou sélections administratives :

l’autorité gestionnaire devra respecter une proportion idoine pour la composition des

jurys et des comités de sélection.

La loi du 12 mars 2012 cherche également à améliorer la conciliation des temps de vie

vers davantage d’égalité en améliorant la conservation des droits à l’avancement des

agent.e.s prenant un congé parental.

Le protocole d’accord sur l’égalité professionnelle du 8 mars 2013, signé entre la

Ministre de la Réforme de l’État, de la décentralisation et de la Fonction publique et

l’ensemble des syndicats de la fonction publique, constitue également un texte-cadre,

même s’il n’a pas de valeur prescriptive. Manifestation de volonté politique, il s’agit d’une

part d’une grille d’appui méthodologique quant à la mise en œuvre de la loi du 12 mars,

et d’autre part de la définition de quatre axes d’intervention : dialogue social, suppression

des inégalités salariales, amélioration du partage entre vie professionnelle et vie

personnelle, et prévention des violences et des situations de harcèlement sexuel et moral

subies par les agent.e.s.

Le deuxième axe souligne la nécessité du volontarisme politique et d’un

accompagnement des femmes et des hommes dans leurs parcours professionnels.

Suppression des écarts de rémunération sexistes, prise en compte des congés parentaux

et des temps partiels, lutte contre les stéréotypes, prévention des discriminations… Les

champs d’intervention ne manquent pas. Cinq champs sont désignés comme prioritaires

en la matière : la communication, la formation des agent.e.s aux enjeux de l’égalité

professionnelle (notamment celles et ceux des ressources humaines et de l’encadrement),

le recrutement, l’accès à la formation professionnelle, et le déroulement de la carrière.

Concernant la conciliation des temps, les collectivités sont incitées à mettre en place des

dispositifs de gardes d’enfants, et des mesures relatives aux congés familiaux et au temps

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

14

partiel. Les agent.e.s doivent notamment être informé.e.s en amont des répercussions

sur leur carrière, leur salaire, le montant futur de leur pension, et les modalités de retour

vers le temps plein. L’élaboration d’une charte des temps est également préconisée.

In fine, c’est la loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et

les hommes qui représente aujourd’hui le levier juridique le plus significatif pour

l’ensemble des fonctionnaires. L’article 1er dispose que « l’État et les collectivités

territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en œuvre une politique pour

l’égalité entre les femmes et les hommes selon une approche intégrée »18.

L’article 16 interdit de conclure des marchés publics avec des entreprises ayant fait l’objet

d’une condamnation pénale pour des faits liés à la violation des dispositions sur l’égalité

entre les femmes et les hommes, ou qui n’auraient pas rempli l’impératif de négociation

sur les objectifs d’égalité professionnelle et salariale entre les femmes et les hommes.

« Les finalités recherchées par les collectivités par le levier des achats publics reposent

sur l’introduction de critères relatifs à l’égalité et à la mixité dans la procédure des

marchés publics, sur l’assurance de la prise en compte de la présence et de la place des

femmes dans les entreprises candidates et sur la modification des conditions d’accès aux

marchés. »19 : Vincent FELTESSE considérait en effet la nécessité d’une loi à cet égard

dans son rapport du 2 juillet 2013 sur les bonnes pratiques des collectivités locales en

matière d’égalité femmes-hommes, constatant que « dans le droit public, au vu des textes,

l’égalité ne semble pas pouvoir être intégrée dans les conditions d’accès à la commande

publique, ni dans les conditions générales d’exécution d’un marché, ni dans les critères

d’attribution »20.

L’article 61 prévoit un débat annuel sur l’égalité femmes-hommes au sein des assemblées

des collectivités (de plus de 20 000 habitant.e.s pour les communes), préalablement aux

débats sur le projet de budget, débat introduit par la présentation d’un rapport sur la

situation en matière d’égalité femmes-hommes. Ce rapport porte sur le fonctionnement

de la collectivité, les politiques territoriales menées, et les orientations envisagées.

18 Toutefois, si l’approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes est désormais consacrée par la loi, cette transversalité de l’action publique en la matière n’est pas nouvelle dans les collectivités. En effet, l’exigence de transversalité en matière d’égalité des sexes est requise par les fonds européens depuis le début des années 2000, un prérequis mis à mal par le manque de formation des services instructeurs et des porteur.se.s de projet. La formation des agent.e.s est donc un préalable indispensable à l’effectivité de l’approche intégrée. Ce constat est partagé par le Plan d’actions régional de l’ancienne région Midi-Pyrénées, qui prévoit l’action suivante : « Informer les porteur.euse.s de projets et les services instructeurs des projets européens sur les obligations réglementaires en matière d’égalité professionnelle et les sensibiliser à la prise en compte de l’égalité femmes-hommes » in Région Midi-Pyrénées, Plan d’actions régional 2015-2017 – L’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, adopté par l’Assemblée plénière en décembre 2014, p. 30. 19 Vincent FELTESSE, Égalité femmes-hommes dans les territoires : état des lieux des bonnes pratiques dans les collectivités locales et propositions pour les généraliser, juillet 2013, p. 38 20 Vincent FELTESSE, Ibid., p. 38

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

15

Quant à l’obligation faite au législateur.rice de réaliser une étude d’impact sur l’égalité

entre les femmes et les hommes pour chaque texte en discussion au sein des assemblées,

elle pourrait être transposée à l’échelle des politiques publiques locales.

L’action publique locale d’égalité : l’ouverture progressive d’un terrain nouveau

dans la bataille culturelle contre la domination masculine

La défense de l’égalité entre les femmes et les hommes est d’abord une affaire de

conviction. Cette conviction n’est pas innée, mais s’appuie sur la démonstration que

résorber les inégalités sexuées participe au bon fonctionnement de la collectivité et à un

développement équilibré du territoire, en garantissant l’égalité des droits de chacun.e.

Il s’agit donc de mobiliser une identification précise et un affichage des inégalités

territoriales, à travers des statistiques sexuées et des indicateurs plaçant le territoire et ses

spécificités au regard des tendances nationales : monoparentalité, taux d’activité,

violences, accès aux services publics, etc. Au sein des collectivités, les rapports de

situation comparée visent à dénoncer les écarts sexués persistants, afin que les agent.e.s

et l’exécutif soient conscient.e.s des inégalités internes. Les bilans sociaux d’ores-et-déjà

réalisés peuvent d’ailleurs témoigner de la mixité des métiers, ou encore de la part

féminine du temps partiel.

Montrer que les inégalités femmes-hommes traversent tous les champs de la vie

quotidienne, tant sur le plan politique que dans la sphère privée, et ce quel que soit le

niveau de volontarisme politique en matière de développement des services publics de

la collectivité, c’est mettre en évidence une faille profonde des politiques publiques.

L’action publique est mise en échec dans sa poursuite de l’égalité par les écarts de

situation entre femmes et hommes. Ancrés dans la société et peu considérés par les

concepteurs et les conceptrices des politiques publiques, ceux-ci s’auto-renforcent et

s’installent dans une position de sape des démarches d’action publique non genrées.

L’universalité du service public est un principe fondamental. Actuellement, les politiques

publiques ne s’inscrivent pas dans un universel mixte, car elles sont élaborées dans ce

prisme implicite de la domination masculine. Comme le souligne Pierre BOURDIEU

dans son ouvrage majeur éponyme, « s’il est vrai que le principe de la perpétuation de ce

rapport de domination ne réside pas véritablement, ou en tout cas principalement, dans

un des lieux les plus visibles de son exercice, c’est-à-dire au sein de l’unité domestique,

sur laquelle certain discours féministe a concentré tous ses regards, mais dans des

instances telles que l’École ou l’État, lieux d’élaboration et d’imposition de principes de

domination qui s’exercent au sein même de l’univers le plus privé, c’est un champ

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

16

d’action immense qui se trouve ouvert aux luttes féministes. […] La force particulière de

la sociodicée masculine lui vient de ce qu’elle cumule et condense deux opérations : elle

légitime une relation de domination en l’inscrivant dans une nature biologique qui est elle-même une

construction sociale naturalisée. […] La domination masculine trouve ainsi réunies toutes les

conditions de son plein exercice. La préséance universellement reconnue aux hommes

s’affirme dans l’objectivité des structures sociales et des activités productives et

reproductives, fondées sur une division sexuelle du travail de production et de

reproduction biologique et sociale qui confère à l’homme la meilleure part »21.

Dès lors, les politiques publiques sont captées par un public certes universel socialement,

mais pas sexuellement. Or si le service public est universel, il a également un rôle

correcteur envers les inégalités. Les politiques publiques doivent aller vers celles et ceux

qui en ont davantage besoin. Un plan d’actions pour l’égalité des sexes ne s’adresse pas

qu’aux femmes : il vise également à corriger les inégalités qui pèsent sur les hommes, afin

de lever le carcan des stéréotypes de sexe.

Le Centre Hubertine Auclert22 a mis au jour les « chaînes de résistance »23 qui font

obstacle à la conception et au pilotage des politiques locales d’égalité, à travers une étude

dédiée menée en 2013. Ces freins peuvent être catégorisés en trois ensembles : d’ordre

sociétal, d’ordre technique, et d’ordre méthodologique. Les obstacles sociétaux tiennent

à l’ancrage des représentations et des stéréotypes sur les rôles sociaux attribués à chacun

des sexes, mis en lumière notamment lors des débats sur le genre. Ces résistances,

éminemment politiques, témoignent d’un conservatisme social imprégné de domination

masculine, gardien des identités assignées dès la petite enfance aux petites filles et aux

petits garçons, et des comportements sociaux et privilèges qui en découlent.

21 Pierre BOURDIEU, La domination masculine, Éditions du Seuil, 1998, réédition de 2014, pp. 15, 40 et 53. La lecture de Pierre BOURDIEU pourra être ici enrichie par quelques extraits issus du même ouvrage et explicitant le concept de domination masculine : « On voit bien qu’en ces matières il s’agit avant tout de restituer à la doxa son caractère paradoxal en même temps que de démonter les processus qui sont responsables de la transformation de l’histoire en nature, de l’arbitraire culturel en naturel. […] Les apparences biologiques et les effets bien réels qu’a produits, dans les corps et dans les cerveaux, un long travail collectif de socialisation du biologique et de biologisation du social se conjuguent pour renverser la relation entre les causes et les effets et faire apparaître une construction sociale naturalisée (les « genres » en tant qu’habitus sexués) comme le fondement en nature de la division arbitraire qui est au principe et de la réalité et de la représentation de la réalité et qui s’impose parfois à la recherche elle-même. », in Pierre BOURDIEU, Ibid., pp. 12 et 14 22 Le Centre Hubertine Auclert est la structure de ressources francilienne pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Spécialisé dans l’accompagnement des collectivités en la matière, le Centre a réalisé à ce titre plusieurs guides pratiques à leur intention. Si les expériences recensées concernent majoritairement des collectivités de la région Île-de-France (que le Centre cherche à mettre en réseau à travers l’initiative Territoires franciliens pour l’égalité), les recommandations formulées n’en ont pas moins vocation à être applicables à l’ensemble des collectivités territoriales. 23 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfegal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 63

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

17

En matière d’égalité femmes-hommes, ces résistances se drapent d’un discours

essentialiste et biologisant qu’il est parfois difficile de déconstruire, d’autant plus que les

tenant.e.s d’une action publique locale d’égalité sont encore peu nombreuses et

nombreux, la France ne brillant pas par son statut de précurseuse dans ce domaine. La

recherche et l’appropriation de concepts émergent progressivement dans le débat

universitaire français, mais les déficits en termes de statistiques sexuées et d’écarts

chiffrés sont difficiles à résorber étant donné le manque de connaissances et de données

sexuées dans les évaluations menées jusqu’ici.

Les freins sont également d’ordre technique, dans un domaine où, pour de nombreuses

collectivités, tout reste à construire. Le Centre Hubertine Auclert souligne que « lorsque

des chargé.e.s de mission sur l’égalité femmes-hommes sont en place, ils.elles insistent

sur leur manque de temps pour mettre en œuvre un plan d’action car ils et elles ne sont

pas toujours à temps plein sur cette question. A cela s’ajoute le manque de moyens

financiers pour réaliser des actions, organiser des évènements et/ou soutenir des

associations ainsi que la difficulté à émarger sur les budgets des autres directions »24.

Troisièmement, les obstacles tiennent à la méthodologie propre à l’action publique

d’égalité, qui n’est pas innée dans la fonction publique. L’approche intégrée de l’égalité

suppose la transversalité au sein de l’administration, et par conséquent la mise en place

de mécanismes internes promouvant cette transversalité. Et si celle-ci est aujourd’hui

valorisée et promue par davantage de décideurs et de décideuses locaux.ales, elle reste

difficile à réaliser « au regard de la culture sectorielle qui a prévalu jusqu’à présent dans

les politiques publiques et dans la chaîne de décision administrative »25. Les missions

afférentes à l’égalité femmes-hommes ne remportent pas toujours un consensus en

interne, parfois considérées « comme un sujet non prioritaire ou optionnel au regard de

la charge de travail »26. En ce sens, la formation de la direction politique et administrative

de la collectivité aux enjeux de l’égalité entre les femmes et les hommes est indispensable.

Comme le souligne le Centre Hubertine Auclert afin d’étayer les arguments en faveur de

l’action locale d’égalité entre les femmes et les hommes, « il s’agit aussi, en proposant des

mesures correctives, d’anticiper et d’intervenir sur les discriminations indirectes générées

par les politiques ou sur les inégalités éventuelles dans l’accès aux services publics. A ce

24 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfegal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 63 25 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfegal), Ibid., p. 65 26 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfegal), Ibid., p. 65

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

18

niveau, la démarche permet de vérifier l’efficacité et l’efficience de la politique conduite.

Dans un contexte de raréfaction de l’argent public, cet argument peut peser »27.

Cette diminution des ressources publiques s’inscrit notamment dans le cadre du New

Public Management, « puzzle doctrinal à vocation générique » pour reprendre l’expression

de Philippe BEZES28. La diffusion de cet ensemble hétérogène visant à rationaliser

l’action publique et à contrôler davantage les bureaucraties est concomitante à un ressenti

généralisé chez les fonctionnaires de perte de sens dans leurs missions. Dès lors, et même

si l’installation de procédures sexuées de déploiement des politiques publiques peut

sembler fastidieuse, cela participe d’une reconquête du sens de la fonction publique.

Enfin, cette dynamique de mise en œuvre de politique d’égalité n’est pas isolée : de

plus en plus, l’action publique d’égalité femmes-hommes s’inscrit dans un réseau

d’acteur.rice.s tant localement qu’à l’échelle du territoire national, se ramifiant même au

niveau communautaire. Les interactions entre ces trois univers d’action publique

produisent des normes plus ou moins contraignantes, des incitations plus ou moins

efficaces et des impacts différenciés sur les marges de manœuvre des décideur.euse.s ; et

surtout elles permettent d’identifier de bonnes pratiques et de partager des retours

d’expérience. En termes d’impact, une collectivité signataire par exemple de la Charte

européenne pour l’égalité des femmes et des hommes dans la vie locale s’engage politiquement à

construire un plan d’action afférent dans les deux années suivantes. En outre, le

protocole d’accord signé le 3 juillet 2013 entre le ministère des Droits des femmes et les

associations d’élu.e.s locaux.ales (ADF, AMGVF, FVM, APVF, AFCCRE, AMF, ARF)

vise à « encourager les collectivités territoriales à agir de manière transversale, à travers

leurs politiques publiques, pour faire progresser l’égalité entre les femmes et les hommes,

trouver un équilibre dans la prise de décision et lutter contre les stéréotypes ».

Une identification encore hésitante des facteurs de réussite

S’il n’est à l’heure actuelle pas possible de prétendre à l’exhaustivité quant aux facteurs

de réussite des politiques publiques d’égalité entre les femmes et les hommes, au regard

de la jeunesse de ce domaine d’action politique en France, plusieurs conditions émergent

toutefois.

27 Julie MURET, Clémence PAJOT (Centre Hubertine Auclert), Adélaïde AMELOT, Isabelle GUEGUEN (Perfegal), Pour convaincre du bien-fondé des politiques locales d’égalité femmes-hommes – Concepts, enjeux et cadre juridique des politiques locales d’égalité femmes-hommes, Centre Hubertine Auclert, mai 2014, p. 62 28 Philippe BEZES, « Le renouveau du contrôle des bureaucraties – L’impact du New Public Management », Informations sociales, n°126, Caisse Nationale des Allocations Familiales, 2005, pp. 26-37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

19

On peut qualifier certains vecteurs de pré-requis à l’efficacité des politiques publiques :

trois pour le Centre Hubertine Auclert, cinq pour le député Vincent FELTESSE dans

son rapport remis en juillet 2013 sur les bonnes pratiques des collectivités et cité

précédemment.

Pour le Centre francilien, il s’agit de :

• la nomination d’un.e élu.e délégué.e à l’égalité femmes-hommes, si possible

membre de l’exécutif, et du moins placé.e dans une position hiérarchique lui

permettant de mener à bien sa délégation (c’est-à-dire d’intervenir en amont de la

conception des politiques publiques, et donc au sein des arbitrages budgétaires et

des réunions stratégiques) ;

• l’affectation d’un poste équivalent temps plein sur l’égalité femmes-hommes, en

veillant que cette mise à disposition n’entraîne ni isolement de la personne ni

dilution de cette responsabilité dans le vocable générique de « lutte contre toutes

les formes de discriminations ». Dans l’idéal, cet.te agent.e est situé.e auprès d’une

direction générale afin de lui apporter la légitimité nécessaire ;

• et le fléchage d’un budget spécifique, s’ajoutant aux moyens alloués par les

différentes directions au titre de l’approche intégrée.

Vincent FELTESSE ajoute à ce triptyque l’exemplarité interne, et le développement de

partenariats locaux.

Madeleine DUPUIS, conseillère municipale déléguée de la ville de Toulouse de 2008 à

2014, estime avoir été suffisamment soutenue par l’exécutif : « je demandais directement

au Maire qui acceptait toutes les actions que je lui proposais ». On peut conclure de cette

affirmation que l’accès au.à la décideur.euse politique – en l’occurrence ici l’ancien Maire

de Toulouse, Pierre COHEN – a été déterminant pour la mise en œuvre de l’action

publique municipale toulousaine en matière d’égalité femmes-hommes. La proximité et

l’entente des deux élu.e.s ont facilité l’obtention des arbitrages politiques et la prise de

décision. Madeleine DUPUIS ajoute qu’il y avait également « des élu.e.s qui dans leurs

délégations participaient », citant notamment les adjointes au logement et à la santé qui

ont collaboré à la définition de l’intervention politique en faveur du relogement des

femmes victimes de violences. Cet ajout spontané témoigne en faveur d’une mobilisation

transversale de l’équipe municipale29.

29 Madeleine DUPUIS insiste plus particulièrement sur le rôle de Nicole BELLOUBET, alors adjointe à la Culture : « très féministe, [elle] nous a beaucoup aidé dans le domaine culturel », elle est « très consciente des inégalités » et elle a « soutenu notre délégation, avec force ».

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

20

D’autres clés de réussite apparaissent également : un engagement politique fort de

l’ensemble de l’exécutif, tant politique qu’administratif ; la formation ou tout du moins

une sensibilisation de tou.te.s les agent.e.s de la collectivité afin de diffuser une culture

commune de l’égalité ; le fait de s’appuyer sur les cadres existants ; l’importance

également de ne pas faire preuve de trop d’impatience, en considérant que les

changements attendus demandent du temps et de la maturation interne et externe.

Les collectivités disposent par ailleurs d’outils pratiques, tels que les conventionnement

avec l’État dans le cadre du programme « Territoire d’excellence en matière d’égalité

professionnelle entre les femmes et les hommes », le DOVALE (document de

valorisation des actions locales d’égalité, élaboré conjointement par plusieurs échelons

de collectivités, l’AFCCRE, l’ARF et la Direction Générale de la Cohésion Sociale, avec

le soutien de l’Observatoire de la Parité entre les femmes et les hommes) qui permet de

diagnostiquer et d’analyser les actions menées à travers l’autoévaluation, le recensement

et la valorisation de celles-ci, ou encore les certifications en tant qu’employeuses

publiques (label « Égalité » de l’Afnor, label « diversité », norme ISO 26000 sur la

responsabilité sociale) et dernièrement les marchés publics.

Comme cela a été posé précédemment, étant donné le resserrement des marges de

manœuvre financières des collectivités territoriales, celles-ci ont tendance à se replier sur

leurs compétences obligatoires pour faire face à l’accroissement des restrictions

budgétaires auxquelles elles sont soumises. En parallèle de cette raréfaction de leurs

moyens, la décentralisation accorde aux collectivités un spectre de plus en plus vaste de

domaines d’interventions, et ce quand bien même la suppression de la clause générale de

compétences30. En tant que domaine de politiques publiques, l’égalité femmes-hommes

n’en fait pas partie à proprement parler : néanmoins, la loi du 4 août 2014 dispose que

les collectivités territoriales doivent entrer dans une démarche d’approche intégrée de

l’égalité.

Comment les politiques publiques territoriales d’égalité entre les femmes et les hommes négocient-elles leur

institutionnalisation et leur développement dans le cadre des évolutions administratives et politiques sous-

jacentes aux transitions exécutives et face aux nouvelles contraintes légales et financières ?

30 En effet, la suppression de la clause générale de compétences pour les départements et les régions (elle n’est maintenue que pour les communes), prévue par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, renforce les obligations des collectivités vis-à-vis de leurs compétences obligatoires, et vise à diminuer les doublons d’interventions entre plusieurs niveaux de collectivités. On peut par ailleurs noter que cette modification profonde de la structure d’intervention des collectivités semble faire de l’élection au suffrage universel direct des assemblées délibérantes territoriales le principal critère de différenciation organiques de celles-ci avec la catégorie des établissements publics.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

21

La prise en charge de l’égalité femmes-hommes par les pouvoirs publics et a fortiori

par les collectivités territoriales est une action publique récente, dans laquelle la France

s’est engagée à pas timides. Ainsi, l’inscription dans la loi de l’approche intégrée de

l’égalité des sexes comme principe de conception transversale des politiques publiques

vient tout juste de fêter son deuxième anniversaire. Il s’agira donc dans un premier temps

d’observer la manière dont les incitations internationales et communautaires ont

participé à faire de l’égalité entre les femmes et les hommes un domaine d’action publique

légitime dans notre pays.

Les inégalités femmes-hommes sont une problématique profondément incorporée dans

la vie sociale, et elles touchent tous ses aspects. Les collectivités disposent collectivement

de plusieurs mécanismes et instruments globaux d’action publique qu’elles peuvent

mobiliser comme autant de leviers pour promouvoir l’égalité des sexes : ils feront l’objet

d’une seconde partie. Les impacts de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les

femmes et les hommes seront analysés plus finement dans une troisième partie.

Il est également possible d’identifier des secteurs d’action publique particulièrement

stratégiques dans la défense des droits des femmes et la réduction des inégalités sexuées,

que nous analyserons dans une quatrième partie.

De manière globale, nous chercherons à illustrer les cas étudiés avec des exemples issus

des expériences de diverses collectivités, et les tactiques administratives et politiques

mises en avant lors des différents entretiens menées avec agent.e.s et élu.e.s de l’ancienne

région Midi-Pyrénées, de la nouvelle région Occitanie – Pyrénées-Méditerranées, du

département de la Haute-Garonne et de la mairie de Toulouse.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

22

Partie 1

Impulsions internationale et européenne : vers une prise en

compte de l’approche intégrée de l’égalité dans l’ordre juridique

français

La nécessité de la défense des droits des femmes est confortée dans la seconde moitié

du XXème siècle par une impulsion multinationale et continentale, qui ancre la légitimité

des interventions spécifiques afin de réaliser une égalité des sexes effective.

L’ONU démontre à plusieurs reprises sa volonté de promotion d’une politique

internationale d’égalité entre les femmes et les hommes. La période 1975-1985 est

désignée « Décennie des Nations Unies pour la Femme » lors de la Conférence mondiale

de Mexico sur le droit des femmes. En 1979, les Nations Unies adoptent la Convention

sur l’élimination de toutes les formes de discriminations à l’égard des femmes

(CEDAW/CEDEF, ratifiée par la France en 1983). Les mesures temporaires sont

largement encouragées. La conférence onusienne de Pékin en 1995 appelle à un

changement de stratégie face à l’inadaptabilité des politiques, et inaugure une stratégie

d’empowerment.

L’ONU adopte alors un programme d’action constitué d’une double approche :

• le gender mainstreaming, c’est-à-dire l’intégration de la dimension du genre dans la

réflexion autour de la construction des politiques publiques ;

• et la nécessité de permettre un égal accès des femmes et des hommes aux

responsabilités publiques et politiques.

Le système onusien en matière d’égalité femmes-hommes s’est progressivement

développé, avec la mise en place d’un réseau inter-agences pour les femmes et l’égalité

entre les sexes (IANWGE), le bureau de la Conseillère spéciale pour la parité des sexes

et la promotion de la femme, et la création de l’ONU Femmes en 2010. L’ONU

encourage la création de relations de coopération entre administrations, centres d’études

et de recherches sur les femmes, universités, secteur privé, médias, société civile, etc. Les

interactions en réseau participent à l’ancrage de la dimension du genre des politiques

publiques dans le dialogue institutionnel. En outre, la troisième priorité des Objectifs du

Millénaire pour le développement de l’ONU est la promotion de l’égalité des genres et

l’autonomisation des femmes.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

23

A sa suite, le Conseil de l’Europe analyse le gender mainstreaming comme la «

(ré)organisation, l’amélioration, l’évolution et l’évaluation des processus de prise de

décision » pour « incorporer la perspective de l’égalité entre les femmes et les hommes

dans tous les domaines et à tous les niveaux ».

Sophie JACQUOT désigne le gender mainstreaming comme le « principe organisateur de

la politique communautaire d’égalité entre les femmes et les hommes depuis les années

1990 »31. Son but est notamment de donner de la visibilité à la construction sociale des

rapports de domination reproduits par les politiques publiques, à travers leurs effets

différenciés. La prise en compte de la dimension de genre pour pallier aux insuffisances

des politiques d’égalité femmes-hommes s’inscrit dans une vision systémique de la

société et de l’action publique, en promouvant la nécessité de jouer sur la construction

sociale des identités, des rapports de pouvoir et de domination répercutés dans les

politiques publiques. Instrument souple et non contraignant, le gender mainstreaming doit

faire l’objet d’appropriations par les acteur.rice.s, d’usages et de pratiques qui impriment

sa mise en œuvre. De par sa transversalité, son caractère transsectoriel, il doit être

reconnu par des interactant.e.s n’appartenant pas à son secteur d’origine, agréger des

intérêts différents pour fonder un consensus politique, et faire preuve de malléabilité.

I. Une égalité femmes-hommes incarnée dans la construction

communautaire ?

Les motivations politiques qui ont prévalu au développement du corpus

communautaire relatif à l’égalité femmes-hommes n’étaient initialement pas inspirées par

des considérations de justice sociale.

1. L’égalité salariale au service de la compétitivité

Si l’égalité salariale est un objectif de la construction communautaire depuis 1957, et

si l’article 119 du traité de Rome posait le principe de l’égalité entre hommes et femmes,

la première directive communautaire en la matière date de 1975.

31 Sophie JACQUOT, L’action publique communautaire et ses instruments – La politique d’égalité entre les femmes et les hommes à l’épreuve du gender mainstreaming, Doctorat de science politique, École doctorale de Sciences Po, décembre 2006, p. 318

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

24

Il est significatif de noter que l’article 119 du traité de Rome a été imposé par la France

à ses partenaires européens : notre pays, disposant déjà d’une législation sur l’égalité

salariale, craignait de souffrir d’un déficit de compétitivité, notamment dans l’industrie

du textile. Dans son appréciation de cet article, la Cour de Justice des communautés ne

s’y trompe pas et souligne bien sa double finalité : lutter contre les désavantages

concurrentiels et être un instrument de progrès social (arrêt CJCE, 8 avril 1976, Gabrielle

Défrenne c/ Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena). Il s’agit de « réaliser

l'égalité entre hommes et femmes, non pas de façon générale, mais uniquement en leur

qualité de travailleurs » (arrêt CJCE, 27 juin 1989, J. E. G. Achterberg-te Riele et autres

contre Sociale Verzekeringsbank).

A la suite de Sophie JACQUOT, on peut souligner que « la prohibition de la

discrimination […] a donc une fonction économique »32, au service du bon

fonctionnement du marché intérieur, mais ouvre à la Commission la légitimité nécessaire

pour développer une action publique dans ce domaine.

2. La ramification de l’action communautaire d’égalité des sexes au-delà

des considérations économiques

Plusieurs directives suivent celle de 1975 sur l’égalité salariale, dans divers champs :

égalité de traitement en matière d’emploi, de formation professionnelle, de promotion,

et des conditions de travail ; sécurité sociale ; égalité de traitement pour l’exercice d’une

activité indépendante ; ou encore protection de la maternité.

A leurs côtés, divers programmes d’actions positives (« Programme d’action pour

l’égalité des chances pour les femmes ») participent à un accroissement des droits des

femmes dans les États membres. Ces programmes d’actions pluriannuels sont axés sur

l’égalité dans le domaine du travail, mais aussi dans d’autres domaines (garde des enfants,

soin aux personnes dépendantes, travail à domicile, harcèlement). A la fin des années

1980, Sophie JACQUOT considère que la politique communautaire d’égalité entre les

femmes et les hommes est « l’un des champs régulatoires les plus étendus de la politique

sociale européenne »33, son « pilier central et le plus profondément élaboré »34

(BARNARD, 2001).

32 Sophie JACQUOT, L’action publique communautaire et ses instruments – La politique d’égalité entre les femmes et les hommes à l’épreuve du gender mainstreaming, École doctorale de Sciences Po, décembre 2006, p. 185 33 Sophie JACQUOT, « La fin d’une politique d’exception. L’émergence du gender mainstreaming et la normalisation de la politique communautaire d’égalité entre les femmes et les hommes », Revue française de science politique, vol. 59, n°2, Presses de Sciences Po, avril 2009, p. 251 34 Catherine BARNARD, « L’égalité des sexes dans l’Union européenne : un bilan », dans Philip Alston (dir.), L’Union européenne et les droits de l’homme, Bruxelles, Bruylant, 2001, pp. 219-289, in Sophie JACQUOT, Ibid., p. 251

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

25

Toutefois, les inégalités sexuées persistantes en matière de rémunérations interrogent

l’efficacité de ces directives et dispositifs, et amènent à une réflexion en termes de genre,

réflexion nourrie par le développement des gender studies qui mettent en avant la multi-

dimensionnalité des inégalités et leur renforcement réciproque. Les études soulignent en

outre que les seuls programmes d’action positive renforcent la sectorisation de la

politique d’égalité.

3. D’une politique sectorielle à une action publique diversifiée

Entre 1990 et 1995 se déroule un processus de re-problématisation, fondé sur le

constat des limites de la politique menée depuis 1975 : les critiques majeures portent sur

le lien exclusif de cette politique avec le marché du travail, et à sa faible capacité de

contrainte. La persistance des inégalités souligne l’incapacité des politiques publiques à

les résoudre, et la nécessite d’envisager autrement cette problématique.

Il s’agit désormais de faire en sorte que l’ensemble des politiques prennent en compte la

dimension des inégalités femmes-hommes. C’est ici que le gender mainstreaming intervient,

bénéficiant de plusieurs atouts : il suppose la coordination plutôt que la négociation, ses

coûts politique et budgétaires sont faibles, et il renvoie une image d’innovation et

d’efficacité. La réévaluation du problème amène à une harmonisation de l'égalité de

traitement presque totale, mais a des effets variés sur le plan pratique.

En 1992, le sommet européen d’Athènes est intitulé « Femmes au pouvoir », et fait

émerger la parité comme un principe démocratique. L’élargissement de 1995 permet

l’entrée de la Suède et de la Finlande, et donc une augmentation substantielle du nombre

de députées au Parlement européen. Comme le souligne Sophie JACQUOT en 200935,

le Parlement européen fait de la question de l’égalité femmes-hommes un enjeu politique

et stratégique fort sur lequel doit s’engager la Commission SANTER, qui comporte cinq

femmes sur quinze commissaires (1995-1999).

En 1999, le traité d’Amsterdam engage l’Union plus fortement en matière d’égalité

des genres : il introduit dans les politiques communautaires la promotion de l’égalité et

la lutte contre les discriminations entre hommes et femmes.

L’article 23 de la Charte européenne des droits fondamentaux précise en outre que « le

principe de l’égalité n’empêche pas le maintien ou l’adoption de mesures prévoyant des

avantages spécifiques en faveur du sexe sous-représenté ». Il ne faut pas l’entendre qu’en

35 in Caroline RESSOT, « L’observatoire de la parité », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 163

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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termes de parité au sein des instances élues : la représentativité n’est pas que politique,

elle est aussi déterminante au sein des conseils d’administration des entreprises, des

syndicats, des ONG, des associations, des établissements publics, etc.

En 2005, la Commission européenne adopte la stratégie-cadre pour la non-

discrimination et l’égalité des chances pour tous. L’un des objectifs principaux de cette

stratégie est de garantir une protection juridique efficace contre la discrimination sur le

territoire de l’Union grâce à la transposition par tous les États membres de l’intégralité

de la législation communautaire en la matière. Ce texte encourage également l’adoption

de mesures complémentaires telles que la diffusion d’informations, la sensibilisation, le

partage d’expériences, la formation et l’accès à la justice.

La directive communautaire de 2006 relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité

des chances et de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail

regroupe les directives antérieures et traite de l’égalité de rémunération, de traitement

dans l’emploi, de formation, de promotion, de conditions de travail. La directive de 2006

intègre également la jurisprudence de la Cour de justice, et notamment l’arrêt BROWN

de 1998, qui déclare contraire au droit communautaire le licenciement d’une femme ne

pouvant plus travailler en raison de difficultés liées à sa grossesse.

A la suite de l’initiative communautaire EQUAL de 2000, qui vise à promouvoir des

pratiques nouvelles de lutte contre les discriminations et les inégalités de toute nature sur

le marché du travail dans un contexte de coopération nationale, le Fonds social européen

2007 – 2013 met en exergue la lutte contre les discriminations. Cela se fait notamment à

travers l’outil PROGRESS, Programme communautaire pour l’emploi et la solidarité,

qui vise à apporter un soutien financier à la mise en œuvre des objectifs de l’Union, et

qui consacre une section à l’égalité femmes-hommes, l’un des trois axes des fonds

structurels européens.

4. L’égalité en tant que principe organique de l’Union européenne

Lisbonne fait de la non-discrimination et de l’égalité des principes fondamentaux du

droit européen, et des critères d’appréciation d’une candidature à l’adhésion à l’Union.

Les articles 2 et 3 du traité sur l’Union européenne (TUE) disposent que l’Union repose

sur des valeurs communes aux États membres dans une société caractérisée par la

solidarité et « l’égalité entre les femmes et les hommes ». La clause transversale de l’article

8 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) précise que « chaque

État membre assure l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

27

travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de

même valeur ». Comme le souligne Nicole BELLOUBET, plusieurs directives en

découlent pour la mise en œuvre de l’égalité de traitement entre hommes et femmes (sur

l’accès à l’emploi, la formation, la promotion professionnelle ou encore les conditions

de travail).

L’article 141 du TFUE dispose du principe général de non-discrimination entre les sexes,

ce qui ne signifie toutefois pas que les juges européen.e.s sont compétent.e.s pour

imposer la parité au sein de l’Union. Les disparités sont grandes entre les différents États

membres : ainsi, en Finlande, en Suède et au Danemark, les Assemblées sont paritaires.

En septembre 2010, la Commission européenne adopte sa stratégie-cadre pour

promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes en Europe. Ce document prévoit

des actions dans les domaines de l’économie, du marché de l’emploi, de la lutte contre

les violences à caractère sexiste, etc. Dans une optique de réalisation des objectifs

socioéconomiques généraux de l’Union, il s’agit avant tout d’améliorer l’utilisation du

potentiel des femmes – et on peut retrouver à travers cette logique les considérations qui

avaient prévalu dans la rédaction de l’article 119 du traité de Rome.

L’année suivante, le Conseil trouve un consensus sur le Pacte européen pour l’égalité

entre les hommes et les femmes pour la période 2011 – 2020, encourageant les États et

l’Union à prendre des mesures d’action positive afin de souscrire à ses trois objectifs :

baisser les inégalités dans l’emploi, promouvoir un meilleur équilibre entre vie

professionnelle et vie privée, et lutter contre toutes les formes de violence.

Le Conseil a notamment ciblé le fait de mettre fin aux conceptions stéréotypées des rôles

de l’homme et de la femme, de favoriser les formules souples de travail, de développer

l’offre de services d’accueil pour les enfants, et de ne pas oublier le rôle des hommes et

des garçons dans l’éradication des violences sexistes.

Enfin, la stratégie UE 20/20 intègre la contribution de l’égalité des genres à la croissance

économique et au développement durable.

5. La conceptualisation du gender mainstreaming dans un cadre néo-

libéral

Comme nous allons le voir ensuite, il s’agit d’appréhender le gender mainstreaming

comme une composante instrumentale inhérente à la politique sociale de l’Union.

Comme le souligne Jacqueline HEINEN, il est indispensable de se pencher sur les

interactions entre genre, welfare et citoyenneté, « sachant que les mesures de protection

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

28

sociale contribuent à définir le statut des individus – celui des femmes au premier chef

– dans la sphère publique comme dans la sphère privée »36. On peut citer ici le modèle

suédois (mis en exergue par HIRDMAN en 1994) : la construction du système d’État-

providence passe par la restructuration de l’architecture sociale, en mettant en avant le

modèle de la « nouvelle femme », non plus une mère et une épouse mais une personne

qui porte les enfants nécessaires au renouvellement de la société et qui travaille.

Les textes européens adoptés en matière sociale sont en général des recommandations,

et non des directives ; et l’Union a peu de compétences pour défendre les droits des

femmes dans la sphère privée. Les orientations européennes sont parvenues à peser sur

les représentations, notamment au Sud de l’Europe, et ont participé à une certaine

homogénéisation des mesures en Europe occidentale. Cependant, les effets varient en

fonction des systèmes politiques et sociaux, et de la nature de la transposition opérée.

Les contraintes sociales continuent à affecter profondément les modèles d’emplois

féminins.

Face aux nouveaux risques produits par la mondialisation, le paradigme européen de

protection sociale est passé d’une logique compensatoire à une logique d’investissement

social axée sur le marché de l’emploi (mettant en exergue l’accueil préscolaire, la

formation continue, le rôle de l’éducation). Les femmes sont considérées comme un

réservoir de main d’œuvre, et leur emploi est envisagé sous l’angle de la démographie et

du développement de l’enfance.

En définitive, dans le champ de la protection sociale, les femmes sont inégalement

frappées par la libéralisation et la privatisation des politiques afférentes, et la sensibilité

au genre dont se prévalent les textes de l’UE n’est pas suffisante, voire est neutralisée

par un creusement des inégalités sociales.

L’ancrage institutionnel est crucial dans la prise en compte du genre, et la formation et

la sensibilisation des agents à cette problématique sont déterminantes. Le gender

mainstreaming nécessite des chargé.e.s de mission spécifiques au sein des services des

organisations gouvernementales (ministères, services déconcentrés, et échelons

régionaux et locaux), afin de limiter voire d’éviter le risque de dilution des questions

d’égalité femmes-hommes.

36 Jacqueline HEINEN, « Genre, welfare et citoyenneté dans une optique européenne », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

29

En Suède, la formation en la matière s’inscrit dans une démarche top down obligatoire, du

gouvernement vers le bas de l’administration. En France, une première tentative a eu

lieu en 2012, avec des séances de sensibilisation du gouvernement AYRAULT.

A côté des référent.e.s expert.e.s de la question, chargé.e.s d’inscrire horizontalement

l’égalité femmes-hommes dans les politiques publiques afin de participer à la

transformation des structures sociales, la responsabilité doit être collective. Il s’agit de

reconnaître l’égalité femmes-hommes comme un bien commun.

II. Le gender mainstreaming : institutionnalisation et normalisation

progressive en tant qu’instrument d’action publique

Malgré la multiplication des documents communautaires, les inégalités entre les

femmes et les hommes persistent. La systématisation du gender mainstreaming ne participe-

t-elle pas à atténuer son sens politique, en tant que simple instrumentation d’action

publique, et a fortiori avec l’avènement d’un New Public Management surplombant, qui

décourage les tentatives de mise en réflexion de l’outil ?

1. La dilution bureaucratique du gender mainstreaming

Sophie JACQUOT revient dans ses articles sur les premières formes des mesures

d’égalité femmes-hommes et sur l’application du gender mainstreaming au sein des

politiques communautaires afin d’en présenter les limites en termes d’efficacité mais

également les effets négatifs et contre-productifs. L’ingénierie sociale est liée à

l’ingénierie instrumentale : on désigne par-là « l’ensemble des processus qui conduisent

à une appropriation différenciée d’un instrument d’action publique »37 par l’intermédiaire

d’usages différents voire divergents. Il faut donc se pencher sur les usages faits de cet

outil et le sens donné par les acteur.rice.s institutionnel.le.s, qui s’approprient cet

instrument et le modèlent selon leurs intérêts.

Au final, l’agrégation des intérêts et des stratégies de chacun.e dans la construction des

modalités d’application du gender mainstreaming, dans le cadre de sa légitimation politique

(codécision, négociation, concertation pour être accepté par tous) conduit à un

37 Sophie JACQUOT, « L’instrumentation du gender mainstreaming à la commission européenne : entre "ingénierie sociale" et "ingénierie instrumentale" », Politique européenne, III, 2006, pp. 33-54

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

30

instrument consensuel et polysémique et par-là même porteur d’une ambiguïté cognitive,

et donc peu courageux politiquement. On est en présence d’une malléabilité de

négociation et d’application d’un principe reconnu d’action communautaire, malléabilité

comme condition d’un instrument transsectoriel38 et peu clivant.

La conjugaison des ingénieries sociale et instrumentale aboutit à une véritable

ingénierie bureaucratique. Face à cette dilution fonctionnelle et bureaucratique du gender

mainstreaming et sa perte de teneur politique, les premières critiques viennent des cercles

féministes de la communauté d’action publique européenne, dans le sens où il ne

permettrait pas de pallier aux inégalités structurelles dont sont victimes les femmes.

2. Une action publique intégrée au-delà de la portée de ses

promoteur.rice.s

Sophie JACQUOT cherche à démontrer dans son article « La fin d’une politique

d’exception »39 comment un outil défendu par ces cercles finit par finalement leur

échapper et encourage à redéfinir les hiérarchies d’influence au sein même de la politique

d’égalité femmes-hommes : le gender mainstreaming comme instrument contribue à donner

une nouvelle orientation à la politique d’égalité.

Si les instruments traditionnels d’égalité femmes-hommes (discrimination positive,

égalité des chances) sont remis en question à partir de la fin des années 1980 du fait de

leur manque d’efficacité, Sophie JACQUOT souligne que « le diagnostic est réévalué (le

problème n’est plus celui des inégalités mais de leur persistance) et les objectifs sont

redéfinis (il s’agit moins de renforcer la politique d’égalité que de faire en sorte que

l’ensemble des autres politiques prennent en compte l’égalité) »40. Le gender mainstreaming

va ainsi incarner une alternative politique et une réponse aux inégalités systémiques et

structurelles. On fait alors la critique de politiques jugées responsables de la persistance

des inégalités, et du fonctionnement élitaire et clos du milieu de la politique d’égalité. Le

gender mainstreaming comme nouveau traitement public des inégalités et principe

organisateur de la politique d’égalité permet aux réformateur.rice.s de la Commission de

38 Dès lors, on peut distinguer plusieurs conceptions du gender mainstreaming : extensive (portée par les militant.e.s du secteur de l’égalité femmes-hommes, et notamment le lobby européen des femmes), minimaliste et réductrice (tenue de fiches d’impact), défensive (désignant le gender mainstreaming comme une procédure bureaucratique supplémentaire, porteuse de nouvelles hiérarchies susceptibles de modifier les politiques dans leur essence), et conservatrice (justifiant des positions de valeur sur les rôles traditionnels des femmes et des hommes par des critères techniques). 39 Sophie JACQUOT, « La fin d’une politique d’exception. L’émergence du gender mainstreaming et la normalisation de la politique communautaire d’égalité entre les femmes et les hommes », Revue française de science politique, vol. 59, n°2, Presses de Sciences Po, avril 2009 40 Sophie JACQUOT, Ibid., p. 254

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

31

« contourner les réticences législatives et budgétaires des États membres, tout en

obtenant le maintien d’une action communautaire dans le domaine de l’égalité conforme

aux nouveaux canons du fonctionnement administratif européen », et notamment la

coopération au sein de l’Europe sociale.

Plusieurs impacts se dessinent alors. La soumission aux logiques du marché du travail

entraine le retour d’une politique pour l’emploi et la compétitivité. L’égalité est conçue

pour le marché, et non pour elle-même, devenant un objectif secondaire (c’est le cas avec

la Stratégie de Lisbonne en 2000). Le gender mainstreaming s’insère et/ou pilote des

stratégies d’investissement social et économique dont les femmes deviennent les

variables d’ajustement, les discriminations des femmes étant irrationnelles

économiquement, puisqu’elles entrainent la privation de ressources de travail. Les

femmes étant considérées comme un stock de main d’œuvre non exploité, il s’agit de

concilier politique familiale et professionnelle (ce qui réaffirme l’injonction à la maternité,

et du moins ne diminue pas l’assignation subie par les femmes les incitant à prendre en

charge les enfants voire les personnes âgées), notamment afin de lutter contre le

vieillissement démographique. L’article 3.2 du TCE est ajouté au traité d’Amsterdam en

1997, 40 ans après l’article 119. Les femmes sont désormais perçues comme une

importante réserve de main-d'œuvre et un potentiel de croissance économique. Il y a un

changement du raisonnement : la discrimination est considérée comme un

comportement irrationnel et désavantageux économiquement. La politique d’égalité

femmes-hommes perd son autonomie et son statut d’exception.

Cela étant, lier l’égalité aux impératifs libéraux de compétitivité et de performance

économique amène logiquement son lot de critiques. Ce processus argumentaire

conditionne l’égalité des sexes à une problématique de bon sens, de rationalité pure et

parfaite, et ce faisant participe à effacer le contenu politique des revendications égalitaires

en tant qu’affirmation de droits égaux.

Comme le souligne Réjane SÉNAC, « De nombreux rapports légitiment ainsi les

politiques d’égalité comme un investissement coûtant moins qu’il ne rapporte si l’on tient

compte de leur "performance" économique et sociale sur le moyen – long terme. Il est

naïf et/ou cynique de croire que des arguments de justice et d’utilité peuvent cohabiter,

sans que les premiers soient conditionnés par les seconds. Dépassons l’attrait de

formules telles que le "gagnant-gagnant" ou "la fin justifie les moyens" : il faut assumer

qu’une victoire pour certain.e.s est une perte pour d’autres. Il est urgent de dépasser une

lecture enchantée où la lutte contre le néolibéralisme justifierait d’avoir recours à la

marchandisation de l’égalité. Promouvoir l’égalité entre femmes et hommes, la diversité

ou l’immigration, comme une démarche économiquement rationnelle et rentable, c’est

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

32

les mettre sous conditions de la démonstration de leur performance. En demeure de

prouver leur "utilité". […] En procédant à ce type d’argumentation, nous acceptons

implicitement d’indexer les choix politiques à des variables économiques. […] Afin de

ne pas être contraint.e de participer à un arbitrage cynique entre les inégalités coûteuses

et les inégalités rentables, les politiques d’égalité "performantes" et celles qui ne le sont

pas, il faut politiser le principe d’égalité en le libérant de son conditionnement à la

performance. C’est accepter de passer par la porte étroite d’un principe de justice

d’égalité qui n’a jamais été appliqué pour celles et ceux qui ne font pas partie de la

"fraternité républicaine" : les femmes et les "non-blancs". »41.

L’Europe à dominante économique impacte fortement un instrument d’action

publique transversal et par essence polysémique. En parallèle, l’égalité est plus largement

dissoute dans l’Europe sociale et de cohésion sociale, elle-même au service de la

croissance et l’intégration économique42.

3. Un instrument intégré oublieux de la spécificité des inégalités de sexe

Ensuite, le gender mainstreaming peut participer à une dilution des politiques d’action

positive à l’intention des femmes. Jacqueline HEINEN observe d’ailleurs que la montée

de l’individualisme, conjugué à la prise en compte de la diversité des discriminations,

concourent à une dilution du genre dans divers programmes, et la disparition de la

question des rapports de pouvoir entre les sexes, en renforçant les inégalités entre les

classes sociales43. En effet, les mesures individuelles confortent plus qu’elles n’atténuent

les différences d’implication entre les hommes et les femmes dans la sphère domestique,

renforçant l’assignation de ces dernières au modèle de la mère et de l’épouse.

Si le gender mainstreaming préconise un ancrage institutionnel d’un.e référent.e égalité

femmes-hommes au sein des structures administratives, des collectivités territoriales, et

des ministères, il ne s’agit pas de faire porter sur ses seules épaules le poids de la réussite

de la politique d’égalité femmes-hommes. Le ou la référent.e égalité se doit de faire

41 Réjane SÉNAC, « L’égalité n’a pas à être "performante" », Observatoire des inégalités, 29 janvier 2016. Article consulté le 9 août 2016. 42 En outre, le droit étant un espace de lutte entre dominants et dominées, le gender mainstreaming est mobilisé par certain.e.s pour mettre en avant un gender male streaming au détriment de chacune des bénéficiaires potentielles. C’est ce que souligne Anne-Marie DEVREUX en 2009, en remarquant que les hommes font pression pour « contrôler et réduire les effets, sur les bénéfices qu’ils tirent de leur domination, des mesures légales prises en faveur des femmes ». 43 Jacqueline HEINEN, « Genre, welfare et citoyenneté dans une optique européenne », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, pp. 37-47

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

33

preuve de vigilance constante, mais surtout il ou elle ne doit pas être isolé.e au sein de

l’institution : la responsabilité de la politique d’égalité femmes-hommes est collective.

Le gender mainstreaming, comme instrument d’action publique, rejoint les dynamiques

actuelles du New Public Management dans la mesure où l’exploitation des ressorts par des

acteur.rice.s institutionnel.le.s d’un outil de politique publique prévaut sur les objectifs

premiers de la mesure afin de légitimer leur positionnement et leurs intérêts. En

définitive, la force des politiques d’égalité femmes-hommes en première instance a tenu

à leur capacité à s’autonomiser institutionnellement, à s’affirmer comme une ingénierie

sociale extensive, à dépasser le champ de l’égalité de rémunération vers l’égalité de

traitement et l’égalité des chances, et in fine à atteindre une approche intégrée de l’égalité.

Le gender mainstreaming, fruit d’un consensus politique et investi de sens multiples d’abord

synonymes d’efficacité, s’est ensuite vu freiné par les stratégies des différent.e.s

acteur.rice.s, et par la marginalisation des militant.e.s féministes, mis.e.s à l’écart par leurs

déceptions face à l’instrument obtenu, comparativement à celui qu’elles et ils attendaient.

En effet, en matière d’égalité femmes-hommes, on peut souligner un certain effet

cyclique. D’abord affirmée comme prérequis au bon fonctionnement du marché

intérieur en vertu du principe de concurrence non faussée, cette action publique s’est

légitimée au-delà de ces considérations vers une volonté de transformer les structures

sociales et les rapports de pouvoir et de domination masculine. A l’heure de l’ouverture

d’une fenêtre d’opportunité par la communauté internationale, l’Union a voulu se

montrer à la pointe de la politique sociale, et le gender mainstreaming, répondant à cet

objectif, a bénéficié de cette conjoncture pour s’affirmer. Faisant l’objet d’un consensus

sur sa nécessité mais pas sur son contenu, il a toutefois ensuite été dévoyé par les

préceptes du New Public Management qui l’ont transformé en un outil de rationalisation

des ressources humaines, de managérialisation de l’action publique, d’évaluation des

interactant.e.s et des partenaires de la politique, en une preuve de la bonne gouvernance

de la politique publique européenne. En ce sens, le gender mainstreaming est

progressivement revenu aux fondamentaux de la politique d’égalité femmes-hommes, à

savoir la sphère économique. Légitimé par sa saisine par des secteurs autres que celui qui

l’a vu naître, il y a perdu en intensité politique en devenant un indicateur soumis à la

rationalisation de l’action publique.

Le gender mainstreaming a ainsi profondément modifié les objectifs, les hiérarchies

d’acteur.rice.s et les modalités de mise en œuvre de la politique d’égalité femmes-

hommes, et introduit un changement d’action publique. Diffus dans les rouages

bureaucratiques d’une Europe à dominante sociale et économique, le gender mainstreaming

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

34

s’adapte plus qu’il ne s’impose aux directions et programmes de travail de la

communauté.

4. Une action publique évaluée par nature

L’approche intégrée de l’égalité ne peut se construire en dehors d’une perspective

d’évaluation. Il est nécessaire d’opérer une détermination en amont des impacts d’une

politique publique de manière sexuée, c’est-à-dire une prévision ex ante des résultats de

l’action publique sur les femmes d’une part, et sur les hommes d’autre part. L’étude

d’impact permet d’évaluer les besoins de chacun et de chacune, de rendre visibles les

discriminations directes et indirectes induites, et donc de les corriger.

Pendant l’élaboration de la politique publique et sa mise en œuvre, il faut un suivi

permanent, puis une évaluation ex post des politiques publiques en s’attardant sur les

bénéficiaires réel.le.s de ces dernières, et en effectuant les réajustements et correctifs

nécessaires afin d’assurer l’égalité des femmes et des hommes. Il faut donc un continuum

évaluatif : le gender mainstreaming s’inscrit dans la culture de l’évaluation qui prévaut

aujourd’hui en matière de politique publique. Par conséquent, sa mise en pratique

nécessite des statistiques sexuées : Sandrine DAUPHIN précise d’ailleurs que « chiffrer

contribue à rendre visible les inégalités et à montrer, le cas échéant, leur ampleur afin de

déplacer le discours de "l’idéologie" ou du militantisme à la description des faits »44. En

2001, Sylvia WALBY45 distingue quatre critères pour s’assurer du caractère genré des

politiques publiques : le taux d’emploi des femmes, le taux de divorce et de naissance

hors mariage, le taux de fertilité, et le niveau de parité politique. Sandrine DAUPHIN

ajoute en 2010 celui de la participation des hommes aux activités domestiques46.

Le potentiel transformateur du gender mainstreaming tient en sa capacité de remise en

cause des modèles existants par la désignation de nouvelles priorités et objectifs. En

2002, Virginia FERREIRA souligne que ce « processus technique et politique exige des

changements de la part de tous les protagonistes »47, et donc dans la culture des

organisations et des modes de penser. Le gender budgeting et la LOLF en sont des exemples

concrets d’application : le budget n’est en effet pas un instrument politiquement neutre48.

En 2008, le Conseil de l’Europe préconise de procéder à une « évaluation des budgets

44 in Caroline RESSOT, « L’observatoire de la parité », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 171 45 Caroline RESSOT, Ibid., p. 188 46 Caroline RESSOT, Ibid., p. 188 47 Caroline RESSOT, Ibid., p. 183 48 Debbie BUDLENDER ou Diane ELSON ont d’ailleurs mis en exergue une élaboration androcentrée des finances publiques qui participe à renforcer les inégalités, comme le précise Caroline RESSOT, Ibid., p. 186

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

35

existants avec une perspective de genre à tous les niveaux » et « une restructuration des

revenus et des dépenses dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les

hommes ».

Cette culture d’évaluation communautaire impacte en outre tous les niveaux de

gouvernance, puisque les collectivités territoriales sont soumises à l’obligation de suivi

des programmes financés.

III. La Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les

hommes dans la vie locale49 : élaboration d’un outil-clé

La Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale est un texte

largement voire unanimement salué par les acteur.rice.s institutionnel.le.s rencontré.e.s

et lu.e.s dans le cadre de ce mémoire. En dix ans, cet instrument a permis de fédérer un

réseau significatif de collectivités territoriales, tant en France qu’au-delà de nos

frontières. L’Association Française du Conseil des Communes et des Régions d’Europe

(AFCCRE) est une actrice largement reconnue dans le champ institutionnel de l’égalité

femmes-hommes, en charge de la promotion de la Charte en France.

1. Une impulsion politique initiée en non-mixité

Le Conseil des Communes et des Régions d’Europe (CCRE) s’implique dans le

développement de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein du processus

décisionnel depuis 1983, année lors de laquelle se sont réunies 200 élues des communes,

provinces et régions d’Europe lors de la Rencontre des élues locales et régionales de la

Communauté européenne. Soulignant le rôle crucial de l’échelon territorial et des

collectivités pour une évolution équitable de la Communauté, il s’agit pour ces élues de

faire du niveau communautaire un vecteur puissant de promotion entre les femmes et

les hommes, à travers l’impact des politiques et des actions menées par les institutions

européennes sur les échelons infranationaux. Les deuxièmes Rencontres, en 1986, visent

à appuyer le programme communautaire initié la même année en faveur de l’égalité des

chances et insistent sur le caractère indispensable des interventions auprès des

49 Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, Conseil des Communes et des Régions d’Europe, 2006

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

36

gouvernements en faveur de l’harmonisation nationale des nouvelles directives en faveur

de l’égalité dans la vie professionnelle.

En 1988, les Rencontres portent sur « Les réponses des collectivités locales et régionales

d’Europe face aux défis de la société contemporaine » : violence dans les villes,

intégration des migrantes et initiatives envers la jeunesse sont plus particulièrement

débattues. Quatre ans plus tard, lors de sa création, la Commission permanente des élues

locales et régionales du CCRE se donne pour mission d’accroître la participation des

femmes à la vie politique et à la construction européenne. En son sein, les élues de

différents pays peuvent confronter leurs situations nationales respectives, partager leurs

expériences et pratiques positives, et se pencher sur l’impact des politiques européennes.

En 1996, lors des 20èmes États Généraux des Communes et Régions d’Europe de

Thessalonique, la Commission des élues du CCRE impulse un réseau européen des élues

locales et régionales à même d’améliorer le partage d’informations et de bonnes

pratiques. Plus de 1 600 élues dans 34 pays s’investissent pour créer des outils

d’information, organiser des séminaires sur la participation des femmes au niveau local

et mener des travaux de recherche sur la présence effective des femmes dans la vie

politique territoriale – permettant pour la première fois aux actrices de disposer de

données exhaustives sur le partage de l’exercice du pouvoir. La nécessité d’une évaluation

régulière de l’égalité femmes-hommes au sein du CCRE et de ses membres est affirmée

en 2000.

Le projet « La ville pour l’égalité » permet en 2005 de dessiner le portrait d’une

commune prenant en compte l’égalité de manière transversale, à travers les contributions

d’élues, de fonctionnaires et de représentantes de la société civile au sein du réseau du

CCRE.

2. Des débats au texte : contenu et exigences de la Charte européenne

pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale

Le projet de la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale

témoigne de la volonté d’inciter les collectivités à faire preuve de volontarisme politique

en ce sens. La Charte est initiée en 2006, et soutenue par la Commission européenne au

sein de son 5ème Programme d’action communautaire pour l’égalité entre les femmes et

les hommes. Cette Charte conjugue les différentes approches de l’égalité en Europe, en

prenant en compte les disparités en termes de compétences des échelons locaux. Signer

la Charte signifie s’impliquer publiquement en faveur de l’égalité entre les femmes et les

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

37

hommes, et concrétiser cet engagement à travers un plan d’actions et des interventions

dédiées, en partenariat avec les organismes du territoire.

Instrument juridique inventoriant des droits50, la Charte n’est cependant pas un cadre

contraignant : les objectifs posés visent à être remplis de manière progressive en faisant

des choix stratégiques quant aux priorités d’action publique. La collectivité signataire

intègre un réseau européen en faveur de l’égalité particulièrement dense.

La Charte se décompose en plusieurs champs d’action prioritaires :

• responsabilité démocratique et rôle du politique : promotion de l’égalité femmes-

hommes dans les responsabilités politique et civique et d’un accès égal aux canaux

d’information et aux mécanismes de consultation, élimination des stéréotypes

sexistes, etc. ;

• cadre général pour l’égalité : prise en compte de la multiplicité des discriminations

relatives au sexe et de la nécessité d’une élaboration, d’une mise en œuvre et d’une

évaluation des politiques publiques à l’aune du genre ;

• rôle de l’employeur.euse : efforts soutenus et volontarisme en faveur de l’égalité

professionnelle tout au long des politiques de ressources humaines, à travers

l’intervention de la hiérarchie, et dans le cadre du dialogue social ;

• fourniture de biens et de services : intégration de l’égalité femmes-hommes dans

les contrats conclus avec les délégataires privé.e.s ou public.que.s et dans les

subventions octroyées ;

• prestation de services : développement de l’intervention en faveur de l’égalité

femmes-hommes à travers les champs de compétences de la collectivité ;

• aménagement du territoire et développement durable : prise en compte de

l’égalité des sexes à travers les politiques de développement durable, mobilité,

transports, espace public, animation du territoire, etc.

• coopération décentralisée et jumelage : garantie de l’égale participation des

femmes et des hommes aux relations multilatérales, et intégration du genre dans

les politiques d’aide au développement.

Plus de 250 collectivités françaises sont signataires, dont les trois échelons plus

particulièrement étudiés ici : la mairie de Toulouse (en 2008), le département de la Haute-

Garonne (en 2015) et l’ancienne région Midi-Pyrénées (en 2009).

50 Dans son introduction, la Charte énonce que « l’égalité des femmes et des hommes est un droit fondamental pour toutes et tous, et constitue une valeur capitale pour la démocratie ».

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

38

Partie 2

Entre volontarisme politique et exécution administrative : des

instrumentations transversales communes

Les instrumentations transversales communes aux différents niveaux de collectivité

étudiées ne désignent pas l’approche intégrée du genre : il s’agit ici de s’intéresser aux

segments d’action publique partagés par les échelons locaux et qui peuvent être mis au

service du développement de l’égalité entre les femmes et les hommes, tant en interne

que sur le territoire de la collectivité.

I. La parité en tant que garante de l’égalité de représentation

politique

« Appliquée dans les différentes sphères de la vie citoyenne (politique, professionnelle

et sociale), la parité est un outil autant qu’une fin visant le partage à égalité du pouvoir

de représentation et de décision entre les femmes et les hommes. Elle est une exigence

de justice et de démocratie. » estime le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les

hommes dans l’édition 2016 du Guide de la parité – Des lois pour le partage à égalité des

responsabilités politiques, professionnelles et sociales51.

1. La progression vers la parité à l’échelle locale et l’extension à l’échelle

administrative

C’est la révision constitutionnelle du 8 juillet 199952 qui ouvre la voie à la législation

en faveur de la parité, qui s’est depuis progressivement déployée à partir du seul domaine

politique. La loi du 6 juin 2000 impose la parité par tranche de six pour les élections

régionales et municipales (pour les communes de 3 500 habitant.e.s et plus). La loi du 11

51 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Guide de la parité – Des lois pour le partage à égalité des responsabilités politiques, professionnelles et sociales, version au 24 août 2016, Pôle Conception graphique-Fabrication – DSAF, août 2016, p. 14 52 L’article 3 de la Constitution dispose que « la loi prévoit l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. ». La révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 étend la portée du concept paritaire en disposant que « la loi prévoit l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

39

avril 2003 augmente la portée du principe paritaire pour l’échelon régional, imposant

l’alternance stricte candidat-candidate.

Cette méthodologie d’application s’étend ensuite aux communes de 3 500 habitant.e.s et

plus avec la loi du 31 janvier 2007, qui crée également une obligation paritaire au sein

des exécutifs de ces deux niveaux de collectivités. Le système du ticket paritaire est

destiné aux départements, et prévoit que le.la candidat.e soit suppléé.e par une personne

de l’autre sexe.

La parité n’est pas un enjeu restreint à la représentation politique. Le partage effectif

du pouvoir et des responsabilités se joue également dans les sphères administrative,

économique, culturelle, sportive53…

La loi du 12 mars 2012, dite SAUVADET, prévoit la mise en place de quotas pour

favoriser l’accès des femmes aux postes de direction et au sein des jurys et des comités

de sélection dans le cadre des recrutements dans la fonction publique et de la promotion

des fonctionnaires (à la charge de l’autorité administrative organisatrice). La loi prévoit

que les comités de direction administrative (dans chaque versant de la fonction publique)

devront comporter au moins 40 % de personnes de chaque sexe à l’horizon 2017. Au

sein de l’ancienne région Midi-Pyrénées, la mission relative à l’égalité entre les femmes

et les hommes intervenait en tant qu’appui technique envers la direction des ressources

humaines pour répondre aux objectifs légaux.

Les scrutins de 2014 (élections municipales) et 2015 (élections départementales et

régionales) ont représenté des opportunités non-négligeables (voire inédites pour les

anciens conseils généraux, auparavant renouvelé par tiers) pour répondre aux impératifs

fixés par la loi, les changements d’exécutifs s’accompagnant d’évolutions plus ou moins

profondes à la tête de l’administration locale – notamment lorsqu’il y a une alternance

politique.

La loi du 17 mai 2013 est la dernière des lois dites « de parité » en matière de

représentation politique. Elle réforme le scrutin pour l'élection des conseiller.ère.s

départementaux.ales (anciennement généraux.ales), des conseiller.ère.s municipaux.ales

et des conseiller.ère.s communautaires. Désormais, les communes de 1 000 habitant.e.s

et plus (contre 3 500 habitant.e.s auparavant) élisent leur conseil municipal au scrutin de

liste, sans vote préférentiel ni panachage, en respectant l’alternance stricte candidate-

candidat. Les élections municipales sont également celles permettant de désigner les

53 La loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et les hommes instaure de nouvelles obligations paritaires dans un certain nombre de domaines : entreprises, syndicats, chambres de commerce et d’industrie, chambres d’agriculture, etc.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

40

conseiller.ère.s communautaires, issu.e.s des mêmes listes que les conseiller.ère.s

municipaux.ales (et respectant l’alternance stricte femmes-hommes).

L’élection des conseiller.ère.s départementaux.ales se fait désormais au scrutin binominal

majoritaire : sur chaque canton doit se présenter un binôme femme-homme. Le nombre

de cantons a donc été divisé par deux. Les exécutifs départementaux sont eux aussi

soumis à une exigence paritaire. Auparavant l’assemblée départementale était renouvelée

par moitié tous les trois ans ; désormais, le renouvellement est intégral, une fois tous les

six ans. Les premières élections instaurant la parité intégrale dans les assemblées

départementales et leurs exécutifs ont eu lieu en mars 2015. Les présidentes de conseils

départementaux, même si elles ont doublé leur nombre, sont restées extrêmement

minoritaires, passant de cinq à dix.

En 2009, à propos du scrutin présidentiel, Mariette SINEAU souligne qu’« A

l’aspiration croissante des femmes à s’imposer aux plus hauts niveaux de la pyramide des

pouvoirs correspond aussi un changement radical des représentations : l’opinion

publique est passée d’une sorte de méfiance misogyne généralisée à une culture paritaire

largement partagée. En 1974, près de 70 % des personnes interrogées se disaient encore

opposées à ce qu’une femme devienne présidente de la République ; alors qu’aujourd’hui,

plus de 90 % y sont favorables. Les Français des deux sexes souhaitent être dirigés par

des élites plus ouvertes au monde et empreintes de mixité, paraissant convaincus que la

démocratisation de la République passe par la rotation des élus. Surtout dans un pays

comme la France où le cumul des mandats et des fonctions prend les allures d’un

accaparement du pouvoir par les mêmes. L’aspiration des femmes à participer à la

définition du bien commun entre ainsi en résonance avec les attentes d’une société de

plus en plus critique et cultivée, lasse de voir le pays dirigé par des élites "machistes",

vieillissantes et sclérosées »54.

2. Les assemblées départementales, de 13,9 % à 50,1 % de conseillères55

Les recherches de Vincent GALIBERT56 portent sur la mise en place des binômes

paritaires lors des élections départementales de Seine-Saint-Denis. Issues de l’étude de

situations locales, son analyse n’a pas vocation à faire émerger des réalités applicables à

54 Mariette SINEAU, La force du nombre. Femmes et démocratie présidentielle, Éditions de l’aube, mars 2009, p. 183 55 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Guide de la parité – Des lois pour le partage à égalité des responsabilités politiques, professionnelles et sociales, version au 24 août 2016, Pôle Conception graphique-Fabrication – DSAF, août 2016, p. 22 56 Vincent GALIBERT, La soif d’égalité, la voie de la parité – La production des binômes femmes-hommes lors des élections départementales en Seine-Saint-Denis, mémoire de fin d’études, Sciences Po, 2016

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

41

l’ensemble du territoire. Toutefois, certaines régularités dégagées ne sont pas produites

par des spécificités locales mais bien par un comportement particulier du personnel

politique, incorporé dans les pratiques : il s’agit de voir dans quelle mesure ces

observations peuvent être transposées au cas de la Haute-Garonne.

Une fois la parité mathématiquement acquise, il s’agit d’aller observer la répartition

effective du pouvoir, mais également les changements induits par la pratique du binôme,

la répartition sexuée des délégations, etc. Cela démarre dès l’étude des critères de

construction des co-candidatures : sont-elles déséquilibrées au profit des hommes ? Le

cas de la Seine-Saint-Denis montre que le premier critère de constitution des

candidatures est la détention d’un mandat local, et par extension d’une notoriété

territoriale, ce qui avantage majoritairement les hommes qui sont en général les premiers

désignés du binôme. L’équilibre existe davantage dans l’anonymat et le non-cumul, c’est-

à-dire lorsque le binôme est constitué de deux personnes n’ayant pas de mandat.

Il faut également s’attacher à observer la proportion de sortant.e.s candidat.e.s et la

proportion de ré-élu.e.s dans la nouvelle assemblée départementale. Cela permet de

relativiser le renouvellement effectif de l’assemblée. L’âge et la catégorie socio-

professionnelle ne semblent pas être des facteurs de déséquilibre dans le binôme, mais

davantage des vecteurs de discrimination plus globaux pour être candidat.e. La

surreprésentation des cadres et professions intellectuelles supérieures dans les

candidatures se poursuit. Les candidatures reproduisent également la division sexuée du

marché du travail.

Concernant le déroulement de la campagne électorale, le fait d’avoir un ticket paritaire a

désamorcé un certain nombre de déséquilibres : la parité ne pouvait pas être utilisée

comme un argument politique, comme ce fut le cas pour les municipales et comme cela

sera probablement le cas pour les législatives.

La pratique des binômes paritaires est encore très récente, et il est complexe de faire

émerger des idéaux-types, ou du moins des profils relativement génériques de binômes.

Néanmoins, il est possible de s’appuyer sur les témoignages des élu.e.s dans la presse

lorsqu’ils et elles sont interrogé.e.s sur la pratique d’une assemblée paritaire, ou bien lors

d’entretiens.

Sous couvert d’anonymat, un collaborateur du groupe socialiste, radical et progressiste

du Conseil départemental de la Haute-Garonne (groupe majoritaire) estime que « deux

tiers des binômes fonctionnent ». Il évalue les facteurs d’échec relatifs d’un binôme à une

« question de personnalité, [une] question d’ambition, probablement [à] une part de

sexisme chez certains ». Quant aux vecteurs de réussite, il estime que « souvent, les deux

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

42

membres d’un binôme avaient un niveau équivalent de responsabilité avant d’être élu.e.s,

ou n’en avaient pas. Il n’y avait pas de disparité au niveau des responsabilités avant

l’élection ». Cela tient beaucoup également à la communication entre les élu.e.s. En outre,

« principalement, les binômes qui fonctionnent sont ceux qui se voient très souvent,

dont chacun.e des membres à du travail et des choses à faire » pour l’assemblée

départementale. In fine, « l’instauration des binômes, maintenant, tout le monde s’y est

fait. Tout le monde considère que c’est acté. Même s’il y en a [des élu.e.s] qui estiment

être plus légitimes ».

Le Monde des dimanche 24 et lundi 25 avril 2016 se penche lui aussi sur « Les

départements à l’heure de la parité »57, en effectuant un focus sur le conseil départemental

de l’Orne. Avant le scrutin de 2015, l’assemblée comptait 37 conseillers généraux, et 4

conseillères générale. Pour le président Alain LAMBERT (divers droite), initialement

inquiet quant à la mise en œuvre de cette loi, considère désormais que « Tous les anciens

élus vous diront que c’est mieux aujourd’hui qu’avant. Ça a changé totalement le

paradigme des conseils départementaux. Avant, tout marchait à l’ancienneté. C’est un

nouveau monde ». Là encore, la parité est mise à l’épreuve des pratiques existantes, et

plus précisément par les élus sortants, qui ne se satisfont pas systématiquement de la fin

de l’exercice du pouvoir en solitaire sur leur canton. Les commentaires se teintent parfois

de condescendance et d’un paternalisme sous-jacent, non-exempt de stéréotypes de

sexe : Christophe DE BALORRE, vice-président, souligne d’une part que « Ça a changé

l’ambiance, c’est beaucoup plus agréable aujourd’hui », mais nuance sa satisfaction au fait

que sa collègue « [tienne] sa place ». Il considère également les conseillères

départementales comme « beaucoup moins politiques que nous, elles ont un naturel

déconcertant […] elles ont un peu plus de mal à rentrer dans le moule »58.

Cette réflexion, particulièrement significative, renvoie à un certain nombre de discours

essentialistes, drapés dans des considérations sur ce qui serait naturel ou ne le serait pas

pour chacun des sexes. Comme le souligne Isabelle LACOUE-LABARTHE dans le

chapitre portant sur l’appartenance sexuée du cours « Histoire des sentiments

d’appartenance », l’identité sexuée est un fait social construit59, qui transparait à travers

57 Béatrice JÉRÔME, « Les départements à l’heure de la parité », Le Monde, 24-25 avril 2016 58 Sur la critique du « naturel déconcertant » des élues, on peut ici faire référence à Marlène COULOMB-GULLY et Juliette RENNES : « Une nouvelle génération de politistes […] s’inscrivent dans cette perspective [historique large] pour analyser le fonctionnement contemporain des discriminations dans l’accès aux fonctions d’élu(e). Ces chercheuses analysent l’usage ambigu des qualités réputées "féminines", dévalorisées voire handicapantes pour accéder aux positions de pouvoir. Le "sens de la proximité", le "goût du concret" et du "contact", l’"écoute" et la "disponibilité" », in Marlène COULOMB-GULLY, Juliette RENNES, « Genre, politique et analyse du discours. Une tradition épistémologique française gender blind », Mots. Les langages du politique, n° 94, 2010, p. 176 59 Ervin GOFFMAN évoque une socialisation différentielle dans les processus de construction de l’identité sexuée. Il écarte la dimension biologique, qui relève d’un « étiquetage » à partir de l’examen du corps de l’enfant. Cette

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

43

différentes études comparatives mobilisées par des sociologues. Christian BAUDELOT

et Roger ESTABLET60 restituent l’histoire de cette identité sexuée, et mettent en exergue

la manière dont le territoire naturel s’est réduit à peau de chagrin : la supériorité

masculine, affirmée au XIXème siècle, a cessé d’être une donnée naturelle. Leurs études

montrent que d’une société à une autre, il y a une construction de rôles différentiés entre

femmes et hommes. L’inégalité des statuts entre elles et eux est une constante dans cette

distribution du fait de l’interprétation de la biologie. Celle-ci vise très largement à réduire

le rôle des femmes à des fonctions maternelles et à leurs dérivés, tandis que les hommes,

non contraints par la biologie, bénéficieraient d’un plus large éventail de possibilités, de

rôles, de compétences.

Gilles PIRMAN, conseiller départemental (Les Républicains) de l’Yonne, estime que

« Les hommes maîtrisent mieux les enjeux de pouvoir que les femmes pour la plupart

novices. Du coup, ils s’imposent plus facilement dans les séances et les arbitrages ». Le

poids du vécu électoral et des interconnaissances ancrées au sein du personnel politique

masculin semble donc impacter négativement les marges de manœuvre des conseillères

départementales61. « Elle tient sa place, elle s’y met plutôt bien », observe M. DE

BALORRE à propos de sa binôme, « Quand il y a des choses qui ne me conviennent

pas, on s’en explique. Si on veut que ça se passe bien, il faut quand même un peu la

préparer. Maintenant, je ne reviendrais pas dessus. Avant, j’étais un grand solitaire.

Travailler en équipe, ça peut parfois me provoquer quelques irritations, mais,

globalement, ça m’apporte un plus »62.

Marie-Françoise FROUEL, nouvellement élue au département et vice-présidente elle

aussi, estime que les difficultés dépendent notamment de la composition des binômes :

« Un binôme tout neuf a tout appris ensemble ; un binôme où il y avait déjà un élu a dû

apprendre à travailler à deux. ». La conciliation des temps semble également plus

socialisation induit des comportements et des rôles sociaux différents selon le sexe, qui conduisent à des normes et à des situations de domination du masculin sur le féminin. L’anthropologue Françoise LHÉRITIER a construit le concept de « valence différentielle des sexes » pour qualifier la valeur sociale moindre attribuée aux femmes et aux filles dans les sociétés humaines, permettant la « domination sociale du principe masculin ». 60 Christian BAUDELOT et Roger ESTABLET, Quoi de neuf chez les filles ? Entre stéréotypes et libertés, Paris, Nathan, 2007 61 Le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes milite pour une évolution de la « parité quantitative » à la « parité qualitative », au regard de la persistance des phénomènes d’autocensure ou encore de la sexuation des délégations et des commissions : « La parité ne se limite pas uniquement à un objectif de 50/50. Elle représente également l’occasion de s’interroger sur la distribution des rôles sexués entre les femmes et les hommes. En effet, les hommes continuent d’être majoritaires parmi les délégations dites masculines, comme celles des finances, alors que les femmes le sont sur des délégations dites féminines telles que celles consacrées à la petite enfance. Les commissions "masculines" sont généralement perçues comme plus complexes, plus valorisées et source d’un plus grand pouvoir politique », in Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Guide de la parité – Des lois pour le partage à égalité des responsabilités politiques, professionnelles et sociales, version au 24 août 2016, Pôle Conception graphique-Fabrication – DSAF, août 2016, p. 29 62 Béatrice JÉRÔME, « Les départements à l’heure de la parité », Le Monde, 24-25 avril 2016

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

44

problématique pour les élues que pour leurs collègues masculins, puisque « ce sont plutôt

les femmes qui prennent un temps partiel » pour répondre à leurs obligations.

Concernant l’apparition des binômes paritaires, les figures de style liées au couple

hétérosexuel se multiplient, parfois sur le ton de l’humour – « Ce n’est pas parce qu’on

est binôme qu’on est mari et femme » rit Marie-Françoise FROUEL, qui raconte avoir

déjà été présentée à une cérémonie officielle comme l’épouse de son binôme, d’autres

filant la métaphore sous couvert d’une analyse politique généraliste, notamment parmi

les membres de l’opposition au gouvernement. Le sénateur Éric DOLIGÉ, ancien

président (LR) du Loiret, estime que « Penser que les binômes font pour la plupart bon

ménage est une idée fictive. » : « Beaucoup sont des mariages forcés. Il suffit qu’ils n’aient

pas les mêmes méthodes ni les mêmes idées pour que l’un des deux prenne le dessus. Et

ça finit par des divorces ». Pour Dominique BUSSEREAU, président (LR) de

l’Assemblée des Départements de France, « La vie des binômes, c’est comme la vie des

couples : il y a des hauts et des bas. Il y en a déjà qui ne se parlent plus. »63.

Du côté des élu.e.s du Parti socialiste, les commentaires sont plus élogieux. André

VIOLA, président du conseil départemental de l’Aude et du groupe des départements

de gauche à l’ADF, se félicite de la « féminisation » (il n’y avait en 2011 que 13,9 % de

conseillères générales) et du « rajeunissement des assemblées », « sans nuire à l’ancrage

des élus dans leur territoire ». Nathalie SARRABEZOLLES, présidente du Finistère, met

en exergue les légitimités égales des conseillères et des conseillers « parce qu’elles ont été

élues sur leur nom au même titre qu’eux. Un scrutin de liste paritaire ne leur aurait sans

doute pas permis de s’imposer aussi vite sur un pied d’égalité face à des hommes plus

souvent sortants qu’elles ». Ce panorama non-exhaustif des réactions du personnel

politique à la parité départementale intégrale permet pour finir de présenter un dernier

argument en sa faveur, à travers les propos de la présidente des Pyrénées-Orientales,

Hermeline MALHERBE : « Représenter à deux un même canton permet de confronter

les points de vue. Ce qui rassure les élus sur le bien-fondé des décisions »64.

L’extension de la parité au domaine départemental ne s’est pas fait sans tensions,

notamment de la part du personnel politique sortant. Il est donc nécessaire d’analyser la

manière dont l’exclusion des femmes se recompose, et plus particulièrement à travers

l’organisation d’une répartition sexuée des responsabilités. Il s’agit d’être attentif.ve aux

hiérarchies de prestiges sous-jacentes65, sans occulter le fait qu’elles ont été produites sur

63 Béatrice JÉRÔME, « Les départements à l’heure de la parité », Le Monde, 24-25 avril 2016 64 Béatrice JÉRÔME, Ibid. 65 Concernant la persistance d’une répartition sexuée des postes de pouvoir et des ressources symboliques au sein du personnel politique, le rapport sur la situation locale en matière d’égalité entre les femmes et les hommes peut

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

45

le long terme, socialement et politiquement, par des rapports de domination sexués.

L’égalité se joue également sur les opportunités à transformer les normes du jeu

politique, sur la capacité des femmes et des hommes à s’affranchir des cadres stéréotypés

dans lesquels elles et ils évoluent.

3. Le Conseil départemental de la Haute-Garonne à l’heure de la parité

Au regard de ces analyses spécifiques, on peut considérer que l’observation des

binômes constitue une entrée en matière cohérente quant à la lutte contre le sexisme et

la reproduction des stéréotypes de sexe parmi le personnel politique, deux prérequis à la

mise en œuvre d’une approche intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’éclairage de Christine STÉBENET, conseillère départementale de la Haute-Garonne

nouvellement élue en charge de la délégation à l’égalité entre les femmes et les hommes,

a ici constitué un apport significatif. Elle considère que la réussite des binômes tient

d’abord aux personnalités et à l’historique, sans négliger un effet de génération. De

nombreux élus issus de l’assemblée départementale sortante estiment avoir remporté de

nouveau leur siège sur leurs noms propres, sans que leur binôme féminine y ait contribué

(on retrouve ici l’argument de légitimité en vertu de l’ancienneté, régulièrement mobilisé

pour faire barrage à la diversification du personnel politique). Dès lors, ils se refusent à

partager des informations avec leur co-conseillère. Se pose en outre la problématique du

partage des moyens matériels (secrétariats, bureaux), qui ne répond à aucune obligation

réglementaire – puisqu’une fois désigné.e.s, les élu.e.s sont autonomes dans la manière

d’accomplir leur mandat – mais dépend d’arbitrages internes66 : certain.e.s élu.e.s

sortant.e.s ne veulent pas voir diminuer les prérogatives détenues sous le mandat

précédent (il s’agit toutefois d’une minorité de binômes). Cela est dû à un sexisme

inavoué, « impalpable » pour certains ré-élus.

D’autres binômes ont fait le choix de se partager le canton et travaillent de facto peu de

concert. La dimension de la superficie géographique du canton entre ici en ligne de

compte.

Enfin, d’autres duos fonctionnent de manière harmonieuse voire exemplaire. C’est le

cas de celui de Christine STÉBENET et Julien KLOTZ. Julien KLOTZ était sous le

constituer un levier de mise en lumière de la persistance des rôles sociaux de sexe parmi les élu.e.s et la haute administration de la collectivité. 66 Afin de prévenir une multiplication des dépenses consécutives à la mise en place de binômes d’élu.e.s sur un canton, l’administration du département de la Haute-Garonne met à disposition un bureau et deux collaborateur.rice.s d’élu.e par binôme sauf s’il y a dans le binôme deux vice-président.e.s et/ou président.e.s de commission, qui disposent dans ce cas d’un bureau et de deux collaborateur.rice.s d’élu.e chacun.e (source interne au département).

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

46

mandat précédent suppléant de la députée Martine MARTINEL, qui a fait le choix lors

de son arrivée en position éligible de se retirer au profit de son mandat municipal : il a

ainsi occupé le poste de conseiller général pendant quelques mois avant le

renouvellement de l’assemblée. Les deux élu.e.s partagent leurs moyens matériels, jusqu’à

un agenda électronique (qui est passé d’outil de campagne à outil de travail). Élu à la

commission permanente, Julien KLOTZ tient Christine STÉBENET informée de la

teneur des échanges après chaque session. La mutualisation des informations et des

compte-rendus de réunion va dans les deux sens.

Concernant les nominations dans les organismes extérieurs (qui peuvent être

considérées comme un indicateur secondaire de l’effectivité de la parité), Christine

STÉBENET considère qu’il n’y a « pas de raison de râler » étant donné que ce processus

s’est enclenché à la suite d’un appel à candidatures envers les élu.e.s, lequel a débouché

sur des désignations en fonction des centres d’intérêts, des délégations, des associations

concernées ou du canton. Elle-même a de nombreuses interactions avec le mouvement

féministe local et les associations qui le tissent.

Le dialogue avec le monde associatif féministe est plus facile depuis que les associations

ont pris conscience que la volonté d’inscrire une politique d’égalité entre les femmes et

les hommes au niveau départemental n’était pas un affichage, mais prenait du temps.

Cette volonté de s’inscrire et d’inscrire l’action du département au sein de réseaux

féministes fait partie de la démarche adoptée par la conseillère départementale dans le

processus d’élaboration de la politique d’égalité femmes-hommes. Elle s’est appuyée sur

le processus mis en œuvre par l’ancienne région Midi-Pyrénées et a cherché à identifier

des modèles départementaux.

Sous l’ère de Pierre IZARD, Président du Conseil général de 1988 à 2015, il n’y avait

pas de volonté d’affichage en la matière. Cela ne signifie pas que la problématique de

l’égalité entre les femmes et les hommes n’était pas prise en compte, mais il y avait peu

de dynamisme. Il y a eu de nombreuses directrices générales adjointes, sans qu’une

répartition sexuée des domaines de compétence ne soit particulièrement flagrante aux

yeux de Christine STÉBENET – qui souligne au passage qu’au regard de la durée du

mandat présidentiel de Pierre IZARD et de la fréquence des changements dans

l’organigramme administratif, il est difficile de faire émerger des régularités, mais aucune

délégation dédiée à l’égalité entre les femmes et les hommes n’a été installé. Ainsi, le

principe d’adhérer à la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie

locale avait été acté, mais jamais voté.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

47

L’adhésion du Conseil départemental à ladite Charte s’est faite très rapidement sous la

nouvelle présidence : l’assemblée l’a votée presqu’immédiatement après que Christine

STÉBENET ait soumis l’idée à Georges MÉRIC, à l’unanimité à l’exception des trois

élu.e.s de l’opposition qui récusaient l’emploi du terme « genre » au sein de la Charte.

Cette adhésion s’est accompagnée d’une communication spécifique du département à

l’occasion du 8 mars, journée internationale des droits des femmes – cette démarche de

communication autour des journées dédiées aux droits des femmes se reproduira le 25

novembre dans le cadre de la journée internationale pour l’élimination de la violence à

l’égard des femmes.

En tant que déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’élue – qui avait

d’ailleurs proposé la création de cette délégation au Président sans rencontrer aucun

obstacle – souligne un volontarisme politique effectif, mais ajoute qu’« il a fallu tout

créer » et qu’il est nécessaire de « bousculer l’équipe dirigeante » même si « la loi [nous]

aide ». La dimension de l’égalité entre les femmes et les hommes a été créée dans le

portefeuille d’un des conseiller.ère.s du cabinet du Président, afin qu’il y ait un relais

direct avec l’exécutif. La délégation va bénéficier d’un « petit budget », qui n’était pas

acquis lors de l’élection de la nouvelle assemblée, et le directeur général des services a

accepté de consacrer un poste dans l’administration à cette question – sans toutefois

créer un nouvel emploi : compte-tenu des contraintes budgétaires, il s’agit d’une agente

en reconversion interne. Cette personne a la volonté d’aller au-delà d’une politique

d’égalité des sexes et des genres envisagée uniquement sous l’optique des ressources

humaines, même si elle fait partie de la direction des ressources humaines. Une

fonctionnaire de la direction générale des services s’occupe en outre d’envisager la

politique d’égalité femmes-hommes de manière transversale, à travers le répertoire des

politiques publiques départementales, afin de mesurer ce qui est fait et qui participe à la

défense des droits des femmes et à la promotion de l’égalité mais n’est pas étiqueté en

tant que tel (cette agente n’intervient toutefois qu’à travers un rôle d’appui).

Cependant, la part de la direction des ressources humaines dans la mise en œuvre de la

politique d’égalité entre les femmes et les hommes reste déterminante en termes de

pilotage administratif. Christine STÉBENET reconnait que le département n’est pas prêt

à la mise en œuvre d’une approche transversale : elle est actuellement dans une phase de

rencontres avec chacun.e des vice-président.e.s afin d’opérer un bilan et d’identifier les

leviers qu’il serait possible d’envisager au sein des politiques thématiques menées.

Enfin, l’exécutif du département de la Haute-Garonne fait mentir les stéréotypes de

sexe du point de vue de Christine STÉBENET. L’équipe des vice-président.e.s est

paritaire, comme l’exige la loi. La première vice-présidence est assurée par une femme :

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

48

elle est chargée du Développement territorial, de l'Aménagement du territoire et du

Tourisme. Les affaires sociales sont gérées à travers quatre portefeuilles : trois vice-

présidents (dont l’un est en charge de la petite enfance) et une vice-présidente. Les

Transports sont à la charge d’une vice-présidente. Le Centre départemental d’incendie

et de secours est présidée par une conseillère départementale. Il y a tout de même eu une

continuité avec les vice-présidences déjà en place.

La parité est également assurée au niveau des commissions : si la présidence est assurée

par une élue, alors la vice-présidence revient à un homme, et réciproquement. Christine

STÉBENET souligne d’ailleurs que cette organisation s’est faite naturellement, sans

intervention de sa part, d’autant plus qu’elle n’avait pas encore été désignée lors de la

mise en place de ce système.

Les freins à la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes ne sont

pas dus à une inefficacité de la parité, mais plutôt à des volontés de préservation de

quelques vice-président.e.s vis-à-vis de leurs prérogatives : ils tiennent davantage au

positionnement hiérarchique de la délégation à l’égalité femmes-hommes, inférieur à

celui des vice-présidences. Cela ne signifie pas pour autant que la problématique de

l’égalité femmes-hommes est admise par tou.te.s, comme on peut l’observer avec le

fonctionnement de certains binômes et le manque de reconnaissance de certains élus

envers leur co-conseillères. Christine STÉBENET souhaite organiser une session de

sensibilisation de ses collègues sur cette question, mais anticipe déjà les réticences et les

critiques que cette proposition va engendrer, et les remises en cause de l’utilité de cette

formation par certains, essentiellement des élus sortants.

4. Région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée et mairie de Toulouse :

deux signalétiques paritaires opposées

Dans le nouvel exécutif de la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée, Nadia

BAKIRI, présidente de la commission relative à l’égalité entre les femmes et les hommes,

met en exergue le fait qu’« il y a plus de femmes que d’hommes vice-président.e.s, huit

femmes pour sept hommes. Une présidente, et la première vice-présidente est une

femme, et le portefeuille du développement économique, innovation, enseignement

supérieur et recherche, qui est un gros portefeuille, a été donnée à une femme » (en

l’occurrence Nadia PELLEFIGUE, auparavant vice-présidente aux Finances, à

l’Enseignement supérieur, la Recherche et à l’Égalité entre les femmes et les hommes).

Les régions font depuis longtemps figure d’exemple en matière de parité vis-à-vis des

autres échelons de collectivités territoriales : le HCE estime ainsi que « la parité

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

49

quantitative est quasiment atteinte dans les conseils régionaux et dans leur exécutif

depuis la loi du 31 janvier 2007 »67. Au niveau de l’administration, « la Région est en train

de se réorganiser. Je pense que la vie privée pour les nominations à des postes de

directions ou de directions générales n’est absolument pas prise en compte » : on a une

« majorité de femmes dans l’institution qui ont les compétences, et c’est ce que la

Présidente regarde. Il y a la parité parmi les directeur.rice.s de service » (Nadia BAKIRI).

Si le couple féminin présidente – première vice-présidente fait figure d’exception à la tête

de l’exécutif politique, la personne nommée à la direction générale des services par la

présidente est un homme. De même, à l’interface entre sphère politique et sphère

administrative, les postes de direction et direction adjointe du cabinet sont occupés par

trois hommes (il y a un directeur de cabinet et deux directeurs de cabinet adjoints).

L’exemplarité politique de l’exécutif politique régional ne s’est donc pas reproduit au

plus haut niveau administratif.

La direction administrative de la mairie de Toulouse est mixte mais pas paritaire sur

les emplois fonctionnels, les plus importants sur la collectivité : il y en a cinq au niveau

de la ville, trois hommes et deux femmes. La direction générale des services est assurée

par un homme, et les quatre postes de direction générale adjointe sont occupés par deux

femmes et deux hommes. Cependant, cette parité relative ne fait pas tout.

Suite aux élections municipales et à la victoire de la liste de Jean-Luc MOUDENC

(paritaire, comme la loi l’exigeait, avec alternance stricte femme-homme), le poste de

premier.ère adjoint.e n’a pas été confié à la candidate en deuxième position sur la liste

(Laurence ARRIBAGÉ) mais à un homme.

Comme le soulignent les travaux de Michel KOEBEL sur la division sexuée du travail

au sein des exécutifs municipaux en France, il y a davantage de premiers adjoints que de

premières adjointes, quand bien même il s’agit d’un maire. Le sexe est une des variables

les plus discriminantes en matière de pouvoir68 : « l’inertie de la domination masculine

resurgit en force là où la loi ne peut pas s’appliquer […]. Et que dire des postes les plus

convoités, à commencer par ceux de maire ? Ils seront une fois de plus accaparés par des

67 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, Guide de la parité – Des lois pour le partage à égalité des responsabilités politiques, professionnelles et sociales, version au 2 août 2016, Pôle Conception graphique-Fabrication – DSAF, août 2016 68 Michel KOEBEL souligne notamment que : « Les élus sont également – et peut-être avant tout – des agents qui occupent une position dans l’espace social. Nous insisterons sur les effets de quatre variables : la profession, le niveau de diplôme, le sexe et l’âge. L’étude du champ politique a montré que ces quatre caractéristiques sont des filtres puissants dans le processus électoral. Leurs effets ne se limitent pas aux fonctions politiques les plus élevées : ils concernent également l’espace politique local. […] Même au sein des exécutifs, la parité reste d’abord mathématique » in Michel KOEBEL, « Les hiérarchies du pouvoir local », Les enjeux des élections municipales, Savoir/Agir, n° 25, 2013, pp. 31-37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

50

hommes qui, tous, auront de bonnes raisons pour justifier leur maintien en tête de liste.

[…] Ainsi va la "violence symbolique" »69.

Lors du mandat précédent, cela n’avait pas été le cas : le poste de premier.ère adjoint.e

au Maire (Pierre COHEN) était occupé par Gisèle VERNIOL. En entretien, Madeleine

DUPUIS, conseillère municipale déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes

sous cette mandature, a plusieurs fois souligné le volontarisme politique du Maire de

Toulouse en la matière. Cela étant, l’élue a dû faire face à des réactions de rejet,

d’incompréhension, voire de mépris. « Les réticences sont surtout venues des hommes

qui ne comprenaient pas pourquoi on s’acharnait à vouloir l’égalité parce qu’eux ne

mesuraient pas ce sentiment d’inégalité » : il y avait des « sourires entendus de certains

élus qui trouvaient que c’était vraiment un sujet peu intéressant ».

Ce mépris a été vécu comme un fardeau : « c’est ça le poids : il y avait une prise de

conscience chez eux qui n’existait pas ». Le comportement des élus en question témoigne

d’un refus de considérer le partage effectif des postes de pouvoir et des responsabilités

comme une revendication légitime du mouvement féministe : « ils considéraient qu’ils

n’avaient pas à partager le pouvoir », qu’« eux faisaient très bien de la politique, donc

pourquoi avoir des femmes élues ? », « ils n’avaient pas besoin de nous ».

Au niveau administratif, un.e agent.e explique, sous couvert d’anonymat, que « sur

notre direction, la directrice générale déléguée est complètement en accord », au-dessus,

le directeur général adjoint « porte moins d’intérêt », et en haut de la hiérarchie, « le DGS

porte encore moins d’intérêt ». C’est la volonté de l’élue en charge de l’égalité femmes-

hommes, Julie ESCUDIER, de passer « par la haute administration pour que ça

redescende ». Mais dernièrement, dans le cadre de l’élaboration du plan d’action, une

rencontre de 30 minutes avec Isabelle GUEGUEN était prévue et seulement 10 minutes

ont été accordées au final.

Les interrogations sont persistantes quant à l’intérêt et les enjeux de l’égalité femmes-

hommes. On peut parler d’une « haute administration qui ne porte pas beaucoup

d’intérêt mais n’empêche pas de faire (n+2, n+3), alors que le n+1 (directeur.rice.s) est

plus enthousiaste, à l’instar des élu.e.s ». « Toulouse paiera probablement une amende »

pour ne pas avoir rempli les quotas paritaires pour sa haute administration.

69 Michel KOEBEL, « Les hiérarchies du pouvoir local », Les enjeux des élections municipales, Savoir/Agir, n° 25, 2013, pp. 31-37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

51

II. Le rôle stratégique de la gestion des ressources humaines

La dimension des ressources humaines est un axe stratégique pour les collectivités

territoriales : en effet, en tant qu’employeuses, elles ont l’opportunité voire la

responsabilité de faire preuve d’exemplarité en matière d’égalité professionnelle. La loi

du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes insiste d’ailleurs sur

ce point, dès le premier article :

L'État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, mettent en

œuvre une politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes selon une approche

intégrée. Ils veillent à l'évaluation de l'ensemble de leurs actions. La politique pour

l'égalité entre les femmes et les hommes comporte notamment :

1° Des actions de prévention et de protection permettant de lutter contre les violences

faites aux femmes et les atteintes à leur dignité ;

2° Des actions visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel ;

3° Des actions destinées à prévenir et à lutter contre les stéréotypes sexistes ;

4° Des actions visant à assurer aux femmes la maîtrise de leur sexualité, notamment par

l'accès à la contraception et à l'interruption volontaire de grossesse ;

5° Des actions de lutte contre la précarité des femmes ;

6° Des actions visant à garantir l'égalité professionnelle et salariale et la mixité dans les

métiers ;

7° Des actions tendant à favoriser une meilleure articulation des temps de vie et un

partage équilibré des responsabilités parentales ;

8° Des actions visant à favoriser l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats

électoraux et aux fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et

sociales ;

9° Des actions visant à garantir l'égalité de traitement entre les femmes et les hommes et

leur égal accès à la création et à la production culturelle et artistique, ainsi qu'à la diffusion

des œuvres ;

10° Des actions visant à porter à la connaissance du public les recherches françaises et

internationales sur la construction sociale des rôles sexués.

Les points 6 et 7 entrent ici spécifiquement dans le champ des ressources humaines. Le

décret du 24 juin 2015 relatif au rapport sur la situation en matière d'égalité entre les

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

52

femmes et les hommes intéressant les collectivités territoriales précise que ledit rapport

doit présenter la politique de ressources humaines de la collectivité concernant les

dispositions d’égalité professionnelle.

A ce titre, chacune des grilles d’entretien préparées dans le cadre de ce mémoire

comportait des questions relatives aux compétences des directions des ressources

humaines : recrutement, formation, promotion, rémunération, congés parentaux, etc.

Deux entretiens ont pu être menées avec des agent.e.s travaillant sur l’égalité entre les

femmes et les hommes au sein de ces directions : l’un avec Lionel FERNANDES, en

charge de la lutte contre les discriminations et le harcèlement et référent à l’égalité entre

les femmes et les hommes de la direction des ressources humaines de la mairie de

Toulouse et de Toulouse Métropole70, l’autre avec Corine BLANC-DORONIS, du

service « organigramme et prospective » (qui prend en charge les bilans sociaux et les

statistiques relatives au personnel) de la direction des ressources humaines du

département de la Haute-Garonne.

1. Un arsenal législatif déployé tardivement dans la fonction publique

face à des inégalités ancrées

Dès 1983, la loi ROUDY prévoyait pour le secteur privé la rédaction d’un rapport

comparatif des situations des femmes et des hommes et l’élaboration d’un plan d’action

favorisant l’égalité professionnelle. Cette contrainte ne s’imposera pas aux établissements

publics avant la loi SAUVADET de 2012, près de 30 ans plus tard. Ce décalage témoigne

de la puissance de la présomption d’universalité et de neutralité quant au genre des

politiques publiques : acquis.e aux valeurs du service public, le.la législateur.rice semble

avoir tendance à considérer la perpétuation des inégalités entre les sexes comme un biais

majoritairement produit par le secteur privé : « le statut de fonctionnaire garantirait

l’égalité de traitement » 71, comme le rappellent Paul DAULNY et Isabelle GUEGUEN

dans le guide Égalité professionnelle – Réaliser un rapport de situation comparée.

Pour autant, comme évoqué en introduction, quelques statistiques (issues des données

2012 et 2013 de la Direction générale de l’administration et de la fonction publique)

mettent en lumière la réalité des inégalités dans la fonction publique, et la fonction

publique territoriale ne fait pas exception. L’écart de salaire net mensuel pour un

Équivalent Temps Plein (ETP) entre une femme et un homme s’élève à 10,3 % en

70 La direction des ressources humaines est mutualisée entre le niveau municipal et le niveau métropolitain. Les échanges avec Lionel FERNANDES ont porté exclusivement sur l’échelon de la mairie de Toulouse. 71 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUÉGUEN (Perfégal), Égalité professionnelle – Réaliser un rapport de situation comparée, Centre Hubertine Auclert, mars 2016, p. 7

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

53

201272. Ce gender gap est dû à plusieurs facteurs : la non-mixité des métiers, une

précarisation accrue des femmes, ou encore un plafond de verre persistant ; des facteurs

d’ailleurs davantage marqués au sein de la catégorie A. Ces écarts sont également

impactés par des effets de filière, le domaine technique étant plus rémunérateur que la

branche administrative. Les données de l’Insee mettent aussi en lumière un fossé salarial

qui se creuse avec le temps, c’est-à-dire avec l’âge et l’ancienneté.

A ce sujet, Lionel FERNANDES souligne que les collectivités sont contraintes par le

statut général des fonctionnaires (notamment concernant les conditions statutaires à

remplir pour les avancements : ancienneté, grade, etc.). Toutefois, elles sont libres

concernant la fixation de leur régime indemnitaire, voté par délibération. A Toulouse, la

politique salariale de la collectivité a permis le vote d’un « régime indemnitaire plus

avantageux sur les filières techniques que sur les filières administratives, notamment sur

les emplois d’ingénieur.e.s », afin de faire preuve d’attractivité salariale.

A l’échelle du territoire, 39 % des directions générales adjointes sont occupées par des

directrices, un ratio qui tombe à 15 % sur les postes de directions générales des services.

Cette tendance s’amplifie avec la taille de la collectivité : c’est dans les collectivités de

plus de 400 000 habitant.e.s que le plafond de verre est le plus épais. Enfin, lors du départ

en retraite, la pension moyenne des hommes (1 346 euros) est supérieure de 18 % à celle

des femmes (1 140 euros). L’âge moyen de départ des femmes est de 60,8 ans, contre

60,3 ans pour les hommes.

Si la fonction publique territoriale est composée majoritairement d’agentes, leur

proportion varie selon les organismes publics locaux et les niveaux de collectivités,

notamment en raison des compétences assumées et d’une faible mixité des filières et des

métiers. Ainsi, les agentes représentent73 :

• 57,8 % du personnel régional ;

• 68,2 % du personnel départemental (mais 15,5 % du personnel des services

départementaux d’incendie et de secours) ;

• 63,1 % du personnel de l’ensemble des organismes communaux (mais 88,4 % des

agent.e.s des centres communaux d’action sociale) ;

• 35 % du personnel des communautés urbaines et des métropoles ;

• 45,8 % du personnel des communautés d’agglomérations ;

72 Ministère des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Chiffres-clés – édition 2015, 2015 73 Observatoire de la fonction publique territoriale, Tableau de bord national des effectifs territoriaux au 31/12/2012, Centre national de la fonction publique territoriale, mars 2015

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

54

• et 62,6 % du personnel des communautés de communes.

Les filières sociales et médico-sociales sont féminisées à 96 %, et la filière administrative

à 82 %. Quant à la proportion de 41 % de femmes dans la filière technique, elle renvoie

au fait que les agent.e.s d’entretien, majoritairement des agentes, y sont intégré.e.s. Près

de 70 % du personnel masculin de la fonction publique territoriale appartient à la filière

technique. On observe donc une très forte prégnance de la répartition traditionnelle des

rôles sociaux. Aux stéréotypes de sexe qui impactent la décomposition femmes-hommes

des services territoriaux se conjugue une précarisation accrue des agentes, qui

représentent 67 % des non-titulaires et travaillent moins souvent à temps plein74.

Ces proportions se retrouvent de manière significative au sein des effectifs

municipaux toulousains, tant concernant la part des femmes parmi les emplois à temps

partiel et à temps non complet75 qu’au niveau des postes contractuels. La mairie de

Toulouse compte, au 31 décembre 2015, 7 419 agent.e.s à temps complet et 82 agents à

temps non complet, soit 7 501 agent.e.s. Parmi les postes à temps complet, 2 666

hommes et 3 374 femmes travaillent à temps plein. Il y a donc 1 379 agent.e.s à temps

partiel.

74 Concernant les emplois à temps non complet, il faut opérer une distinction entre les agent.e.s occupant un poste à temps complet mais étant à temps partiel (en raison d’un accès aux droits, tels que le congé parental, ou par convenance personnelle et avec autorisation de l’employeur.euse) et ceux et celles occupant un poste créé à temps non complet (situation davantage subie). 75 Il faut ici faire la distinction entre un emploi à temps partiel (modalité d’exercice du temps complet sur une période donnée) et à temps non complet (poste créé de façon fixe à raison d’un certain nombre d’heures, sur lequel l’agent.e ne peut pas demander de temps partiels, et qui ne pourra pas être porté temps plein sauf si la collectivité délibère pour une suppression puis une recréation du poste à temps plein).

92,8 86,6 90,4 94,7

7,2 13,4 9,6 5,3

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

80%

90%

100%

E N S E M B L E D U T E M P S P A R T I E L

T E M P S P A R T I E L < 8 0 % T E M P S P A R T I E L E N T R E 8 0 E T 9 0 %

T E M P S P A R T I E L > 9 0 %

RÉPARTITION SEXUÉE DES POSTES À TEMPS PARTIEL

Femmes Hommes

Source : Direction des ressources humaines de la mairie de Toulouse – Effectifs au 31 décembre 2015

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

55

Concernant le Conseil départemental de la Haute-Garonne, l’effectif global de la

collectivité est féminisé à 75 %. 18,1 % des femmes sont à temps partiel sur l’effectif

permanent, et 3,8% des hommes. 88 % des agent.e.s à temps partiel et 65,5% des

contractuel.le.s sont des femmes.

La loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ne mentionne

pas l’égalité professionnelle, mais dispose qu’« aucune discrimination, directe ou

indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur sexe ». Cette loi est

précisée par celle du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel : aucun.e fonctionnaire

ne doit en être victime. L’article 8 caractérise ce qui est considéré comme étant du

harcèlement sexuel et ajoute à cette notion des assimilés : le harcèlement sexuel est

« constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit

portent atteinte à sa dignité [du ou de la fonctionnaire] en raison de leur caractère

dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou

offensante », et ses assimilés sont identifiés par « toute forme de pression grave, même

non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d'obtenir un acte de nature sexuelle,

que celui-ci soit recherché au profit de l'auteur des faits ou au profit d'un tiers. ».

La loi du 12 mars 2012 relative à l’accès à l’emploi titulaire et à l’amélioration des

conditions d’emploi des agent.e.s contractuel.le.s dans la fonction publique comporte un

volet sur l’égalité professionnelle, motivant :

• la présentation d’un rapport sur l’égalité professionnelle dans le cadre du bilan

social comme le prévoit l’article 5176 ;

• la mise en place de quotas pour favoriser l’accès des femmes aux postes de

direction, comme évoqué précédemment ;

• et l’amélioration des droits relevant du congé parental.

Sans portée normative, mais à forte valeur incitative, le Protocole d’accord sur l’égalité

professionnelle du 8 mars 2013 (dont la circulaire d’application est parue rapidement,

quatre mois plus tard) insiste sur le rôle du dialogue social (et donc sur l’importance de

la réalisation d’un rapport de situation comparée des conditions générales d’emploi et de

formation des femmes et des hommes), sur la nécessité d’une politique volontariste

d’élimination des inégalités salariales et d’accompagnement des agentes et des agents

76 « Chaque année, est présenté devant les comités techniques […], dans le cadre du bilan social, un rapport relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes comportant notamment des données relatives au recrutement, à la formation, au temps de travail, à la promotion professionnelle, aux conditions de travail, à la rémunération et à l’articulation entre activité professionnelle et vie personnelle. », article 51 de la loi n°2012-347 du 12 mars 2012

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

56

dans leurs parcours professionnels, et d’une meilleure articulation des temps entre vie

professionnelle et vie personnelle ; et améliore la prévention des violences faites aux

agent.e.s et la lutte contre le harcèlement.

Enfin, l’article 61 de la loi du 4 août 2014 oblige l’exécutif des communes de plus de

20 000 habitant.e.s, des conseils départementaux et régionaux à présenter un rapport sur

la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, en amont des débats

sur le projet de budget. Le décret du 24 juin 201577 précise que ce rapport doit être

structuré autour de la politique de ressources humaines de la collectivité, de son action

en faveur de l’égalité femmes-hommes, et des moyens alloués.

Lionel FERNANDES n’a pas connu beaucoup de cas de harcèlement ou de

discrimination en raison du sexe au sein de la mairie de Toulouse. Depuis 2013, les

situations de discrimination ou de harcèlement subies par les agent.e.s à l’intérieur de la

collectivité représentent environ trente-cinq dossiers par an, la grande majorité relevant

de situations de harcèlement moral, puis de discrimination raciale. Il y a eu deux cas de

harcèlement sexuel, et une dénonciation de faits de discrimination en raison du sexe qui

n’a pas abouti même avec l’intervention du Défenseur des droits. « Moi-même ça me

surprend », ajoute Lionel FERNANDES, « la procédure existe, elle est confidentielle

[…] la hiérarchie peut ne pas en avoir connaissance, le choix est laissé aux agent.e.s. […].

J’interviens en tant que support, en tant qu’aide, vous craignez, venez-me voir, on

essaiera de mettre des mots sur les ressentis, les émotions… Mais non. Après, ce n’est

pas pour ça que ça n’existe pas ». A Toulouse, des mécanismes existent depuis 2012 : il

y a une procédure dédiée aux phénomènes d’agression, comportant un fascicule distribué

aux agent.e.s et en ligne sur l’intranet. Cette politique a fait l’objet d’une journée de

communication au parc des expositions de Toulouse à la fin de l’année 2013.

Cette analyse est partagée par Sylvie FROIDEFOND, chargée de mission à l’égalité

entre les femmes et les hommes de la mairie de Toulouse. Il n’y a « rien de spécifié par

rapport au sexisme » : « ce n’est peut-être pas identifié comme tel, même par les collègues

qui le subissent ».

Concernant le département de la Haute-Garonne, il n’y a « pas de recensement à

proprement dit », explique Corine BLANC-DORONIS, « on recense uniquement les

situations de violences dans les Maisons Départementales des Solidarités, […] c’est

surtout dans ces structures où on a repéré de la violence, mais essentiellement des

usager.ère.s ». Ce « recensement est demandé dans le bilan social ». Il n’y a « pas de vision

77 Décret n° 2015-761 du 24 juin 2015 relatif au rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes intéressant les collectivités territoriales

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

57

exhaustive sur l’ensemble de la collectivité sur les violences émanent des agent.e.s,

notamment les violences verbales, et je vois difficilement comment ce recensement

pourrait s’effectuer. La cellule violence est intégrée à la direction générale adjointe des

solidarités, mais il ne s’agit pas de regarder le caractère sexiste mais plutôt de réagir lors

de violences venant d’usager.ère.s à l’encontre du personnel de la collectivité ».

En matière de lutte contre les violences à caractère sexiste et/ou sexuel, les collectivités

étudiées ne disposent donc pas de mécanisme spécialisé et effectif pour répondre aux

atteintes subies par les agentes en interne. La cellule mise en place par la ville de Toulouse

fait principalement face à des phénomènes de harcèlement moral, tandis que les

instruments départementaux sont focalisé.e.s sur les usager.ère.s des vingt-trois maisons

départementales des solidarités.

Les difficultés rencontrées sont fortement produites par l’identification difficile du

caractère sexiste et/ou sexuel de l’agression subie. Le traitement médiatique des

violences faites aux femmes le montre régulièrement et participe à décourager celles qui

veulent dénoncer des violences subies : la responsabilité est souvent imputée par

différent.e.s responsables médiatiques et politiques à la victime. Les procédures

judiciaires sont lourdes et parfois dévastatrices pour les plaignantes. Par ailleurs, refuser

de qualifier le caractère sexiste et/ou sexuel d’un acte de violence subi peut également

constituer un mécanisme de protection pour la victime.

2. L’intégration de l’égalité professionnelle dans le bilan social : le rapport

de situation comparée

Le rapport de situation comparée est réalisé à partir d’une série d’indicateurs sexués

renvoyant aux ressources humaines de la collectivité, afin de mesurer et comprendre les

écarts, puis de chercher à les corriger. Parmi les écarts identifiés, il faut différencier les

écarts de situation (que les parcours individuels des agent.e.s peuvent expliquer), ceux

liés à des inégalités structurelles (des écarts dont la portée va au-delà du périmètre de la

collectivité, qui renvoient à une reproduction collective des inégalités dans la sphère

professionnelle) et ceux qui ne s’expliquent pas à première vue, qui seraient restés

invisibles sans l’analyse sexuée.

L’association des partenaires sociaux dès le début de l’élaboration du rapport est un

facteur-clé de réussite et de mise au jour des inégalités – même s’il faut garder à l’esprit

que ceux-ci ne sont pas forcément à la pointe de la lutte contre les inégalités

professionnelles, même si un effort en faveur de la parité est progressivement réalisé

dans les directions des confédérations syndicales.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

58

Au sein du Conseil départemental de la Haute-Garonne, le rapport de situation

comparée va être présenté aux organisations syndicales, et sera le « point de départ pour

échanger avec elles afin de déterminer la création d’un groupe de travail pour la mise en

place d’un plan d’action pluriannuel » explique Corine BLANC-DORONIS. L’action

départementale d’égalité entre les femmes et les hommes partira donc du « cadre des

réunions de dialogue social, qui ont lieu une fois par mois ou tous les deux mois, [et] une

thématique est abordée à chacune de ces réunions, et l’égalité professionnelle en fera

partie ».

Définis par le décret du 27 décembre 2013 relatif au rapport annuel sur l’égalité

professionnelle entre les femmes et les hommes78, les indicateurs peuvent être classés

dans six domaines distincts : les conditions globales d’emploi, le salaire, la formation, les

conditions de travail, les congés, et l’organisation du temps de travail.

La désignation tardive des domaines structurants le rapport de situation comparée (près

de deux ans après la loi du 12 mars 2012) a pu entraîner des difficultés pour les agent.e.s

des ressources humaines en charge de la mise en œuvre technique dudit rapport. Comme

en témoigne Corine BLANC-DORONIS, « quand le premier décret est sorti en 2013,

on a mis beaucoup de temps avant de s’y mettre car les éléments qui figuraient dans le

décret n’était pas assez précis ou suffisants pour produire des choses. On avait peur de

partir dans la mauvaise direction ». Ensuite, l’attente s’est étirée jusqu’à la « parution des

maquettes début 2016 pour le bilan social qui comportaient un certain nombre

d’indicateurs sexués, mais il y a de gros écarts avec le décret de 2013 », et « on en a conclu

qu’il n’est qu’indicatif ».

Les informations recueillies sur les conditions générales d’emploi permettent

d’évaluer le niveau de mixité des fonctions, des filières et des niveaux de responsabilité,

ainsi que l’accès à la titularisation. La construction d’une pyramide des âges, mise en

perspective avec les rémunérations des agent.e.s, permet de disposer de données

comparatives sur l’évolution des salaires au cours de la carrière. Il faut également être

attentif.ve à mesurer l’accès au temps plein, la proportion de temps partiels, et à observer

l’accès à la formation et à la promotion des employé.e.s à temps partiel. L’observation

des mouvements de poste permet de déterminer si la mobilité interne est influencée par

des stéréotypes de sexe, et globalement les entrées et les départs afin d’évaluer leur part

78 Le rapport annuel sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes est différent du rapport de situation comparée, propre à chaque collectivité. L’élaboration et la publication du rapport annuel est à la charge du ministère de la Fonction publique. Le rapport « récapitule en un document unique les principales données chiffrées permettant d'apprécier la situation dans les fonctions publiques en ce qui concerne l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ». Les indicateurs précités sont donc prévus pour le rapport annuel. Le rapport de situation comparée portant sur l’état de l’égalité professionnelle dans la collectivité, les indicateurs définis pour le rapport annuel sont pertinents pour les structurer.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

59

respective de mixité. L’analyse fine des départs en retraite doit permettre de mettre au

jour d’éventuels écarts de pensions, mais ne doit pas occulter la phase précédant la

retraite afin de déterminer si les agent.e.s sont contraint.e.s ou non s’il y a maintien dans

l’activité au-delà de l’âge légal.

Les positionnements hiérarchiques doivent être observés à l’aune du sexe, afin de

déterminer l’évolution de l’administration (et sa capacité à répondre aux quotas prévus

par la loi de 2012), et de manière lissée la part des effectifs d’encadrement féminin et

masculin au regard des niveaux de réussite aux examens et concours. La participation

auxdites épreuves doit également être prise en compte de manière sexuée.

La réflexion sur les promotions amène à un regard sur leur impact quant aux écarts de

rémunération. Ces écarts doivent être documentés de manière extrêmement précise79,

par catégorie, filière, positionnement hiérarchique et statut. On peut par exemple

imaginer un calcul sur l’ensemble des effectifs, puis opérer un premier focus par

catégories (A+, A, B et C), avant de s’attacher à une observation au sein de chaque

direction générale adjointe voire de chaque direction. Il faudra également comparer de

manière transversale les salaires des directeur.rice.s. Parmi les agent.e.s, il faudra prendre

soin de différencier filière technique et administrative. Enfin, étant donné la part

croissante des primes et du régime indemnitaire dans la rémunération des personnels,

celles-ci doivent être étudiées avec attention afin de déterminer leur effet sur les écarts

salariaux.

Corine BLANC-DORONIS souligne que, au sein du département, l’analyse des

promotions sous l’angle du genre n’a jamais été faite, « mais on vient de démarrer » et «

on s’est rendu compte qu’il y avait une proportion d’hommes plus importante qui

accédait à une promotion interne, essentiellement des agents de la filière technique »,

laquelle est essentiellement masculine. Or, « les conditions d’avancement sur cette filière

sont plus souples que dans d’autres filières » – cette observation rejoint les déclarations

précédentes de Lionel FERNANDES pour la mairie de Toulouse quant à un régime

indemnitaire plus avantageux pour les ingénieur.e.s.

L’accès à la formation est une variable déterminante de la progression de la carrière80.

Il s’agira donc de déterminer si agentes et agents en sont bénéficiaires à égalité. Cela

s’observe bien sûr au regard du nombre de participant.e.s, mais également au nombre de

79 En étant attentif.ve à ramener les chiffres sur une base temps plein, afin de ne pas créer de biais relatifs au niveau de temps partiel dans la collectivité. 80 Dans la mesure du possible, les données portant sur la formation doivent prendre en compte un temps long, afin que l’analyse ne soit pas faussée par l’organisation de manifestations ponctuelles tenant à un changement sur les postes de travail par exemple (comme la maîtrise d’un nouveau logiciel).

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

60

sessions organisées envers des public plus ou moins mixtes, et les coûts moyens par sexe

et par catégorie. L’objectif du module est un autre critère : s’agit-il d’adaptation à l’emploi

ou de développement de compétence ?

L’analyse des conditions de travail doit s’attacher à une prise en compte complète des

situations de pénibilité et de mal-être81. La différenciation des métiers au regard de

chaque critère permet de hiérarchiser des degrés de pénibilité pour chaque profession,

afin de neutraliser la prédominance des constats de pénibilités sur les professions

majoritairement masculines. Cela permet à la collectivité d’opérer un diagnostic interne

sur le caractère sexuel de la division du travail82, en n’oubliant pas la dimension

d’intersectionnalité.

Parvenir à une meilleure conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle passe

par une prise de congé adaptée. Il est nécessaire pour s’en faire une idée de calculer la

proportion de prise de congé par catégorie, en prenant en compte les cadres. La prise ou

non du congé parental en fonction du sexe est un critère adéquat de mise au jour des

stéréotypes traditionnels pesant sur la famille. Faire preuve de volontarisme vers une

meilleure articulation des temps, c’est également évaluer les mesures d’appui lors du

retour à l’emploi mises en œuvre par la collectivité.

Le département de la Haute-Garonne n’organise pas « d’entretien en amont des congés

parentaux, mais il y en a au retour des agent.e.s, qui sont reçu.e.s par la conseillère en

évolution professionnelle » explique Corine BLANC-DORONIS. Il y a une crèche pour

accueillir les enfants des agent.e.s de la collectivité. « Il n’y a aucun souci pour demander

un retour à temps plein, c’est plutôt l’inverse qui pose des difficultés de fonctionnement,

notamment par le fait qu’on ne peut pas compenser tous les postes par l’affectation de

personnel en complément des temps partiels. On ne fait plus de complément de temps

partiel. ». La procédure de retour à temps plein est automatique au niveau de la ville de

Toulouse : le temps partiel fonctionne sur autorisation, pour une durée limitée et fixée

dans le temps. Si à l’issue de la période le renouvellement du temps partiel n’est pas

81 Les indicateurs intervenant ici sont le nombre d’accidents de travail, de maladies professionnelles, d’allocations temporaires pour invalidité, etc. 82 Cette analyse doit prendre en compte les mécanismes intersectionnels, de rétributions sociales et symboliques, de liberté de choix, etc. : « Il s’agit de diagnostiquer la quantité et la qualité de la participation des femmes et des hommes […] en tenant compte de l’intersectionnalité. En effet, toutes les femmes et tous les hommes ne joueront pas les mêmes rôles en fonction pas seulement de leur sexe, mais aussi de leur âge, classe sociale, religion, origine, territoire, orientation sexuelle. Cette participation est à évaluer en termes de temps/charges de travail, de valorisation sociale, culturelle et économique, de choix ou de non choix […], d’articulation des temps de vie, de porosité entre les rôles et de fluidité/permutabilité des rôles entre les sexes. » in Claudy VOUHÉ (dir.), L’égalité femmes-hommes dans les contrats de ville, Commissariat général à l’égalité des territoires, mars 2016, p. 23

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

61

demandé, il y a réintégration de l’agent.e à temps plein : il est plus facile de revenir à

temps plein que de demander un temps partiel.

La conciliation des temps se joue également dans l’établissement, au regard de son

adhésion ou non à une charte des temps, du taux de temps plein, de ses dépenses d’action

sociale pour les gardes d’enfants, etc. De ce point de vue, la mairie de Toulouse laisse le

champ libre au niveau managérial. Comme le souligne Lionel FERNANDES, il n’y a pas

d’effort marqué sur la conciliation, hormis s’il y a des exigences particulières sur des

arrivées plus tardives le matin ou des départs plus précoces, essentiellement avec des

mères : « C’est de la responsabilité du.de la manager concerné.e, mais toujours dans le

respect des plages fixées par la collectivité pour l’ensemble de ses agent.e.s » (à savoir 9H

– 16H30).

3. Du bilan social à la correction des inégalités révélées

Une fois les données recueillies et le diagnostic construit, le rapport de situation

comparée doit appuyer la conception d’une action publique correctrice des inégalités en

interne83. Le diagnostic doit d’abord servir d’inventaire des écarts à expliciter : sont-ils

dus à des motifs extérieurs à la collectivité (division sexuée de l’orientation qui se

perpétue dans le monde professionnel, faible mixité des candidatures en fonction du

poste, etc.), ou sont-ils produits en interne (par le processus de promotion, les

compétences valorisées, les conditions de travail, l’accès à la formation, etc.) ?

Ainsi, les écarts salariaux observés peuvent s’expliquer par des inégalités de négociation

salariale à l’embauche, un parcours professionnel des femmes davantage interrompu si

maternité il y a, les différences de rémunération au regard des filières ou encore la

proportion plus forte de femmes parmi les emplois à temps partiel. Concernant les

promotions, la culture du présentéisme peut être pointée du doigt, comme le plafond de

verre ou la force des réseaux formels ou non et davantage investis par les hommes. Au

titre des formations, on peut souligner que l’offre peut dépendre largement des métiers,

qu’elles sont souvent fermées aux non-titulaires ou aux personne à temps non complet,

et qu’elles sont davantage destinées aux cadres.

La culture propre à l’environnement professionnel et les conditions de travail peuvent

être impactées par la persistance des stéréotypes de sexe et des représentations

traditionnelles (on peut citer ici une certaine résistance à voir des hommes s’impliquer

dans les professions du soin et des femmes faire de même dans les métiers techniques).

83 Il peut être utile à ce titre d’observer les statistiques obtenues au regard des chiffres nationaux, régionaux, départementaux, ou de ceux de collectivités de taille similaire.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

62

De ce point de vue, Lionel FERNANDES souligne que la mairie de Toulouse « travaille

sur la féminisation de certains métiers à la base à dominante masculine », comme la police

municipale (au 31 décembre 2015, il y a 71 femmes sur 234 agent.e.s). Un travail sur la

masculinisation de certains métiers, à dominante féminine, est également en cours. Sylvie

FROIDEFOND évoque notamment une prise de conscience relative à la (très faible)

mixité des métiers de la petite enfance, et estime que la mention « homme/femme » sur

les fiches de recrutement fait partie des leviers d’action de la collectivité, citée à plusieurs

reprises par Lionel FERNANDES.

Interrogée sur les répercussions des inégalités d’assignation sexuée dans l’institution, et

la conciliation entre vie personnelle et vie professionnelle, Sylvie FROIDEFOND

considère que cette problématique est prématurée. Il n’y a « pas encore ce

questionnement-là, c’est encore trop tôt. C’est dans le plan, mais cela ne sera pas travaillé

avant 2018 ou 2019 » : l’outil du bilan de situation comparée est déterminant, « des choses

vont pouvoir s’affiner ». La planification des temps est également un facteur significatif,

notamment du point de vue des horaires de réunion, de la dépréciation du temps partiel,

ou encore des échéanciers peu envisagés en amont par les agent.e.s (niveau de cotisation

à l’approche de la retraite par exemple).

Une fois les sources d’inégalités identifiées, il convient de s’interroger sur les leviers

dont dispose la collectivité pour engager des actions correctrices, en observant avec une

attention particulière les procédures développées par les ressources humaines. Il s’agit

de prioriser les actions à mettre en œuvre au regard des situations les plus préoccupantes

repérées.

Le diagnostic interne de la collectivité au regard de l’égalité professionnelle peut

constituer l’une des bases de l’élaboration d’un plan d’action pour l’égalité femmes-

hommes dans la vie locale, notamment au titre des progrès nécessaires en matière

d’égalité professionnelle. Comme lors de l’élaboration du rapport de situation comparée,

une démarche participative et collégiale remportera davantage d’efficacité : la direction

générale des services, celle des ressources humaines, l’exécutif politique, l’élu.e en charge

du personnel et celle ou celui en charge de l’égalité ; mais également les représentant.e.s

du personnel voire des agent.e.s volontaires. Plusieurs axes d’intervention émergent : le

développement d’une culture de l’égalité ; le positionnement des politiques d’égalité au

cœur du domaine des ressources humaines (recrutement, promotion, accès à la

formation, promotion) ; l’amélioration de l’articulation des temps de vie ; et la prévention

des violences physiques et psychiques.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

63

Partie 3

L’approche intégrée territoriale de l’égalité : impact de la loi du 4

août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes

Comme le souligne le Centre Hubertine Auclert en ouverture du guide Réaliser un

rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes, « la loi n°2014-873 du 4 août 2014

ambitionne d’impulser une nouvelle génération de droits : les droits à l’égalité réelle et

concrète. »84. Constatant que les législations successives en faveur de différentes

générations de droits assurent aux femmes et aux hommes une égalité formelle, il s’agit

désormais de passer de l’égalité dans le droit à l’égalité dans les faits. L’enjeu est d’assurer

l’effectivité des droits conquis par le mouvement des femmes.

Cela passe par la mise en place de l’approche intégrée de l’égalité, comme le dispose la

loi précédemment citée : « L'État et les collectivités territoriales, ainsi que leurs

établissements publics, mettent en œuvre une politique pour l'égalité entre les femmes et

les hommes selon une approche intégrée. ». L’action publique territoriale d’égalité entre

les femmes et les hommes est mise au jour par la présentation d’un rapport sur la

situation locale en matière d’égalité entre les femmes et les hommes, « préalablement aux

débats sur le projet de budget ».

I. Le rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes

et les hommes, une obligation nouvelle et faiblement appropriée

Cette approche intégrée de l’égalité est notamment permise par la publication annuelle

d’un rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes.

1. Le cadrage juridique du rapport sur la situation en matière d’égalité

entre les femmes et les hommes

Le rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes est prévu par l’article

61 de la loi du 4 août 2014 et intégré au Code général des collectivités territoriales.

84 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 6

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

64

Il doit être présenté par l’exécutif de la collectivité (régions, département, communes de

plus de 20 000 habitant.e.s) devant l’assemblée délibérante, avant les débats sur le projet

de budget. Le document doit se pencher sur « le fonctionnement de la commune, les

politiques qu'elle mène sur son territoire et les orientations et programmes de nature à

améliorer cette situation » vers l’égalité effective des femmes et des hommes.

Le décret du 24 juin 2015 expose les modalités d’élaboration pour chacune des

collectivités concernées : politique de ressources humaines en matière d’égalité

professionnelle (au regard du rapport de situation comparée), bilan des interventions et

des moyens alloués, action publique territoriale d’égalité des sexes, et programmation

pluriannuelle orientant les politiques d’égalité femmes-hommes. Le rapport intègre

également les documents de suivi de l’application de la clause d’égalité dans les marchés

publics. L’observation fine de l’implantation économique et sociale des inégalités

sexuées, notamment au regard des compétences de la collectivité, est suggérée de

manière facultative.

La présentation de ce rapport devant l’organe délibérant de la collectivité n’est

soumise à aucun impératif de débat des élu.e.s ou de vote. Cependant, elle doit avoir lieu

avant que le projet de budget soit débattu et mis au vote. Le débat d’orientation

budgétaire peut constituer un cadre de présentation pertinent, mais quoi qu’il en soit les

collectivités disposent d’une certaine souplesse en la matière. L’article 61 de la loi oblige

dès 2016 les communes et établissements publics de coopération intercommunale de

plus de 20 000 habitant.e.s, mais également les départements et les régions, à l’exception

des régions ayant fusionné au 1er janvier 2016 qui disposent d’un an supplémentaire pour

se mettre en conformité. Par conséquent, la nouvelle région issue de la fusion de

Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées ne produira ce rapport qu’en 2017, et l’étude

présente ne pourra pas mobiliser ces données. Les rapports du département de la Haute-

Garonne et de la ville de Toulouse ne sont pas encore parus.

Si ce rapport n’est pas produit devant l’organe délibérant, ou s’il n’est pas en conformité

avec les attendus précités, la délibération budgétaire peut tomber sous le coup d’une

annulation : comme le précise le Centre Hubertine Auclert, « dans l’hypothèse où le

budget aurait été adopté sans qu’au préalable ait été présenté le rapport sur la situation

en matière d’égalité entre les femmes et les hommes ou si le contenu de ce rapport n’était

pas conforme aux prescriptions réglementaires, la délibération sur le budget pourrait

faire l’objet d’une annulation85, la présentation préalable de ce rapport constituant une

85 Or, dans le cadre de mon expérience professionnelle en tant que conseillère technique du cabinet du Président de la région Midi-Pyrénées, en charge de la vie institutionnelle, la vérification que le quorum était atteint faisait partie de mes missions. Je devais notamment m’assurer, lors de la mise à l’ordre du jour de certains dossiers

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

65

formalité substantielle »86. Le contrôle de légalité est assuré par le.la préfet.ète. Le 13 juin

2016, lors de l’assemblée plénière du Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les

hommes, Laurence ROSSIGNOL, ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des

femmes, a souligné qu’une circulaire à l’attention des préfet.ète.s était en cours

d’élaboration et avait pour objet de préciser le contenu de leur contrôle de légalité.

Juridiquement, la délibération relative à l’égalité femmes-hommes n’a pas force de

décision : elle constitue avant tout une mesure de préparation dans le cadre du débat

précédant l’adoption du budget primitif. Dès lors, les opposant.e.s territoriaux.ales à la

politique locale d’égalité entre les femmes et les hommes ne peuvent pas mobiliser un

recours pour excès de pouvoir. Par contre, l’irrégularité du rapport peut être mentionnée

dans le cadre d’un recours en annulation de l’adoption du budget.

Le rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes doit

comporter deux volets, comme le précise le décret du 24 juin 2015 : le premier volet

porte sur la politique de ressources humaines de la collectivité au regard de l’égalité

professionnelle entre ses agent.e.s ; et le second volet porte sur l’action publique

territoriale d’égalité entre les femmes et les hommes mise en œuvre par la collectivité.

Le rapport a donc un rôle d’inventaire (afin de réaliser un bilan et de mettre en valeur les

actions d’égalité femmes-hommes existantes), et doit permettre de faire émerger des

pistes d’orientation à court, moyen et long termes. Il représente également une

opportunité significative de mise à l’agenda de tou.te.s les élu.e.s et de leurs groupes

politiques des enjeux liés à l’égalité femmes-hommes sur le territoire. L’acte du vote de

la délibération afférente met en responsabilité les élu.e.s. Les travaux de préparation des

temps institutionnels par les groupes politiques peuvent permettre de renforcer la

sensibilisation des élu.e.s quant à cette thématique transversale.

2. Méthodologie d’élaboration du rapport

Une personne référente dans les services apparaît comme un prérequis significatif :

l’élaboration d’un tel document nécessite obligatoirement des compétences spécifiques

politiquement sensibles, que l’exécutif disposerait bien du nombre d’élu.e.s nécessaires pour qu’il y ait approbation in fine (c’est-à-dire que les rangs du groupe majoritaire voire de la coalition suffisent à garantir le vote). La délicatesse de cette tâche est liée à la composition de l’assemblée délibérante : elle n’a presque pas lieu d’être lorsque l’exécutif dispose d’une majorité confortable (comme c’est le cas de la mairie de Toulouse), voire écrasante (comme le département de la Haute-Garonne). Cependant, la force du groupe d’opposition frontiste au sein du Conseil régional Occitanie – Pyrénées-Méditerranée a probablement dû contraindre le cabinet de la Présidente à s’assurer de la présence des élu.e.s de son groupe majoritaire, et à négocier finement avec les autres forces de sa coalition. Dès lors, le risque de voir une délibération annulée prend une vigueur coercitive plus significative. 86 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 22

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

66

quant au genre des politiques publiques, à l’intersectionnalité et au renforcement

réciproques des mécanismes de discrimination, aux rouages de la domination masculine,

à l’historique du mouvement des droits des femmes… Il s’agit également de maîtriser un

vocabulaire précis, mâtiné de termes anglosaxons (gender mainstreaming, gender budgeting,

gender gap) mais qui représente avant tout un outil sémantique en faveur de l’égalité, à

l’instar de l’usage du féminin, de l’écriture inclusive et épicène, et de la lutte contre

l’effacement des femmes et de leurs droits.

Une formation initiale de l’agent.e choisi.e pour réaliser ce rapport en lien avec les

thématiques requises semble adéquate, ou du moins une activité professionnelle en

amont dans le champ institutionnel de l’égalité femmes-hommes. L’offre de formation

continue en la matière a cependant été récemment considérablement enrichie par le

Centre National de la Fonction Publique Territoriale, qui a développé en 2016 un

catalogue recensant l’offre nationale relative à l’égalité femmes-hommes.

L’identification d’un.e interlocuteur.rice permet également un repérage clair au sein de

l’administration, et facilite l’organisation de l’inventaire de l’action publique territoriale

en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le poste de la personne référente est idéalement un emploi à temps plein consacré :

« Même si chaque collectivité agit en fonction de ses ressources et de l’ambition de sa

politique d’égalité, l’expérience des collectivités déjà engagées sur la thématique montre

que la conception et le suivi de la mise en œuvre d’un plan d’action égalité femmes-

hommes requiert en moyenne l’investissement d’une personne à temps plein au sein des

services. »87 rappelle le Centre Hubertine Auclert. En effet, « la rédaction d’un rapport

sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes est un travail de longue haleine. Or

il est fréquent que des agent.e.s soient mobilisé.e.s sur ce dossier en plus de leurs

attributions habituelles »88. Malgré les volontés d’affichage de cette politique en tant que

champ majeur, il arrive fréquemment que l’égalité femmes-hommes ne dispose que de

moyens plutôt réduits, correspondants à une intervention périphérique. De manière

globale, on observe que le champ des droits des femmes et de l’égalité est peu doté et

considéré comme non prioritaire, ce qui complexifie son institutionnalisation.

Et si l’élaboration du rapport relatif à l’égalité femmes-hommes est destinée à devenir,

dans quelques années, un exercice appartenant à la routine – sauf législation future

87 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 35 88 Paul DAULNY, Ibid., p. 35

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

67

atténuant la portée de la loi du 4 août 2014, le développement de l’approche intégrée

tendra en parallèle à multiplier les champs d’intervention que le rapport devra aborder.

Les travaux de recensement des politiques impactant les situations d’inégalités entre

les femmes et les hommes sont transversaux, et s’appliquent à tous les services : il est

indispensable que l’intégralité de la hiérarchie intègre cette démarche, en prenant bien en

compte qu’il ne s’agit pas d’une évaluation mais bien d’un recensement. Pour s’assurer

de cette mobilisation de la collectivité dans son ensemble, il est possible d’envisager la

transmission d’une lettre de cadrage par l’exécutif politique aux personnels

d’encadrement supérieur et de direction., ou encore l’organisation d’une réunion

préparatoire en amont. Là-encore, la légitimité de l’agent.e en charge du recensement est

primordiale, et que son positionnement administratif doit être stratégique. Il faut être

vigilant.e envers lui.elle et le préserver de potentielles stratégies individuelles

d’instrumentalisation du rapport. La hiérarchie doit parvenir à désactiver les potentielles

méfiances internes (de la part de ceux et celles qui assimilent ce recensement à une

évaluation, ou qui ne sont pas convaincu.e.s de la persistance des inégalités femmes-

hommes) afin de garantir au rapport produit fiabilité et exhaustivité. Le niveau de

confiance collective propre à chaque administration doit pouvoir se renforcer en

s’adossant au soutien de l’exécutif. A aucun moment le recensement en matière d’égalité

femmes-hommes ne doit faire ressentir une insécurité hiérarchique pour les agent.e.s.

Le Centre Hubertine Auclert use d’une tournure conditionnelle pour qualifier la

fixation d’une ligne budgétaire, considérant qu’« il semble aujourd’hui utile de disposer

d’une ligne budgétaire propre, pouvant être gérée par l’agent.e en charge de l’égalité

femmes-hommes, qui permette de financer toutes les actions ayant l’égalité pour objet

principal »89. Il convient particulièrement ici de rappeler qu’il n’appartient pas à la

mission relative à l’égalité femmes-hommes de prendre à sa charge toute ou la majorité

des programmations politiques relevant de l’égalité : il ne s’agit pas de faire de la

thématique l’affichage égalitaire de la collectivité, permettant aux autres compétences de

s’éviter un effort d’affichage et de logistique (autre que communicationnel) en la matière.

Le fléchage d’une ligne budgétaire dédiée et sanctuarisée offre de nombreux bénéfices

indispensables à la pérennisation de la programmation politique de la collectivité.

D’abord, le niveau des fonds alloués (et de leur reconduction d’une année à l’autre, à

moyens constants ou non) témoigne de l’engagement politique de la collectivité en la

matière. Ici, on peut considérer en un sens que l’action publique liée à la défense des

89 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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droits des femmes souffre d’un travers produit par son institutionnalisation : en effet, les

justifications relatives au faible engagement budgétaire requis pour progresser en matière

d’égalité des sexes ont participé au fait qu’aujourd’hui, les faibles moyens alloués

représentent une constante des outils de défense institutionnelle des droits des femmes.

Cette caractéristique risque de s’accroître avec le contexte de restrictions budgétaires et

de contraction des moyens des collectivités. Cette argumentation régulière, dans le

mouvement féministe, sur le peu de moyens nécessaires pour parvenir à tel ou tel progrès

en faveur de l’égalité des sexes, a en quelque sorte déteint sur les ramifications du

féminisme institutionnel.

Il faut toutefois considérer le fait que cette politique publique est récente. Dans cette

optique, la politique des petits pas budgétaires est stratégique, et peut faire preuve

d’efficacité : à condition de ne pas enfermer la politique publique, ses concepteur.rice.s

et ses exécutant.e.s dans une sous-prise en compte constante des besoins réels.

Pour le Centre Hubertine Auclert, « dans le cas d’une approche transversale parfaitement

intégrée, une ligne budgétaire dédiée ne sera plus nécessaire »90 : cette analyse peut

toutefois sembler prématurée au regard du fait que même s’il y a achèvement du gender

mainstreaming, cela ne signifiera pas que les manifestations d’inégalités femmes-hommes

externes et internes auront été éradiquées, mais seulement que l’administration est en

ordre de marche pour les dépister à travers tous les niveaux de la vie sociale, économique,

professionnelle, etc. Des évènements d’interpellation quant à la persistance des inégalités

entre les sexes, de dénonciation des phénomènes de violences sexistes et sexuelles, etc.

seront encore nécessaires pendant quelques temps.

« L’égalité femmes-hommes est une politique qui nécessite du temps. […] La prise de

conscience initiale nécessite elle-même un long processus. Il y a un temps pour

comprendre, un temps pour obtenir une légitimité, puis un temps pour que les services

s’approprient le sujet et proposent de nouvelles actions. »91 estime Paul DAULNY. Il est

effectivement nécessaire d’insérer les processus d’élaboration de l’action publique

d’égalité femmes-hommes dans les schémas habituels du policy making, afin qu’elle puisse

se déployer en toute clarté et avec efficacité dans les pratiques des agent.e.s. Toutefois,

au vu du retard administratif et politique français en la matière, des progrès à accomplir,

des déficits persistants dans la documentation des inégalités (y compris dans la fonction

publique), il convient d’être particulièrement attentif.ve à ce que la reconnaissance de

cette politique ne soit pas le monopole des directeur.rice.s. Nous entendons par là qu’il

90 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 37 91 Paul DAULNY, Ibid., p. 37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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est nécessaire que l’exécutif politique et administratif soit conscient.e des barrages

inhérents à cette politique et énumérés précédemment, au sommet desquels figurent la

faiblesse de la prise de conscience, le mythe de l’universalisme de la fonction publique,

et le caractère novice de cette politique publique. Dès lors, sa légitimité, garantie par la

loi, doit être affirmée régulièrement par la direction.

Face à une catégorie d’action publique essentiellement investie par les féministes, dont

l’institutionnalisation progressive est soutenue par une nébuleuse militante en faveur de

la même cause, il est nécessaire de souligner que la légitimité n’est pas du ressort des

agent.e.s chargé.e.s de concevoir et de mettre en œuvre ces politiques. Il ne s’agit pas ici

de considérer qu’il est accessoire que les fonctionnaires soient convaincu.e.s de leur

nécessité, au contraire. Cependant, les prénotions tenant à tout ce qui touche aux

questions féministes et à l’égalité des sexes sont profondément ancrées dans la société

française : attendre que chacun.e des acteur.rice.s et interactant.e de cette politique soit

convaincu.e de son caractère primordial représenterait un délai trop long – sauf à mettre

en place un programme de sensibilisation approfondie, suffisamment doté en expertise

et en volumes horaires pour toucher tou.te.s les agent.e.s (mais même dans cette optique,

les temporalités requises restent conséquentes, et il n’est pas certain qu’à terme,

l’intégralité des agent.e.s s’affirme convaincue). Cela signifie qu’il n’appartient pas aux

agent.e.s, quel que soit leur niveau hiérarchique, de juger de la pertinence de ce champ

d’intervention. Il est plutôt logique de considérer qu’une administration convaincue dans

sa majorité produira une action publique plus volontariste, mais une administration

plutôt réfractaire devra quoi qu’il en soit répondre aux impératifs fixés par le cadre légal.

De même, des agent.e.s non convaincu.e.s ont l’obligation de coopérer à la bonne

marche de cette action publique.

Des asymétries d’implication entre les services peuvent être observés cependant sans

que cela n’implique une mauvaise collaboration interne : en effet, de par leurs

thématiques, certaines directions sont plus éloignées du cœur de la politique. Cela tient

également au caractère facultatif ou obligatoire des compétences. Ainsi, la ville de

Toulouse a identifié des directions prioritaires : la mission égalité femmes-hommes

travaille de manière renforcé avec les directions et/ou services éducation, petite enfance,

enfance et loisirs, politique de la ville, sports (thématique annuelle), communication et

ressources humaines. Il y a une « très bonne adhésion des directions et des élu.e.s, qui

s’en saisissent et qui sont forces de propositions, qui ont compris les enjeux de se saisir

de l’égalité femmes-hommes et l’égalité filles-garçons » explique Sylvie FROIDEFOND.

Quant à l’ancienne région Midi-Pyrénées, Nadia PELLEFIGUE considère que la

première réussite en matière d’égalité entre les femmes et les hommes a été d’avoir rendu

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

70

cette politique visible et cohérente, notamment depuis 2010. Il ne s’agit pas de faire de

saupoudrage vis-à-vis des associations, d’où une indexation et une restriction des

politiques d’égalité aux compétences obligatoires de la Région : formation

professionnelle (avec la sensibilisation des agent.e.s des Maisons Communes Emploi

Formation par exemple) et développement économique (prix de l’égalité professionnelle,

impact sur le régime d’aides aux entreprises, etc.) ont été mis en avant.

« Parmi les collectivités engagées de longue date pour l’égalité, les personnes en charge

de ces politiques pointent l’évolution positive des représentations des agent.e.s et des

élu.e.s de la collectivité. Si le changement est progressif, il n’en est pas moins tangible.

Pas à pas, les agent.e.s réagissent eux-mêmes lorsqu’ils.elles sont confronté.e.s à des

situations inégalitaires ou sexistes. »92 constate le Centre Hubertine Auclert. Cela tient à

la diffusion d’une culture égalitaire au sein de la collectivité, et cela montre que la

problématique des inégalités entre les femmes et les hommes touche les pratiques de

chacun.e : elle est spécifiquement porteuse de bouleversements qu’il convient de

s’approprier individuellement. Encore une fois, que tel ou telle agent.e ne soit pas

acquis.e au bien-fondé de la politique ne remet pas en cause son fondement légal et donc

le caractère itératif de sa mise en œuvre a minima dans le cadre fixé par les textes

réglementaires et législatifs.

Si la mise en œuvre n’est pas opérante, ou bien si les caractéristiques de l’action publique

sont défaillantes au regard du cadrage défini par la loi et par les décrets d’application, il

y a rupture des obligations de service public de la collectivité. Cependant, le levier des

sanctions disponibles suite au contrôle de légalité est inactif pour le moment, et le

contrôle de légalité est lui-même peu doté d’outils d’interprétation. Dès lors, il est

nécessaire que la politique relative à l’égalité entre les femmes et les hommes s’inscrive

dans la hiérarchie des normes interne au-delà des minima prévus par les textes

d’appréhension de l’approche intégrée. En sus de cette inscription en « négatif », il faut

conjuguer une démarche positive : formations, sensibilisations, mise en place d’espaces

de libération de la parole et organisation de temps communs dédiés et conviviaux. Enfin,

en termes de management, il appartient à chaque collectivité de réfléchir à la manière

d’intégrer la thématique aux grilles d’évaluation annuelle des agent.e.s.

On peut identifier des facteurs explicatifs des inégalités propres à la fonction publique

dans son ensemble, voire spécifiques à son versant territorial ; mais la pluralité des

structures des collectivités permet d’envisager un faisceau de causalités plus diversifié.

92 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, pp. 37-38

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

71

Cette diversification des causes des inégalités tient notamment à la répartition des

compétences entre les différents échelons.

Départements, régions et communes exercent des prérogatives spécifiques et disposent

pour cela de leur propre structuration des métiers en interne. Il est nécessaire d’adapter

les outils dont se dote la collectivité pour corriger les inégalités professionnelles en son

sein au regard de l’organisation spécifique des services de chaque type de collectivité. Il

s’agit également de construire des instruments de mesure adéquats quant à l’articulation

entre effectifs des collectivités territoriales et blocs de compétences assurés.

3. Faire de l’action publique locale pour l’égalité des sexes un marqueur

identitaire de la collectivité

Procéder à l’inventaire des politiques menées par la collectivité en faveur de l’égalité

femmes-hommes permet de valoriser l’existant. Et la transversalité de la thématique offre

à l’exécutif de vastes opportunités en matière de bilan vis-à-vis des administré.e.s.

Comme le dispose le décret d’application de la loi du 4 août 2014, le rapport doit

présenter les politiques menées par la collectivité sur son territoire afin de parvenir à

l’égalité entre les femmes et les hommes.

Plusieurs sources existantes au sein de la collectivité peuvent être mobilisées. En premier

lieu, le rapport de situation comparée élaboré dans le cadre du bilan social et présenté en

comité technique permet de couvrir le volet relatif aux ressources humaines du rapport

global. Ce rapport de situation comparée a pu donner lieu à une concertation plus

approfondie en matière d’égalité professionnelle (c’est le cas du département de la Haute-

Garonne), voire à des protocoles d’accord internes, qu’il convient de recenser également.

Certaines collectivités ont d’ores-et-déjà un plan d’action en matière d’égalité femmes-

hommes, à l’instar de l’ancienne région Midi-Pyrénées ou de la mairie de Toulouse, qui

peut être mobilisé comme base de travail, voire des documents de bilan de sa mise en

œuvre. Concernant les communes comprenant des quartiers politique de la ville, les

contrats de ville peuvent représenter des apports significatifs (ils peuvent intégrer des

données sexuées et/ou prévoir des actions d’égalité des sexes). D’autres plans

d’action peuvent être pertinents : Agenda 21, Plan local pour l’insertion et l’emploi, etc.

Les tableaux de recensement des marchés publics sont un support utile pour la mise en

œuvre des interdictions de soumissionner potentielles. En interne, on peut également

mobiliser les bilans thématiques réalisés régulièrement par les directions de la collectivité,

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

72

voire à l’avenir les projets de budgets sensibles au genre qui pourraient un jour découler

des premières esquisses de budgétisation sensible au genre.

A cet inventaire de documents techniques et administratifs s’ajoutent les retours

d’expériences et les bilans des élu.e.s en charge de l’égalité femmes-hommes lors de la

mandature précédente (afin de connaitre leurs priorités, leurs marges de manœuvre, leur

influence dans le cadre des arbitrages budgétaires), et l’analyse du.de la référent.e égalité

femmes-hommes de la collectivité, si le poste était prévu sous le mandat précédent.

Sylvie FROIDEFOND est revenue sur le processus de recueil des données sexuées,

racontant que « La direction des sports nous a agréablement surprise car elle a beaucoup

de données genrées, sauf qu’elle ne s’en sert pas pour défendre les budgets ou

programmer la saison suivante : ainsi, l’équitation a été supprimée dans le cadre des

arbitrages budgétaires, sans prêter attention au fait que cela impacterait davantage les

filles ». L’animation socio-culturelle s’est également mise au recueil de données sexuées,

et a mis en avant que la participation des femmes diminue de 10 points sur les pratiques

de loisirs dans les quartiers politique de la ville. Ce n’est que quand on regarde les chiffres

qu’on peut en prendre conscience : « jusqu’à présent, les chiffres, ils les avaient mais ne

les regardaient pas », et certain.e.s collègues restent très dubitatif.ve.s sur l’intérêt de les

prendre en compte. Cela dépend également des logiciels (qui parfois demandent des

informations sexuées lorsqu’ils récoltent les données), mais « lorsque c’est intentionnel

de la part des directions [la collecte d’informations], il y a moins de données sexuées ».

Par exemple, on ne peut pas connaitre de manière genrée la fréquentation des musées,

ou bien l’étude réalisée en 2015 par Tisséo ne comportait aucun facteur relatif au sexe

des usager.ère.s. Cependant, « quand on soulève la question, on a en général un bon

accueil ». En parallèle de cette collecte de données, un travail est mené sur un dossier en

ligne pour les demandes de subventions des associations, et pour tous les dossiers de

subventions, afin de déterminer la part genrée des bénéficiaires. Il y a la volonté de

changer les choses, « pour qu’à un moment donné, ces données soient recueillies,

analysées et utilisées. »93.

Les documents listés précédemment doivent être les supports d’une analyse

approfondie par l’agent.e en charge de la réalisation du rapport sur la situation en matière

d’égalité femmes-hommes. Il ou elle pourra s’appuyer sur le réseau de référent.e de la

collectivité si un tel réseau est installé. C’était le cas au sein de l’ancienne région Midi-

93 Au-delà des données sexuées que la collectivité peut collecter par elle-même à travers ses formulaires et les évaluations de ses politiques, les agent.e.s peuvent mobiliser les données statistiques produites par l’Insee, le Commissariat général à l’égalité des territoires, les Caisses d’allocations familiales, Pôle Emploi, les Agences régionales de santé, etc.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

73

Pyrénées, qui disposait d’un réseau de référent.e.s à l’égalité femmes-hommes rattaché

aux référent.e.s sur le développement durable. La ville de Toulouse a installé des

référent.e.s au sein des directions prioritaires. Il n’y a pas de référent.e.s au niveau du

département de la Haute-Garonne, mais de l’avis de Corine BLANC-DORONIS, « à

terme on devra en mettre en place, ne serait-ce qu’en termes de documents à produire

ou de volonté politique. C’est très compliqué de recenser les données relatives à l’égalité

femmes-hommes, [recensement] qui doit se faire avant le vote du budget. Les référent.e.s

dans les directions permettraient de faciliter le recensement, puis de mettre en œuvre des

actions, mais ce n’est pas le cas pour l’instant ».

L’agent.e pourra également solliciter des entretiens avec les différentes directions afin de

nourrir l’aspect qualitatif de sa présentation. Ces entretiens peuvent également

représenter une opportunité pour vérifier qu’aucun projet ou action concourant à

l’égalité des sexes n’ait échappé aux mailles du recensement mené. Il est fréquent que des

collectivités mettent d’ores-et-déjà en œuvre des actions concourant à l’égalité femmes-

hommes mais que celles-ci ne soient pas identifiées comme telles, « parce

qu’effectivement au quotidien on fait déjà des choses sans l’avoir attribué à une politique

d’égalité femmes-hommes » témoigne Corine BLANC-DORONIS.

Le préalable méthodologique indispensable ici est de souligner que cette démarche vise

non pas à évaluer ce qui est fait mais bien à valoriser l’existant afin de ne pas susciter de

résistances en interne face à ce qui pourrait être perçu comme une approche évaluative.

« Si l’urgence est de recenser et valoriser l’existant pour répondre à la contrainte légale,

l’esprit du texte de loi est clair : le rapport sur la situation en matière d’égalité est un

support qui doit permettre de développer les politiques locales intégrées de l’égalité

prévues par l’article 1er de la loi du 4 août 2014 »94 insiste Paul DAULNY. Mais il ne

s’agit pas de considérer ce document comme un support unique.

En effet, les collectivités sont souvent inscrites dans des plans d’action et autres

documents d’orientation stratégique courant sur plusieurs années, qui peuvent avoir été

adoptés en amont de l’élaboration du rapport (à l’instar des schémas régionaux de

planification pluriannuelle, et des déclinaisons souvent triennales de la politique

contractuelle entre différents échelons de collectivités). Il est indispensable d’amender

les documents en question afin qu’ils intègrent la dynamique de gender mainstreaming.

Le décret de 2015 précise également que le rapport « peut comporter également une

analyse de la situation économique et sociale en matière d’inégalités entre les femmes et

94 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 46

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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les hommes » dans la collectivité, « à partir d’un diagnostic fondé sur les interventions

relevant de sa compétence et sur les données des bénéficiaires de ses politiques ». Cette

appréciation permet aux collectivités d’élargir la portée de leur rapport afin d’en faire un

véritable état des lieux des inégalités sexuées en matière économique et sociale sur leur

périmètre. Il s’agit notamment d’identifier les proportions sexuées des femmes et des

hommes sur le territoire (en ventilant les données en fonction de l’âge et de la catégorie

socio-professionnelle si possible) et les volumes financiers alloués à une politique au

regard du sexe de ses bénéficiaires. Il ne faut pas faire l’impasse sur l’importance de la

définition de ces indicateurs sexués, indispensables pour évaluer par la suite les politiques

menées à l’aune de l’égalité comme le prévoit la loi du 4 août 2014.

4. Du rapport sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les

hommes au plan d’action afférent

Comme le souligne le Centre Hubertine Auclert, « les politiques d’égalité femmes-

hommes en France sont encore dans une phase de développement. […] Les chargé.e.s

de mission qui portent cette politique se confrontent à différentes formes

d’incompréhensions »95 (voire de déni ou de mépris, comme en témoignent certaines

personnes interrogées dans le cadre de ce mémoire). On retrouve parmi le faisceau de

causalité de ces manifestations de rejet le fait que la fonction publique est supposée

vertueuse et impartiale « par nature », de par les valeurs de « neutralité des agent.e.s et de

traitement égalitaire des usagers et usagères »96.

Cela a été affirmé à plusieurs reprises, mais ce paramètre est important pour comprendre

les phénomènes d’appropriation qui dirigent l’institutionnalisation de cette action

publique avec plus ou moins de succès : « Il est donc parfois difficile pour certain.e.s

d’accepter de reconnaître que les collectivités reproduisent elles-mêmes, y compris dans

leur fonction d’employeuse, un certain nombre d’inégalités entre les femmes et les

hommes ». L’objectivation de ces manifestations relatives à la domination masculine est

un enjeu crucial du diagnostic genré interne et externe.

Il s’agit ensuite de se fonder sur ce travail d’inventaire pour construire le plan d’action.

Celui-ci est borné par un cadre temporel et délimite des orientations pluriannuelles, et

peut être mis à jour au fur et à mesure de sa réalisation et des bilans des politiques

menées. Les actions déjà installées et ayant témoigné de leur efficacité doivent y être

95 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 51 96 Paul DAULNY, Ibid., p. 51

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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inscrites, afin de permettre continuité et cohérence. Il s’agit donc de mettre en œuvre de

concert le plan d’action et son évaluation.

Au sein de l’ancienne région Midi-Pyrénées, le plan d’action est salué comme l’outil

ayant permis de mettre en cohérence l’action publique égalitaire et de lui donner de la

visibilité. Les référent.e.s à l’égalité entre les femmes et les hommes sont saisi.e.s

annuellement au sein de chaque direction pour remplir les indicateurs de résultats. La

mission régionale de prospective et d’évaluation intervient également. La mission à

l’égalité femmes-hommes est en charge de la centralisation des données. Lorsque

l’analyse des indicateurs laisse apparaître une stagnation, la collectivité procède à des

ajustements.

Pour Elsa BOYER-CROQUETTE, chargée de mission, cette procédure a permis la

hausse de la prise en compte des questions d’égalité. L’action publique régionale a évolué

de concert, avec une « progression à chaque plan en nombre et en types d’actions » sur

les trois générations de plan d’action. Le fait que ceux-ci épousent les contours des

compétences régionales permet aux services de monter en expertise à travers leurs

domaines de technicité97.

En 2008, la première décision prise en matière d’égalité entre les femmes et les

hommes suite à la victoire de Pierre COHEN aux élections municipales a été la création

d’« une commission extra-municipale avec les associations toulousaines concernées pour

les faire participer à l’élaboration du plan municipal sur l’égalité femmes-hommes »98,

explique Madeleine DUPUIS, conseillère municipale déléguée à l’égalité femmes-

hommes de 2008 à 2014. Cette commission se réunissait une fois par mois. Ce plan

d’action, qualifié initialement d’« européen » par Madeleine DUPUIS, est en effet

construit sur la base de la Charte européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la

vie locale, que la ville de Toulouse l’année suivante.

La ville de Toulouse a adopté à l’unanimité du conseil municipal le premier volet du

nouveau plan relatif à l’égalité femmes-hommes le 18 mars 2016. La municipalité a choisi

de faire appel aux services du cabinet Perfégal pour la construction de ce document,

présenté lors d’une conférence de presse dédié par Laurence ARRIBAGÉ, députée et

97 De ce point de vue, comme le souligne Sophie DEJOUX, directrice de l’environnement et du développement durable (à laquelle est rattachée la mission à l’égalité femmes-hommes), l’approche adoptée est différente de celle de l’ancienne région Languedoc-Roussillon. La politique d’égalité midi-pyrénéenne est « structurée du fait du plan d’action », de manière transversale mais axée sur les compétences régionales, alors qu’il n’y a pas de plan d’action en Languedoc-Roussillon. En outre, les priorités politiques d’intervention divergent : Midi-Pyrénées insistait sur les questions d’emploi et de vie économiques (encourageant l’implication croissante des femmes dans l’entreprenariat), tandis que Languedoc-Roussillon focalisait son intervention sur les violences de genre. 98 Composée de 14 associations, d’élu.e.s et de personnalités qualifiées, la commission extra-municipale était organisée en trois groupes thématiques autour des violences, de l’éducation à l’égalité, et de la cité.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

76

ajointe au Maire en charge des Sports et Julie ESCUDIER, conseillère municipale

déléguée au comité consultatif à l’égalité hommes-femmes et vice-présidente de

Toulouse Métropole, en charge de la cohésion sociale99.

Sylvie FROIDEFOND souligne ici l’« intérêt [de l’intervention] d’une personne

extérieure », car ce n’est pas toujours évident d’aller vers les services quand on est en

interne, d’où l’importance du rôle de Perfégal. Les réactions ne sont pas les mêmes quand

« c’est une collègue qui nous demande de faire ça » que lorsqu’il s’agit d’« une obligation

appuyée par un cabinet d’expertise extérieure, avec une étiquette d’experte qui légitime

la demande, même au niveau des directeurs et directrice.s de service, c’est un petit peu

mieux entendu ». Argument supplémentaire en faveur d’une intervention extérieure,

dans les services, « on sait très bien que la ville paye cher cet accompagnement d’expertise

». Toutefois, Madeleine DUPUIS déplore de son côté le fait que « la seconde partie du

plan d’action égalité femmes-hommes a été faite par une équipe parisienne […] sans

concertation avec la population et les associations », et pointe une élaboration du plan

déconnectée des réalités locales – le premier plan avait en effet été élaboré dans le cadre

de la commission extra-municipale aux côtés des associations.

Cette posture critique n’est pas partagée dans son ensemble par Sylvie FROIDEFOND,

qui considère effectivement que le premier plan était celui des associations, notamment

parce qu’il s’agissait de personnes que l’élue avait fréquenté toute sa vie. Aujourd’hui, «

le plan est vraiment le plan de la ville, de la municipalité ». Il y a « toujours la volonté de

travailler avec les partenaires extérieurs, mais de manière différente : le plan n’est plus le

plan des associations mais celui de la ville porté par les services municipaux ». En

parallèle, à la suite de l’ancienne commission extra-municipale, se fait l’animation du

comité consultatif relatif à l’égalité femmes-hommes, dont la composition a évolué vers

une extension au-delà des 13 associations précédemment membres. Les séances de

travail sont ouvertes à « un maximum d’associations, institutions et structures privées, et

syndicats » : « le mouvement associatif est bien là, il travaille différemment, et les

propositions d’actions ne viennent pas forcément que des associations ».

Les champs d’action désignés comme prioritaires sont les suivants par le nouveau

plan d’action toulousain sont la promotion de l’égalité dès la petite enfance ; la

démocratisation féminine de l’accès à la culture, aux loisirs et à la pratique sportive, mais

99 Le plan est municipal, toutefois de nombreuses directions sont mutualisées entre la ville et la métropole (comme les ressources humaines, ou l’économie sociale et solidaire). Il y a beaucoup de passerelles (cohésion et innovation sociale, politique liée à l’emploi, notamment dans le cadre du PLIE, Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi, etc.), comme lorsque des dispositifs métropolitains s’adressent majoritairement à un public de femmes. Somme toutes, s’il y a besoin de travailler sur une thématique ou une action, le fait qu’elle soit métropolitaine n’est pas un obstacle. En outre, la transversalité de l’égalité entre les femmes et les hommes s’applique également au sein du portefeuille métropolitain de Julie ESCUDIER.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

77

aussi à l'emploi ; et l’augmentation de l’accès et du recours aux droits des femmes, et de

leur participation citoyenne. Le premier volet annonce également la mise en place

annuelle d’un appel à projets doté de 25 000 euros. Il vise à permettre aux associations

de proposer des opérations en lien avec le thème choisi : elles disposent d’un délai

d’environ deux mois (en tout cas pour le cru 2016, de courant juin à fin août), ce qui est

peu notamment au regard de la période estivale, pour un projet qui pourrait

potentiellement débuter en septembre.

« Nous voulons favoriser l'accès des femmes et des filles à la pratique physique et

sportive » a expliqué Julie ESCUDIER à la presse. Laurence ARRIBAGÉ a souligné qu’«

en France, seulement 35 % des licencié.e.s des clubs de sport sont des femmes et la

plupart des femmes optent pour des disciplines hors compétition, il reste donc des

progrès à faire dans ce domaine ». La ville de Toulouse s’engage dans l’égalité en matière

sportive à travers une bonification des subventions accordées aux structures signataires

de la charte afférente100 et à celles qui mettent en œuvre des initiatives visant à améliorer

la mixité ou la pratique féminine. Lors de la conférence de presse, les élues ont également

mis en avant l’intersectionnalité des inégalités de sexe avec les inégalités sociales et

territoriales : « Beaucoup d'adolescentes décrochent de la pratique sportive vers 12 ou

13 ans, surtout dans les quartiers prioritaires […], c'est donc à nous de nous adapter avec

une offre différente. » (Laurence ARRIBAGÉ).

II. Des réponses nouvelles à la hausse de la contrainte budgétaire :

financement des politiques publiques et démarche budgétaire

sensible au genre

Les collectivités territoriales font face à deux mouvements simultanés : d’une part

l’extension du processus de décentralisation, avec des transferts de compétences

croissants depuis le niveau étatique ; et d’autre part le resserrement de leurs marges de

manœuvre budgétaires : les nouvelles obligations qu’elles doivent assurer ne sont pas

100 Fin avril 2016, 102 associations sportives locales sont signataires de la Charte toulousaine de lutte contre les discriminations et pour la mise en œuvre de l’égalité femmes-hommes dans le champ sportif, et 102 clubs essentiellement masculins bénéficient de 50 euros par femmes licenciées, sur environ 500 clubs sportifs. La ville souhaite à plus ou moins long terme lancer un appel à projet pour inciter à davantage de mixité, réfléchir aux usages des équipements sportifs au regard de l’égalité entre les femmes et les hommes et valoriser les actions que les clubs mènent d’ores et déjà en la matière, par exemple à travers une labellisation municipale spécifique aux actions municipales prenant en compte les inégalités entre les femmes et les hommes et cherchant à les corriger (l’« étiquette égalité femmes-hommes »).

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

78

financées suffisamment par l’État (baisse des dotations, suppression de la taxe

professionnelle, etc.), et elles sont contraintes d’adopter des budgets à l’équilibre. Face à

cette complexification du financement des politiques publiques, l’action publique

d’égalité entre les femmes et les hommes doit adopter des formes adaptées à la contrainte

budgétaire croissante afin de ne pas être mise à l’écart par manque de moyens.

1. Entre contrainte budgétaire et développement de l’évaluation

« L’approche de genre permet de rendre visible des inégalités ou des discriminations

sexistes dans des domaines très différents et parfois insoupçonnés comme ceux des

transports, du fait des horaires ou des trajets. Mais il en est un qui commence peu à peu

d’être questionné sous cet angle : le budget public. […] En France, depuis 2000, la loi

organique relative aux lois de finances (LOLF) vient conforter la démarche d’évaluation

entreprise en matière budgétaire (B. PERRET, 2003). Elle tente d’intégrer peu à peu une

dimension genrée. Le document de politique transversale (DPT), annexe de la loi de

finances pour l’année 2010 explique qu’en plus des politiques spécifiques, l’approche

intégrée consiste à "prendre en compte les besoins respectifs des femmes et des hommes

dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques sectorielles" » explique

Caroline RESSOT101.

Depuis le début des années 2000, la France a donc mis en place des mesures relatives

aux crédits ministériels engagés sur l’égalité femmes-hommes à travers les documents de

politique transversale (anciennement jaunes budgétaires) qui s’inscrivent dans la

préparation de la loi de finances. L’approche appliquée au niveau de l’État est donc celle

de la circulaire budgétaire dans le cadre de la loi de finances. Cette démarche compile les

crédits fléchés vers l’égalité femmes-hommes dans chacun des ministères au sein d’un

document de politique transversale102. Ce document expose d’abord les axes stratégiques

retenus pour améliorer l’égalité entre les femmes et les hommes, avant de préciser l’effort

financier engagé par l’État pour l’année à venir, l’année en cours et l’année précédente et

leur déclinaison dans les différents programmes budgétaires103. Cette approche n’est

toutefois pas opportune pour évaluer les dispositifs ayant un impact indirect.

101 Caroline RESSOT, « L’observatoire de la parité », in Xavier BIOY et Marie-Laure FAGES (dir.), Égalité - Parité, Une nouvelle approche de la démocratie ?, Presses de l’Université Toulouse 1 Capitole, 2013, p. 186 102 Le programme « égalité entre les femmes et les hommes » est l’un des 18 programmes transversaux institués depuis la mise en place des lois organiques relatives aux finances. 103 Le projet de loi de finances 2015 estimait les crédits de paiement dédiés à l’égalité femmes-hommes à 224 900 526 euros, soit un peu moins de 0,00057 % des crédits du budget général étatique.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

79

Il y a donc une volonté d’inscription du genre dans le budget de l’État depuis une

quinzaine d’années : toutefois, le.la législateur.rice n’a pas répercuté cet effort à l’échelon

des collectivités territoriales avant la loi du 4 août 2014. Si celle-ci ne mentionne pas de

budgétisation sensible au genre, elle dispose de la mise en œuvre d’une approche intégrée

de l’égalité par les collectivités territoriales, ce qui encourage la prise en compte du genre

dans tous les domaines de politiques publiques, y compris le budget.

En matière d’intégration du genre à la politique budgétaire locale, peu d’exemples sont

disponibles en France ou recensés en tant que tels. Le guide pratique du Centre

Hubertine Auclert représente dès lors un outil précieux afin d’appréhender ce que peut

être une budgétisation sensible au genre au niveau territorial : rédigé conjointement par

Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert) et Isabelle GUEGUEN (cabinet Perfégal),

le guide La budgétisation sensible au genre est paru en 2015104.

Comme le souligne Djénéba KEITA, alors présidente du Centre, en introduction, « dans

une période financière contrainte pour les collectivités, le budget sensible au genre est à

la fois un outil de transparence et d’allocation équitable de l’argent public. En effet, les

femmes sont trop souvent les victimes indirectes de la réduction de l’offre de services

publics »105. Le Guide ajoute que « la situation économique et le contexte de réduction

budgétaire […] doivent conduire les collectivités à réinterroger l’efficacité et l’efficience

des politiques développées et des moyens engagés. Les priorités d’action peuvent être

redéfinies et les choix peuvent s’opérer notamment au regard des impacts présumés ou

vérifiés des politiques et dispositifs sur l’égalité femmes-hommes. »106.

On pourra ici critiquer le fait que le Centre Hubertine Auclert mobilise les arguments du

New Public Management et d’une perception libérale du service public en faveur des

politiques d’égalité entre les femmes et les hommes, alors même que résorber les

inégalités, quelles qu’elles soient, demandent des moyens – un niveau d’investissements

financiers analogue à l’ancrage des inégalités peut d’ailleurs se justifier. Cependant, cette

argumentation porte davantage sur les effets de l’évaluation, axe central dans

l’élaboration de l’action publique promouvant les droits des femmes puisque l’un des

prérequis fondamentaux est de considérer que sans réflexion genrée, les politiques

publiques reproduisent ou renforcent les inégalités de sexe, ou au mieux sont sans effet

sur elles.

104 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015 105 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Ibid., p. 3 106 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Ibid., p. 63

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

80

2. Le concept de budgétisation sensible au genre

Le concept de budgétisation sensible au genre désigne un processus de conception de

politiques publiques, et plus précisément d’élaboration de la structure budgétaire et de

son contenu. Il s’agit de prendre en compte les perspectives de genre à travers tout le

cycle budgétaire afin que les impacts différenciés des dépenses et des recettes sur les

femmes et les hommes fassent partie intégrante de l’orientation budgétaire.

Le Conseil de l’Europe est à l’origine de la définition suivante : « L’intégration d’une

perspective de genre dans le processus budgétaire est une application de l’approche

intégrée de l’égalité entre les femmes et les hommes dans le processus budgétaire. Cela

implique une évaluation des budgets existants avec une perspective de genre à tous les

niveaux du processus budgétaire ainsi qu’une restructuration des revenus et des dépenses

dans le but de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes. ».

Il s’agit donc de mettre en œuvre l’approche intégrée de l’égalité au sein du volet

financier des politiques publiques afin de déterminer si la collecte des ressources

financières et leur redistribution renforcent ou non les inégalités entre les femmes et les

hommes, ou bien sont neutres du point de vue du genre. Ce travail de diagnostic et

d’évaluation doit conduire à des réajustements et à des amendements budgétaires, à

travers le levier des décisions budgétaires modificatives (mobilisé en général plusieurs

fois par mandature budgétaire par l’exécutif de la collectivité), lorsque que le budget de

l’année est en cours d’exercice ; et il doit structurer l’élaboration du budget prévisionnel

en amont de son adoption, c’est-à-dire dès le début de la conception du budget primitif.

Analyse genrée du budget : quels sont

les impacts différenciés entre

femmes et hommes ?

Adaptation des politiques

budgétaires vers une répartition des

ressources pour atteindre l'égalité femmes-hommes

Intégration systématique du

genre dans toutes les étapes des processus

budgétaires

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

81

Un budget local est un acte politique, contraint dans sa structure par son obligation

légale d’équilibre budgétaire. Son organisation et les volumes financiers affectés mettent

en exergue les priorités d’intervention dans les champs d’action de la collectivité : « Il est

rare pour une collectivité qui doit présenter un budget équilibré, de pouvoir investir ou

proposer des services dans tous les domaines et cette capacité tend à se réduire

aujourd’hui. Ainsi en termes d’investissement, la construction d’une nouvelle tribune au

terrain de sport ou d’un bâtiment pour héberger le pôle petite enfance n’aura pas le même

impact sur les femmes et sur les hommes du fait des rôles sociaux au sein de la famille

et de la pratique différenciée de certains sports »107.

Parler de budgétisation sensible au genre, ce n’est pas faire référence à un document

budgétaire spécifique aux femmes, ou ne recensant que les programmes politiques

promouvant l’égalité des sexes. Cet exercice consiste à envisager la répartition des

dépenses de la collectivité sous l’angle du genre, ce qui amène à donner des outils

concrets à la collectivité pour faire du budget un levier en faveur de l’égalité entre les

femmes et les hommes, en s’attachant à ce qu’elles et ils paient leurs cotisations et

redevances proportionnellement à leurs ressources et à leur part dans la population.

En effet, « le premier des enjeux est de favoriser l’égalité d’accès aux ressources et aux

services et l’égalité dans les prélèvements »108. Les phénomènes d’exclusion sont

rarement directs, voire exclusivement indirects : ils se traduisent à travers les pratiques,

les usages opérés par chacun.e dans l’espace public vis-à-vis des services produits ou

soutenus par la collectivité.

L’intégration d’une approche sexuée dans l’élaboration puis la présentation du budget

répond en outre à une exigence croissante de lisibilité et de transparence en matière

d’allocation des fonds publics, et cela participe en ce sens à une amélioration de la

gouvernance politique. Ce renforcement de l’accessibilité du budget peut également

s’accompagner par une consultation, voire une participation des administré.e.s : la mise

en place d’un budget participatif peut représenter un interface pédagogique et interactif

avec la population, adéquat avec une démarche de budgétisation sensible au genre.

Cette approche permet également de disposer de données financières sexuées

indispensables à une évaluation efficace et efficiente des politiques publiques à l’aune de

l’égalité entre les femmes et les hommes : « En essayant d’estimer la part des filles et des

femmes et la part des garçons et des hommes qui pourraient bénéficier et qui bénéficient

au final de tel ou tel service, on vérifie que l’action publique s’adresse bien au plus grand

107 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 10 108 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Ibid., p. 11

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

82

nombre ou à celles et ceux qui en ont le plus besoin, et non à une part réduite de la

population »109.

La démarche de budgétisation sensible au genre est un préalable à une évolution de la

structuration du budget afin de répondre aux enjeux nouvellement identifiés pour

atteindre une allocation égalitaire des moyens publics. Elle permet de repérer puis de

cibler les postes budgétaires qui expriment les disparités sexuées les plus importantes, et

les leviers stratégiques à abonder pour favoriser l’égal accès des femmes et des hommes

aux ressources.

Enfin, la perspective du genre étant également un concept d’évaluation des politiques

publiques, l’intégrer au processus budgétaire permet d’offrir à l’évaluateur.rice de l’action

public – professionnel.le ou non – de nouvelles opportunités de décryptages des fonds

publics à l’aune du sexe des bénéficiaires et contributeur.rice.s.

Comme nous l’avons vu précédemment, le rapport relatif à la situation en matière

d’égalité entre les femmes et les hommes est présenté par l’exécutif de la collectivité en

amont des débats sur le projet de budget, comme le prévoit l’article 61 de la loi du 4

août 2014. Le décret du 24 juin 2015 précise que « Le rapport comporte également un

bilan des actions menées et des ressources mobilisées en matière d'égalité professionnelle

entre les femmes et les hommes et […] présente notamment le suivi de la mise en œuvre

de la clause d'égalité dans les marchés publics. »110.

3. Mettre en œuvre une démarche budgétaire sensible au genre dans les

collectivités territoriales : principes et cas pratiques

Pour les agent.e.s responsables, il est nécessaire au préalable de s’approprier les

recherches et concepts afférents au genre des politiques publiques, aux inégalités dans

les usages des services en fonction du sexe, et aux capacités politiques des collectivités

en matière de réduction des inégalités entre les femmes et les hommes.

Des statistiques sexuées relatives à la population sont nécessaires pour évaluer le budget

à l’aune du genre : celles de l’Insee, du Commissariat général à l’égalité des territoires, ou

encore celles produites par les collectivités elles-mêmes. La démarche de budgétisation

sensible au genre renforce d’ailleurs les arguments en faveur de la sexuation systématique

des données recueillies par les collectivités (inscription à un service tel que la

109 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 12 110 Décret n° 2015-761 du 24 juin 2015 relatif au rapport sur la situation en matière d'égalité entre les femmes et les hommes intéressant les collectivités territoriales

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

83

médiathèque ou la garde d’enfants, demande de statistiques sexuées sur les bénéficiaires

dans un dossier de subventions, etc.). Il s’agit également de sélectionner des indicateurs

sexués afin d’évaluer l’état d’avancement des objectifs au regard des moyens alloués.

L’approche tri-catégorielle implique de ranger les programmes d’action publique au

regard de leur impact envisagé. On va donc ici distinguer les programmes neutres

(desquels aucune conséquence sur la réduction des inégalités femmes-hommes n’est

attendue), les programmes spécifiques (dont l’objet est de favoriser l’égalité des sexes) et

les programmes pouvant potentiellement influer sur les inégalités femmes-hommes.

Cette démarche méthodologique présente l’intérêt d’être fondée sur le concept de non-

neutralité des politiques publiques. En ce sens, elle permet de désactiver le mythe de

l’universalisme des politiques publiques et de leurs bénéficiaires, ou du moins de susciter

une réflexion sur cette problématique. Cependant, cette prénotion étant ancrée dans les

pratiques et les comportements des agent.e.s, il est probable que trop de programmes

soient considérés comme neutres, du moins au début de la mise en œuvre.

L’approche fondée sur le cycle budgétaire opère à travers les composantes

structurantes d’un projet (objectifs prévus, résultats obtenus, contenus, risques,

échéanciers, volumes budgétaires affectés, moyens humains). A l’aune des moyens

investis et/ou des recettes collectées en fonction de chacun des paramètres, il s’agit de

déterminer les niveaux dans lesquels des défaillances sont observées, et ceux qui

nécessitent d’être modifiés ou configurés différemment. L’évaluation du programme

d’action publique se fait donc en amont, ex ante (bénéfices espérés, activités définies, etc.)

et en aval, ex post (résultats et impacts réels). Comme le souligne le Centre Hubertine

Auclert, « il est, par exemple, possible qu’un programme soit sensible au genre dans ses

objectifs, mais que des inégalités de redistribution apparaissent au niveau des activités.

Au lieu d’abandonner le programme entier ou de le restructurer, on pourrait alors

suggérer des changements qui se limitent aux activités. »111.

Les collectivités territoriales peuvent s’attacher à diagnostiquer en amont et a priori les

effets du budget sur l’égalité femmes-hommes. En fonction des prévisions d’impacts

potentiels, il s’agira d’élaborer des crédits et des affectations de moyens correctrices, ou

de restructurer tout ou partie du budget prévisionnel. C’est le cas dans le cadre des études

d’impact menées préalablement à l’adoption d’une loi, une fois le projet de loi élaboré

(comme le prévoit la circulaire du 23 août 2012112, qui expose que :

111 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 31 112 Circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes législatifs et réglementaires de leur impact en termes d'égalité entre les femmes et les hommes

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

84

L'analyse conduite au stade de la préparation d'un projet de loi aura notamment pour

objet :

― de s'assurer que les dispositions envisagées ne portent pas atteinte aux droits des

femmes, ni n'aggravent les inégalités entre les femmes et les hommes : il conviendra

d'apprécier si ces dispositions ont pour effet, direct ou indirect, de favoriser un sexe au

détriment d'un autre, si elles peuvent avoir des conséquences négatives ou aggraver une

situation existante, par exemple en matière d'égalité professionnelle, d'accès aux droits

ou d'effectivité des droits, d'articulation entre vie personnelle et vie professionnelle. Si

tel était le cas, des mesures correctrices devraient être prévues ;

― de s'interroger sur l'opportunité de prévoir des dispositions spécifiques de nature à

mieux garantir les droits des femmes ou à réduire des inégalités existantes entre les

femmes et les hommes.

Il s’agit donc d’anticiper les éventuels effets du texte sur les droits des femmes (effectivité

de l’accès à ces droits spécifiques), l’égalité entre les femmes et les hommes et la

promotion de celle-ci.

Connaître la répartition femmes-hommes de la population touchée est indispensable

pour cadrer et proportionner l’analyse. Il s’agit ensuite de raisonner en termes d’effets

directs et indirects. Le Centre Hubertine Auclert précise à ce propos que « pour analyser

de possibles effets indirects du projet sur les femmes et les hommes, il faut s’interroger

sur l’existence possible de comportements différenciés chez les femmes et chez les

hommes, de discriminations multiples ou/et d’impacts différenciés dans le temps qui

conduiraient à un effet inégalitaire »113. Cette démarche à la fois méthodologique et

réflexive peut être adaptée dans le cadre de l’élaboration du budget prévisionnel.

Les collectivités peuvent également observer avec finesse la distribution de leurs

dépenses une fois celles-ci réalisées pour « comparer le coût d’un service, ou le montant

d’une subvention, avec le degré de l’utilisation de ce service ou d’octroi de cette

subvention par les femmes et les hommes »114. Chaque écart constaté doit être référencé

et expliqué afin de déterminer s’il est cohérent avec le public ciblé (s’il est justifié par les

usages et les pratiques au regard des objectifs attendus de la politique publique). Si ce

n’est pas le cas, il convient de réfléchir aux moyens de réduire les écarts constatés.

Une démarche participative partielle de l’élaboration du budget représente une autre

piste d’intégration de la perspective de genre au processus budgétaire, et renforce la

113 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 36 114 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), Ibid., p. 39

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

85

capacité des budgets territoriaux à souscrire aux attentes et aux besoins des

administré.e.s. L’évaluation par enquête ou groupe de réflexion ciblée permet d’analyser

l’accessibilité d’une politique publique, et le degré de satisfaction de ses usager.ère.s. Pour

le Centre Hubertine Auclert, « il est utile notamment de connaître les besoins définis par

les femmes et par les hommes et d’analyser les écarts éventuels au regard des ressources

et des rôles sociaux assignés […]. L’analyse peut être enrichie par l’identification de

difficultés qui pourraient être spécifiques à des groupes vulnérables »115. Les enquêtes de

satisfaction, déjà mises en place dans un certain nombre de collectivités, représentent

une piste de démarrage intéressante puisqu’il suffirait dans un premier temps de

différencier les femmes et les hommes dans la collecte des données, au sein même des

questionnaires.

Les recettes des collectivités peuvent également être observées sous l’angle du genre afin

d’évaluer la proportion des femmes et des hommes dans le paiement des impôts directs

et indirects et des cotisations. Des chercheur.euse.s du Conseil d’analyse économique

ont d’ailleurs souligné dans des travaux relatifs aux inégalités de salaire que « La fiscalité

française contient un élément bien connu qui contribue à la construction des inégalités

entre hommes et femmes : le quotient conjugal » en tant que « forme de traitement fiscal

[qui] nuit à l’activité et aux salaires des femmes »116. Le mode de calcul de l’impôt ne

permet pas d’inciter le.la conjoint.e qui a les revenus les plus faibles (majoritairement la

femme) à augmenter son activité.

Le principe constitutionnel de libre administration garantit aux collectivités

territoriales de fixer le taux des taxes directes qu’elles reçoivent (taxe d’habitation, taxe

foncière, contribution économique territoriale), dans le respect du cadre légal117. Il est

également possible de moduler les tarifs des différents services proposés par la

collectivité au regard du revenu des ménages. Les impacts de cette différenciation

peuvent influer fortement sur les inégalités entre les femmes et les hommes, étant donné

par exemple que dans près de 84 % des familles monoparentales, la mère est le parent

unique.

115 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015 116 Antoine BOZIO, Brigitte DORMONT, Cecilia GARCIA-PENALOSA, « Réduire les inégalités de salaires entre femmes et hommes », Les notes du conseil d’analyse économique, n°17, novembre 2014, p. 11 117 L’article 72-2 de la Constitution, créé par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République, précise que « Les collectivités territoriales bénéficient de ressources dont elles peuvent disposer librement dans les conditions fixées par la loi. Elles peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures. La loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources. La loi organique fixe les conditions dans lesquelles cette règle est mise en œuvre ».

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

86

Le Centre Hubertine Auclert considère que « la dimension égalité femmes-hommes

apparaisse dans les documents relatifs au budget local est un premier objectif. La

budgétisation sensible au genre suppose aussi que la dimension égalité femmes-hommes

participe à orienter ou réorienter les priorités ou certaines priorités du budget. Il convient

pour ce faire d’inscrire la démarche dans tout le cycle d’élaboration du budget »118.

Dans le cadre de la préparation du budget primitif, il est d’abord possible que l’exécutif

rappelle les objectifs relatifs à l’égalité femmes-hommes et vérifie chaque arbitrage à

l’aune du genre à travers la lettre de cadrage élaborée conjointement avec la direction

financière. Un document préparé au sein des cadres de concertation de la direction

administrative et politique peut permettre de présenter les données et indicateurs-clés en

fonction de chacun des domaines de compétence définis dans l’organigramme, et de faire

le lien avec le plan d’action sur l’égalité femmes-hommes si celui-ci existe. Le débat

d’orientation budgétaire doit comporter la présentation d’un rapport sur la situation en

matière d’égalité entre les femmes et les hommes devant l’assemblée délibérante de la

collectivité.

Par la suite, dans le cadre de la délibération relative au budget primitif, il est pertinent

d’inscrire l’égalité entre les femmes et les hommes parmi les objectifs généraux du

document, et d’insérer en son sein des données sur la persistance des inégalités et les

indicateurs mobilisables pour les identifier et les réduire. Ceux-ci doivent faire partie de

la communication de la collectivité autour de son budget, afin de rendre visibles pour le

grand public les mécanismes de reproduction des inégalités et les écarts persistants entre

femmes et hommes. Cela implique par la suite de restructurer la collecte de données de

la collectivité afin de systématiser le recueil de statistiques sexuées. Le travail d’analyse

devra prendre en compte ces statistiques dans la restitution des actions menées.

Enfin, lorsque vient le temps du bilan de l’exercice budgétaire écoulé, le rapport d’activité

afférent doit intégrer la dimension de l’égalité femmes-hommes et témoigner de

l’évolution observée à travers les indicateurs mobilisés.

Tout au long du processus, il ne faut pas occulter deux paramètres : d’abord, une mise

en œuvre efficace et cohérente nécessite la formation des agent.e.s concerné.e.s ; et

ensuite l’entrée dans cette démarche implique une certaine dose d’expérimentation. Les

outils choisis par la collectivité au début de ses efforts en faveur de la budgétisation

sensible au genre ne sont pas immuables : il est avant tout indispensable de déterminer

les leviers de conception, d’action et d’évaluation les plus adaptés à la situation de la

118 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 59

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

87

collectivité. La collectivité mobilise donc une « stratégie d’action axée sur

l’expérimentation d’une démarche permettant à chacune des parties prenantes de

s’approprier les outils, les résultats et la transformation éventuelle des dispositifs mais

aussi des procédures »119. On peut par exemple envisager d’appliquer la budgétisation

sensible au genre sur quelques politiques ou dispositifs, ou sur quelques sections ciblées

du budget, avant d’aller vers une généralisation complète ou progressive. Les politiques,

dispositifs ou sections de départ peuvent être sélectionnées au regard de l’investissement

de l’élu.e concerné.e, des compétences prioritaires de la collectivité, ou de la présence de

statistiques sexuées.

4. Le levier de la commande publique : quelques pistes d’intégration du

genre à la politique budgétaire

Mobiliser la commande publique au service de la défense des droits des femmes et de

la promotion de l’égalité femmes-hommes représente une piste d’action déterminante –

et ce d’autant plus que les collectivités représentent le premier poste d’investissement

public, c’est-à-dire près de 70 % de l’investissement public civil (58,8 % de

l’investissement public d’ensemble en 2013), soit près de 50,4 milliards d’euros au sein

de la formation brute de capital fixe 2014120. L’article 12 de la Charte européennne pour

l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale précise que la collectivité signataire

« reconnait que dans l’exécution de ses tâches et de ses obligations relatives aux

fournitures de biens et de services, y compris les contrats d’achat de produits, le recours

à des services et la réalisation de travaux, il est de sa responsabilité de promouvoir l’égalité

des femmes et des hommes ».

En outre, l’article 16 de la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et

les hommes prévoit pour les collectivités et établissements publics des interdictions de

soumissionner liées au non-respect par les entreprises co-contractant.e.s des politiques

d’égalité. Dès lors, des entreprises qui auraient été condamnées pénalement suite à une

violation des dispositions d’égalité femmes-hommes, et/ou qui n’auraient pas souscrit

aux impératifs de négociation sur les objectifs d‘égalité professionnelle (notamment au

niveau salarial) de leurs employées et employés ne peuvent pas être titulaires de marchés

publics. La mise en pratique de cet article, prévue depuis le 1er décembre 2014, est

119 Paul DAULNY (Centre Hubertine Auclert), Isabelle GUEGUEN (Perfégal), La budgétisation sensible au genre – Guide pratique, Centre Hubertine Auclert, août 2015, p. 63 120 Insee, Comptes de la nation, Graphique 1 : Évolutions de l’investissement (FBCF) des administrations publiques, in Didier RIDORET (rapporteur), « Encourager l’investissement public des collectivités territoriales », Avis du Conseil Économique, Social et Environnemental, Les éditions des journaux officiels, juillet 2015, p. 6

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

88

complexifiée par le fait que le décret d’application afférent n’a pas encore été publié : il

semble que des doutes subsistent quant aux capacités des administrations à tenir les

délais de réponse vis-à-vis des entreprises. Ainsi, le décret du 25 mars 2016 relatif aux

marchés publics ne mentionne ni l’égalité entre les femmes et les hommes, ni l’approche

intégrée de l’égalité121. Toutefois, la direction des affaires juridiques du ministère des

Finances a publié en août 2014 une fiche explicative à l’intention des acteur.rice.s

public.que.s122, et un récapitulatif du calendrier imposé au pouvoir adjucateur123.

La portée de cet article est également réduite par le fait qu’il porte sur les marchés régis

par le Code des marchés publics et par l’ordonnance du 6 juin 2005 : contrairement à

l’État et à ses établissements, les contrats de partenariat et les délégations de service

public des collectivités n’entrent pas dans le champ de l’article 16. In fine, il est nécessaire

d’intégrer à l’analyse ex ante de l’efficacité de cet article les capacités de contrôles

effectives des collectivités vis-à-vis des entreprises candidates à un marché public, et de

mettre à jour en ce sens les procédures de contrôles de légalité.

Autre levier financier, les acheteur.euse.s public.que.s peuvent introduire dans leurs

marchés des clauses, dites d’insertion ou sociales, destinées à favoriser l’emploi de

publics en difficulté par les entreprises qui obtiennent les marchés publics. Une clause

d’insertion est un article spécifique présent dans un appel d’offre. Il s’agit concrètement

de réserver une partie des heures de main d’œuvre (entre 5 et 10 %) des travaux à

l’embauche de publics éloignés de l’emploi. C’est la collectivité publique, maîtresse

d’ouvrage du marché, qui décide de la définition du public dit « en difficulté d’accès à

l’emploi » (bénéficiaires du RSA, chômeur.euse.s et/ou demandeur.euse.s d’emploi de

longue durée, jeunes peu ou pas qualifié.e.s, personnes en situation de handicap, etc.).

Les résultats produits par les clauses sociales d’insertion sont en général encourageants

pour la majorité des bénéficiaires, même si les données disponibles sont incomplètes et

éparses. Cependant, en décembre 2012, les données regroupées par l’Agence nationale

de rénovation urbaine (ANRU) montrent que les bénéficiaires sont majoritairement des

jeunes et essentiellement des personnes peu qualifiées. Ce sont des hommes pour 93 %

d’entre eux ou elles.

121 Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics 122 Direction des affaires juridiques, « Loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes », Espace Marchés publics, ministère des Finances, 29 août 2014 123 Direction des affaires juridiques, « A partir de quand appliquer les nouvelles interdictions de soumissionner introduites par la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ? », Espace Marchés publics, ministère des Finances, 4 septembre 2014

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

89

Les clauses d’insertion sociale représentent donc d’une part un exemple de politique

publique très largement mobilisé par un public masculin, et d’autre part un levier propre

aux marchés publics qui pourrait être redessiné vers un rééquilibrage des bénéficiaires124.

En parallèle, la Nouvelle charte nationale d’insertion 2014-2024 de l’ANRU125, applicable aux

porteur.euse.s de projets et aux maître.sse.s d’ouvrage contractualisant avec l’Agence

dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain, établit les

principes structurants des clauses, lesquelles doivent « s’inscrire dans une politique

globale d’accès à l’emploi et à la formation des habitants des quartiers prioritaires, portée

par le contrat de ville ; constituer un outil pour la construction de réels parcours vers

l’emploi pour les habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville ; faire l’objet

d’un suivi et d’un pilotage partenarial, coordonné à l’échelle intercommunale ».

Quant à la féminisation des bénéficiaires, la Charte précise que pour construire des

parcours d’insertion de qualité, les partenaires doivent s’attacher à « diversifier les types

de marchés contenant des clauses sociales afin de répondre aux besoins de différents

publics, notamment des femmes et des jeunes peu qualifiés », en s’appuyant sur le

diagnostic local de l’emploi existant (ce qui implique que le diagnostic en question soit

sexué126). En outre, « une attention particulière sera portée à l’insertion professionnelle

des femmes et des jeunes sans qualification ou expérience professionnelle ».

Dans son rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes, intitulé « Pour l’égalité

femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements

publics »127, le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes développe le

concept de l’éga-conditionnalité. Partant du principe de cohérence du budget public (qui

implique que les politiques financées ne doivent pas être contradictoires dans les buts

124 Cette volonté d’accroissement de la part des femmes a été énoncée par la ministre Najat VALLAUD-BELKACEM en juin 2014 : « Le nouveau programme national de renouvellement urbain confié par la loi à l’ANRU devra être l’occasion d’amplifier ce mouvement et doit être un outil à part entière de la politique de l’emploi dans les quartiers, pour que les 322 000 emplois induits qu’il produira profitent d’abord aux habitants de ces territoires. Nous devrons donc faire plus mais également faire mieux et je pense notamment à la question de la féminisation de ces emplois quand à peine 6% des bénéficiaires actuelles des clauses d’insertion des chantiers financés par l’agence sont des femmes. » in Discours de Madame Najat VALLAUD-BELKACEM, ministre des Droits des femmes, de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, en ouverture des Journées Nationales d'échanges des acteurs de la rénovation urbaine (JERU), 17 juin 2014 125 Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine, Nouvelle Charte Nationale d’Insertion – 2014-2024, 24 mars 2015 126 La structure de pilotage doit entre autres transmettre au.à la délégué.e territorial.e de l’Agence une typologie des bénéficiaires comprenant des données sexuées. 127 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (rapporteure générale : Claire GUIRAUD), Rapport relatif à la lutte contre les stéréotypes – « Pour l’égalité femmes-hommes et contre les stéréotypes de sexe, conditionner les financements publics », Rapport n°2014-10-20-STER-013, remis à Marisol TOURAINE, ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, et Pascale BOISTARD, secrétaire d’État chargée des Droits des femmes par Danielle BOUSQUET, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes et Isabelle GERMAIN, présidente de la Commission Lutte contre les stéréotypes et la répartition des rôles sociaux, 20 octobre 2014

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

90

poursuivis et les moyens mobilisés), le HCE décrit les rouages du mécanisme d’éga-

conditionnalité128, visant à conditionner les financements publics à leur capacité à

développer l’égalité des sexes.

Il est par exemple possible d’intégrer aux marchés publics des conditions d’exécution

favorisant la promotion de l’égalité femmes-hommes qui pèsent dans l’attribution du

marché, à l’instar de la ville de Nantes. Les collectivités peuvent également communiquer

davantage sur les interdictions de soumissionner, ce qui renforce d’ailleurs leur sécurité

juridique. Quant aux entreprises, elles ont l’opportunité de renforcer leur politique de

responsabilité sociale et d’impulser en interne une dynamique égalitaire. Le pouvoir

adjudicateur dispose de larges marges d’appréciation dans le cadre des partenariats

public-privé, tant sur le choix des candidat.e.s que sur les modalités de mise en œuvre.

Les clauses sociales d’insertion développées précédemment représentent une illustration

des conditions qui peuvent être négociées dans le cadre partenarial. Les partenariats

public-privé présentent en outre l’intérêt d’être déployés sur le long terme, et de manière

multiforme ; et ils impactent directement les usager.ère.s. Les contrats d’objectifs et de

moyens conclus par les collectivités peuvent également être construits de manière éga-

conditionnelle.

La ville de Toulouse contractualise dans certains domaines de manière éga-

conditionnelle. Le bilan 2008-2014 des actions menées par la commission extra-

municipale pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale développe

plusieurs perspectives pour conditionner le subventionnement des associations à la prise

en compte des inégalités de sexe, à travers le dossier de demande de subvention

notamment. Les partenaires pourraient être invité.e.s à mener en interne une observation

des pratiques à l’aune du genre. Plusieurs indicateurs sont envisagés pour former un

critère d’attribution à l’aune du genre : la parité dans l'organe décisionnel, le partage des

responsabilités, la mixité des publics ciblés, etc.

Interrogée sur une mobilisation des clauses de commande publique, Sylvie

FROIDEFOND souligne que « C’est [l’égalité femmes-hommes] pris en compte mais

pas contrôlé », la direction afférente ne fait « pas encore partie des directions avec

lesquelles on travaille, mais il y aura un travail dans le cadre du plan. ». La clause relative

à l’égalité entre les femmes et les hommes est intégrée dans les marchés publics. Certaines

directions passent des CPOM (conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens) : au

sein des directions Culture, et Enfance et loisirs, il y a dans les objectifs de ces documents

128 La construction du terme en elle-même semble être à la fois significative et militante. Inspiré du concept d’éco-conditionnalité, le préfixe « éga » renvoie ici directement à l’égalité entre les femmes et les hommes. Celle-ci est donc envisagée en tant que base formelle de l’égalité, et ne nécessite donc pas d’être qualifiée au-delà du préfixe.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

91

des indicateurs d’égalité femmes-hommes et d’égalité filles-garçons qui entrent dans les

nouvelles conventions pour les trois voire quatre années à venir. Le plan d’action 2016-

2020 prévoit d’intégrer l’égalité dans la gestion des crédits.

5. Les prémices politiques d’une sensibilité budgétaire au genre dans

l’ancienne région Midi-Pyrénées

Dans l’ancienne région Midi-Pyrénées, on peut observer une volonté d’affichage de

l’égalité femmes-hommes avec une délégation dédiée en 1998. Une dizaine d’années plus

tard, cette délégation est intégrée aux compétences gérées par les vice-président.e.s, dans

un portefeuille comportant également une délégation régalienne, celle des Finances.

En 2012, Nadia PELLEFIGUE est nommée vice-présidente aux Finances et à l’Égalité

femmes-hommes. Lors de l’entretien réalisée avec elle à ce titre, elle souligne bien

l’aspect stratégique de lier une compétence non-obligatoire à une délégation régalienne.

Toutefois, l’égalité femmes-hommes ne s’applique évidemment pas prioritairement

(voire seulement) aux champs de l’Enseignement supérieur et des Finances : la

transversalité s’opère en amont, à travers le plan d’action Égalité femmes-hommes.

La vigilance sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes est indispensable

lors des arbitrages budgétaires. De ce point de vue, l’association avec la délégation aux

Finances offre un canal privilégié de sensibilisation des autres vice-président.e.s, qui font

preuve de davantage d’écoute. La vice-présidente estime également que les ressources de

la mission Égalité ont plutôt augmenté depuis le début de la mandature, mais que son

budget a été restructuré par les contraintes budgétaires.

En termes d’outils mobilisés, l’égalité entre les femmes et les hommes est promue à

travers les appels à projets (ceux des associations féministes sont régulièrement retenus),

et à travers une formation adéquate des membres siégeant dans les commissions d’appels

d’offres. Le Plan d’actions régional 2015-2017 prévoit de « déployer l’appel à projets

innovants régional pour l’égalité femmes-hommes »129, auprès de la jeunesse (lycéen.ne.s

et apprenti.e.s), des entreprises (TPE, PME) et dans le champ sportif.

Elsa BOYER-CROQUETTE, chargée de mission Égalité femmes-hommes au sein de

la mission Égalité, estime qu’au sein des arbitrages budgétaires, il y a eu protection et

portage de la mission, ce qui a permis que ses lignes budgétaires ne baissent pas.

129 Région Midi-Pyrénées, Plan d’actions régional 2015-2017, L’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, adopté par l’Assemblée plénière en décembre 2014, p. 24. 170 000 euros sont prévus au budget primitif 2015.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

92

Il n’y a pas de suivi genré du budget. Cependant, le directeur de la direction des affaires

financières a participé à l’étude menée par l’INET sur le gender budgeting (ce qui peut laisser

augurer une certaine sensibilisation de sa part), et chaque euro dépensé est évalué au sein

de chacune des opérations budgétaires.

En juillet 2016, un semestre après l’élection du nouvel exécutif, dirigé par Carole

DELGA, et l’installation de la nouvelle région issue de la fusion entre Languedoc-

Roussillon et Midi-Pyrénées, la délégation à l’égalité entre les femmes et les hommes est

désormais représentée par une commission dédiée, présidée par Nadia BAKIRI. A la

question « La mission dédiée à l’égalité entre les femmes et les hommes dispose-t-elle de

ressources suffisantes ? », elle a répondu que : « L’avantage que nous avons, c’est que

nous avons une femme à la tête de la région, et qu’elle se sent complétement concernée.

L’impulsion vient de la Présidente, c’est elle qui fait bouger les choses au sein de

l’institution. Concernant l’arbitrage budgétaire, ma commission est la seule commission

qui n’a pas eu de baisses de budget ni de problème ».

Cette réponse souligne l’importance de la force du portage politique de la thématique –

terme mobilisé par Nadia BAKIRI pour souligner la transversalité et la volonté

d’intégration de l’action publique en faveur de l’égalité des sexes : « l’égalité femmes-

hommes n’est pas une compétence, c’est une thématique qui doit être de fait ». Pour la

présidente de la commission à l’égalité entre les femmes et les hommes, le fait que la

présidence de la Région soit occupée par une femme n’est pas neutre : « l’élue référente

est madame la Présidente, et c’est une chance […]. Tous les projets qu’on a doivent être

validés par la Présidente, elle a déjà mis en place des choses, dans la communication

interne ou la promotion des femmes à des postes de direction ». Le parcours politique

personnel de Carole DELGA est également un facteur d’influence de la thématique,

« parce que c’est une femme et qu’elle a rencontré des difficultés en tant que femme pour

avoir des responsabilités, et en tant que ministre, puis comme candidate à la candidature

pour être la représentante du Parti socialiste ».

Interrogée sur la raison de la suppression de la délégation à l’égalité femmes-

hommes des portefeuilles des vice-président.e.s, Nadia BAKIRI explique qu’«

aujourd’hui, il n’y a pas une vice-présidence de l’égalité entre les femmes et les hommes

parce qu’elle est incarnée par la Présidente » : il y a une commission dédiée, « et l’élue

référente est directement la Présidente. D’ailleurs, je rends compte à la Présidente ».

La Présidente met en exergue la volonté de positionner stratégiquement la thématique

de l’égalité femmes-hommes, et non seulement au travers d’un portefeuille de vice-

présidence : « J’ai souhaité créer, dès le début du mandat, une commission dédiée à

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

93

l’égalité femme-homme présidée par Nadia BAKIRI pour poursuivre cette démarche de

forte implication politique. Cela permet, d’une part, de valoriser le travail collectif de

l’assemblée délibérante. D’autre part, la thématique de l’égalité femme-homme étant par

nature transversale, elle nécessite d’être intégrée dans les préoccupations de plusieurs

délégations ou vice-présidences comme l’emploi, la formation, l’économie, la recherche,

ou l’éducation. Ainsi, le positionnement transversal de la présidente de commission qui

n’est rattachée à aucune vice-présidence, vise à favoriser et rendre lisible la prise en

compte de l’égalité femme-homme dans les politiques régionales. »130.

Le budget régional 2016 affecte 500 000 euros à l’égalité entre les femmes et les hommes,

poste budgétaire qui apparait d’ailleurs dans l’infographie réalisée à l’occasion du vote du

budget.

Interrogée sur la démarche de budgétisation sensible au genre, Nadia BAKIRI souligne

avant tout la transversalité de l’action publique d’égalité entre les femmes et les hommes,

garantie par le fait que l’élue référente en la matière est la Présidente : « Aujourd’hui de

toute façon à la Région il y a un budget consacré à l’égalité entre les femmes et les

hommes. C’est le plus petit budget de la Région, mais il existe. Suite aux échanges avec

la Présidente, c’est un budget qui sera amené à évoluer. Je suis aussi en capacité d’avoir,

avec la Présidente, des lignes budgétaires dans les autres compétences régionales

(développement économique, culture, jeunesse, sport, etc.). Il y a un budget calé, mais

aussi un budget qu’on pourra prendre dans la communication. La thématique égalité

femmes-hommes n’a pas de limite. ». « On met en place des projets, on a plein d’idées,

on a un budget dédié, donc on rentre dans le cadre de la loi, mais pas parce que c’est une

loi, mais parce qu’on croit en cette thématique, on en a besoin », et pour une autre raison

essentielle : « c’est aussi parce qu’on a une femme à la tête de la région, combattive,

déterminée, dans l’action ».

On peut donc en conclure que pour le cas de l’ancienne région Midi-Pyrénées, le fait

de sanctuariser les ressources de la mission relative à l’égalité entre les femmes et les

hommes, et celui de porter la thématique au sein des arbitrages budgétaires, témoigne

d’un volontarisme politique impulsé par l’exécutif politique, et incarnée par la vice-

présidence aux Finances, à l’Enseignement supérieur, à la Recherche et à l’Égalité

femmes-hommes. Ce volontarisme politique semble se poursuivre dans les premiers

mois de la mandature de la nouvelle Région, affichage concrétisé notamment par le

maintien d’un budget dédié sans que des négociations politiques difficiles aient été

130 Il n’a pas été possible de réaliser un entretien en direct avec la Présidente de la Région. Toutefois, une grille de questions a été transmise à son cabinet : les propos restitués dans le cadre de ce mémoire sont issus des réponses envoyées en retour.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

94

nécessaires entre la présidente de la commission relative à l’égalité entre les femmes et

les hommes et la nouvelle Présidente de la Région. On peut considérer que Carole

DELGA a sanctuarisé le budget relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes au sein

des arbitrages budgétaires.

Cependant, cette impulsion politique ne se traduit pas encore par une budgétisation

sensible au genre, même si on peut distinguer la conjonction de plusieurs éléments

pointés auparavant comme significatifs : la sensibilisation des élu.e.s et la conviction de

l’exécutif bien sûr, mais également la formation des agent.e.s (on fait référence ici à la

participation du directeur des affaires financières de la région Midi-Pyrénées à une étude

menée par l’INET sur le gender budgeting), ou encore le levier de l’évaluation, évoqué à

plusieurs reprises lors des entretiens réalisés bien qu’elle ne soit pas encore systématique.

Suite à cette observation approfondie des instruments d’action publique et des

méthodes de représentation politique communes aux collectivités, ainsi que des

perspectives offertes par la mise en œuvre de la loi du 4 août pour l’égalité réelle entre

les femmes et les hommes, il s’agit de se pencher sur des domaines stratégiques d’action

publique, dans lesquels l’échelon local peut fortement s’investir politiquement pour

assurer le développement d’une culture de l’égalité et l’élimination des inégalités de sexe

sur toute la diversité du territoire.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

95

Partie 4

Une action publique à la fois transversale et priorisée :

l’éducation et l’aménagement du territoire

L’étude des instruments et des ressources d’action publique transversales nous a

permis de voir la diversité des marges de manœuvre des collectivités territoriales en

matière d’égalité entre les femmes et les hommes, et la manière dont les procédures et

processus internes peuvent se déployer au-delà des frontières administratives des

instances locales. L’égalité entre les femmes et les hommes est une compétence

transversale : comme nous l’avons vu, les inégalités sexuées se déploient et se renforcent

à travers tous les champs de la vie économique, culturelle et sociale. Au regard des

entretiens menés et des recherches réalisées, deux domaines de politiques publiques vont

dans cette troisième partie faire l’objet d’un focus approfondi : l’éducation et l’animation

du territoire.

I. L’éducation à l’égalité des sexes par la mise au jour des inégalités

La prise de conscience du déploiement et de la profondeur des inégalités entre les

femmes et les hommes dans tous les champs de la vie sociale est parfois comparée par

les militant.e.s féministes au fait de « chausser des lunettes » : celles d’un regard

désormais genré et de plus en plus apte à mettre au jour des phénomènes discriminatoires

sexistes avec acuité.

C’est la raison pour laquelle la formation des agent.e.s des collectivité – ou tout du moins

une sensibilisation – est préconisée par les acteur.rice.s institutionnel.le.s, en tant que

prérequis à une mise en œuvre efficace de l’action publique locale d’égalité des sexes.

Cette position est par exemple défendue par le Centre Hubertine Auclert – « la

sensibilisation et la formation de tou.te.s les agent.e.s de la collectivité est également une

condition primordiale de réussite d’une politique d’égalité femmes-hommes »131 – et a

déjà été commentée précédemment.

131 Paul DAULNY, Réaliser un rapport sur la situation en matière d’égalité femmes-hommes – Guide pratique pour accompagner les collectivités territoriales, Centre Hubertine Auclert, mai 2016, p. 55

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

96

En matière de formation, les collectivités peuvent déployer leurs compétences au-delà

de leur personnel, à travers la politique éducative.

1. La formation des agent.e.s, un levier crucial mais inégalement déployé

Les collectivités peuvent s’appuyer sur l’offre de formation nationale développée par

le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT), qui se décline entre

modules de formation généralistes et spécialisés (relatifs à la communication, aux

ressources humaines, etc.). Il ne faut pas oublier ici d’articuler la formation au regard des

blocs de compétences dédiés des collectivités. La formation peut être mise en œuvre

directement par la direction des ressources humaines de la collectivité. On observe

souvent une approche descendante le long de la hiérarchie.

Comme l’a souligné Nadia PELLEFIGUE en entretien, comme tout corps social, les

agent.e.s régionaux.ales ne sont pas perméables aux stéréotypes et aux inégalités qui

traversent une réalité sociale avec laquelle ils et elles sont en prise. Concernant la

formation à l’égalité entre les femmes et les hommes, l’ancienne région Midi-Pyrénées

avait été soucieuse de ne pas adopter une approche culpabilisante, et a choisi d’organiser

des modules en petits groupes, en se fondant sur le postulat que rendre conscience que

nous sommes tous et toutes porteur.se.s de stéréotypes constitue la première étape pour

les déconstruire. L’évaluation faite par les agent.e.s suite aux modules fait émerger une

formation considérée comme utile, et fortement encouragée par la hiérarchie.

Sophie DEJOUX, directrice de l’environnement et du développement durable de

l’ancienne région Midi-Pyrénées132, souligne toutefois qu’il est difficile de mesurer le

changement des mentalités. Des opérations de sensibilisation ont eu lieu lors des deux

rencontre des référent.e.s à l’égalité entre les femmes et les hommes, accompagnée de

mises en situation en termes de stéréotypes. Elle souligne également le rôle des

statistiques sexuées, notamment afin de bousculer les prénotions et les préalables.

Elsa BOYER-CROQUETTE, chargée de mission à l’égalité entre les femmes et les

hommes de l’ancienne région, met en exergue un autre levier en faveur du

développement d’une culture égalitaire partagée par l’ensemble des agent.e.s :

l’élaboration du plan d’action, pour lequel tous les services ont été saisis, et qui a été

validé à chacun des échelons hiérarchiques. Cela a permis d’accroître l’appropriation des

132 L’ancienne région Midi-Pyrénées disposait d’un réseau de référent.e.s à l’égalité entre les femmes et les hommes dans les services : ce sont les référent.e.s développement durable, qui ont vu l’égalité entre les femmes et les hommes être ajoutées à leur mission en 2014 (il y a en effet un.e référent.e développement durable par direction depuis le premier Agenda 21, en 2005). La mission Égalités est positionnée administrativement au sein de la direction de l’environnement et du développement durable.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

97

sujets par les référent.e.s133. Par ailleurs, la journée internationale des droits des femmes

permet d’approfondir la sensibilisation de tou.te.s.

Au niveau du département de la Haute-Garonne, il n’y a pas d’offre spécifique par

rapport à l’égalité entre les femmes et les hommes, « ce sera très certainement inscrit

dans le plan d’action » pour Corine BLANC-DORONIS. Christine STÉBENET

évoquait en entretien la nécessité d’un module de sensibilisation à l’intention des élu.e.s.

Un projet de formation des agent.e.s des Maisons départementales des solidarités est en

cours de réflexion, afin de faire évoluer leurs missions et d’actualiser leurs connaissances

quant aux dispositifs existants.

A Toulouse, Madeleine DUPUIS souligne que durant le mandat de Pierre COHEN, une

formation sur l’égalité entre les femmes et les hommes a été organisée à l’attention des

personnels, à travers des « journées de travail et de réflexion » : « il y avait beaucoup

d’inscrit.e.s »134. Sylvie FROIDEFOND partage ce constat : « l’ancienne municipalité a

démarré plein de choses, il fallait faire comprendre les choses, parler dans cette première

phase. Dans les services, les cadres notamment sont beaucoup plus concerné.e.s par la

thématique ». Les actions de formation ont surtout été axées sur la problématique des

violences faites aux femmes.

La nomination de référent.e.s égalité femmes-hommes (« On a demandé à ce que ça

soient des cadres ») dans les directions prioritaires est prévue par le plan d’action

récemment adopté. « Ces collègues ne seront pas forcément formé.e.s », il y a donc un

travail en cours relatif à l’élaboration d’un plan de formation avec la direction des

ressources humaines, plan qui sera « probablement étendu aux directeur.rice.s des

services ». Sylvie FROIDEFOND salue d’ailleurs le rôle de soutien du plan de formation

du CNFPT : la mission à l’égalité entre les femmes et les hommes s’est faite le relai de

ces formations pour que les agent.e.s de la ville s’y inscrivent.

« Il y a encore pas mal de travail à faire au niveau de la formation » constate-t-elle. En

effet, il y a environ 13 000 agent.e.s dans la ville et la métropole : 8 000 à la ville de

Toulouse, 5 000 à la métropole. En 2013, 90 agent.e.s ont bénéficié d’une formation sur

133 Elsa BOYER-CROQUETTE souligne à cette occasion que la politique régionale d’égalité femmes-hommes obtient de meilleurs résultats lorsque les directions sont autonomes. Cela permet en outre l’identification des directions pilotes. La direction de l’environnement et du développement durable intervient en tant qu’appui technique. 134 Jocelyne BOUGEARD a eu l’occasion d’intervenir dans ce cadre. L’élue fait figure de référence dans le champ des politiques locales d’égalité : élue conseillère municipale de Rennes en 2001, elle se voit confier la délégation aux droits des femmes. Elle devient ensuite adjointe au maire de Rennes déléguée aux temps de la ville, aux droits des femmes, à l’égalité des droits et à la laïcité. En 2008, la ville de Rennes obtient le label « égalité professionnelle entre les femmes et les hommes », qui récompense notamment la réorganisation des temps de travail des agent.e.s d’entretien municipaux.ales, majoritairement des femmes.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

98

les droits des femmes et les violences ; en 2014 une soixantaine de personnes ont été

formées. Des personnes sont sensibles à cette question (la mission utilise par exemple la

lettre d’information interne), mais très peu sont réellement formées – moins de 5%

estime Sylvie FROIDEFOND.

Lionel FERNANDES complète ce panorama grpace aux données des ressources

humaines. 51 agent.e.s ont assisté à une conférence sur l’usage de la ville par les femmes

et les hommes, animée par le géographe Yves RAIBAUD et ouverte à toutes les

directions. Deux conférences d’une journée ont eu lieu sur les violences conjugales,

délivrées par l’APIAF (Association Promotion Initiatives Autonomes des Femmes) et le

CIDFF (Centre d’Information sur les Droites des Femmes et des Familles), là encore

ouverte aux agent.e.s de toutes les directions. L’APIAF a également mis en place trois

sessions de 2,5 jours sur la thématique « Relations, mixité, genre », 44 agent.e.s y ont

assisté, issu.e.s de la direction du développement social. L’association « Liberté aux

joueuses » est également intervenue sur une session d’une journée intitulée « Être en

responsabilité demain : se former à l’égalité entre les femmes et les hommes », devant 7

agent.e.s de la direction de l’éducation. Ces différents éléments permettent de considérer

que l’offre de formation municipale relative à l’égalité entre les femmes et les hommes

est largement déléguée à des associations locales.

Dans le cadre du plan d’action municipal, la formation des agent.e.s se fera par étapes :

« d’abord les managers de proximité, les petit.e.s encadrant.e.s de terrain, puis les

managers stratégiques… c’est encore flou » estime Lionel FERNANDES. La population

managériale représente environ 1 500 agent.e.s, ce qui représente un nombre conséquent

de personnes à former, bien supérieur au nombre d’agent.e.s impacté.e.s par les

différents dispositifs de formation évoqués (qui s’étendent sur la période 2013-2016).

Dans son ouvrage La domination masculine, Pierre BOURDIEU détaille toutefois un

point de vue moins optimiste sur les capacités du phénomène de prise de conscience à

enrayer les manifestations du sexisme et des mécanismes inégalitaires des rapports

sociaux de sexe : « Les passions de l’habitus dominé (du point de vue du genre,

de l’ethnie, de la culture ou de la langue), relation sociale somatisée, loi sociale convertie

en loi incorporée, ne sont pas de celles que l’on peut suspendre par un simple effort de

la volonté, fondé sur une prise de conscience libératrice. S’il est tout à fait illusoire de

croire que la violence symbolique peut être vaincue par les seules armes de la conscience

et de la volonté, c’est que les effets et les conditions de son efficacité sont durablement

inscrits au plus intime des corps sous forme de dispositions. […] On observe ainsi que,

lorsque les contraintes externes s’abolissent et que les libertés formelles – droit de vote,

droit à l’éducation, accès à toutes les professions, y compris politiques – sont acquises,

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

99

l’auto-exclusion et la "vocation" […] viennent prendre le relais de l’exclusion

expresse »135.

Et si ces effets et conditions d’efficacité sont incorporées si efficacement, c’est

précisément parce que le processus d’assimilation est durable à l’échelle de l’individu.

Nous l’avons évoqué précédemment, les dynamiques de socialisation se différencient

entre chacun des sexes dès que l’étiquetage a eu lieu. Dès lors, l’éradication des

stéréotypes et rôles sociaux de sexe ne pourra avoir lieu sans se saisir de la problématique

de l’implantation des assignations inégalitaires dès la (très) petite enfance.

2. Combattre les inégalités à la racine : le rôle des collectivités dans le

développement d’une culture de l’égalité filles-garçons

La politique liée à l’accompagnement de la parentalité et à la petite enfance constitue

un levier crucial dans l’intervention des collectivités afin de déconstruire une répartition

traditionnelle sexuée des rôles sociaux.

Si les dispositifs d’accompagnement de la parentalité rejoignent d’avantage le segment

des ressources humaines, au même titre que les actions en faveur d’une articulation plus

harmonieuse des temps consacrés à la vie professionnelle d’une part et à la sphère privée

d’autre part (on peut citer la conciergerie de la Communauté Urbaine de Bordeaux ou le

Bureau des temps de Rennes, entre autres expérimentations innovantes), les politiques

liées à la prise en charge des enfants en bas âge constituent un domaine à part entière

d’action publique.

Ce domaine est partagé par toutes les collectivités, qui font le choix ou non de créer des

dispositifs facilitant la garde des enfants ou d’installer en leur sein une crèche destinée à

leurs personnels. On observe cependant une prédominance des communes, qui

interviennent dans la fourniture de ce service à l’intention de tou.te.s les usager.ère.s, et

non seulement pour leurs agent.e.s.

Il s’agit donc ici d’observer la manière dont la politique liée à la petite enfance peut être

mobilisée pour neutraliser les stéréotypes de sexe et lutter contre la reproduction des

inégalités entre les petites filles et les petits garçons. Le succès de cette politique tient à

la mobilisation des équipes et au soutien des parents (à condition que les interactions

entre l’établissement et la famille ne soient pas réservées à la mère uniquement).

135 BOURDIEU Pierre, La domination masculine, Éditions du Seuil, 1998, réédition de 2014, pp. 60-61

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

100

La collectivité peut mettre en place un cadrage non-sexiste du recrutement des

personnels dédiés à l’accueil et à la garde des jeunes enfants. Il s’agit assez logiquement

d’inciter à l’embauche d’encadrant.e.s féminins et masculins136, mais également d’être

attentif.ve à ne pas valoriser de manière implicite les agents masculins (ce qui peut

advenir lors de la mobilisation d’arguments soulignant une prétendue complémentarité

des deux sexes). Il est également nécessaire d’augmenter les rémunérations de ces

personnels137, et d’engager une réflexion sur les écarts présents ou non entre la grille

salariale des agent.e.s travaillant dans le secteur technique et celle des agent.e.s de la petite

enfance. Il faut également concevoir une offre de formation initiale et continue adéquate

pour permettre à ces dernier.ère.s de mettre en œuvre une pédagogie égalitaire, de repérer

et de déconstruire les stéréotypes138.

Considérant la demande constante des familles, la problématique d’une offre suffisante

de modes de garde constitue une entrée logique de l’action publique territoriale en la

matière. A ce titre, en 2014, la ville de Toulouse a proposé l’ouverture de 1 000 nouvelles

places réparties par une commission d’admission unique. En entretien, Lionel

FERNANDES évoquait également la mise en place d’une politique salariale plus

attractive vis-à-vis des assistant.e.s parentaux.ales (qualifiée de « course à l’attractivité des

rémunérations des assistantes maternelles » pour répondre à la hausse des besoins),

davantage rémunéré.e.s par rapport à la moyenne des postes de catégorie C.

Le volontarisme, la créativité et la prise en compte des freins spécifiques aux populations

les plus précarisées sont des atouts significatifs en la matière, car ils permettent de créer

ou de soutenir des structures d’accueil atypiques et de faciliter l’accès des familles

défavorisées à des places (possibilité de paiement des assistant.e.s parentaux.ales avec

des chèques emploi-service universels, recrutement de personnels de garde à l’attention

des parents qui passent un entretien d’embauche, etc.).

136 L’absence des hommes dans cet environnement professionnel s’explique largement par la socialisation empreinte de stéréotypes de sexe, mais il ne faut pas négliger la faiblesse tant de la rémunération que de la reconnaissance sociale de ces emplois. 137 Les travaux du Défenseur des droits soulignent une nécessaire revalorisation des métiers à dominance féminine par rapport aux métiers à dominance masculine : Marie BECKER, Séverine LEMIERE et Rachel SILVERA (coordinatrices de la rédaction), Guide pour une évaluation non discriminante des emplois à prédominance féminine, Défenseur des droits, 2014 138 La région Île-de-France a lancé en 2014 une proposition d’intégration d’une session de formation sur l’égalité des sexes et la pédagogie non-sexiste au sein du cursus des instituts régionaux du travail social et des instituts de formation de la petite enfance. Le département du Val-de-Marne propose des interventions auprès des agent.e.s des crèches, de la Protection Maternelle et Infantile, des Centres de planification et d’éducation familiale, des foyers de l’enfance et de sa direction de l’action sociale. La ville de Suresnes a mobilisé les personnels de l’éducation et de la petite enfance autour de la littérature de jeunesse non-sexiste.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

101

Lors de son intervention dans le cadre du colloque « Égalité filles-garçons dès le plus

jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance »139 organisé par le Centre Hubertine

Auclert, Geneviève CRESSON souligne la nécessité de penser le genre dans les lieux

d’accueil de la petite enfance. Donner aux enfants une éducation non-sexiste est une

condition sine qua non de la transformation sociale et d’un développement durable.

« Notre cerveau fabrique en permanences de nouvelles connexions entre les neurones

au gré des apprentissages et des expériences vécues. Rien n’y est à jamais figé ni

programmé à la naissance »140 souligne Catherine VIDAL en insistant sur la domination

extrêmement puissante de l’acquis sur l’inné. Or, les adultes tendent presque

systématiquement à interpréter le comportement d’un.e jeune enfant en fonction de son

sexe et du leur. Une éducation ne reproduisant pas les stéréotypes de sexe représente

une opportunité individuelle – afin d’en finir avec le gâchis du potentiel des personnes

éduquées dans la reproduction des comportements assignés à chaque sexe, mis en

exergue par Elena GIANINI BELOTTI141 – et collective, pour mettre au diapason

l’égalité portée par les valeurs républicaines avec les pratiques des acteurs et actrices.

Toutefois, des évolutions impulsées crèche par crèche ne pourront qu’être marginales

tant que la formation des personnels ne sera pas en adéquation avec l’adoption de

comportements indifférenciés au regard du sexe des enfants accueilli.e.s. Comme le

souligne Geneviève CRESSON, « pendant 20 à 30 ans encore, des personnes ayant

achevé leur formation exerceront leur métier sans avoir reçu de formation initiale en

matière d’égalité femmes-hommes et de rapports sociaux de sexe. Au contraire, elles

auront été immergées, durant leur formation, dans des stéréotypes sexistes ou

naturalistes d’après lesquels la femme s’occupe des enfants et l’homme, orienté vers

l’activité extérieure, leur accorde peu d’intérêt »142.

Peu sexualisée, l’ambiance des crèches est traversée de traits genrés, dans les jeux, le

matériel et les décorations. Les représentations du féminin et du masculin sont souvent

très stéréotypées et témoignent d’une répartition figée des rôles sociaux – ainsi, dans

l’univers du dessin, on reconnait souvent la figure féminine à l’accessoire qu’elle porte

tandis que la figure masculine est neutre, représentant le naturel. Dans les structures

d’accueil, les personnels vont tendre à inciter les garçons à faire preuve de motricité, et

139 Centre Hubertine Auclert, Égalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance, Rencontre thématique, Paris, le 12 mai 2014, Centre Hubertine Auclert, 2014 140 Propos recueillis par Marie DONZEL dans le cadre d’un entretien pour le blog du programme Eve pour un leadership féminin

avec Catherine VIDAL, « Catherine Vidal, neurobiologiste : “Ce ne sont pas les cerveaux qui pensent, décident ou gouvernent, ce sont les personnes qui possèdent ces cerveaux !” », article consulté le 13 juin 2016 141 Elena GIANINI BELOTTI, Du côté des petites filles, Paris, Éditions Des Femmes, 1974 142 Centre Hubertine Auclert, Égalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance, Rencontre thématique, Paris, le 12 mai 2014, Centre Hubertine Auclert, 2014, p. 7

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

102

encourager l’envie de plaire chez les filles, même si ce souhait est partagé par tou.te.s les

enfants. Plus calmes, les petites filles reçoivent une attention moindre.

Appréhender ces pratiques nécessite une observation fine et suffisamment longue de

l’environnement dans lequel évoluent enfants et encadrant.e.s. Mettre en place des

actions correctrices et aller vers une éducation égalitaire ne peut pas se faire isolément :

des liens avec l’environnement extérieur de la crèche sont indispensables, tant avec

l’école qu’avec les parents143 et les élu.e.s.

Plusieurs collectivités ont mené des expérimentations de prise en compte du genre

dans les établissements d’accueil de la petite enfance. La ville de Paris a lancé un

diagnostic accompagné d’une formation sur la prévention des stéréotypes sexués, une

démarche expérimentale partagée par dix crèches volontaires et animée par un organisme

extérieur de recherche. Ce dispositif prévoit que l’offre de formation sera élaborée sur la

base du diagnostic, et suivie par une phase d’auto-évaluation afin « d’encourager

l’appropriation de cette démarche d’évaluation et de veille permanente par les personnels

des crèches, afin qu’ils continuent à relayer cet état de vigilance »144. Si l’évaluation de ce

marché est positive, le projet sera étendu à l’ensemble des crèches municipales.

L’association Adéquations145 s’est investie dans la ville d’Aubervilliers pour mener un

projet d’intégration du genre dans la formation et l’accompagnement des

professionnel.le.s de la petite enfance. Cette initiative a commencé avec la sensibilisation

des directrices des crèches impliquées, avant de se poursuivre avec une formation des

personnels étalée sur six mois. Les modules de formation se sont conjugués à des séances

d’observation au sein des structures. Des rencontres avec les parents ont eu lieu en

amont et en aval du dispositif. Les démarches propres à l’éducation populaire (jeux de

rôles, projections de films, etc.) ont été mobilisées « pour permettre aux personnes

concernées de se rendre compte par elles-mêmes des dysfonctionnements sexistes, sur

143 A titre d’illustrations, la ville de Strasbourg propose des activités donnant la même place aux mères et aux pères, le Conseil général de l’Essonne a conçu une fiche d’information destinée aux parents sur la démarche égalitaire, tandis que les Ulis mobilisent la Maison des parents municipale. En collaboration avec le Centre Hubertine Auclert, le Réseau de lecture publique de la Pleine Commune a conçu la malle « Égalitée », à partir d’une sélection collective d’albums par les bibliothécaires. L'enjeu était d’élaborer un lot d’albums apte à être présenté aux collectivités, mais également à des écoles, des crèches, des médiathèques, etc. Ce panel, constitué de 30 livres, met en avant le rôle des parents, la représentation des stéréotypes, l’égalité et la mixité entre les filles et les garçons, ou encore la prévention des situations subies. 144 Béatrice-Sarah PEPE (Mission Égalité Femmes-Hommes de la ville de Paris), in Centre Hubertine Auclert, Égalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance, Rencontre thématique, Paris, le 12 mai 2014, Centre Hubertine Auclert, 2014, p. 13 145 L’association Adéquations considère que le point d’entrée dans cette question est celui des droits matérialisés par la Convention relative aux droits de l’enfant, afin de légitimer l’égalité filles-garçons au cœur des métiers des professionnel.le.s de la petite enfance : il s’agit de donner aux jeunes enfants une éducation visant à développer l’épanouissement de la personnalité de l’enfant dans toute la mesure de ses aptitudes et potentialités, et de montrer comment l’assignation à un genre nuit à l’enfant en l’empêchant de développer telle ou telle capacité.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

103

la base de leur propre expérience […]. L’apport théorique indispensable intervient dans

un second temps »146.

L’environnement de la crèche est analysé aux côtés des professionnel.le.s, afin que

l’aménagement de l’espace gagne en fluidité de manière à permettre aux enfants de se

saisir de tous les jouets sans les choisir en fonction des prénotions de genre ; afin surtout

de permettre au personnel de « repérer les structures de genre »147 notamment au regard

de leurs interactions avec les enfants. Le travail mené a fait émerger des tensions

inhérentes à la mixité dans la petite enfance, entrant en résonance avec les parcours

personnels de chacun.e148. Il s’agit enfin d’élaborer conjointement des méthodes de

rééquilibrage vers un milieu égalitaire, en prenant en compte les processus de légitimation

à utiliser tel ou tel jouet intériorisés très tôt par les enfants en bas âge149. Le repérage des

structures de genre est un outil au service du plein épanouissement de tou.te.s les enfants,

permettant aux professionnel.le.s d’encourager toutes les activités auxquelles se

consacrent les petit.e.s, en évacuant la dimension incorporée des comportements non

conformes avec l’assignation de genre de tel ou telle enfant. Des efforts vers une

meilleure inclusion des pères peuvent faire partie des pratiques mobilisées par les

personnels à l’issue de l’expérience.

Le système des crèches à vocation d’insertion professionnelle150 mérite également

d’être décrit ici. Ces crèches visent à participer à l’accompagnement des parents dont la

recherche d’emploi n’aboutit pas. Étant donné la prédominance des mères dans la prise

en charge des enfants en bas-âge, ce dispositif permet principalement de faciliter le retour

à l’activité des mères isolées. Pour ces femmes exclues de l’emploi, le fait d’assumer seule

la garde du ou des enfants constitue un obstacle majeur entravant le retour à une activité

professionnelle stable, à l’émancipation et à l’indépendance économique151. Par

146 Bénédicte FIQUET (association Adéquations), in Centre Hubertine Auclert, Égalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance, Rencontre thématique, Paris, le 12 mai 2014, Centre Hubertine Auclert, 2014 147 Centre Hubertine Auclert, Égalité filles-garçons dès le plus jeune âge : un enjeu des politiques petite enfance, Rencontre thématique, Paris, le 12 mai 2014, Centre Hubertine Auclert, 2014, p. 14 148 En outre, « l’une des difficultés de faire adhérer les professionnel.le.s de la petite enfance à l’approche de genre

tient au fait que nombre d’entre elles étant peu ou pas formées, tirent leur légitimité à exercer ce métier du fait même d’être une femme. Notre approche au départ peut donc être très déstabilisante car nous remettons en cause cette vision essentialiste des choses, mais finalement nous leur faisons prendre conscience que leur professionnalisme repose justement sur de vraies compétences. », Centre Hubertine Auclert, Ibid., p. 15. 149 « En cas de conflit autour d’un jouet considéré comme sexué, il est important que la ou le professionnel.le ne cherche pas seulement à désamorcer le conflit, mais aussi à déconstruire le stéréotype qui alimente le conflit », Ibid. 150 Initiées au début des années 2000 par l’Institut d’Éducation et des Pratiques Citoyennes (IEPC), les crèches à vocation d’insertion professionnelle sont formalisées par un travail interministériel entre le ministère des Affaires sociales et de la Santé, le ministère du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social, le ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes ; partenariat appuyé par la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) et Pôle emploi. 151 En 2004, le Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale (Cerc) estime que seulement 3 % des enfants né.e.s dans une famille bénéficiaire d’un minimum social occupent une place en crèche. En 2013, un quota de 10 % est mis en place. Mais l’obtention d’une place en crèche reste difficile.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

104

conséquent, les crèches à vocation d’insertion professionnelle sont destinées à l’accueil

de jeunes enfants dont les parents pourront être accompagnés vers l’emploi ou la

formation professionnelle. Le dispositif prévoit de s’étendre à une centaine de crèches

d’ici la fin de l’année 2016, en priorisant les quartiers défavorisés, en lien avec les

conventions d’accompagnement global entre Pôle emploi et les départements152. Cette

priorisation doit se poursuivre en 2017 et au-delà, avec un objectif final de création de

275 000 solutions d’accueil supplémentaires153.

En 2011, les six crèches impliquées ont accueilli 320 familles, dont 217 en insertion, avec

un taux de réussite de 85,7 %. Le dispositif ne cible pas seulement l’insertion

professionnelle mais de manière plus transverse lutte contre l’exclusion sociale

(éducation, santé, accès aux soins, etc.). Les plages d’ouverture sont réfléchies au regard

des besoins des parents, et notamment de ceux et celles qui travaillent de manière

décalée. Suite à son entrée dans le dispositif, la personne bénéficiaire construit le

calendrier de garde de l’enfant, au regard du temps dont elle a besoin pour se réinsérer

professionnellement. Le retour à l’activité ne signifie pas que l’enfant perd sa place en

crèche : elle ou il dispose d’une place garantie jusqu’à son entrée à la maternelle.

« Egalicrèche : filles et garçons sur le chemin de l’égalité » 154 désigne un programme

de formation longue durée porté par Artemisia, organisme de formation œuvrant à la

promotion de l’égalité femmes-hommes et filles-garçons à tous les âges de la vie dans la

région toulousaine. L’enjeu est d’offrir localement aux professionnel.le.s du secteur de la

petite enfance une formation et des outils favorisant une prise en charge égalitaire des

tou.te.s petit.e.s. Le dispositif promu par Artemisia est organisé en partenariat avec des

collectivités locales et la Direction régionale aux droits des femmes de Midi-Pyrénées.

Artemisia intervient notamment au sein du département de la Haute-Garonne, à travers

une formation en trois phases, dotée de 40 heures : d’abord, celle de l’explication de

l’opération au personnel et aux parents ; puis celle de l’observation ; et enfin celle

conduisant à l’identification de bonnes pratiques. Ce schéma d’intervention est similaire

au format adopté par l’association Adéquations à Aubervilliers.

152 Comme le prévoit le plan « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » annoncé par le Premier ministre le 9 février 2015. 153 Ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, « Les crèches à vocation d’insertion professionnelle (VIP), en quoi cela consiste ? », site du ministère des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes, article consulté le 30 mai 2016 154 Le programme Egalicrèche se fonde notamment sur le rapport de l’IGAS qui recommande de sensibiliser les personnels à la socialisation sexuée des enfants : Philippe GEORGES, Brigitte GRESY, Inspection générale des affaires sociales, Rapport sur l’égalité entre les filles et les garçons dans les modes d’accueil de la petite enfance, décembre 2012

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

105

3. Des interventions diverses, adaptées aux compétences des collectivités

L’intervention des collectivités en faveur d’une prise en compte des inégalités sexuées

entre les filles et les garçons peut se déployer au sein de chaque niveau d’enseignement

dont elles ont la charge. Ainsi, en entretien, Christine STÉBENET évoquait la réflexion

en cours autour d’une exposition sur les femmes dans la résistance en partenariat avec le

Musée départemental de la Résistance et de la Déportation, et destinée aux collégien.ne.s.

Le fil rouge n’est pas de mettre en avant de grandes figures inaccessibles, mais bien des

femmes du quotidien, des « personnes banales » devenues des héroïnes non en raison de

prédispositions particulières mais par leurs choix personnels, afin de faciliter un

phénomène d’identification. Il s’agit pour l’élue de transformer les représentations, et de

lutter contre l’invisibilisation des femmes dans l’histoire.

L’objectif 1.3 du Plan d’actions régional 2015-2017 de l’ancienne région Midi-Pyrénées155

porte sur la jeunesse, l’éducation et l’orientation, en vertu du parallélisme régional entre

les actions menées et les compétences assumées par l’échelon régional mis en avant par

Elsa BOYER-CROQUETTE lors de notre entretien. L’action 7 du plan prévoit la

poursuite de la campagne d’information sur la contraception et l’égalité des lycéen.ne.s

et des apprenti.e.s, intitulée « On s’aime à 2, on se protège à 2 ». Pour Sophie DEJOUX,

les mots-clés de cette politique sont égalité, respect, lutte contre les stéréotypes,

prévention et contraception. Le plan d’action met en avant la volonté d’aller au-delà des

impératifs légaux, et l’accessibilité d’un dispositif pris en charge par la collectivité156.

Nadia BAKIRI témoigne de sa volonté de voir ce dispositif poursuivi et étendu dans le

cadre de la nouvelle Région : « Les projets sont actuellement soumis à l’arbitrage de la

Présidente. L’idée c’est de lancer un appel à manifestation d’intérêt pour la partie

information, sensibilisation, contraception, jeunesse, dans l’ensemble du territoire. ». Elle

insiste sur la nécessité de s’adresser aux jeunes à travers les compétences régionale et les

établissements gérés par la Région : « L’objectif c’est d’aller dans les lycées, les CFA,

peut-être les écoles de la deuxième chance pour expliquer la contraception aux filles et

aux garçons, parler de la mixité des métiers, parler des luttes contre le sexisme ordinaire,

éduquer dans ce sens-là les jeunes ». La jeunesse fait partie des axes stratégiques en

termes d’égalité entre les femmes et les hommes pour la Présidente, Carole DELGA :

« J’ai fixé plusieurs priorités pour développer l’égalité femmes-hommes sur le territoire

155 Région Midi-Pyrénées, Plan d’actions régional 2015-2017 – L’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, adopté par l’Assemblée plénière en décembre 2014 156 « La loi de 2001 prescrit aux autorités académiques de dispenser trois réunions d’information par an et par niveau sur les questions d’éducation à la sexualité. Le dispositif régional permet aux établissements qui en bénéficient gratuitement d’aller au-delà de ces obligations légales en termes de contenu car les séances comprennent une partie sur l’égalité filles-garçons, le respect, notions absentes du texte de loi », Ibid.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

106

de la Région. La première est la lutte contre les violences, aussi bien dans les transports,

que pour les violences domestiques. La deuxième priorité est celle de l’égalité

professionnelle. Enfin, je souhaite agir auprès des jeunes sur le thème de l’égalité femme-

homme, notamment sous l’angle de l’égalité des chances dans les lycées. ».

Le plan d’actions 2015-2017 prévoit également une sensibilisation des élu.e.s du Conseil

Régional des Jeunes (CRJ). On peut envisager que cette phase puisse servir de levier pour

une diffusion plus large de la thématique, par exemple à travers une campagne de

communication co-construite par les membres du CRJ qui pourrait être présentée aux

lycéen.ne.s et apprenti.e.s lors du Festiv’, un rendez-vous populaire à leur intention

organisé par la Région. De manière plus significative au regard des compétences de

l’échelon régional en matière d’orientation, le plan d’actions s’adresse aux

professionnel.le.s et aux bénéficiaires du Service Public Régional de l’Orientation : afin

de dispenser aux premier.ère.s une formation adéquate visant à prévenir la reproduction

de stéréotypes de sexe dans leurs pratiques157 ; et de permettre aux second.e.s de ne pas

être entravé.e.s par la division sexuée de l’orientation. Enfin, au niveau de l’enseignement

supérieur, le plan prévoit une sensibilisation des étudiant.e.s des formations sanitaires

(domaine de compétence de l’échelon régional depuis 2004) ; et de promouvoir la mixité

des filières de formation par apprentissage.

A mi-parcours de la période d’exercice du plan d’actions, la Présidente de la nouvelle

Région récapitule les interventions menées de la manière suivante : « Différents

instruments d’actions publiques spécifiques et intégrés sont ainsi mobilisés. D’abord,

l’égalité professionnelle femme-homme est intégrée au Schéma Régional de

Développement Economique d’Innovation et d’Internationalisation et dans le Contrat

de Plan Régional de Développement des Formations et de l’Orientation Professionnelle.

Ensuite, la Région a lancé un appel à projets spécifique, et a également souhaité intégrer

la dimension égalité femme-homme dans des appels à projets plus large type "projets

d’avenir" visant à soutenir des projets éducatifs dans les lycées. Enfin, des dispositifs

régionaux spécifiques ont été mis en place par exemple pour sensibiliser les jeunes dans

les lycées, les CFA, ou les écoles régionales de la deuxième chance sur l’égalité filles-

garçons et l’accès à la contraception. ».

En termes de méthodologie d’intervention, le parallélisme entre les politiques publiques

menées et les compétences dévolues aux régions est saillant, ce qui participe à mettre en

157 Le plan d’actions précise que : « La Région aura prochainement la charge du Service Public Régional de l’Orientation […]. A cette occasion, la pratique professionnelle des prescripteurs sera interrogée notamment sur le thème de la lutte contre les représentations sexuées des métiers et de l’orientation ». Cette action s’inscrit dans le cadre de la convention « Terre d’Exception » avec l’État.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

107

cohérence l’action publique régionale. Dans un contexte de fusion, il s’agit également

d’harmoniser les expertises des deux entités qui forment désormais la région Occitanie

– Pyrénées-Méditerranée : « Il va s’agir de capitaliser sur l’expérience des anciennes

Région, et notamment celle de l’ex-Midi-Pyrénées, qui avait notamment développé un

réseau interne d’agents référents formés à plusieurs reprises aux enjeux de l’égalité

femmes-hommes, des plans d’actions pluriannuels concernant l’ensemble des politiques,

et donc des directions, et un suivi régulier de la mise en œuvre des plans d’actions via

des indicateurs renseignés par les directions concernées ».

L’émergence récente et souvent localisée des enjeux liés à l’égalité filles-garçons dans

la prise en charge de la petite enfance entraine des démarches menées par les collectivités

en général porteuses et efficaces, mais peu mises en réseau et généralisées. Le

développement des interactions au-delà des circonscriptions de chaque collectivité, dans

une démarche partenariale, est encore peu abouti.

II. L’urbanisme, la politique de la ville et la prise en charge des

territoires ruraux fragilisés : repenser l’espace public à l’aune du

genre

« Ce n’est pas la question de "la femme dans la ville" » souligne le géographe Yves

RAIBAUD, « Il s’agit bien de "l’homme dans la ville" puisque cette situation est le

produit de cultures masculines hégémoniques, qui s’expriment en continuité ». En outre,

il faut avoir conscience du mouvement de « double disqualification des femmes dans

l’espace public : d’une part, elles sont moins présentes, mais celles qui sont présentes

sont moins reconnues. […] J’insiste également sur le fait que tout le monde a le "droit à

la ville" et notamment le droit de jouir de la ville et dans la ville, alors que ce droit semble

pour l’instant réservé aux hommes hétérosexuels, au dépend des corps des femmes

sexuellement objectivés dans l’espace public. »158.

1. Le rôle des politiques urbaines dans la perpétuation des

discriminations sexistes de l’espace public

158 Carole BOINET, « Avec le harcèlement de rue, la ville reste le domaine des hommes », Les Inrocks, 1er octobre 2015

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

108

La loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine

établit l’égalité entre les femmes et les hommes en tant que nouvelle priorité transversale

de la politique de la ville159. Ainsi, la loi précise dans son article premier que « La politique

de la ville est une politique de cohésion urbaine et de solidarité, nationale et locale, envers

les quartiers défavorisés et leurs habitants. Elle est conduite par l'État, les collectivités

territoriales et leurs groupements dans l'objectif commun d'assurer l'égalité entre les

territoires, de réduire les écarts de développement entre les quartiers défavorisés et leurs

unités urbaines et d'améliorer les conditions de vie de leurs habitants. »160. Ce même

article positionne l’égalité entre les femmes et les hommes à la dixième et dernière place

des priorités transversales listées : en prenant en compte la diversité des territoires, la

politique de la ville vise à « concourir à l'égalité entre les femmes et les hommes, à la

politique d'intégration et à la lutte contre les discriminations dont sont victimes les

habitants des quartiers défavorisés, notamment celles liées au lieu de résidence et à

l'origine réelle ou supposée ».

L’article 6 met en place les conseils citoyens en y instituant d’office une dimension

paritaire partielle : « Le conseil citoyen est composé, d'une part, d'habitants tirés au sort

dans le respect de la parité entre les femmes et les hommes et, d'autre part, de

représentants des associations et acteurs locaux. ». Ces conseils citoyens jouent un rôle

tout au long de l’action publique des contrats de ville (conception, mise en œuvre,

évaluation) ; et leurs représentant.e.s participent aux comités de pilotage de ces contrats.

On peut d’ailleurs souligner ici que la légitimité et le positionnement des conseils citoyens

est garanti par l’article 1er de la loi, qui précise que la politique de la ville « s'inscrit dans

une démarche de coconstruction avec les habitants, les associations et les acteurs

économiques, s'appuyant notamment sur la mise en place de conseils citoyens ».

A ce titre, le cadre de référence relatif à l’égalité femmes-hommes du Commissariat

général à l’égalité des territoires (CGET) de septembre 2014 recommandait, pour la

future génération des contrats de ville, d’y inscrire systématiquement l’approche intégrée

de l’égalité entre les femmes et les hommes. Pour cela, le CGET soulignait la nécessiter

de rendre visibles et tangibles les inégalités à travers la production de statistiques

sexuées161. Les écarts mis en lumière par cette démarche doivent permettre de construire

159 La politique de la ville ne désigne pas la politique urbaine, ni ne qualifie les dispositifs ayant la ville de manière globale pour objet : on parle de politique de la ville vis-à-vis des quartiers défavorisés. 160 LOI n°2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine 161 Ces statistiques sexuées sont notamment du ressort de l’Observatoire national de la politique de la ville, créé par la loi du 21 février 2014, qui « a également pour mission l'analyse spécifique des discriminations et des inégalités entre les femmes et les hommes. L'ensemble des données et statistiques qu'il produit sont établies par sexe. ». Il est important de souligner ici que la méthodologie de production des données, en l’occurrence en prenant en compte le sexe, est fondée par la loi.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

109

et de prioriser le plan d’action. A terme, l’évaluation des contrats de ville doit prendre en

compte de manière systématique l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans son article « Sans égalité, pas de ville durable »162, Yves RAIBAUD se

questionne sur l’accessibilité des nouveaux modèles urbains, qui s’imposent comme les

perspectives d’avenir du renouvellement des villes : modernité, soutenabilité,

développement durable, écologie… Ces différents qualificatifs sont prescripteurs de

normes et renvoie à des usages de la ville spécifiques.

Les études de genre mettent en évidence la domination masculine de l’espace et les

violences sociales qui en découlent. Les rapports sociaux dans l’espace urbain sont

façonnés par une entité surplombante, celle de la ville faite par et pour les hommes, et

dont le pilotage est assumé par les hétérosexuels blancs des catégories socio-

professionnelles supérieures. L’une des conceptions les plus symboliques de cette ville

façonnée à l’image de l’homme est la figure du Modulor, silhouette masculine élaborée

par LE CORBUSIER en 1945 afin d’en faire un étalon de mesure déterminant les

caractéristiques des équipements urbains. LE CORBUSIER a modélisé à travers le

Modulor un usager standard normatif auquel les bâtiments doivent être adaptés, et en

fonction duquel l’espace public doit évoluer : comme le souligne le groupe de travail

Genre & Ville dans la présentation de la démarche Haute Qualité Égalitaire, « l’individu

moyen serait un homme d’1,83 m, en pleine possession de ses capacités physiques et qui

jouirait de toutes les ressources nécessaires à la libre circulation »163.

Dans le processus de construction de la ville durable, créative, intelligente, connectée

et non polluante, on peut distinguer une pénalisation des femmes au regard des pratiques

de mobilité plébiscitées. La politique d’abandon de la voiture leur est particulièrement

préjudiciable, pour deux raisons majeures : la nature des tâches quotidiennes, qu’elles

assument majoritairement (le ravitaillement de la famille, l’accompagnement des enfants

et des personnes âgées, etc.) ; et le sentiment d’insécurité dans l’espace public. Yves

RAIBAUD illustre son propos à travers l’étude d’une démarche participative autour des

nouvelles mobilités urbaines organisée par une collectivité, dans laquelle les femmes

n’ont représenté que 10% du temps de parole et 0% des experts. A l’issue de ces débats,

les préoccupations portées par les femmes sont ignorées, mises de côté, ou considérées

comme des cas particuliers relevant de la sphère privée.

Les nouvelles pratiques de la ville durable tendent à ressembler à celles d’hommes jeunes,

sans obligations familiales ni inaptitudes physiques. Les activités du care sont occultées,

162 Yves RAIBAUD, « Sans égalité, pas de ville durable », La Revue du projet, n°52, décembre 2015 163 Groupe de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire – Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 23

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

110

voire effacées des pratiques de la ville, ce qui participe à minorer le rôle social des

femmes. Dès lors, les inégalités existantes d’accès à la ville risquent de se renforcer dans

le cadre en construction de la ville durable. Cette reproduction des inégalités genrées et

sociales adopte parfois un masque démocratique, celui de la consultation citoyenne.

2. Questionner les processus de construction de la ville sous l’angle du

genre

Des outils divers existent : diagnostic urbain, gender budgeting, marches exploratoires,

etc. Parmi ces outils, on peut citer la démarche de la ville HQE – Haute Qualité

Égalitaire, élaborée par le groupe de travail « Genre & Ville » du Conseil de

développement durable de l’agglomération bordelaise164 : une approche expérimentale

ambitieuse d’élaboration du projet urbain.

Préalablement à la mise en place du groupe « Genre & Ville », plusieurs travaux de

recherches visaient à appréhender « l’enjeu républicain qui s’attache à la compréhension

de l’usage de la ville par le genre » pour contrer la force des « représentations collectives

qui présupposent que les usages urbains sont en général mixtes et peu différenciés entre

hommes et femmes »165 – représentations finalement assez similaires à celles qui mettent

en avant l’impartialité, la neutralité et l’universalité des politiques publiques. Ces travaux

exposent des inégalités fortes entre femmes et hommes quant à leurs manières de vivre

dans l’espace urbain, tant en matière d’accès à l’espace public qu’à ses ressources : les

indicateurs mobilisés sont notamment la fréquentation du territoire, des équipements

sportifs, de loisirs, la mixité ou la non-mixité des usages, etc. Dès lors, l’objectif du

groupe de travail Genre & Ville est de « placer les questions de genre au centre des

réflexions sur le processus de métropolisation et au cœur du récit métropolitain »166, suite

à une première phase d’appropriation des concepts-clés, notamment la dimension de

l’hétéro-normativité au titre d’une division des rôles de sexe incorporée dans l’ordre

social et marquant les espaces et les pratiques ; et la doctrine des sphères séparées mettant

en exergue le cloisonnement socialement construit entre espace public en tant que

territoire des hommes, et espace privé considéré comme le terrain des femmes.

A travers les auditions de Marie-Christine BERNARD-HOHM, anthropologue

urbaniste, et Édith MARUÉJOULS-BENOIT, autrice du rapport ADES-CNRS Mixité,

164 Le Conseil de développement durable de l’agglomération bordelaise est une instance de démocratie participative installée par la Communauté urbaine de Bordeaux et composée de 200 personnes issues de la société civile. 165 Groupe de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire, Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 10 166 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 11

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

111

parité, genre dans les équipements et espaces publics destinés aux loisirs des jeunes (2013), les

participant.e.s du groupe de travail ont pris conscience de la non-mixité automatique des

usager.ère.s dans certains territoires urbains et des responsabilités des politiques

publiques en la matière, particulièrement du point de vue des investissements financiers

promouvant les pratiques de sports et de loisirs des jeunes. Le groupe de travail souligne

d’ailleurs à ce propos que « le travail d’Édith MARUÉJOULS rappelle aussi que l’étude

comparative de territoires sociologiquement différents donne à voir, et contrairement

aux idées reçues, de fortes similitudes. Finalement, on appartient à un "sexe social" avant

d’appartenir à une catégorie sociale ou un groupe culturel particulier »167. Les usages que

font femmes et hommes de la ville diffèrent, et cela tient fortement à un ancrage genré

des rôles sociaux, à l’origine d’organisations différenciées des temps de vie renforçant la

fragmentation du quotidien des femmes (temps partiel, accompagnement des enfants et

des personnes âgées, précarité financière accrue, prise en charge plus importante des

corvées domestiques, etc.).

Il est ici nécessaire de souligner que les recommandations portées par la suite par le

groupe de travail n’ont pas été produites uniquement à travers la mobilisation de travaux

d’expert.e.s : l’objectif poursuivi était de donner « une importance égale aux paroles des

expert.e.s et à celles des profanes »168. Celles et ceux-ci sont en effet considéré.e.s comme

des spécialistes, au titre de leur maîtrise d’usage. Les habitant.e.s ont pu échanger dans

des cadres de mixité et de non-mixité – la non-mixité intervenant principalement dans le

cadre de l’élaboration des constats, de la description de la ville rêvée et de la formulation

de propositions ; la mixité étant l’espace de restitution des travaux.

Espace vécu, espace rêvé, espace projeté : ces trois temps ont structuré la participation

des usager.ère.s. Le diagnostic du territoire urbain choisi pour mener l’expérimentation

a été réalisé de jour comme de nuit, en prêtant attention aux répercussions des différents

moments hebdomadaires. Les itinéraires et les pratiques récurrentes ont été reportés sur

plusieurs cartes169. Des raisonnements cognitifs et immatériels, issus des repérages entre

balades commentées et marches exploratoires170, ont participé à la qualification du lieu

167 Groupe de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire, Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 166 168 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 22 169 Le groupe de travail souligne d’ailleurs que « femmes et hommes n’ayant généralement pas les mêmes raisons de se déplacer, […] la comparaison des cartes fait donc apparaître des itinéraires genrés qui traduisent, dans les usages et pratiques de l’espace public, la permanence de certains stéréotypes. Les itinéraires féminins semblent correspondre ici aux assignations sociales de genre, notamment en ce qui concerne l’accompagnement des enfants », in Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 28 170 La notion de balade commentée est définie par le groupe de travail de la manière suivante : il s’agit d’un « itinéraire urbain effectué avec un regard genré et dont l’objectif est de révéler les caractéristiques sexuées voire sexistes ou patriarcales de l’environnement urbain, de certains espaces ou équipements publics », tandis que la marche exploratoire rassemble des femmes pour évaluer de manière critique l’environnement urbain, in Groupe

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

112

(ambiance, ressentis et sentiments d’attraction ou de répulsion, vocation de l’espace,

etc.) et dégagé des appréciations de l’espace empreintes de stéréotypes de sexe : « les

femmes caractérisent des éléments relatifs à un usage quotidien et précis de l’espace […],

le discours des hommes porte davantage sur l’ambiance générale […]. Ces éléments

d’analyse tendraient à confirmer que les hommes ont un usage plus libre de la ville, moins

contraint en termes d’usages, et émettent donc des considérations d’ordre général. A

l’inverse, les femmes lorsqu’elles sont dans l’espace public, y seraient pour une raison

bien particulière et auraient de ce fait une appréhension plus explicitement fonctionnelle

et utilitariste des ressources qu’elle offre »171.

Les constats ont ensuite laissé la place à l’imagination des participant.e.s, invité.e.s à

témoigner de leurs désirs quant aux perspectives de réaménagement de la place et des

rues alentour, et à les illustrer par des collages sur une carte. Les travaux ont, de même,

été menés par des groupes non-mixtes – et au regard de l’hypothèse précédemment

formulée, la non-mixité apparaît comme une condition sine qua non pour que les rêves

des femmes puissent se déployer dans toute leur ampleur, et s’exercer également sans

que les considérations utilitaristes exprimées ne fassent l’objet d’une dépréciation

(consciente ou non) en comparaison d’une expression masculine moins pragmatique172,

en quelque sorte surplombante vis-à-vis des vicissitudes du quotidien.

Les observations du groupe de travail s’inscrivent dans la continuité avec les ressentis de

la première phase : là-encore, « les femmes semblent davantage tournées vers leurs

propres expériences de vie et leurs propres volontés. Elles émettent de ce fait des

propositions d’aménagement répondant à leurs propres besoins […]. [Et] si elles se sont

préoccupées du sort des enfants, [elles] n’ont en revanche pas fait de propositions à

l’égard de leurs homologues masculins », tandis que ces derniers, notamment lorsqu’ils

proposent des bancs circulaires pour les femmes et les enfants, « ont tendance à voir les

choses en fonction des besoins des autres […], présupposent les besoins d’autres

catégories de la population »173. Or, cette posture de pater familias, de « protecteurs

bienveillants envers les femmes et les enfants »174 nuit à l’expression de leurs besoins

de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire, Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 24 171 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 30 172 Il ne s’agit pas ici de hiérarchiser les discours portés majoritairement par un sexe et ceux portés par l’autre, mais

simplement de constater que les considérations qualifiées de « terre à terre » sont souvent l’objet de réactions teintées de condescendance, lesquelles pourraient être exprimées par des hommes, mais également intériorisées par des femmes, entravant leur liberté de parole. 173 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., pp. 36-37 174 Groupe de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire, Autosaisine, Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 37

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

113

concrets – qu’ils ne parviennent peut-être pas à identifier ? – et à l’élaboration de pistes

d’aménagement du territoire débattues de manière équitable entre les parties.

Enfin, les propositions des femmes font émerger une perception de l’organisation de

l’espace public plus variable et modulable que celle des hommes. Chris BLACHE,

consultante en socio-ethnologie et co-fondatrice de l’association Genre & Ville

(plateforme de recherche liant identités et territoires) souligne que la démarche du

groupe de travail n’a pas permis une émancipation des participant.e.s vis-à-vis des

stéréotypes dont elles et ils sont porteur.euse.s, et une désactivation des rapports de

genre, à la fois socialement construits et entretenus.

La phase de projection amène à une dialectique entre l’imagination des usager.ère.s et

des spécialistes de l’urbain et du genre, afin de conjuguer maîtrises d’usage, d’ouvrage et

d’œuvre – la formule de Chris BLACHE est particulièrement adéquate : « La richesse

des histoires personnelles doit être le ferment de l’imaginaire […] et doit guider le travail

des urbanistes »175. Il ne s’agit pas tant de juger du réalisme ou du pragmatisme des

attentes formulées que de faire émerger les repères structurants de l’expérience :

l’observation fine du vécu et des attentes des publics féminin et masculin, une certaine

reproduction des rôles sociaux genrés, et en définitive la volonté commune de construire

une ville égalitaire, attentive et inclusive176. L’urbaniste et consultant en politiques

urbaines et culturelles Jean-Pierre CHERBONNEAU estime que face à la croissance des

cahiers des charges, il est plus constructif d’adopter une démarche intégrée de l’égalité,

c’est-à-dire d’insérer dans chacune des étapes de l’élaboration du projet d’aménagement

les considérations liées au genre de l’espace public (notamment à travers la participation

mixte des usager.ère.s), plutôt que de raisonner à partir d’un cahier des charges spécifique

« qui risquerait d’invisibiliser la question et de la noyer dans un flot d’autres contraintes

techniques, environnementales ou sociales »177.

Des initiatives relativement inédites de réappropriation mixte de l’espace public

émergent comme pistes d’actions : mise en place d’un jardin partagé, désignation d’un

café jugé accueillant pour toutes et tous afin de faciliter une (re)conquête de lieux peu

mixtes (comme le fait par exemple une association de lutte contre le harcèlement de rue

avec la labellisation « Bar sans relou »), occupation de places de parking en les détournant

175 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 46 176 Le groupe de travail souligne que « pour les participant.e.s, le réaménagement de la place doit être l’occasion de générer de la sociabilité, de la proximité, de la convivialité, du vivre-ensemble ». Pour Chris BLACHE, « mettre des mots sur le fait que certains ont accès ou le monopole de quelques endroits est un élément essentiel dans la recherche d’une organisation plus égalitaire et inclusive », in Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., pp. 43 et 47 177 Groupe de travail Genre & Ville, Ibid., p. 41

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

114

de leur objet178, etc. La mixité d’usage s’impose comme l’axe central des perspectives de

réaménagement de la place, car « les zones à usage unique créent un appauvrissement

dans la mixité d’usager.ère.s, voire créent des territoires de non-droit »179 constate Chris

BLACHE. Cette approche implique de chercher à s’émanciper des stéréotypes de sexe,

et des codes et habitudes normatives qui prévalent dans l’élaboration de l’espace urbain,

en reconnaissant et en favorisant les usages et les comportements fondés sur le partage

et le sens de la communauté. C’est la mixité des usages qui fait la mixité des usager.ère.s :

l’espace public doit tendre à l’abolition des territoires marqués par l’exclusivité, tant du

point de vue du genre que de celui des rapports entre les catégories sociales.

La commission extra-municipale pour l’égalité entre les femmes et les hommes

toulousaine avait démarré une démarche de prise de conscience quant à la perception

des usager.ère.s de l’espace public, à travers une opération de micro-trottoir.

« L’urbanisme, on en a bien discuté pour que les rues de la ville soient beaucoup moins

dangereuses, on a pensé aux façons de mettre des miroirs » explique Madeleine DUPUIS.

Il s’agissait avant tout de tendre vers une égalité d’accès des femmes et des hommes à

l’espace public, de « permettre aux femmes de se sentir en sécurité quand elles circulent

dans les rues ». L’installation d’une Maison des femmes avait également été envisagée,

idée reprise dans le plan d’action 2016-2020 à travers l’installation de points

d’information destinée aux femmes dans les maisons de la citoyenneté. Le plan d’action

prévoit également de favoriser la mobilité des femmes dans la ville, en se fondant sur un

diagnostic sexué de la mobilité, et de renforcer la visibilité des femmes à travers « une

opération de concertation publique pour la proposition de noms de femmes pour la

nomination des rues et des équipements »180 – initiative qui participe de la requalification

de l’espace public. Enfin, les violences faites aux femmes sont également mises en

lumière chaque 25 novembre, en investissant l’espace public à travers une opération

« carrefour rencontre » organisée avec les associations.

178 Cette proposition de réappropriation de l’espace public est portée par la démarche PARK(ing) DAY, impulsée en 2005 à San Francisco et développée en France depuis 2010 par l’association Dédale : « événement mondial […] durant lequel citoyen.ne.s, artistes et activistes collaborent pour transformer temporairement des places de parking payantes en espaces végétalisés et conviviaux. […] Les espaces bétonnés deviennent des lieux d'initiatives engagées, originales et créatives ». L’initiative se veut porteuse d’une « réflexion globale sur l'espace urbain, sur la place qui y est faite à la nature et sur la qualité de vie », en dévoilant les opportunités que recèlent les places de parking, qui ne sont que des lieux de passage pour les piéton.ne.s le reste du temps, et en encourageant la réappropriation des villes « par la promotion de la créativité, de l'engagement critique, des interactions sociales inédites, de la générosité et du jeu : autant d'éléments qui participent à la construction d'une ville durable » (site de l’association). 179 Groupe de travail Genre & Ville, Conseil de Développement Durable de l’agglomération bordelaise, Ville HQE – Haute Qualité Égalitaire, Autosaisine, Programme de travail 2012-2014, Communauté urbaine de Bordeaux, 2014, p. 78 180 Ville de Toulouse, Plan d’action Égalité femmes-hommes de la ville de Toulouse, mars 2016, p. 24

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

115

3. Des inégalités territoriales qui s’interpénètrent et s’auto-renforcent :

quelles réponses des collectivités locales ?

Appréhender la profondeur des inégalités entre les femmes et les hommes nécessitent

de prendre en compte que les discriminations genrées sectorielles que les femmes

subissent dans tel ou tel pan de leur vie sociale se conjuguent avec d’autres, et que ces

dynamiques inégalitaires s’auto-renforcent. Il faut dès lors prendre en compte

l’intersectionnalité de l’inégalité femmes-hommes et des inégalités sociales et territoriales,

à l’instar du HCE dans son rapport EGAliTER – « Combattre maintenant les inégalités

sexuées, sociales et territoriales dans les quartiers de la politique de la ville et les territoires

ruraux fragilisés »181. Les obstacles liés au genre participent à l’exclusion sociale et à la

ségrégation spatiale, et réciproquement. Ainsi, près d’une habitante sur deux des

quartiers de la politique de la ville se situe en dehors du marché du travail. Inactivité et

précarité sont davantage banalisées pour la part féminine de la population, qui subit le

poids du genre et des stéréotypes. Les maternités à un plus jeune âge et les temps partiels

sont plus fréquents que dans les territoires moins enclavés socialement. Un quart des

familles sont monoparentales et connaissent une pauvreté accrue.

Entre également dans cette équation l’accès aux droits et aux services publics, un élément

d’appui essentiel pour une politique d’égalité entre les hommes et les femmes cohérente

avec un territoire délaissé socialement. Or les obstacles que rencontrent les usagères

persistent, de par notamment un manque d’information sur leurs droits et les services à

leur disposition182 : l’environnement dans lequel elles évoluent n’est pas forcément

conscient des politiques sociales mises en œuvre en direction des publics défavorisés en

général ou bien destinées aux femmes exclusivement.

Le rapport EGAliTER du HCE dénonce les freins territoriaux qui subsistent à

l’effectivité des services publics et de l’accès aux droits. Le rapport de la Cour des

comptes de 2012 met d’ailleurs en exergue une double peine subie par ces territoires en

181 Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes (rapporteur : Romain SABATHIER), Rapport EGAliTER – Combattre maintenant les inégalités sexuées, sociales et territoriales dans les quartiers de la politique de la ville et les territoires ruraux fragilisés, Rapport n°2014-06-19, Pôle Conception graphique-Fabrication – DSAF, juin 2014 182 Du ressort de l’école, l’éducation à la sexualité – en tant que levier d’émancipation et de mise en exergue de la nécessaire égalité des rapports sexuels, visant aussi à présenter aux jeunes filles le rôle de la contraception et à réaffirmer le principe de libre-disposition du corps humain ; en somme, un enseignement constitutif de l’éducation à l’égalité et crucial dans le parcours de vie des jeunes – n’est pas assurée par tous les établissements du 2nd degré : soit par manque de volontarisme du projet pédagogique, soit par manque de moyens de l’équipe, soit par méconnaissance des directives de l’Éducation nationale et surtout de la loi de 2001 donnant aux séances afférentes un caractère itératif ; en outre, ces séances peuvent manquer leur objectif implicite de mise en avant d’interlocuteur.rice.s à l’écoute, vers lesquel.le.s les jeunes peuvent se tourner. L’évaluation menée en 2016 par le Haut Conseil à l’Égalité de l’éducation à la sexualité fait émerger des carences criantes en la matière, lourdes de conséquences pour les jeunes filles évoluant dans un milieu ne leur permettant pas d’obtenir les informations qui ne leur ont pas été délivrées en classe.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

116

souffrance, qui reçoivent moins d’argent public que les autres. Les services consacrés à

l’information sur les droits des femmes sont insuffisants. Ils sont souvent assurés par

des associations délégataires de service public, et celles-ci sont confrontées aux

irrégularités des financements issus des appels d’offre – d’où le caractère stratégique des

engagements financiers pluriannuels, par exemple à travers les CPOM (contrats

pluriannuels d’objectifs et de moyens), qui permettent de réduire l’insécurité financière

des structures de défense des droits des femmes. Les associations doivent également

disposer des ressources administratives et juridiques suffisantes afin de naviguer à travers

les appels à projets et autres mécanismes de délégation de services publics : les

collectivités peuvent mettre en place des guides pratiques afférents, en privilégiant une

approche régionale afin d’inciter les structures à étendre leur secteur d’activités.

Dès lors, l’approche d’égalité des genres et des rapports sociaux de sexe doit être

considérée comme un levier pour enrayer les écarts de développement, à travers une

perspective globale des mécanismes correcteurs. La démarche d’égalité territoriale entre

les femmes et les hommes se fonde sur une prise en compte des contextes locaux

spécifiques dans les politiques afférentes aux droits des femmes (en les territorialisant de

la manière la plus fine possible183) et des inégalités femmes-hommes dans les politiques

de développement territorial. Au regard des trajectoires de ségrégation sociale et spatiale

subies par les quartiers politiques de la ville et les territoires ruraux fragilisés, il convient

de les prioriser à travers la mise en œuvre des politiques publiques.

Au-delà des facteurs de réussite inhérents aux politiques locales d’égalité des sexe que

nous avons développés précédemment, le HCE recommande aux collectivités de créer

une garantie de déclinaisons territoriales coordonnées et pilotées à travers les outils

locaux de développement du territoire (contrats de plan État-région, fonds structurels

européens, dispositifs territoires ruraux, contrats régionaux uniques, etc.), dont

l’animation peut être assurée par un réseau régional de l’égalité entre les femmes et les

hommes. Par ailleurs, les opportunités d’expérimentation et d’innovation sociale

ouvertes par la révision constitutionnelle de 2003 permettent l’émergence de modèles de

mise en œuvre de l’égalité femmes-hommes à travers des territoires fragilisés pilotes :

toutefois, ce droit à l’expérimentation locale est très peu mobilisé aujourd’hui.

La situation différenciée des femmes et des hommes doit être prise en compte dans la

mise en œuvre des dispositifs publics en matière d’emploi, et ce dès le parcours

183 Le rôle de la recherche est ici déterminant. Des partenariats entre collectivités et parcours universitaires relatifs aux sciences humaines et sociales peuvent être envisagés afin de développer l’expertise sur le croisement entre le genre, le développement territorial et la spirale d’auto-renforcement des inégalités afin d’élaborer une grille d’indicateurs pertinents et ancrés dans le territoire.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

117

d’orientation : c’est particulièrement à l’échelon régional d’intervenir, mais les ressources

humaines de chaque échelon local occupent une place stratégique, tout comme les

services de développement économique et touristique. Les communes peuvent faciliter

l’accès de tou.te.s les enfants à la restauration scolaire afin de ne pas accentuer le poids

de la garde des enfants sur les mères sans emploi ou à temps partiel, et d’enrayer le non-

recours aux droits. L’accompagnement des femmes vers l’emploi est du ressort de tous

les niveaux de collectivités, ne serait-ce qu’en affectant davantage de crédits aux actions

de mise en réseau des femmes dans les territoires fragilisés.

Les départements jouent un rôle déterminant au regard de leur compétence d’action

sociale. Au sein du 4ème plan interministériel de prévention et de luttes contre les

violences faites aux femmes, ils constituent les interlocuteurs privilégiés du

gouvernement pour mettre en œuvre un certain nombre de dispositifs d’action publique

de lutte contre les violences de genre, aux côtés de la préfecture, des services de police

et de gendarmerie, et grâce à l’expertise des associations dédiées. Le parc de logement

social doit réserver un nombre suffisant de places à l’hébergement et au relogement

d’urgence, en maillant le territoire de manière stable. L’expertise de proximité des

collectivités permet d’identifier les freins et les obstacles à la détection des violences de

genre et à l’accompagnement des victimes au sein des territoires précaires.

Les processus d’enclavement des territoires ruraux fragilisés, conjugués à un

phénomène de désertification des services, et à une inégale couverture numérique, sont

autant de freins à l’accès aux services publics. Interpelées, les collectivités interviennent

en général en créant des points uniques d’accès aux droits, suivant une stratégie idoine à

celle pilotant la multiplication des maisons de santé pluridisciplinaires184. Or, cette

démarche peut être mise au profit de la défense des droits des femmes, en prévoyant la

mise en place de guichets spécifiques au sein des points d’accès aux droits et aux services

publiques. Face aux dynamiques de dématérialisation, il est du rôle de la puissance

publique de s’assurer que les citoyen.ne.s résidant en zone enclavée bénéficient du haut

débit et de la formation adéquate à l’usage des nouvelles technologies d’information et

de communication.

En parallèle, les services publics de proximité doivent être desservis par les transports en

commun. Ceux-ci représentent également un levier non négligeable pour

184 Concernant les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), il convient de noter que ces structures sont d’ailleurs des leviers significatifs afin de permettre à toutes les femmes de disposer librement de leurs corps : les collectivités apportant les financements peuvent demander aux équipes médicales d’inscrire l’égalité femmes-hommes dans le projet de santé de l’établissement. Elles peuvent également requérir la participation des professionnel.le.s en question à la formation portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes organisée à l’attention de ses agent.e.s, plus particulièrement aux sessions portant sur la détection des violences de genre. Les MSP peuvent également être les garantes de l’accès à l’IVG sur l’ensemble du territoire.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

118

l’autonomisation des femmes, il s’agit de les repenser en conséquence afin de favoriser

leur mobilité. Cela implique une lutte plus sévère contre le harcèlement de rue et dans

les transports, avec une formation adéquate des agent.e.s en charge du contrôle et de la

sécurité des voyageur.euse.s. Les milieux ruraux ne doivent pas être oubliés dans la

desserte, en s’appuyant par exemple sur les innovations expérimentées par certaines

entreprises : augmenter le transport à la demande partagé, ou encore organiser des

mobilités d’information autour des droits individuels et collectifs dans les mairies par des

agent.e.s formé.e.s aux droits des femmes lors de réunions annoncées largement en

amont.

Les collectivités territoriales disposent donc, à travers l’aménagement du territoire et

l’animation de l’espace public, de leviers significatifs pour éliminer les manifestations

d’inégalité et garantir l’effectivité des droits de chacun et chacune. Dans une période de

multiplication des documents de contractualisation entre les différents échelons de

collectivités, la politique contractuelle est une entrée importante pour affirmer le

caractère prioritaire de l’approche égalitaire.

Contrats de ville, contrats de plan État-région, contrats régionaux uniques, etc. sont

autant de documents dont l’efficacité en termes de politiques publiques ne peut être que

renforcée par l’ajout d’un volet transversal disposant de l’action locale en matière

d’égalité entre les femmes et les hommes. En termes stratégiques, Carole DELGA

souligne d’ailleurs que « Plutôt qu’un schéma dédié à l’"égalité" qui serait peu en prise

avec les réalités de terrain, l’enjeu est l’intégration de la dimension égalité femme-homme

dans l’ensemble des outils de planification dont la Région a la charge ». Ainsi, l’action 21

du Plans d’action régional de l’ancienne région Midi-Pyrénées prévoit d’« intégrer l’égalité

femmes-hommes dans les stratégies aboutissant aux contrats uniques avec les

territoires », à travers la création d’un objectif transversal en introduction desdits

contrats, conjugué à des indicateurs de suivi spécifique185.

185 Région Midi-Pyrénées, Plan d’actions régional 2015-2017 – L’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale, adopté par l’Assemblée plénière en décembre 2014, p. 41

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

119

Conclusion

L’action publique en matière d’égalité entre les femmes et les hommes est légitime et

nécessaire à travers tous les secteurs de la vie sociale. Multiforme et évolutive, elle est

notamment issue du volontarisme militant des associations, véritables fers de lance, qui,

à travers les délégations de service public et autres partenariats, ont su s’adapter aux

pesanteurs institutionnelles propres aux administrations. Le champ de l’action publique

égalitaire s’est également enrichie grâce au développement de la recherche et de

l’expertise en la matière (notamment de par une impulsion internationale et

communautaire), et par la montée en vigilance de la sphère politique et médiatique face

aux récurrences des manifestations de sexisme.

Segment d’action publique aux contours initialement flous qui s’est progressivement

professionnalisé, l’instrumentation de l’égalité entre les femmes et les hommes témoigne

toujours de l’imagination des acteur.rice.s, conscient.e.s qu’au regard de l’emprise des

mécanismes de domination masculine sur l’organisation de la vie sociale et des politiques

publiques, l’innovation est indispensable pour les déjouer et les mettre à mal ; tout

comme l’inventivité est nécessaire pour investir tous les champs de la société. Une

évolution s’est opérée, depuis des politiques non homogènes à l’échelle des territoires,

largement dépendantes de la volonté des décideur.euse.s politiques, vers une action

publique davantage structurée, progressivement mise en réseau, développée par le

partage de bonnes pratiques (notamment à travers le réseau des signataires de la Charte

européenne pour l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie locale ; puisqu’au niveau des

collectivités étudiées, les échanges sont encore embryonnaires à l’échelle du territoire).

Cette dynamique s’est concrétisée à travers la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre

les femmes et les hommes.

Les collectivités territoriales disposent donc d’un certain nombre de leviers

transversaux, méthodologiquement appropriés pour mettre en œuvre l’approche

intégrée de l’égalité. La gestion des ressources humaines revêt une importance

stratégique, à l’heure où l’exemplarité de la puissance publique employeuse tombe sous

le coup de la loi. Le développement de la parité (et son extension de la sphère politique

à la direction administrative) multiplie les capacités de vigilance et les opportunités de

défense des droits des femmes pour les agentes et les élues, qui disposent davantage de

« la force du nombre » pour reprendre l’intitulé de l’ouvrage de Mariette SINEAU. La

mise à l’agenda de l’état des lieux des inégalités entre les femmes et les hommes dans la

collectivité en amont du débat d’orientation budgétaire incite les décideur.euse.s à

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

120

prendre en compte les mécanismes inégalitaires et discriminatoires révélés par ce rapport

dans l’élaboration du budget, afin d’en faire un outil au service de l’égalité des sexes.

Au terme de l’analyse, il apparait que les trois échelons territoriaux se situent à des étapes

d’institutionnalisation différentes de l’action publique d’égalité entre les femmes et les

hommes au regard de son intégration dans les pratiques administratives, et que la loi du

4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes représente un appui

significatif pour les promoteur.rice.s de la prise en compte territoriale des inégalités

femmes-hommes.

L’ancienne région Midi-Pyrénées avait déjà produit deux générations de plans d’action

régionaux pour l’égalité entre les femmes et les hommes, réalisé l’évaluation afférente, et

impulsé un nouveau plan dans la continuité du précédent. Un réseau de référent.e.s en

charge de la problématique du développement durable avait vu l’égalité entre les femmes

et les hommes rejoindre ses prérogatives à l’échelle de toute la collectivité. Depuis 2012,

un rapport portant sur le développement durable et comportant des données sur l’égalité

entre les femmes et les hommes est présenté à l’assemblée délibérante en amont du débat

d’orientation budgétaire. En 2016, le budget de l’action publique d’égalité des sexes

apparait dans le récapitulatif du budget publié par l’exécutif de la nouvelle Région.

La mairie de Toulouse dispose d’une délégation politique à l’égalité entre les femmes et

les hommes depuis 2008, et se situe dans la deuxième génération du plan d’action

municipal en faveur de l’égalité des sexes. Mais le premier plan était celui des associations,

comme en témoigne Madeleine DUPUIS, conseillère municipale en charge de la

thématique pendant le mandat de Pierre COHEN ; alors que le nouveau plan, voté à

l’unanimité en mars 2016, est celui des services, de l’administration municipale. Les

référent.e.s à l’égalité femmes-hommes ne sont pas positionné.e.s dans tous les services

mais au sein de directions prioritaires. L’action publique égalitaire souffre toutefois d’une

diminution de son enveloppe, les interventions financières de la collectivité vers ses

partenaires sont menacées : « on essaie à peu près de maintenir l’existant mais c’est très

limite pour soutenir de nouveaux projets, […], et l’année prochaine des choix devront

être faits, c’est-à-dire l’arrêt du financement de certaines actions pour pouvoir en financer

de nouvelles. […] L’enveloppe diminue, on essaie de continuer un maximum de projet

mais ce n’est pas évident » témoigne Sylvie FROIDEFOND.

Quant au département, l’action publique d’égalité entre les femmes et les hommes n’en

est qu’à ses débuts. Elle ne fait pas encore partie des us et coutumes de l’administration

départementale. La mise à l’agenda de cette politique publique est très récente (depuis le

renouvellement de l’exécutif suite aux élections de 2015), mais elle bénéficie de

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

121

l’obligation légale de l’approche intégrée de l’égalité – « la loi nous aide », insiste Christine

STÉBENET à plusieurs reprises. La parité intégrale de la représentation politique

participe de cette institutionnalisation en cours.

Les transitions politiques à la tête des trois collectivités étudiées n’ont pas induit de

mutations profondes lorsque des actions publiques d’égalité entre les femmes et les

hommes étaient déjà menées. Il y a toutefois eu quelques bouleversements dans

l’approche institutionnelle adoptée. Le positionnement politique de la thématique au

niveau de l’ancienne région a changé de nature lors de l’installation du nouvel exécutif

afin de gagner en transversalité. La réorganisation des services et les arbitrages relatifs à

l’égalité femmes-hommes étant en cours, il est toutefois difficile de conclure aujourd’hui

à une montée en puissance de l’action publique régionale en matière d’égalité femmes-

hommes, même si les déclarations d’intention vont en ce sens.

La ville de Toulouse a opéré un transfert d’une action publique davantage impulsée par

les associations féministes spécialisées vers une politique déployée par l’administration,

à travers des directions prioritaires et des années thématiques. Enfin, le département de

la Haute-Garonne se fonde sur les impératifs légaux prévus par la loi du 4 août 2014

pour construire son intervention. Sous l’ère de la présidence précédente, aucune action

publique spécifique n’a été élaborée. Dès lors, les agent.e.s départementaux.ales ont

fondé la prise en charge publique de l’égalité sur les dispositions légales et règlementaires.

De ce point de vue, la parution tardive de certains décrets d’application a retardé la

réalisation du diagnostic sexué de la collectivité.

La proximité et la bonne entente de l’élu.e en charge de l’égalité entre les femmes et

les hommes avec l’exécutif politique apparaît comme une régularité forte dans les propos

de Nadia BAKIRI, Madeleine DUPUIS, Nadia PELLEFIGUE et Christine

STÉBENET. Le positionnement hiérarchique de l’élu.e est également significatif.

L’installation d’un réseau de référent.e.s participe à l’homogénéisation et à la mise en

cohérence de l’action publique égalitaire au niveau de la collectivité, notamment dans le

cadre de la rédaction du rapport sur la situation locale en matière d’égalité entre les

femmes et les hommes, puis à travers la mise en œuvre et l’évaluation du plan d’action

afférent.

Le développement de l’évaluation des politiques publiques, encouragé par

l’imposition progressive du New Public Management, est un critère déterminant de la

réussite de l’action publique d’égalité des sexes. Comme nous l’avons vu, celle-ci a besoin

de repenser et de redéfinir les cadres d’intervention de manière à ce qu’ils s’affranchissent

des biais du mythe de l’universel, devenant des outils de correction des mécanismes de

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

122

reproduction des privilèges sexués. Les diagnostics territoriaux sexués représentent des

appuis pour développer une action publique féministe au plus près des besoins et usages

des administré.e.s. Les politiques publiques d’égalité des sexes s’insèrent également dans

les discours d’efficience de la puissance publique, et d’utilisation équilibrée et égalitaire

des ressources financières de la collectivité.

En définitive, nous observons un triple mouvement de hausse des contraintes légales,

d’intégration des politiques d’égalité femmes-hommes à l’instrumentation publique, et

de qualification et d’identification de l’action publique d’égalité des sexes. Toutefois,

alors même que leurs obligations augmentent, les marges de manœuvres budgétaires des

collectivités sont de plus en plus contraintes, et elles doivent opérer un resserrement sur

leurs compétences obligatoires.

Comment renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes face à la baisse des dépenses

publiques ? Deux leviers majeurs émergent : la loi, et la pratique, c’est-à-dire in fine le

développement d’une culture de l’égalité. Cependant, légiférer pour inscrire l’approche

intégrée de l’égalité en tant que règle de conception des politiques publiques n’est pas

suffisant : encore faut-il se donner les moyens d’assurer aux droits des femmes leur pleine

effectivité. De ce point de vue, la marge de progression est immense : les territoires

ruraux fragilisés et les quartiers politique de la ville sont le théâtre de spirales de

discriminations qui se renforcent les unes les autres, face au déficit d’accès aux droits.

Les militant.e.s féministes délégataires de service public fondent principalement leur

engagement sur des conventions pluriannuelles d’objectifs et de moyens, dont le

renouvellement est toujours plus incertain.

Cette permanence des moyens réduits, quant aux droits des femmes, est prégnante y

compris au sein du féminisme institutionnel. Elle renvoie ironiquement aux constats

dénoncés par le mouvement des femmes et les analystes de l’égalité

professionnelle (déconsidération du travail féminin et de la pénibilité des professions à

dominante féminine, inégalités salariales, etc.).

La mise en œuvre de l’approche intégrée de l’égalité et des actions correctrices

indispensables en parallèle constituent un levier puissant de transformation des

politiques publiques, et surtout un levier d’avenir. Quelle que soit la majorité

gouvernementale et parlementaire qui émergera des scrutins de 2017, les fondements de

l’institutionnalisation de l’action publique égalité femmes-hommes sont posés. Cette

institutionnalisation ne pourra pas se faire à tous les niveaux de l’administration à moyens

constants, sous peine de ne pas répondre aux impératifs légaux posés par la loi du 4 août.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

123

Annexes

Bibliographie ...................................................................................................................... p. 124

Grilles d’entretiens ............................................................................................................ p. 130

Infographie : le budget 2016 de la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée ......... p. 157

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

124

Bibliographie

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Ressources législatives et réglementaires

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Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

126

LOI n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration

des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte

contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique

LOI n° 2012-954 du 6 août 2012 relative au harcèlement sexuel

LOI n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des

conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier

électoral

LOI n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes

Décret n° 2013-1313 du 27 décembre 2013 relatif au rapport annuel sur l'égalité

professionnelle entre les femmes et les hommes dans la fonction publique

Décret n° 2015-761 du 24 juin 2015 relatif au rapport sur la situation en matière d'égalité

entre les femmes et les hommes intéressant les collectivités territoriales

Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics

Circulaire du 23 août 2012 relative à la prise en compte dans la préparation des textes

législatifs et réglementaires de leur impact en termes d'égalité entre les femmes et les

hommes

Publications gouvernementales, parlementaires et institutionnelles

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2015, 2015

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Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

130

Grilles d’entretien

Les entretiens ont été menés de manière semi-directive, soit de visu (avec Elsa

BOYER-CROQUETTE, Sophie DEJOUX, Nadia PELLEFIGUE et Christine

STÉBENET) ; soit par téléphone (avec Nadia BAKIRI, Corine BLANC-DORONIS,

Madeleine DUPUIS, Lionel FERNANDES, et Sylvie FROIDEFOND).

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

131

Questionnaire à l’intention des directions des ressources humaines des

collectivités étudiées : la mairie de Toulouse, le département de la Haute-

Garonne et la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée

L'exemplarité d'une collectivité, en tant qu'employeuse publique, dans le

champ de l'égalité professionnelle est un axe fondamental vers une égalité

réelle. Comment évaluez-vous votre collectivité de ce point de vue ?

Quels dispositifs de ressources humaines ont été mis en place pour

favoriser une égalité professionnelle effective dans la collectivité

(recrutement, management, prestation de services, etc.) ?

De manière globale, l’accompagnement des agent.e.s tout au long de leur

parcours professionnel prend-il en compte les inégalités entre les sexes ?

Les promotions sont-elles analysées sous l’angle du genre ? Et les

conditions de travail ?

Des efforts sont-ils faits en termes de conciliation des temps ? Des

entretiens sont-ils organisés en amont et au retour des congés parentaux ?

Quel est l’accompagnement à la parentalité ?

Quelles sont les obligations en matière d’égalité professionnelle des

entreprises prestataires de services pour la collectivité, ou au titre de la

collectivité ? Ces obligations, si elles existent, sont-elles négociées ou font-

elle partie du cahier des charges de l’appel d’offres ?

Quelle est la part des femmes parmi les emplois à temps partiel ou non

complet de la collectivité ? Quelle est la part des femmes contractuelles ?

Les démarches de retour à temps plein sont-elles aisées ?

Existent-ils des dispositifs spécifiques à l’attention des agent.e.s en

situation de précarité ?

Quelles sont selon vous les priorités à mettre en œuvre pour atteindre

l'égalité professionnelle ?

Disposez-vous de statistiques sexuées pour définir et étayer les besoins ?

Quelles sont les marges de manœuvre en la matière de la direction des

ressources humaines ?

Quel est le budget global de la direction des ressources humaines ? Et en

son sein, quel est le budget consacré, de manière spécifique ou intégrée, à

l’égalité femmes-hommes ?

Comment combattez-vous les plafonds et parois de verre (mise au jour

des inégalités salariales, mais également prise en compte de l'effet de non-

mixité de certaines filières, où on observe généralement une rémunération

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

132

plus avantageuse des personnels techniques majoritairement masculins

par rapport aux personnels administratifs davantage féminins) ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des agent.e.s, des cadres

(directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif (DGS et DGA) à un

management égalitaire et à la défense de leurs droits ?

Plus spécifiquement, quelle est la formation ou la sensibilisation des

agent.e.s des ressources humaines en matière d'égalité professionnelle ?

Quelles sont les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Les agentes et les agents accèdent-ils et elles à l’offre de formation de

manière égalitaire, tant en matière d’adaptation à l’emploi qu’en matière

de développement de compétence ? L’offre de formation est-elle

organisée de manière à permettre l’accès de toutes et tous (hors week-end,

soirée et vacances scolaires) ?

A quel point l’égalité femmes-hommes est-elle présente dans les

référentiels de formation mis en œuvre par la collectivité ?

A quelle proportion estimez-vous la part d’agent.e.s sensibilisé.e.s à cette

thématique ?

Combien de modules ont-été organisés ? Quels sont ceux qui ont

remporté le plus de succès ?

Un module obligatoire a-t-il mentionné la problématique de l’égalité

femmes-hommes même si ce n’était pas le sujet principal de la formation

en question ?

L'obligation des rapports de situation comparée dans le cadre du bilan

social a-t-elle permis des avancées ? Ou est-ce encore trop récent ?

Dans le contexte de la fusion entre la région Midi-Pyrénées et la région

Languedoc-Roussillon, quelle harmonisation en termes de portage

politique et d'exécution administrative des politiques d’égalité femmes-

hommes des ressources humaines ?

S’il est institué, comment le réseau des référent.e.s égalité communique-t-

il avec la direction des ressources humaines ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

133

Face aux dénonciations récentes de harcèlement et de violences à

caractère sexiste, envisagez-vous de mettre en place des mécanismes

internes spécifiques de libération de la parole ?

Concrètement, recevez-vous beaucoup de signalements de situations de

harcèlement et/ou de violence sexistes au travail ?

Selon vous, quels sont les freins les plus importants dans la collectivité, les

résistances majeures à l'effectivité de l'égalité professionnelle ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

134

Questionnaire à l’intention de Nadia PELLEFIGUE, vice-présidente de la

région Midi-Pyrénées en charge des Finances, de l’enseignement supérieur et

de la recherche et de l’égalité femmes-hommes

Cette grille d’entretien a été réalisée au cours du second semestre 2015, lorsque Mme PELLEFIGUE

était vice-présidente de la région Midi-Pyrénées en charge des Finances, de l’enseignement supérieur et de

la recherche et de l’égalité femmes-hommes. Suite à l’installation du nouvel exécutif régional, Mme

PELLEFIGUE est désormais 5ème vice-présidente du Conseil régional Languedoc-Roussillon –

Midi-Pyrénées en charge du Développement économique, de la recherche, de l’innovation et de

l’enseignement supérieur

Concernant votre action en tant que Vice-présidente à l’égalité femmes-

hommes :

Cette politique est-elle menée de manière transversale ?

Cette délégation impacte-t-elle les deux autres délégations, et plus

particulièrement celle des Finances ? Y a-t-il une volonté de gender

budgeting ?

Quelles sont les réalisations majeures du mandat 2008-2015 ?

Quelles sont vos relations avec le monde associatif et le mouvement

féministe ?

Quelle est votre analyse du rôle de l’administration régionale :

Avez-vous observé un changement de mentalité dans l’administration ?

Comment appréhende-vous les capacités d’impulsion de

l’administration ?

La mission dédiée à l’égalité entre les femmes et les hommes dispose-t-elle

de ressources suffisantes ?

Observe-t-on des écarts de rémunération sexués au sein de

l’administration ? Et plus largement, dispose-t-on de données sexuées à

l’échelle de la Région ?

Quelle répercussion des inégalités d’assignation sexuée dans l’institution,

notamment au regard de la conciliation entre vie professionnelle et vie

privée ?

Les inégalités femmes-hommes dans l’engagement politique :

Observe-t-on un plafond et des murs de verre dans la répartition des

délégations ?

Quels sont les mécanismes d’assignation dans les partis ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

135

Le féminisme fait-il partie des axes de la campagne en cours pour les

élections régionales ?

La victoire du candidat du Parti socialiste en 2012 :

Quelles différences observe-t-on en matière d’égalité entre les femmes et

les hommes et de droits des femmes par rapport aux mandatures

gouvernementales précédentes ?

Quels sont les travaux parlementaires majeurs menés (réalisations les plus

significatives, impact des délégations dédiées, etc.) ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

136

Questionnaire à l’intention de Sophie DEJOUX, directrice de l’environnement

et du développement durable de la région Midi-Pyrénées ; et Elsa BOYER-

CROQUETTE, chargée de mission à l’égalité entre les femmes et les hommes

de la région Midi-Pyrénées

La mission Égalité femmes-hommes de la région Midi-Pyrénées est positionnée au sein du service Égalités

et santé, lui-même faisant partie de la direction de l’Environnement et du Développement durable. Ce

sont les référent.e.s développement durable dans les services qui suivent également l’égalité entre les femmes

et les hommes.

Considérez-vous que la région Midi-Pyrénées a développé une politique

volontariste en matière d’égalité femmes-hommes ?

Si oui, depuis quand ?

Cette politique est-elle transversale ou plutôt spécifique ?

Quelles en sont les réalisations majeures selon vous ?

Comment analysez-vous l’impact du développement de la parité ?

Quelles sont les relations entretenues avec les instances du féminisme

d’État ?

Secrétariat d’État aux Droits des femmes, Haut conseil à l’égalité entre les

femmes et les hommes, délégations parlementaires aux Droits des femmes

et à l’égalité, etc.

Comment analysez-vous l’impact de l’Union européenne ?

Comment institutionnaliser une politique d’égalité femmes-hommes dans

une administration ?

Quelles sont selon vous les législations majeures à l’origine des obligations

des collectivités en matière d’égalité femmes-hommes ?

Y a-t-il un lobbying de la région Midi-Pyrénées en matière législative

concernant la défense des droits des femmes ? ou à travers l’Association

des Régions de France ?

Y a-t-il une identification et/ou un partage de bonnes pratiques entre

régions ?

Quel est le rôle d’impulsion de la mission Égalité femmes-hommes ?

Dispose-t-elle de ressources suffisantes ou est-elle généralement sacrifiée

dans les arbitrages budgétaires ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

137

Comment analysez-vous la force du leadership politique ? Et l’impact des

délégations conjointes aux Finances, à l’Enseignement supérieur et à

l’Égalité femmes-hommes ? Y a-t-il une possibilité de suivi du budget dans

une approche de gender budgeting ?

Observez-vous un changement des mentalités dans l’administration ? Ou

une persistance des schèmes mentaux des routiniers du patriarcat ?

Observez-vous une responsabilité collective en matière d’égalité femmes-

hommes ou un isolement de la mission dédiée ?

Quel est le rôle de la mission Égalité femmes-hommes quant à la

sensibilisation et/ou la formation des agent.e.s ?

Les politiques publiques régionales sont-elles évaluées de manière genrée ?

si oui, quels sont les critères de cette évaluation ? Et l’organisation

politique et administrative de la collectivité ? La perspective de genre est-

elle intégrée dans toutes les politiques publiques régionales ?

Les écarts de rémunération sont-ils significatifs ?

Comment analysez-vous les répercussions des inégalités d’assignation

sexuée dans l’institution, et la conciliation entre vie personnelle et vie

professionnelle ? Y a-t-il eu un avant/après l’installation de la crèche en

termes de développement professionnel des agent.e.s ?

Quels leviers et freins propres à l’institution régionale identifiez-vous ?

Observez-vous des équivalents au sein d’autres collectivités territoriales ?

Comment la politique d’égalité femmes-hommes régionale s’incarne-t-elle

au sein des champs de compétences dévolus aux régions selon vous ?

Développement économique, internationalisation de l’économie,

formation professionnelle, apprentissage, gestion des lycées,

aménagement du territoire, tourisme, culture, sport, etc.

Quelles sont vos relations avec le monde associatif ? Le mouvement

féministe ? Les centres d’études et de recherches dédiés ? Les universités ?

Le secteur privé ?

Comment envisagez-vous le mandat à venir ?

En matière programmatique : quelle déclinaison de l’égalité entre les

femmes et les hommes ?

Dans le contexte de la fusion et de resserrement des postes à

responsabilité : comment faire en sorte que les aspirations

professionnelles des femmes ne soient pas sacrifiées ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

138

Y a-t-il une sensibilité des syndicats régionaux à cette problématique ?

Comment analysez-vous les politiques du département de la Haute-

Garonne et de la mairie de Toulouse ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

139

Questionnaire à l’intention de Carole DELGA, présidente de la région

Occitanie – Pyrénées-Méditerranée

Il n’a pas été possible de convenir d’un entretien avec la présidente en raison de ses contraintes d’agenda.

Ce questionnaire a donc été envoyé à son cabinet, qui m’a transmis en retour les réponses de la présidente.

Pourquoi avoir supprimé la délégation à l'égalité femmes-hommes des vice-

présidence au profit d'une commission dédiée ?

Quelles sont vos priorités en termes d'égalité femmes-hommes pour le mandat ?

Comment s'organise la mise en œuvre de l'approche intégrée de l'égalité prévue

par la loi du 4 août 2014 ?

Dans le contexte de la fusion : quelle harmonisation en termes de portage

politique et d'exécution administrative des politiques égalité femmes-hommes,

tant les actions spécifiques que les dispositions intégrées ?

Le réseau des référent.e.s égalité et développement durable de Midi-Pyrénées a-

t-il été maintenu et étendu ou la transversalité dans les services est-elle désormais

organisée différemment ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des agent.e.s, des cadres (directeur.rice.s

et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif (DGS et DGA), et plus spécifiquement des

agent.e.s RH en matière d'égalité professionnelle ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s de la majorité ? de l'exécutif

?

Envisagez-vous de développer l'égalité entre les femmes et les hommes à travers

la politique contractuelle, en impulsant par exemple un Schéma régional d'égalité

entre les femmes et les hommes ? Quels instruments d'action publique identifiez-

vous pour permettre aux femmes d'accéder à leurs droits sur tous les territoires,

y compris les espaces ruraux enclavés ?

Selon vous, quels sont les freins les plus importants dans la région, les résistances

majeures à l'effectivité de l'égalité entre femmes et hommes ?

Et enfin, comment s'organise l'élaboration du rapport relatif à l'égalité femmes

hommes dont l'adoption doit être préalable au débat d'orientation budgétaire

2017 ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

140

Questionnaire à l’intention de Nadia BAKIRI, Présidente de la commission

« Égalité femmes-hommes » de la région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée

Quelle prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans

la campagne des régionales ?

communication, discours, etc.

au sein du comité de campagne

Quelle a été la première décision prise en matière d'égalité entre les

femmes et les hommes ?

Pourquoi avoir supprimé la délégation à l'égalité femmes-hommes des

vice-présidences au profit d'une commission dédiée ?

Concernant votre action en tant que Présidente de la commission à

l’égalité femmes-hommes :

Cette politique est-elle menée de manière transversale ?

Quelles sont les ambitions majeures du mandat ?

Quelles sont vos relations avec le monde associatif et le mouvement

féministe ?

Quelle est votre analyse du rôle de l’administration régionale ?

Comment appréhendez-vous les capacités d’impulsion de

l’administration ?

La mission dédiée à l’égalité entre les femmes et les hommes dispose-t-elle

de ressources suffisantes ?

Quelle répercussion des inégalités d’assignation sexuée dans l’institution,

notamment au regard de la conciliation entre vie professionnelle et vie

privée ?

Comment s'organise la mise en œuvre de l'approche intégrée de l'égalité

prévue par la loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et

les hommes ?

Comment s'organise l'élaboration du rapport relatif à l'égalité femmes

hommes dont l'adoption doit être préalable au débat d'orientation

budgétaire 2017 ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

141

Pensez-vous qu'il s'agisse d'un premier pas vers une budgétisation sensible

au genre ?

Dans le contexte de la fusion : quelle est l’harmonisation en termes de

portage politique et d'exécution administrative des politiques d’égalité

femmes-hommes ?

actions spécifiques ?

dispositions intégrées ?

Le réseau des référent.e.s égalité et développement durable de Midi-

Pyrénées a-t-il été maintenu et étendu ou la transversalité dans les services

est-elle désormais organisée différemment ?

Les inégalités femmes-hommes dans l’engagement politique :

Observe-t-on un plafond et des murs de verre dans la répartition des

délégations ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des agent.e.s, des cadres

(directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif (DGS et DGA), et plus

spécifiquement des agent.e.s des ressources humaines en matière

d'égalité professionnelle ?

Quelles sont les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s de la majorité ? de

l'exécutif ?

Quels instruments d'action publique identifiez-vous pour permettre aux

femmes d'accéder à leurs droits sur tous les territoires, y compris les

espaces ruraux enclavés ?

Envisagez-vous de développer l'égalité entre les femmes et les hommes à

travers la politique contractuelle, en impulsant par exemple un Schéma

régional d'égalité entre les femmes et les hommes ?

Envisagez-vous de développer des clauses de commande publique allant

plus loin que l'encadrement des marchés publics prévus par la loi du 4

août ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

142

Selon vous, quels sont les freins les plus importants dans la région, les

résistances majeures à l'effectivité de l'égalité entre femmes et hommes ?

Quelles sont vos interactions en matière d’égalité femmes-hommes avec

la ville de Toulouse et le département de la Haute-Garonne ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

143

Questionnaire à l’intention de Christine STÉBENET, conseillère

départementale en charge de l’égalité entre les femmes et les hommes au sein

du département de la Haute-Garonne

Quelle prise en compte de l'égalité entre les femmes et les hommes dans

la campagne des départementales ?

communication, discours, etc.

au sein du comité de campagne

Quelle a été la première décision prise en matière d'égalité entre les

femmes et les hommes ?

Quelles sont vos priorités en termes d'égalité femmes-hommes pour le

mandat ?

Comment s'organise la mise en œuvre de l'approche intégrée de l'égalité

prévue par la loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et

les hommes ?

Comment s'est organisée l'élaboration du rapport relatif à l'égalité femmes

hommes dont l'adoption devait être préalable au débat d'orientation

budgétaire de cette année ?

Pensez-vous qu'il s'agisse d'un premier pas vers une budgétisation sensible

au genre, c’est-à-dire par la prise en compte des inégalités entre les femmes

et les hommes tout au long du processus budgétaire, de sa conception à

ses ajustements et enfin à son évaluation ?

Les politiques du département et sa compétence en matière d'affaires

sociales sont-elles analysées sous l'angle du genre ?

Envisagez-vous de mettre en place un réseau de référent.e.s égalité

femmes-hommes dans les services ?

Comment évaluez-vous l'exemplarité de la collectivité en la matière ?

Au regard des outils dont disposent les ressources humaines, des

indicateurs d’égalité professionnelle, de la conciliation des temps, de la

mixité des filières, etc.

La délégation à l'égalité femmes-hommes est récente. De quelle marge de

manœuvre dispose-t-elle auprès de l'exécutif ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

144

Comment évaluez-vous la sensibilisation des agent.e.s, des cadres

(directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif (DGS et DGA), et plus

spécifiquement des agent.e.s RH en matière d'égalité professionnelle ?

Quelles sont les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s de la majorité ? de

l'exécutif ?

Quel a été l’impact de la parité intégrale à votre avis ?

Face aux dénonciations récentes de harcèlement et de violences à

caractère sexiste, envisagez-vous de mettre en place des mécanismes

internes spécifiques de libération de la parole ?

Quelles sont selon vous les priorités à mettre en œuvre pour atteindre

l'égalité professionnelle ?

Quelles sont les marges de manœuvre en la matière de la direction des

ressources humaines ?

Comment combattez-vous les plafonds et parois de verre (mise au jour

des inégalités salariales, mais également prise en compte de l'effet de non

mixité de certaines filières, où on observe généralement une rémunération

plus avantageuse des personnels techniques majoritairement masculins

par rapport aux personnels administratifs davantage féminins) ?

Quels instruments d'action publique identifiez-vous pour permettre aux

femmes d'accéder à leurs droits sur tous les territoires, y compris les

espaces ruraux enclavés ?

Envisagez-vous de développer l'égalité entre les femmes et les hommes à

travers la politique contractuelle ?

Envisagez-vous de développer des clauses de commande publique allant

plus loin que l'encadrement des marchés publics prévus par la loi du 4

août ?

La communication départementale a-t-elle été réfléchie afin de lutter

contre la reproduction des stéréotypes de sexe ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

145

Selon vous, quels sont les freins les plus importants dans le département,

les résistances majeures à l'effectivité de l'égalité entre femmes et hommes

?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

146

Questionnaire à l’intention de Madeleine DUPUIS, conseillère municipale

déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes de 2008 à 2014

Lors de l'élection de Pierre Cohen en 2008, de qui est venue la volonté de

la délégation à l’égalité entre les femmes et les hommes ? De lui ? De vous

? De la campagne ?

Y avait-il des engagements forts de la liste en la matière ?

En 2008, quelle a été la première décision prise en matière d'égalité entre

les femmes et les hommes ?

Quel était votre positionnement au sein de l'équipe municipale ? Étiez-

vous suffisamment soutenue par la direction politique et administrative ?

Quels étaient vos moyens financiers et humains ?

Disposiez-vous d'un relais au cabinet ?

Et dans les services, y avait-il un réseau de référent.e.s ?

Disposiez-vous d’une ligne budgétaire dédiée et a minima d’un ETP en

charge de cette question ?

Sur quelles ressources législatives et/ou réglementaires avez-vous pu vous

appuyer ?

Quelles étaient vos relations avec le monde associatif et le mouvement

féministe local ?

Quelles ont été vos priorités en termes d'égalité femmes-hommes pour le

mandat ? et votre stratégie ?

Comment a été organisée la mise en place du premier plan d’action pour

l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Y avait-il des données sexuées pour réaliser le diagnostic interne et

externe ?

Le plan d’action a-t-il été organisé de manière transversale, avec une

mobilisation de l’ensemble des services ?

Le plan d’action a-t-il été axé sur les compétences-clés de la ville de

Toulouse ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

147

De 2008 à 2014, comment évaluez-vous la sensibilisation des agent.e.s, des

cadres (directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif (DGS et DGA), et

plus spécifiquement des agent.e.s des ressources humaines en matière

d'égalité professionnelle ?

Quelles étaient les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Cette sensibilisation a-t-elle permis d’identifier des mécanismes de plafond

et de paroi de verre ?

La direction administrative était-elle paritaire, ou du moins mixte ? Avez-

vous observé une répartition sexuée des postes de direction ?

De 2008 à 2014, comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s de la

majorité ? de l'exécutif ?

Avez-vous observé une répartition sexuée des délégations ?

L’équipe des adjoint.e.s était-elle paritaire ?

Quels instruments d'action publique avez-vous mobilisé prioritairement,

ou identifiez-vous désormais pour permettre aux femmes d'accéder à leurs

droits sur tous les territoires, notamment les quartiers politique de la ville

?

La politique contractuelle de la ville a-t-elle été mobilisée ?

Le levier de la commande publique et des appels d’offre a-t-il été utilisé ?

La communication municipale a-t-elle été réfléchie afin de lutter contre la

reproduction des stéréotypes de sexe ?

Une mise en réseau territoriale a-t-elle pu être impulsée avec différents

partenaires, ou d’autres collectivités (partage de bonnes pratiques, retours

d’expérience, etc.) ?

A l’issue de votre mandat, comment évaluez-vous l'exemplarité interne de

la collectivité en matière d’égalité professionnelle ?

Au regard des outils dont disposent les ressources humaines, des

indicateurs d’égalité professionnelle, de la conciliation des temps, de la

mixité des filières, etc.

Rétrospectivement, quelles sont vos plus grandes réussites ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

148

Quels sont les freins les plus importants, les résistances majeures à

l'effectivité de l'égalité entre femmes et hommes que vous avez rencontré ?

Comment évaluez-vous l'équipe actuelle à l'aune de l'égalité entre les

femmes et les hommes, en termes de volontarisme politique et de suivi des

politiques impulsées entre 2008 et 2014 ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

149

Questionnaire à l’intention de Julie ESCUDIER, conseillère déléguée de la

Mairie de Toulouse chargée de la mission Égalité femmes-hommes et vice-

présidente à la Cohésion sociale de Toulouse Métropole

Malgré plusieurs relances et la transmission de cette grille d’entretien au secrétariat de Mme

ESCUDIER, aucune réponse n’a été faite et l’entretien n’a pas pu avoir lieu.

Considérez-vous que la mairie de Toulouse a développé une politique

volontariste en matière d’égalité femmes-hommes ?

Si oui, depuis quand ?

Cette politique est-elle transversale et/ou plutôt spécifique ?

Quelles en sont les réalisations majeures selon vous ?

Comment analysez-vous l’impact du développement de la parité, tant dans

la direction administrative que dans la direction politique ?

Comment analysez-vous le portage politique de cette question depuis

2014 ?

Quelles sont les relations entretenues avec les instances du féminisme

d’État ?

Secrétariat d’État aux Droits des femmes, Haut conseil à l’égalité entre les

femmes et les hommes, délégations parlementaires aux Droits des femmes

et à l’égalité, etc.

Comment analysez-vous l’impact de l’Union européenne ?

La compétence à l’égalité femmes-hommes est-elle cantonnée à

l’administration municipale ou de plus en plus décloisonnée vers Toulouse

Métropole ?

En d’autres termes, la ville de Toulouse assure-t-elle l’élaboration de la

politique égalité femmes-hommes pour la Métropole également ?

Y a-t-il des moyens humains et financiers dédiés au sein de Toulouse

Métropole ?

Ou bien la prise en charge de la thématique par Toulouse Métropole est-

elle moindre ?

Le portefeuille à la cohésion sociale est-il mobilisé comme un levier au

titre de l’égalité femmes-hommes ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

150

Comment institutionnaliser une politique d’égalité femmes-hommes dans

une administration ?

Le plan d’action inauguré par la mandature précédente constitue-t-il un

préalable efficace ? Si oui, a-t-il pu bénéficier d’une montée en puissance ?

Si non, a-t-il été corrigé de manière positive en termes de diminution des

inégalités ?

Y a-t-il un lobbying de la ville de Toulouse en matière législative

concernant la défense des droits des femmes ? ou à travers l’Association

des Maires de grandes villes de France ?

Y a-t-il une identification et/ou un partage de bonnes pratiques entre villes

et grandes villes ?

Quel est le rôle d’impulsion de la mission Égalité femmes-hommes ?

Dispose-t-elle de ressources suffisantes ou est-elle plutôt sacrifiée dans les

arbitrages budgétaires ?

Comment analysez-vous la force du leadership politique ? Y a-t-il une

possibilité de suivi du budget dans une approche de gender budgeting ?

Observez-vous un changement des mentalités dans l’administration ?

Observez-vous une responsabilité collective en matière d’égalité femmes-

hommes ou plutôt un isolement de la mission dédiée ?

Quel est le rôle de la mission Égalité femmes-hommes quant à la

sensibilisation et/ou la formation des agent.e.s ?

Les politiques publiques municipales sont-elles évaluées de manière

genrée ? si oui, quels sont les critères de cette évaluation ? Et l’organisation

politique et administrative de la collectivité ? La perspective de genre est-

elle intégrée dans toutes les politiques publiques ?

Les écarts de rémunération interne entre agents et agentes sont-ils

significatifs ?

Comment analysez-vous les répercussions des inégalités d’assignation

sexuée dans l’institution, et la conciliation entre vie personnelle et vie

professionnelle ?

Quels leviers et freins propres à la collectivité identifiez-vous ? Observez-

vous des équivalents au sein d’autres collectivités territoriales ?

Comment la politique d’égalité femmes-hommes municipale s’incarne-t-

elle au sein des champs de compétences dévolus aux communes selon

vous ?

Urbanisme, espace public, petite enfance, écoles, seniors, vie associative,

animation socio-culturelle, offre de loisirs, etc.

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

151

Comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s au niveau politique à

l’égalité entre les femmes et les hommes et à la prise en compte des

stéréotypes de sexe ?

Comment évaluez-vous la sensibilisation au niveau administratif des

agent.e.s, des cadres (directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif

(DGS et DGA) à un management égalitaire et à la défense de leurs droits

?

Plus spécifiquement, quelle est la formation ou la sensibilisation des

agent.e.s des ressources humaines en matière d'égalité professionnelle ?

Quelles sont les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Les agentes et les agents accèdent-ils et elles à l’offre de formation de

manière égalitaire, tant en matière d’adaptation à l’emploi qu’en matière

de développement de compétence ? L’offre de formation est-elle

organisée de manière à permettre l’accès de toutes et tous (hors week-end,

soirée et vacances scolaires) ?

A quel point l’égalité femmes-hommes est-elle présente dans les

référentiels de formation mis en œuvre par la collectivité ?

A quelle proportion estimez-vous la part d’agent.e.s sensibilisé.e.s à cette

thématique ?

Combien de modules ont-été organisés ? Quels sont ceux qui ont

remporté le plus de succès ?

Un module obligatoire a-t-il mentionné la problématique de l’égalité

femmes-hommes même si ce n’était pas le sujet principal de la formation

en question ?

L'obligation des rapports de situation comparée dans le cadre du bilan

social a-t-elle permis des avancées ? Ou est-ce encore trop récent ?

Comment s'organise la mise en œuvre de l'approche intégrée de l'égalité

prévue par la loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et

les hommes ?

Comment s'est organisée l'élaboration du rapport relatif à l'égalité femmes

hommes dont l'adoption devait être préalable au débat d'orientation

budgétaire de cette année ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

152

Pensez-vous qu'il s'agisse d'un premier pas vers une budgétisation sensible

au genre, c’est-à-dire par la prise en compte des inégalités entre les femmes

et les hommes tout au long du processus budgétaire, de sa conception à

ses ajustements et enfin à son évaluation ?

Quels instruments d'action publique identifiez-vous pour permettre aux

femmes d'accéder à leurs droits sur tous les territoires, y compris les

quartiers politique de la ville ?

Envisagez-vous de développer l'égalité entre les femmes et les hommes à

travers la politique contractuelle ?

Envisagez-vous de développer des clauses de commande publique allant

plus loin que l'encadrement des marchés publics prévus par la loi du 4

août ?

La communication municipale a-t-elle été réfléchie afin de lutter contre la

reproduction des stéréotypes de sexe ?

S’il est institué, comment le réseau des référent.e.s égalité est-il organisé ?

Face aux dénonciations récentes de harcèlement et de violences à

caractère sexiste, envisagez-vous de mettre en place des mécanismes

internes spécifiques de libération de la parole ?

Concrètement, recevez-vous beaucoup de signalements de situations de

harcèlement et/ou de violence sexistes au travail ?

Quelles sont vos relations avec le monde associatif ? Le mouvement

féministe ? Les centres d’études et de recherches dédiés ? Les universités ?

Le secteur privé et les cabinets de conseil ?

Comment analysez-vous le mandat en cours au titre de l’égalité femmes-

hommes ?

Y a-t-il une sensibilité des syndicats municipaux à cette problématique ?

Comment analysez-vous les politiques du département de la Haute-

Garonne et de la région Languedoc-Roussillon – Midi-Pyrénées ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

153

Questionnaire à l’intention de Sylvie FROIDEFOND, chargée de mission à

l’égalité entre les femmes et les hommes de la Ville de Toulouse

Considérez-vous que la mairie de Toulouse a développé une politique

volontariste en matière d’égalité femmes-hommes ?

Si oui, depuis quand ?

Cette politique est-elle transversale et/ou plutôt spécifique ?

Quelles en sont les réalisations majeures selon vous ?

Comment analysez-vous l’impact du développement de la parité, tant dans

la direction administrative que dans la direction politique ?

Quelles sont les relations entretenues avec les instances du féminisme

d’État ?

Secrétariat d’État aux Droits des femmes, Haut conseil à l’égalité entre les

femmes et les hommes, délégations parlementaires aux Droits des femmes

et à l’égalité, etc.

Comment analysez-vous l’impact de l’Union européenne ?

La compétence à l’égalité femmes-hommes est-elle cantonnée à

l’administration municipale ou de plus en plus décloisonnée vers Toulouse

Métropole ?

En d’autres termes, la ville de Toulouse assure-t-elle l’élaboration de la

politique égalité femmes-hommes pour la Métropole également ?

Y a-t-il des moyens humains et financiers dédiés au sein de Toulouse

Métropole ?

Ou bien la prise en charge de la thématique par Toulouse Métropole est

inexistante ?

Comment institutionnaliser une politique d’égalité femmes-hommes dans

une administration ?

Le plan d’action inauguré par la mandature précédente constitue-t-il un

préalable efficace ? Si oui, a-t-il pu bénéficier d’une montée en puissance ?

Si non, a-t-il été corrigé de manière positive en termes de diminution des

inégalités ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Y a-t-il un lobbying de la ville de Toulouse en matière législative

concernant la défense des droits des femmes ? ou à travers l’Association

des Maires de grandes villes de France ?

Y a-t-il une identification et/ou un partage de bonnes pratiques entre villes

et grandes villes ?

Quel est le rôle d’impulsion de la mission Égalité femmes-hommes ?

Dispose-t-elle de ressources suffisantes ou est-elle plutôt sacrifiée dans les

arbitrages budgétaires ?

Comment analysez-vous la force du leadership politique ? Y a-t-il une

possibilité de suivi du budget dans une approche de gender budgeting ?

Observez-vous un changement des mentalités dans l’administration ? Ou

une persistance des schèmes mentaux des routiniers du patriarcat ?

Observez-vous une responsabilité collective en matière d’égalité femmes-

hommes ou un isolement de la mission dédiée ?

Quel est le rôle de la mission Égalité femmes-hommes quant à la

sensibilisation et/ou la formation des agent.e.s ?

Les politiques publiques municipales sont-elles évaluées de manière

genrée ? si oui, quels sont les critères de cette évaluation ? Et l’organisation

politique et administrative de la collectivité ? La perspective de genre est-

elle intégrée dans toutes les politiques publiques ?

Les écarts de rémunération interne sont-ils significatifs ?

Comment analysez-vous les répercussions des inégalités d’assignation

sexuée dans l’institution, et la conciliation entre vie personnelle et vie

professionnelle ?

Quels leviers et freins propres à la collectivité identifiez-vous ? Observez-

vous des équivalents au sein d’autres collectivités territoriales ?

Comment la politique d’égalité femmes-hommes municipale s’incarne-t-

elle au sein des champs de compétences dévolus aux communes selon

vous ?

Urbanisme, espace public, petite enfance, écoles, seniors, vie associative,

animation socio-culturelle, offre de loisirs, etc.

Comment évaluez-vous la sensibilisation des élu.e.s au niveau politique à

l’égalité entre les femmes et les hommes et à la prise en compte des

stéréotypes de sexe ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Comment évaluez-vous la sensibilisation au niveau administratif des

agent.e.s, des cadres (directeur.rice.s et leurs adjoint.e.s), de l'exécutif

(DGS et DGA) à un management égalitaire et à la défense de leurs droits

?

Plus spécifiquement, quelle est la formation ou la sensibilisation des

agent.e.s des ressources humaines en matière d'égalité professionnelle ?

Quelles sont les priorités de l'offre de formation des personnels ?

Les agentes et les agents accèdent-ils et elles à l’offre de formation de

manière égalitaire, tant en matière d’adaptation à l’emploi qu’en matière

de développement de compétence ? L’offre de formation est-elle

organisée de manière à permettre l’accès de toutes et tous (hors week-end,

soirée et vacances scolaires) ?

A quel point l’égalité femmes-hommes est-elle présente dans les

référentiels de formation mis en œuvre par la collectivité ?

A quelle proportion estimez-vous la part d’agent.e.s sensibilisé.e.s à cette

thématique ?

Combien de modules ont-été organisés ? Quels sont ceux qui ont

remporté le plus de succès ?

Un module obligatoire a-t-il mentionné la problématique de l’égalité

femmes-hommes même si ce n’était pas le sujet principal de la formation

en question ?

L'obligation des rapports de situation comparée dans le cadre du bilan

social a-t-elle permis des avancées ? Ou est-ce encore trop récent ?

Comment s'organise la mise en œuvre de l'approche intégrée de l'égalité

prévue par la loi du 4 août 2014 pour une égalité réelle entre les femmes et

les hommes ?

Comment s'est organisée l'élaboration du rapport relatif à l'égalité femmes

hommes dont l'adoption devait être préalable au débat d'orientation

budgétaire de cette année ?

Pensez-vous qu'il s'agisse d'un premier pas vers une budgétisation sensible

au genre, c’est-à-dire par la prise en compte des inégalités entre les femmes

et les hommes tout au long du processus budgétaire, de sa conception à

ses ajustements et enfin à son évaluation ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Quels instruments d'action publique identifiez-vous pour permettre aux

femmes d'accéder à leurs droits sur tous les territoires, y compris les

quartiers politique de la ville ?

Envisagez-vous de développer l'égalité entre les femmes et les hommes à

travers la politique contractuelle ?

Envisagez-vous de développer des clauses de commande publique allant

plus loin que l'encadrement des marchés publics prévus par la loi du 4

août ?

La communication municipale a-t-elle été réfléchie afin de lutter contre la

reproduction des stéréotypes de sexe ?

S’il est institué, comment le réseau des référent.e.s égalité est-il organisé ?

Face aux dénonciations récentes de harcèlement et de violences à

caractère sexiste, envisagez-vous de mettre en place des mécanismes

internes spécifiques de libération de la parole ?

Concrètement, recevez-vous beaucoup de signalements de situations de

harcèlement et/ou de violence sexistes au travail ?

Quelles sont vos relations avec le monde associatif ? Le mouvement

féministe ? Les centres d’études et de recherches dédiés ? Les universités ?

Le secteur privé ?

Comment envisagez-vous le mandat en cours ?

Y a-t-il une sensibilité des syndicats municipaux à cette problématique ?

Comment analysez-vous les politiques du département de la Haute-

Garonne et de la région Languedoc-Roussillon – Midi-Pyrénées ?

Mémoire de fin d’études – Les politiques d’égalité femmes-hommes dans les collectivités territoriales

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Infographie : le budget 2016 de la région Occitanie – Pyrénées-

Méditerranée

Source : Communication sur les réseaux sociaux de la Région suite à l'adoption du budget en Assemblée plénière, le 26 mai 2016