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Mémoire présenté en vue de l’obtention du DESS Urbanisme opérationnel, « ville en projet » Christine BROCAS Promotion 24 Directeur de mémoire : Maurice Goze Responsable du stage : André Lagathu L’évolution de l’activité d’observation des agences d’urbanisme

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Mémoire présenté en vue de l’obtention du DESS Urbanisme opérationnel, « ville en projet »

Christine BROCAS

Promotion 24

Directeur de mémoire : Maurice Goze

Responsable du stage : André Lagathu

L’évolution de l’activité d’observation des agences d’urbanisme

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Remerciements

Un grand merci tout d’abord à l’équipe de l’ADEUPa pour son accueil chaleureux et sa

gentillesse; et plus particulièrement à André Lagathu, mon maître de stage, à Emmanuelle

Buord, Anne Férec, Maryse Larpent et Alain Le Roux, pour leur disponibilité, leur écoute et

leurs conseils tout au long de la mission.

Je remercie également M. Goze, mon directeur de mémoire, pour ses recommandations

lors de la réalisation de ce mémoire.

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RESUME

L’objet de ce travail porte sur le rôle et les évolutions de l’activité d’observation confiée

aux agences d’urbanisme. Traditionnellement outil d’aide à la décision en amont des

politiques urbaines, l’observation intervient à présent à tous les stades du processus de

décision politique.

Les recompositions territoriales et sociétales, le récent train de lois proposant de

nouveaux modèles d’action en matière de planification, légitime et élargit le rôle de

l’observation. On se demandera alors dans quelle mesure et comment l’activité d’observation

doit-elle évoluer face à la complexification des processus et des espaces urbains, afin

d’assurer pleinement son rôle d’accompagnement des politiques urbaines.

Dans un contexte marqué par un décalage entre les territoires vécus et les territoires

institutionnels, et par la recherche de pertinence et de transversalité de l’action publique, les

évolutions de l’observation, vers plus d’anticipation et d’évaluation, seront abordées.

Devant l’imbrication des espaces et la complexification des processus urbains, on

s’intéressera plus particulièrement à la nécessaire transversalité de l’observation. Une

analyse des observatoires urbains existants, de la méthodologie ACTEUR, mettra en avant

les difficultés dans la mise en place de l’observation des mutations urbaines. Nous nous

attacherons alors à définir les exigences dans la mise en place de l’observation urbaine.

Evolutivité, pérennité et adaptabilité, deviennent les maîtres mots de l’observation urbaine.

Mots clés :

- observation des mutations urbaines ;

- approche globale et transversale ;

- évaluation des politiques urbaines ;

- indicateurs.

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Sommaire

Introduction p. 3 Première partie : quelles évolutions pour la missio n d’observation des agences d’urbanisme? p. 5 Chapitre I Les agences d’urbanisme et leur spécifi cité : l’observation p. 5

A Les agences d’urbanisme, un réseau national p. 5

1- Contexte de création et évolution des agences p. 5

2- Une présence des agences dans les grandes aires urbaines p. 8

3- Création et financement d’une agence p. 11

B L’observation : première mission des agences p. 12

1- Les agences : un incontestable outil d’aide à la décision p. 12

2- Des champs d’observation diversifiés à l’ADEUPa de Brest p. 13

3- Les autres rôles des agences p. 17

4- Un large partenariat avec les acteurs locaux p. 19

Chapitre II Evolutions des cadres territoriaux et l égislatifs : implications sur

l’observation p. 22

A- Le positionnement de l’observation face à la re composition territoriale p. 23

1- Prémices de l’intercommunalité et complexification de l’espace urbain p. 23

2- L’évolution du cadre institutionnel : de nouvelles exigences pour l’observation p. 32

3- Le rôle de l’observation face à l’incohérence des territoires intercommunaux p. 37

B L’évaluation, nouvel enjeu de l’observation p. 43

1- l’évaluation : une démarche nécessaire légitimée p. 43

2- la mise en place de dispositifs d’observation locaux : exemples de l’évaluation du SCOT et du

dispositif d’observation des PLH p. 46

Deuxième partie : Conditions et exigences actuelles de

l’observation urbaine p. 51

Chapitre 1 La mise en place d’observatoires de quar tiers : des approches trop

verticales p. 52

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A La mise en place d’observatoires de quartier p. 52

1- les systèmes d’observation des quartiers : premiers observatoires urbains p. 52

2- Les différents types d’observatoires p. 53

B Limites et enjeux de ces dispositifs d’observatio n p. 57

1- Des approches très sectorielles p. 57

2- Les observatoires des ZUS : une démarche descendante p. 60

3- Des territoires d’observation restreints p. 61

Chapitre 2 Le programme ACTEUR : un apport pour

l’observation urbaine ? p. 63

A Une méthodologie en quête d’une approche transver sale de la ville p. 63

B Les apports et les limites de la démarche p. 67

1- Les apports du programme p. 67

2- Les limites du programme p. 68

Chapitre 3 Exigences pour la mise en place de l’obs ervation urbaine p. 71

A Identifier les objectifs de l’observatoire p. 72

1- Objectifs, définition de l’observatoire p. 72

2- L’intérêt d’une approche systémique pour l’observation des mutations urbaines p. 73

B A la recherche du bon indicateur p. 75

1- Le choix des indicateurs quantitatifs p. 75

2- La prise en compte des indicateurs qualitatifs pour le passage p. 78

à une approche plus transversale

C Les échelles d’observation p. 79

1- Quelles échelles temporelles … ? p. 79

2- … et spatiales de l’observation? p. 81

Conclusion p. 84 Bibliographie p. 86 Liste des illustrations p. 89

Annexes p. 90

Annexe 1 : publications de l’ADEUPa p. 90

Annexe 2 : évaluation de l’ORU multisites de Brest p. 91

Annexe 3 : rapport de stage p. 98

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Introduction

L’objet de ce travail découle de la mission qui m’a été confiée à l’Agence d’urbanisme de

Brest : la mise en place d’un observatoire des mutations urbaines, travail qui m’a conduit à

m’interroger sur la nécessité pour une agence d’urbanisme de disposer d’un outil permettant

une approche transversale des phénomènes urbains.

Nos villes, nos territoires, connaissent depuis une quarantaine d’années des évolutions

majeures : développement de la mobilité, rupture dans les modes de vie, éclatement des

espaces urbains et prolifération des villes, montée en puissance de l’intercommunalité. Ces

bouleversements sont à l’origine du remodelage des territoires institutionnels et des cadres

de l’action publique. Les politiques urbaines doivent alors s’adapter aux modifications

perpétuelles de l’espace urbain, en devenant plus territorialisées et plus évolutives.

Face à la complexité de ces réalités spatiales, sociétales et institutionnelles, nous sommes

alors en droit de nous interroger sur les missions des agences d’urbanisme, traditionnel outil

d’aide à la décision, et particulièrement sur leur activité d’observation.

Dans quelle mesure l’activité d’observation doit-el le évoluer afin d’assurer

pleinement son rôle d’accompagnement dans un contex te marqué par la

complexification des processus urbains ?

De cette problématique, apparaissent plusieurs questionnements. Il s’agit de connaître

tout d’abord le positionnement de l’observation, entendue ici comme une lecture fine des

espaces et des phénomènes urbains, face aux transformations qui affectent nos territoires et

les modèles d’intervention sur l’espace. En supposant que l’activité d’observation doit

progresser vers une approche transversale, il faudra en outre s’interroger aux exigences que

requiert cette démarche.

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Cette réflexion fera alors l’objet de deux parties.

Il s’agira dans un premier temps d’analyser l’évolution du contexte urbain et législatif, de

comprendre ses impacts sur l’activité d’observation .

Nous retracerons alors les transformations qui ont affecté nos espaces urbains et ruraux

ayant entraîné une modernisation de l’action publique. La cohérence et la pertinence

deviennent les maîtres mots de ce nouveau modèle qui vise à rendre l’action publique plus

stratégique.

L’observation se trouve alors au cœur de ces bouleversements et doit répondre à de

nouveaux défis, parmi lesquels le suivi des mutations territoriales, l’anticipation sur les

espaces pertinents de projets et de plus en plus l’évaluation des politiques urbaines.

Cette première partie sera illustrée par des situations rencontrées à l’ADEUPa de Brest.

Dans un deuxième temps, nous aborderons les enjeux actuels de l’observation et

notamment l’introduction progressive de la transversalité, de la globalité dans l’observation,

comme une réponse à la difficulté de lisibilité des phénomènes urbains et de leurs

mutations : transversalité dans les champs thématiques de l’observation autant que dans les

échelles spatiales et temporelles…

Nous évoquerons alors les observatoires de quartiers, ayant ouvert la voie à

l’observation urbaine. Nous nous intéresserons par ailleurs au programme ACTEUR,

proposant une méthodologie pour l’observation des évolutions urbaines. Cette démarche

innovante ainsi que l’intérêt que portent les agences d’urbanisme à ce sujet, illustrent cette

préoccupation grandissante d’un besoin de transversalité dans les dispositifs d’observation.

Nous aborderons alors les principales conditions à respecter dans l’expérimentation

d’une approche systémique de l’observation urbaine.

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Première partie : quelles évolutions pour l’activit é d’observation ?

Après une présentation des agences d’urbanisme et de leur activité principale,

l’observation, nous tenterons dans cette première partie de traiter des points suivants :

- des évolutions territoriales et législatives qui renforcent la nécessité de l’observation et de

sa fonction d’anticipation ;

- de ces mêmes évolutions qui élargissent actuellement le rôle de l’observation à une

démarche d’évaluation.

Chapitre 1 Les agences d’urbanisme et leur spécific ité :

l’observation

A Les agences d’urbanisme, un réseau national

1- Contexte de création et évolution des agences

Les agences d’urbanisme sont nées de la Loi d’Orientation Foncière de 1967. Elles ont

initialement été « chargées des études d’urbanisme et notamment de l’élaboration des

schémas d’aménagement et d’urbanisme et des plans d’occupation des sols ». Certaines

agglomérations ont toutefois anticipé sur les dispositions de la LOF en prenant l’initiative de

créer une agence d’urbanisme (exemple de Strasbourg et de l’Agence de Développement et

d’Urbanisme de l’agglomération strasbourgeoise, créée en décembre 1966).

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Les agences ont été créées à l’origine afin d’être l’outil de l’élaboration conjointe entre

l’Etat et les collectivités locales des documents d’urbanisme (Schémas d’Aménagement et

d’Urbanisme, Plan d’Occupation des Sols).

Cette fonction d’interface assurée par les agences entre l’Etat et les collectivités

participait au processus de désengagement amorcé par l’Etat aboutissant à une autonomie

croissante des collectivités. Ces premières agences ont souvent été dirigées par des cadres

techniques de l’Etat et s’appuyaient sur l’autorité de l’Etat.

Le positionnement des agences se modifie avec le désengagement progressif de l’Etat à

partir de 1982 (lois sur la décentralisation), qui de ce fait n’imposera plus son autorité aux

agences. Les élus d’agglomération vont s’appuyer sur les agences, dont le rôle s’apparente

alors à celui des services techniques.

Les récentes évolutions des agences vont de pair avec les modifications du paysage

institutionnel. Les nouvelles intercommunalités se dotent des moyens techniques afin

d’exercer les compétences acquises et les agences perdent ainsi peu à peu leur rôle de

conseillère. Si leur existence a été légitimée par les lois Voynet et la loi relative à la solidarité

et au renouvellement urbains (SRU), les agences s’interrogent sur leur futur rôle à jouer.

Elles sont sans doute aujourd’hui le lieu privilégié de production du savoir, de connaissance

pointue sur le territoire1.

Une existence confirmée par les lois Voynet et SRU

Les agences d’urbanisme ont depuis leur naissance un statut d’association loi de 1901 »,

statut confirmé par la loi Voynet. Ce statut d’association, permettant une certaine souplesse

dans la gestion pourrait cependant poser problème à l’avenir: les agences d’urbanisme

relèvent en effet du droit privé mais gèrent des budgets en majorité publics.

La loi SRU offre toutefois la possibilité aux agences de se constituer sous forme de

Groupement d’Intérêt Public (GIP).

La loi Voynet de 1999 et la loi SRU du 13 décembre 2000 ont confirmé l’existence des

agences, leur rôle d’outils d’harmonisation des politiques publiques sur les aires

urbaines et ont redéfini leurs missions :

1 BELLIOT, Marcel. Les « trois âges » des agences d’urbanisme. Urbanisme, septembre octobre 2003, n° 332, p. 13-14.

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« Les communes, les établissements publics de coopération intercommunales et les

collectivités territoriales peuvent créer avec l’Etat et les établissements publics ou autres

organismes qui contribuent à l’aménagement et au développement de leur territoire, des

organismes de réflexion et d’études appelés « agences d’urbanisme ».

Ces agences ont notamment pour mission de suivre les évolutions urbaines, de participer à

la définition de politiques d’aménagement et de développement et à l’élaboration de

documents d’urbanisme (notamment les Schémas de Cohérence Territoriale) et de préparer

les projets d’agglomération dans un souci d’harmonisation des politiques publiques »2.

Les agences ne dépendent d’aucune institution et associent au contraire en leur sein toutes

celles qui œuvrent sur les territoires qu’elles couvrent.

Vocations des agences d’urbanisme

Même si chaque agence est singulière, toutes présentent des caractéristiques

communes, notamment en termes de vocation. C’est ainsi que la FNAU présente les

agences comme :

- un outil partenarial d’harmonisation des politiques publiques, en rassemblant des

institutions et des organismes aux logiques différentes mais œuvrant sur un même territoire ;

- un outil qui travaille sur les enjeux de développement d’un territoire. Les champs de

compétences et d’intervention des agences d’urbanisme se sont élargis progressivement à

différents domaines et diffèrent selon les territoires : aménagement du territoire,

développement économique, déplacements, environnement, habitat, social ou politique de la

ville constituent leurs champs d’intervention principaux. Les échelles territoriales

d’intervention sont elles aussi diverses et de plus en plus étendues ;

- un outil de production pluridisciplinaire intervenant sur différents champs, étudiant des

situations diverses d’un même territoire. Pour pouvoir couvrir ses différents champs de

compétences, l’agence doit disposer d’une équipe pluridisciplinaire et qualifiée comprenant

urbanistes, économistes, architectes… Ces professionnels doivent être dotés d’un esprit

d’ouverture leur permettant de dépasser leurs cultures complémentaires.

2 Code de l’urbanisme, article 121-3.

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- un outil mutualisé, porté par une éthique de liberté et de responsabilité. Chaque agence

travaille dans le cadre d’un programme d’activités défini en fonction des attentes des

partenaires;

- un outil travaillant en réseau en adhérant au réseau de la Fédération Nationale des

Agences d’Urbanisme, présenté ci-après, et en collaborant avec les autres agences

d’urbanisme par des échanges de réflexions, de savoirs3.

La FNAU, lieu de dialogue des agences sur les questions urbaines

Une majorité des agences adhèrent à la Fédération Nationale des Agences d’Urbanisme.

La FNAU est une association d’élus, créée en 1979 par l’association des agences

d’urbanisme. Elle a comme objectif de défendre les intérêts des agences.

La FNAU prend position sur les politiques urbaines et l’avenir des villes lors de grands

débats nationaux. Elle organise chaque année une rencontre dans une agglomération

différente portant sur un thème actuel et rassemblant ainsi des responsables politiques, des

services de l’Etat et des professionnels de l’urbanisme.

La FNAU dispose d’un réseau technique regroupant 1400 professionnels de l’urbanisme, à

qui la fédération offre par le biais des clubs thématiques, un espace de rencontre et de

capitalisation des savoirs.

L’appartenance d’une agence au réseau FNAU lui permet de partager ses informations et

ses méthodes de travail avec les autres agences, de comparer ses expériences avec celles

des autres agglomérations.

2- Une présence des agences dans les grandes aires urbaines

Les agences d’urbanisme sont présentes aujourd’hui sur 49 grandes aires urbaines

métropolitaines ou d’outre mer.

Quelques villes ont été pionnières dans cette expérience, les premières agences sont nées

dès les années 60 : l’agence de Rouen a été créée en 1963, l’agence du Havre en 1965,

celles de Dijon (qui n’existe plus aujourd’hui) et de Lille en 1966, celles de Bordeaux,

Grenoble, Marseille, Paris, Strasbourg et Tours en 1967…

3 La charte des agences d’urbanisme, Dossiers FNAU, mars 2003, n°12, p.3-5.

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La tendance est actuellement à la création d’agence; encouragée par l’Etat. Une dizaine de

projets d’agence sont à l’étude, ce qui montre la nécessité pour de plus en plus

d’agglomérations de disposer d’un tel outil pour la maîtrise du développement de leur

territoire. Les agglomérations de Toulon, Perpignan, Valenciennes viennent de se doter

d’une nouvelle agence d’urbanisme.

Cependant, certaines agences n’ont pas survécu (Rouen, Dijon). La création d’une agence,

et les financements importants que cela suppose pour qu’elle puisse assurer pleinement ses

fonctions (elle doit être composée d’un minimum de 10 personnes), doit être constituée sur

un territoire assez large, comprenant au minimum 100 000 habitants selon la FNAU.

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Le réseau des agences d’urbanisme en France

Source : Fédération nationale des Agences d’Urbanisme

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Un exemple d’agence : l’ADEUPa de Brest

L’Agence d’Urbanisme de la Communauté Urbaine et de son Environnement (AUCUBE),

association loi 1901, est créée en 1974 par la Communauté Urbaine de Brest, grâce à l’aide

de l’État, cofondateur et financeur. L’agence devient en 1996 l’Agence de Développement et

d’Urbanisme du Pays de Brest (ADEUPa de Brest), marquant ainsi la place prépondérante

du développement territorial dans ses préoccupations et l’identification d’un bassin de vie

dépassant les limites de l’agglomération. Le champ d’investigation de l’agence, jusque là

limité à la communauté urbaine, s’étend dès lors sur le Pays de Brest. Celui-ci comprend 7

communautés de communes et la communauté urbaine de Brest, couvrant au total 89

communes, soit plus de 44% du Finistère en termes de population. Aujourd’hui, les

réflexions de l’agence s’étendent aux autres agglomérations finistériennes, Morlaix et

Quimper, ainsi qu’à d’autres agglomérations bretonnes (Lannion).

3- Création et financement d’une agence

La création d’une agence d’urbanisme dépend de la volonté des collectivités territoriales,

principaux financeurs d’une agence. Un principe de création est arrêté après une mission de

faisabilité et de préfiguration associant les collectivités et l’Etat, afin de vérifier la validité

politique, technique et financière du projet. Cette mission de préfiguration bénéficie d’un

financement du Fond National à l’Aménagement et au Développement du Territoire. Une fois

le dossier de l’agence accepté et la structure constituée, il appartient aux instances

administratives de recruter le directeur et ses collaborateurs.

Le financement des agences est assuré principalement par les collectivités y adhérant, sous

la forme de subventions qui sont fonction des ressources des collectivités et de l’intérêt

qu’elles tirent des activités de l’agence. Une fois l’agence créée, elle bénéficie pendant sa

période de démarrage d’une subvention du Fond National à l’Aménagement et au

Développement du Territoire. L’Etat participe ensuite au financement de l’agence dans le

cadre d’une ligne budgétaire gérée par le ministère de l’Equipement, des Transports et du

Logement.

Le programme partenarial de l’agence ne relève pas du secteur concurrentiel.

Cependant, si les statuts les y autorisent, les agences peuvent réaliser des études pour leurs

membres ou pour des clients extérieurs, études relevant alors du secteur concurrentiel et

assujetties à la TVA.

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B L’observation : première mission des agences

Les agences, organes d’études pluridisciplinaires, ont plusieurs missions, l’observation

constituant le fondement de leur métier et une des bases indispensables aux autres missions

des agences.

1- Les agences : un incontestable outil d’aide à la décision

Une agence d’urbanisme est avant tout un outil incontestable d’aide à la décision au

service du territoire, notamment de part leurs activités d’observation : c’est principalement

cette activité qui les distingue des bureaux d’études et des collectivités.

Les réflexions, les analyses, les études menées par une agence s’appuient en partie sur

les travaux réalisés par les observatoires thématiques permettant à la fois de répondre à un

besoin de connaissance et de compréhension de l’ensemble du territoire étudié. L’activité

d’observation, mission permanente des agences, en permettant une capitalisation importante

d’informations sur le territoire, est donc capable d’intégrer les données d’un environnement

en perpétuel changement ; de déterminer les enjeux territoriaux auprès des décideurs. Cet

outil d’observation fournit aux élus et aux techniciens un éclairage sur l’évolution et le

fonctionnement de leur territoire.

Une agence tient un rôle important dans les choix décisionnels politiques et entre en amont

dans le processus d’élaboration des politiques territoriales : les décideurs, en connaissant

tous les potentiels et les contraintes d’un territoire, peuvent faire leur choix en matière de

développement territorial. Elle légitime en ce sens les choix stratégiques des politiques

publiques.

La nécessité de cet outil s’accroît avec l’émergence d’une approche territoriale, de moins en

moins centralisée. D’une vision du territoire uniforme et de politiques descendantes émanant

de l’Etat, on passe en effet peu à peu à une prise en compte des singularités locales et à

une territorialisation des politiques urbaines. Cette localisation croissante de l’action publique

renforce d’autant plus le rôle de l’observation locale et son intégration dans le processus de

décision.

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De par cette mission d’observation, une agence est à la fois :

- un outil d’ingénierie locale, accumulant sur la longueur des connaissances pointues dans

plusieurs domaines sur leur territoire d’intervention ;

- un lieu de mémoire constituée et actualisée des agglomérations dans le sens où elle est

un lieu de capitalisation de connaissances sur un territoire, un lieu de recueil permanent et

systématique de données ;

- un lieu où émergent une culture et un langage communs sur le territoire avec ses

partenaires ;

- un lieu de débats, d’échanges avec les partenaires, les élus...

Chaque agence dispose ainsi de plusieurs observatoires, de plus en plus nombreux. En

effet, actuellement les objets d’observation se diversifient et couvrent ainsi de nombreux

champs du développement territorial : mise en place d’un tramway, tourisme,

environnement... Cet élargissement des champs d’observation met en évidence le besoin

pour les collectivités de disposer d’un tel outil pour développer leurs connaissances des

territoires, leur permettant à la fois d’appuyer et d’apprécier leurs interventions.

2- Des champs d’observation diversifiés et thématiq ues à l’ADEUPa de Brest

Les observatoires des agences d’urbanisme fonctionnent par thématiques : habitat,

économie, social…Ils traitent par différents prismes, par des approches sectorielles, les

dynamiques urbaines d’un même territoire. Ces observations s’adressent généralement à la

fois aux collectivités, souvent commanditaires des études, et aux professionnels du domaine

concerné, qui peuvent aussi être les partenaires de ces observatoires (fournisseur de

données), ce qui nécessite des observations très pointues dans chaque domaine.

Nous verrons dans la suite de ce travail que cette spécialisation des observatoires en pôle

de compétences, même si elle est indispensable, se révèle être insuffisante pour

l’appréhension du territoire dans sa globalité, face à la complexité croissante des systèmes

urbains.

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Plusieurs observatoires ont été créés à l’agence de Brest, l’observatoire de l’habitat étant le

plus ancien.

L’observatoire de l’habitat et de l’immobilier

Comme dans la plupart des agences, l’Observatoire de l’Habitat et de l’Immobilier du

Pays de Brest a été le premier à se mettre en place en 1982, complété depuis 1998 par

l’observatoire des copropriétés. La mise en place de cet observatoire découle d’une réflexion

entamée sur la réalité urbaine de l’agglomération brestoise : l’agglomération « réelle » ne

correspond plus aux limites institutionnelles de la communauté urbaine, mais s’étend bien

au-delà, sur une large partie de ce qui constitue aujourd’hui le Pays de Brest. Dès sa mise

en place, les observations en matière d’habitat ont porté sur ce grand territoire.

Cet observatoire a comme objectif de suivre et d’analyser les différents segments du marché

immobilier. Ainsi, les thématiques de la construction neuve, des loyers privés, du marché

foncier, de la commercialisation des collectifs neufs, de l’immobilier d’occasion

(retranscription des actes notariés bâtis du Pays de Brest) font chacune l’objet d’analyses et

de publications annuelles. Ces analyses se basent sur les données fournies par les

partenaires de l’observatoire : Direction Générale des Impôts, Office Départemental H.L.M…

En complément d’une analyse statistique, une analyse plus qualitative est menée avec les

acteurs locaux privés et publics de l’habitat, indispensable pour une meilleure

compréhension des phénomènes et des stratégies de chaque acteur. Chaque thématique

fait l’objet d’une parution, tirée entre 2000 et 4000 exemplaires selon les numéros.

L’observatoire des copropriétés.

Créé en 1998 à l’initiative de la Communauté Urbaine de Brest, de l’Agence Nationale de

l’Amélioration de l’Habitat et de la Caisse des Dépôts et Consignations, il a comme mission

d’identifier les ensembles d’habitat les plus fragiles, copropriétés et monopropriétés, et de les

hiérarchiser selon le niveau de dysfonctionnements, afin de définir les priorités d’action et les

actions de requalification nécessaires. Les études réalisées dans cet observatoire sont

effectuées par quartier et s’appuient sur un important travail de terrain.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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L’observatoire de l’économie du Pays de Brest

Créé en 1984, cet observatoire était à l’origine, et jusqu’en 1999, un tableau de bord de

l’économie brestoise fournissant des éléments statistiques sur le marché du travail et

l’activité économique. Cet observatoire centre aujourd’hui ses analyses sur les activités

économiques, sur le comportement des ménages et sur le marché de l’emploi.

Cet observatoire repose sur un partenariat avec de nombreux acteurs : Banque de France,

ANPE, Chambre de Commerce et d’Industrie…, fournissant des données et analyses et aux

comités de lecture.

L’observatoire du tourisme du Pays de Brest

Cet observatoire, créé en 1999 à la demande de la communauté urbaine, évalue la

fréquentation touristique dans le Pays de Brest. Pour évaluer la fréquentation touristique, cet

observatoire agrège un nombre important de statistiques relatives à la consommation de

produits et de services. Il fait l’objet de trois publications par an : avant saison, après saison

et un bilan de fin d’année.

L’observatoire de l’immobilier de bureaux du Pays de Brest

Créé en 2002, cet observatoire s’efforce d’étudier les évolutions dans le volume et la

localisation des constructions neuves de bureaux, les ventes d’occasion ou les changements

d’affectation des locaux à des fins de bureaux. Un comité de lecture, composé des

professionnels privés en matière d’immobilier de bureaux et d’acteurs publics, se réunit pour

chaque publication.

L’observatoire social

Mis en place en 1998 avec le Contrat de Ville, l’observatoire social a comme objectif

l’analyse de la situation sociale de l’agglomération, et particulièrement de l’évolution

quantitative et qualitative de la population en difficulté. Il doit ainsi permettre une meilleure

connaissance des publics relevant ou susceptibles de relever des différents dispositifs

d’insertion. Le recueil de données quantitatives doit permettre d’apprécier qualitativement la

mise en œuvre des différents dispositifs de la Communauté Urbaine de Brest.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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S’appuyant sur 150 indicateurs quantitatifs issus du recensement général de la

population ainsi que des institutions travaillant dans le secteur du social (Caisse d’Allocations

Familiales, Centre Communal d’Action Sociale, mission locale, conseil général du Finistère,

direction départementale de l’Action Sociale et Sanitaire…), l’observatoire confronte ses

résultats statistiques à l’analyse qualitative des acteurs, afin de mieux comprendre les

évolutions et les difficultés sociales de chaque quartier, d’identifier les quartiers où la

situation sociale semble s’améliorer ou au contraire se dégrader.

Ces analyses prennent la forme d’un tableau de bord complété par des synthèses annuelles

ainsi que par une typologie sociale des quartiers de la ville de Brest et des communes

périphériques.

L’observation sociale est principalement concentrée sur la ville de Brest, territoire où est

regroupée une grande partie des difficultés sociales. Le territoire d’étude s’est ensuite

étendu au Pays de Brest, correspondant au seul espace socio-économiquement cohérent.

Afin de pouvoir mesurer les évolutions à l’échelle infra communale et à des fins de

comparaison, la ville de Brest a été découpée en 31 quartiers, qui correspondent à un

regroupement des 64 IRIS-2000 de l’INSEE4.

Selon les données dont il dispose, l’observatoire étend ses études à l’ensemble du Pays de

Brest, ce qui permet la comparaison des territoires, et notamment la comparaison entre la

ville de Brest et les communes périurbaines.

L’observatoire travaille avec différents partenaires :

- le Contrat de Ville ;

- la Caisse Communale d’Action Sociale de Brest ;

- la Commission Locale d’Information ;

- le Conseil Général du Finistère ;

- Le Plan Local pour l’Insertion et l’Emploi de Brest ;

- La direction Départementale de l’Action Sociale et Sanitaire ;

4 IRIS-2000 : Îlots regroupés pour l’information statistique : correspondent aux IRIS d’habitat dont la population se situe entre 1800 et 5000 habitants ; ils sont homogènes quant au type d’habitat.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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L’observatoire emploi-formation du Pays de Brest : INFOREM

Cet observatoire emploi-formation a été créé par la communauté urbaine de Brest et

est géré par le service développement de la communauté urbaine. L’ADEUPa constitue le

support technique de cet observatoire et est chargée d’étudier le fonctionnement du marché

du travail : l’évolution de la population active, les conditions d’emploi et le niveau de diplôme,

les secteurs d’activité…

Les pistes de réflexion et les actions à mener sont définies par un ensemble de partenaires :

éducation nationale, organismes chargés de l’insertion, collectivités locales…

Comme à l’ADEUPa, la plupart des observatoires construisent leurs réflexions et

analyses sur la base de données statistiques, produites et diffusées par les partenaires.

C’est à partir de ces sources, que les observatoires peuvent effectuer des traitements

statistiques ainsi que des croisements de données et construire leurs analyses.

Ces analyses quantitatives sont généralement complétées d’une vision plus qualitative et

explicative des phénomènes. La participation des partenaires à des comités de lecture mis

en place dans certains observatoires permet par exemple d’enrichir les analyses réalisées.

L’observatoire de l’habitat de l’ADEUPa de Brest réunit, avant chaque publication sur une

thématique particulière, tous les partenaires et professionnels concernés : banquiers,

promoteurs, représentants de collectivités, leurs analyses et points de vue complétant celles

de l’agence.

Tous ces observatoires sont des outils privilégiés dont les productions sont diffusées

auprès des professionnels du domaine concerné mais également auprès de l’administration

et des acteurs locaux (annexe n°1 : publications de s observatoires).

3- Les autres rôles des agences

D’autres missions sont confiées aux agences, missions s’appuyant partiellement sur le

travail des observatoires.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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Planifier

Les agences remplissent une mission de planification prospective , visant à dessiner

des scenarii d’évolutions possibles à l’avenir, mission relancée par la loi SRU de 2000. Elles

s’occupent ainsi de la mise en place et principalement de l’élaboration des études

préalables, de l’animation des Plans Locaux d’Urbanisme et des Schémas de Cohérence

Territoriale, documents fixant les orientations stratégiques d’un territoire sur le long terme.

Projeter

Le projet constitue la base du travail et des productions de l’agence. Il peut être d’ordre

spatial, économique, social... et peut concerner des échelles territoriales différentes : pays,

aire urbaine, commune, quartiers… La formulation du projet mobilise généralement les

partenaires institutionnels, leurs compétences techniques.

Préparer

Les dossiers préalables ou pré-opérationnels produits par les agences, ont comme

objectifs d’éclairer les situations locales, de clarifier le débat entre les acteurs… Ces travaux

constituent une culture commune entre professionnels ; ils représentent une véritable

mémoire du territoire.

Animer

Une agence d’urbanisme remplit en outre un rôle d’animation entre les principaux acteurs

locaux œuvrant sur son territoire et constitue, de part son important partenariat, un lieu de

débats entre les acteurs locaux, collectivités et professionnels.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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Anticiper

Les agences ont enfin un rôle d’anticipation, de prospective territoriale5.

De part les études qu’elles réalisent, études statistiques, analyse des phénomènes urbains,

elles doivent éclairer les acteurs locaux de l’avenir et de l’évolution de leurs territoires. Un

exemple de ce rôle joué par les agences : avec l’accroissement de la mobilité, les échelles

spatiales s’agrandissent et les territoires réellement vécus dépassent bien souvent les limites

institutionnelles des intercommunalités. Une agence peut ainsi anticiper sur l’échelle

territoriale pertinente pour l’action publique.

Cette mission d’anticipation, si elle est fondamentale dans la prise de décision peut être

confrontée à une vision encore trop administrative des territoires. Pour cette mission de

prospective, l’agence doit donc à la fois être en phase avec le pouvoir politique qui la finance

en partie et à la fois en avance avec celui-ci, en décryptant les réalités urbaines et les enjeux

territoriaux.

C’est principalement de cette fonction d’anticipation, plus actuelle que jamais, que nous

aborderons dans la suite de ce travail.

4- Un large partenariat avec les acteurs locaux

Rappelons qu’une des vocations d’une agence d’urbanisme est d’être un lieu de

partenariat et d’échanges entre les différents acteurs locaux, ce qui la différencie par

exemple des bureaux d’études privés. Le développement d’un partenariat est capital pour

une agence et pour le fonctionnement des observatoires. Tout comme les missions des

agences, il se caractérise par son évolutivité : désengagement, adhésion de nouveaux

partenaires…

Différents types de partenariats sont à distinguer :

- les partenaires « administrateurs », qui sont les principaux partenaires, et qui sont souvent

les membres fondateurs de l’agence. Il s’agit généralement des établissements publics de

coopération intercommunale (EPCI) qui participent à la gestion et au financement de

l’agence ; ces partenaires sont souvent les commanditaires d’études ;

5 Une aire urbaine, Un territoire de projet, une agence d’urbanisme. Plaquette FNAU, mars 2006.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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- les partenaires « actifs » plus liés aux réalités locales, pouvant apporter leur contribution

dans la connaissance du territoire ;

- les partenaires « associés » participant aux travaux6. Les réflexions et des agences

recouvrent différentes échelles (du quartier à l’aire urbaine), différents champs d’étude

(urbanisme réglementaire, développement économique, transport, habitat…) les obligeant à

construire ce type de partenariat. Ils sont en effet indispensables pour l’accès à

l’information : ces partenaires sont souvent les fournisseurs de données et de connaissance,

sur lesquelles s’appuient les travaux de l’agence et notamment ceux des observatoires, ainsi

que demandeurs des résultats des analyses. Un réel échange binaire s’instaure donc entre

l’agence et ce type de partenaire.

Ces partenariats sont principalement départementaux : EPCI, départements…, mais

peuvent être aussi régionaux : conseil régional, Direction Régionale de l’Equipement

(DRE)…, et nationaux : Ministère de l’Equipement, FNAU, INSEE…

L’agence d’urbanisme, en étant un espace de dialogue pouvant rassembler l’ensemble de

ses partenaires, permet la construction d’une culture commune sur le territoire.

Les partenaires de l'ADEUPa

L'ADEUPa a établi des partenariats départementaux comprenant les EPCI du Pays de

Brest et d’autres extérieurs à celui-ci (Communautés d'Agglomération de Quimper et de

Morlaix), la Chambre d'Agriculture et la Chambre du Commerce et de l'Industrie…; des

partenariats régionaux avec notamment les agences d'urbanisme de Rennes et de Lorient, le

Conseil Régional de Bretagne…; des partenariats nationaux avec l'INSEE, la FNAU, le

ministère de l'Equipement…

Chaque observatoire a également constitué des partenariats, qui produisent

essentiellement les bases de données et qui apportent leur vision des phénomènes.

C'est ainsi que l'observatoire de l'immobilier travaille avec les collectivités, l'Agence

Nationale pour l’Amélioration de l’Habitat (ANAH), la Chambre des Notaires, l'Office Public

d’Aménagement et de Construction (OPAC)… L'observatoire social collabore principalement

avec la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) du Finistère, le Centre départemental d’Action

Sociale (CDAS)….

6 Direction Générale de l’Urbanisme, de l’Habitat et de la Construction. Les agences d’urbanisme, DGHUC, 2004.

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Les partenariats évoluent en fonction des nouvelles missions confiées aux agences ainsi

qu’en fonction de l’élargissement de leur territoire d’intervention. Ainsi, l’ouverture de

l’ADEUPa de Brest sur le pays, amorcé dès le milieu des années 90, a participé à la création

de nouveaux partenariats ; de même, la démarche SCOT du Pays de Brest est par exemple

l’occasion pour l’ADEUPa de développer de nouveaux partenariats avec des acteurs locaux.

Ces partenaires, souvent acteurs de terrain, viennent apporter une vision plus qualitative

des phénomènes observés, permettant une meilleure interprétation des faits observés. Les

partenaires d’un observatoire de l’habitat (promoteurs, HLM…) vont ainsi expliquer leurs

stratégies qui contribuent au fonctionnement du marché de l’immobilier.

L’observatoire social de l’ADEUPa a par exemple mis en place un comité de lecture se

réunissant une fois par an, qui a comme objectifs d’apporter une coproduction de

l’information, de valider les travaux de l’observatoire et de proposer des pistes de réflexion.

Ces partenariats, indispensables à l’observation, sont souvent difficiles à mobiliser, ce

qui explique la fragilité de certains dispositifs d’observation. Les partenariats sont en effet

longs à construire et nécessitent d’instaurer un climat de confiance ; ils dépendent de plus

des personnes avec lesquelles se font les contacts : si elles changent, tout peut être à

recommencer.

Parmi les principales fonctions des agences d’urbanisme, l’observation constitue donc le

fondement de leur métier. Elle intervient traditionnellement en amont des politiques,

apportant aux décideurs les éléments de connaissance de leur territoire et d’analyse de ses

évolutions sur lesquels s’appuyer.

Or l’imbrication croissante des territoires, le récent développement de l’intercommunalité, les

nouvelles règles en matière d’action publique vont renforcer les rôles de l’observation tout au

long du processus de décision.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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Chapitre 2 : Evolutions des cadres territoriaux et politiques :

quelles implications sur la mission d’observation ?

Les évolutions des territoires, de la morphologie spatiale et sociale des villes françaises,

depuis les années 70, ont entraîné un enchevêtrement des espaces urbains, périurbains et

ruraux, de moins en moins identifiables en tant que tels. Ces nouveaux espaces, aux

contours très variables, et leurs dynamiques, dépassent souvent les limites des communes

et des intercommunalités existantes. Ces mutations ont en partie été prises en compte par

une série de lois relative à l’intercommunalité, incitant et non obligeant des territoires de plus

en plus complémentaires et interdépendants à travailler ensemble dans une logique de

projet.

Ces évolutions institutionnelles sont parfois, et de plus en plus, en décalage avec la réalité

de ces nouveaux espaces urbains, que l’observation doit alors être en mesure de déceler.

Par ailleurs, cette mission d’observation voit également son rôle élargi avec l’introduction

grandissante de l’évaluation dans l’élaboration des politiques publiques.

Dans ce chapitre, nous tenterons de traiter les points suivants :

- comment la montée en puissance de l’intercommunalité et des politiques globales

(notamment à travers le développement du concept de cohérence, à la fois politique et

territoriale) a renforcé le rôle de l’observation: d’une part face à la nécessité d’une meilleure

cohérence de l’action publique impliquant une observation plus globale, plus pérenne ;

d’autre part face à l’incohérence des bassins de vie, des territoires vécus avec les

intercommunalités mises en place ?

- comment l’introduction et la légitimation de l’évaluation des politiques territoriales dans un

objectif d’efficacité de celles-ci a généralisé et élargi les rôles de l’observation et son

intervention tout au long du processus des politiques publiques?

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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A Le positionnement de l’observation face à la reco mposition territoriale

Avec le développement de la périurbanisation autour des villes et ses effets néfastes

(étalement urbain, augmentation du trafic automobile…), le morcellement communal français

datant de la Révolution comme territoire d'action devient obsolète. La coopération

intercommunale dans une logique de projet permettrait alors de constituer un nouveau cadre

territorial plus pertinent pour l’action publique. Mais devant l’obsolescence des périmètres

intercommunaux face aux échelles des dynamiques urbaines, l’observation devient l’outil

permettant la définition de cette échelle pertinente.

1- Prémices de l’intercommunalité et complexificati on de l’espace urbain

La France a été découpée en communes après la Révolution Française, héritage des

paroisses de l’Ancien Régime. Alors que plusieurs pays européens sont parvenus à une

refonte de leur organisation communale dans les années 70, la France, après l’échec de la

loi Marcellin en 1971 sur la fusion et les regroupements de communes, se singularise

toujours par sa multitude d’entités. Au recensement de 1999, on dénombre 36 779

communes dont la grande majorité comprend moins de 2000 habitants.

Cet émiettement a vite rendu nécessaire des rapprochements entre communes pour une

meilleure gestion de leurs services publics. C’est ainsi que sont créés en 1890 les syndicats

intercommunaux à vocation unique (SIVU), apparaissant comme un remède à la faiblesse

des petites communes, suivi en 1959 par la possibilité de créer des syndicats

intercommunaux à vocation multiple (SIVOM), permettant la gestion des services collectifs

notamment dans les domaines de l’eau, de l’assainissement et des ordures ménagères.

La création de ces syndicats correspond à la nécessité de gérer des services locaux par une

mise en commun des dépenses les plus coûteuses.

La période allant de 1959 à nos jours sera marquée par une accumulation de textes

relatifs à l’intercommunalité et par un passage progressif d'une intercommunalité de gestion

à une intercommunalité de projet, traduisant notamment un souci pour les communes de

mieux gérer et de maîtriser l’étalement urbain et leur incapacité à répondre seules aux

nouveaux problèmes induits.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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L’échelon communal, lieu d’identité et de vie collective auquel la France reste très attachée,

apparaît en effet être un frein pour l’aménagement et le développement de certaines

communes.

Les 30 dernières années se caractérisent par la diffusion du modèle urbain sur

l'ensemble du territoire, diffusion rendue possible par le déploiement des infrastructures et de

la mobilité.

Les années 70 sont la grande époque du développement des grandes voiries

d’agglomération et ainsi de la ville basée sur le tout voiture. Les conditions de l’étalement

urbain et de la périurbanisation sont alors créées.

Ce desserrement de l’urbanisation a souvent été contenu dans un premier temps dans

les communes limitrophes de la ville-centre, prenant la forme d’une urbanisation continue.

Une autre forme d’urbanisation apparaît alors, desserrement qui s’organise autour de

noyaux ruraux de plus en plus éloignés des centres urbains, sans créer de tissu continu.

Cette rurbanisation correspond au désir de certaines couches de population, notamment les

classes moyennes, d’accéder à la propriété dans un cadre de vie rural. Les populations de

ces territoires rurbanisés restent cependant très dépendantes de la ville, où elles travaillent,

ce qui entraîne toujours plus de migrations pendulaires entre domicile, lieux de travail, lieux

de loisirs....

Plusieurs facteurs expliquent le développement de ce phénomène, rendu possible par le

développement de la mobilité.

La cherté du foncier dans les villes et dans leurs proches périphéries a poussé de nombreux

ménages à la recherche d’un foncier plus abordable et par conséquent plus lointain.

Parallèlement, les modes de financement avec les prêts à l’accession (et particulièrement le

prêt à taux zéro) ont par ailleurs contribué à accentuer ce phénomène.

Ces processus d’urbanisation posent de nombreux problèmes, aujourd’hui de plus en plus

pris en compte dans les politiques publiques : consommation de l’espace, ségrégation socio-

spatiale de plus en plus criante, mitage de l’espace agricole, problèmes de circulation…

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Quelles traductions de ces phénomènes dans l’espace urbain brestois ?

Quelques données sur Brest et son pays urbain :

Territoire Population sans double compte(RGP

1999)

Brest 149 634 habitants

Brest Métropole Océane 213 545 habitants

Pays de Brest 379 730 habitants

L'explosion urbaine brestoise s'est effectuée dans un premier temps dans la ville intra

muros avec le développement de l'habitat collectif, privé et social. Le dernier quart du

XXème siècle se caractérise par une périurbanisation croissante tout d’abord dans les

communes limitrophes de Brest, communes réunies dans la communauté urbaine.

La communauté urbaine de Brest, (aujourd’hui Brest Métropole Océane) a été fondée

en1974, sur la base d’un fort volontariat politique : Brest et ses sept communes limitrophes,

Plouzané, Bohars, Gouesnou, Plougastel-Daoulas, Le Relecq-Kerhuon, Guilers et Guipavas

se sont rassemblées de leur plein gré au sein de la communauté.

Se projet fondateur reposait sur la retenue de la périurbanisation à l’intérieur de cet espace

communautaire paraissant suffire à contenir l’excédent d’urbanisation et, absorbant ainsi la

dépression démographique de la ville-centre.

La carte qui suit traduit bien ce processus de desserrement de l’urbanisation et de la fuite

des populations de la vile-centre vers les communes périphériques.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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Proportion d’habitants de la CUB qui résidaient en 1999 dans le même logement qu’en 1990

Source : ADEUPa de Brest

Peu à peu, ce phénomène de desserrement atteint une périphérie lointaine de la ville-centre

donnant une nouvelle dimension à l’agglomération brestoise.

La Communauté Urbaine s’inscrit aujourd’hui au cœur d’un espace beaucoup plus vaste, le

Pays de Brest (89 communes)

Depuis une dizaine d'années, l'activité du marché immobilier dans le pays brestois est

tirée par l'individuel. Cet engouement pour la maison individuelle s'est accompagné d'une

raréfaction foncière dans l'agglomération: les zones disponibles à l'urbanisation se font rares,

notamment à Brest, d'autant plus qu'une partie de ces zones ne peut pas être ouverte à

l'urbanisation faute d'équipements. On assiste donc à une progression des prix engendrée

par cette raréfaction du foncier et à une spécialisation croissante des ménages dans

l'agglomération, puis dans l'ensemble du bassin d'habitat. Ainsi, sur la décroissance des

valeurs foncières plus on s'éloigne de l'agglomération, se calque une distribution socio-

spatiale.

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L'activité de la construction neuve individuelle bénéficie aujourd'hui de plus en plus aux

territoires extérieurs à la communauté urbaine de Brest, entraînant des migrations de plus en

plus lointaines et des déplacements qui s'accentuent. La localisation résidentielle n'est plus

déterminée par la proximité du lieu d'emploi mais plus par l'état du marché immobilier.

Variation de population entre les recensements

Source : INSEE, Recensements de la population

• Une recomposition spatiale dictant la géographie sociale

Cette recomposition spatiale va dicter la géographie sociale: la périphérie résidentielle

brestoise s'est ouverte aux classes moyennes, jouant ainsi un rôle de redistribution des

catégories les plus solvables pouvant accéder à la propriété. Les conditions financières ont

été favorables à l'accession avec des taux d'intérêt bas, l'allongement des délais de

remboursements. Le prêt à taux zéro a ainsi été le véritable moteur pour la construction

individuelle et permet à de nombreux ménages modestes d'accéder à la propriété.

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La ville-centre, si elle concentre des catégories sociales supérieures dans des quartiers

d'habitat individuel ou dans des quartiers centraux, présente également une

surreprésentation des populations modestes (et notamment des ouvriers) dans les quartiers

d'habitat collectif. Cette concentration se trouve renforcée par la présence importante

d'habitat HLM, caractérisée par des forts taux de chômage, des revenus fiscaux faibles... La

ville-centre concentre ainsi près de 90% du parc de Brest Métropole Habitat (OPAC); le parc

social est encore peu présent sur les communes périphériques, bien qu'un rattrapage

s'effectue ces dernières années avec les exigences de la loi SRU.

Cette dualité entre la ville-centre et la périphérie se retrouve dans Brest intra muros, entre la

rive droite où le poids de logements sociaux est important et la rive gauche. Une grande

partie de la ville, et notamment les quartiers centraux, ont une fonction d’accueil des

populations nouvelles, rôle rempli par le poids du logement locatif. Un phénomène de fuite

de la population après 30 ans, attirée par la périphérie, est notable. Ainsi, la moyenne d’âge

sur la ville est de 37 ans ; un quart de la population brestoise a moins de 25 ans.

Le reste du territoire urbain concentre plus un habitat principalement individuel et des

propriétaires-occupants ; on y retrouve une bi-activité des couples, peu de contrastes

sociaux. Une distinction peut être faite entre :

- les communes de l'agglomération accueillant des classes moyennes et plus aisées, où les

jeunes ménages avec enfants sont le modèle dominant

- les communes du pays hors agglomération, présentant un profil similaire de celui de la

ville-centre en concentrant des ménages plus modestes.

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Typologie des quartiers par surreprésentation des catégories socio professionnelles

Source : ADEUPa de Brest

• Dissociation entre lieux d’emplois et espaces résidentiels

Une autre conséquence de ce phénomène de périurbanisation, directement liée à la

précédente, provient de la dissociation accrue des lieux résidentiels et d’emplois entraînant

une opposition entre la composition sociologique du territoire et la localisation des emplois.

Si la ville centre concentre les emplois les plus qualifiés, c’est aussi là que l’on retrouve les

catégories sociales les plus modestes. C’est ainsi que les migrations pendulaires domicile-

travail s’accroissent dans les deux sens : de la périphérie vers la ville-centre, de la ville-

centre vers la périphérie, où se situent souvent les emplois les moins qualifiés7.

La prise en compte de ces réalités, décryptées essentiellement par l’ADEUPa, a participé à

la définition du territoire pertinent de l’action publique : celle du pays urbain.

7 LAGATHU, André. La nouvelle dimension de l’agglomération recompose l’espace social. ADEUPa.

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• La constitution du Pays de Brest en quelques mots…

La prise en compte de la nouvelle dimension de l’espace urbain brestois s’est traduite en

1995 par la création du Pays de Brest, regroupant aujourd’hui les communautés de

communes du Pays d’Iroise, du Pays de Lesneven-Côtes des Légendes, du Pays de

Landerneau-Daoulas, de Plabennec et des Abers, de la Presqu’île de Crozon, de l’Aulne

Maritime, et la communauté urbaine de Brest, soit 89 communes du Nord-Finistère et

environ 374 000 habitants. Le Pays de Brest s’appuie donc sur une forte structuration

intercommunale.

Le périmètre du Pays se justifie par une réelle prise en compte de la dimension culturelle,

de l’identité commune et des solidarités actives sur ce vaste territoire : le territoire du Pays

est donc un espace pensé et vécu. Il représente également un espace cohérent puisqu’il se

superpose presque parfaitement au bassin d’habitat, à la zone d’emploi… Toutes les

réflexions de l’ADEUPa sont menées à cette échelle ; c’est également le périmètre pertinent

qui a été choisi pour l’élaboration du SCOT.

Le Pays de Brest, 7 intercommunalités, 89 communes

Source : ADEUPa de Brest

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

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Dans le cadre de la Loi d’Orientation relative à l’Aménagement et au Développement

Durable du Territoire, dite loi Voynet, un Contrat de Pays a été défini, instrument permettant

de répondre aux enjeux soulevés dans la Charte de développement, signée par les

communautés en 2001. Cette charte décrit les grandes orientations du pays sur une dizaine

d’années en matière de développement durable, de gestion de l’espace et d’organisation des

services.

Afin de renforcer l’attractivité du Pays de Brest, cinq enjeux stratégiques sont déclinés dans

cette charte :

- développer des pôles d’excellence ;

- favoriser la diversification et la performance de l’économie ;

- organiser le développement durable du territoire autour de l’eau ;

- développer une politique d’attractivité en s’appuyant sur la qualité du cadre de vie ;

- garantir la solidarité et la cohésion de l’ensemble du Pays.

L’exemple brestois est révélateur de ces transformations affectant les villes, les

territoires, ainsi que du passage d’un territoire restreint regroupant l’ensemble des activités à

un vaste espace débordant des limites administratives. Ces bouleversements

s’accompagnent d’une complexification des systèmes urbains, souvent mise en avant depuis

plusieurs années par les agences d’urbanisme. Elle se traduit notamment par des

interdépendances et des imbrications accrues entre territoires, nécessitant d’identifier et de

tenir compte des différentes échelles correspondant aux réalités urbaines (du quartier à l’aire

urbaine, voire à la région). Un habitant conjugue en effet plusieurs échelles entre ses

différentes activités : ces pratiques et notamment les mobilités liées au travail sont des bons

indicateurs pour la définition de nouveaux espaces de vie.

En termes de réflexion et d’intervention sur l’espace, l’échelle communale n’est plus

pertinente pour traiter les questions d’habitat, de transports; ces territoires ne peuvent plus

être dissociés et délimités comme hier, et l’intercommunalité devient un des lieux de

dialogue entre les acteurs de l’aire urbaine.

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Nous allons voir que ces mutations urbaines, ayant rendues indispensables le renforcement

de l’intercommunalité, sont la cause d’un bouleversement des pratiques territoriales et des

approches de l’organisation territoriale.

Plusieurs lois sur le renforcement de l’intercommunalité et sur le renouveau de la

planification ont été votées en quelques mois et montrent ainsi une certaine prise en compte

de l’évolution des territoires et des modes de vie, et de l’obsolescence à la fois de l’échelle

communale et de l’action publique face à ces transformations.

Plusieurs logiques, répondant au concept et enjeu de durabilité, se retrouvent dans les lois

Voynet, Chevènement et Gayssot: la cohérence des politiques, la recherche d’une échelle

pertinente de réflexion et d’action.

2- L’évolution du cadre institutionnel : de nouvell es exigences pour l’observation

L'encouragement et le développement de l’intercommunalité prennent une grande

envergure avec la succession de trois lois en l’espace d'un peu plus d’un an, lois qui vont

inciter (et non pas obliger) les communes à travailler ensemble.

Les trois lois en quelques mots…

Le processus de recomposition territoriale autour de territoires plus vastes et plus

pertinents que l'échelle communale est lancé avec la loi Voynet du 25 juin 1999 avec

l'objectif d'élaborer des projets territoriaux, notion clé de cette loi, à travers les contrats

d'agglomération et les contrats de pays.

Cette loi va instaurer les pays, association loi 1901. Ainsi, cette loi vise à s’affranchir de la

traditionnelle opposition rural/urbain : la métropole ne doit plus être pensée en opposition

avec le rural, ces deux espaces ne se dissociant plus et devenant au contraire

complémentaires et très interdépendants dans leurs fonctions.

Cette réforme cherche ainsi à recomposer le territoire national en espaces vécus , en

territoires pertinents correspondant aux réalités socio-économiques. Ce nouveau cadre est

alors celui de la solidarité territoriale, intégrant à la fois l’agglomération et ses territoires

limitrophes.

Nous verrons par la suite que cette recherche du territoire pertinent de l’action publique,

correspondant à l’espace vécu, va devenir un objectif permanent pour l’observation.

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La loi Chevènement du 12 juillet 1999 , relative au renforcement et à la simplification de

la coopération intercommunale, vient simplifier et à la fois renforcer l’intercommunalité en

milieu urbain, après l'échec de la loi relative à l'Administration Territoriale de la République

en 1992. L'échec de la coopération intercommunale a été souligné alors que la concentration

de population en zone urbaine et périurbaine était croissante et que la ségrégation socio-

spatiale s'accentuait.

Cette loi témoigne d’une approche novatrice car elle prévoit la création de nouvelle structure

intercommunale, la Communauté d’Agglomération, tout en programmant la disparition-

transformation des SIVU, des SIVOM, des Syndicats d’Agglomération Nouvelle et des

communautés de ville : elle procède donc à une simplification du paysage institutionnel

français et donc à un moindre enchevêtrement de structures.

Cette loi a encouragé la création de ces nouvelles communautés d’agglomération : celles

créées avant le 1er janvier 2005 ont perçu une dotation globale de fonctionnement de 250

francs par habitant, incitation qui explique le développement de ces structures (90

communautés d'agglomération ont été constituées en un an et demi) et l'amélioration de la

couverture géographique de l'intercommunalité.

Ces nouvelles communautés doivent comporter une ville-centre d'au moins 15 000 habitants

et disposer de quatre compétences obligatoires (développement économique, aménagement

de l'espace communautaire, l'équilibre social de l'habitat sur le territoire communautaire, la

politique de la ville) et de compétences optionnelles.

Les communautés urbaines et les communautés de communes ont par contre été

maintenues et quelque peu modifiées.

En favorisant le développement de cette structure intercommunale, l’agglomération

devient ici l’échelle spatiale de référence, le territoire cohérent et pertinent sur lequel les

politiques urbaines doivent être menées. Toutefois, celle loi reste incitative et laisse donc

libres les communes de se regrouper ou non. La France se distingue ainsi d’autres pays

européens ayant obligé leurs communes à se regrouper pour une meilleure efficacité de

l’action publique.

On va cependant voir que ces périmètres institutionnels ne correspondent plus à ceux des

bassins de vie.

Au-delà de la promotion de l’intercommunalité, la loi relative à la solidarité et au

renouvellement urbain du 13 décembre 2000 innove en contribuant à une remise en cause

des logiques de planification traditionnelle.

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Elle propose en effet de dépasser les logiques sectorielles de planification, en articulant

toutes les politiques : aménagement, transports et déplacements, économie, habitat et

logement, au sein de nouveaux documents d’urbanisme qu’elle institue (SCOT, PLU…).

Cette loi s’inscrit donc à rebours de la Loi d’orientation Foncière de 1967, loi qui ne liait pas

les volets urbanisme et transports et qui a donc été un terrain favorable au développement

de la ville diffuse et à ses conséquences néfastes.

La loi SRU met particulièrement l’accent sur l’enjeu et concept de durabilité, déjà initié par la

loi Voynet.

Un nouveau référentiel: le développement durable

Ces trois lois sont sous-tendues par les concepts de ville durable, de développement

durable . Ce concept de développement durable semble avoir été formulé dans le rapport

Brundtland de la commission mondiale sur l'environnement et le développement en 1987,

repris en 1992 à la conférence de Rio et aujourd'hui dans plusieurs prescriptions de l'Union

Européenne8. Voici comme il a été défini : « un développement qui répond aux besoins du

présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ».

Ce concept s’appuie sur la protection de l’environnement, sur l’efficacité économique et sur

l’équité sociale.

Cependant, il ne faut pas voir dans ce concept la seule préoccupation environnementale,

souvent mise en avant, et compris ainsi par le grand public. Ce concept renvoie également à

une nouvelle approche du développement et de la planifi cation , se traduisant par

l’articulation des politiques urbaines ainsi plus stratégiques, et par la recherche d’une

cohérence et d’une solidarité territoriales.

Cet enjeu de durabilité, intégré dans tous les textes législatifs déjà cités, invite alors à

repenser les façons de réfléchir et d’agir sur l’espace.

Plusieurs logiques se retrouvent dans ces trois lois et répondent à l’enjeu de durabilité

recherché.

8 GOZE, Maurice, "La loi Solidarité et renouvellement urbain, composante de la réforme territoriale", in Les débats sur la ville 4, Solidarité et Renouvellement Urbains: propos sur la loi SRU, Editions Confluences, 2002, p.22.

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Une mise en cohérence des politiques publiques sur un territoire pertinent

La sectorialité des politiques publiques, renforcée par la décentralisation de 1982

(transfert par bloc de compétence) doit aujourd’hui être dépassée. Un des exemples

illustrant ce défaut de cohérence est sans doute la dissociation des volets urbanisme et

déplacements dans la loi d’orientation foncière de 1971, avec les conséquences que l’on

connaît, présentées précédemment. L’intégration de ce nouveau référentiel de

développement durable dans les politiques doit se traduire par un décloisonnement entre

tous ces volets interdépendants et par la recherche d’une échelle territoriale pertinente pour

l’appréhension des phénomènes urbains dans leur globalité.

Dans cette perspective, le projet de territoire est encouragé dans les pays et les

agglomérations ; il doit correspondre au nouveau mode d’action publique qui se veut à la fois

plus transversal et plus territorialisé. Le projet doit être une démarche globale, permettant

une articulation à la fois des échelles spatiales mais également des politiques publiques. Le

pays devient le territoire pertinent, devant présenter une cohésion géographique, sociale,

économique et culturelle.

La loi SRU met plus particulièrement l’accent sur cette culture de projet, en invitant à

dépasser les logiques sectorielles jusque-là dominantes.

Elle propose pour cela un nouvel outil de planification territoriale : le schéma de cohérence

territoriale (SCOT). Ce document de planification globale, se substitue aux anciens schémas

directeurs. Ces schémas directeurs, élaborés par l’Etat dans une démarche descendante,

ont été créés pour assurer la planification de la croissance urbaine, planification à vue alors

très rigide, en totale contradiction avec la vision prospective sur le long terme privilégiée

aujourd’hui.

Le SCOT, véritable outil de planification stratégique centré sur la notion de projet, doit

être fondé sur une vision partagée du territoire par les élus du syndicat mixte ou de

l’Etablissement Public e Coopération Intercommunale (EPCI).

Il doit fédérer et devenir le cadre de référence de tous les autres documents d'urbanisme,

Plan Local d’Urbanisme (PLU), Programme Local de l’Habitat (PLH), Plan de Déplacements

Urbains (PDU). Cet outil permet d’apporter une réflexion transversale en liant les

problématiques et en leur donnant une plus grande cohérence.

Le principe de compatibilité entre les différents documents d’urbanisme vient illustrer cette

recherche de transversalité et de globalité : les objectifs du PLU, du PDU, du PLH, doivent

être cohérents avec ceux présentés dans le SCOT.

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• La nécessité d’une observation plus transversale

Pour parvenir à cette approche plus transversale dans les politiques, que sous-tendent

les concepts de développement durable et de projet commun, l’élaboration du SCOT peut

constituer une démarche intéressante. Les enjeux de l’outil SCOT sont eux-mêmes

transversaux et nécessitent que le territoire soit appréhendé dans sa globalité, d’un point de

vue autant spatial que thématique, ce qui implique un décloisonnement des différents

aspects (économique, social, environnemental…).

Pour le SCOT du Pays de Brest, les réunions des groupes de travail ont mis en évidence

la nécessité de croiser ces différentes thématiques dès le départ. Ainsi, le groupe de travail

sur le développement et l’aménagement du littoral a soulevé la nécessité de rapprocher ses

réflexions et analyses de celles des groupes travaillant sur l’habitat, le tourisme et

l’économie. De même, le groupe de travail sur l’habitat a mis en évidence les risques de

conflit entre l’agriculture et l’urbanisation sur le territoire du Pays de Brest.

L’exemple de l’élaboration du SCOT dans une démarche plus transversale souligne alors

ce besoin de croiser les approches afin de saisir les nouveaux espaces et systèmes urbains,

les enjeux en découlant, et de favoriser l’émergence de projets cohérents et stratégiques.

Cette évolution des approches revisite alors la fonction d’observation des agences

d’urbanisme et soulève plus précisément la question d’une nouvelle orientation de l’activité

d’observation.

Sans remettre en cause le besoin de connaissances très pointues et très spécialisées

que fournissent les observatoires thématiques, il apparaît en effet indispensable que les

observatoires travaillent de façon plus transversale, afin de parvenir à une lecture globale

d’un territoire, en prenant en compte l’ensemble de ses fonctions urbaines. Plusieurs

agences ont d’ores et déjà entamé quelques réflexions à ce sujet.

A l’ADEUPa de Brest, cette question se pose actuellement. L’agence a développé de

nombreux outils d’observation, centrés dans un premier temps sur la communauté urbaine

puis élargi à l’ensemble du Pays de Brest et au-delà. Néanmoins, ces outils demeurent très

sectoriels et ne permettent pas d’appréhender le territoire brestois dans son ensemble.

Chaque observatoire gère ses propres bases de données ce qui conduit à des analyses

partielles d’un même territoire et donc à la difficulté pour les décideurs de soulever les

principaux enjeux territoriaux.

Nous aborderons dans la deuxième partie de ce travail les enjeux, les conditions et les

difficultés de mise en place de ce type d’observation plus transversale.

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Le projet politique du SCOT, représenté par le Projet d’Aménagement et de

Développement Durable (PADD), doit être formulé sur le territoire le plus pertinent , celui

correspondant au territoire vécu. Les contours du bassin de vie dépassent bien souvent ceux

des intercommunalités existantes et la définition d’un projet à l’échelle de l’agglomération (au

sens de l’intercommunalité) ne paraît pas pertinente. Le SCOT présente l’avantage de

permettre la définition d’un projet sur un large territoire, entre plusieurs structures

intercommunales, et peut initier ainsi une nouvelle gouvernance territoriale. Au niveau

national, le SCOT concernerait en moyenne 80 communes et 110 000 habitants.

La mise en place de ces SCOT requiert un outil d’ingénierie locale, que les agences

d’urbanisme sont en mesure de fournir. La mise en œuvre d’un tel outil nécessite en effet

une capitalisation d’informations et de connaissances sur le territoire, autant pour la

définition du périmètre que pour l’élaboration des documents. Plusieurs territoires souffrent

aujourd’hui de ce déficit d’ingénierie et ont alors du mal à réaliser les documents du SCOT.

Le périmètre du SCOT du Pays de Brest coïncide parfaitement avec le périmètre du

Pays de Brest, présenté précédemment. L’ADEUPa de Brest avait au préalable éclairé sur

cette nouvelle dimension urbaine.

Nous allons voir à présent que les agences d’urbanisme, par leur rôle d’observation

s’affranchissant des limites institutionnelles, peuvent participer à la définition de ces espaces

de projet.

3- Le rôle de l’observation face à l’incohérence de s territoires de l’intercommunalité

La parution quasi simultanée de ces trois lois fondamentales favorisant le changement

du paysage institutionnel a révélé la prééminence de la question de la pertinence des

périmètres de l’action publique.

L’agglomération a dans un premier temps été considérée comme l’échelle territoriale la plus

pertinente (loi Chevènement) sur laquelle les politiques urbaines peuvent être mises à

l’œuvre, échelle déjà trop restreinte lors de la parution des lois. Publié en 2005, le rapport de

la Cour des Comptes dénonce des périmètres de l’intercommunalité incohérents et sous-

dimensionnés.

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Parallèlement, l’INSEE définissait en 1999 un autre périmètre, celui de l’aire urbaine9,

mettant en évidence l’obsolescence et l’incohérence des périmètres des communautés

d’agglomération de la loi Chevènement, ne coïncidant plus aux réalités socio-économiques.

C’est de cette nouvelle échelle dont il est question dans la loi SRU, qui ne lui donne toutefois

pas un cadre institutionnel concret, au même titre que l’agglomération. L’aire urbaine

constitue souvent l’échelle de réflexion et de planification (pour l’élaboration des SCOT par

exemple). Cependant, les mobilités croissantes des ménages rendent les contours de l’aire

urbaine trop restreints, le territoire vécu ne cessant alors de s’élargir.

Là où elles sont présentes, les agences d’urbanisme ont alors le devoir de déceler ces

réalités territoriales, en constante évolution, ces territoires vécus à des échelles larges.

Voici deux exemples illustrant cette vocation d’anticipation remplie par l’observation, au sein

de l’ADEUPa de Brest.

La mise en place d’un dispositif d’observation à Quimper Communauté

Ce premier exemple concerne l’adhésion de l’agglomération de Quimper à l’ADEUPa.

La communauté d’agglomération de Quimper a sollicité l’ADEUPa pour la création d’un

dispositif d’observation local de l’habitat sur son territoire. Cet observatoire a comme objectif

d’être à la fois un outil technique d’aide à la décision pour Quimper Communauté et un outil

de production de données statistiques fiabilisées et d’analyses.

Pour la mise en place de cet outil, l’observatoire de l’habitat de l’ADEUPa a réalisé tout un

travail d’observation et d’analyse afin de définir le périmètre pertinent du fonctionnement du

marché local, périmètre sur lequel porteraient les études.

Les observations menées vont pointer une incohérence entre le bassin de vie et le périmètre

de l’agglomération de Quimper et donc le fait que certaines intercommunalités urbaines ne

sont pas constituées aux bonnes échelles.

9 Une aire urbaine est un ensemble de communes, d'un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci.

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Un bassin de vie10 a été déterminé à partir de plusieurs analyses croisées portant sur le

marché de la construction neuve, de l’occasion, du foncier, et notamment sur les migrations

résidentielles et sur les migrations domicile-travail, qui ont contribué à visualiser le territoire

de vie.

Les observations de l’ADEUPa se sont concentrées dans un premier temps sur le périmètre

de l’aire urbaine de Quimper, défini en 1999 par l’INSEE à partir des migrations domicile-

travail des ménages11, et sur quelques communes extérieures à l’aire urbaine.

Puis dans un souci de cohérence des analyses et afin de bien identifier l’ensemble du

fonctionnement du marché immobilier local, les observations (portant principalement sur les

migrations résidentielles analysées à partir de la construction neuve et du marché de

l’occasion) se sont étendues à d’autres communes.

L’ensemble des communes retenues constitue le bassin de vie quimpérois, comprenant 37

communes soit 63% du Pays de Cornouaille.

Construction neuve de logements entre 1999 et 2005 sur le bassin de vie quimpérois

Source : DRE, traitement ADEUPa

10 Selon l’INSEE, le bassin de vie correspond au plus petit territoire sur le quel les habitants ont accès aux équipements et à l’emploi. 11 Communes de l’aire urbaine comportant au moins 40% des ménages travaillant dans le pôle urbain quimpérois.

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Ces analyses ont donc mis en évidence que le périmètre du fonctionnement du marché, de

l’espace vécu, dépassait celui de la communauté d’agglomération et de l’aire urbaine de

Quimper et ne recoupait pas totalement celui du Pays de Cornouaille.

De ces observations effectuées par l’observatoire de l’habitat de l’ADEUPa, trois points ont

donc été soulevés :

- l’incohérence entre le territoire administratif de l’agglomération de Quimper et le territoire

réellement vécu : la réalité urbaine n’est pas celle de l’institutionnel ;

- l’obsolescence de l’aire urbaine définie par l’INSEE en 1999 en partie due à la dissociation

de plus en plus croissante entre lieux de travail et domicile ;

- l’imbrication et l’interdépendance des territoires institutionnels formant le territoire vécu (voir

carte qui suit) invite à dépasser le fonctionnement autonome traditionnel de Quimper

Communauté ne prenant pas en compte les territoires institutionnels qui le jouxtent et avec

lesquels il fonctionne ; elle invite donc à dépasser les divergences politiques, afin

d’envisager des politiques d’action à une échelle réellement pertinente.

L’incohérence entre le bassin de vie et le périmètre de Quimper Communauté

Source : ADEUPa de Brest

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La coopération des agglomérations de Bretagne occidentale : l’engagement dans une

problématique métropolitaine

L’ADEUPa de Brest a initié le rapprochement et la mise en réseau des agglomérations

de Bretagne occidentale : Lannion (Côtes d’Armor), Morlaix, Quimper et Brest (Finistère), en

favorisant le dialogue territorial entre ces quatre villes.

Pourquoi une telle coopération ?

La région Bretagne se développe aujourd’hui de façon duale :

- à l’est, Rennes, métropole puissante, notamment économiquement, et à proximité Nantes,

autre métropole reconnue ;

- à l’ouest, plusieurs agglomérations de taille moyenne : Brest (ayant le statut de métropole),

Lannion, Quimper et Morlaix, aucune ne contrebalançant le poids économique de l’ouest

régional. La distance représente une contrainte pour le développement de ces quatre villes.

Face à ces situations et évolutions contrastées en Bretagne, le rapprochement entre les

agglomérations du Grand Ouest devrait contribuer à renforcer une armature urbaine et

équilibrée en structurant en espace de projet des territoires au fonctionnement urbain

actuellement interdépendant.

Pour constituer cet espace de projet, un décloisonnement entre ces agglomérations est

nécessaire. Il se traduira principalement par de meilleures connexions à la fois routières et

ferroviaires,.

Le rôle de l’observation de l’agence a donc contribué :

- à mettre en avant les interrelations et les alliances possibles entre ces agglomérations, les

enjeux du rapprochement de ces pôles, qui, même distants, sont intégrés dans un même

système urbain. Elle a donc participé à la définition d’un espace de projet .

- à souligner la nécessité d’une coopération entre ces agglomérations, afin de conforter leur

existence, et pour la survie de l’ouest breton face à la puissance de l’est. L’adhésion de

Quimper, Morlaix et du Département à l’ADEUPa met en évidence cette prise de conscience.

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Cette nécessité d’organisation de l’ouest breton est désormais reconnue par l’Etat et la

Région. La signature de futurs contrats de projet Etat-Région (CPER) permettra de réaliser

les projets structurants.

L’ADEUPa, en identifiant ce réseau de villes et en mesurant les relations économiques et

sociales entre ces agglomérations, est parvenue à faire émerger un ensemble territorial.

La contribution des agences d’urbanisme à de nouvelles formes de gouvernance urbaine

Ces deux exemples précédents révèlent le renforcement du rôle d’anticipation des

agences d’urbanisme. Les agences ont ainsi une « longueur d’avance » sur des institutions

figées, en les éclairant sur les nouvelles dimensions urbaines, en leur apportant un esprit

d’ouverture territorial et institutionnel.

Sur deux échelles géographiques diverses, l’une couvrant une partie du département du

Finistère, l’autre englobant la partie Ouest de la Région Bretagne, et pour des enjeux

d’envergure différente, les travaux de l’ADEUPa ont démontré sa capacité à définir de

nouvelles échelles de pertinence, dont les limites transcendent de plus en plus les frontières

de l’institutionnel. Elle détermine de nouveaux espaces de gouvernance urbaine .

Par là-même, on peut affirmer que les agences d’urbanisme sont capables de poser les

bases de cette gouvernance, en étant d’une part un espace de dialogue entre toutes les

institutions, et d’autre part par leur rôle d’expertise et de réflexion prospective, permettant de

montrer les intérêts que les agglomérations auraient à collaborer ensemble.

Cependant, on ne peut nier que le choix du périmètre pertinent de projet va dépendre de la

volonté des communes, des intercommunalités, de travailler ensemble, de dépasser des

clivages souvent d’ordre politique. Les jeux d’alliances semblent être déterminants dans la

définition de l’espace de projet.

Face aux incohérences des territoires institutionnels, au décalage important entre leurs

limites figées et les limites floues des nouveaux espaces urbains, l’observation tient une

place importante. Elle doit réfléchir en permanence à trouver l’espace de projet, que ce soit à

une échelle communale ou à une échelle de plus en plus régionale ; elle doit être capable de

s’adapter, d’anticiper sur les échelles territoriales adéquates pour une meilleure efficacité de

l’action publique.

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Outre sa vision anticipatrice, l’observation se voit confier un nouveau rôle dans cette

recherche de cohérence et d’efficacité des politiques : le suivi et l’évaluation des politiques

urbaines.

B L’évaluation, un nouveau rôle confié à l’observat ion

Jusqu’ici intervenant en amont des politiques publiques, la demande d’observation est de

plus en plus sollicitée en aval et tout au long des politiques, remplissant ainsi une fonction de

suivi et d’évaluation .

La loi SRU institue notamment des procédures de révision de documents d’urbanisme : le

SCOT et le PLH.

1- L’évaluation : une démarche nécessaire légitimée

L’intérêt pour l’évaluation est apparu en France dans les années 80 dans les débats de

modernisation de l’Etat et notamment de l’amélioration des processus de décision. Cet

intérêt pour l’évaluation s’accentue en 1989 avec le Rapport Viveret qui aboutit notamment

en 1990 à la création d’un Conseil Scientifique de l’Evaluation, chargé de favoriser les

méthodes d’évaluation.

Jusqu’au milieu des années 90, cette démarche semble encore difficile à s’intégrer dans le

contexte politico-administratif français ; elle prend peu à peu sa place dans l’élaboration des

politiques publiques et passe d’une expérience ponctuelle et isolée à la mise en place de

dispositifs pérennes d’évaluation des politiques.

L’évaluation est relancée à la fin des années 90, se traduisant par son institutionnalisation le

18 novembre 1998.

Cette demande croissante d’évaluation apparaît notamment dans les textes législatifs

récents traduisant une remise en cause du modèle d’action publique traditionnel, où

l’évaluation intervenait une fois l’action terminée et était avant tout une évaluation de gestion,

administrative. Ce modèle aboutissait alors à une reconduite de politiques menant à

l’immobilisme et augmentant ainsi les dépenses publiques.

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L’évaluation dans un processus de décision linéaire

En outre, ce modèle d’action publique traditionnel, basé sur la linéarité et la déductibilité

n’est plus pertinent pour répondre à la complexité et à l’évolution des systèmes urbains.

Nous l’avons vu, la démarche prospective est à présent privilégiée. La demande d’évaluation

régulière traduit ainsi le souci d’en finir avec une vision figée du territoire, ne prenant pas en

compte ses évolutions. La loi SRU insiste sur l’intégration du suivi et de l’évaluation dans le

processus de décision afin de parvenir à un modèle d’action publique :

- plus stratégique : l’évaluation permettant ainsi de mieux gérer les ressources attribuées,

souvent limitées ;

- plus efficace : l’évaluation permettrait un recentrage des objectifs afin que l’action réponde

mieux à l’évolution de la situation;

- plus dynamique .

Ce nouveau modèle d’action publique, dans lequel l’évaluation concomitante12a une

place importante, privilégie alors la capacité d’ajustement, d’adaptation des politiques, tant

dans leurs objectifs que dans leurs moyens utilisés pour y répondre, ajustement tout au long

du processus de décision.

A quoi sert l’évaluation ?

L’évaluation permet une mesure des écarts entre les résultats d’une politique et ses

objectifs initiaux.

12 Plusieurs types d’évaluation existent : l’évaluation ex-ante menée avant la réalisation d’une politique ; l’évaluation concomitante effectuée en cours de réalisation de l’action ; l’évaluation ex-post réalisée une fois l’action terminée. DGHUC. L’évaluation des politiques publiques urbaines, janvier 2000, p. 29.

Définition du problème

Analyse des réponses pour

problème

Processus de décision

Mise en œuvre de la politique

Evaluation finale de

l’action menée

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

45

Les données quantitatives ne s’avérant pas suffisantes pour mesurer les effets, les

avantages et inconvénients d’une politique, et ne permettant pas l’appréciation des relations

de causalité, l’évaluation tend aujourd’hui à devenir de plus en plus qualitative.

L’évaluation permet de plus la transparence de l’action auprès des décideurs politiques et

des citoyens en rendant compte des moyens et des résultats de la politique mise en œuvre.

L’évaluation est aujourd’hui légitimée et reconnue. Cette démarche renvoie ainsi à un métier

spécifique, comme l’indique la FNAU dans son dossier sur les métiers émergents. Plusieurs

missions sont confiées au chargé d’évaluation des politiques publiques:

- apprécier la pertinence et les résultats d’une politique publique en vue d’une adaptation ou

d’une réorientation de la politique ;

- produire des méthodes d’évaluation des politiques publiques ;

- conduire ou piloter des évaluations ;

- interpréter et communiquer les résultats de l’évaluation ;

- élaborer en partenariat des préconisations issues de l’évaluation ;

- construire des tableaux de bord et des indicateurs pour une évaluation ponctuelle ou

continue.

Toutefois, l’évaluation est encore une démarche en devenir , en quête de définition et de

méthodologie : définition de l’objet de l’évaluation, différence entre suivi et évaluation, outils

d’évaluation…

Nous verrons que la mise en place de l’évaluation, exigeant une connaissance fine et

pérenne du territoire, peut être confiée aux observatoires des agences d’urbanisme.

La création d’observatoires rendue obligatoire par les politiques urbaines récentes

Les dernières lois structurant le cadre législatif des politiques urbaines prévoient la

création d’un observatoire, soit local et considérant les évolutions et les résultats d’une

politique menée sur un territoire précis, soit national et visant généralement à évaluer une

politique menée à l’échelle du territoire national, dans un objectif de suivi ou d’évaluation :

- la loi SRU du 13 décembre 2000 prévoit un observatoire pour le suivi du SCOT ;

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

46

- la loi Borloo sur la rénovation urbaine du 1er août 2003 prévoyait la création d’un

observatoire national des 750 zones urbaines sensibles et la mise en place d’observatoires

locaux;

- la loi du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales, envisage la mise en

place d’un dispositif d’observation pour les PLH intercommunaux.

2- la mise en place de dispositifs d’observation lo caux : exemples de la révision du

SCOT et du dispositif d’observation des PLH

Une obligation d’évaluation pour les Schémas de Cohérence Territoriale

La loi SRU, en obligeant la mise en place de l’évaluation des SCOT, légitime le travail

d’évaluation.

Les SCOT, se substituent aux anciens schémas directeurs, qui n’étaient pas soumis à une

évaluation ni même à un suivi et pouvaient rester en vigueur sans prendre en compte les

évolutions de la société. La loi SRU, afin répondre à un enjeu de durabilité, oblige le suivi de

ce document de planification. Ainsi, l’EPCI en charge de l’élaboration du SCOT est

également chargé de son approbation, de son suivi et de sa révision.

Le SCOT devient caduc si à compter de son approbation et à l’expiration d’un délai de dix

ans, l’EPCI n’a pas procédé à l’évaluation, à l’analyse des résultats. La délibération peut

considérer que le document ne nécessite pas de révision et le reconduit dans ce cas-là pour

dix ans.

Par cette exigence, le SCOT devient alors un document vivant, dynamique , dont les

objectifs doivent évoluer en fonction de l’évolution du territoire.

Cette obligation d’évaluation de la réalisation des objectifs, d’analyse des résultats de

l’application du SCOT implique d’une part, l’élaboration d’une méthode d’évaluation, d’autre

part le suivi régulier du territoire (de façon à faire évoluer le diagnostic) sur lequel il

s’applique. Elle suppose alors la mise en place d’un outil d’observation pérenne.

Les agences d’urbanisme sont dans de nombreuses agglomérations en charge de

l’élaboration des SCOT. On peut alors supposer qu’elles seront sollicitées afin de proposer

un outil d’évaluation et d’assurer le suivi du document.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

47

L'observation rendue obligatoire par les nouveaux Programmes Locaux de l'Habitat

intercommunaux

Le PLH a été institutionnalisé par la loi de décentralisation du 7 janvier 1983. Son objectif

est d'orienter les choix des collectivités locales en matière d'habitat. Plusieurs lois relatives à

l'intercommunalité vont modifier son contenu et sa portée.

Tout d’abord, la loi d'Orientation sur la Ville de 1991, qui donne au PLH son contenu actuel

et calque sa procédure d'élaboration sur celles des documents d'urbanisme.

Le PLH a par la suite été rendu obligatoire par la loi Chevènement pour les communautés

urbaines et les communautés d'agglomération ; c’est une option pour les communautés de

communes. Cette loi donne ainsi aux PLH une portée institutionnelle, c'est-à-dire

correspondant au territoire de compétence de l'EPCI.

Dans la perspective d’une plus grande transversalité des approches, la loi SRU du 13

décembre 2000 amorce la refonte des PLH vers plus de programmation et d’imbrication

entre les différentes politiques sectorielles de l'aménagement du territoire: les orientations du

PLH doivent désormais être compatibles avec celles du SCOT et du PLU, condition de sa

légalité (principe de compatibilité).

En outre, la loi SRU incite à mener des approches intercommunales qui se sont vite

affirmées dans les agglomérations françaises.

L’obligation de la mise en place d’un observatoire pour le suivi des PLH intercommunaux

souligne cette importance d’adapter sans cesse l’action publique aux évolutions.

De nouvelles dispositions concernant le PLH ont été prises lors de la loi du 13 août 2004,

relative aux libertés et responsabilités. Cette loi marque en effet une nouvelle étape dans

l'histoire des PLH: elle instaure pour les EPCI la possibilité de se voir déléguer par l'Etat la

gestion des aides à la pierre par période de six ans à la condition qu'ils disposent d'un PLH

adopté.

Cette loi donne plus d’opérationnalité au PLH qui devient un outil de programmation et de

mise en œuvre des politiques locales de l'habitat. Les PLH communaux sont alors supprimés

et le PLH doit relever d'un EPCI.

Cette réforme vise en outre à l’amélioration de la connaissance du fonctionnement des

marchés locaux de l’habitat et introduit pour cela l’obligation pour le PLH de définir les

conditions de mise en place d’un observatoire pérenne de l’habitat, afin d’établir un bilan des

actions réalisées et de réajuster les politiques au besoin.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

48

Cet observatoire portera sur tous les segments du marché immobilier, et sur leurs

interactions :

« Art. R. 302-1-4. – Le dispositif d’observation de l’habitat mentionné au septième alinéa de

l’article L.302-1 porte notamment sur :

- l’analyse de la conjoncture du marché immobilier ;

- le suivi de la demande de logement locatif social ;

- le suivi des évolutions constatées dans le parc de logements locatifs sociaux et le parc de

logements privés. »

En intégrant tous les segments du parc, l’observation (et ainsi le diagnostic) doit être plus

globale, plus transversale.

Ces deux exemples de démarche de suivi et d’évaluation illustrent cette nécessité de

disposer des systèmes d’observation pérennes, durables. L’évaluation, pour pouvoir

analyser les écarts, nécessite une fine connaissance du territoire, qu’est en mesure de

fournir les agences d’urbanisme.

La sollicitation de l’ADEUPa par Brest Métropole Océane (BMO) pour l’évaluation de ses

actions

L’ADEUPa est de plus en plus sollicitée par la collectivité pour évaluer des politiques ou

actions menées dans divers domaines.

• évaluations biennales des ORU.

Depuis 2005, BMO fait également appel à l’agence afin d’évaluer l’opération de

renouvellement urbain multisites mise en place à Brest.

La collectivité a souhaité disposer d’un outil simple, basé sur une série d’indicateurs socio-

urbains déterminés par l’agence et par BMO, afin d’analyser les transformations urbaines et

sociales des quartiers concernés. Actuellement, un état zéro des quartiers a été constitué

pour pouvoir procéder à une évaluation de la situation tous les deux ans (voir annexe 2). Ce

travail d’évaluation est mené par l’observatoire de l’immobilier et par l’observatoire social et

s’appuie sur les travaux et les indicateurs de ces observatoires.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

49

• création d’observatoire des effets du tramway.

L’ADEUPa réfléchit actuellement à la mise en place d’un observatoire des effets du

tramway (réalisation du tramway prévue pour 2011), qui nécessite la réalisation d’un état

zéro pour connaître la situation avant le début des travaux.

Des observatoires de ce type ont été créés dans de nombreuses agences, montrant l’intérêt

des acteurs locaux de mesurer les mutations sociales et économiques liées à la construction

d’un tramway.

Nous retiendrons ici l’impact direct des modifications et du renouveau de l’action publique

sur l’activité d’observation. L’intégration de l’évaluation et du suivi dans les politiques

publiques donne une nouvelle dimension à l’observation.

La collectivité, dans un souci de comprendre et d’apprécier les impacts de ses choix

politiques, fait en effet de plus en plus appel aux agences, dans lesquelles elle trouve une

capitalisation d’informations sans cesse actualisées, fiables et pérennes et nécessaires à

l’évaluation, ainsi que des outils méthodologiques déjà construits (base d’indicateurs, type

d’analyse…)

L’élargissement de l’activité d’observation pose alors la question de l’articulation des

démarches d’observation et de suivi ou d’évaluation, démarches à la fois proches et

éloignées, tant dans leurs objectifs que dans les moyens de leur réalisation.

Pour conclure cette première partie, nous retiendrons les importantes évolutions qui ont

affecté l’observation. Les transformations territoriales, institutionnelles ont peu à peu introduit

l’observation au cœur des politiques publiques. Si initialement elle intervient en amont du

processus de décision, et aide le décideur dans ses choix stratégiques, elle s’intègre

désormais tout au long du processus de décision, en permettant des réajustements de

l’action publique grâce à sa vision actualisée des espaces, à sa réactivité aux évolutions : sa

fonction d’appui à la décision se trouve ainsi renf orcée . C’est pour ses caractéristiques

que l’évaluation des politiques est de plus en plus confiée aux agences d’urbanisme, qui

doivent alors articuler ces démarches, sans les confondre. Cette nouvelle fonction de

l’observation, la mesure de l’efficacité de l’action publique, obéit à la même finalité que la

première forme d’observation : rendre l’action publique plus stratégique , à toutes les

phases du processus de décision.

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Quelles évolutions pour la mission d’observation de s agences d’urbanisme ?

50

Inscrite dans une logique prospective, l’activité d’observation doit être toujours plus

réactive afin de décrypter et d’anticiper les mutations sociétales et territoriales.

Face à des systèmes et des territoires de plus en plus complexes, l’observation doit

cependant avoir une approche plus globale et transversale, vecteur d’une meilleure lisibilité

de ces phénomènes et certainement d’une plus grande efficacité des politiques.

Les conditions et les exigences de mise en place de nouveau type de démarche feront en

partie l’objet de cette seconde partie.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

51

Partie 2 : Conditions et exigences actuelles de

l’observation urbaine

Les agences d’urbanisme ont initié le développement des observatoires, se résumant

souvent à l’observation de thématiques urbaines. Elles sont en outre à l’origine des

observatoires de quartiers, mis en place lors des contrats de ville, qui ont ouverts la voie aux

observatoires urbains multi thématiques.

Depuis quelques années, face aux nouveaux enjeux soulevés par la complexification des

phénomènes urbains et par l’évolution des modèles d’action publique tournés vers la

cohérence des politiques territoriales, on assiste à une émergence de nouvelles réflexions et

expériences pour une approche plus transversale et plus globale de l’observation urbaine.

Ce nouvel enjeu pour l’observation soulève de nombreuses difficultés, tant méthodologiques

que techniques

Il s’agira dans cette partie :

- d’analyser dans un premier temps l’état de l’observation urbaine actuellement, à travers les

observatoires urbains existants, entendus ici comme des observatoires pérennes multi

thématiques. Si ces observatoires restent centrés sur les quartiers prioritaires, dans un

objectif de suivi ou d’évaluation des contrats de ville, certains éléments sont à prendre en

compte pour le développement d’approche transversale ;

- d’analyser le programme ACTEUR, première démarche proposant des éléments

méthodologiques pour l’observation. Cette analyse révèlera les difficultés de mise en œuvre

d’un observation décloisonnée.

- de relever les conditions et les défis de mise en place de systèmes d’observation urbaine

afin de passer d’une observation sectorielle à une observation urbaine transversale.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

52

Chapitre 1 : La mise en place d’observatoires de qu artiers: des

approches encore trop verticales

A La mise en place d’observatoires de quartier

1- Les systèmes d’observation des quartiers : premi ers observatoires urbains

Les observatoires des quartiers créés dans le cadre de la politique de la ville ont ouvert

la voie à la création d’observatoires urbains, observatoires regroupant diverses thématiques.

La Direction Interministérielle de la Ville a souhaité mettre en place des systèmes

d’observation des quartiers, dans le cadre des Contrats de Vile ou des grands Projets de

Ville, dispositif d’observation permettant « de mesurer, en continu, à l’échelle de l’ensemble

de l’agglomération et dans chacun de ses quartiers, les conditions d’intégration sociale,

urbaine et économique de leurs habitants… »25.

Une trentaine de dispositifs d’observation (généralement mis en place par les agences

d’urbanisme) présents dans plus de la moitié des agglomérations de 200.000 habitants et

dans le tiers des agglomérations comprenant entre 50 000 et 200 000 habitants, ont été

recensés et analysés par la fédération nationale des agences d’urbanisme, à la demande de

la Direction Interministérielle de la Ville (DIV). Ce recensement et cette analyse ont été

effectués en 2000 ; ce travail a été piloté par les agences d’urbanisme de Lille et de Lyon.

Les dispositifs ont été classés selon leur territoire d’intervention : la ville, l’agglomération

(prise au sens de l’intercommunalité) et la région.

Un des enjeux de ce recensement et de cette analyse est de mettre en place

progressivement des dispositifs articulant l’observation et l’évaluation des contrats de ville

des quartiers.

Ces dispositifs représentent un outil de compréhension des effets de l’action publique,

d’évaluation des politiques publiques. Au-delà d’une analyse strictement comptable et

administrative des politiques urbaines, ils doivent apporter une vision plus qualitative de ces

politiques mises en œuvre.

25 FNAU, La FNAU fait le point sur les systèmes d’observation des quartiers mis en place dans les agences d’urbanisme, Dossiers n°8, novembre 2002, p.1.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

53

2- Les différents types d’observatoires

Plusieurs types de démarches pour ces systèmes d’observation ont été recensés : ils

varient tant dans le type de dispositif même, que dans leurs objectifs fixés ou leurs échelles

d’observation.

Les tableaux de bord : une approche essentiellement statistique

Les tableaux de bord représentent la démarche la plus ancienne de ces dispositifs. Ce

système est avant tout un instrument de mesure , basé sur une approche essentiellement

statistique avec une forte implication de l’INSEE régional, sur une diffusion des données

infracommunales mobilisées auprès de partenaires institutionnels (CAF, INSEE, rectorat,

ANPE…), et destiné à suivre les évolutions des quartiers prioritaires de la politique de la

ville.

Cette approche purement quantitative présente cependant une forte limite : elle n’offre

qu’une simple description de la situation et de l’évolution de ces territoires mais ne permet

pas une interprétation du sens de ces phénomènes, de leurs relations de causalité. Ce

système d’observation, s’il permet donc d’apprécier statistiquement l’évolution des

phénomènes sociaux, urbains et économiques d’un quartier, permet difficilement de définir

les pistes d’action futures à privilégier, s’il n’est pas complété d’une approche plus qualitative

et explicative.

Grâce à l’ensemble de données mobilisées, il peut cependant servir de socle à d’autres

observatoires, comme c’est le cas pour le tableau de bord de la région Rhône-Alpes dont

l’Agence d’Urbanisme de Lyon se sert pour effectuer d’autres analyses.

Les études ponctuelles

Parmi les autres types de dispositifs, on retrouve également des études ponctuelles ou

spécifiques, lancées pour un nouveau contrat de ville ou à l’occasion d’une évaluation de

politique et servant à alimenter d’autres dispositifs.

Ces études, réalisées sur des quartiers prioritaires en particulier (étude sur les quartiers

d’habitat social ou sur l’évolution du peuplement des grands ensembles en Ile-de-France) ne

débouchent toutefois pas sur des dispositifs réels d’observation et ne constituent donc pas

un outil pérenne de suivi des évolutions urbaines.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

54

Les observatoires dynamiques : vers une observation plus qualitative

Des systèmes d’observations dynamiques permanents ont enfin été analysés par la

FNAU. Ce dernier dispositif semble être aujourd’hui le plus adapté dans le suivi des

évolutions sociales et urbaines de nos agglomérations.

La mise en place de ces dispositifs correspond à une volonté politique d’évaluer en continu

les contrats de ville 2000-2006 et donc à un besoin de renforcer des systèmes d’observation

durables à l’échelle des agglomérations.

Permanents, ces dispositifs s’inscrivent dans la durée et peuvent alors à la fois offrir un suivi

des phénomènes urbains sur un territoire et à la fois être des dispositifs d’évaluation des

politiques urbaines. Plus dynamiques que les tableaux de bord fournissant une vision

chiffrée d’un territoire, ce type d’observatoire, en plus d’une approche statistique, est

généralement complété d’une vision plus qualitative, prenant en compte le point de vue des

acteurs locaux, des experts et des partenaires impliqués dans la démarche.

Ces systèmes peuvent par ailleurs constituer un outil de comparaison entre différentes

échelles territoriales (quartiers, villes, agglomérations…) et permettre l’appréciation des

ségrégations socio spatiales ; nous verrons toutefois qu’ils concernent trop souvent les seuls

territoires prioritaires.

Mis à part certains observatoires, dont les analyses se focalisent sur un thème précis

(exemple de l’Observatoire de l’emploi, du chômage et de l’insertion à l’Agence d’Urbanisme

de Lyon), ces systèmes d’observations dynamiques développés dans les agences sont

généralement multi thématiques et s’appuient sur les données disponibles des

observatoires thématiques existants dans les agences.

Ce dernier système analysé, en développement dans de nombreuses agences

d’urbanisme, semble le plus répondre à l’évolution de la mission d’observation supposée par

le cadre législatif et l’évolution des politiques vers plus de globalité, notamment grâce à la

prise en compte des dires d’acteurs locaux.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

55

Récapitulatif des différents systèmes d’observation

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

56

La FNAU a identifié trois objectifs sur l’ensemble des dispositifs existants recensés :

- ces dispositifs peuvent avoir une fonction d’observation des évolutions sociales, urbaines et

économiques des quartiers prioritaires de la politique de la ville pouvant servir à alimenter les

démarches d’évaluation.

Ces systèmes sont alors soit centrés sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville et

contribuent à l’évaluation des Contrats de Ville, soit élargis à l’ensemble des quartiers

comme c’est le cas à Lille, Nantes ou Angers. Cette deuxième approche est encore peu

développée mais tend aujourd’hui à se généraliser ;

- l’articulation avec l’évaluation des politiques publiques est un autre objectif recherché mais

encore peu étendu (difficultés de mise en place) ;

- ces systèmes d’observation sont enfin un outil d’aide à la décision, première fonction des

activités d’observation des agences d’urbanisme et déjà présentée dans la partie précédente

de ce travail.

Par cette analyse, la FNAU a mis en évidence le renouvellement actuel des méthodes

d’observation et le passage progressif d’une observation descriptive à une observation plus

explicative.

Cette analyse a également été l’occasion de souligner l’implication de nouveaux acteurs

dans l’observation des phénomènes socio-urbains, à la demande des collectivités locales : la

DDE de la Drôme réalise par exemple chaque année un bilan-évaluation des contrats de

ville afin de définir des stratégies d’intervention et une programmation annuelle des actions ;

une association en charge de la promotion sociale à Rennes, à la demande de la ville de

l’Etat et de la CAF, a mis en place un tableau de bord social sur certains quartiers de la ville.

Ces exemples témoignent donc du développement des expériences d’observation et de

l’importance grandissante accordée au suivi des évolutions territoriales et à la mise en place

de politiques adaptées. Toutefois, il paraîtrait pertinent de s’interroger sur ce rôle confié à de

nouveaux maîtres d’œuvre dans l’observation, très divers (DDE, associations, conseil

général…) et sur leur capacité dans la mise en œuvre de ces outils.

Le travail effectué par la FNAU a de plus permis de révéler les difficultés dans la mise en

place de cette activité d’observation.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

57

Ces difficultés sont d’abord d’ordre technique, telles que l’accès à certaines données ou la

constitution de séries historiques avec la modification de certains périmètres ou de certains

partenariats; ces difficultés concernent également l’évolution des champs d’observation

(ouverture à des domaines plus pointus) ; un des questionnements essentiels réside enfin

dans la définition des problématiques (que veut-on savoir et quels indicateurs utiliser ? quelle

interprétation des phénomènes urbains ?...)

Tous ces systèmes d’observation, s’ils évoluent progressivement, passant d’une

approche très statistique à une approche plus dynamique, explicative et qualitative, mènent

encore aujourd’hui des analyses thématiques verticales en considérant peu les

interdépendances entre tous les aspects d’un phénomène urbain.

B Limites et enjeux de ces dispositifs d’observatio n de quartiers

Ces observatoires de quartiers, indispensables au suivi des quartiers prioritaires,

présentent aujourd’hui certaines limites, souvent identifiées par les organismes les mettant

en oeuvre.

1- Des approches encore très sectorielles

Le fonctionnement par approches sectorielles de ces observatoires de quartiers, le

manque de transversalité entre les thématiques dans l’observation des quartiers de la

politique de la ville a été soulevé dans le cadre d’un atelier portant sur l’observation locale de

la politique de la ville, organisé par le RésO Villes en juillet 200626. Cette approche par

thématique peut constituer un angle de départ pour l’observation. Seulement, les

observatoires de quartiers ne considèrent pas les interfaces entre toutes les composantes,

qui sont pourtant nombreuses.

Prenons l’exemple des domaines du social et de l’habitat, très souvent analysés séparément

et constituant pourtant des champs très corrélés, la géographie sociale d’un territoire se

superposant bien souvent à celle de l’habitat.

26 Réunion de différents acteurs de RésO Ville (Etat, CCAS, DSU…) qui s’est tenue à Rennes le 30 mars 2006. RésO Villes est un centre de ressources sur la politique de la ville en Bretagne et dans les Pays de la Loire. Opérationnel depuis 2001, c’est le septième centre de ce type en France et le premier à caractère interrégional. Ce centre facilite la mise en réseau entre tous les acteurs des 15 contrats de ville, la confrontation des pratiques et permet de capitaliser les expériences. Site : www.resovilles.com

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

58

Ce cloisonnement peut en partie être expliqué par une approche très quantitative, basée

sur des données essentiellement statistiques et par l’utilisation d’indicateurs ne croisant pas

les sources de données et destinés à des fins de gestion (exemple des indicateurs issus de

la Caisse d’Allocations Familiales et destinés à la description de l’évolution des populations

en difficulté économique)

On constate cependant une évolution de certains observatoires de quartiers, souhaitant

dépasser cette approche sectorielle. C’est par exemple le cas de l’Observatoire des

Evolutions Sociales et Urbaines (OESU) de l’Agence d’Urbanisme de Lille Métropole.

L’OESU, créé en 1995 par l’Etat, la Communauté Urbaine Lilloise et l’agglomération à l’issue

du contrat d’agglomération, est un système d’observation pérenne avec comme objectif

initial de mettre en évidence les dysfonctionnements sur l’ensemble de l’arrondissement de

Lille afin de permettre un rééquilibrage des territoires.

Depuis le contrat de ville 2002-2006, l’observatoire s’oriente de deux façons :

- une observation permanente est menée sur l’ensemble des communes de

l’arrondissement ;

- une observation plus fine est menée sur les quartiers de la politique de la ville et les

quartiers de la politique de la ville renouvelée sur différentes thématiques : la délinquance, la

santé, le chômage, l’habitat et son peuplement, la pauvreté et l’éducation.

Tout comme d’autres agences d’urbanisme (l’ADEUPa de Brest…) réfléchissant à l’évolution

de leur mission d’observation des territoires, l’OESU de Lille souhaite aujourd’hui réorienter

sa méthodologie d’analyse, afin de parvenir à une analyse croisée, à un décloisonnement

des différentes thématiques traitées jusqu’ici verticalement. (voir tableau page suivante).

Ce décloisonnement thématique est un véritable enjeu pour l’observation urbaine.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

59

Des champs d’observation thématiques et sectoriels

Source : Observatoire des évolutions sociales et urbaines de Lille (OESU)

Thématiques Indicateurs sociaux et urbains Sources Producteurs Niveau géographique de récupération des

données

DEMOGRAPHIE

- Population sans double compte - Densité brute résidentielle

- Soldes naturel et migratoire (moyennes annuelles)

- Structure de la population par sexe - Structure de la population par

nationalité

RGP de 1982, 1990, 1999

INSEE Commune et IRIS

POPULATION ACTIVE

- Population active - Taux d'activité

Structure de la population active par sexe

- Structure de la population active par âge

- Structure de la population active par CSP

RGP de 1982, 1990, 1999 INSEE Commune et IRIS

CHOMAGE EMPLOI PRECAIRE

- Nombre de chômeurs - Structure des demandeurs d'emploi

par âge - Structure des demandeurs d'emploi

par sexe - Structure des demandeurs d'emploi

par formation - Structure des demandeurs d'emploi

par qualification - Précarité de l'emploi parmi les salariés

RGP de 1982, 1990, 1999

DEFM, catégorie 1,

décembre 1996 et décembre

2000

- INSEE, ANPE

- ANPE

- ANPE

- ANPE

- INSEE

Commune et IRIS

COMPOSITION DU PARC DE

LOGEMENTS

- Evolution du parc de logements - Catégorie de logements

- Date de construction des logements - Logements collectifs et individuels

(résidences principales) - Taille des résidences principales

RGP de 1982, 1990, 1999 INSEE Commune et adresse

RENOUVELLEMENT ET DYNAMISME DE

L'HABITAT

- Construction de logements (répartition collectif/individuel, public/privé) - Réhabilitation du parc privé

(subventions/primes)

Fichiers des déclarations d'intention d'aliéner

DDE, Communauté

Urbaine

SCOLARITE FORMATION

- Niveau de formation de la population de 15 ans ou plus

- Enfants scolarisés - Lieu de scolarisation des enfants - Retard des élèves résidant dans

l'arrondissement de Lille

Inspection

académique, rectorat

Communes

REVENU AIDES SOCIALES

- Revenu annuel des foyers fiscaux - Nombre de bénéficiaires du RMI

- Nombre de bénéficiaires de l'APL (parc social)

- Nombre de bénéficiaires de l'AL (parc privé)

CAF de Lille, Roubaix-

Tourcoing, Armentières

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

60

2- La généralisation des observatoires des Zones Ur baines Sensibles : les limites

d’une démarche descendante

La mission d’observation des quartiers prioritaires s’étend toujours aujourd’hui avec la loi

Borloo du 1er août 2003 relative à la ville et à la rénovation urbaine. C’est la première fois

dans une loi que s’inscrit une exigence d’observation nationale et locale dans un souci de

compréhension des phénomènes urbains : ce texte marque donc une avancée dans la

légitimation de la fonction d’observation.

Cette exigence se traduit par :

- la participation de l’Etat à l’observation locale par la mise à disposition des analyses de

l’observatoire des ZUS ;

- l’obligation pour les communes et les intercommunalités concernées d’un rapport annuel

d’observation ;

- la mise au débat public des résultats de l’observation.

Cette loi fixe des programmes d’action pour les zones urbaines sensibles (zones définies

dans la loi d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire de février

1995) en matière de lutte contre le chômage, de développement économique, de

diversification et d’amélioration de l’habitat, de restructuration des espaces commerciaux…

Ces programmes doivent faire l’objet d’évaluations périodiques sur la base d’une série

d’indicateurs définis dans le texte de loi. Les indicateurs, s’ils sont destinés à alimenter

l’observatoire national des zones urbaines sensibles en vue de l’évaluation des politiques

publiques nationales conduites au sein de la politique de la ville, doivent également

permettre un suivi des zones urbaines sensibles à une échelle locale.

Outre une généralisation de l’activité d’observation et une évaluation de plus en plus

systématique des actions publiques, plusieurs critiques peuvent être émises à l’égard des

articles de cette loi sur la mission d’observation.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

61

D’une part, les objectifs de chaque politique publique ainsi que les indicateurs proposés

pour les évaluer ont été formulés de façon descendante et doivent être applicables à toutes

les zones sensibles : ils ne tiennent pas compte du contexte local, de la situation et de

l’évolution socio-économique de chaque zone urbaine sensible et la marge de manœuvre

semble relativement faible pour les pouvoirs locaux. Cette logique entre en contradiction

avec la nécessité affichée d’actions plus territorialisées, plus spécifiques à chaque situation.

Cette série d’indicateurs définie pour l’observation locale, en plus d’être quantitativement

importante, ne s’avère pas forcément pertinente selon les territoires et ne prend pas en

compte les difficultés à récupérer les données, nécessitant de l’énergie et la mise en place

de partenariats. Certains de ces indicateurs ont par ailleurs des définitions peu précises et

peuvent être interpréter de différentes façons.

L’exemple de ces observatoires traduit ici une dimension paradoxale des pouvoirs

publics, qui, tout en souhaitant localiser ses politiques, à les adapter à chaque contexte, en

rendant systématique le devoir d’observation, continue parallèlement à appliquer partout les

mêmes démarches, d’où une inadaptation des politiques et de leurs objectifs macro à des

situations locales diversifiées.

De plus, on peut s’interroger sur la pertinence de l’objet sur lequel porte l’évaluation.

Une série d’indicateurs a été déterminée pour évaluer chaque politique : une remise en

cause de ces politiques et de leurs enjeux paraît alors difficile ; ce sont les moyens mis en

œuvre pour atteindre leurs objectifs qui sont évalués et modifiés à l’aide d’indicateurs

quantitatifs.

Avec ces indicateurs définis pour chaque politique, il est difficile d’appréhender les

interactions entre toutes les politiques : le fonctionnement sectoriel continu d’opérer et rend

impossible une vision plus stratégique de l’action publique.

3- Des territoires d’observation encore trop restre ints

Une autre limite de ces observatoires des ZUS et plus généralement des observatoires

des quartiers peut être émise : les travaux de ces observatoires se concentrent bien souvent

sur les territoires prioritaires de la politique de la ville, voire sur le suivi des zones urbaines

sensibles ; rarement une comparaison avec les autres territoires est effectuée ce qui rend

impossible la mesure de l’écart avec les autres quartiers de l’agglomération.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

62

Au-delà de l’évaluation des actions réalisées sur ces quartiers, la mesure du

« rééquilibrage » des territoires, du décrochage socio-économique et urbain de certains

d’entre eux et l’appréciation des phénomènes de ségrégation socio-spatiale, paraissent

essentielles et nécessitent que ces quartiers en difficulté aient un référent territorial .

Cette limitation de l’observation à ces territoires prioritaires participe à considérer que le

quartier fonctionne et évolue de façon autonome, indépendamment des territoires qui le

jouxtent et qui pourtant le façonnent.

C’est une approche qui tend à nier la complexité urbaine et les interactions fortes entre

territoires et qui peut aboutir à l’effet inverse des objectifs de départ : l’isolement des

quartiers en difficulté.

Les observatoires des quartiers doivent donc faire face à deux enjeux :

- le développement de la transversalité dans l’observation, par le décloisonnement des

thématiques intrinsèquement liées;

- l’élargissement systématique du périmètre d’étude à l’ensemble des territoires de

l’agglomération afin de mettre en perspective les évolutions des quartiers de la politique de

la ville par rapport à l’ensemble des quartiers de l’agglomération. Le suivi de ces territoires

nécessite des référents. Cet enjeu est de plus en plus pris en compte actuellement.

Ces observatoires de quartiers ont ouvert la voie aux observatoires urbains. Outils de

suivi des quartiers de la politique de la ville, leur fonction s’élargit de plus en plus à

l’évaluation des actions (et de leurs impacts) menées dans les contrats de ville. S’appuyant

sur un programme partenarial et traitant de thématiques variées, ces dispositifs ont permis

un dialogue entre acteurs publics et privés, aux attentes et logiques pourtant différentes.

L’observation urbaine doit désormais répondre à de nouveaux défis. L’approche multi-

thématique développée dans les observatoires de quartiers n’est plus suffisante pour

décrypter la complexité urbaine.

Dans les lois récentes relatives à une meilleure gestion et planification du territoire, le

principe de cohérence qui sous-entend un enjeu de stratégie, devient le maître mot :

cohérence des politiques publiques, cohérence entre territoire de projet et territoire de

gestion…Dans ce contexte, l’observation doit progresser vers une démarche plus

transversale et plus globale.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

63

Le programme ACTEUR, initié par le CERTU, s’inscrit dans cette perspective en proposant

de renouveler les méthodes d’observation urbaine classiques.

Chapitre 2 : Le programme ACTEUR : quels apports po ur

l’observation urbaine ?

Le programme ACTEUR27 (Analyse Concertée des Transformations et des Equilibres

Urbains) a été mis en place par le CERTU (Centre d’Etudes sur les Réseaux, les transports,

l’urbanisme et les constructions publiques). Ce programme a pour objectif de proposer une

méthodologie pour faciliter l’observation des mutations urbaines et l e décloisonnement

des approches .

Son ambition est d’être un lieu de rencontres et d’échanges entre les chercheurs et les

professionnels d’institutions différentes.

A Une méthodologie en quête d’une approche transver sale de la ville

Ce travail découle d’un constat : la complexification des phénomènes urbains et de leurs

interactions aboutit à une dispersion de la réflexion et à un foisonnement d’indicateurs,

souvent difficiles à interpréter. L’observation de ces phénomènes est traditionnellement

basée sur des approches sectorielles répondant à une gestion de l’urgence, mais ne

permettant pas d’appréhender ces phénomènes dans leur globalité. Or, le contexte législatif

récent met en avant la nécessité d’une meilleure gestion et planification, la nécessité d’une

cohérence à la fois territoriale et des politiques, ce qui contribue à une évolution de

l’observation urbaine vers plus de transversalité.

Ce travail réalisé en 2001 consiste à décrire le cheminement afin de passer de questions

souvent sectorielles, d’une lecture verticale du territoire, à des problématiques de départ plus

27 CERTU, Département Aménagement et Urbanisme, Méthode d’analyse transversale pour l’observation des mutations urbaines, 2001, 109p.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

64

globales. Chaque problématique a ensuite été analysée individuellement pour sélectionner

une série d’indicateurs permettant d’y répondre.

Cependant, on constate rapidement que malgré cette volonté de démarche transversale

affichée au départ, la mise en œuvre de cette méthodologie échoue.

Le CERTU a posé les prémices de ce travail dès 1998 en souhaitant développer une

méthodologie homogène au niveau national pour l’observation des mutations urbaines et qui

puisse être décentralisée, méthodologie fondée sur des indicateurs communs permettant

d’assurer des comparaisons dans le temps et dans l’espace . Une première étude a alors

été réalisée, présentant l’identification de dix thématiques et de leurs interfaces ainsi qu’une

première sélection d’indicateurs.

Cette étude a fait appel aux contributions d’un certain nombre de professionnels qui ont

participé à l’émergence des points positifs et des limites de cette démarche.

Ce programme partenarial peut à la fois être utilisé pour l’élaboration d’un diagnostic

territorial, pour la mise en place d’un projet de développement ; il peut constituer une base à

la mise en place d’un observatoire urbain.

La procédure du programme ACTEUR comporte trois étapes permettant de passer des

questions de terrain à la sélection d’indicateurs.

La première étape de ce travail a consisté à poser le cadre général de l’observation en

identifiant les problématiques générales et globales, formulées à partir des questions

sectorielles de terrain.

Six problématiques ont été identifiées :

- la recomposition de l’occupation du sol ;

- la cohésion sociale et les territoires;

- les dynamiques économiques locales et la recomposition des territoires;

- les nouvelles hiérarchies urbaines ;

- l’urbanisation et l’environnement ;

- la transformation des rythmes de vie et les nouveaux modes de gestion urbaine.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

65

Problématiques détaillées du programme ACTEUR

La recomposition de l’occupation

du sol

La cohésion sociale et les

territoires

Les dynamiques économiques locales et la

recomposition des territoires

Les nouvelles hiérarchies urbaines

L’urbanisation et l’environnement

La transformation des rythmes de vie

et les nouveaux modes de gestion

urbaine

- Spécialisation

- Solidarités

- Fragmentation

- Ségrégation

- Disparités

- Relégations

- Structure urbaine et son évolution

- Dynamiques démographiques et sociales

- Fonctionnement des marchés

- Stratégies des opérateurs

- Marges de manœuvres pour les politiques publiques

- Positionnement dans l’armature urbaine

- Polarisation

- Métropolisation

- Singularités locales

- Préservation et valorisation des patrimoines naturels et construits

- Qualité des ressources et du cadre de vie

- Evolution des modes de vie en fonction des usages du temps

- Etalement urbain

- Nouvelles centralités

- Nouvelles densités

- Spécialisation fonctionnelle de l’espace

- Structures urbaines

Source : Méthode d’analyse transversale pour l’observation des mutations urbaines, CERTU.

La diversité et l’étendue des sujets abordés montrent bien la complexité des phénomènes à

traiter.

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66

Pour faciliter cette lecture, la deuxième étape de ce travail a été la formulation des questions

plus précises, permettant ainsi de structurer l’étude des problématiques.

Problématique de la recomposition de l’occupation du sol et angles d’analyse

Source : Méthode d’analyse transversale pour l’observation des mutations urbaines, CERTU

Ces angles d’analyse ont eux-mêmes été structurés en rubriques et sous-rubriques, puis en

questions finales afin de faciliter la sélection d’indicateurs pertinents.

La dernière étape de ce travail, plus technique, a consisté à identifier et à sélectionner les

indicateurs pour répondre aux questions précédemment formulées.

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67

Schéma de synthèse des différentes étapes du programme ACTEUR

Problématique

Rubrique 1 Rubrique 2

Sous rubrique 1

Sous rubrique 2

Sous rubrique 1

Sous rubrique 2

Q 1 Q 2 Q 3 Q 1 Q 1 Q 1Q 2 Q 2 Q 2Q 3 Q 3 Q 3

Indicateurs pour chaque question

Problématique

Rubriques

Sous rubriques

Questions

B Les apports et les limites du programme

1- Les apports du programme

Ce travail constitue une réelle avancée et un renouveau pour l’observation urbaine. C’est

la première fois qu’une méthodologie pour l’observation des mutations urbaines est

proposée.

La démarche représente avant tout un outil de dialogue entre tous les acteurs de

l’aménagement, élus et professionnels.

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68

Ce cadre d’analyse partagé a en effet été élaboré en collaboration entre des

professionnels de différentes instances locales et des chercheurs et permet ainsi la

construction d’une culture et de références communes à tous les acteurs à partir d’une mise

en commun des expériences ; elle peut également permettre de poser les bases d’un

partenariat solide.

Le deuxième enjeu de cette démarche repose sur la comparabilité à la fois dans

l’espace et dans le temps qu’elle permet. La constitution d’une base de questions et

d’indicateurs permet de suivre les informations recueillies et donc l’étude d’une situation

urbaine et de son évolution dans le temps ; ce corpus représente de plus un atout en termes

de comparabilité spatiale entre différents ensembles urbains, dans le cas où son adaptation

locale serait possible. Cette possibilité de comparaison enrichit ainsi les dires de l’urbaniste,

qui peut s’appuyer sur des expériences similaires et sur des éléments fiables d’analyse.

Nous verrons cependant que cette comparaison d’ensembles urbains est difficilement

réalisable.

Un troisième enjeu réside enfin dans la précision des indicateurs , qui ont été validés

après avoir été testés sur différents sites. Chaque indicateur est très détaillé et fait l’objet

d’une justification: source, fournisseur, modes de calcul, échelles d’observation, limites…

Cette précision sur les modes de calcul et l’interprétation qui peut en être faite rendent ces

indicateurs facilement utilisables.

2- Les limites du programme ACTEUR

Les limites d’une méthodologie arborescente

- une approche globale et transversale rendue difficile

L’analyse des problématiques sous différents angles et l’approche quantitative privilégiée

afin de répondre aux questions constituent deux obstacles à la mise en place d’une

observation transversale.

Concernant tout d’abord l’approche par questionnement élaborée ici, on se rend compte

qu’elle participe à une dispersion de la réflexion. La mise en œuvre du programme aboutit

alors à un éloignement des objectifs de transversalité de départ.

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69

Ce découpage de la problématique en rubriques, sous-rubriques et questions finales aboutit

en effet à une série de questions très pointues et spécialisées et finalement sectorielles qui

semblent avoir été indispensables ici pour la définition d’indicateurs. Ces questionnements

préalables à l’observation ont orienté dès le départ l’observation.

D’autre part, malgré la volonté d’une approche transversale et globalisante des

phénomènes urbains qui ne peut pas toujours être mesurée quantitativement, c’est cette

dimension quantitative qui ressort de cette démarche, les indicateurs étant généralement des

indicateurs statistiques et répondant à une seule question. L’approche statistique présente

certes l’avantage de pouvoir répondre à un objectif de comparabilité spatiale en garantissant

la fiabilité et la disponibilité des données mais rend plus difficile voire impossible une vision

globale des phénomènes urbains et une compréhension des interrelations entre ces

phénomènes. Une démarche qualitative, c’est-à-dire fondée sur enquêtes de terrain, sur des

dires d’experts, pourrait compléter l’approche statistique en apportant des éléments

d’interprétation et de compréhension.

La construction d’une culture commune à travers le partage des connaissances entre

professionnels, à travers la définition commune de concepts et le décloisonnement des

institutions, participe cependant à renforcer le caractère transversal de la démarche.

- un foisonnement d’indicateurs

Le découpage de chaque problématique en plusieurs sous-rubriques a de plus donné

lieu à une profusion d’indicateurs et de données de cadrage , un des objectifs de la

démarche étant justement d’éviter ce foisonnement.

Ce catalogue d’indicateurs et la collecte de données sont difficilement gérables : difficulté

d’obtention auprès des services compétents, vérification de la fiabilité et de l’actualisation

des données, traitement et analyse des données…

« L’accumulation des données n’est pas la connaissance », affirme Jean-Charles Castel28.

La multiplication des indicateurs n’est en effet pas nécessaire voire contre-indiquée, pour la

vision globale d’un territoire : l’intérêt est de parvenir à définir quelques indicateurs

pertinents, pouvant croiser plusieurs sources.

28 Jean-Charles Castel est le directeur du groupe Observation Urbaine au CERTU et coordinateur du programme ACTEUR.

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70

Une adaptation locale difficile

Une autre remarque concernant l’adaptabilité de ce programme aux situations locales

peut être émise.

On peut en effet supposer que les questions posées dans le programme ne sont pas

forcément pertinentes et transposables d’un contexte spatial à un autre. Si la principale

préoccupation parait être la comparabilité des situations dans l’espace et dans le temps, on

peut reprocher à cette méthode de ne pas tenir compte des particularités locales, de

l’histoire de chaque territoire.

Cette remarque questionne plus largement la méthodologie élaborée qui propose d’appliquer

les problématiques formulées au préalable à toutes les agglomérations et interroge donc

l’opérationnalité de la démarche en termes de prise de décision locale.

La difficile portée opérationnelle de cette méthode souligne le décalage existant entre

l’objectif de comparabilité des instigateurs du programme et celui des acteurs de terrain

(techniciens et élus) de disposer d’un outil immédiatement opérationnel pour la prise de

décision, premier enjeu de l’observation.

Cette tentative de comparaison des agglomérations semble enfin illusoire si l’on considère

les disparités d’accès à l’information sur le territoire : le recueil des données suppose en effet

des négociations locales et sera différent selon les territoires.

D’autre part, cette démarche est techniquement lourde et extrêmement onéreuse pour

des collectivités locales, obstacle souvent occulté. Les équipes en charge du programme

semblent en effet avoir sous estimé les difficultés et les coûts techniques de sa mise en

œuvre. Une illustration de l’importance des coûts et de la quantité de travail est la réduction

du CERTU à l’élaboration des indicateurs répondant uniquement à la première

problématique de recomposition du sol ; les autres problématiques n’ont pas pu être traitées.

Une collectivité souhaitant mettre en place la totalité des indicateurs devra mobiliser des

ressources humaines et financières lourdes à supporter.

Cette méthode s’est avérée coûteuse en temps, financièrement et en personnel, et

représente une contrainte pour les collectivités désireuses d’expérimenter le programme.

Les limites de ce programme évoquées précédemment révèlent plus généralement

l’impossibilité de mettre en œuvre une méthode d’observation type, standardisée, permettant

la comparaison de différentes situations urbaines et pouvant en même temps être facilement

décentralisée.

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71

Cependant, la méthodologie arborescente proposée paraît plus facilement adaptable et

transposable dans les agglomérations que l’ensemble du programme qui s’avère trop lourd à

gérer.

L’analyse des observatoires urbains mis en place généralement par les agences

d’urbanisme ainsi que l’analyse du programme ACTEUR, démarche proposant un cadre

global pour la mise en place de systèmes d’observation des mutations urbaines, ont révélé

d’une part les nouveaux enjeux auxquels doit répondre l’observation urbaine, d’autre part

les difficultés de mise en place d’une méthodologie standardisée sans perdre de vue ses

objectifs initiaux.

Les éléments de la partie qui suit reposent en partie sur l’expérience de la création d’un

observatoire des mutations urbaines à l’ADEUPa de Brest, qui a comme objectif initial de

suivre les évolutions et la situation urbaine du territoire (voir annexe 3 : rapport de stage).

Cette partie s’intéresse donc aux exigences et aux différents problèmes se posant face à la

mise en place d’un tel observatoire au niveau local ayant un objectif de compréhension et

d’anticipation sur l’évolution d’un territoire.

Chapitre 3 : Exigences de la mise en place de l’obs ervation des

mutations urbaines.

« Plus locale, plus fine, plus qualitative, mieux partagée, mais pas nécessairement

capitalisée de façon satisfaisante, elle suppose (l’observation) une permanente adaptation

de ses méthodes pour restituer, sans la dénaturer, la complexité des phénomènes

étudiés. »29

29 CASTEL, Jean-Charles. Vers une observation plus qualitative, Diagonal, janvier-mars 2004, n°164, p.22.

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72

A Identifier les objectifs de l’observatoire

1- Objectifs, définition de l’observatoire

La mission d’observation revêt aujourd’hui différentes fonctions : traditionnellement appui

d’aide à la décision en amont des politiques, l’observation répond en plus aujourd’hui à un

enjeu de suivi voire d’évaluation des politiques publiques, l’évaluation envahissant tous les

champs de l’aménagement urbain. Ces différents objectifs supposent alors de bien définir

dans un premier temps ce que l’on attend d’un observatoire avant sa mise en place et de ne

pas le considérer comme un outil à tout faire.

Suivre les évolutions urbaines d’un territoire ou évaluer les impacts d’une politique sont deux

activités bien distinctes et correspondent à des enjeux, des temporalités et des techniques

d’observation différents30, à des destinataires différents.

Que veut-on observer ?

La complexification des territoires urbains et les multiples interactions entres les

différentes facettes les composant rendent une approche globale et transversale

indispensable mais rendent plus difficile le choix des thématiques à analyser.

Une des premières questions qui se pose lors de la création d’un tel observatoire est de

savoir ce que l’on veut observer et ce qui paraît pertinent à observer. A la différence d’un

observatoire thématique où les champs d’observation sont assez vite définissables et limités,

le champ des évolutions urbaines est très vaste et recouvre des thématiques multiples et

très liées entre elles.

La préoccupation principale de ces observatoires urbains, ou plutôt des mutations urbaines,

est de savoir comment qualifier les territoires aujourd’hui et co mprendre comment ils

ont évolué, mais aussi de savoir ce qu’ils vont dev enir, d’anticiper sur leur futur ; de

dégager les principaux enjeux et les priorités d’action.

30 CASTEL, Jean-Charles. Défis contemporains de l’observation urbaine, Diagonal, janvier-mars 2004, n° 164, p.25.

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73

Définir les notions utilisées

Un travail de définition des notions utilisées au préalable est indispensable. Des notions

comme le logement social ou le taux de chômage peuvent être définis différemment selon

les producteurs de données, et nécessitent alors une définition commune entre tous les

partenaires.

2- L’intérêt d’une approche systémique pour l’obser vation des mutations urbaines

La méthodologie ACTEUR, présentée précédemment, a bien mis en évidence la

recherche nécessaire de transversalité dans l’observation.

Pour définir plus précisément cette approche, on peut faire référence ici au concept de

démarche systémique, démarche qui s’oppose aux approches sectorielles et thématiques

menées jusqu’à présent, tout en les complétant.

La démarche systémique consiste à rendre compte du fonctionnement de l’ensemble

d’un système , ce qui nécessite, au-delà d’une analyse de chaque composante de ce

système, la prise en compte du jeu d’échanges, d’interactions existant entre toutes les

composantes et l’appréhension des impacts d’une composante sur l’autre. Voici un exemple

pouvant illustrer cette prise en compte et la nécessité d’une analyse systémique.

Dans les agences d’urbanisme, les thématiques de l’habitat et du social font chacune l’objet

d’un observatoire à part entière, s’adressant à des partenaires différents mais généralement

aux mêmes décideurs.

Or, le type d’habitat induit fortement le peuplement et donc la géographie sociale d’un

territoire, en fonction de l’offre en logements disponibles et accessibles aux demandeurs. A

Brest, on observe ainsi que les situations sociales difficiles se rencontrent souvent dans le

parc locatif social ancien mais également dans le parc locatif privé du centre-ville, jouant une

fonction d’accueil et abritant ainsi une population caractérisée en partie par une instabilité

professionnelle. On observe donc ici de forts impacts d’un secteur sur un autre.

L’approche systémique présente l’avantage, par rapport aux observatoires thématiques,

de décrypter toutes les interdépendances entre les différentes composantes des espaces et

des systèmes urbains. Nous verrons que cette démarche doit également se retrouver dans

la prise en compte des diverses échelles spatiales de plus en plus imbriquées et très

interdépendantes ; dans la prise en compte des échelles temporelles en articulant court,

moyen et long terme.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

74

Les agences d’urbanisme, de part leur composition pluridisciplinaire, de part la grande

connexion existant entre leurs observatoires thématiques et les relations qu’elles tissent

avec l’extérieur, paraissent être les structures les plus aptes à la mise en place de cette

démarche systémique.

Cependant, cette démarche systémique reste cependant un cadre conceptuel ,

indispensable pour décrypter la complexité urbaine, mais nécessitant qu’une méthodologie

pour chaque observatoire local soit élaborée.

Plusieurs éléments méthodologiques sont toutefois induits par cette approche:

- elle nécessite une approche plus qualitative permettant de donner du sens aux

phénomènes observés et de parvenir à cette vision plus transversale;

- une pérennisation de l’outil d’observation est par ailleurs indispensable ;

- elle impose une adaptabilité de l’observation à des territoires en constante mouvance, et

interdépendants.

Deux types de méthode peuvent être avancés :

- on peut définir dès le départ des thématiques transversales, c’est-à-dire englobant

plusieurs prismes, et pouvant décrire et expliquer l’ensemble d’une situation urbaine. C’est la

méthode choisie par le programme ACTEUR. Elle comporte toutefois le risque d’orienter

l’observation au préalable et suppose une certaine vigilance dans la définition des

indicateurs, afin de ne pas les multiplier;

- la deuxième démarche consisterait alors de partir des données facilement disponibles et

d’indicateurs déjà élaborés dans les observatoires existants, et de partir de la problématique

très générale des mutations urbaines. Cette démarche, si elle écarte l’obstacle de

l’accessibilité aux données, présente le risque de vouloir tout observer et d’aborder des

objets très corrélés, voire redondants.

Dans les deux cas, il faudra privilégier la pertinence des thématiques et des indicateurs

plutôt que l’exhaustivité.

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75

B A la recherche du bon indicateur

1- Le choix des indicateurs quantitatifs

Au regard de la complexité des processus urbains à observer, il est indispensable de

disposer d’indicateurs pertinents traduisant les réalités urbaines.

Un indicateur peut être défini comme « une variable qualitative ou quantitative (donc

chiffrable) permettant, seule ou avec d’autres, l’appréciation d’un phénomène non mesurable

et non quantifiable à partir d’une échelle de valeurs normative et/ou comparative »31.

Définir des indicateurs pertinents

Les indicateurs quantitatifs, s’appuyant sur des données statistiques, sont

traditionnellement les plus reconnus et les plus utilisés car ils permettent une mesure chiffrée

des phénomènes.

Le foisonnement d’indicateurs dans les observatoires urbains est une erreur souvent

soulignée et révèle peut être le manque de précision dans les objectifs et les problématiques

de départ. Cette multitude de données va de même participer à une dispersion de la

réflexion et à rendre l’outil d’observation moins efficace et moins opérationnel. Une multitude

d’indicateurs engendre également des coûts financiers plus importants.

Il est donc indispensable de définir un nombre limité d’indicateurs quantitatifs pertinents.

Le croisement des données pourra être une des solutions afin de ne pas multiplier ces

indicateurs.

Cependant, la sectorialité ayant jusque-là dominé dans l’action publique autant que dans la

réflexion en amont, les sources d’où proviennent les données n’ont jamais été mises en

relation, alors que leur croisement peut aboutir à la création d’un indicateur pertinent. Ce

cloisonnement entre sources de données découle du fait que ces données sont toujours

produites à une seule fin, selon la logique particulière du producteur sans qu’il n’y ait de

perspective d’échange. Les fichiers de la Caisse d’Allocations Familiales, fichiers de gestion,

sont par exemple utilisés pour assurer les prestations sociales et non à une fin d’analyse

statistique.

Il faut alors que l’institution partenaire tire un avantage de fournir ses données. Un traitement

statistique des fichiers CAF peut par exemple permettre à cette institution une meilleure

compréhension de son public.

31 CERTU, op.cit., p. 57.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

76

Après la constitution d’une série d’indicateurs, une première expérimentation révèlera les

indicateurs les plus pertinents dans l’étude des mutations urbaines.

Les indicateurs statistiques se déclinent en deux catégories, les indicateurs de cadrage et

les indicateurs actualisables plus régulièrement.

Les indicateurs de cadrage

Quelque soit la problématique de départ, il est indispensable de disposer d’un certain

nombre d’informations décrivant le contexte global .

« Les données de cadrage permettent de décrire quantitativement le contexte global dans

lequel s’inscrit le territoire observé. »32 Ces données de cadrage sont généralement issues

du recensement général de la population de l’INSEE, réalisé tous les neuf ans.

Ces informations décrivent des tendances « lourdes », qui ne varient pas d’une année sur

l’autre et c’est en ce sens qu’elles posent le cadre général de la réflexion. Elles peuvent en

outre servir de données complémentaires aux indicateurs renouvelables régulièrement dans

le sens où elles peuvent aider à la compréhension de résultats observés avec ces

indicateurs ; elles permettent de relativiser certains résultats pouvant apparaître comme

anormalement élevés ou faibles.

Exemples d’indicateurs de cadrage

Thèmes Indicateurs Sources

Répartition par âge RGP, INSEE

Taille des ménages RGP, INSEE Population

Motorisation des ménages RGP, INSEE

Taux de chômage RGP, INSEE

Population active Structure de la population active

par CSP

RGP, INSEE

Taille des résidences principales RGP, INSEE Logement

Statut d’occupation RGP, INSEE

32 CERTU, op.cit., p. 59.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

77

Les indicateurs renouvelables

Nous avons nommé indicateurs renouvelables les indicateurs constitués par des

données qui peuvent être renouvelées chaque année et qui sur le long terme, sont

susceptibles d’influer sur les données de cadrage.

Ces indicateurs informent sur des phénomènes plus conjoncturels, qui sont variables sur du

court terme. Elles offrent une vision actualisée et dynamique d’une situation.

On retrouve souvent dans cette catégorie les revenus fiscaux, les données émanant de la

CAF, les données sur le marché de l’immobilier, données actualisables annuellement.

Disposer de ces données renouvelables fréquemment suppose un partenariat solide avec

les fournisseurs de données.

Exemples d’indicateurs renouvelables annuellement

Thèmes Indicateurs Sources

Revenus fiscaux Direction Générale des Impôts

Population Population couverte par les minima

sociaux

Caisse d’Allocations Familiales

Immobilier/Population

Répartition des acheteurs selon

leur âge sur le marché de

l’occasion

Direction Générale des Impôts

Le choix des indicateurs peut être guidé par plusieurs aspects :

- par leur pertinence par rapport à la problématique à laquelle ils répondent ;

- par leur intérêt pour des études comparatives dans le temps ;

- par leur facilité de lecture (ce qui nécessite de trouver un mode de représentation

adapté : tableaux d’indicateurs, graphiques, représentations cartographiques…), de

compréhension et d’interprétation. ;

- par leur facilité de mise en œuvre (techniquement, accès aux sources…). Il est capital de

connaître les conditions de production de données et de savoir si leur exploitation n’est pas

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

78

trop difficile à réaliser ; de disposer de données régulièrement actualisables afin que

l’observation soit représentative de la réalité et non en décalage.

Ce critère est déterminant dans le choix des indicateurs qui doivent être opérationnels

rapidement ;

- la fiabilité des données semble être un des critères de sélection des indicateurs des plus

importants, l’observation devant retranscrire la réalité des faits urbains. Cette dimension

questionne par exemple les données issues du recensement rénové de l’INSEE,

recensement qui s’effectue désormais sur une forme de sondage s’appuyant sur les

informations déclaratives de la population. Si ce recensement rénové permet de gagner en

actualité de l’information et donc en réactivité (l’âge moyen d’une donnée devrait être de trois

ans au lieu de six ou neuf ans), des inquiétudes émanent des futurs utilisateurs quant à

l’utilisation de ces données.

Des difficultés d’ordre technique sont déjà apparues et limitent ainsi la fiabilité des futures

données INSEE: ce nouveau procédé se base sur la réalisation préalable d’un fichier

d’adresse (le répertoire d’immeubles localisés) à partir duquel seront effectués les sondages.

Une vérification de ce fichier a été demandée à chaque commune pour les adresses les

concernant : devant le coût financier et temporel de l’opération, les vérifications ont dû être

très limitées dans certaines villes et ont conduit à recenser des dizaines de mauvaises

adresses.

2- La prise en compte des indicateurs qualitatifs p our le passage à une approche plus

transversale

Cette recherche de transversalité dans l’observation, nécessaire pour décrypter les

relations entre les dimensions urbaines, sociales et économiques, dimensions

intrinsèquement liées, exige de compléter une vision purement statistique avec une

observation plus qualitative. L’approche qualitative peut permettre de pallier à la difficulté de

mettre en relation et d’expliquer les faits observés : elle participe ainsi au déroulement de la

démarche systémique.

On peut en effet reprocher à beaucoup d’observatoires urbains (observatoires de

quartiers) de ne fournir qu’une description des phénomènes, qu’une vision chiffrée d’une

situation ou d’une évolution, avec l’utilisation de l’approche quantitative ; une vision

qualitative va apporter un sens, une interprétation aux phénomènes observés.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

79

D’autres aspects ne sont de plus pas mesurables par la statistique. Il s’agit notamment

des préoccupations actuelles relatives au cadre de vie imposant une compréhension des

comportements des trajectoires résidentielles par exemple. D’autres aspects sont aussi non

quantifiables mais nécessaires à une information globale et complète : ils concernent les

stratégies et les jeux d’acteurs, qui peuvent apparaître dans les dires d’experts, les jeux

d’ordre politique.

Ces informations sont difficilement traductibles en indicateurs et leur restitution est alors

écrite. Plusieurs procédés permettent d’obtenir ces informations qualitatives et peuvent faire

intervenir les compétences du sociologue : observation des pratiques des usagers, enquêtes

qualitatives, sondages…

La démarche quantitative ne peut plus se passer aujourd’hui de la richesse cette

approche plus qualitative, essentielle pour une observation plus dynamique. Seulement, les

coûts temporels, et donc humains et financiers que génère cette dimension qualitative,

peuvent représenter un frein à l’élaboration de ces outils.

L’appréciation qualitative des phénomènes se développe cependant et correspond à un

effort et un besoin de transversalité dans l’analyse des mutations urbaines ; elle s’inscrit en

outre au cœur des politiques urbaines récentes s’attachant à renforcer la participation.

C Quelles échelles d’observation ?

L’observation urbaine retranscrit des phénomènes urbains évolutifs dans un contexte

géographique mais aussi temporel. Ces deux dimensions doivent alors être intégrées dans

les indicateurs.

1- Quelles échelles temporelles … ?

Deux échelles de temps sont à distinguer : la période sur laquelle s’inscrit l’observation,

et la fréquence correspondant à la mise à jour des données.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

80

La nécessaire pérennisation du dispositif d’observation

La pérennisation du dispositif d’observation constitue un enjeu important pour

plusieurs raisons.

L’observation urbaine doit aujourd’hui s’inscrire dans la durée, dans une dimension

historique dans la mesure où elle analyse des évolutions temporelles nécessitant la

connaissance du passé du territoire pour expliquer le présent et anticiper sur le futur. Cette

permanence du système d’observation est d’autant plus indispensable pour les décideurs

qu’il va servir à la caractérisation et à la compréhension de territoires toujours évolutifs. Les

réponses ponctuelles apportées à certains dysfonctionnements doivent être remplacées par

une logique de gestion du territoire sur le long terme.

Cette pérennité du dispositif est de plus nécessaire dans la mesure où sa mise en place et

notamment celle des partenariats et des conventions prend du temps. Cette étape est objet

de négociations avec les partenaires locaux et s’avère particulièrement importante pour

l’élaboration d’une approche transversale et globale. Elle exige de rassembler différents

protagonistes autour d’un objet commun, acteurs aux points de vue et enjeux souvent

divergents.

Ce nouveau type d’observation exige d’autre part un changement des mentalités chez

les décideurs et l’ensemble des acteurs, qui ne peut s’effectuer que sur le long terme. Il faut

en effet que l’utilité et les apports de la démarche par rapport aux approches sectorielles

traditionnelles soient bien perçus.

Outre la pérennité de l’observation nécessitée pour l’objet étudié, une observation pérenne

signifie enfin l’efficacité et l’amélioration du système d’observation. L’observation des

mutations urbaines étant une activité relativement récente, elle nécessite d’expérimentations

dans la durée qui consolideront et perfectionneront le dispositif mis en place (exemple de

l’OESU de l’agence d’urbanisme de Lille).

La fréquence de l’observation

L’observation doit être capable de rendre compte des potentialités de mutation sur le

court terme induisant des interventions rapides : en ce sens, l’observation est un outil de

gestion en temps réel et demande actualisation et réactivité. Elle rend aussi bien compte de

tendances prospectives positionnant le territoire sur le long terme.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

81

Cette diversité des échelles temporelles se dessine à travers les indicateurs. Les

phénomènes conjoncturels, c’est-à-dire dont les évolutions sont perceptibles sur le court

terme, imposent une observation régulière et donc des indicateurs actualisables. Il s’agit

notamment des indicateurs relatifs au marché de l’immobilier ou aux difficultés sociales, qui

doivent être mobilisés chaque année. Les données de cadrage indiquent des tendances qui

évoluent assez lentement.

2 … et spatiales de l’observation?

La pertinence de l’échelle spatiale d’observation est une des questions fondamentales

dans la mise en place d’un observatoire des mutations urbaines. La définition d’un territoire

d’observation relève en fait d’une adaptation perpétuelle à la mouvance territoriale. Le

territoire pertinent de l’observation doit correspondre à l’espace vécu et doit être le plus

pertinent pour la définition et la mise en œuvre des politiques publiques.

La lecture des espaces urbains fait apparaître en effet une imbrication constante des

territoires ce qui oblige la pérennité du dispositif. Cette pérennité de l’outil permettra alors de

redéfinir des zonages de savoir entendus ici comme les périmètres pertinents d’étude,

dépassant souvent et de plus en plus les zonages de pouvoir, ne correspondant plus aux

limites institutionnelles33.

Cette définition du périmètre d’étude est le préalable à l’observation ; elle est à la fois

conditionnée et déterminée par l’observation .

L’observation doit à ce niveau faire face à deux difficultés : rechercher le territoire

d’analyse le plus pertinent possible, à une échelle assez large englobant de plus petites

échelles : ce périmètre prend généralement en compte plusieurs intercommunalités ou

parties d’intercommunalités interdépendantes ; d’autre part, les différentes problématiques

traitées nécessitent un maillage territorial plus fin qui soit figé pour faciliter les analyses

temporelles.

33 LEMONIER, Marc. Territoires de pouvoir et territoires de savoir, Diagonal, janvier-mars 2004, n°164, p.31.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

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Un périmètre d’observation large…

L’étude des phénomènes urbains et l’approche globale qu’elle nécessite justifient un

périmètre d’observation large.

L’échelle globale privilégiée depuis 1999 est l’aire urbaine, comme l’entend l’INSEE, celle de

l’agglomération définie par la loi Chevènement ne correspondant plus aux périmètres des

territoires vécus.

Ces périmètres dépassent aujourd’hui ceux de l’aire urbaine, ce qui met en évidence la

nécessaire adaptation des échelles d’observation et d’intervention. Les territoires politiques

traditionnels ne sont plus valables en tant que territoires d’étude et d’action.

L’observation s’étend actuellement à des périmètres de plus en plus larges, atteignant

l’échelle régionale.

.

… englobant plusieurs mailles d’observation

Cependant, la mesure de certains phénomènes mérite d’être affinée à des échelles plus

restreintes, infra-communales par exemple. On peut par exemple apprécier l’évolution du

parc public d’une ville-centre en l’analysant à l’échelle de l’IRIS 2000 ou des quartiers.

Ces découpages et ces zonages sont nombreux, variant selon les contextes locaux destinés

à des comparaisons temporelles d’un même territoire. La comparaison de situations locales

à un niveau national est alors une tâche complexe malgré les définitions nationales de

l’INSEE.

Une autre difficulté pour la recherche d’une échelle spatiale de référence réside dans le

fait que l’apport d’informations exige le recours à des partenaires extérieurs, exploitant ces

données à des fins avant tout de gestion.

Les données de la caisse d’allocations familiales, de la direction générale des impôts ou

de l’INSEE recouvrent des périmètres différents. Des indicateurs ne seront pas alors

renseignés sur certains territoires.

Les découpages à une échelle fine peuvent par ailleurs être différents de ceux déterminés

pour l’observatoire, ce qui demande un effort d’adaptation et de traitement des statistiques

de départ.

Les niveaux géographiques varient en outre selon les thèmes et les sources.

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Conditions et exigences actuelles de l’observation urbaine

83

Les échelles spatiales des observatoires urbains étant jusqu’à présent celles de l’INSEE

(îlot, IRIS 2000, commune, aire urbaine…), les fichiers provenant de cette source sont

toujours les plus facilement exploitables. Depuis 1999, un nouveau zonage géographique est

apparu avec l’INSEE, l’IRIS 2000, échelon qui regroupe plusieurs îlots et qui ont une taille

comprise entre 2000 et 4000 habitants. Ce nouveau zonage est l’échelon standard de

diffusion du recensement et constitue le découpage infra-communal le plus utilisé dans les

observatoires.

Le découpage géographique défini dans les observatoires peut cependant s’appuyer sur

des critères de cohérence culturelle, de vie sociale, de fonctionnement urbain. L’observatoire

des évolutions sociales et urbaines de Lille a pris ce parti de définir des quartiers de vie

comme zonage d’observation ; l’observatoire social de l’Agence d’urbanisme de Brest a

également « construit » des quartiers, en se basant sur des critères de fonctionnement

urbain et social, par regroupement d’IRIS 2000.

L’approche systémique se retrouve donc également à un niveau spatial et temporel.

Toutes les informations recueillies pour l’observation des mutations urbaines doivent être

rapportées à des échelles territoriales et temporelles à travers lesquelles s’organise un

système.

Nous aurons vu dans cette deuxième partie que l’observation urbaine se limite encore

trop à une approche par thématique. Le besoin de transversalité dans la lecture des espaces

et la mise en place d’une approche systémique ont fait ressortir les éléments, les exigences

à prendre en compte pour l’expérimentation d’une telle démarche.

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Conclusion

L’enjeu de cette réflexion est de rendre compte des évolutions de l’activité d’observation

des agences d’urbanisme, comme outil d’aide à la décision, qui doit aujourd’hui répondre à

de multiples enjeux.

La première piste de travail consistait à analyser les impacts des nouveaux cadres

institutionnels et législatifs sur cette mission d’observation.

Par le renouveau de l’action publique, le rôle d’accompagnement de l’activité d’observation

tout au long du processus de décision est reconnu, renforcé et élargi.

Désormais, l’observation doit sans cesse faire preuve de sa capacité à être en phase avec

les évolutions spatiales et sociétales et à la fois en avance, en décalage avec des territoires

institutionnels figés, et ainsi avec les pouvoirs locaux : elle doit pour cela être toujours plus

réactive .

Son rôle dans le processus de décision se trouve par ailleurs élargi : l’observation est de

plus en plus sollicitée dans toutes les phases de la décision publique, avec l’introduction

grandissante de l’évaluation « concomitante ». Afin de permettre des réajustements de

l’action publique, l’observation doit être une activité pérenne , capable d’être en adéquation

avec les mutations permanentes de la société, et de retranscrire constamment ces nouvelles

réalités.

La deuxième piste de travail concernait le développement de l’observation urbaine et de

la transversalité.

Cette notion de transversalité , apparaît dans les récents textes de lois sur l’action

publique, et devient le maître mot des nouveaux documents d’urbanisme. Par transversalité

de l’observation, on entend donc ici un regard croisé dans l’analyse des phénomènes et des

espaces urbains.

La complexification des phénomènes urbains, l’imbrication croissante des échelles

territoriales, l’élargissement des espaces vécus, supposent en effet de dépasser les

approches sectorielles habituelles et de parvenir à une approche plus croisée. C’est par le

développement de cette démarche que l’action publique tendra vers plus d’efficacité :

l’observation transversale permettrait ainsi de soulever les principaux enjeux territoriaux

indispensables à la définition des priorités d’action.

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Les démarches d’observation urbaines progressent : elles permettent de plus en plus

d’appréhender les changements, d’inscrire leurs analyses dans une lecture temporelle des

espaces. Cependant, elles se limitent encore actuellement à une approche multi thèmes,

certainement indispensable pour une connaissance très fine de différents domaines, mais

s’avérant insuffisante à la lecture des espaces actuels.

Le faible développement de cette approche peut s’expliquer par un modèle de penser et

d’agir sectoriel encore dominant ; par les difficultés de mise en œuvre de la transversalité.

La mise en place d’une approche systémique dans l’observation est difficile, comme l’a

révélé le programme ACTEUR. L’analyse de ce programme a particulièrement souligné

l’impossibilité de transposer l’ensemble de cette démarche à une échelle locale,

principalement pour des raisons techniques et financières. Il ne faut pas oublier par ailleurs

que l’observation, par son rôle d’accompagnement des politiques, revêt une portée

opérationnelle, elle doit donc être fonctionnelle rapidement.

Pour cela, les expérimentations d’une démarche systémique devront émerger de façon

ascendante, une fois que les décideurs locaux auront mesuré l’utilité d’une telle démarche.

Ce n’est de plus que par une observation des particularités de chaque contexte local, que

pourront émerger des politiques plus territorialisées.

Nous avons vu que la réalisation de cette approche systémique n’est possible que si

certaines exigences sont respectées : apport d’une vision qualitative, définition d’indicateurs

pertinents, allers-retours dans les échelles spatiales d’une part, dans les échelles

temporelles d’autre part.

Cette approche, en renouvelant les méthodes d’observation, interroge la capacité des

professionnels à s’ouvrir à d’autres disciplines. Un des apports du programme ACTEUR aura

été d’ouvrir la voie à une acculturation de tous les partenaires engagés dans la démarche,

en favorisant le décloisonnement entre institutions, et en ouvrant des passerelles avec le

monde de la recherche, trop souvent isolé.

L’approche systémique invite alors à un changement progressif des mentalités chez les

décideurs et chez les professionnels de l’urbanisme, condition de réussite de l’observation

transversale.

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Liste des illustrations

1 Le réseau des agences d’urbanisme en France p. 10

2 Proportion d’habitants de la CUB qui résidaient en 1999 dans le même logement qu’en

1990 p. 26

3 Variation de population entre les recensements p. 27

4 Typologie des quartiers par surreprésentation des catégories socio professionnelles p. 29

5 Le Pays de Brest, 7 intercommunalités, 89 communes p. 30

6 Construction neuve de logements entre 1999 et 2005

sur le bassin de vie quimpérois p. 39

7 L’incohérence entre le bassin de vie et le périmètre de Quimper Communauté p. 40

8 L’évaluation dans un processus de décision linéaire p. 43

9 Récapitulatif des différents systèmes d’observation p. 54

10 Des champs d’observation thématiques et sectoriels p. 58

11 Problématiques détaillées du programme ACTEUR p. 64

12 Problématique de la recomposition de l’occupation du sol

et angles d’analyse p. 65

13 Schéma de synthèse des différentes étapes du programme ACTEUR p. 66

14 Exemples d’indicateurs de cadrage p. 76

15 Exemples d’indicateurs renouvelables annuellement p. 76