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ISSN : 0382-084X • 8 $ lettres québécoises LOUIS-PHILIPPE HÉBERT AUTOPORTRAIT Je n’ai jamais voulu bien écrire par LOUIS-PHILIPPE HÉBERT ENTRETIEN L’écrivain des machinations par NICOLAS TREMBLAY PROFIL L’ourdisseur d’univers par JEAN-PIERRE VIDAL NOUVELLE Sergio Kokis, Culs-de-sac « L’un des plus prolifiques auteurs québécois et certainement l’un des plus fascinants, tant il excelle dans l’art de raconter » par MICHEL LORD ESSAI Gérard Beaudet Les dessous du printemps étudiant. Les relations troubles des Québécois à l’histoire, à l’éducation et au territoire « L’échec de la Révolution tranquille aura été de ne pas réussir à faire un projet de société du projet éducatif défendu par le rapport Parent » par SAMUEL MERCIER DOSSIER Quand les langues se touchent « On dit parfois des traducteurs, qu’ils sont de grands oubliés, les invisibles de la littérature » par JEAN-FRANÇOIS CARON Poste-publications convention n o 41868016 Service d’abonnement SODEP C.P. 160, succ. Place d’Armes, Montréal (Québec) H2Y 3E9 Automne 2013 n o 151 REVUE fondée en 1976 la revue de l’actualité littéraire Extrait de la publication

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iSSN : 0382-084X • 8 $

lettres québécoises

LOUIS-PHILIPPEHÉBERTAutOPORtRAitJe n’ai jamais voulu bien écrirepar LOUIS-PHILIPPE HÉBERT

ENtREtiENl’écrivain des machinationspar NICOLAS TREMBLAY

PROfill’ourdisseur d’universpar JEAN-PIERRE VIDAL

NOuvEllESergio Kokis, Culs-de-sac

« l’un des plus prolifiques auteurs québécois etcertainement l’un des plus fascinants,

tant il excelle dans l’art de raconter »par MICHEL LORD

ESSAiGérard Beaudet

Les dessous du printemps étudiant. Les relations troubles des Québécois

à l’histoire, à l’éducation et au territoire« l’échec de la Révolution tranquille

aura été de ne pas réussir à faire un projet de société du projet éducatif

défendu par le rapport Parent »par SAMUEL MERCIER

DOSSiERQuand les langues se touchent

« On dit parfois des traducteurs, qu’ils sont de grands oubliés,

les invisibles de la littérature » par JEAN-FRANÇOIS CARON

Poste-publications convention no 41868016Service d’abonnement • SODEPC.P. 160, succ. Place d’Armes, Montréal (Québec) H2Y 3E9

Automne 2013

no 151

REVUEfondée en

1976l a r e v u e d e l ’a c t u a l i t é l i t t é r a i r e

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Extrait de la publication

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Distribution au Canada : Prologue • Site Internet : www.prologue.ca

Distribution en Europe : 47, avenue Mathurin Moreau, 75019, Paris, France

Écrits des Forges : 992-A, rue Royale, Trois-Rivières (Québec) G9A 4H9 Tél. : 819.840.8492Cou r r i e l : e c r i t s d e s f o r g e s@gma i l . c om • i n t e r n e t : www. e c r i t s d e s f o r g e s . c om

L E S N O U V E A U T É S 2 0 1 3

FEMELLE FAUCON / HALCÓN HEMBRANancy R. Lange

LETTRE DU CŒUR ETAUTRES PAYSAGES

Dominique Lauzon

AVEC MAIS SANS TOILisa Carducci

MA LANGUE TRAÎNEDÉJA DE VOS CORPSAlexandre Faustino

MÉMOIRE DE NEIGEClaude Beausoleil

ENTRE MOI ET L’ARBREJean Sioui

HOMMES DE SABLENora Atalla

UNE SAISON EN PAROISSES MAURICIENNES

Yves Boisvert

LÀ OÙ TOURBILLONNE LA POUSSIÈRE /ZONA DE TOLVANERASJuan Castañeda

L’AMOUR SES COUTEAUXprécédé des

CHAMBRES ORPHELINESIsabelle Forest

À V E N I R …CLAUDE PÉLOQUIN • FRÉDRIC GARY COMEAUBERNARD POZIER • RENAUD LONGCHAMPSPIERRE CHATILLON • RÉAL CHEVRETTE

ET PLUS ENCORE...

LÈVRES URBAINES 45

numéro anthologique 30e anniversaire

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Autoportrait 5Je n’ai jamais voulu bien écrirepar LOUIS-PHILIPPE HÉBERT

Je ne veux pas bien écrire. Il y a trop de vacuité dans ce qui est bienécrit. Les vrais écrivains écrivent mal.

Le «bien écrit» est récupéré d’avance; c’est du prédigéré. Il doit àtout prix correspondre à une sorte de modèle. Réconfortant.Rassurant.

C’est «Le discours d’utilité» qu’on retrouve au guichet des brevetsd’invention de La manufacture de machines. Parce qu’on n’in-vente plus rien, on ne fait que réinventer. Mille fois on fabrique lemême appareil. Mille fois, le même produit. Mille fois, le même livre.

Dossier 12Quand les langues se touchent. Traduction : une autre littératurepar JEAN-FRANÇOIS CARON

Il arrive que le texte se survive à lui-même, qu’il trouve soudaine-ment de nouveaux horizons. Pour propulser l’œuvre littéraire au-delà des frontières géographiques et linguistiques, il faut leconcours d’un être à part, capable de créer une œuvre nouvelle àpartir du matériau souple des mots des autres. On dit parfoisd’eux qu’ils sont de grands oubliés, les invisibles de la littérature,leur nom s’éclipsant le plus souvent pour laisser briller celui de l’au-teur de l’œuvre originale. Pour ce dossier, la lumière se réverbèresur les traducteurs littéraires.

Roman 22L’éloquence de l’insomniepar JEAN-FRANÇOIS CRÉPEAU

Un premier roman à succès est parfois un mirage. Il arrive aussiqu’un tel récit annonce une œuvre qui ne demande qu’à s’expri-mer, à se bonifier. Ce fut le cas de La petite et le vieux de Marie-Renée Lavoie. On s’est donc bousculé au portillon de son talentpour voir si son second opuscule était aussi bien tourné. Dans Le

syndrome de la vis, une professeure de français au cégep raconte.La trame se confond avec son existence, au-dessus de laquellel’épée de Damoclès de l’insomnie chronique est suspendue.

Essai 46Premier volet d’une édition critique de l’œuvre d’Anne Hébertpar JACQUES PAQUIN

Anne Hébert, née en 1916, est issue d’une famille de la bourgeoisie deQuébec qui jouissait d’un certain prestige. Elle avait un arrière-grand-pèrecommun avec Hector de Saint-Denys Garneau, Antoine JuchereauDuchesnay, un sénateur conservateur qui se fit construire un manoir àSainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Eugène-Étienne Taché, le grand-père paternel de sa mère, Marguerite-Marie Taché, a été l’architecte del’hôtel du Parlement à Québec. Enfin, son père, Maurice Hébert, était un cri-tique littéraire reconnu et un poète membre de la Société royale du Canada.

fONDAtEuR : Adrien Thério †

DiRECtEuR : André Vanasse

ADJOiNt Au DiRECtEuR : Jean-François Crépeau

COMité DE RéDACtiON : Jean-François Caron, Jean-FrançoisCrépeau, Michel Lord, Hélène Rioux, André Vanasse

COllABORAtEuRS :

DES IMAGES, DES MOTS : François Cloutier

ESSAI ET ÉTUDES LITTÉRAIRES :Michel Gaulin, Samuel Mercier, Maïté Snauwaert

F@ETUS : Christian Mistral

LITTÉRATURE ET SPORT : Renald Bérubé

POÉSIE : Sébastien Dulude, Rachel Leclerc, Jacques Paquin

RÉCIT ET NOUVELLE : Sébastien Lavoie, Michel Lord, Yvon Paré

REVUES : Véronique Lord

ROMAN : André Brochu, Normand Cazelais, Jean-François Crépeau, Marie-Michèle Giguère, Annabelle Moreau, Hélène Rioux

RESPONSABlE DE lA PuBliCité : Michèle Vanasse

DiRECtiON ARtiStiQuE : Alexandre Vanasse • ZIRVAL design

RESPONSABlE DE lA PRODuCtiON : Michèle Vanasse

Lettres québécoises est une revue trimestrielle publiée enfévrier, mai, août et novembre par Lettres québécoises.

La revue est subventionnée par le Conseil des arts du Canada (CAC), le Conseil des arts de Montréal (CAM) et par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ).

Lettres québécoises est répertoriée dans Érudit, Point de repère, MLA International Bibliography et L’Indexdes périodiques canadiens et est membre de la Société dedéveloppement des périodiques culturels québécois(SODEP). [email protected] • www.sodep.qc.ca

Les collaborateurs de Lettres québécoises sont entièrementresponsables des idées et des opinions exprimées dansleurs articles.

DiStRiButiON : LMPI8155, rue Larrey, Anjou (Québec) H1J 2L5.Tél. : 514.355.56.74 • Téléc. : 514.355.56.76Courriel : [email protected]

iNfOGRAPHiE : Alexandre Vanasse/ZIRVAL design

iMPRESSiON : Groupe Litho

PHOtOGRAPHiE DE lA PAGE COuvERtuRE : Pascal Dumont

Numéro iSSN : 0382-084X

Poste-publications : envoi no 41868016

Août 2013

Lettres québécoisesRéDACtiONC.P. 48058, succursale Bernard, Montréal (Québec) H2V 4S8Téléphone : 514-237-1930 • 1-866-992-0637info@lettresquebecoises.qc.cawww.lettresquebecoises.qc.ca

ABONNEMENtSPAR INTERNET : www.lettresquebecoises.qc.caPAR LA POSTE : SODEP • Service d’abonnementC.P. 160, succ. Place d’Armes, Montréal (Québec) H2Y 3E9téléphone : 514-397-8670 • télécopieur : [email protected]

ENvOi DE livRES POuR RECENSiONC.P. 6122, Saint-Jean-sur-Richelieu (Québec) J2W 2A1

lettres québécoisesAutomne 2013

no 151

REVUEfondée en

1976Dans ce numéro 151

AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 1

LO U I S - P H I L I P P E H É B E R T

MAR I E - R EN É E L AVO I E

E L I O T WE I N B E RG ER e t P E T E R T O R B E RG

*LQ_151_Automne_2013 13-07-27 09:49 Page1

Extrait de la publication

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2 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

sommaire

Guy Delisle

Kim Doré

Marie-Renéelavoie

franzSchürch

Robertlalonde

fernandOuellette

Miriamtoews

É D I T O R I A LÉcrivains en résidence : la manne, André Vanasse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 3

AU TO POR T RA I TJe n’ai jamais voulu bien écrire, Louis-Philippe Hébert . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 5

EN T R E T I E NL’écrivain des machinations, Nicolas Tremblay . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 6

PRO F I LL’ourdisseur d’univers, Jean-Pierre Vidal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 9

DOSS I E RQuand les langues se touchent. Traduction : une autre littérature,

Jean-François Caron . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 12

F@ E TUSChristian Mistral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 16

T RA DUC T I O N P R É S EN TAT I O NPan Bouyoucas, Annabelle Moreau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 19

ROMANJean-Simon DesRochers, Denys Arcand, Gilles Archambault, André Brochu . . . . . . . p. 20

Marie-Renée Lavoie, Stéphani Meunier, Dany Laferrière, Jean-François Crépeau . . . . p. 22

Mazouz OuldAbderrahmane, Franz Schürch, Joanna Gruda,

Marie-Michèle Giguère . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 24

Alexandre Delong, André Marois, Nicolas Tremblay, Annabelle Moreau . . . . . . . . . p. 26

PO L A RGeneviève Lefebvre, Alain Chaperon, Louise Penny, Normand Cazelais . . . . . . . . . . p. 28

T RA DUC T I O NDiane Schoemperlen, Miriam Toews, Collectif, Hélène Rioux . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 30

L I T T É RAT UR E E T S P OR TSébastien Raymond, Rosie DiManno, Pierre Szalowski, Renald Bérubé . . . . . . . . . . p. 32

R É C I TMarilou et Martine Doyon, Clément de Gaulejac, Louise Marois, Yvon Paré . . . . . . p. 35

NOU V E L L EJuan Joseph Ollu, Pierre-Yves Pépin, Anne Peyrouse, Sébastien Lavoie . . . . . . . . . . p. 38

Sergio Kokis, Robert Lalonde, Maurice Henrie, Michel Lord . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 40

PO É S I ESimon Dumas, Alexie Morin, Kim Doré, Sébastien Dulude . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 42

Fernand Ouellette, Geneviève Amyot, Mario Brassard, Rachel Leclerc . . . . . . . . . . . p. 44

Anne Hébert, Jacques Paquin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 46

É T UD E S L I T T É RA I R E SJacques Cardinal, Jean Morency, Lise Gauvin, Michel Gaulin . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 49

E S S A IGérard Beaudet, Catherine Voyer-Léger, Jean-Jacques Pelletier, Samuel Mercier . . . . p. 52

Nicoletta Dolce, Marie Carrière, Pierre Laurendeau, Maïté Snauwaert . . . . . . . . . . p. 55

D E S I M AG E S , D E S MO TSAmi Vaillancourt et Bruno Rouyère, Louis Hémon, Guy Delisle, François Cloutier . . . . p. 57

L E S R E V U E S E N R E V U EExit, Globe, Nuit blanche, Virages, Jean-François Crépeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 59

É V ÉN EMEN TMichel Brûlé, en feu depuis vingt ans, Sébastien Lavoie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 60

NOUS O N T Q U I T T É S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 62

HORS G ENR E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 63

L I V R E S E N F O RMAT P O CH E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 65

L E MOND E D U L I V R E . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 66

PR I X E T D I S T I N C T I O N S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 68

L I V R E S R E ÇU S . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 70

I N D E X . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . p. 72

PROCH A I N N UMÉRO : M É L A N I E V I N C E L E T T E

NicolettaDolce

automne 2013

no 151

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AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 3

Éditorial par ANDRÉ VANASSE Édito

Jeune, j’aurais sûrement souhaité avoirla chance de pouvoir résider dans l’uneou l’autre de la quinzaine de villes qui

offre des résidences pour artistes à traversle monde. Quelle manne ! Dans le lot, leConseil des arts et des lettres du Québec sedémarque nettement de tous les autresorganismes. Le CALQ est même, selon lesdires de Mme Francine Royer, responsablede ce programme, un des conseils des artsqui offre le plus de résidences pour artisteset écrivains au monde !

Il y a d’abord le réseau des studios du Québec,ouvert notamment aux écrivains et auxconteurs qui comptent plus de dix ans d’ex-périence professionnelle. Il vous plairait depasser six mois à Tokyo avec en prime unebourse de 21 400 $? Alors, faites unedemande au Conseil des arts et des lettres duQuébec (http://www.calq.gouv.qc.ca/artistes/studios/tokyo). Ce ne sont pas uniquementles écrivains qui y ont droit, mais tous ceux quiœuvrent dans le domaine de la culture : artsdu cirque, arts multidisciplinaires, arts numé-riques, arts visuels, chanson, cinéma et vidéo,danse, littérature et conte, métiers d’art,musique, théâtre, recherche architecturale eturbanisme. Cependant, cette possibilité n’estofferte qu’à ceux qui ont une pratique de leurart depuis au moins dix ans. Il n’empêche quec’est drôlement tentant…

Vous désirez une autre ville que Tokyo? Vouspouvez faire la même démarche auprès duCALQ qui vous propose rien de moins queLondres, New York, Paris et Rome, toujourspour six mois et avec une bourse de plus oumoins 20 000 $.

Le CALQ a même pensé aux écrivains duQuébec en région. Ils peuvent séjourner àMontréal pour six mois avec une bourse de10 000 $. Qui dit mieux ?

Vos chances d’être choisis sont loin d’êtrenulles. Depuis la création de ces séjours enrésidence, il y a en moyenne une vingtainede candidatures pour chacun des concours,selon Mme Royer. Étant donné que deuxcréateurs par année séjournent dans cha-cun des studios, le taux de réponse positiveest de un sur dix. C’est infiniment mieux quela loterie !

Buenos Aires, Bogota, Bruxelles…

Outre les studios du Québec, le CALQ proposedans le même programme un certain nombred’« Échanges d’art istes et d’atel iers-résidences». Basés sur la réciprocité avec despartenaires étrangers, ces programmes sontouverts aux créateurs qui possèdent deux anset plus d’expérience professionnelle. Leséchanges suivants sont disponibles : Québec-Argentine (Buenos Aires) et Québec-Colombie(Bogota) pour une durée de deux mois et unebourse de 5000 $. Quant à l’échange Québec-Mexique, la subvention est de 8 000 $ pourune durée, dans ce cas-ci, de quatre mois.

Vous pouvez aussi tenter votre chance avec leprogramme d’« Échange d’écrivains et deconteurs entre le Québec et la Communautéfrançaise de la Belgique ». Si vous êtes choisi,vous pourrez bénéficier d’une bourse de5 000 $ pour un séjour de deux mois et vousserez logé à la Maison internationale des lit-tératures Passa Porta, à Bruxelles.

De même, un écrivain (toujours deux ans d’ex-périence) pourra séjourner deux mois àLisbonne, au Portugal, dans un appartementfort spacieux, si j’en juge par le coup d’œil.En prime, le Clube Português des Artes eIdeias de Lisbonne offre 2 000 € en frais deséjour.

Même offre pour Kulturreferat München(Bavière) / Villa Waldberta. La bourse accor-dée par le CALQ est de 3500 $ pour un séjourde trois mois. De plus, on verse à l’écrivainou au conteur québécois invité une aide finan-cière de 1000 € par mois durant les trois moisde la résidence.

Et le Canada et le Québec, eux ?

Les écrivains et artistes pourraient trouver unavantage à fréquenter l’autre solitude. Unséjour dans les provinces anglophones du

Canada est l’occasion d’apprendre l’anglaisou d’en parfaire la maîtrise. Le CALQ offre desrésidences au Manitoba, en Ontario, enAlberta (Banff Center) et même au Nunavik,selon des formules qui varient d’une provinceà l’autre.

Le CALQ n’est pas le seul joueur à intervenirdans le dossier des résidences de création.

L’idée des résidences s’est tellement imposéedepuis quelques décennies qu’elle a fait boulede neige même au Québec. On peut résider àla maison Gabrielle-Roy à Petite-Rivière-Saint-François (Charlevoix), à Coaticook (Estrie), à larésidence du Fjord (Saguenay – Lac-Saint-Jean), dans la ville de Gatineau (Outaouais), àVal-David (Laurentides) sans compterMontréal où l’on offre le poste d’écrivain enrésidence dans les bibliothèques (on n’y dortpas, bien sûr).

On peut aussi être choisi « Poète de la Cité »,poste subventionné par la Ville de Montréal. Ànoter que le Conseil des arts du Canada sub-ventionne le poste de « Poète officiel duParlement », qui donne une grande visibilitéau poète choisi.

La Ville de Québec, de son côté, est très activeavec le soutien de l’Institut canadien deQuébec (Capitale-Nationale). Elle offre troisprogrammes : résidence d’écriture Québec-Paris ; résidence de création en BD Québec-Aquitaine ; résidence d’écrivain en exil auCanada.

Rayonner ici et ailleurs

On s’étonne par ailleurs que le Conseil desarts du Canada, d’ordinaire si actif, se montreplutôt chiche dans ce dossier. Selon les don-nées de l’UNEQ, le CAC ne soutient que leprogramme « Résidences d’écrivains autoch-tones en début de carrière ». Enquête faiteauprès du CAC, les programmes proposés dif-fèrent de ceux du CALQ. Depuis plusieursannées, on offre le poste d’«Écrivains en rési-dence» à des auteurs qui séjournent dans desuniversités. Plusieurs universités québécoisesont créé un poste d’écrivain résident. D’autrepart, on favorise la présence et le rayonne-ment d’auteurs dans et hors du Canada. Onoffre donc des bourses pour des événements,des festivals, des colloques et aussi la partici-pation à des événements dans une résidenceau Canada ou à l’étranger.

Ah ! J’oubliais les résidences d’écrivain auChâteau de Lavigny en Suisse et à la VillaMarguerite Yourcenar en France…

Une manne, vous dis-je !

Écrivains en résidence : la manneIl faut féliciter l’Union des écrivaines et des écrivains québécois pour le travail remarquable d’in-formations transmises aux personnes qui consultent leur site. Dans le lot, on trouve, entreautres, une page sur les résidences pour les écrivains qui m’a laissé pantois.

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4 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

Romantraduction

POLARRéCitNouvellePOéSiEÉtudes littérairesCONtEActualité

lettres québécoises REVUEfondée en

1976

Abonnement papier et électronique :www.lettresquebecoises.qc.ca

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La seule revue ENTIÈREMENT consacrée à la littéRAtuRE QUÉBÉCOISE.

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AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 5

Je n’ai jamais voulu bien écrireÉcrire des belles phrases,c’est pas mon style.

François Brodeur,dans Buddha Airlines

Je ne veux pas bien écrire. Ce que l’on appelle bien écrire. Il y a trop devacuité dans ce qui est bien écrit. Les vrais écrivains écrivent mal.

Le «bien écrit» est récupéré d’avance; c’est du prédigéré. Il doit à toutprix correspondre à une sorte de modèle. Réconfortant. Rassurant.

C’est «Le discours d’utilité» qu’on retrouve au guichet des brevets d’in-vention de La manufacture de machines. Parce qu’on n’invente plus rien,on ne fait que réinventer. Mille fois on fabrique le même appareil. Millefois, le même produit. Mille fois le même livre.

Je me méfie des livres produits en série, mais je crains tout autant les livresnés par accident. L’inconvénient réside souvent dans le fait qu’on chercheà tout prix à reproduire cet accident. Nous vivons au siècle de la répétition.

À 30 ans, je me suis lassé de la littérature. Je croyais vivre l’insupportable.Ce n’était qu’une illusion. Il y a toujours plus insupportable.

La technologie, avec cette pureté que l’on accorde à la science, serait monélément réformateur et l’arrivée de l’informatique serait le point dedépart d’une nouvelle culture.

Là aussi, «Le discours d’utilité» a joué. La récupération a eu lieu.

Nous sommes retombés à la case de départ! Produire et divertir. Produirepour divertir ceux qui produisent.

Là où l’informatique n’a pas livré que du pire, elle a livré du même. En plusgrande quantité. En plus efficace. En plus rapide. Le moment viendra oùl’on utilisera le pouvoir de l’ordinateur pour libérer d’autres énergiesque celles de la répétition.

Entre-temps, la double polarité productivité et consommation s’est ins-tallée. Ce monde ne m’intéresse pas. Ne m’intéresse plus. M’a-t-il déjàintéressé?

Je n’ai jamais cessé d’écrire. Peu importe les époques, je prenais desnotes sur tout. J’écrivais sur tous les sujets autant que sur tous les sup-ports. Des napperons, des bouts de circulaires, et, le plus souvent, jem’astreignais à ce que j’appelle «l’écriture mentale».

Me répétant à moi-même le même poème, le même récit, de la premièrephrase à la dernière, au fur et à mesure de l’écriture du texte, je mecontrains à reprendre par cœur toutes les phrases précédentes dès quej’en ajoute une nouvelle. Je défie l’ordinateur là où il est le plus sensible,c’est-à-dire dans sa mémoire.

Je me suis d’abord fait une idée, celle d’enfreindre les conventions. Je nevoulais pas revenir à la littérature. Je voulais me tenir à l’écart de toutepublication.

Je me suis mis en tête d’utiliser pour mes écrits tous les matériaux quisont rejetés comme inappropriés; en poésie comme en fiction, j’irai cher-cher, dans la banalité des objets et des événements de tous les jours, lespulsions les plus profondes, sans réserve. La sexualité dans mon œuvre?Je voudrais décrire la poussière qui se ramasse sous les lits des dortoirsd’hôpital et des chambres à coucher. Car, si les fantasmes logent dans lespoussières, la poussière sera mon matériau.

Je ferai des livres avec les sentiments à peine perceptibles qui modulentla vie, ceux qu’on refoule, ceux qu’on cache; je trouverai des mots pource qu’on n’a pas vu, mais qu’on a cru apercevoir quand un fin rai delumière a balayé l’horreur ou le bonheur…

Je me refusais de publier parce que je redoutais que mes écrits ne vien-nent se joindre aux autres divertissements. Je ne voulais pas divertir quique ce soit et surtout pas moi.

Parce que, pour moi, la littérature est intimement liée au drame individuelcomme au drame collectif, et elle rend les lecteurs conscients de ce qu’ilssont, de ce qu’ils ont été et de ce qu’ils seront. C’est ça qui paraît intolérable.

Un jour ou l’autre, peut-être, il n’y aura plus de littérature. Il y a quelquechose de trop violent dans la littérature. On parlera plus facilement decommunication.

Pourtant, les vrais écrivains écrivent mal et leurs écrits ne communi-quent pas efficacement. La preuve? Il faut souvent faire un effort gigan-tesque pour les lire.

Pour dire vrai, je veux créer une tension de la lecture. Briser la structurede la narration et de la phrase, fausser certaines constructions, forcer larelecture, et amener ainsi le lecteur comme son auteur à une véritéautre que celle du divertissement.

Il ne s’agit pas de calquer la réalité, mais d’utiliser partout les détails, lesraccourcis, l’incongru, le rythme et même la rime, ne serait-ce qu’a contra-rio. Je veux mettre en scène des personnages et des décors dans la poésiecomme dans la prose au risque de briser la cloison des genres. Je veux uti-liser le débit de la poésie pour accentuer le déferlement de la prose.

Il y a plusieurs moyens de saborder le «bien dit».

Je chercherai à me placer dans une situation telle, comme écrivain, que jene saurai pas ce que je vais écrire. La position sera parfois si inconfortableque je ne saurai même plus si je vais pouvoir l’écrire.

Je veux un texte qui déstabilise. Un monologue ininterrompu commedans Celle d’avant, celle d’après, un album de famille et d’angoisse quis’ouvre sur Le livre des plages ou encore explorer cette autre partie de ceque l’on est, au risque que ce soit à l’aide de «l’autre langue», je veux direla langue de « l’autre », pour me désorienter et écrire un recueil depoèmes si narratifs que, chacun portant le titre d’un chapitre, ces poèmesfinissent par créer un roman comme ce fut le cas pour The SandcastleDiary, un livre qui paraîtra chez Bookland Press l’hiver prochain. Et pourlequel il n’existe pas encore de traduction française…

Comme auteur et comme éditeur, je cherche le texte brisé. Je crois quetout auteur véritable marche sur des tessons. Tout lecteur aussi.

Je cherche. Je cherche toujours. Car je n’appartiens pas à la race de ceuxqui prétendent avoir trouvé. Moi, je ne trouverai jamais.

C’est le défi du laboratoire, c’en est l’ascèse aussi. Ce que je cherche ne sedécouvre que par bribes. Par entrefilets. On peut difficilement le saisirdans son ensemble. Peut-être en additionnant chaque résultat, chaquelivre, chaque texte, pourra-t-on arriver un jour à comprendre l’œuvre,mais c’est surtout son intention qu’on percevra — ça, je le sais. Sa volonté.

Je veux écrire sale, parce que j’aurai ainsi la conviction qu’on ne jugera pasmon laboratoire d’écriture à la propreté de ses éprouvettes. Parce que… Voilà à nouveau qu’il faut se justifier. Je veux écrire malparce que, comme la vie, ce que j’ai à dire se dit mal.

par LOUIS-PHILIPPE HÉBERTAutoportrait Autoportrait

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6 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

L’écrivain des machinations

Nicolas Tremblay — Lorsqu’on pense à vous, Louis-Philippe Hébert,votre personne se multiplie aussitôt. Il y a l’écrivain et l’homme d’af-faires. L’éditeur et le lecteur. Le prosateur et le poète. Le savant et l’ar-tiste. L’enfant et l’adulte. Le prolifique auteur mais aussi l’auteur abs-tinent. Enfin, surtout, il vient à l’esprit votre œuvre protéiforme etoriginale qui ne ressemble à aucune autre ni à elle-même. Commentces nombreuses métamorphoses ont-elles commencé ?

Louis-Philippe Hébert — Si toute révélation débute par une confes-sion, la voici : j’ai toujours été un enfant frêle, fragile, asthmatique, quis’évanouissait à tout moment et qu’on devait retirer des classes dèsqu’il n’y avait plus de neige. Je reprenais les cours avec les premièresneiges. J’ai toujours marché lentement et mangé vite. Je suis un être dis-trait. Je ne comprends pas bien les désirs de ceux qui m’entourent.Voilà, c’est dit.

N.T. — Alors, tout repose, au départ, sur une inadéquation. Et qu’enest-il de votre rapport à la langue ?

L.-P. H. — J’avais quatre ans, je lisais. Mes parents me faisaient montersur un banc ; ils ouvraient un livre au hasard et ils me demandaient delire à voix haute. Je m’exécutais. Les mots étaient ma respiration. C’estpourquoi j’essaie de me tenir le plus près possible de l’endroit où ils seforment dans la pensée; je veux dire évidemment l’écriture. Sur papierou autrement. La mise en mots. Autrefois, j’aurais dit la mise en motspour éviter la mise à mort. Pour moi, la vie de l’être humain et lesmots (lecture ou écriture) sont intimement liés. Vivre, c’est parler. Etmême quand on se tait, on parle. La parole par excellence est écrite.Dans Les mangeurs de terre, il y a sur le rabat, sous la photo de l’auteur:« J’écris… Que peut-on faire d’autre ? Sinon mourir. » L’achevé d’im-primé date de 1970. J’avais écrit ce livre à dix-sept ans.

N.T. — Et qu’en est-il aujourd’hui ?

L.-P. H. — Aujourd’hui, en me situant près des origines du langage, jeretrouve une certaine forme de simplicité. Je pense aux «dessins d’en-fant» de Picasso. Je cherche un débit, un ton et, vous allez trouver celaparadoxal, en même temps, une complexité disons plus globale. Plus glo-bale pendant l’écriture, j’essaie d’atteindre quelque chose qui soit englo-bant à la lecture. Ce travail n’est pas un travail d’artisan. En ce sens quece n’est pas une recherche d’effet. Cela tient plutôt de la vivisection.

N.T. — Cette mise à distance du corps écrit offert aux expérimenta-tions ne verse pas dans le romantisme. Car vous écrivez avec un scal-pel.

L.-P. H. — Je ne donne pas dans le roman utilitaire, le sociologique oul’historique, par exemple, et ma poésie, même si elle ne s’encombre pasd’une posture spirituelle ou surréaliste, ni symboliste ni structuraliste,n’en demeure pas moins — en l’absence quasi totale de métaphores —déroutante. On s’expose. On se montre. Avec la nudité et le dépouille-ment du réalisme. On ne joue plus comme un comédien, on jouecomme un enfant.

N.T. — Les enfants aiment explorer le potentiel des machines. Cela mefait penser à votre livre-phare, La manufacture de machines, paru en1976, que vous avez rédigé d’un seul élan sur une machine à écrire. Àla moindre erreur, la feuille prenait la direction de la poubelle et lecréateur, soumis à sa machine, recommençait tout. C’était unecontrainte encore plus sévère que les oulipiennes.

L.-P. H. — J’écrivais à l’aide d’unemachine à écrire Selectric que la sociétéIBM avait consenti à me livrer. Cettemachine fonctionnait avec une «boule»de caractères. Cette sphère se déplaçaitet frappait les lettres sur la feuille. Lestextes s’écrivaient en un seul para-graphe avec une marge minimale dechaque côté sur du papier format légalet aucune faute, donc aucune correc-tion, n’était tolérée. J’avais proposé àIBM de commercialiser à plus grandeéchelle cette machine qui était un chef-

d’œuvre de mécanique, et je leur avaissuggéré le slogan : The same motion, thesame emotion, puisque la boule répétaitle geste de la main sur le papier. MaisIBM destinait cet appareil aux secrétaireset non aux écrivains.

N.T. — À peu près à la même époque,vous reliez un ordinateur, un modèleencore rudimentaire et encombrant, àvotre machine à écrire. Vous inventezun traitement de textes, depuis la cam-pagne où vous vous êtes isolé, entouréde poules.

L.-P. H. — Il faut se représenter géographiquement les lieux, bien sûr,mais aussi leur configuration. Situons-nous. La maison de ferme et lesbâtiments se trouvaient au sommet d’une colline, d’un coteau, que lesgens du village de Saint-Denis-sur-Richelieu avaient baptisé « le coteaudes patriotes» puisqu’il y avait eu là des combats durant la rébellion de1837. La petite ferme se trouvait à un mille du premier voisin et à unkilomètre de la route. C’est là que, en toute liberté, les poules vaquaientà leurs occupations marquées par la recherche de petits insectes, devers et de brindilles ainsi que par la ponte occasionnelle d’un œuf, engénéral un par jour.

N.T. — Des poules en liberté ?

L.-P. H. — Je les avais libérées du goulag que représentaient les éle-vages commerciaux de l’époque qui distribuaient aux pauvres bêtesdont les paupières ne sont qu’un film transparent un éclairagecontinu, les privant ainsi de nuit et de sommeil ; en maintenant leurmétabolisme continuellement en éveil, les éleveurs commerciauxaccéléraient la ponte et augmentaient le nombre d’œufs pondus parpoule.

par NICOLAS TREMBLAYEntretien

LOU I S - P H I L I P P E H É B E R T

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AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 7

C’est dans ce contexte que je recevais chaque jour la visite de gens duvillage venus se procurer des œufs «fertilisés» qui avaient la réputationde procurer aux hommes les mêmes effets que les huîtres.

C’est aussi là que, peut-être pour la première fois au Québec, un ordi-nateur a été branché à un téléviseur de salon ; on appelait cela unmicro-ordinateur pour bien établir la distinction entre «ce jouet» et unordinateur de plancher ou mainframe, par référence au microproces-seur.

N.T. — Pour paraphraser McLuhan, vous mettez fin, enterre de Québec, à l’ère mécanique de Gutenberg et inau-gurez celle du texte électrique, avant même que BillGates ne s’accapare le marché de la bureautique.

L.-P. H. — Le premier client, venu pour les œufs, qui avaitvu le texte écrit à l’écran a répandu la nouvelle au village :« L’écrivain est tellement passionné d’écriture qu’il écritmaintenant sur son écran de télévision. » Certaineslégendes naissent ainsi. Après avoir goûté à ses œufs, lesvillageois entraient maintenant dans « le laboratoire » del’écrivain. Car il s’agissait bien d’un laboratoire, hanté parles poules, soit, mais d’un laboratoire tout de même.

N.T. — Vous disiez qu’il fallait tout inventer…

L.-P. H. — À cette époque, l’appareil arrivait nu. Il n’yavait rien à faire. Que de l’allumer et de l’éteindre. Desoulever le capot, d’en extraire des cartes couvertes demicroprocesseurs, d’en rajouter. La mémoire était vola-tile. Extrêmement volatile. La moindre panne de cou-rant, la moindre chute dans l’alimentation électriqueet tout disparaissait à l’écran comme dans la pauvrepetite mémoire de 64k. Il était toutefois possible d’en-registrer les données et le programme en branchant àl’ordinateur une enregistreuse audio. Tout cela avait lafragilité des premiers avions des frères Wright : on pou-vait s’écraser à tout moment. À quatre heures et demie,tout s’effaçait. «C’est curieux, disait mon voisin devant quije me lamentais, c’est l’heure où je démarre les trayeusespour mes vaches. »

N.T. — Mais que pouviez-vous écrire pendant que lesvaches dormaient ?

L.-P. H. — Ce travail s’accomplissait essentiellement endeux volets : l’écriture de textes qui relevaient souvent dela rédaction commerciale pour agences de publicité, de latraduction et, bien sûr, des créations et l’écriture de pro-grammes. Le premier de ces programmes aura été untraitement de textes. Comme Monsieur Jourdain qui fai-sait de la prose sans le savoir, j’avais élaboré un systèmepratique qui me permettait d’écrire. Ce système com-portait peu d’outils, mais pour l’époque c’était déjà considérable : lapossibilité de remplacer une chaîne de caractères d’un mot ou de plu-sieurs mots par une autre chaîne de caractères, la possibilité d’insérerdu texte dans un texte déjà existant ou d’en supprimer, donc celle defaire un montage et un assemblage, celle de produire des interlignes dif-férents pour un même texte et celle d’aligner à gauche et à droite lestextes. Le lecteur attentif aura reconnu les fonctions « copier-coller »,«effacer», «aligner» et autres, comme celles, inévitables pour réaliserces opérations, de compter les caractères ou de compter les mots.C’est fou comme avec si peu de fonctions la notion même de ce qu’était

écrire venait d’être modifiée. Comment, dans l’enthousiasme dumoment, ne pas pressentir les incroyables possibilités qui s’ouvraient?Le texte n’était plus à deux dimensions comme sur le plat de la page, ilacquérait une véritable profondeur, il s’inscrivait dans une autre dimen-sion et il révélait, du coup, son immatérialité. J’ai exposé une partie deces conclusions et les premiers résultats de mes recherches dans untexte intitulé La mécanisation de l’écriture (NBJ, no 104, juin 1981) ;c’était le texte d’une conférence qui fut prononcée à Cerisy en 1980

devant des théoriciens de la littérature dont les réflexionsthéoriques se trouvaient tout à coup face à un outil pra-tique. Je ne vous cacherai pas qu’ils ont eu peur.

N.T. — Comment arriviez-vous à trouver le financementpour vos travaux ?

L.-P. H. — Mon laboratoire privé devant nécessairementtrouver son financement, l’écrivain offrirait maintenantses services de « rédaction, traduction et transcription » àplusieurs clients pour qui la rapidité d’exécution et la per-fection du rendu semblaient souvent incompatibles; n’ou-blions pas que nous étions dans l’univers des machines àécrire et que, dans le cours de leur travail, les dactylos nepouvaient pas s’empêcher de commettre des fautes defrappe. Avec quelques routines, puisque c’est ainsi qu’on

appelait les parties de programmes, les boucleslogiques, toutes ces opérations pouvaient s’effectuersans rechigner et en un temps record. J’allais chercherles contrats à la ville et je les remplissais durant la nuit.Comme j’avais un excellent don de mimétisme, on meconfiait la rédaction de prospectus pour la Bourse, descénarios de documents audiovisuels pour le ministèrede l’Éducation, l’écriture des fiches techniques pour laprésentation de films à Cannes, et mille autres travauxpour lesquels mon outil informatique jouait un rôle pri-mordial. Les poules ne s’en émouvaient pas. Chaquecontrat permettait l’acquisition d’une nouvelle carte,d’une nouvelle brochette de mémoire, d’un moniteur,d’un lecteur de disque floppy, etc. Et, enfin, de langages

de programmation plus flexibles : après le Basic, ce fut lePascal, le CP-M, et le C. Mais, auparavant, il fallait trouverun moyen «d’imprimer» tous ces textes, et de le faire enfrançais.

N.T. — C’est à ce moment que vous mettez un terme àvotre première période. Alors que vous êtes établicomme auteur — difficile ! —, que vous avez publié déjàdix livres de prose et de poésie, chez des éditeurs aven-turiers qui meurent et naissent, plus rien ne paraît. Lesaffaires vous occupent désormais. Vous fondezLogidisque, une entreprise qui conçoit et fabrique deslogiciels en français, puis les Éditions Logiques.

L.-P. H. — Chez Logidisque, nous mettions en marché deslogiciels développés à l’interne ou, selon le mode de l’édition de livres,nous pouvions accueillir des auteurs. Je partais les vendre autour dumonde. Nous avons eu des clients et signé des accords avec des firmesà Tokyo, à Boston, à Londres, à Paris… Nous avons même vendu un logi-ciel à Bill Gates. Nos logiciels étaient utilisés partout : les Caisses popu-laires, les ministères provinciaux et fédéraux. Nous développions aussides logiciels sur mesure. Nos manuels informatiques servaient à la for-mation dans les cégeps et ils se vendaient en librairie. Nous avons ainsimis en marché pas moins de 300 logiciels et 1 000 livres en une dizained’années. Avec le temps, j’étais devenu prisonnier dans mon bureau.

Louis-Philippe Hébert

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N.T. — En 2002, vous laissez tomber définitivement la cravate et reve-nez à l’écriture. Le livre des plages sort en 2007 puis les titres se suc-cèdent à une vitesse folle alors que vous revêtez un nouvel habit.

L.-P. H. — Mais pas la bure balzacienne… Si certains lecteurs — plus évi-demment, certains non-lecteurs — imaginent l’auteur en col roulé,l’écharpe autour du cou et les cheveux en broussaille, moi, j’aurais euplutôt l’idée de le représenter en blouse blanche ou en sarrau dans uneposture très sartrienne: l’œil gauche sur un microscope et l’œil droit surun télescope, occupé à repousser les limites de la perception.

À l’image romantique du xIxe siècle s’était substituée, au xxe siècle, celletout aussi romantique de l’écrivain affalé dans une ruelle, les jambesécartées, une bouteille à la main, perdant toute notion de lui-même etd’une réalité qui l’écrase. Je ne suis ni un poète maudit ni un écrivaindésespéré. Je veux plutôt voir en l’écrivain, poète, nouvellier, romancierou dramaturge, celui qui explore l’univers avec les mots. Chercheur dela langue plus que technicien, il veut aller aux confins de la fiction. Il necherche pas la fission de l’atome, il cherche la fiction de l’atome. Parceque la vie m’apparaît de plus en plus comme une fiction de la matière.

L’écriture serait la science de cette fiction.

N.T. — À Cerisy, n’annonciez-vous pas l’avènement d’une «populationmécanique », dont La manufacture de machines auraitété la prophétie littéraire ?

L.-P. H. — J’ai lu avec amusement qu’on avait réussi àtranscrire un livre au complet dans un code génétiqueADN. C’est certainement, à ce jour, le plus petit stoc-kage de données qui soit connu. Enfin, par l’être humain.Rien n’empêche d’imaginer, à partir de là, et si l’on tientà rester anthropocentrique, un homme ou un être uni-cellulaire partant vers d’autres civilisations ou, dans unevision dystopique, un groupe de survivants… Mais pen-sons en termes d’explorateur plutôt qu’en dernier vestiged’une civilisation disparue ou en voie de disparition.Restons donc avec une image humaine ; cet hommecontient dans toutes ses cellules la bibliothèque com-plète de l’humanité. On peut aussi imaginer tous les êtres humains por-teurs à des milliards d’exemplaires — quel tirage ! — de toutes lesconnaissances accumulées. Comme si la matière pouvait craindre deperdre ses acquis.

N.T. — Au moment où vous vous êtes retiré du monde des livres, vousn’en continuez pas moins d’écrire virtuellement. Entre deux transac-tions, vous vous déplacez en voiture et en avion. Transporté par desmachines, vous récitez mentalement des textes libérés de tout support.Votre mémoire se substitue à la page et à celle, infinie, de l’ordinateur.

Cela ne laisse bizarrement aucune trace.Vous devenez votre propre livre.

L.-P. H. — «Je suis un corps», c’est l’exerguedu livre de poésie Vieillir. Et, pour rester dansun univers d’anticipation, je détournerai ànotre profit l’expression de BuckminsterFuller et on dira que le corps est notre vais-seau spatial. La question du corps ne laissepersonne indifférent. Et pour cause, c’est laseule chose que nous ayons. Mais cette«chose» a évolué à l’extérieur d’elle-même.Le passage par la machine a mené à l’infor-matique. Aujourd’hui, il semble de plus en

plus évident que le biologique est l’avenirde l’informatique. Régression ou évolu-tion ?

N.T. — Dans votre deuxième période,l’univers machinal de La manufacture… etde Manuscrit trouvé dans une valise estdisparu. Sauf que… Le texte devient —encore plus — le corps… ou le corps est —encore plus — une machine à textes.Pensons à La bibliothèque de Sodome. Ou,plus récemment, dans Celle d’avant, celled’après, qui est un monologue intérieurau rythme obsédant, à cette librairie oùles vendeurs et les clients participent, dans l’arrière-boutique, à desjeux sexuels que Sade n’aurait pas désavoués.

L.-P. H. — La sexualité est le lieu par excellence de l’imaginaire. D’autresl’ont dit avant moi : la sexualité n’existerait pas chez l’homme sansimagination. C’est un matériau. Un matériau fort. Qui nous ramène aucorps. À la vérité du corps, si une telle notion existe. À ce titre, l’êtrehumain, au cours des âges, a toujours été fasciné par ce qui pouvait êtrerévélé sous la torture.

Parce que le corps aurait une forme de vérité. Commentl’éviter? Et pour quelles raisons le ferait-on? La sexualitél’exprime. Elle est universelle, mais elle n’est pas iden-tique pour tous. À vrai dire, il y a autant d’accouplementsqu’il y a de couples. C’est très intéressant. Pour un créa-teur de fictions.

N.T. — Après l’anticipation et les innovations formellesdes premières œuvres, le glissement thématique de laseconde période semble un retour à l’origine. L’écrivainserait-il encore une fois en porte-à-faux avec le mondeterriblement tape-à-l’œil qui l’entoure ?

L.-P. H. — Ces corps normalisés, aux muscles gonflés parles hormones ou par le gras, ont de la difficulté à bouger

tellement ils ressemblent à une explosion contenue par des vête-ments. Derrière tous ces déguisements se cache la vérité, celle de lasouffrance mentale et celle de la douleur physique. Je n’écris pas defilms, je décris ce qui se passe à l’intérieur de l’être. Ça ne se projettepas en deux dimensions ni en trois. Ça se passe dans la joie commedans la tristesse, dans la jouissance comme dans le sentiment d’im-puissance.

N.T. — Et jamais de la même façon…

L.-P. H. — Qui dit laboratoire dit pratique d’expériences, et pratiquerdes expériences, c’est accepter de se tromper ; je dirais que c’en est lebut. C’est de l’erreur que naît la découverte. Mais, hélas ! quand l’écri-vain a trouvé quelque chose qui marche, il ne veut plus se tromper.C’est le réflexe du confort. Ça s’illustre en partie par l’exemple decelui qui cherche ses clés sous le lampadaire parce qu’il y a plus delumière, alors qu’il les a perdues dans l’obscurité. Je préfère chercherdans la nuit même si c’est plus difficile. Le résultat risque d’être plusintéressant.

N.T. — La vie, Louis-Philippe Hébert, est le laboratoire de votre écri-ture. Ainsi que l’expérience de toutes les mutations.

Lecteurs, plongez dans le noir !

par NICOLAS TREMBLAYEntretien Louis-Philippe Hébert

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L’ourdisseur d’universDepuis Les mangeurs de terre jusqu’à La Cadillac dudocteur Watson, c’est sur bientôt un demi-siècle queLouis-Philippe Hébert exhibe des talents scripturauxque non sans coquetterie il se plaît à nier (voir pré-cédemment : « Je n’ai jamais voulu bien écrire») etdes fictions improbables dans lesquelles, sousl’égide mythique de Dédale, artiste et ingénieur, sejouent les milles ruses d’une inventivité qui semblebien inépuisable.

Dès le début, sans doute à cause de l’attentionprêtée plus à la texture et aux effets, toujoursincertains, de son déploiement, qu’au réfé-

rent, le genre semble indifférent : les Éditions duJour ne publient-elles pas des textes courts assezsemblables, tantôt dans la collection «Les poètes dujour », tantôt, pour Le roi jaune, dans la collection« Proses du jour » et l’auteur n’est-il pas assez tôtconsidéré comme un des « Romanciers du jour »,alors que le titre de roman n’apparaîtra dans sonœuvre que bien plus tard, en 2007, avec La sépara-tion ?

Mais, à ses débuts, l’œuvre, qu’elle soit sous-titrée« textes » ou « récits », semble malgré tout obéir àune alternance, les textes du « poète » se succé-dant dans la discontinuité (relative), tandis queceux du «prosateur» imposent peu à peu une suc-cession (tout aussi relative) qu’il faut bien dire nar-rative. Ce qui conjugue, en tout cas, les deux typesde textualité, c’est leur capacité de générer surun ton imperturbable des fictions hautementimprobables qu’aucune configuration référentiellene peut expliquer et, partant, justifier. On est ici,incontestablement, dans l’univers de Kafka, toutautant celui de La métamorphose que celui deL’Amérique ou du Procès. Un univers où, pour ledire vite, l’imaginaire se teinte de quelques-unesdes couleurs qui composent le monde référentieldu lecteur, mais pour mieux s’y abîmer et basculerdans l’a-réalisme d’un univers parallèle dès lorsprésenté comme alternatif.

l’arpenteur des confins

Rien d’étonnant, dès lors, que l’on constate que lascience-fiction est une des passions littéraires del’auteur, même si l’on ne saurait prétendre qu’il enait vraiment écrit. Hébert est ainsi, dans bien desdomaines, ce qu’on appelait autrefois, en termespolitiques, un « compagnon de route ». D’abordproche du surréalisme, comme tout jeune poètede ces années-là, puis, comme tout jeune prosa-teur de ces mêmes années, du Nouveau Roman,Hébert aura frôlé la science-fiction, et d’autres pra-tiques artistiques qui faisaient l’air de ce temps, ducinéma (Le cinéma de Petite-Rivière) à la bande des-

sinée, comme en témoignent aussi les illustrations dontMicheline Lanctôt agrémente la plupart des textes, du Roi jaunejusqu’à Textes d’accompagnement, alors que Martin Vaughn-James illustrera, lui, Manuscrit trouvé dans une valise. Louis-Philippe Hébert aura aussi côtoyé la science, non seulementcomme discours et comme texte, mais également comme projet,dès ses débuts, avec une culmination dans La manufacture demachines. On voit qu’il aura été tributaire — mais aussi au sensgéographique de contributeur que l’on attache aux affluentsd’un fleuve par exemple — de toutes sortes de discours et depratiques littéraires, mais pour mieux suivre sa route à lui quin’appartient en propre à aucun autre parcours. Tout au pluspourrait-on dire qu’il réussit ce tour de force d’être ainsi toujours

un marginal, y compris par rapport à la marge, autoproclaméeou institutionnalisée. C’est sans doute ce qui lui vaut la relativeobscurité dont l’entourent soigneusement les médias, commepar peur de voir leurs confortables certitudes ébranlées parune œuvre violemment inclassable.

Peu susceptible d’attirer l’attention des amateurs institutionnelsde tranches de vie, l’œuvre s’installe d’emblée dans ce queCalvino, une des influences majeures de l’auteur, appellera,dans un essai publié en 1984, « la machine littérature ». Et l’onne s’étonnera pas, non plus, de reconnaître, çà et là dans lespremiers textes, l’empreinte de faux comte de Lautréamont etde ce qu’il nommait ses « contes somnifères », non pas qu’ilss’efforçassent d’endormir, mais parce que les histoires que fai-sait foisonner son écriture féroce étaient littéralement « à dor-mir debout ». Et celui qui allait, quelques années plus tard,devenir un redoutable homme d’affaires à la tête d’une com-pagnie de micro-informatique (« en français », disait le slogan),

par JEAN-PIERRE VIDALProfil

LOU I S - P H I L I P P E H É B E R T

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Logidisque, qu’il avait lui-même fondée, évoquera aussifréquemment comme l’un de ses maîtres cet HubertAquin1 dont, nul doute, le goût des intrigues et l’acti-visme à la fois romantique et lucide le rejoignaient fort.

une rhétorique de l’effervescence

S’il a commencé comme poète, s’il est encore consi-déré essentiellement comme un poète et couronnécomme tel, c’est que la plupart de ses œuvres, qu’ellessoient expressément identifiées à la poésie ou, aucontraire, estampillées récits ou romans, jouent lecourt, le ciselé, mais non pas, comme il arrive souventen poésie, dans l’éclair qui bouleverse la syntaxe enprivilégiant une juxtaposition de syntagmes courts, plu-tôt en élaborant au contraire des fictions souvent uto-piques ou proches de l’illumination scientifique, dansune trame narrative tissée extrêmement serré, commepas à pas et jusqu’à… l’implosion de la syntaxe, cham-boulée à l’envi par toutes ces figures de style, hypal-lage, zeugme et métalepse, notamment, dont les nomsun peu cuistres n’en évoquent pas moins l’efferves-cence créatrice du langage pris dans son plus fonda-mental : articulation et successivité, chant en quelquesorte. Ces figures ont aussi pour caractéristique com-mune de déjouer les attentes mais seulement aprèsles avoir perversement suscitées, en utilisant le clichéou l’habitude de lecture comme appât. Chez ce poète-là, l’éclat se fait volute, l’illumination tissage, le versspire, et les poèmes s’étendent sur des pages entières.Ou, au contraire, se condensent en aphorismes. Et lepauvre lecteur sent que ça bouge sous son regard, quele texte est mouvant comme on le dit des sables gorgésd’eau. Mais bientôt, ravi, il s’en sait stimulé dans toutesses facultés.

C’est peut-être là qu’il faut chercher la spécificité de cetravail ou de cette hantise: dans la tension, qu’on auraitdit naguère dialectique, entre le détail, réduit parfois àune litote implosive, et l’expansion, par nature chezlui utopique, onirique, alternative.

Ici, dans cette opposition dynamique, se marque, sansdoute, le pouvoir générateur de la métonymie, acti-vée de façon systématique chez Hébert : les corps despersonnages ou de ce qu’on pourrait appeler, aussibien, des totems, subissent souvent comme un démon-tage qui à la toute fin du processus les a intégrés au

décor, transformés en choses ou, mieux, en cellulesd’où des corps complètement autres relancent la varia-tion qu’est, dans cette optique, toute narration. Lorsquele point de départ n’est pas une figure de fiction commele personnage, et cela arrive, mais une entité purementtextuelle, à la Roussel, et cela arrive aussi, on seretrouve dans des figures plus syntaxiques comme cellesévoquées ci-dessus. Mais dans tous les cas, c’est commeun film qui se découpe en séquences, plans, photo-grammes même, et se recompose sans cesse.

la science festive

Avec les autres poètes de sa génération, Nicole Brossardet Roger Des Roches notamment, sous l’impulsionromanesque d’Hubert Aquin, Hébert nous a sortis pourun temps des sempiternelles histoires de famille danslesquelles, la télé aidant, nous sommes désormaisretombés pour n’y échapper tout au plus que par l’exal-tation actuelle d’un quotidien jeune, urbain, festif oudifficultueux, plus ou moins autofictionnel. Il reste qu’onne sort pas indemne du rapport avec son époque, fût-elle principalement définie par des générations plusjeunes. C’est ainsi que des éléments biographiques,proches de l’autofiction, semblent bien affleurer, maisdiscrètement, dans les œuvres plus récentes, en parti-culier les poèmes du Livre des plages, et dans desœuvres plus expressément romanesques comme Laséparation et Celle d’avant, celle d’après où la théma-tique du couple est omniprésente, y compris dans saversion animale avec la pièce de théâtre Je suis un chien,dont on s’étonne un peu qu’elle n’ait pas encore étémontée.

Dans une note à sa très pertinente intervention auColloque de Cerisy sur la littérature québécoise, « Lamécanisation de l’écriture », Hébert écrit : « L’imagina -tion se défini[t] comme ce mode de connaissance quiinvente son propre objet2. » Ponctuant une réflexionsur le traitement de texte et le profit que peut en tirerun écrivain dans sa poursuite d’un objet qui sans cesselui échappe, la formule présente la fiction comme unsavoir qui coïncide littéralement avec l’objet qu’il appré-hende en même temps qu’il le fait naître, énonçant dumême coup la différence entre science et littérature: lapremière sépare soigneusement les étapes de son che-minement, de l’hypothèse à l’observation, puis à laconceptualisation des conclusions, fussent-elles

par JEAN-PIERRE VIDALProfil

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provisoires et grosses de nouvelles hypo-thèses, quand la seconde les écrase l’unedans l’autre. C’est dire que, dans une telleoptique, il n’y a pas de forme qui tienne(« Je n’ai jamais voulu bien écrire ») ou,plus exactement, que la forme n’est quele mode d’apparition d’un objet qu’ellemodèle, comme il arrive qu’on la consi-dère en philosophie. La forme, chezHébert, est une armature, pas une orne-mentation. Mais une armature mobile(une machine?) qui s’évanouit sitôt poséeou se rend visible au moment où on l’avait oubliée.

le charme de la lecture

Ce va-et-vient, toujours imprévisible, entre le littéral et ce qu’il trame,a quelque chose de quantique et fait aussi penser à Poe, le poète del’aporie, l’illuminé de la logique, l’inspirateur de Baudelaire et deMallarmé plus qu’à celui qui a engendré Stephen King. Poe le manipu-lateur s’avouant tel, le magicien dévoilant tous ses secrets avec unemajestueuse ironie.

Mais toute la complexité sur laquelle repose cette œuvre se donne à lalecture sur un ton familier, sans avoir l’air d’y toucher. Sa lecture est unenchantement. Ou plutôt un charme, du latin «carmen» qui, comme lerappelait Paul Valéry, veut dire « chant, poème ». Et quand il fait para-der son bestiaire, présent dès sa première œuvre, le fabulateur Héberta, bien qu’il en ait, des accents de fabuliste et un humour très fin, alorss’en dégage comme une connivence pudique. Quand il évoque despopulations et des campagnes improbables, des machines infernales oupaternes, tout un bricolage familier se met en branle et nous enchante.

Peu d’écrivains seront passés aussi frais, aussi vifs, d’un siècle à l’autre.Moins encore auront été aussi à jour avec leur époque. Et aucun, sansdoute, n’aura su rebondir avec une telle fougue, une telle créativité,après une interruption qui, en fait, ne fut qu’éditoriale. Car dans sonbureau d’homme d’affaires et sur la route, l’homme a toujours continuéd’écrire, allant même, lorsqu’il était au volant, jusqu’à apprendre parcœur les textes qu’il produisait en roulant.

le bricoleur de possibles

Une voix somnambule et ventriloque a ainsi continué son tissage, créantdes fictions funambules. Dans les deux cas, on parle d’un processusambulatoire, car cela avance, toujours, comme en procession — etmême « en théorie », si l’on redonne à ce mot son autre sens presqueoublié de «succession, défilé» qui rend parfaitement compte, ici, de ladimension « scientifique » de l’œuvre —, cela s’impose avec l’impa-rable réalité des rêves, le côté légèrement « tremblé » qu’ils donnentaux choses apparemment les plus réalistes et aux personnages les plusexpressément terre à terre.

Le poète activiste et minutieux, le machinateur de fictions, l’« archi-texte » de possibles nous monte sans cesse de bien beaux bateaux.

Étymologiquement, le poète n’est-il pas celui qui « fait » ?

Tramant des textes comme d’autres ourdissent des complots, desintrigues ou des machinations, Louis-Philippe Hébert se pose incontes-tablement, dans la conspiration qu’il fomente sans cesse contre l’ima-ginaire gelé de nos temps formatés, comme un de nos plus grandsenlumineurs de possibles.

Parce qu’il sème des fictions à tout vent. Littéralement.

1. Pour avoir travaillé quelque temps avec Hubert Aquin aux Éditions de la Presse, je

puis témoigner ici que l’auteur de L’antiphonaire connaissait et appréciait l’œuvre,

encore jeune, d’Hébert qui, lui, comme bien des écrivains de sa génération, se recon-

naissait dans cet aventurier des lettres québécoises.

2. La Nouvelle Barre du Jour, no 104, juin 1981, p. 86.

B i B l i O G R A P H i E

La Cadillac du docteur Watson, roman, Montréal, Lévesque, 2013, n.d. p.

Je suis un chien : pièce en six actes, théâtre, Saint-Sauveur-des-Monts, de la

Grenouillère, 2013, 148 p.

Celle d’avant, celle d’après, roman, Montréal, Lévesque, 2012, 124 p.

Vieillir, poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2011, 134 p.

Les poèmes d’amour, poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2010, 227 p.

Buddha Airlines ou Comment je suis devenu un surhomme, roman, Montréal, Les

Herbes rouges, 2009, 229 p.

La chute de l’ange, poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2009, 140 p.

La bibliothèque de Sodome, nouvelles, Montréal, Les Herbes rouges, 2008,

251 p.

Correspondance de guerre, poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2008, 112 p.

La séparation, roman, Montréal, Les Herbes rouges, 2007, 323 p.

Le livre des plages, poésie, Montréal, Les Herbes rouges, 2007, 291 p.

La manufacture de machines, nouvelles, Montréal, xYZ éditeur, réédition 2001

(1976), 123 p.

É P U I S É SManuscrit trouvé dans une valise, cinéma, illustrations de Martin Vaughn-James,

Montréal, Quinze, 1979, 175 p.

Textes d’accompagnement, récits, illustrations de Micheline Lanctôt, Montréal,

L’Aurore, 1975, 81 p.

Textes extraits de vanille, récits, illustrations de Micheline Lanctôt, Montréal,

L’Aurore, 1974, 86 p.

Le cinéma de Petite-Rivière, illustrations de Micheline Lanctôt, Montréal, Jour,

1974, 111 p.

Récits des temps ordinaires, nouvelles, Jour, 1972, 154 p.

Le petit catéchisme: la vie publique de W et On, illustrations de Micheline Lanctôt,

Montréal, l’Hexagone, 1972, 95 p.

Le roi jaune, récits, illustrations de Micheline Lanctôt, Montréal, Jour, 1971,

321 p.

Les mangeurs de terre et autres textes, poésie, Montréal, Jour, 1970, 235 p.

Les épisodes de l’œil, poèmes, illustrations de Louis McComber, Montréal,

Estérel, 1967, 97 p.

LO U I S - P H I L I P P E H É B E R T

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Dossier par JEAN-FRANÇOIS CARON

Les belles traductions, comme les belles épouses, ne sont pas toujours les plus fidèles.

Esaias Tegnér1

Quand les langues se touchent

Traduction : une autre littératureIl arrive que le texte se survive à lui-même, qu’il trouve soudainement denouveaux horizons. Pour propulser l’œuvre littéraire au-delà des fron-tières géographiques et linguistiques, il faut le concours d’un être àpart, capable de créer une œuvre nouvelle à partir du matériau soupledes mots des autres. On dit parfois d’eux qu’ils sont de grands oubliés,les invisibles de la littérature, leur nom s’éclipsant le plus souventpour laisser briller celui de l’auteur de l’œuvre originale. Pour ce dossier,la lumière se réverbère sur les traducteurs littéraires.

l’art de traduire

L’une des conceptions les plus répandues de la traduction est qu’elleconsiste à déverbaliser le texte d’origine afin de le convertir en sens, pourensuite reverbaliser ce sens dans la langue d’accueil. En d’autres termes,on ne traduit pas mot à mot: il faut aller au-delà pour saisir la portée dutexte, entrer dans un rapport d’intimité avec l’écrit d’origine afin d’en tra-duire l’essence. Pour Hélène Rioux, auteure et traductrice,

[l]a traduction, ce n’est pas seulement une question de langue,c’est une question de culture, aussi. Il faut que tu connaisses cedont tu parles. Parfois, c’est tellement mal traduit, tu te rendscompte qu’il y a quelque chose qui ne marche pas, ils ne saventpas de quoi ils parlent. Ils se mettent à parler d’airelles plutôtque de canneberges ou d’atocas… Ça ne s’applique tellementpas à la réalité. Pour moi, c’est une erreur de traduction.

Effectivement, les codes linguistiques ne sont pas des équivalents, et letraducteur se retrouve sans cesse face aux limites des langues qu’ilmaîtrise dans le cadre de ses fonctions, ainsi qu’à la culture danslaquelle il baigne. Dans l’article «Figement et traduction: problématiquegénérale » paru dans Meta2, Salah Mejri en faisait le constat :

Traduire revient à « surfer » constamment et « dangereuse-ment» sur deux systèmes en vue de transférer le maximum decontenu d’un code à un autre sans avoir la moindre illusionque cette opération n’est pas accompagnée de déperditions,d’imprécisions, et de lacunes, en raison même de la présencedes systèmes impliqués dans cette relation.

L’expression n’est donc pas seulement un habit pour le sens: l’auteur del’œuvre originale a effectué des choix quant à la façon d’exprimer cesens, c’est justement ce qui constitue l’œuvre. Le traducteur doit sanscesse négocier non seulement avec le contenu, mais avec sa forme, cequi en fait un audacieux funambule sur le fil d’un « faire littéraire ».Certains d’entre eux prennent de douloureuses «débarques». D’autresfont montre de prouesses mémorables.

Plus qu’un simple transfert, la traductionnécessite un acte créatif, des choix quimènent à la création d’une nouvelleœ u v r e , m a l g r é s e s n o m b r e u s e scontraintes. Car l’expression n’est pas quel’enveloppe du contenu, elle en fait partie.

Au seuil de la trahison

Lors d’une entrevue accordée au Devoir3,Alexandra Hillinger relatait les trois diffé-rentes traductions des Anciens Canadiens,de Philippe Aubert de Gaspé. Selon lachercheure de l’Université Concordia, cha-cune des traductions a ses particularités,faisant écho au contexte de son émer-gence. En 1864, la relecture de GeorginaPennée devait répondre à l’engouementdéjà suscité par l’œuvre originale. En 1890,la traduction de Charles G. D. Roberts avaitun objectif commercial et s’inscrivait dansune volonté de rejoindre le lectorat amé-ricain. Beaucoup plus récemment, en1996, c’est à la valeur historique de l’ou-vrage que s’est intéressée Jane Briley.

Cette évolution des traductions desAnciens Canadiens évoquée par Hillingermontre bien comment chaque traduction

acquiert une originalité propre. Bienqu’elle soit à jamais indissociable del’œuvre d’origine, elle porte les marquesde son traducteur, quoi qu’il en pense, etde son contexte d’émergence. C’est sansdoute pour cette raison que la traduc-tion est parfois précédée d’une réputa-tion de traîtresse : le travail du traduc-teur ne peut pas être totalement effacé.Traduttore, traditore, comme le rappellela sagesse italienne.

Il ne faut toutefois pas croire qu’un tra-ducteur puisse faire ce que bon luisemble d’une œuvre à laquelle il tra-vaille. Pas question de revenir à ce cou-

rant de traduction de la France du xVIIIe siècle, qu’on appelle « les bellesinfidèles », à cette époque où Voltaire se permettait de retrancher desscènes de certaines œuvres shakespeariennes qu’il traduisait sous pré-texte que la tragédie française ne permettait pas d’écarts comiques.

HÉ L ÈN E R I O U X

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Aujourd’hui, comme le souligne Hélène Rioux, même si la questionde la fidélité demeure un grand dilemme, les traducteurs ontconscience de l’importance de respecter l’œuvre et la pensée deson auteur :

Ce n’est pas moi qui écris, mais en même temps, ce sontmes mots. Il faut être fidèle sans traduire littéralement. Ilfaut repenser l’œuvre. La traduction littéraire n’a rien àvoir avec la traduction « alimentaire ». C’est pour ça que,très souvent, les traducteurs littéraires sont aussi des écri-vains. Comme Daniel Poliquin, Dominique Fortier, LoriSaint-Martin… Parce que ça prend une sensibilité pour lacréation.

Appropriation

Cette question de la créativité inhérente au rôle du traducteur pour-rait avoir une incidence importante lorsque se pose la question de lapropriété intellectuelle du livre traduit. Or, les droits d’auteur sontconservés par l’écrivain d’origine, même si le pourcentage de sesredevances sur la vente de livres est parfois négocié à la baisselorsque le processus implique le premier éditeur du livre ou un agentlittéraire.

Il arrive toutefois que certains auteurs ayant vu leur œuvre traverserle pont des langues soient stupéfaits d’apprendre que, même si letraducteur est payé pour ses services — il peut recevoir plusieurs mil-liers de dollars pour la traduction d’un livre —, on lui reconnaît aussicertains droits sur la nouvelle œuvre publiée. C’est le cas de laCommission du droit de prêt public (CDPP), qui a tenu compte du tra-vail des traducteurs littéraires dès sa création en 1986.

Le traducteur peut en effet réclamer 50 % du paiement offert par leprogramme du droit de prêt public —, s’il s’agit de la traductiond’un album de jeunesse, il aura droit à 33 % du paiement, puisquel’illustrateur peut aussi réclamer sa part. De son côté, l’écrivain quiest à l’origine de l’œuvre, même s’il a écrit à ses propres frais, voit sesseuls revenus possibles liés aux droits qu’il perçoit.

Succès d’estime

Selon André Vanasse, qui a vu se réaliser la traduction de plusieursœuvres littéraires éditées chez xYZ lorsqu’il en était le directeur,90 % des livres n’auraient au mieux qu’un succès d’estime lorsqu’ilssont traduits, les ventes se chiffrant rarement au-dessus des 500exemplaires :

Une bonne dizaine de mes auteurs ont été publiés en anglaisavec un succès d’estime et j’ai publié des auteurs anglophones

avec le même succès d’estime chez XYZPublishing. En fait, ça vaut pour toutes les mai-sons d’édition au Québec. Il est vrai que cer-tains auteurs anglos ou francos ont connu desscores impressionnants — je pense à YannMartel qui a vendu pas loin de 150 000 exem-plaires au Québec, chez XYZ. Mais c’est lagrande exception.

La traduction n’est donc pas souvent unemanne pour l’écrivain qui voit son livre traver-ser ses bornes linguistiques. Il gagne surtout unbaume pour l’ego — n’est-il pas flatteur de

savoir que son ouvrage mérite d’être traduit? Etla traduction lui assurera d’être représentéauprès d’un lectorat qui, autrement, n’aurait paseu accès à son travail. De plus, si la traduction sefait vers l’anglais, il s’agit d’une porte entrou-verte sur le plus grand marché du livre dans lemonde, ce qui ne peut évidemment pas êtrenégligé. Enfin, il voit son œuvre survivre à lacourte durée de vie des livres sur le marché qué-bécois — qui se résume, le plus souvent, àquelques mois à peine.

Prix de la traduction

Il va de soi que si la traduction doit être consi-dérée comme un art à part entière, elle méritela même reconnaissance que les autres produc-tions littéraires. Cette reconnaissance passeentre autres par l’octroi de prix littéraires. Cheznous, il existe quatre principaux prix soulignantl’excellence d’une traduction.

Depuis 1982, l’Association des traducteurs et tra-ductrices littéraires du Canada (ATTLC) offre lePrix de la traduction John-Glassco, du nom decelui qui a traduit entre autres les poésies com-plètes de Saint-Denys Garneau. Ce prix est assortid’un cachet de 1 000 $.

En 1987 ont ensuite été créés les deux voletsdes Prix du Gouverneur général liés à la traduc-tion, du français vers l’anglais et de l’anglaisvers le français. Comme pour les autres Prix duGouverneur général, une bourse de 25 000 $est offerte aux lauréats, tandis que les finalistesreçoivent un montant de 1 000 $.

Créé en 1988 sous le nom de QSPELL Prizes,ce prix soulignait d’abord l’excellence desœuvres de fiction, de non-fiction et de poésie.Il a été renommé Quebec Writers’FederationLiterary Awards en 1998, au moment où étaitcréé le volet « translation ». Aujourd’hui, cedernier est décerné chaque année, alternati-vement pour une œuvre traduite en français

et en anglais, et il est réservé aux traducteurs québécois œuvrantdans l’une des deux langues officielles canadiennes. En plus de voirleur travail mis en lumière, les lauréats reçoivent une bourse de2 000 $.

traduction : une autre littérature

EL I O T WE I N B E RG ER , A U T E UR I N V I T É PA R L E C E N T R E I N T E RN AT I O N A L D E T R A DUC T I O N L I T T É RA I R E D E B A N F F ( C I T L B ) ,E T P E T E R T O R B E RG , U N PA R T I C I PA N T D U S TAG E D E 2 0 1 1

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14 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

Au cours des toutes dernières années a été créé le Prix de traductionLinda-Gaboriau, du nom de cette traductrice qui a fondé le Centreinternational de traduction littéraire de Banff (CITLB). On vise ici lareconnaissance du travail de traducteurs nord-américains. Initialementannuel, il sera bisannuel dès 2013. Il a jusqu’ici souligné les réalisa-tions de Rainer Schulte (2009), de Pura López Colomé (2010) et dePatricia Claxton (2011). Cette récompense comprend non seulementune bourse de 2000 $, mais aussi un séjour de résidence au CITLB pen-dant deux semaines et un remboursement du transport nécessairepour participer à la rencontre annuelle des traducteurs qui se dérouleau mois de juin de chaque année.

Reconnaissance critique

Comme pour la littérature en général, la reconnaissance du travail destraducteurs passe aussi par la critique. Or, si le travail critique est en soiune pratique complexe — on sait quels nerfs d’acier doivent parfoisavoir les critiques dans un petit milieu comme celui du Québec pourdemeurer crédibles —, la dualité créatrice inhérente à l’œuvre tra-duite, qui a traversé deux étapes de création, rend la situation encoreplus délicate.

C’est face à ce paradoxe que se retrouve fréquemment Hélène Rioux,qui a la tâche de critiquer des œuvres traduites pour Lettres québé-coises. Elle nous confirmera en entrevue que la grandeur de l’œuvre ori-ginale n’est pas gage de succès pour la traduction qui en sera faite. « Ilarrive malheureusement que la traduction ne soit pas à la hauteur del’œuvre originale.» Mais alors, est-ce le roman ou sa traduction qui estl’objet de la critique? Dans ce contexte, mettre une simple cote devienttout un casse-tête.

C’est l’expérience du critique qui lui permettra de se dépêtrer de cettedélicate situation. Surtout que, contrairement à l’expérience des jurysdes principaux prix à la traduction, il est le plus souvent impossiblepour le critique de lire à la fois l’œuvre originale et sa traduction — fautede temps et de moyens. Selon Hélène Rioux, on ne peut alors se fierqu’à sa connaissance du code linguistique : « Lorsqu’on connaît bien lalangue du texte original, on sait immédiatement si c’est traduit littéra-lement ou si le travail est bien fait. »

Centre international de traduction littéraire de Banff

Chaque année, dans le magnifique décor accidenté de Banff, les tra-ducteurs de partout à travers le monde sont invités à un grand rendez-vous de la traduction. Organisé par le seul programme international derésidence de l’Amérique du Nord destiné aux traducteurs littéraires, etaccueilli au Centre international de traduction littéraire de Banff (CITLB),l’événement — on parle d’une durée de trois semaines en juin — per-met non seulement aux traducteurs de partager leur expérience etd’approfondir leur réflexion et leurs connaissances, mais même parfoisde rencontrer les auteurs qu’ils traduisent afin de cerner leur penséeplus en profondeur et ainsi de mieux accomplir leur travail de traduc-tion. Le CITLB propose aussi des programmes de résidence tout au longde l’année et contribue ainsi à favoriser le travail de ceux qui écriventdans l’ombre.

un long processus

Depuis trois ans, le Conseil des arts du Canada organise une grande foiredes droits de traduction. La troisième édition de l’événement a eu lieuà Toronto en janvier 2013. L’objectif du CAC est de favoriser le partagede la littérature entre les communautés linguistiques en augmentant les

transactions liées à l’acquisition et à lavente de droits pour la traductiond’œuvres canadiennes. Il s’agit d’un car-refour important pour les éditeurs et lesagents littéraires canadiens œuvrant dansles deux langues.

Une fois les droits de traduction acquispar un éditeur, c’est à celui-ci d’effec-tuer les démarches pour trouver un tra-d u c t e u r e t e n s u i t e d e f a i r e u n edemande de subvention au Conseil desarts du Canada qui, en fonction de lapertinence du projet, pourra fournir uneaide financière correspondant à 0,18 $par mot traduit pour une œuvre de fic-tion. L’argent du CAC ne parvient doncpas directement au traducteur, maispasse inévitablement entre les mains del’éditeur et est donc assujetti à son bonvouloir — et à sa vitesse d’exécution.

On comprend que c’est beaucoup grâceau Programme national de traductionpour l’édition du livre, proposé dans lecadre de la Feuille de route pour la dua-lité linguistique canadienne, que l’es-sentiel de la traduction littéraire cana-dienne est réalisé. Depuis 2011, c’est unmontant de 1,5 million de dollars parannée qui est consacré à ce programmepermettant aux éditeurs d’aller chercher

jusqu’à 25 000 $ par projet sélectionné. Une aide financière peutaussi être accordée aux éditeurs pour la lecture d’une œuvre ayant unpotentiel de traduction (1 500 $), afin de permettre au traducteur derencontrer l’auteur de l’œuvre originale (500 $) ou pour la révision del’œuvre une fois traduite (2 500 $).

Statistiquement parlant

Le nombre de traductions subventionnées par le CAC (dans le cadre deson programme national de traduction pour l’édition du livre) évolueen dents de scie depuis le milieu des années 1990. Certaines années,plus d’une centaine de projets ont été ainsi subventionnés (entreautres, 103 en 1995 et 2009, et même 115 en 2010). Les années lesplus faméliques, nous voyons ce nombre jouer autour d’une cinquan-taine (48 en 2012, 51 en 1999). C’est 2005 qui a vu le plus grandnombre de livres traduits, avec 49 traductions vers l’anglais et 70 tra-ductions vers le français.

Dossier par JEAN-FRANÇOIS CARON

BE AT R I C E FA S S B END ER , PA R T I C I PA N T E D U S TAG E D E 2 0 1 2 , E T J E F F R E Y YA NG , A U T E UR I N V I T É .

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Il est intéressant de noter que, malgré ces variations importantes dansle nombre de projets subventionnés, la proportion du nombre d’œuvrestraduites vers l’anglais n’a jamais représenté moins de 28 % des projetssubventionnés par le CAC. Dans la même catégorie, la proportionmoyenne est encore plus impressionnante : elle est de 40,1 %entre 1994 et 2012.

Ce pourcentage est franchement surprenant si l’onconsidère les derniers résultats publiés par StatistiquesCanada4 quant à la proportion de Canadiens ayant lefrançais pour langue maternelle, qui s’est même ame-nuisée entre 2006 et 2011, passant à 22,0 %, en baissede 0,3 %. Entre 1994 et 2012, c’est 610 œuvres qui ontété traduites du français vers l’anglais, tandis que920 livres suivaient le chemin inverse. On peut donccroire que les écrivains francophones sont actuellementavantagés.

D’autres ressources

D’autres subventions existent pour soutenir les efforts dece secteur. Au Québec, la Société de développement desentreprises culturelles (SODEC) fournit d’ailleurs un sou-tien aux éditeurs d’ici qui veulent traduire et éditer desœuvres originales étrangères. Ce programme permetaux éditeurs de recueillir jusqu’à 12500 $, pour un maxi-mum de 75 % des frais engagés pour la traduction et larévision de l’œuvre.

À l ’ inverse, le CAC propose un programme deSubventions à la traduction internationale, qui toucheles langues autres que le français et l’anglais, dans l’op-tique d’une publication à l’étranger d’œuvres écrites pardes écrivains canadiens. Ces projets peuvent recevoirjusqu’à 20 000 $.

Si le succès n’est pas toujours au rendez-vous, le phé-nomène de la traduction étrangère des œuvres québécoises est pour-tant sur une bonne lancée depuis une vingtaine d’années. Pour unrécent article tenant presque de la géographie littéraire et publiédans les pages de Nouveau Projet5, Daniel Grenier, auteur de Malgrétout on rit à Saint-Henri (Le Quartanier) et étudiant au doctorat enétudes littéraires de l’UQAM, a réalisé un relevé des œuvres de fictionquébécoises (romans et recueils de nouvelles) ayant été traduites etexportées à l’étranger (hormis les pays anglophones) depuis 1990. Sesrésultats surprennent, car les rendez-vous les plus fréquents ne sefont pas nécessairement là où on les attendrait naturellement.L’Espagne et l’Allemagne font partie des preneurs, avec respective-ment 25 et 20 traductions. Mais des 270 traductions recensées aucours de ces années, on note entre autres 44 traductions d’œuvresquébécoises seulement en Italie et 28… en Syrie !

Toujours selon Grenier, parmi les 10 ouvrages les plus traduits s’entrouveraient 4 écrits par Gaétan Soucy (La petite fille qui aimait trop lesallumettes, Music-Hall !, L’acquittement et L’immaculée conception) etquelques incontournables comme Un dimanche à la piscine à Kigali deGil Courtemanche (plus de 18 traductions), Volkswagen Blues de

Jacques Poulin (6 traductions) et Borderline de Marie-Sissi Labrèche (4 traductions).

le souci de la rencontre

Dans un petit marché comme le nôtre, la durée de vie des livres d’au-teurs qui ne jouissent pas d’une reconnaissance préalable auprès dupublic est souvent d’à peine quelques mois. Le marché québécois estrestreint, et malgré une langue partagée, dont certaines couleurs localesn’empêchent pourtant que rarement une bonne compréhension de lapart des lecteurs de l’Hexagone, le livre québécois peine à se faire

reconnaître outre-mer, car il souffre particulièrement descoûts engendrés par l’exportation intercontinentale. Sansun soutien accru d’une puissance francophone comme laFrance, difficile de rayonner ailleurs dans le monde. La litté-rature canadienne d’expression française se retrouve mino-ritaire non seulement au Canada, mais aussi au sein de la«francophonie», une entité qui manque à la fois de concen-tration et de concertation, et qui, au lieu de représenter ungrand marché, représente plutôt une somme de petits mar-chés occupés par le livre français.

Avec son soutien à la traduction littéraire, le Canada visebien sûr à faire connaître ses auteurs de la minorité franco-phone au-delà des limites de sa langue, mais il cherche aussià favoriser la diffusion et la reconnaissance de ses auteursanglophones. Car le marché canadien du livre anglophone,accaparé de son côté par la production américaine, laisseaussi peu de place aux écrivains locaux.

L’appui du Commonwealth peut toutefois avantager lesauteurs du Canada anglais. Le Man Booker Prize a sanscontredit contribué à la reconnaissance de Life of Pi (YannMartel) à travers le monde. Bien sûr, on pourrait arguerqu’il existe aussi le Prix des Cinq continents de la franco-phonie. Ses répercussions sont sans nul doute valori-santes et très positives pour l’écrivain qui profite d’uneexpérience enrichissante en participant à une tournéeinternationale, mais sont-elles aussi grandes que celles duMan Booker Prize pour la diffusion des œuvres sélection-nées ? Comme on dit, poser la question, c’est un peu yrépondre.

Si la traduction permet une importante communication entre lesvases trop clos des langues nationales canadiennes, elle est aussinécessaire pour donner une chance de faire reconnaître l’originalité etle dynamisme des créateurs et des éditeurs canadiens, qu’ils soientfrancophones ou anglophones. Elle est justifiée par cet importantsouci de la rencontre, qui permet à chacun d’exister et d’être reconnupar l’autre.

1. Source : Lettre à Brinkman, extrait publié sur le site de l’Association des tra-

ducteurs et traductrices littéraires du Canada (www.attlc-ltac.org).

2. Mejri, Salah, «Figement et traduction: problématique générale», dans Meta:

journal des traducteurs, vol. 53, no 2, 2008, p. 245.

3. Bélair, Michel, « Traduction — La multiplication des frontières. Les Anciens

Canadiens a connu trois relectures anglaises », www.ledevoir.com, 4 mai 2013.

4. Le français et la francophonie au Canada. Langue, recensement de la popula-

tion de 2011, ministre de l’Industrie, 2012. Source: http://www12.statcan.gc.ca/

census-recensement/2011/as-sa/98-314-x/98-314-x2011003_1-fra. cfm.

5. « Les romans québécois hors les frontières », dans Nouveau Projet 03, prin-

temps-été 2013, p. 36-37.

AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 15

traduction : une autre littérature

HUGH H A Z E L TON E T K AT H E R I N E S I LV E R , C O - D I R E C T E UR S D U C I T L B , A L E X I S M A R T I NE T E F T YC H I A PA N AY I O TO U , PA R T I C I PA N TS D U S TAG E D E 2 0 1 1 .

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Extrait de la publication

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16 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

B a C k t o t h e f u t u r e15.9.X3

Les sous épuisés, je retrouve lentement mon rythmenaturel, laissant monter le niveau de l’inspirationjusqu’à la rupture des digues, ce qui peut prendre dutemps, beaucoup de temps, mes digues sont hauteset massives, mais enfin, ce roman, j’y viens.

B e n t i e n S . . .16.9.X3

«Une mère qui n’est pas malade ne fait pas ça».L’avocat de Mélanie B… a bien résumé le point devue qui prévaut dans les tribunaux. On l’a trouvéenon criminellement responsable d’avoir poignardéson enfant de trois ans. À mort. «Au moment desévénements, elle n’avait pas toute sa tête», a préciséune journaliste.

C’est ça. Les filles sont folles, les gars des sauvages.Les unes rentrent chez elles, les autres montent auPen.

Le juge a suggéré qu’elle s’abstienne de boire. Elle,veut tourner la page. S’occuper de son fils de septans et de ses jumeaux d’un an.

Petite misère.

P L a C e !17.9.X3

L’intellect, c’était avant midi. M’en reste plus assezpour savoir quoi penser de ce papier paru dans lejournal de l’autre jeudi. Viens juste de tomber dessusen coulant un bronze. Du coup, me sont revenuesmes brèves et fragiles rencontres avec le Bison, et ceque je faisais, et où et avec qui, quand j’ai reçu lanouvelle de sa mort comme une insulte personnelledu Ciel. C’était l’année où j’ai publié Vamp.

C’est drôle, j’ai commencé à lire en bougonnant àcause du sous-titre. Je tiens Michel Lapierre pourun homme brillant, original, engagé mais mesuré, enplus d’être savant comme c’est pas permis. SonAutre histoire du Québec est un admirable, indis-pensable document. Mais là, je trouvais qu’il y allaitfort, avec cet en-tête déguisé en grosse sottise...

Homme de peu de foi, poisson d’avril de moi: à la fin,comme tout le monde, j’avais l’hameçon enfoncéde belle façon jusqu’aux ouïes. Et j’en sors, je crois,un peu bouleversé. Oui, ça ressemble à cela, je crois.Pas sûr. Pas l’habitude. Suis intrigué que personnene me l’ait signalé, ce papier. Comment craignait-onque je réagisse? De le savoir, ça m’aiderait à mefigurer ce que je suis censé ressentir. Pour l’instant,je n’en ai pas la première idée. Peut-on éprouversans idée? Une émotion sans nom, cela existe-t-il?Faut croire. Il faut. Croire.

La vraie bohème littéraire non plus n’a pas de nom.Pas encore. Dès qu’on s’est fait un nom, c’est déjàplus la même qualité de romantique misère. Et jesonge à Kevin, là-bas, aux Catacombes, écrivant dessonnets à la plume d’oie et les lueurs d’un bouquetde bougies qui fondent sur le bureau, Kevin ivre demots soûl comme un taurillon gipsy défonçant legypse de l’appart’ obscur dans l’odeur des livres etdu tabac à pipe et pleurant de grosses larmes

nacrées pour un couplet de Ferré. La bohème litté-raire, c’est un peu moi sans doute, mais c’est aussicelui-là, et d’autres que je ne connais pas, et d’autresque je connais. C’est surtout une idée, qui se faitcher payer, comme il se doit.

r a S S é r é n é P a r u n M a C C h a B é e

Consacré deux heures à tenter de saisir la nuanceentre induction et déduction, sans résultat, tourne ettourne et tourne en rond, à m’en sentir cave jus-qu’aux glaciales extrémités, puis jusqu’à me fâcher.Quoi, j’échouerais mentalement à distinguer d’élé-mentaires processus mentaux? Ça commence commeça, et allez savoir où ça mène. Après tout, la seulechose qui différencie le cerveau humain, ce kilo degélatine, d’un aspic aux légumes, c’est la capacité dupremier à réfléchir sur lui-même, voire à se com-prendre tant soit peu. Une machine sachant com-ment elle fonctionne, ou du moins se posant la ques-tion et recevant de loin en loin quelque lumière,même chiche, même rare, même guère brillante,même parcimonieuse comme le rayonnement d’uneluciole anémique. Un cerveau humain pas capable deça est à peu près aussi utile qu’une putain qui tricote.

L’exemple de travail que j’utilisais, c’est celui dontusent les avocats pour expliquer le concept depreuve circonstancielle: le soir, la rue devant chezvous est sèche, le lendemain matin elle est mouillée,vous en concluez donc qu’il a plu durant la nuit,même si vous n’avez rien vu.L’induction remonte depuis des faits épars jusqu’àune explication plausible. La déduction aboutit logi-quement à une conclusion en partant d’une ou plu-sieurs données admises. Question: C’EST QUOI LADIFFÉRENCE? Autre question: COMMENT TROUVERLA DIFFÉRENCE? PAR INDUCTION? PAR DÉDUCTION?Faudrait que je sache ce que c’est pour savoir ce quec’est. Affolant. Le nouveau lecteur aura compris queje dispose de beaucoup trop de temps libre.

À la fin, fuck le Net, je suis retourné au Petit Robert.Imaginez-vous donc qu’un certain Claude Bernarda déclaré: «Il me paraît bien difficile de séparer net-tement l’induction et la déduction». Ma foi, meréjouis-je, voilà un mec selon mon coeur. Goodenough for me. Quasi. Car c’est qui, ce ClaudeBernard? Aucune idée. Retour au Net. Que dalle enfrançais, faut se tourner vers les Angles pour finale-ment découvrir que le type est mort depuis 125 ans,ce qui lui confère tout de même un certain prestigevu qu’on le cite toujours, sans parler que ça diminuesingulièrement les risques de chicane entre nous.

Et si j’interrogeais un flic, un moderne, un bigleux, unbardé de parchemins?

Il a plu, il pleuvra. Sous les ponts un tas de fois. Avantque j’en arrive là.

L u M i n e u X !18.9.X3

Oldcola, biochimiste pour faire bouillir la marmite etlogicien olympien, m’éclaire sur ce qui m’emmêlaitles baguettes hier. Je reproduis ici son explication,bien supérieure à celle du dictionnaire:

La méthode de raisonnement inductif est mon painquotidien. Il s’agit de raisonnement basé sur des faits

particuliers, dans mon cas des observations expéri-mentales, destiné à produire des règles générales,théoriques qui permettront de modéliser. je cadreparfaitement avec l’utilisation du terme en informa-tique, ce qui fait dire à une grande partie de mes col-lègues que je suis d’avantage bio-informaticien, quebiochimiste. Ca me va. Le terme induction sembleêtre ici utilisé pour signifier la construction d’unensemble logique à partir d’éléments ajoutés peu àpeu. Ça ressemble beaucoup à de la généralisation.

Le raisonnement inductif nécessite une très bonneconnaissance du domaine auquel on l’applique pourgarantir la solidité du modèle qui en résulte. Parfois,lorsque les éléments apportés par l’expérimentationne sont que partiels, il est nécessaire de se baser surles modèles produits par induction pour approcherde la solution et pouvoir proposer un modèle, quiest basé en partie sur des hypothèses. C’est un travailde raisonnement déductif, le modèle étant déduitpar analogie avec ceux préalablement connus. Leterme déduction semble être utilisé ici pour signifierle choix d’un modèle par élimination de ceux qui nesont pas conformes avec nos hypothèses de départ.

J’utilise les deux formes de raisonnement déductifen faisant attention à ne pas les confondre : le rai-sonnement catégorico-déductif où les prémisses sontvraies [résultats expérimentaux], le raisonnementhypothético-déductif [le plus fréquent] où les pré-misses sont provisoirement supposées comme accep-tables, pour vérifier si un modèle est adéquat, auquelcas il doit les confirmer a prosteriori.

D e r n i e r S M o t S21.9.X3

Ai finalement trouvé les mots. Des mots, en tout cas.À écrire à Gigi. Il en fallait, à ce stade. Ma réserve res-pectueuse était interprétée comme de la distancia-tion délibérée. Avoir attendu dix ans pour dire ceschoses et se taire le moment venu, ç’aurait vraimentété trop con. Dans dix ans, je m’imagine aisément mele reprochant. Not this time. Il va sans dire (!) que jene lui révèle rien qu’elle ne sache déjà, elle qui meconnaissait parfois mieux que moi-même, mais cen’est pas une raison pour ne pas énoncer les chosesde temps en temps, for the record.

é t i r e r L e D e u i L e n L ’ a n t i C i P a n t

Aller-retour en Beauce avec le père, le fils et lablonde du père, histoire de visiter ce qui reste deMamie. Papa bouleversé, mais il faut le connaîtrepour s’en apercevoir. Chez moi, c’est plus évident.Me suis rasé pour qu’elle me reconnaisse. Ses semi-phrases inaudibles. Déchiffré ses regards et les mou-vements des commissures de ses lèvres, ces lèvresqui ont tant prié pour moi.

La finalité de l’exercice, et ce pourquoi je l’ai initié,c’était d’y aller tous trois ensemble.

Entendu de Mario ma première joke d’écrivain(pompée à une caricature du Figaro): c’est un auteurenfoncé dans un fauteuil trop bas devant un édi-teur debout, drapé dans sa superbe. L’auteur: «Dèsla fin du premier chapitre, mes personnages ontacquis une vie autonome. J’entamais le sixièmequand ils ont suggéré que je change d’éditeur...»Pissant.

F@etus par CHRISTIAN MISTRALf@etus est une chronique constituée de courriels avortés : conçus, partiellement rédigés mais jamais acheminés dans leur forme achevée…

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AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 17

editionsalto.com

Les peaux cassées L’orangeraieLe mur mitoyenLarry TREMBLAYCather ine LEROUXRichard DALLAIRE

Un récit poétique tout en nuances de gris où l’espoir verdit dans les endroits les plus inusités.

Une histoire où l’on frappe trois coups sur un mur pour entendre en retour un mystérieux toc toc toc.

L’auteur du Christ obèse frappe encore un grand coup, mais vise cette fois le cœur.

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DE LA

RÉPUBLIQUE EN

AMÉRIQUE FRANÇAISE

« Les textes réunis dans ce�e

anthologie sont essentiels. Et

ils sont extraor-dinairement

actuels. » Ianik Marcil,

Hu�ngton post

« Une foule d’histoires

qui méritaient d’être racontées,

et qui le sont en�n ! »

Jean Dion, Le Devoir

« Cet ouvrage permet au lecteur

non seulement d’évaluer l’apport

de cet architecte au domaine bâti

de Montréal, mais aussi d’apprécier

son héritage. » Paul Benne�,

Le Devoir

« Les milliers de vies brisées par le changement

d’empire sortent de l’anonymat dans La guerre

des Canadiens de Jacques Mathieu et Sophie Imbeault. »

Dave Noël, Le devoir

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Architecte, 1858-1925

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18 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

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Également disponibleen version numérique

Quand Dieu est plus grand

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Elvis et DoloresAndré Pronovost

Geneviève Amyot, Corps d’atelierDenise Desautels, Sans toi, je n’aurais pas regardé si haut, coll. Lieu dit

Jean Royer, L’arbre du veilleur, coll. Chemins de traverse

Claude Paradis, Carnet d’un improbable étéNormand Génois, À hauteur d’arbre Jacques Gauthier, La vie inexprimableSerge Patrice Thibodeau, Sous la banquise

Marjolaine Deshênes, Comme autant de hachesIsabelle Dumais, La compromissionMartin Boisseau, Frapper l’image

Collection Initiale

Rosalie Trudel, L’OndéeJonathan Charette, Je parle arme blancheBruno Lemieux, Dans le ventre la nuitwww.lenoroit.com

NouveautésPrintemps 2013

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AUTOMNE 2013 • Lettres québécoises • 67

littéraires comptent sur le livre de poche de leurs meilleurs auteurspour renflouer leurs caisses ? Ce changement entraînera-t-il desfaillites ? Cela se peut.

On nous dit que ce programme remettra l’histoire à l’honneur, mais onne précise pas comment ?

Si l’on se fie aux commentaires faits dans les journaux, le texte de pré-sentation a été écrit dans un jargon hermétique, comme c’est souventle cas. On masque fréquemment l’insignifiance d’une refonte en utili-sant un langage qui fait écran à l’entendement. Plus c’est compliqué,plus ça risque de passer, semblent se dire ceux qui en font la rédaction.

Lettres québécoises publiera sans doute une analyse de ce documentdans les mois à venir.

le Salon international du livre de Québec

On parle beaucoup du Salon du livre de Montréal, mais peu souvent duSalon international du livre de Québec. Cela tient sans doute au fait queMontréal accueille bon an, mal an plus de 125 000 visiteurs, ce qui estimpressionnant si l’on considère que le Salon du livre de Paris a reçu, enmars 2013, quelque 190000 visiteurs. Or, la population de Montréal etde ses banlieues est de l’ordre de 3,825 millions, alors que celle deParis et de sa couronne est de 11,7 millions. Cela signifie que le Salon dulivre de Paris devrait attirer quatre fois plus de visiteurs que celui deMontréal, ce qui n’est pas le cas à l’évidence.

Que le Salon international du livre de Québec attire 67 000 visiteursest un score plus qu’honorable par rapport à Montréal, sa concur-rente. C’est d’autant plus réconfortant que la place donnée auxauteurs, tout comme à Montréal du reste, est le cheval de bataille dusalon de Québec. Selon les chiffres du salon, 1125 auteurs étaient pré-sents pour célébrer cet événement. Mieux encore, on juge que, depuis

1998, le Salon du livre de Québec a eu pour impact économique defaire vendre des livres sur place ou en librairie pour une somme éva-luée à 20 millions de dollars, sans compter les effets économiquespour la restauration et l’hôtellerie. Longue vie donc au Salon du livrede Québec.

tristan Malavoy-Racine aux éditions XYZ

En avril dernier, Geneviève Harvey, attachée de presse, annonçait queTristan Malavoy-Racine dirigerait une collection nommée Quai n° 5 auxÉditions xYZ. Le communiqué dévoile qu’on y trouvera des récits etdes nouvelles dès l’automne 2013.

L e Q u a i n ° 5 , c ’ e s tl’aventure, dit le com-muniqué. « Celle quimène aux confins del’Asie ou au plus pro-fond de soi ; celle donton revient changé, cellequi donne env ie derepartir aussitôt lesvalises posées. »

B e l l e i n v i t a t i o n a uvoyage. Il n’empêcheque nous restons surnotre faim puisqu’onannonce deux parutionsà l’automne 2013, maissans préciser les nomsdes auteurs ni les titres.

Suspense ?

Martin thibault : Poète de la Cité

Un nouveau poète remplace Claude Beausoleil qui a réussi avec briodans ses fonctions, lui qui était le premier Poète de la Cité. MartinThibault sera à son poste de septembre 2013 à juin 2015. Il recevra unmontant de 25000 $ du Conseil des arts de Montréal pour accomplir sontravail. Il partagera son temps entre la Maison du Conseil des arts deMontréal et l’Édifice Gaston-Miron où il aura un bureau à sa disposition.

Le rôle de Poète de la Cité est d’être présent partout où son mandatl’appelle pour faire entendre la voix de la poésie d’hier et d’aujourd’hui. Leposte laisse aussi à celui qui l’occupe un temps pour l’écriture. MartinThibault sera par ailleurs appelé à participer à des animations dans plu-sieurs bibliothèques ou autres lieux publics. Il y fera des rencontres et deslectures, seul ou accompagné d’écrivains ou d’artistes. L’objectif premierde sa mission est de faire rayonner la poésie, la sienne, mais aussi celle desautres, par des lectures publiques de textes déjà publiés ou inédits.

Le projet, Des mots pour la Terre, qu’avait présenté Martin Thibaultpour décrocher le poste, démontrait une ouverture à l’autre et lebesoin de faire une place de choix aux écritures métissées. Montréal,on le sait, est une ville aux multiples visages, non seulement françaiset anglais. Plusieurs nationalités d’Europe et d’Amérique du Sud toutautant que d’Asie y ont trouvé une terre d’accueil. Montréal est la pre-mière ville francophone du Canada à avoir son Poète de la Cité.Toronto et Ottawa ont créé ce poste il y a quelques années. Lettresquébécoises souhaite bonne chance à Martin Thibault.

iNfOcapsule

le numérique plafonne

Rien à faire, le numérique est toujours à la une lorsqu’il est questiond’édition. On ne cesse de s’interroger sur sa possible domination dumarché du livre. On se questionne avec d’autant plus d’insistanceque sa progression a été fulgurante aux États-Unis. Mais qu’en est-il auCanada ? Les chiffres ont-ils évolué à la hausse ?

Un rapport diffusé à la fin du mois de mai dernier par le groupeBookNet Canada y allait de bémols : un sondage mené auprès de 400bibliophiles indique que le livre à couverture souple détient toujoursla grande part du marché. Il est le choix de 58 % des personnes inter-rogées alors que le livre à couverture rigide – le sondage a indubita-blement été mené en territoire anglophone ! – arrive au deuxièmerang avec une proportion de 24 % des acheteurs. Les livres numé-riques quant à eux ne sont choisis que par 15 % des lecteurs.

Ces chiffres, nettement supérieurs à ceux que nous connaissons chez lesfrancophones du Québec, laissent croire que les ventes du numériquestagnent selon BookNet qui a mené le sondage. De fait, 37 % des ache-teurs restent fidèles à la librairie, 34 % choisissent plutôt le magasin dedétail, ce qui illustre de façon nette une certaine désertion des librairies.Les autres, 25 %, achètent leurs livres sur le Web. On ne peut donc pasignorer que le Web et le livre numérique aient connu une lente, maisimparable progression au cours des dernières années. Pourra-t-il un jourdétrôner le papier? Est-ce que cela marquera la fin des librairies? Cela sepeut et ce sont les jeunes qui feront basculer la balance en ce sens!

iNfOcapsule

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Extrait de la publication

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68 • Lettres québécoises • AUTOMNE 2013

Prix Le Droit 2013

L’écrivaine nicole V. Champeau aremporté le Prix Le Droit 2013, sec-tion poésie, pour son recueilBarricades mystérieuses (Vermillon,2012). Rappelons que l’écrivaine a auss i remporté le Pr ix duGouverneur général 2009 (étudeset essais) et le prix Émile-Ollivier duCSLF 2010 pour Pointe Maligne.L’infiniment oubliée.

Prix Hommage visionnaire de la science-fiction et du fantastique

élisabeth Vonarburg est devenuela première lauréate du prixHommage v is ionnaire de lascience-fiction et du fantastique.Ce prix est administré par SFSFBoréal inc., corporation sans butlucratif agissant depuis 1981 dansle domaine des littératures del’imaginaire.

Prix Hervé-Foulon du livre oublié

nicole houde a reçu le prix Hervé-Foulon du livre oublié pour sonroman La Maison du remous, paru

originellement en 1986 aux Édi-tions de la Pleine Lune.

Prix de la nouvelle Radio-Canada

CBC / Radio-Canada et ses parte-naires — le Conseil des arts duCanada, le magazine enRoute d’AirCanada et le Banff Centre — ontnommé fabien Philippe, auteurde « Janken », grand lauréat duPrix de la nouvelle Radio-Canada.L’auteur recevra 6 000 $ offertspar le Conseil des arts du Canada,profitera d’une résidence d’écri-ture de deux semaines au BanffCentre, et sa nouvelle sera publiéedans le numéro d’avril du enRouted’Air Canada.

Prix littéraire de la Ville deQuébec et du Salon inter -national du livre de Québec

françois Blais s’est vu attribuer lePrix littéraire de la Ville de Québecet du Salon international du livrede Québec pour son roman docu-ment I (L’instant même). Le prixest doté d’une bourse de 5 000 $.

Les Prix du Canada

Le Prix du Canada en scienceshumaines est allé à Double jeu.Baseball et littératures améri-caines (Le Quartanier 2012) deMichel nareau.

Quant au Prix du Canada ensciences sociales, il revient à l’ou-

vrage ethnologique Le Vodou haï-tien. Entre médecine, magie et reli-gion (PUL, 2011) de nicolasVonarx. Chacun des prix étaitaccompagné d’une bourse de2 500 $.

Bourse d’écriture Gabrielle-Roy

Le Fonds Gabrielle-Roy et l’UNEQont attribué à la romancière,essayiste et journaliste MichelineLachance la bourse d’écritureGabrielle Roy 2013. L’écrivainepassera les mois de juillet et aoûtd a n s l a r é s i d e n c e d ’ é t é d eGabrielle Roy, à Petite-Rivière-Saint-François, où elle travailleraà son prochain roman.

Prix Champlain 2013

Dérapages (L’Interligne), le plusrécent recueil de nouvelles dePaul Savoie, a remporté le prixChamplain 2013 dans la catégorie« Fiction ». Ce prix, accompagnéd’une bourse de 1 500 $, récom-pense depuis 1956 des auteursfrancophones habitant à l’exté-rieur du Québec.

Lauréats des Prix du livre politique 2013

Prix de la Présidence de l’Assem -blée nationale : 1er prix, Marionatomàs, Penser métropolitain ? La

batai l le pol i t ique du GrandMontréal (PUQ) ; 2e prix : GérardBouchard, L’inter culturalisme : unpoint de vue québécois (Boréal) ;3e prix : alain Lavigne, Duplessis,pièce manquante d’une légende :l’invention du marketing politique(Septentrion).

Prix Bédéis causa

Le prix Albéric-Bourgeois, pour lemeilleur album de langue fran-çaise publié à l’étranger par unauteur québécois, dessinateur ouscénariste, a été remis à JacquesLamontagne, pour le premiertome de Van Helsing contre Jackl’Éventreur (Soleil).

Le prix Maurice-Petitdidier a étéremis pour l’album Vingt-troisprostituées à l’auteur canadienChester Brown, publié en versionfrançaise chez Cornelius.

Le prix Réal-Fillion, remis à unauteur québécois, scénariste oudessinateur, s’étant le plus illustréavec son premier album profes-sionnel, a été remporté par lesauteures isabelle arsenault etfanny Britt pour Jane, le renard etmoi (La Pastèque).

Le lauréat du Grand Prix de la villede Québec, décerné au meilleuralbum de langue française publiéau Québec, est Michel falardeau,pour son album French Kiss 1986(Glénat Québec).

Connu comme auteur, animateur,communicateur et ambassadeur

de la BD depuis 30 ans, tristanDemers a fait sa marque dans le 9e

art au Québec. C’est pourquoi leconseil d’administration du FBDFQa décidé de lui remettre cetteannée le prix hommage Albert-Chartier.

Prix et distinctions

MICHE L N A R E AU

N I C O L A S VON AR X

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Extrait de la publication