L’esprit et le corps

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L’esprit et le corps Charles Lebrun, tête d’homme vue de dessus

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L’esprit et le corps . Charles Lebrun, tête d’homme vue de dessus. Introduction: objets simplement matériels organisme et phénomènes biologiques - phénomènes mentaux. Qu’est-ce qu’un phénomène mental ?. Souvenir de Claude Lévi-strauss. L’amour d’Othello et sa jalousie. - PowerPoint PPT Presentation

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L’esprit et le corps

Charles Lebrun, tête d’homme vue de dessus

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Introduction:

- objets simplement matériels- organisme et phénomènes biologiques- phénomènes mentaux

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Qu’est-ce qu’un phénomène mental ?

Souvenir de Claude Lévi-strauss

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L’amour d’Othello et sa jalousie

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De manière générale, l’esprit serait en quelque sorte l’entité qui se manifeste dans les phénomènes que l’on considère comme mentaux (rationnels, émotionnels, etc.).

Problème 1 : l’esprit est-il distinct du corps ? S’il l’est, de quelle manière l’est-il ?

Enjeux : - connaissance de soi- responsabilité - Immortalité

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Il semble que nous ne pouvons pas observer directement les états mentaux chez autrui.

D’autre part comment connaît-on les phénomènes mentaux ?

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Par contre nous pourrions les « observer » en nous-mêmes, par la conscience que nous avons de nos propres émotions, souvenirs, etc.

→ Pbl 2 : connaît-on les phénomènes mentaux directement (par la conscience de soi) ou indirectement (en observant autrui) ?

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I- Le dualisme de l’âme et du corps

Être dualiste (duo : deux) : penser qu’il existe une différence radicale entre phénomènes mentaux et physiques.

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1- le dualisme des substances

Descartes : il y a différence de propriétés parce qu’il y a différence de réalité : la personne humaine est un composé de deux sortes de réalité ou substances.

Deux types de substances selon Descartes : les esprits et les corps. L’esprit est donc indépendant du corps et inversement.

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Corps (réalité matérielle)

Esprit

Propriétés principales

3 dimensions spatiales

Immatériel et non spatial.Capable de penser (sous ses différentes formes)

Capable de déplacement

Composé de matière

Étude

Accessible à tout sujet (publique)

Accessible qu’à moi (intériorité, privée )

La physique met en évidence ses propriétés et lois

La psychologie

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Conséquence: mortalité du corps / immortalité de l’âme.

Rque : ≠ croyance chrétienne : résurrection des corps. Foi ≠ Raison.

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Les capacités de l’esprit selon Descartes

La « Pensée » ou la conscience : toute activité mentale,

quelle qu’elle soit

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Les différentes capacités mentales selon Descartes

« La raison »

« L’imagination »

« les sens »

« La volonté »

Raisonner, calculer, concevoir

Penser par images mentales (souvenirs, anticipations, imagination)

Perceptions sensorielles (visuelles, etc.), sensation de plaisir/peine, émotions (en rapport avec le corps)

Désirs, intentions (« pensées » motrices)

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Quelles sont les raisons (≠ foi) en faveur de la thèse du dualisme des substances ?

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2-un argument antique : la nécessité d’une substance permanente malgré les changements de la personne.

Prémisse 1- Le corps de la personne peut changer complètement.

- la quasi-totalité du corps est renouvelée périodiquement - nous pouvons concevoir que la totalité du corps soit renouvelée

Prémisse 2- pourtant, nous concevons qu’il puisse s’agir du même sujet Le sujet semble responsable de ses actions passées …

Conclusion : l’âme existe.- il existe un principe permanent dans la personne (P2), principe différent du corps (P1)- on appelle âme ou esprit cette substance immatérielle. Donc l’âme existe.

1965

2000

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Objet dont on doute Raison de douter Résistance au doute

1. Les données des sens Illusions, erreurs des sens

Mon corps

2. Mon corps et l’ensemble des choses

extérieures à moi

Rêve Vérités mathématiques

3. Tout (?) Malin Génie Rien (?)

Les Méditations Métaphysiques : recherche de vérité absolue. Méthode : doute hyperbolique. Critère de vérité : capacité d’une proposition à résister à tout doute possible.

3- l’argument principal de Descartes :

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Mais peut-on vraiment douter de tout ?

« Cogito ergo sum » « Je pense, donc je suis »On peut développer ainsi : P1- si je doute (de tout), alors je pense (quelque chose) P2- mais pour penser, il faut qu’il existe un sujet pensant) Conclusion- J’existe, moi, un sujet pensant.

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ATTENTION : le cogito n’est valide que s’il est formulé à la première personne (je), et non à la troisième (Il, Descartes)

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Pourquoi la connaissance de l’existence de mon esprit (moi) est-elle absolument certaine alors que celle de toutes autre choses ne l’est pas ?

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Je suis un esprit conscient ou « une conscience »

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Cette conscience est capacité de penser à des objets hors de « moi ».

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Mais la conscience de ces objets n’en est pas une connaissance : - je ne le pense généralement pas tel qu’il est- d’ailleurs il n’existe peut-être pas (doute hyperbolique)

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En revanche, je ne peux pas douter de l’existence de moi-même, le sujet que je suis.

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La conscience de soi fournit un accès immédiat de l’esprit à lui-même, et n’offre donc aucune

place pour le doute.

Par la conscience de soi, l’esprit se perçoit lui-même comme une entité douée de pensée, une « chose pensante »

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• Conscience de soi = connaissance directe et certaine (nécessaire : ne peut pas être fausse)• Conscience de mon corps = connaissance indirecte et hypothétique (contingente : peut être fausse)

Conclusion: j’ai un corps, je ne suis pas ce corps, et cet esprit que je suis en est bien

distinct.

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4- le problème de l’interaction

Pbl:

-Perception de l’environnement et sensations (ex: douleur) reposent apparemment sur l’action du corps sur l’esprit

- Les actions intentionnelles (ex : marcher) reposent apparemment sur l’action de l’esprit sur le corps.

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Descartes : interaction causale entre l’un et l’autre.

Tel changement de propriété de la « substance étendue » (le corps) peut causer un changement d’état de la « substance pensante » (l’esprit), et inversement.

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• lieu supposé de l’interaction : une partie du cerveau : la « glande pinéale » (épiphyse). Les deux substances y seraient « unies » : union de l’âme et du corps.

Dessin de Descartes

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Via la ‘glande pinéale’, … les actes de l’esprit (intentions) stimulent le système nerveux et commandent ainsi des mouvements corporels … des mouvements corporels (ex: stimulation de la rétine) et les influx nerveux qu’ils produisent dans l’âme des pensées.

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5- Objections : ● comment une substance immatérielle peut-elle agir sur une substance matérielle ?

si un ‘esprit’ fait se déplacer un verre, alors cet agent est un agent physique… «  je suis certain, maintenant, certain

comme de l'alternance des jours et des nuits, qu'il existe près de moi un être invisible, qui se nourrit de lait et d'eau, qui peut toucher aux choses, les prendre et les changer de place, doué par conséquent d'une nature matérielle, bien qu'imperceptible pour nos sens, et qui habite comme moi, sous mon toit... »

Maupassant, Le Horla

Courbet, Le désespéré

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• plus profondément, L’esprit ou l’âme entendue comme substance immatérielle est par principe inobservable par des méthodes expérimentales publiques, partageables par tous(critique positiviste)

Ce concept n’est-il donc pas douteux ?

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Matérialisme : il n’existe qu’un seul genre de choses : les choses matérielles, les corps physiques. Pas d’esprit immatériel (à distinguer du sens moral du mot)

II- Le matérialisme : l’esprit se réduit à la matière

1- la thèse

« Le cerveau sécrète la pensée comme le foie

sécrète la bile. » Pierre Cabanis (médecin)

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• La pensée, l’activité mentale = l’activité cérébrale. Le sujet, c’est l’organisme ou son centre nerveux : le cerveau.

• On a l’impression que pensée et cerveau sont différents.Mais la conscience de soi n’est pas un gage de vérité (pas plus que la conscience d’objet). → Le sujet… serait un « objet » comme un autre.

La science du cerveau vient au secours de notre ignorance.

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2- quelques arguments :

3 types de faits argumentent pour une identité esprit/cerveau :

a- l’étude de pathologie mentale. Ex : Broca et l’aphasie

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b- observation de corrélations entre tel processus neuronal et tel état mental . • Corrélation ‘classique’. cf. La Mettrie

si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscère, et

conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un

raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échauffe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon

esprit passe-t-elle dans mes veines ?

La Mettrie, L’homme-machine (1747)

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• observations de corrélations plus étroites ex des fibres nerveuses C

• action sur les transmissions neuronales par le biais d’agents chimiques

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c- techniques de l’imagerie cérébrale

par Imagerie par Résonnance Magnétique (IRM)

L'électro-encéphalographie

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3- l’identité pure et simple esprit/cerveau : « éliminer » l’esprit.

Argument de J.J.C. Smart (1966)Si l’éclair se produit systématiquement en corrélation avec des décharges électriques produites dans l’atmosphère, c’est qu’ils sont strictement identiquesSi un phénomène 1 se produit systématiquement en corrélation avec un phénomène 2, Alors les deux sont identiques.

Une certaine activité neuronale (les cellules nerveuses qui composent le cerveau)

=L’amour qu’éprouve une personne envers une autre personne

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Justification par le principe du « rasoir d’Occam » : -ne pas multiplier les entités sans nécessité-ce qui peut être fait avec moins d’hypothèses ne doit pas être fait avec plus.

En métaphysique et en sciences il faut être économe.

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Mais puisque toutes les facultés de l’âme dépendent tellement de la propre organisation du cerveau et de tout le corps qu’elles ne sont visiblement que cette organisation même, voilà une machine bien éclairée ! (…) Des roues, quelques ressorts de plus que dans les animaux les plus parfaits, le cerveau proportionnellement plus proche du cœur, et recevant aussi plus de sang, la même raison donnée ; que sais-je enfin ? des causes inconnues produiraient toujours cette conscience délicate, si facile à blesser, ces remords qui ne sont pas plus étrangers à la matière que la pensée, et en un mot toute la différence qu’on suppose ici. L’organisation suffirait-elle donc à tout ? oui, encore une fois ; puisque la pensée se développe visiblement avec les organes, pourquoi la matière dont ils sont faits ne serait-elle pas aussi susceptible de remords, quand une fois elle a acquis avec le temps la faculté de sentir ?

L’âme n’est donc qu’un vain terme dont on n’a point d’idée, et dont un bon esprit ne doit se servir que pour nommer la partie qui pense en nous. Posé le moindre principe de mouvement, les corps animés auront tout ce qu’il leur faut pour se mouvoir, sentir, penser, se repentir, et se conduire, en un mot, dans le physique et dans le moral qui en dépend. [...]

En effet, si ce qui pense en mon cerveau n’est pas une partie de ce viscère, et conséquemment de tout le corps, pourquoi lorsque tranquille dans mon lit je forme le plan d’un ouvrage, ou que je poursuis un raisonnement abstrait, pourquoi mon sang s’échauffe-t-il ? pourquoi la fièvre de mon esprit passe-t-elle dans mes veines ? Demandez-le aux hommes d’imagination, aux grands poètes, à ceux qu’un sentiment bien rendu ravit, qu’un goût exquis, que les charmes de la Nature, de la vérité, ou de la vertu transportent !

Julien Offray de La Mettrie, L’Homme machine (1747)

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4- objections : • contre l’identification un état mental = un état cérébral : - la localisation cérébrales des fonctions mentales n’est pas précise et peut varier - l’éthologue attribue des états mentaux à des animaux qui ont un tout autre système nerveux (ex : le poulpe)

• élimine certaines propriétés des états mentaux - la dimension subjective de nombres d’entre eux - la dimension sociales de nombres d’entre eux

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→ Il faut trouver une position synthétique entre dualisme et matérialisme

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III – l’esprit n’est pas une substance (matérielle ou immatérielle), c’est une capacité attachée à certains animaux.

A- La capacité d’être conscient. 2 caractéristiques de la conscience

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1- certains animaux (dont l’homme) sont doués de conscience sensible

Thomas Nagel

- la saveur du chocolat

- « what is it like to be a bat » ex de l’echo-localisation.

→ Les impressions sensorielles et émotionnelles ne sont accessibles qu’au Sujet qui en fait l’expérience subjective. La conscience sensible est un « espace » absolument privé, inaccessible à autrui. → Intériorité mentale ≠ intériorité physique

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• tous les états mentaux sont-ils conscients en ce sens ? c’est douteux

admirer la couleur du coucher de soleil → perception consciente du rouge

s’arrêter au feu rouge→ réaction automatique. Descartes : il n’y a pas de perception mentale : seul le corps agit.

≠ sciences cognitives : il y a une perception non consciente. La conscience survient lors de certaines perceptions.

cf. -Joëlle Proust in http://www.dailymotion.com/video/xgewdw_les-sciences-de-l-esprit-2_tech -David Chalmers, l’Esprit conscient, I,2

→ il faut dire : nombres d’états mentaux peuvent être conscients.

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2- la conscience intentionnelle

• l’intention et l’action

Pierre se trompe de route. il va à Plovdiv il essaie d’aller à Varna

On peut dire : il y a ce qu’il fait physiquement : point de vue physique il y a ce qu’il a l’intention de faire : point de vue mental

Objection matérialiste : ici il y a deux faits physiques, deux actions qui mobilisent le cerveau dans des aires différentes.

Réponse : avoir l’intention de faire quelque chose, c’est viser un fait qui, précisément, n’existe pas, ni dans l’environnement, ni dans le cerveau.

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• L’esprit conscient se « rapporte » à des faits, objets, personnes, mentaux, qui ne sont pas seulement leur expression physique (cérébrale), qui sont bien en-dehors de la tête.

Husserl nomme ce pouvoir de l’esprit l’intentionalité

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• ce pouvoir de l’esprit n’est évidemment pas un pouvoir magique de se mettre en relation physiquement avec ses objets de pensées

La « relation » mentale se distingue de la relation physique :

Paul se souvient de Marie → elle n’est pas là ≠ Paul est assis à côté de Marie → elle est là → penser à quelqu’un est une relation qui - peut exclure la présence de l’autre (souvenir) l’existence de l’autre (imagination créatrice) - en tout cas n’affecte pas par elle-même son objet

Paul aime secrètement Marie → rien ne se passe en Marie ≠ Paul embrasse Marie → quelque chose se passe chez Marie (elle est embrassée)

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« Tout phénomène psychique contient en lui-même quelque chose comme un objet bien que chacun le contienne à sa façon . Dans la représentation c’est quelque chose qui est représenté, dans le jugement quelque chose qui est admis ou rejeté, dans l’amour quelque chose qui est aimé, dans la haine quelque chose qui est haï, dans le désir quelque chose qui est désiré, et ainsi de suite. » Brentano, Psychologie d’un point de vue empirique

Brentano est le maître de Husserl

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« Tout état de conscience en général est, en lui-même, conscience de quelque chose, quoi qu’il en soit de l’existence réelle de cet objet (…). Par conséquent, il faudra (…) dire que tout état de conscience « vise » quelque chose, et qu’il porte en lui-même en tant que « visé » (en tant qu’objet d’une intention) son [objet de pensé respectif]. Chaque [type de pensée], du reste, le fait à sa manière. La perception de la maison « vise » (se rapporte à) une maison – ou plus exactement, telle maison individuelle- de manière perceptive, le souvenir de la maison « vise » la maison comme souvenir; l’imagination, comme image (…). Ces états de conscience sont aussi appelés états intentionnels. Le mot intentionnalité ne signifie rien d’autre que cette particularité foncière et générale qu’a la conscience d’être conscience de quelque chose, de porter [son objet de pensée] en elle-même. « Husserl

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- selon Husserl, tous les phénomènes mentaux sont des phénomènes intentionnels :

→ généralisation contestable (ex : la douleur; l’angoisse)

-Selon H, tous les objets auxquels je pense, que je désire, etc. sont des objets intentionnels, mentaux : simples objets « visés » par la conscience.

Ex : je perçois une étoile = le sujet « vise » l’étoile-perçue (objet mental). →L’esprit ne serait jamais dans une relation avec les objets réels (avec lesquels mon corps est en relation physique) pbl : on arrive à un dualisme objet mental/objet réel et avec ses difficultés faut-il redoubler les objets réels de leur homologue mental ?

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• une différence entre intelligence artificielle et pensée humaine ?

-I.A. (version forte) : une machine capable de résoudre les mêmes problèmes qu’un être humain peut être dite intelligente, au sens strict = elle a un esprit (mind)

Penser (de manière rationnelle) = exécuter un programme, cérébral (biologique)ou informatique (technique, artificiel).

Alan Turing (1912-1954)

http://videos.arte.tv/fr/videos/tracks-test-of-turing--6973074.html

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-contre l’’IA forte, J.Searle : simulation d’une activité intelligente ≠ l’activité intelligente. L’argument de la chambre chinoise

« Supposons que je sois dans une pièce fermée avec la possibilité de recevoir et de donner des symboles, par l’intermédiaire d’un clavier et d’un écran, par exemple. Je dispose de caractères chinois et d’instructions permettant de produire certaines suites de caractères en fonction des caractères que vous introduisez dans la pièce. Vous me fournissez l’histoire puis la question, toutes deux écrites en chinois. Disposant d’instructions appropriées, je ne peux que vous donner la bonne réponse, mais sans avoir compris quoique ce soit, puisque je ne connais pas le chinois. Tout ce que j’aurais fait c’est manipuler des symboles qui n’ont pour moi aucune signification. Un ordinateur se trouve exactement dans la même situation que moi dans la chambre chinoise : il ne dispose que de symboles et de règles régissant leur manipulation. »

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faire des opérations sur des symboles (math, alphabet, etc) ne suffit pas pour que l’on nous reconnaisse un esprit : il faut encore que l’on comprenne ce qu’on fait, que le sens des symboles soit conscient (au sens intentionnel)

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- Application : l’éléphant peintre thaï ne fait que simuler l’activité du peintre Il ne sait pas ce que sont les images d’éléphant (même si il peut avoir une conscience sensible)

Ni l’éléphant, ni l’ordinateur ne savent le sens des symboles qu’ils manient. Leur usage n’est pas ici accompagné de conscience intentionnelle, de « visée » du sens produit.

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B- l’esprit est une capacité

1- dualisme et matérialisme commettent une erreur de catégorie

Gilbert Ryle, The concept of mind (1949) : l’analogie entre l’esprit et l’université Qu’est-ce que

l’esprit ? Qu’est-ce que l’université ?

matérialisme

Dualisme des substances

Gilbert Ryle

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Qu’est-ce que l’esprit ?

Qu’est-ce qu’une université?

matérialisme L’esprit est le cerveau

L’université est un certain bâtiment (de l’université)

Dualisme des substances

L’esprit est une substance immatérielle

L’université est comme un bâtiment administratif, mais d’une autre nature, non matériel

Gilbert RyleLes activités mentales sont certaines activités de la personne physique.

L’université est une certaine organisation (et un certain usage) des bâtiments et des personnels .

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Thèse de Ryle : • activité mentale et activité cérébrale ne sont pas identiques•Mais l’esprit n’est pas non plus une autre chose que le cerveau• L’esprit n’est pas une partie de la personne, ni une partie matérielle (le cerveau) ni une partie immatérielle ( l’âme séparée)

Le fond de l’argument : dualistes et monistes commettent une erreur de catégorie.

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Etre Substances propriétés

… capacité quantité qualité relation temps lieu action passion

La notion de « catégorie » (Aristote)

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Substances

non-organiques végétaux animaux …

Substance individuées non-individuées

masses champsnaturelles artificielles (objets techniques; images; etc.)

La notion de « catégorie » (Aristote)

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propriétés

exemples

propriétés quantitatives

il contient 3 membres; il mesure 1m70; …

propriétés qualitatives

Avoir telle couleur; être doux, chaud, …

propriétés relatives

Être plus grand que …; être le successeur de …;

Propriétés spatiales

Il est ici ; il est grand; il est à la gauche de …

Propriétés temporelles

Il se déroule en ce moment ; entre le 3 février et le 4 février; 3 heures.

Actions (agir)

Il soupire; il calcule, il ouvre (la porte)

Passions (subir)

Il est bousculé

Capacités Il peut se déplacer; il a le pouvoir de changer les lois, il peut être ébranlé.

La notion de « catégorie » (Aristote)

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Thèse de Ryle : certaines propositions sont absurdes du fait qu’elles reposent sur des combinaisons de catégories fautives.

- « le jour qui suit samedi est lundi »≠ « Samedi est au lit »-« Je bois du rouge » : -« la racine carré de deux est 2 »≠ « la racine carré de deux est la mer »

- « Mon cerveau pèse 1,4 kg » est sensé, ≠« Mon esprit pèse 21 grammes » est absurde On fait une erreur de catégorie : l’esprit n’est pas une substance, or on ne peut attribuer une masse qu’à une substance)

Gilbert Ryle : la notion d’ « erreur de catégorie »

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« Les êtres humains sont des corps vivants d’un certain genre, qui ont différentes capacités. L’esprit humain est la capacité d’acquérir des aptitudes intellectuelles : une capacité est elle-même une aptitude, mais une aptitude de second-ordre, l’aptitude à acquérir des aptitudes.

Le véhicule de l’esprit humain est le cerveau humain. Les êtres humains et leurs cerveaux sont matériels ; mais pas leurs esprits parce qu’ils sont des capacités. Cela ne veut pas dire qu’ils sont des « esprits » (spirits). L’aptitude d’un piquet rond à rentrer dans un trou rond n’est pas un objet physique comme le piquet rond lui-même, mais personne ne suggèrera qu’il s’agit d’un esprit.

Ce n’est pas par adhésion au spiritualisme, mais par simple souci de clarté conceptuelle que nous insistons sur le fait que l’esprit n’est pas un objet physique et n’a pas de longueur ni d’épaisseur. »

Kenny, « Language and mind », The Legacy of Wittgenstein

Anthony Kenny disciple de

Wittgenstein

2- l’esprit n’est pas une substance, c’est une certaine capacité à accomplir des activités intellectuelles (Wittgenstein)

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sujet aptitude Support physique

activité typique

Le piquet Pouvoir de s’enfoncer dans le trou

La forme géométrique du piquet

S’enfoncer dans le trou

Une clé Pouvoir d’ouvrir une porte

Le panneton de la clé

Ouvre la porte

L’homme esprit Cerveau, main, organisme

Penser, parler, dessiner , …

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• Le sujet ou possesseur d’une aptitude est celui qui a l’aptitude. Le sujet humain possède des aptitudes mentales.

• Le support physique de cette aptitude est cette partie du possesseur qui le rend physiquement apte à exercer son aptitude. Le cerveau est le support physique principal des aptitudes mentales de l’homme.

• Le support physique = une substance matérielle / l’aptitude ne l’est pas (c’est une propriété).

L’esprit n’est pas une substance mais une aptitude (essentielle) de l’homme.

• aptitude et capacité- aptitude de 1er ordre : aptitude à accomplir certaines opérations.- aptitude de 2nd ordre ou capacité : aptitude à acquérir des aptitudes.

→l’esprit (mind) est principalement la capacité d’acquérir des aptitudes intellectuelles

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sujet Support physique

Aptitudes activités

Capacité mentale(= « esprit »)

L’homme Cerveau, main, larynx, ... organisme

langageCalculTechniqueEtc.

Parler, écrire, calculer, résoudre des problèmes techniques

Capacité préhensile(=anonyme)

L’homme La main anonymes Saisir, s’agripper, Tâter, palperSe gratter, Caresser, etc.

Comparaison capacité mentale et capacité ‘préhensile’

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Les activités intellectuelles : « des activités impliquant le maniement de symboles ». → parler le français→ résoudre une équation à 3 inconnus→ peindre un autoportrait→ jouer aux échecs→ résoudre un problème technique ?

À nouveau, l’ordinateur et l’éléphant (et peut être le chimpanzé domestiqué) opèrent avec nos symboles : ne sont des symboles que pour nous, pas de leur point de vue. (Kenny)

D’où la définition complète : « to have a mind is to have the capacité to acquire the ability to operate with symbols in such a way that it is one’s own activity that makes them symbols and confers meaning on them »

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3- une âme à plusieurs niveaux intégrés (Aristote)

•Wittgenstein définissent l’esprit comme la capacité à acquérir des aptitudes intellectuelles, soit à la raison.

Mais une théorie de l’esprit doit comprendre aussi D’autres aptitudes que nous jugeons mentale bien que non intellectuelles : → la perception, les sensations (au moins conscientes)→ la pensée en image→ les désirs, intentions→ certaines aptitudes techniques

• l’âme comme puissance (dunamis) d’accomplir toutes les actions et de subir toutes les passions (sensations/ affects) typiques d’une espèce donnée, c’était déjà la conception d’Aristote.

Page 71: L’esprit et le corps

Intellect , raison

Mémoire, imagination

SensationPerception

Croissance

Aristote : est un animal (zoon) tout ce qui a une « âme »- l’âme (psuchè, anima) est la capacité (dunamis) de tout organisme à exercer certaines actions / passions-« l’esprit » (noûs, mens) est la capacité de l’homme à accomplir des activités rationnelles

hommes

mammifères, …

tous les animaux

plantes

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Âme rationnelle

Âme sensitive

Âme nutritive

hommes

mammifères, …

tous les animaux

plantes

Page 73: L’esprit et le corps

L’âme n’est pas autre chose que l’organisme. Mais ce n’est pas sa matière : c’est sa « forme » (eidos), les capacités (dunamis) qu’il a de produire certaines opérations (ergon) qu’il exerce.

L’organisme peut être décrit de deux manières : du point de vue physique, matériel, et du point de vue du fonctionnement.

L’homme peut être décrit de même du point de vue de sa matière et du point de vue de ses activités. L’âme humaine est la capacité à accomplir de telles activités.

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4- Une conséquence : les pensées ne sont pas spécialement dans la tête.

• Thèse de Wittgenstein. • Exemple de la parole. En quoi parler est-il une opération de l’esprit ?

-Conception dualiste (âme/ corps ou cerveau/ corps): la parole exprime une pensée qui est dans la tête

-Conception wittgensteinienne : la parole est de la pensée. il se peut qu’elle soit en décalage avec une pensée intérieure mais ce n’est pas nécessaire

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Nous dirons que la caractéristique essentielle de la pensée, c’est qu’elle est une activité qui utilise des signes. Quand nous écrivons, la main est l’agent opératoire, quand nous parlons, la pensée s’exprime par la gorge ou le larynx, et quand nous ne faisons qu’imaginer des signes ou des images, il n’y a pas de mécanisme intermédiaire de la pensée. Et si vous me dîtes alors que c’est l’esprit qui pense, je répondrai qu’il s’agit là d’une métaphore, et que l’esprit ne peut pas agir de façon identique à celle de la main rédigeant la pensée écrite.Si l’on nous demande encore de localiser la pensée, nous ne verrons pas d’autre lieu à désigner que le papier sur lequel nous écrivons, ou la bouche qui est en train de parler.

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La conscience est parfois identifiées avec l’accès à un monde privé en nous-mêmes. Je

pense que cette image implique une confusion philosophique. Cette confusion me semble venir des personnes qui sont

impressionnées par leur capacité à se parler à elles-mêmes sans produire aucun son, ou encore par leur capacité à se représenter

intérieurement des choses au regard de leur esprit plutôt que de les représenter sur une feuille de papier. Je pense que l’acquisition

de la capacité à parler de soi-même est d’une grande importance; l’acquisition de la

capacité de se parler à soi-même est, en comparaison, simplement un problème de commodité. Une société qui ne différerait

des nôtres seulement en ce que tout le monde penserait à haute voix en

permanence plutôt que de penser en silence serait parfaitement concevable, simplement

terriblement bruyante. Kenny, « the origin of the soul »

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5- La dépendance de l’esprit à l’égard du contexte social (Wittgenstein)

Extrait des Cahiers Bleus : l’intronisation du roi

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Conclusions : 1/qu’est-ce que l’esprit ? • il est vrai que l’esprit n’a pas les mêmes propriétés que le corps, la matière • Mais il est plus raisonnable de considérer que seules les substances matérielles, observables, existent. • l’esprit fait partie non des substances mais des propriétés des organismes animés, en particulier humains.• l’esprit est la capacité de ces animaux à acquérir des aptitudes mentales. → sensitives, perceptives, imaginatives → techniques → intellectuelles chez l’homme

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2/ qu’est-ce que le sujet ?

• c’est d’abord l’animal humain, plus qu’une âme séparée.

• On le qualifie de subjectivité s’il a cette aptitude à la conscience de soi, en particulier telle qu’elle est développée par le langage. Dire « la conscience » pour dire « le sujet », c’est une métonymie ou une métaphore

• La subjectivité renvoie aussi à notre singularité : ce qui me caractérise moi, pas les autres: -ma conscience sensible ou capacité à faire des expériences absolument subjectives-mes aptitude intellectuelles singulières (esprit prompt, imagination vive…)-mes « traits de caractère » : aptitudes comportementales et émotionnelles singulières.

→ le sujet peut être conçu sans mystère métaphysique.

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3/ qu’est-ce qui fait qu’un être demeure le même dans le temps ?

Le support physique peut changer sur le plan matériel : si l’organisme assure les mêmes types d’opérations, conservent les mêmes aptitudes, on peut dire que c’est le même… → pas besoins d’âme immatérielle.

Certaines pertes/changements d’aptitudes sont tels qu’on ne considérera plus que c’est le même (ex : amnésie).

Analogie : le bateau de Thésée est le même quelques soient sa matière, tant qu’il joue le même rôle chez les Athéniens (rôle pratique ou honorifique)

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4/ comment connaît-on les phénomènes mentaux ? • des états mentaux inaccessibles de l’extérieur • des états mentaux directement accessibles à autrui dans nos actions, car nos actions sensées sont des faits mentaux (Wittgenstein)