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1 L’espace vide Ecrits sur le théâtre Peter Brook Notes de lecture par Gaëlle CABAU Peter Brook, né le 21 mars 1925 à Londres, est un metteur en scène, acteur, réalisateur et écrivain britannique. Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare. Il est le théoricien de L'Espace vide. Depuis le milieu des années 1970 sa compagnie est en résidence à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord. Le théâtre rasoir - Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène. Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé. Pourtant quand nous parlons de théâtre, c’est à quelque chose d’autre que nous pensons. Le rideau rouge, les projecteurs, la poésie, le rire, l’obscurité. - Quatre formes : théâtre rasoir, théâtre sacré, théâtre brut, théâtre vivant. - Théâtre rasoir car frappé de mort et ennuyeux. Synonyme de mauvais théâtre La forme la plus fréquente Théâtre commercial Souvent ne parvient même plus à divertir Surtout dans les représentations de Shakespeare : rien n’aura gêné ses théories pendant qu’il se récitait à mi-voix ses vers préférés… satisfaction intellectuelle mais ce n’est pas le théâtre. - Souvent les pièces ennuyeuses sont couronnées de succès car on associe la culture à un certain sens du devoir… une dose d’ennui sert de garantie au spectacle. - Aujourd’hui pour la tragédie : le jeune acteur veut jouer de façon réaliste… son jeu ne fait que s’appauvrir. - Imiter les facettes extérieures du jeu perpétue seulement une apparence qui n’est plus reliée à rien de valable. - Œuvres de Shakespeare Sons, pauses, rythmes

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L’espace vide

Ecrits sur le théâtre

Peter Brook

Notes de lecture par Gaëlle CABAU

Peter Brook, né le 21 mars 1925 à Londres, est un metteur en scène, acteur, réalisateur et écrivain britannique.

Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare. Il est le théoricien de L'Espace vide. Depuis le milieu des années 1970 sa compagnie est en résidence à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord.

Le théâtre rasoir

- Je peux prendre n’importe quel espace vide et l’appeler une scène.

Quelqu’un traverse cet espace vide pendant que quelqu’un d’autre

observe, et c’est suffisant pour que l’acte théâtral soit amorcé.

Pourtant quand nous parlons de théâtre, c’est à quelque chose d’autre

que nous pensons. Le rideau rouge, les projecteurs, la poésie, le rire,

l’obscurité.

- Quatre formes : théâtre rasoir, théâtre sacré, théâtre brut, théâtre

vivant.

- Théâtre rasoir car frappé de mort et ennuyeux.

Synonyme de mauvais théâtre

La forme la plus fréquente

Théâtre commercial

Souvent ne parvient même plus à divertir

Surtout dans les représentations de Shakespeare : rien n’aura

gêné ses théories pendant qu’il se récitait à mi-voix ses vers

préférés… satisfaction intellectuelle mais ce n’est pas le théâtre.

- Souvent les pièces ennuyeuses sont couronnées de succès car on

associe la culture à un certain sens du devoir… une dose d’ennui sert

de garantie au spectacle.

- Aujourd’hui pour la tragédie : le jeune acteur veut jouer de façon

réaliste… son jeu ne fait que s’appauvrir.

- Imiter les facettes extérieures du jeu perpétue seulement une

apparence qui n’est plus reliée à rien de valable.

- Œuvres de Shakespeare

Sons, pauses, rythmes

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Un mot n’est pas à l’origine simplement un mot : petite portion

visible de tout un univers caché.

- Il est vain de prétendre que les épithètes que nous appliquons aux

pièces classiques, telles que « musicale », « poétique », « noble »,

« héroïque »… aient une signification absolue.

- Dans un théâtre vivant, nous aborderions chaque jour la répétition en

mettant à l’épreuve les découvertes de la veille, prêts à croire que la

véritable pièce nous échappe une fois de plus. Mais le théâtre

traditionnel aborde les classiques avec l’idée que, quelque part,

quelqu’un a trouvé et défini la façon dont la pièce devait être jouée.

- Dès que nous essayons de fixer ce style une fois pour toute nous

sommes perdus.

- Le théâtre est un art autodestructeur. Il est écrit sur le sable. Une

mise en scène est établie et doit être reproduite – mais, du jour où elle

est fixée, quelque chose d’invisible commence à mourir.

- Pièces de musée.

- Au théâtre, toute forme, sitôt créée, est déjà moribonde. Toute forme

doit être pensée à nouveau, et sa nouvelle conception doit porter les

marques de toutes les influences qui l’entourent. Dans ce sens, le

théâtre est relativité.

- Différence avec la musique (opéra) qui se fait entendre toujours de la

même façon.

- La tradition est la barrière principale qui nous sépare d’un théâtre

vivant. Il y a partout des facteurs de mort : dans le contexte culturel,

dans les valeurs artistiques dont nous avons hérité, dans la structure

économique, dans la vie de l’acteur, dans la fonction du critique.

- Mais à l’intérieur même du théâtre rasoir on trouve souvent des

promesses de vie réelle avortées, qui peuvent être momentanément

satisfaisantes.

- Des masses d’argent de plus en plus grandes payées par des

spectateurs de moins en moins nombreux.

- Les prix sont trop élevés.

- Le bon théâtre dépend d’un bon public…mais il est difficile pour le

spectateur d’être conscient de sa propre responsabilité.

- Un public mal adapté ou un lieu mal adapté, ou les deux,

provoqueront chez l’acteur le jeu le moins subtil, sans qu’il y ait pour

lui le moyen de choisir.

- Autrefois les comédiens ambulants adaptaient tout naturellement leur

travail à chaque endroit différent.

- Ex avec un étudiant lisant un extrait de L’Instruction, de Peter Weiss.

- La qualité du silence provoqué par la lecture d’un morceau de ce genre

(Shakespeare) faite par un acteur inexpérimenté est proportionnelle au

degré de vérité qu’il y met.

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- Les grands succès d’Elia Kazan, de Tennessee Williams… ont attiré

ainsi des publics nombreux qui trouvaient dans ces œuvres des

sentiments, des idées qu’ils pouvaient partager, et c’est pour cela que

ce furent des événements importants.

- Stanislavski et l’Actor Studio : comédien entraîné à rechercher quelque

chose de plus vrai en lui. Il devait présenter une scène en la vivant, et

le jeu devenait ainsi une étude naturaliste.

- Meyerhold remet en cause Stanislavski en proposant un jeu différent,

de façon à capter d’autres éléments de la réalité.

- Le mot théâtre a de nombreux sens mal définis.

- Dans la plus grande partie du monde, le théâtre n’a pas de place

déterminée dans la société. Il n’a pas de but précis, il n’existe pas en

soi : tel théâtre cherche le profit matériel, tel autre la gloire, tel autre

l’émotion, tel autre enfin l’amusement.

- Quand il a acquis une certaine notoriété, l’acteur ne se livre plus à

aucune recherche.

- L’acteur se limite de plus en plus à faire le même travail.

- Progresser en tant que comédien, ce qui implique de progresser en

tant qu’homme.

- Impossibilité de se défaire, ne fût-ce que momentanément, de l’image

d’eux-mêmes, cristallisée autour du vide qui les habite.

- S’ils n’appartiennent pas à une compagnie permanente, peu d’acteurs

peuvent réussir longtemps. Il faut pourtant reconnaître que même une

compagnie permanente est, à la longue, vouée à la sclérose, si elle n’a

pas de but, pas de méthode, donc pas d’école.

- On enferme les acteurs pour exercer leurs muscles. Les gammes ne

font pas un pianiste, pas plus que les exercices du poignet n’aident le

pinceau du peintre.

- Le critique a un rôle essentiel, puisqu’un art sans critique serait

menacé de périls bien plus grands.

- Le théâtre est sans pitié, il ne laisse place à aucune erreur, à aucun

gâchis. Un roman supporte que le lecteur saute des pages. Deux

heures, c’est court et c’est une éternité.

- Un critique trouvera au théâtre bien plus d’incompétence que de

compétence.

- Le critique qui n’aime plus le théâtre est de toute évidence un critique

inutile. Le critique qui aime le théâtre mais qui ne sait pas ce que

signifie le théâtre est tout aussi inutile. Le critique vivant est celui qui

a déjà trouvé pour lui-même ce que pourrait être le théâtre – et qui a

l’audace de remettre en question cette formule chaque fois qu’il

participe à un événement.

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- Le travail qui consiste à donner vie à chaque personnage est vraiment

une tâche surhumaine.

- Peu de bonnes pièces

// au cinéma

Lorsque de nouvelles pièces essaient d’imiter la réalité, nous

sommes plus conscients de ce qui est imitation que de ce qui est

réalité.

Si elles explorent la psychologie, il est bien rare qu’elles

dépassent les stéréotypes.

Si elles visent une critique sociale, elles atteignent rarement le

cœur de la cible.

- Grande liberté de l’homme de théâtre : il peut évoquer l’univers entier

sur la scène.

- Shakespeare utilisait ce court laps de temps à entasser

minutieusement une profusion de matériaux pris sur le vif, d’une

incroyable richesse.

- L’auteur contemporain est encore prisonnier de l’anecdote, de la

cohérence et du style.

- Il n’explore pas assez profondément divers aspects du théâtre. Son

indispensable solitude est aussi une prison.

- Une scène de théâtre est une scène de théâtre et non pas un endroit

destiné à la lecture d’un roman, d’un poème, à une conférence, ou au

récit d’une histoire quelconque…

- Les mots que l’on dit sur cette scène-là parviennent – ou non – à

exister en fonction des tensions qu’ils créent sur cette scène.

- Le théâtre n’est pas une tour d’ivoire. Le choix qu’il fait et les valeurs

qu’il exalte n’ont de force qu’en fonction de leur théâtralité : ceci est

particulièrement vrai quand un auteur veut faire d’une pièce le

support d’un message, à des fins morales ou politiques.

- Au début : s’attaquer à la nature même de l’expression théâtrale. Il n’y

a pas moyen d’y échapper, à moins que l’auteur accepte d’enfourcher

un véhicule d’occasion.

- Si on laisse la pièce s’exprimer toute seule, on peut très bien ne rien

entendre du tout. Si l’on veut que la pièce soit entendue, alors il faut

savoir la faire chanter.

- C’est un rôle étrange que celui de metteur en scène. Il ne demande pas

à être Dieu, et pourtant il lui ressemble.

- Il est toujours un imposteur, un guide dans le noir, qui avance sans

connaître le terrain, et pourtant, il n’a pas le choix : il doit guider, tout

en découvrant son chemin au fur et à mesure.

- Un metteur en scène sclérosé est celui qui ne renonce pas aux réflexes

auxquels on a trop facilement recours dans toutes les spécialités.

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- Je suis moi-même souvent au théâtre pour des motifs sensuels et

souvent irréfléchis. Se divertir est une excellente chose.

- La majeure partie de ce qu’on appelle aujourd’hui le théâtre n’est que

la caricature d’un mot jadis riche de signification.

- Le théâtre est-il un anachronisme, une survivance bizarre qui reste

debout comme un vieux monument, une habitude surannée ? Quelle

fonction pourrait-il remplir ?

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Le théâtre sacré

- Théâtre de l’invisible rendu visible.

- Percevoir l’abstrait à travers sa manifestation concrète : Musique.

- Nombre de spectateurs affirmeraient qu’ils ont personnellement vu le

visage de l’invisible grâce à une expérience théâtrale qui a transcendé

leur expérience de la vie.

- Comme un moineau dans la cellule d’un prisonnier.

- En Allemagne, pendant la guerre, théâtre qui répondait à un besoin

vital. Etait-ce une soif d’invisible ou d’une réalité plus profonde que

celle de la vie quotidienne ? Etait-ce le désir des choses dont on était

privé ou le besoin de se protéger de la réalité ?

- Théâtre de l’illusion avec le rideau rouge, la rampe… Gordon Craig a

passé sa vie à dénigré ce théâtre de l’illusion.

- L’acteur cherche en vain la trace d’une tradition évanouie, et la

critique, comme le public, lui emboîte le pas. Nous avons perdu tout

sens du rite et de la cérémonie.

- Nous ne savons pas comment célébrer parce que nous ne savons pas

ce que nous devons célébrer.

- Deux apothéoses possibles :

Par la célébration, piétinements, hourras, applaudissements

Par le silence… mais il nous embarrasse.

- Avant que vienne la nuit, de D Rudkin, rituel de mort

- Tout ce qui appartient au théâtre sacré nous est devenu totalement

étranger.

- Plus que jamais nous avons soif d’une expérience qui dépasse le

quotidien.

- J’ai été accusé de vouloir détruire la parole articulée. Cela veut-il dire

que nous vivons au temps des images.

- Artaud : un théâtre qui agirait comme la peste, par contamination, pas

enivrement, par analogie, par magie, un théâtre dans lequel

l’événement lui-même tiendrait lieu de texte.

- Test : communiquer une idée, mais le comédien n’a à sa disposition

qu’un doigt, qu’une intonation, qu’un cri, ou que la possibilité de

siffler… la nécessité donne soudain des pouvoirs étranges.

- Ex : combat à deux mais sans se toucher : combat physique et

émotionnel.

- Il ne suffit pas de sentir passionnément : un effort créateur est

nécessaire pour forger une nouvelle forme qui serait le réceptacle et le

réflecteur de ses impulsions.

- Le spectateur est ignoré et en même temps nécessaire.

- Lentement nous avons travaillé à trouver différents langages en dehors

des mots.

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Avec des masques

Avec le silence : combien de temps l’acteur silencieux peut retenir

l’attention du spectateur ?

Savoir si l’invisible peut être rendu visible par la présence de

l’exécutant.

Nous voulions nier la psychologie

- On a accepté pendant des siècles que le langage ne soit pas réaliste :

un monologue, par exemple, où un homme reste immobile.

- En utilisant la langue de manière illogique, le théâtre de l’absurde se

donne un tout autre vocabulaire. Il utilise l’irréel pour faire certaines

explorations, parce qu’il ressent l’absence de vérité dans nos échanges

quotidiens.

- Artaud voulait un théâtre qui fût un endroit consacré :

Succession de scènes violentes

Provoquant des explosions immédiates et des émotions si

puissantes que personne ne voudrait plus jamais d’un théâtre

parlé et anecdotique.

Artaud affirmait que le théâtre était le seul endroit où nous

pouvions nous libérer des contraintes de nos vies quotidiennes.

Artaud dans sa passion ne nous ramène-t-il pas vers un monde

inférieur ?

Artaud n’a jamais réalisé son propre théâtre. Peut-être la force de

sa vision vient de ce qu’elle est comme une carotte promenée

devant nous et jamais atteinte.

Appliquer les théories d’Antonin Artaud c’est le trahir, car ce

n’est jamais qu’une partie de sa pensée qu’on exploite.

Mais idée d’une recherche tâtonnante vers un théâtre plus

violent, moins rationnel, plus extrême, moins verbal, plus

dangereux.

Il y a une certaine joie dans les chocs violents. Le seul

inconvénient est que leur effet s’efface.

- Le happening est une invention riche de possibilités. Il détruit d’un

seul coup de nombreuses formes sclérosées.

N’importe où, n’importe quelle durée

Rien n’est tabou, rien n’est nécessaire

Derrière le happening, il y a un cri : Réveillez-vous !

Mais trop souvent enfermé dans les mêmes symboles : farine,

tarte à la crème, rouleaux de papiers

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- Toujours vieille querelle : le débat de la forme contre l’absence de

forme, de la liberté contre la discipline !

- Non seulement le théâtre sacré montre l’invisible, mais il offre

également les conditions qui rendent sa perception possible.

- Happening : le fait même de participer accroit la perception.

- Samuel Beckett

L’écrivain le plus riche et le plus personnel de notre époque.

Pièce symbolique : une femme enfouie dans le sol jusqu’à la taille

Il ne servirait à rien de dire ce que les images veulent dire.

Le symbole suscite en nous d’infinies possibilités

d’émerveillement

Désir acharné de rendre compte de la vérité.

Il y a deux façons de parler de la condition humaine : on peut

faire appel à l’inspiration – ce qui dévoile tous les éléments

positifs de la vie -, ou bien on peut tenter d’en donner une vision

réaliste, et alors l’artiste témoigne de ce qu’il a vu. Cf Oh les

beaux jours

- Jezy Grotowski, en Pologne : désir d’atteindre le sacré

Pense que le théâtre ne peut être une fin en soi

Le théâtre est un véhicule, un moyen d’analyse personnelle, une

possibilité de salut.

L’acteur laisse le rôle le pénétrer : moyens psychiques et

physiques

Il effectue un sacrifice

Mode de vie complet pour tous les membres de la troupe //

Théâtre d’Artaud

Fait de la pauvreté un idéal : les acteurs ont tout abandonné sauf

leur propre corps. Ils ont pour instrument l’homme, et leur vie

entière pour travailler.

Théâtre destiné à une élite.

- Ces théâtre s’attaquent à la question fondamentale : « Pourquoi le

théâtre ? »

- Nous pouvons capter l’invisible, mais nous ne devons pas perdre le

contact avec le bon sens.

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- Nous devons admettre que nous ne verrons jamais l’invisible dans son

entier.

- Living Theatre

Communauté nomade

Mode de vie complet : une trentaine d’hommes et de femmes

travaillent et vivent ensemble.

Ils forment une communauté.

Leur fonction est de jouer. S’il ne jouait pas, le groupe dépérirait.

Ils cherchent à donner un sens à leur vie.

Quête inachevée vers le théâtre sacré.

- Dans le vaudou haïtien, pour commencer une cérémonie, il suffit de

rassembler les gens et d’avoir un poteau. On commence à battre du

tambour vers l’Afrique lointaine…les dieux arrivent. Le poteau est la

jonction entre le monde du visible et de l’invisible.

- Au théâtre, pendant des siècles, on a voulu placer l’acteur loin de la

salle, sur une estrade, encadré, enrubanné, éclairé, maquillé, perché

sur de hauts talons – pour aider l’ignorant à se persuader que l’acteur

est sacré, que son art est sacré.

- Aujourd’hui, nous avons renoncé aux artifices. Mais nous sommes en

train de découvrir que c’est, malgré tout, un théâtre sacré que nous

voulons. Où devons-nous le chercher ? Dans les étoiles ou sur terre ?

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Le théâtre brut

- C’est toujours le théâtre populaire qui sauve la situation

Nombreuses formes

Toujours théâtre brut

Sur des charrettes, des tréteaux… public debout

Un endroit magnifique peut ne jamais provoquer d’explosion de

vie

- L’architecture des théâtres doit être fondée sur ce qui provoque les

relations les plus vivantes entre les gens.

Le désordre

Une certaine crudité

Cf Gordon Craig

Cf Brecht : rideau blanc à mi-hauteur

- Le théâtre brut

Proche des gens

Absence de ce qu’on nomme le style

Hétérogénéité : farine pour maquillage, taper sur un seau pour

évoquer une bataille

Lecture des pièces comme un enfant, non comme un adulte

influencé par des notions d’histoire et d’époque.

Impuretés qui donnent au théâtre brut son véritable accent.

Meyerhold voulait représenter la vie en son entier sur la scène.

Brecht tirait sa substance du cabaret.

Mise en scène Tchèque de Ubu Roi : Père Ubu en rustaud

roublard, et Mère Ubu, une belle putain sordide.

- Quel est le sens de ce théâtre brut ?

Produire la joie et le rire

Le rire requiert sans cesse un nouvel apport d’énergie

L’allégresse et la gaieté l’alimentent, mais l’énergie qui produit

rébellion et contestation y contribue également.

Cf La danse du sergent Musgrave

- Si le théâtre sacré, c’est un désir ardent de trouver l’invisible par

l’entremise de ses incarnations visibles, le théâtre brut est l’expression

d’un élan fougueux vers un certain idéal.

N’a apparemment aucun style, aucune convention, aucune limite

Le « brutalisme » au théâtre peut devenir une fin en soi.

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Le théâtre sacré s’attaque à l’invisible qui contient toutes les

impulsions cachées de l’homme.

Le théâtre brut, lui, traite des actions des hommes, et c’est parce

qu’il admet la perversité et le rire que le théâtre brut improvisé

semble préférable au théâtre sacré prétentieux.

- Brecht

Référence

Distanciation

A ces débuts, le théâtre allemand est dominé par le naturalisme

et par une grande offensive lyrique du théâtre total destiné à

transporter d’émotion le spectateur.

Le théâtre nécessaire est celui qui ne perd pas de vue la société

au service de laquelle il est.

Il n’y a pas de quatrième mur entre la salle et la scène.

Distancer c’est couper, interrompre, mettre quelque chose en

lumière et nous faire voir à nouveau

Appel lancé au spectateur pour qu’il entreprenne sa propre

recherche et devienne de plus en plus responsable, qu’il

n’accepte que ce qu’il voit que s’il en est convaincu.

Doit provoquer un choc en nous et mettre en branle notre raison.

Si elle est convaincante, une action scénique normale nous

semblera réelle et nous l’accepterons temporairement comme

vérité objective.

Pour Brecht : le théâtre doit nous amener à une meilleure

compréhension de la société dans laquelle nous vivons et ainsi

découvrir comment cette société peut changer.

Utilise des pancartes et des projecteurs apparents

- Les paravents, de Jean Genet

Juxtaposition des éléments sérieux, grotesques

1ère partie : l’action scénique se borne à montrer des personnages

en train d’écrire sur de grandes surfaces blanches.

- Marat/ Sade, de Peter Weiss : distanciation

Les événements de la Révolution Française représentés sur scène

ne peuvent être admis tels quels puisqu’ils sont joués par des

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fous dont les actes sont remis en question, puisqu’ils sont dirigés

par le Marquis de Sade

Spectateur actif

Chaque moment nous contraint à réajuster notre attitude vis-à-

vis du spectacle

- Brecht

A supprimé toute émotion superflue, tous les détails

psychologiques

Le thème principal doit apparaître clairement

Le comédien fait du personnage une matière plus impartiale ;

mais s’il essaie de l’appliquer naïvement en étouffant ses

instincts et en devenant un intellectuel, il se trompera.

Problème car mises en scène souvent froides hors du berliner

ensemble.

Attention : monter une pièce, c’est toujours s’amuser.

Brecht citait souvent l’exemple d’un homme décrivant un

accident de la circulation, comme exemple de narration : il y a le

locuteur, superposée la scène qu’il décrit, image complète à

recréer

- Souvent illusion car comédien prisonnier d’un décor fermé de trois

côtés / scène nue + pancarte pour nous rappeler que nous sommes au

théâtre.

Nous ne tombons pas dans l’illusion

Nous regardons en adulte et jugeons

Le but n’est pas d’éviter l’illusion, tout est illusion

Coutume de considéré Tchekhov comme auteur naturaliste ;

pourtant pièce faite de coïncidences aussi énormes que chez

Feydeau.

- Etre investi par le théâtre // cf Crime et châtiment

les paroles de l’acteur trouvèrent en nous un écho

comme des enfants qui écoutent un conte

l’univers complexe du roman de Dostoïevski était recréé

Godard a montré que la réalité au cinéma n’était qu’une autre

convention, fausse et théorique.

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- Quand le théâtre parvient à refléter une vérité propre à une société, il

exprime plus le désir de changer que la croyance en un changement

possible.

- A nouveau, comme dans la période élisabéthaine, l’homme se

demande pourquoi il est sur terre et quels sont ses moyens de

référence.

- C’est toujours le rapport entre un homme et la société qui apporte une

nouvelle profondeur et une vérité vitale à la personnalité.

- Quel est notre vrai but aujourd’hui, par rapport aux hommes qui nous

entourent ? Avons-nous besoin d’être libérés ? De quoi et comment ?

- Shakespeare est le modèle d’un théâtre qui contient à la fois Brecht et

Beckett, mais les dépasse tous les deux.

C’est l’absence de décor dans le théâtre élisabéthain qui lui

donnait une de ses plus grandes libertés.

Pièces écrites pour être jouées sans entracte

Projet global avec les intrigues secondaires

Estrade ouverte et neutre

Parterre plat et ouvert, grand balcon et deuxième galerie :

diagramme de l’univers au XVIè : les Dieux, la cour et le peuple.

Trois niveaux séparés et pourtant entremêlés.

Passer librement du monde de l’action au monde des impressions

intérieures.

La force des pièces de Shakespeare vient de ce qu’elles

représentent l’homme simultanément sous tous ses aspects

Nous nous identifions émotionnellement et subjectivement aux

situations et aux personnages

Rugosité de structure

Cf Mesure pour mesure : le brut est en prose, le reste en vers. Il a

besoin des vers car il essaie d’en dire plus. Chaque partie reflète

l’autre comme dans un kaléidoscope.

Cf Le conte d’hiver et ses trois niveaux

Quelque chose qui appartient au « happening » : le moment où

l’illogique pénètre notre compréhension habituelle nous fait

ouvrir plus grand nos yeux.

Ce serait une erreur d’extraire des événements ou des épisodes

d’une pièce et de les étudier au nom d’une vraisemblance

extérieure, qui serait la « réalité » ou la « vérité ».

Aborder Lear, non comme un récit linéaire, mais comme un

nœud d’interrelations. Ce n’est pas que l’histoire d’un individu.

L’œuvre a bien des facettes, de nombreux thèmes s’entrecroisent

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à l’intérieur de ce prisme. Pas un récit, mais un poème immense,

complexe, cohérent, dont le rôle consiste à étudier la puissance

ou la vacuité du rien – les aspects positifs et négatifs que

dissimule le néant. Que dit Shakespeare ? Veut-il dire que la

souffrance a une place nécessaire dans la vie ? Veut-il nous faire

comprendre que l’époque de souffrance de Titan est révolue ?

La Tempête : pièce énigmatique et elliptique. Comme prétexte à

costumes, effets scéniques et musicaux, elle ne vaut pas la peine

d’être jouée. La charmante pastorale recèle l’enlèvement, le

meurtre, les conspirations et la violence.

- Au XXème siècle, en Angleterre, nous nous trouvons confrontés au fait

exaspérant que Shakespeare est encore notre modèle.

Public en contact direct avec les thèmes de la pièce

Où trouver l’équivalent des pièces élisabéthaines, avec toute leur

force, leur étendue, leur portée ?

Si nous ne comprenons pas la tragédie, c’est parce qu’on a

confondu tragédie et costumes d’époque.

Nous confondons la beauté avec l’esthétisme.

- Le théâtre a besoin d’une révolution perpétuelle.

- Nous devons accepter le fait qu’aujourd’hui le « brut » est plus vivant,

et le « sacré » plus défunt que jamais.

- Autrefois le théâtre pouvait commencer comme par magie : la magie de

la fête sacrée ou la magie de la rampe qui s’allumait. Aujourd’hui c’est

l’inverse. C’est à nous de capter l’attention du public et de le faire

croire à ce qu’il voit. Pour cela, nous devons prouver qu’il n’y a aucune

tricherie, qu’il n’y a rien de caché. Nous devons ouvrir nos mains nues

et faire voir que nous n’avons rien dans nos manches. Alors, nous

pourrons commencer.

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Le théâtre immédiat

- Le théâtre n’est pas un lieu comme les autres. Il est comme une

loupe qui grossit l’image, mais aussi comme une lentille d’optique, qui

la réduit.

Univers différent de la vie quotidienne donc risque d’être coupé

de la vie.

Il rétrécit la vie

La plupart des gens pourraient vivre normalement en se passant

de l’art, et même s’ils en regrettaient l’absence, cela ne les

empêcherait nullement de vivre normalement

- La scène est le reflet de la vie, mais, pas un instant, cette scène ne

peut être revécue sans une méthode de travail fondée sur le respect de

certaines valeurs.

Sous la loupe, on verrait un groupe de gens vivre selon des règles

précises, partagées par tous, mais tacites.

Au sein d’une communauté humaine, le théâtre a une fonction

exceptionnelle, ou n’en a aucune : ce qu’il offre ne se trouve ni

dans la rue, ni chez soi, ni au café… ni au cinéma.

Le cinéma projette sur un écran des images du passé. Le cinéma

nous semble absolument réel. Il ne l’est évidemment pas // le

théâtre s’affirme toujours dans le présent.

- Le théâtre est l’arène où peut avoir lieu une confrontation vivante.

La concentration d’un grand nombre de personnes porte en soi

une intensité exceptionnelle.

- Je poursuis ma recherche au sein d’un théâtre à la fois en décadence

et en pleine évolution.

Pas de recettes, pas de méthodes

- Durant la représentation d’une pièce de théâtre s’établit une relation

entre l’acteur, la pièce et le public. // pdt les répet : acteur, pièce et

metteur en scène.

- J’ai souvent pensé que le décor doit servir d’épure à la mise en scène :

un mauvais décor rend de nombreuses scènes impossibles à faire et

même annihile certaines possibilités de jeu pour les acteurs.

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- C’est quelque chose d’inachevé qu’il nous faut : un projet qui soit clair

sans être rigide, qui puisse être qualifié d’ouvert et non de fermé. Un

véritable décorateur concevra ses projets comme toujours en

mouvement, en action.

- Compose avec la quatrième dimension : le temps. Il voit l’image d’une

scène en mouvement

- Quel costume doit porter l’acteur.

Avoir fait l’expérience physique du rôle

Un acteur dont le travail semble vrai dans les vêtements qu’il

porte aux répétitions, perd en intensité lorsqu’il porte une

tunique copiée sur un vase du British museum.

Mais pas les vêtements de tous les jours // différencier les

répétitions de la représentation

L’action se passe-t-elle à une époque déterminée ? Quelle est sa

réalité ? Qu’est-ce qui a besoin d’être affirmé ?

- Acteur

Bloqué par ses propres limites qui déterminent son emploi réel

Mais capacité de dévoiler pendant les répétitions des aspects

insoupçonnés.

Procéder par intuition

Le talent n’est pas statique

A la première répétition, on est toujours, jusqu’à un certain

point, un aveugle qui guide des aveugles.

Organiser des jeux, mais le but ne réside jamais dans le jeu lui-

même.

Le metteur en scène qui arrive à la première répétition avec son

script où tout est noté, est un homme de théâtre sclérosé. Cf

Peines d’amour perdues où Peter Brook est arrivé à la première

répétition avec un recueil de notes pour les 40 acteurs. « Ils

étaient loin de ressembler à mes figurines de carton ». Energie,

variations…

J’ai pris conscience de la présomption et de la folie qui consistent

à penser qu’un modèle inanimé peut remplacer un homme.

Matériau qui réagit et évolue.

Répéter une pièce, c’est penser à voix haute et devant nous.

Possibilité de raté quand l’acteur est en désaccord.

Les metteurs en scène qui ne sont pas des despotes sont parfois

tentés par la voie fatale de l’inaction.

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- Le comédien

Le metteur en scène est là pour attaquer et se rendre, pour

provoquer et se retirer. Il doit sentir où l’acteur veut aller et ce

qu’il veut éviter

Aucun metteur en scène ne dicte sa façon de jouer aux acteurs.

Au mieux, un metteur en scène leur donne la possibilité de

révéler leur propre jeu.

Impulsion pour que l’imagination de l’acteur se mette en branle

Disponibilité totale

Les acteurs agissent comme des médiums : tout à coup, l’idée les

pénètre comme un acte de possession.

Parfois doit aller jusqu’aux limites de sa personnalité et de son

intelligence.

John Gielgud : sens du rythme, comme un instrument qu’il a

développé au cours de sa carrière. Son art est plus vocal que

physique.

Paul Scofield : instrument de chair et d’os. Tout se passait

comme si l’art d’articuler un mot faisait naître en lui des

vibrations qui renvoyaient à des significations bien plus

complexes. Rythmique personnelle.

Le langage qu’il pratique dans sa vie quotidienne n’est pas

forcément celui de l’invention, mais celui de sa propre aliénation.

Ceux qui travaillent dans l’improvisation ont l’occasion de voir

avec une effrayante clarté combien les limites de ce qu’on nomme

la liberté sont rapidement atteintes.

Attention aux clichés : pour la surprise : bouche ouverte…

imitation d’une forme déjà vue.

- Rejeter les conventions usées du théâtre.

Mettre l’acteur face à ses propres inhibitions

L’acteur joue faux parce qu’il traduit par des attitudes imitatives

de minuscules bribes d’émotions artificielles

Distribuer un monologue de Shakespeare à trois voix, comme

pour un canon, puis le faire répéter à une vitesse folle, à l’infini.

Faire ressortir la signification des mots mais incapacité d’utiliser

ses moyens normaux d’expression.

Faire réciter « Etre ou ne pas être c’est là la question » par neuf

acteurs. Etre attentif à l’autre.

Les acteurs doivent apprendre leur métier en variant les

méthodes.

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L’injonction de Stanislavski « construire un personnage » nous

égare car un personnage n’est pas une chose statique et ne pas

être construit comme un mur.

Explore les aspects de son personnage, contraint sans cesse de

se dépouiller et de recommencer. Doit être ouvert à l’idée que rien

n’est bon. C’est la différence entre le rôle créé et le rôle fabriqué.

Le plus difficile pour un acteur est d’être sincère et pourtant

détaché. Le mot de sincérité cache un dangereux piège.

Le comédien, comme le peintre, doit s’écarter de sa toile.

Il doit s’entraîner à mentir avec franchise.

Parallèlement à l’émotion, il y a place pour une intelligence

particulière, qui n’est pas là dès le début, mais qu’il faut

développer comme instrument de choix.

Il se peut qu’un acteur soit suffisamment préparé à mimer le

mort pour qu’il joue la scène sans se rendre compte qu’il ne sait

rien de la mort.

Un tel acteur est esclave de sa passion et se révèle incapable d’y

échapper.

Il faut cesser de croire que les masques grotesques, les fards

excessifs, les costumes hiératiques, la déclamation… sont en

eux-mêmes rituels, et par conséquent lyrique et profond : nous

ne sortirons jamais des routines de l’art théâtral traditionnel.

- Toute chose a son langage, mais aucun langage n’est universel

Sur scène ce que je fais peut n’avoir d’autre signification que sa

signification immédiate

Mais cela peut aussi valoir comme métaphore

La musique est un langage en liaison avec l’invisible

Les mots ne sont pas de la musique, on ne peut s’abstraire de

leur sens. La poésie est trompeuse.

Travail à partir des adieux de Roméo à Juliette : séparer ce qui

pourrait être joué au cinéma de ce qui n’a rien à voir avec le

langage normal : un même discours peut contenir des instants

de langage naturel, sur lesquels viennent se greffer des pensées

et des sentiments inexprimés

Un passage en vers doit se comprendre comme une formule

comportant de nombreuses données

Trouver une structure rythmique pour faire un gros plan sur une

idée

Durant les répétitions, la forme et le contenu doivent parfois être

étudiés ensemble, parfois séparément. Parfois l’exploration de la

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forme peut soudain dégager le sens qui a dicté la forme ; parfois

c’est une étude serrée du contenu qui donne un nouveau sens du

rythme.

Valse entre le metteur en scène, l’acteur et le texte… quant à

savoir qui mène la danse.

Sait que la pensée et le corps ne peuvent être séparés.

Méthode pour stimuler : par ex image de Goya pour la folie…

problème : toute la sincérité du monde peut bien mener nulle

part.

Rendre le personnage expressif : c’est là que l’intelligence

intervient

Il y a un temps pour discuter les grands axes d’une pièce, un

temps pour les oublier

Plus l’acteur se rapproche du moment de la représentation, plus

nombreuses sont les exigences qu’il va devoir analyser,

comprendre et satisfaire simultanément.

La catharsis ne peut être simplement une purge émotionnelle :

elle doit concerner l’homme tout entier.

La seule chose qu’ont en commun toutes les formes de théâtre,

c’est le besoin d’un public. Il est le terme des étapes de la

création. Dans les autres arts, il est possible à l’artiste de partir

du principe qu’il travaille pour lui-même. Aucun acteur, même

mégalomane ne voudrait jouer pour lui-même, pour son

miroir…n’atteignent leur propre vérité que lorsque le spectateur

les cerne de toutes parts.

Le metteur en scène connaît déjà les intentions de la pièce /

spectateur : vision globale dissoute.

Au Théâtre de la cruauté, une part de notre recherche portait sur

le public : spectacle expérimental : trois minutes d’une pièce

d’Artaud faite de hurlements (certains spectateurs étaient

fascinés, d’autres se mirent à rire) + comédien ôtant ses

vêtements

- Public

Peu habitué à avoir sur le champ, et à chaque instant, ses

propres jugements

Tout sert à conditionner le public

Ceux qui vont au théâtre en dépit des mauvaises critiques, y vont

avec l’espoir et l’attente de quelque chose

Après U.S. propose aux spectateurs de rester après la pièce : vont

commencer à se parler

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En quête d’un nouveau public car pas très vivant et pas très

fidèle

- Que cherche-t-on réellement à offrir ?

Nous faisons croire à un ouvrier, que le théâtre fait partie de la

culture, c’est-à-dire de ces biens de consommation désormais

accessibles à tous.

Prosélytisme caché : venez partager avec nous notre art de vivre,

qui est bon, puisqu’il est fait de ce qu’il y a de meilleur

Cela ne changera jamais, aussi longtemps que la culture ou

n’importe quelle forme d’art ne seront que des accessoires de la

vie

Quand on sort on n’est plus tout à fait les mêmes : quelques

participants sont, pour un temps, légèrement plus vivants

L’artiste n’est pas là pour accuser, sermonner, haranguer, encore

moins pour enseigner. Il est comme un aiguillon qui ne peut

provoquer les réactions du public que si ce public est décidé à se

mettre lui-même en question

Détruire d’anciennes formes, en chercher de nouvelles /pas de

style universel

- Le théâtre est semblable à une réaction chimique. Lorsque le spectacle

est terminé, que reste-t-il ? On peut oublier le plaisir, mais les

émotions intenses disparaissent également.

Restent gravés dans la mémoire du spectateur un schéma, une

saveur, une ombre, une odeur

Quand des années après, je repense à une expérience théâtrale

qui m’a marqué, ce sont des images isolées que je retrouve

Chaque fois l’acteur donne un peu de lui-même

Le public peut-il conserver une trace de la catharsis, ou bien ne

peut-il rien espérer de mieux qu’un instant de bien-être ?

L’acte théâtral est une libération. Le rire comme les émotions

intenses débarrassent le corps et l’esprit de leurs impuretés

Le spectateur désire-t-il quelque chose d’autre en lui-même, dans

sa vie, dans la société ? Il a peut-être besoin de cela. Il a besoin

de tout ce qu’il peut trouver dans le théâtre.

- Répétitions, représentation, assistance

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Répétition : une discipline / mais le mot évoque quelque chose de

monotone… nie ce qui est vivant

Contradiction : pour évoluer une chose doit être préparée… mais

avec la répétition on est déjà sur la pente de la décadence.

Représentation : on montre quelque chose qui appartient au

passé + hors du temps. Elle prend ce qui s’est passé hier et le fait

revivre sous tous ses aspects, y compris la spontanéité

Action vivante : geste réel dans l’immédiat

La mise au présent ne vient pas toute seule. Dans le vide, le

travail des acteurs est dépourvu de sens : idée de public

Les spectateurs peuvent très bien ne regarder que passivement le

spectacle. Mais on peut aussi l’ébranler profondément. Le public

l’assiste : regard, plaisir, désir

Le théâtre a une caractéristique particulière : on peut toujours

recommencer. Dans la vie, c’est impossible : nous ne pouvons jamais

retourner en arrière. On écrit sur une ardoise qu’on peut toujours effacer.

Dans la vie quotidienne, l’expression « comme si » est une fonction

grammaticale ; au théâtre, « comme si » est une expérience. Dans la vie

quotidienne « comme si » est une évasion ; au théâtre « comme si » est la

vérité. Quand nous sommes convaincus de cette vérité, alors le théâtre et la

vie ne font qu’un.

Jouer sur une scène demande un grand effort. Mais quand le travail est vécu

comme un jeu, alors ce n’est plus du travail.