Les torches du Gaoulé. Nègres-marrons de Guyane

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CONCLUSION

Ce recueil de textes sur les Nègres Marrons de Guyane durant la période esclavagiste (1550-1848) est puissamment vivant. Il nous livre les secrets de la réussite et les replis de la trahison.

Il y eut en Guyane un refus permanent de l'asservissement, les colonisa- teurs et leurs historiens ont habilement camouflé cette obstination séculaire sur les habitations et hors des habitations, de façon individuelle et de ma- nière collective les esclaves de Guyane ont lutté contre l'inhumaine surex- ploitation esclavagiste.

Les combats glorieux de ne ; ancêtres, leurs sacrifices, leurs efforts, n'ont pu être ensevelis par l'ignomir.ie des Maîtres et la perfidie de leurs zélés ser- viteurs. Mais il faut maintenant inverser la dynamique de soumission par oubli et falsification.

La mémoire guyanaise vient nous affirmer qu'il n'y a pas de victoires durables sans cumulations des expériences passées. Des narrations précé- dentes surgit une évidence

- Pour dominer il faut f'a ier. - Pour qu'il y ait exploitation il faut une association entre la classe des

Maîtres et des représentants de la classe des esclaves.

L'on ne peut dissocier :

- Le Négrier Européen du Roi Africain courtier d'esclave. - Le Martre esclavagiste blanc du traître esclave noir. - Le Commandant de troupe Européen, du lieutenant mulâtre, du

guide indien et du nègre -chasseur- de nègre.

Et cette association n'est pas faite au hasard, elle est le résultat d'une méthode de colonisation scientifiquement mise à l'œuvre.

Cette association n'est pas simplement répétitive, elle est aussi cumula- tive, c'est-à-dire qu'elle s'enrichit sans cesse d'éléments nouveaux : Éléments idéoligico - religieux - éléments techniques - éléments humains...

Le système de domination repose sur la transformation de la victime en bourreau. Cette transformation de celui qui subit en un propagandiste de la servitude est réalisée à la fois par :

- La coercition - l'Acculturation - Le choix de sélection.

La coercition :

De façon permanente et par la force brutale, le système écrase et broie

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ceux qui résistent à l'enchaînement. Il inculque la peur et mate la révolte. La technique militaire se met au service de l'idéologie esclavagiste.

(1) Exemple : - Colonel Fourgeoud contre les Bonis p. 31 (2) Le martyr de Copéna p. 26

L'Acculturation :

Méthodiquement le système de domination sape les bases de toute ré- sistance culturelle organisée. Exemple : Les langues africaines, les cro- yances africaines sont interdites à l'esclave.

Il casse toute homogénéïté de groupe, de manière à pouvoir, sur des in- dividus, introduire une culturelle nouvelle. En fait, il s'agit d'éléments de cultures...

Ici c'est la Religion et son Clergé qui se mettent au service de la domina- tion esclavagiste ou évangélise et prêche un Dieu unique et blanc.

e paradis dans l'eau delà en récompense de l'enfer terrestre, on justifie la sou mission... exemple : - Le Père Fauque à la Montagne Plomb p. 60).

Le choix de sélection :

Le système de domination a pour principe de valoriser et récompenser ceux qui servent ses projets, de combattre et de dévaloriser ceux qui s'y opposent.

Aussi chez les nègres esclaves le système présente comme modèles à i ter, les éléments moralement faibles et abjectes afin de créer une classe ntérmédiaires espions, commandant-de-rangers-, nègre-du-gouverneur...

es individus malléables corruptibles, faibles sont choyés afin d'être utilisés pour maintenir et reproduire l'asservissement.

Une sélection rigoureuse et permanente des plus vils est opérée par les Maîtres, les Religeuses, les Géreurs... (exemple : - Le comportement des «rangers» p. 45).

Il faut retenir comme synthèse historique, qu'à la classe des domina- teurs européens où se mêlent, les Planteurs esclavagistes, les Religieux, l'Ar- mée et l'Administration Centrale est associée de manière organique :

- Les Indiens manipulés, - Les Africains à l'esprit mercenaire, - Les esclaves Indiens ou Nègres indignes et lâches rapidement assimilés.

L'exploitation repose sur l'Alliance dans une perspective historique glo- bale pour ne pas autoriser une dévitalisation partiale du profond enracine- ment de l'arbre marron il convient d'élucider et d'analyser les luttes con- duites par les ethnies indiennes. Antérieures à l'établissement esclavagiste,

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leurs combats contre la pénétration européenne peuvent s'inscrire dans la dynamique de marronage. C'est dans cette dimension qu'on pourrait com- prendre :

- les harcèlements menés par le Chef Caraïbe Cépérou. - L'exécution par le Galibi Pagaret du Seigneur Français Poncet de

Brétigny. - L'immense révolte de 1646, puissant souffle tellurique secouant

les Guyanes sur plus de mille kilomètres : de l'Oyapock à Berbice Georgetow- toutes les ethnies indiennes s'associent pour écraser les établissements eu- ropéens, sauvés de la destruction totale par l'intervention des prêtres mis- sionnaires capucins).

Pour la période postérieure à «l'abolition» de 1848, il faudrait réhai- liter et circonscrire l'épisode «Tchimbo» comme un renouvellement de la verdoyance du marronage auquel on doit aussi associer des phénomènes plus récents de refus radical du projet assimilationniste de la d o m i n a t i o n .

Enfin, la Société Guyanaise contemporaine ne peut être intelligible si la mémoire ne procède pas à une réappropriation d'acquis historiques fon- damentaux à inscrire au palmarès du combat des marrons guyanais tels que :

- La destruction du système des plantations (forme économique de l'esclavage).

- La désintégration de la classe des Maîtres blancs esclavagistes (inexis- tance de «bébés» guyanais).

- Le maintient d'une dualité culturelle vivante, par la survivance de communautés guyanaises (Indiens, Bonis...) distinctes de la société domi- nante occidentale.

Comment conclure sans préciser que la densité des textes sur «la guerre des Bonis» n'est pas seulement la conséquence de son ampleur et de son exemplarité mais est aussi fortement liée au particularisme essentiel du colonialisme Français.

En effet, l'axe fondamental de la méthode française de colonisation repose sur le pivot de la manipulation idéologique.

De manière systématique ce colonialisme développe une stratégie de négation de l'histoire guyanaise authentique.

Sa forme assimilatrice impose que nous n'ayons pas de références dis- tinctives. Par la destruction et le pillage des archives, par la falsification des évènements, la manipulation des consciences, il s'assure l'exclusivité de l'interprétation.

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Une fois posée la violence structurelle et la nature agressive de toutes les formes de colonisation, il est important de bien appréhender le proces- sus de développement spécifique des différentes métropoles colonisatrices.

Dans le contexte particulier du marronage frontalier, une approche comparative se révèle fructueuse, en cela les travaux de Sylvia W. de Groot sur archives Hollandaises et les écrits du Capitaine G. S. Stedman sont singulièrement éclairants.

C'est aussi cette persistante occultation idéologique que viennent dé- voiler les feux du marronage, les torches du Gaoulé.

ERRATA

Ne concerne que les fautes de conséquences que le lecteur pourrait ne pas rectifier de lui-même

• De la page 17 à la page 25, le texte de la déclaration est en vieux français. • La numération infrapaginale des extraits sur la «guerre des Bonis» renvoie au texte ori-

ginal de S. W. de - GNOOT

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L E S T O R C H E S D U

G A O U L É

( Negres~ marrons de Guyane)

Roland Delanon

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