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45 HERMÈS 71, 2015 Françoise Bernard Irsic – Aix-Marseille Université Les théories de l’influence en communication : perspectives nord-américaines et françaises En France, les sciences de l’information et de la com- munication (SIC) développent, depuis les années 1970 1 , des points de vue théoriques qui se sont pluralisés au fil des ans afin d’étudier les pratiques, les dispositifs et les objets de communication et, au-delà, la pensée et l’idéologie communicationnelles 2 . Cette pluralisation a conduit assez régulièrement au projet de cartographier les travaux, les domaines et les notions structurants en communication. Elle a mené aussi à la formulation de certaines divergences sur le périmètre de la discipline pour les membres qui la constituent, en quête de paradigmes communicationnels et de territoires professionnels, divergences dont on peut noter qu’elles sont accompagnées d’un débat croisant, de manière plus ou moins explicitée, enjeux institutionnels et enjeux scientifiques 3 . À l’échelle internationale et à celle du xx e  siècle, l’histoire de la production scientifique consa- crée à la communication a bien d’autres caractéristiques, filiations et topiques que celles que l’on peut observer en France 4 . Notre réflexion propose d’explorer la circulation de certains travaux entre l’Amérique du Nord et l’Europe avec, en arrière-plan, l’idée que pendant tout le xx siècle des échanges ont lieu dans les deux sens. En effet, avant l’exportation vers les États-Unis de la théorie critique et de la French theory qui ont constitué le socle de nouveaux courants d’études ( cultural studies, gender and queer stu- dies, etc.) et qui ont pénétré les départements de littérature dans les universités américaines (Cusset, 2005), on avait assisté à d’autres vagues d’échange. Avec l’immigration de très nombreux chercheurs, intellectuels et artistes fuyant le nazisme entre les années 1920 et 1940, des concepts avaient circulé entre l’Europe et les États-Unis, puis étaient revenus, enrichis par les résultats des travaux américains mais aussi avec de nouvelles conceptualisations. La circu- lation n’est jamais neutre et sans effet conceptuel et social ; elle transforme, réoriente et surtout elle est portée par des acteurs de la recherche et des dispositifs scientifiques, ins- titutionnels, éditoriaux susceptibles de peser sur ces réo- rientations. En ce qui concerne les SIC, on peut noter que l’héritage nord-américain, du point de vue d’une histoire officielle, est assez volontiers « plié » sur une tradition qua- lifiée d’empirico-fonctionnaliste, ce qui induit une grille de lecture générale assez normative 5 pour une diversité de tra- vaux qui, en réalité, sont porteurs d’épaisseur épistémique. Nous privilégions le champ de la psychosociologie en montrant combien les notions venues des États-Unis

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Françoise BernardIrsic – Aix-Marseille Université

Les théories de l’influence en communication : perspectives nord-américaines et françaises

En France, les sciences de l’information et de la com-munication (SIC) développent, depuis les années 19701, des points de vue théoriques qui se sont pluralisés au fil des ans afin d’étudier les pratiques, les dispositifs et les objets de communication et, au-delà, la pensée et l’idéologie communicationnelles2. Cette pluralisation a conduit assez régulièrement au projet de cartographier les travaux, les domaines et les notions structurants en communication. Elle a mené aussi à la formulation de certaines divergences sur le périmètre de la discipline pour les membres qui la constituent, en quête de paradigmes communicationnels et de territoires professionnels, divergences dont on peut noter qu’elles sont accompagnées d’un débat croisant, de manière plus ou moins explicitée, enjeux institutionnels et enjeux scientifiques3. À l’échelle internationale et à celle du xxe siècle, l’histoire de la production scientifique consa-crée à la communication a bien d’autres caractéristiques, filiations et topiques que celles que l’on peut observer en France4.

Notre réflexion propose d’explorer la circulation de certains travaux entre l’Amérique du Nord et l’Europe avec, en arrière-plan, l’idée que pendant tout le xxe siècle des échanges ont lieu dans les deux sens. En effet, avant

l’exportation vers les États-Unis de la théorie critique et de la French theory qui ont constitué le socle de nouveaux courants d’études (cultural studies, gender and queer stu-dies, etc.) et qui ont pénétré les départements de littérature dans les universités américaines (Cusset, 2005), on avait assisté à d’autres vagues d’échange. Avec l’immigration de très nombreux chercheurs, intellectuels et artistes fuyant le nazisme entre les années  1920 et  1940, des concepts avaient circulé entre l’Europe et les États-Unis, puis étaient revenus, enrichis par les résultats des travaux américains mais aussi avec de nouvelles conceptualisations. La circu-lation n’est jamais neutre et sans effet conceptuel et social ; elle transforme, réoriente et surtout elle est portée par des acteurs de la recherche et des dispositifs scientifiques, ins-titutionnels, éditoriaux susceptibles de peser sur ces réo-rientations. En ce qui concerne les SIC, on peut noter que l’héritage nord-américain, du point de vue d’une histoire officielle, est assez volontiers « plié » sur une tradition qua-lifiée d’empirico-fonctionnaliste, ce qui induit une grille de lecture générale assez normative5 pour une diversité de tra-vaux qui, en réalité, sont porteurs d’épaisseur épistémique.

Nous privilégions le champ de la psychosociologie en montrant combien les notions venues des États-Unis

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peuvent être fortement structurantes et heuristiques pour la communication6. Ce faisant, nous soulignons en creux la faiblesse de la tradition psychosociologique dans la recherche en communication en France – une particula-rité institutionnelle française des SIC quasiment unique et dommageable parce que limitante pour l’intelligibi-lité des objets d’études info-communicationnels7. Nous nous intéressons donc plus spécifiquement à cette logique « d’importation » et nous ne commentons pas dans ce texte les asymétries ni les asynchronicités dans cette circulation des savoirs.

Le sujet, un sujet sans fin

Nous partirons de la considération générale selon laquelle, aux États-Unis, l’histoire des théories et des paradigmes emprunte d’autres voies cognitives et institu-tionnelles qu’en France. Par ailleurs, les catégorisations de travaux ne sont pas identiques.

Afin d’apporter une modeste contribution à la mise en perspective de la circulation des travaux et des idées et à ses effets, nous proposons de catégoriser la production théorique en retenant comme critères les hypothèses et les présupposés portant sur ce qu’est ou devrait être le sujet8 communicant. Cette proposition, déclinée dans le format du texte, conduit inévitablement à certains raccourcis et sim-plifications – le premier d’entre eux consistant à accepter la catégorie de sujet –, mais elle présente l’avantage en forçant un peu le trait de donner à débattre. Cette catégorisation fait au bout du compte émerger deux grandes familles ras-semblant chacune des courants et domaines de recherche.

La première famille rassemble des courants fondés sur le présupposé d’un sujet universel, lointain héritier du sujet philosophique moderne organisé autour du cogito. Celui-ci s’incarne dans la raison et la raison critique et sa théorisation au xviie siècle s’accompagnant d’un nouvel élargissement du monde et de l’action humaine. Il s’agit

d’un sujet plutôt rationnel et en situation de maîtrise de certains enjeux, avec sa participation accrue à un espace public orienté vers des logiques délibératives. La figure contemporaine de ce sujet ajoute l’idée d’un usage là aussi plutôt rationnel des savoirs communicationnels et des technologies, dont les technologies numériques de l’information et de la communication (TNIC). La raison s’exprime dans les formes de la rationalité instrumentale ou dans une perspective plus axiologique, celle de la ratio-nalité communicationnelle, de l’argumentation raisonnée. Bien sûr, la notion de raison est filtrée et reformulée par des approches critiques successives, comme concept et comme praxis, par exemple avec la critique de l’idéologie technocratique. De ce point de vue, on peut citer la contri-bution d’Adorno (1966, 1978). Les catégories de la domi-nation et de l’émancipation sont présentes et structurantes pour une partie de ces travaux. Dans ce cadre, la contri-bution habermassienne occupe une place reconnue, voire centrale, en communication et l’on peut considérer que cet auteur majeur se situe un peu entre les deux familles théoriques que l’on distingue – notamment si l’on prend en compte, avec le tournant pragmatiste du philosophe à partir des années 1970, la perspective d’intégrer l’éthique de la discussion dans le cadre d’une psychologie du déve-loppement en théorisant « l’usage public de la raison » (Rochlitz, 2002). Cette famille de courants théoriques repose sur la mise en liaison de la raison et du sujet.

La deuxième famille renvoie à des travaux qui ques-tionnent les interrelations9 entre sujets sociaux affiliés à des groupes et entre les groupes. Ces interrelations sont constitutives de la communication, mais également constitutives des identités individuelles et collectives. Les chercheurs concernés définissent le sujet social comme un sujet rationalisant (et non pas rationnel), inévitablement pris dans des logiques d’influence et de co-influence, ces logiques caractérisant les situations de communica-tion en même temps qu’elles sont produites par et dans celles-ci. Dans cette perspective, le sujet social est en

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prise – déprise, reprise – avec des processus d’influence sociale, culturelle, technique et communicationnelle qui lui échappent en grande partie alors même qu’il en est par ailleurs partiellement acteur et producteur. Dans ce cas, les travaux qui trouvent plutôt leurs racines dans des recherches nord-américaines, le présupposé est celui d’un sujet constitué par (et constitutif) de multiples formes et réseaux d’influence auxquelles il participe activement et passivement, consciemment et inconsciemment, et dans tous les cas en quelque sorte inévitablement et malgré lui. Aux États-Unis, la production des savoirs, dans le champ que nous explorons, est en résonance avec une défini-tion proposée par Michel Foucault (2001) : « Est-ce qu’au fond une science ne pourrait pas être analysée ou conçue comme une expérience […] c’est-à-dire comme un rapport tel que le sujet soit modifié par cette expérience ? »

Nous proposons d’explorer modestement quelques-uns de ces apports qui s’inscrivent dans le cadre de l’hy-pothèse d’un « sujet communicant produit et producteur de processus d’influence ». Nous nous intéressons ainsi aux composantes situationnelles qui, dans ces travaux, permettent de mieux comprendre les processus cognitifs, comportementaux et interactifs, en montrant comment dans la littérature américaine, des auteurs offrent des contributions importantes et structurantes.

Nous souhaitons également mettre en lumière des tra-vaux qui sortent un peu de l’habitus académique des SIC, au sens où, conformément à son héritage institutionnel et cognitif qualifié de littéraire (cf. Boure, 2002 ; 2006 ; 2007), les courants sémiotiques, sociolinguistiques et la tradition argumentative, interprétative, herméneutique sont forte-ment représentés dans cette discipline10. Nous choisissons de faire référence à d’autres apports dans le champ des sciences humaines et sociales (SHS) qui montrent bien que la question du sens et des significations n’est pas entière-ment contenue dans le périmètre des problématiques tex-tuelles, discursives et socio-sémiotiques. Enfin, à côté de la question des médias qui est en soi un objet très large

(cf. Marchand, 2004), il nous semble pertinent de mettre l’accent sur des questions théoriques qui sont en relation avec d’autres enjeux de société cruciaux, par exemple la santé, l’environnement, la citoyenneté, l’éducation.

Nous privilégions des travaux fondamentalement consacrés à la question du continuum émotions-cogni-tions-actions tel qu’il s’exprime dans le monde vécu où la figure de l’autre est présente de manière réelle ou imagi-naire et ne peut en quelque sorte être suspendue, autant de processus cognitifs et psychosociologiques qui contribuent à éclairer la relation entre lien, sens et action. Cette mise en relation résume pour nous le métaprogramme scientifique de la recherche en communication. Nous sommes attachés à comprendre ce qui fait que les catégories de la raison, de la domination, de l’émancipation, si elles sont nécessaires, restent insuffisantes pour rendre compte des mouvements et des bégaiements de l’histoire dès lors qu’elles ne per-mettent pas d’explorer ce qu’elles mettent en arrière-plan, à savoir les catégories de l’influence. L’influence rend compte des processus ordinaires par lesquels un indi-vidu ou un groupe parvient à faire accepter des manières de faire, de ressentir et de penser qui font normes et qui agissent sur les attitudes et les comportements d’autres individus et groupes (Beauvois, Mugny et Oberlé, 1995). Ce questionnement a une portée théorique, pratique, mais aussi éminemment politique.

Les deux grandes familles de courants de recherche que nous venons de distinguer sont donc organisées autour de présupposés distincts. La ligne de partage porte fonda-mentalement sur le degré de prise en compte de la causa-lité interne dans les logiques d’attribution11 (Heider, 1954), d’auto-attribution et d’hétéro-attribution (Kelley, 1967)12 qui contribuent à donner sens au monde. On observe, dans la société occidentale de la deuxième moitié du xxe siècle, une tendance qui s’amplifie à inférer des causes internes plutôt qu’externes, avec l’idée qui se généralise selon laquelle les individus sont responsables de ce qu’ils font et de ce qui leur arrive (Beauvois, 2005).

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Du côté de l’approche critique, le présupposé selon lequel le processus d’émancipation, qui suppose que le sujet puisse s’extraire des conditions de sa domination en participant à des mouvements sociaux d’émancipa-tion, conduirait au bout du compte à un ralliement à des causalités internes, l’avènement d’un sujet en capacité de décider raisonnablement et de délibérer par lui-même. On note que ce présupposé rencontre paradoxalement celui qui est au centre de l’approche libérale, le sujet auto-intro-déterminé et auteur de ses œuvres, à une différence près : l’avènement du sujet libre et introdéterminé du libéralisme n’est pas annoncé, il est à l’oeuvre13. D’un autre côté, une approche différente fait une place significative aux causa-lités externes, le sujet, dans ses pensées et ses actes, étant lié aux situations et aux conditions de son environnement et de ses appartenances de groupe. De ce point de vue, les fac-teurs déterminants pour comprendre les comportements en actes et en paroles des uns et des autres sont indépen-dants des facteurs personnologiques14.

Le sujet (hyper)-communicant engagé dans des groupes et des rôles

Les débats au xxe siècle en SHS sont traversés par une tension durable entre une conception hyper-socialisée et une conception hypo-socialisée de la cognition et de l’ac-tion individuelles et du sujet. Nous souhaitons montrer, en effectuant un retour aux sources concernant notamment des travaux américains conduits entre les années 1920 et les années 1950, combien les notions de groupe et de rôle sont plus riches du point de vue d’une théorie du social que les approches interactionnistes qui ont été privilégiées dans le champ de la communication. Ces notions ont une portée heuristique forte pour la compréhension des pra-tiques communicationnelles du xxie  siècle. Cependant, malgré leur épaisseur théorique souvent méconnue par

cryptomnésie, elles ont nourri puis cédé la place à d’autres notions, par exemple celle d’acteur réseau (Akrich, Callon et Latour, 2006) ou encore celle de communauté15.

Dans la littérature américaine, l’apport de Kurt Lewin est essentiel et incontournable pour comprendre le concept de groupe. D’origine allemande, Kurt Lewin, d’abord professeur à l’université de Berlin, a ensuite émigré aux États-Unis pour fuir le nazisme, comme de nombreux chercheurs, intellectuels et artistes de son époque. Il déve-loppe ses travaux de recherche dans différentes universités et, dès 1935, à l’université d’Iowa. Le public cultivé connaît généralement de lui la déclaration suivante : « rien n’est plus pratique qu’une bonne théorie » qui renvoie, pour le chercheur, à la nécessité de formuler des hypothèses claires issues d’exigences et de cadres théoriques. Il participa aux travaux du groupe « cybernétique » tenus de 1942 à 1953 auprès de Norbert Wiener et de von Neumann lors de réu-nions informelles dans un premier temps, puis devenues conférences de la fondation Macy ensuite : Lewin, Bavelas, Bateson, Mead (Margaret), Erikson, Lazarsfeld, Merton, Parsons, von Förster et quelques autres en firent partie. Les travaux issus de ces rencontres, initialement marquées par un projet de pluridisciplinarité entre sciences mathéma-tiques et sciences sociales, ont été le creuset des « nouvelles sciences » au milieu du xxe siècle. À la suite du courant cybernétique, les notions de société de la communication (Wiener), de société de l’information annoncée par la notion de société post-industrielle (Bell, 1967 ; Touraine, 1969), de société de la connaissance ont fleuri, prétendant définir les nouvelles orientations des formes sociales16.

Dans les travaux, devenus canoniques, que Lewin a consacrés au changement d’habitude alimentaire dans les familles américaines, il souligne l’importance des caracté-ristiques de l’interaction et de la discussion de groupe en théorisant le processus de décision avec la notion « d’effet de gel ». Ces notions permettent de comprendre un événement quelconque de la vie ordinaire – par exemple la décision prise publiquement par les mères de famille de confectionner

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des repas comportant la préparation culinaire de bas mor-ceaux de viande, contrairement aux habitudes alimentaires antérieures. Il propose la notion de « champ »17 traversé de « jeux de forces », de tensions pour désigner l’importance de l’environnement groupal, dans lequel se développent les conduites individuelles, et affirme ainsi l’importance déter-minante du groupe, comme concept social, dans le cadre de la théorie de la dynamique de groupe (Lewin, 1947). Il a fondé au Massachusetts Institute of Technology (MIT) le Research Center for Group Dynamics qu’il dirigea de 1944 jusqu’à sa mort en 1947 et qui fut par la suite piloté par d’autres prestigieux chercheurs, notamment par Léon Festinger, Robert Zajonc. On peut, par ailleurs, noter com-bien cette période fut pionnière et féconde, par exemple avec les travaux que T. W. Adorno (2007), pendant sa période américaine, avait consacrés aux préjugés raciaux envers les juifs en théorisant la notion d’influence de la « personnalité autoritaire ». Revenons à Kurt Lewin, chercheur reconnu comme le père fondateur d’une discipline, la psychologie sociale, et comme initiateur d’un courant de recherche qui a conduit d’autres chercheurs 70 ans plus tard et notamment Brown (2000), à reprendre et retravailler les invariants qui caractérisent un groupe. Pendant toute cette période, des années 1930 à aujourd’hui, les chercheurs ont travaillé sur des notions désormais classiques : les interactions dans les groupes, la typologie des groupes (de référence et d’appar-tenance ; primaire et secondaire ; formel et informel, etc.), la complémentarité des rôles, la cohésion, la déviance, le conformisme, etc. Ces travaux sont très riches en pro-positions qui intéressent directement la communication contemporaine, à commencer par la définition de groupe :

Il est de nos jours largement reconnu qu’un groupe est plus que, ou plus exactement, différent de la somme de ses membres. Il a sa propre structure, et des relations propres avec d’autres groupes. L’essence du groupe n’est pas la similarité ni la dis-similarité de ses membres, mais leur interdépen-

dance. Chaque groupe peut être caractérisé comme une « totalité dynamique » ; ceci signifie qu’un chan-gement dans l’état d’une de ses sous-parties change l’état de n’importe quelle autre sous-partie. Le degré d’interdépendance des sous-parties de l’ensemble des membres du groupe varie le long d’un axe allant d’un amas flou (a loose mass) jusqu’à une unicité compacte. Ceci dépend, parmi d’autres facteurs, de la dimension, de l’organisation et de l’intimité du groupe. (Lewin, 1940, cité in De Visscher, 2006)

Si cette définition permet de mesurer l’influence du contexte cybernétique dans la formulation lewinienne, elle sert de point de départ à la problématisation du « groupe ».

D’autres apports enrichissent et complètent cette réfé-rence, par exemple la distinction entre tâche groupale (faire ensemble) et appartenance au groupe (être ensemble). Des auteurs montrent comment influence normative et influence informationnelle se conjuguent (Deutsch et Gerard, 1955). C’est le cas dans les phénomènes de conformisme : le besoin d’être accepté et le désir d’approbation sociale conduisent le sujet à repérer ce qui plaît dans un groupe et à adopter le point de vue de ceux qui font référence pour lui, c’est-à-dire qui font en fait référence dans son groupe d’appartenance.

Dans les années 1970, aux États-Unis, on note l’éclipse de la notion de groupe, notamment avec la vague et la vogue du cognitivisme. La notion fait un retour avec les travaux consacrés au rôle structurant du groupe dans la construction de l’identité sociale (Tajfel, 1974 ; Turner, 1975 ; Tajfel et Turner, 1986 ; 2001). Ces travaux relancent l’intérêt, pour les Américains, des études consacrées aux relations intergroupes. D’autres travaux analysent la cohé-sion et montrent comment selon des processus d’auto-caté-gorisation, l’individu s’inscrit dans un groupe et comment des prototypes associés à ces groupes construisent les évaluations internes au groupe en fonction du degré de prototypicalité permettant de définir l’attrait de ses membres (Hogg, 1992).

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La théorie des rôles accorde beaucoup d’importance aux réseaux sociaux et aux organisations. Un rôle peut être défini comme : « les fonctions remplies par une personne lorsqu’elle occupe une position particulière à l’intérieur d’un contexte social donné » (Shaw et Costenzo, 1982, cité par Vallerand, 1994). L’analyse des jeux d’attente de rôles à plusieurs échelles (vis-à-vis de soi-même et des autres) rencontre la pensée de grands sociologues en Europe et aide à la conception de la notion de réseau. Parmi ceux-ci, Norbert Elias inscrit sa définition du réseau comme réseau de dépendances multiples dans une théorie plus large de la dépendance. À la tradition philosophique du cogito, Elias substitue la thèse de « l’homme ouvert » à partir du constat évident de l’état de dépendance physique et surtout affective de l’individu tout au long de son existence. Il invite à « intégrer à la théorie sociologique les interdépendances personnelles et, surtout, les liaisons émotionnelles des hommes comme facteurs de liaison sociale » (Elias, 1970, cité par Letonturier, 2005). Letonturier conclut son analyse consacrée aux apports de la sociologie de Tarde, Simmel et Elias à la théorisation du réseau par le constat de « […] la dette historique que la Network Analysis admet déjà entre-tenir à l’égard d’auteurs tels que Moreno, Lewin et Bavelas ». En effet, en fondant la sociométrie et en étudiant les régula-rités relationnelles, Moreno (1934) formule et définit expli-citement la notion de réseau comme « […] structures plus ou moins permanentes qui réunissent les individus en de larges réseaux ». Dans ses travaux de cartographie des relations intragroupales et intergroupales, Moreno ne donne pas un sens métaphorique au réseau, mais bien un sens de concept opératoire. Ces apports conceptuels pris ensemble révèlent et rappellent la substance psychosociale de tout réseau y compris des réseaux sociotechniques.

Avec une autre orientation théorique, celle de l’ana-lyse institutionnelle, l’ouvrage Groupes, organisations, institutions de Georges Lapassade présente les fonde-ments conceptuels d’une théorie et d’une pratique, celle de la socianalyse. L’auteur poursuit et développe la critique

de la bureaucratie et de l’institution, critique conduite par ailleurs par Sartre et Castoriadis. Lapassade se montre très influencé dans cet ouvrage par la théorie américaine des groupes (Rogers, Lewin, Moreno). L’auteur critique en particulier les relations bureaucratiques qui se déve-loppent au sein de l’école et de l’université. Ces analyses essaiment dans d’autres disciplines, par exemple dans le champ des sciences de l’éducation, avec les deux ouvrages de Jacques Ardoino, Propos actuels sur l’éducation (1965) et Éducation et politique (1977). Ces travaux sont égale-ment intéressants pour les chercheurs en communica-tion qui étudient certains processus communicationnels contribuant à la désinstitutionnalisation – institutionna-lisation de formes empiriques institutionnelles en déclin ou émergentes. Par exemple, dans une perspective pro-grammatique, on pourrait développer l’analyse institu-tionnelle18 consacrée aux métamorphoses médiatiques. D’autres travaux portent sur les formes organisationnelles en « réseaux » : réseaux d’éducation à l’environnement, réseaux de circuit court entre producteurs et consom-mateurs en agriculture raisonnée ou biologique, réseaux sociaux de santé (Bourret, 2010) entre patients atteints du cancer ou du sida par exemple.

Il nous paraît pertinent de rapprocher notion de groupe et notion de rôle, notamment parce que dans les situations de communication, ces deux notions participent à la défini-tion des « situations de communication ». La notion de rôles est revenue sur le devant de la scène récemment en France, notamment dans des travaux consacrés aux nouvelles pratiques de ludicisation et au cas particulier des jeux de rôle numériques (jeux de rôle en ligne massivement multi-joueurs, serious games et autres applications vidéoludiques). Inspirée des travaux de Jacob Lévy Moreno19 qui enseigna à l’université de New York de 1936 à 1968, la notion de rôle peut être observée dans trois dimensions principales : celle de l’institution, celle de l’inter action, celle de l’individu. Dans un bilan de la sociométrie, Maisonneuve rend hom-mage dès 1956 à Moreno en rappelant que la société et la

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culture apparaissent comme un système de rôles, que le moi peut émerger du rôle et que le rôle comporte trois aspects : « […] son aspect sociologique d’imposition organique, son aspect psychosocial de communication et d’interaction entre moi et autrui, et son aspect purement psychologique d’expression […] de la personnalité ».

Les rôles sont encastrés dans des systèmes d’inter-relations impliquant des complémentarités entre rôles, des systèmes d’attentes, des contre rôles, des phénomènes de halo de rôles, de soutien de rôles (Newcomb, 1965). Nous avons, dans des travaux de recherche consacrés à la communication environnementale (Bernard, 2013), pu observer comment les acteurs sociaux s’engagent dans des rôles écocitoyens liés à la définition de normes impli-quant la communication et diversifiés selon les différentes sphères, privée et professionnelle notamment.

Ces quelques notions, très succinctement définies, montrent toute la pertinence de ces apports nord-amé-ricains qui constituent un socle solide de références. Les applications sont nombreuses en communication par exemple pour comprendre les phénomènes de commu-nautés numériques et d’adhésion à des points de vue qui circulent dans les réseaux sociaux.

Ces travaux ont aussi une portée méthodologique très importante, ils permettent de questionner la méthode d’enquête très répandue en sciences sociales et en SIC, qui consiste à donner un statut quasi d’évidence, au sens de méthode parfois insuffisamment problématisée, au point de vue des acteurs sociaux. L’insuffisance de problématisa-tion porte sur une absence de distinction entre « significa-tions » et « explications »20. Avec la théorie des attributions, les auteurs examinent les explications que les gens donnent sur le comportement des autres et sur les événements qui surviennent (Heider, 1958). D’autres auteurs contempo-rains insistent sur l’originalité de cette théorie et de la démarche initiée par Lewin, à savoir la conjugaison d’une approche expérimentale et d’une approche expérienciée et actionnable, qui caractérise la dynamique des groupes (De

Visscher, 2006). Cet auteur souligne qu’en Europe fran-cophone, la dynamique des groupes post-lewinienne vit en dehors des cercles antinomiques de la sociopsychologie cognitivo-expérimentale et du courant psychanalytique (Anzieu, etc.). Elle s’est développée au sein des sciences de l’organisation, de la formation continue, du travail social.

« Ne touche pas à mes stéréotypes ! »

La notion de stéréotype a fait irruption dans l’espace public, médiatique français en 2013-2014 avec les débats, conflits et manifestations en réaction au chantier annoncé puis abandonné par le gouvernement concernant la lutte contre les stéréotypes de genre à l’école et à la loi sur le « mariage pour tous » promulguée le 18 mai 2013. Ainsi, le sociologue de la famille François de Singly publiait dans Le Monde (10 février 2014) un article intitulé « Quels bons stéréotypes pour le genre et la famille ? » et rappelait à cette occasion que « toute vie sociale repose sur des sté-réotypes », mais aussi que le « care » et le cœur sont du côté du féminin et la raison du côté du masculin dans les sté-réotypes. La notion de stéréotype associée à celle de genre a été fortement socialisée dans ce contexte historique, à l’échelle d’une histoire des mœurs éminemment politique, où la France est devenue le neuvième pays d’Europe à auto-riser le mariage homosexuel. Deux notions savantes, celle de stéréotype et celle de genre, sont ainsi en peu de temps devenues presque ordinaires.

Par ailleurs, des chercheurs en communication (Bernard et Loneux, 2014) ont montré dans leurs travaux comment les médias apportent une contribution signi-ficative dans la construction et la circulation du stéréo-type de genre et plus généralement comment l’étude des stéréotypes genrés est une problématique communica-tionnelle pertinente dans plusieurs domaines.

Dans la littérature, la notion de stéréotype renvoie à l’idée de « croyances surgénéralisées incitant les individus

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à ne pas prendre en considération les distinctions ou dif-férences individuelles existant entre les membres d’un groupe social » (Vallerand, 1994). Un stéréotype est un jugement de groupe que l’on retrouve dans tous les groupes et dans toutes les formes sociales. Il ne se confond pas avec un préjugé qui lui est un jugement de valeur négatif vis-à-vis de l’exogroupe. Les stéréotypes peuvent mener à des perceptions erronées portant sur les individus, les groupes et les situations. Des chercheurs ont montré qu’un stéréo-type est organisé autour de corrélations supposées et sou-vent illusoires ou de la surestimation de l’association entre deux variables, en réalité peu ou faiblement reliées entre elles (Hamilton, 1981).

La notion de stéréotype est très éclairante pour un ensemble de domaines, y compris dans le cadre des acti-vités d’évaluation. Les individus d’un groupe lui-même objet d’un stéréotype négatif peuvent produire de la « sous-réussite » notamment parce qu’ils consomment une partie de leurs ressources exécutives dans la réalisation d’une tâche pour lutter contre le stress lié au stéréotype négatif (Spencer, Steele et Quinn, 1999 ; Schmader, Johns et Forbes, 2008). Les stéréotypes sont le résultat de processus de catégorisation sociale qui conduisent à diviser l’espace social en deux groupes l’endogroupe et l’exogroupe. Les chercheurs soulignent que trois facteurs sont essentiels : l’accessibilité cognitive (Blanz, 1999), la perception de similarité (Stangor et Ford, 1992), les attentes au sens où notre perception de la réalité s’organise selon ce qu’on attend à y observer. Les contenus des stéréotypes sont orga-nisés selon deux thématiques : la compétence (efficace, tra-vailleur, etc.), la sociabilité (sympathie, etc.). Les travaux sur le stéréotype portent sur des questions subtiles : com-ment établissons-nous des scripts de jugement, comment procédons-nous pour qu’un stéréotype apparaisse à nos yeux comme une information fiable, etc. (Yzerbyt, Rogier et Fiske, 1998). Les stéréotypes sont liés aux préjugés et aux comportements. Ces travaux montrent aussi comment sont repris les contenus discursifs à partir de la recherche

des conditions de possibilité de leurs productions. Pour ces chercheurs, le rôle du discours est important dans l’éla-boration de la réalité sans que pour autant celle-ci soit de nature discursive. Cependant ce qui a changé depuis les années 1970, c’est « qu’on ne cherche plus le sujet derrière son discours » (Ibanez, 1994), tout comme symétrique-ment, on ne réduit pas non plus la réalité au discours.

Cette notion de stéréotypes de genre est aussi présente dans les sphères intellectuelles et académiques, et égale-ment dans les formulations théoriques, comme l’a montré Nancy Fraser à propos de la théorie de l’espace public, marquée par les stéréotypes de genre, en marginalisant le féminin (Fraser et Valenta, 1992 ; 2001). Les stéréotypes marquent également la vie de la recherche et de l’institution académique, au sens où l’on peut observer des phénomènes de « favoritisme pro-endogroupe » et des phénomènes de « dévalorisation de l’exogroupe » à différents niveaux des pratiques professionnelles. Cela est d’ailleurs en partie pris en compte par l’institution notamment lorsque, dans cer-taines instances, sont mises en place des procédures spéci-fiques : par exemple, celles qui définissent et réglementent les « conflits d’intérêt » ou encore celles qui mettent en place la parité effective dans certaines instances afin de lutter contre l’effet plafond de verre. En 2014, un rapport intitulé « Le plafond de verre dans les ministères. Une analyse de la fabrication organisationnelle des dirigeant.e.s » souligne les effets genrés des normes organisationnelles relatives au déroulement de carrière dans la fonction publique, en l’occurrence les ministères.

Nous ne nous aventurerons pas plus loin sur les sen-tiers d’une stéréotypie qui nous concerne pourtant très directement professionnellement, celle de la stéréotypie scientifique, par crainte de nous égarer ou d’aborder trop rapidement des questions complexes et potentiellement conflictuelles. Parmi celles-ci, on note cependant celle des engouements collectifs de chercheurs dans telle ou telle direction, parfois aussi vite abandonnée que largement suivie antérieurement par imitation. Dans ces phénomènes

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d’imitation stéréotypée, l’observation des pratiques numé-riques collaboratives qui se sont développées dans les acti-vités de recherche montre comment jouent les effets de crédibilité des médias qui croisent les effets de crédibilité de la source. Ainsi, telle théorie, tel domaine, telle notion ou tel objet d’études paraissent plus attractifs ou supérieurs aux autres à un moment donné en fonction notamment d’un des stéréotypes, celui que l’on peut qualifier de stéréo-type de la « fraîcheur conceptuelle ». C’est le cas en SIC avec, il y a quelques années, l’engouement en faveur des logiques « appropriationnistes » dans le courant d’études consacrées aux usages des TIC, ou encore pour les approches ethno-méthodologiques ou pour la sociologie de la traduction21. Bien sûr, ces phénomènes de groupe ne sont pas explicables uniquement au travers du prisme du stéréotype, mais en partie certainement. L’adhésion et la désadhésion aux sté-réotypes sont accompagnées par ailleurs de déplacements des frontières et des clivages de groupes, de points de vue, et peuvent conduire à des reconfigurations et des nouveaux assemblages sociaux et cognitifs.

Au-delà de ces quelques pistes, une question forte émerge, comment modifier des catégories : agir sur des théories naïves des individus vs agir sur leur propension à essentialiser les catégories sociales ; ou encore jouer sur des contacts interindividuels plutôt que catégoriels ; croiser des catégories et provoquer des recouvrements de catégo-ries ? (Corneille et Leyens, 1994). Lorsqu’on conduit des recherches sur des thèmes en mouvement comme ceux qui sont centrés sur la transition écologique, l’écoresponsabi-lité, dans le sens où les changements de significations, de valeurs et de comportements sont en cause, ces questions revêtent une pertinence et une actualité accrues (Bernard, 2013).

Les théories voyagent depuis fort longtemps et bien avant que la notion de mondialisation soit acceptée comme une catégorie de plus en plus naturalisée. Lors

de ces voyages, elles perdent un peu de l’acuité liée à leur enracinement culturel, national et territorialisé, mais elles gagnent aussi de l’épaisseur par la confrontation avec des habitus scientifiques et sociétaux pluriels d’une part et, d’autre part, le voyage les affranchit de certains stéréo-types et convenances locaux qui pèsent parfois dans les interstices de la pensée libre22.

Les apports en psychosociologie, les concepts et les théories que nous avons explorés témoignent des effets épistémiques et pratiques de ces migrations souvent en zigzags. Ces apports permettent en quelque sorte d’ou-vrir et réouvrir, sur un plan théorique, la boîte noire du « monde vécu » qui est trop souvent relégué en arrière-plan des études communicationnelles comme « dimension empirique ». Le sujet que donnent à voir ces auteurs est entre fixité et mouvement dans le flux de l’action indivi-duelle et collective, dans des formes organisationnelles et sociales aussi stables qu’éphémères. S’il est institué, il flirte quotidiennement avec les forces désinstituantes et réinsti-tuantes qui traversent le monde vécu.

Enfin, le sujet communicant évolue dans de mul-tiples organisations, celles de la formation, celles du travail, celles de la vie privée (religion, sport, loisir, divertissement, famille, naissance, mariage, mort), celles de la vie publique. Les branchements entre littérature nord-américaine et lit-térature européenne sont riches en propositions théoriques pour comprendre les relations sujets/organisations. Nous pensons notamment aux travaux consacrés à l’autorité et à l’obéissance (Milgram, 1994), au pouvoir social dans les organisations, à la consonance et dissonance cognitives, à la soumission libre, à l’engagement en actes (Joule et Beauvois, 2014), etc. Mais nous ouvrons là un autre chapitre pour une interdisciplinarité sans tabou ni censure-autocensure qui serait principalement préoccupée à rendre intelligibles les multiples variations et vibrations des comportements sociaux, des émotions, des cognitions et des symbolisations dans la géométrie complexe des entrelacements groupaux, organisationnels et institutionnels.

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N O T E S

1. Pour un témoignage autobiographique et historique, cf. Bautier, 2007.

2. Cf. notamment Bougnoux, 1993 ; Miège, 2005 ; Wolton, 2008.

3. Certains congrès de la Société française des sciences de l’infor-mation et de la communication ont été traversés par ces débats parfois tendus. Certaines publications sont centrées sur des propositions relatives à cette question des thématiques et des frontières des SIC : cf. Hermès, 2004.

4. Yves Winkin avait, dès le début des années 1980, joué un rôle important en favorisant la circulation en France des travaux d’origine nord-américaine consacrés à la pragmatique de la communication.

5. Sur ces thèmes de l’histoire de la discipline, cf. la contribution importante de Robert Boure (2002 ; 2006 ; 2007) et les commen-taires qu’elle suscite (Fleury et Walter, 2007). Pour la notion de pli, cf. Deleuze, 1988 : notre usage du terme est très restrictif au regard de la conceptualisation deleuzienne.

6. L’approche de Jean Stoezel consacrée à l’étude des opinions avait contribué à montrer la pertinence de la psychologie sociale pour la communication. Il avait présenté les notions élaborées par les psycho-sociologues américains dans La psychologie sociale (1963) : cf. Valade, 2007.

7. Dans un entretien avec Birgitta Orfali, Serge Moscovici (2005) souligne les interrelations entre psychologie sociale et commu-nication, tout en regrettant qu’il y ait trop peu de travaux à portée théorique.

8. On peut considérer, à la suite de Michel Foucault, qu’au tour-nant des années 1950, la notion philosophique de sujet a été vivement questionnée notamment par le courant structuraliste, faisant apparaître que « le sujet n’est pas originaire » et qu’il se forme à partir d’un certain nombre de processus qui ne sont pas de l’ordre de la subjectivité (Foucault, 2001). Cependant, force est de constater que « le problème du sujet » traverse les théories en SHS pendant tout le siècle et que Foucault lui-même propose une théorie du « sujet pratique ». Pour une brève analyse de la présence de Foucault aux États-Unis, cf. Horn et Urla, 1986.

9. La notion d’interrelations, selon nous, ne peut pas être pliée sur la notion d’interactions : elle englobe une diversité de modes relationnels qui renvoie à une palette conceptuelle plus large.

10. Cf . notamment les n° 15 et 16 d’Hermès (1995), coordonnés par Alain Boyer et Georges Vignaux, qui permettent d’explorer le périmètre de l’empire rhétorique, au sens de Perelman.

11. Les attributions sont des inférences causales inductives qui permettent à chacun-e, à partir d’une information ou d’un signal, de trouver une structure plus stable et permanente.

12. Cet auteur propose un modèle reposant sur trois critères : distinguabilité, consensus, consistance.

13. Cf. Beauvois (2005), notamment avec la critique de la notion de liberté comme « étiquetage » donnant l’illusion de la liberté à des sujets en réalité sous influence et selon des modalités sournoises, par exemple l’individu libre est en réalité forte-ment influencé dans ses comportements de consommation et donc engagé, pour ne pas dire embarqué, dans le modèle socio-économique de la consommation. Par ailleurs, on note, dans le modèle libéral, une survalorisation de la valeur liberté comparativement à d’autres valeurs, l’égalité et la fraternité par exemple.

14. Beauvois montre dans ses travaux comment l’usage et l’inté-riorisation des facteurs personnologiques est un des processus cognitifs essentiels de la reproduction idéologique et de la stabi-lité des structures sociales.

15. Comparativement à la définition du groupe,  la communauté peut être définie comme une catégorie de la pensée « éminem-ment contextuelle »  en même temps qu’elle est définie par certains anthropologues comme étant « l’assise de toutes les traditions » (Thomas, 1997).

16. Pour une approche critique, cf. notamment Lafontaine, 2004 ; Breton, 2005.

17. Lewin utilise dans ce cadre la notion « d’espace vital » avec l’hy-pothèse suivante, fort intéressante en communication : l’élément de conscience n’est pas nécessaire pour que les perceptions des individus influent sur le comportement social. Cette hypothèse est à l’origine de travaux récents en SIC sur les influences incons-cientes (Courbet, Fourquet, Kazan et Intartaglia, 2014).

18. Des travaux à orientation anthropologique et sociolinguistique sont consacrés à l’analyse des institutions en SIC (Oger et Olli-vier-Yaniv, 2003).

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19. Moreno avait fondé la revue Sociometry en 1937 qui a publié de nombreux articles consacrés aux aspects théoriques, tech-niques et pratiques de la sociométrie.

20. Beauvois (2005) parle de « confusion entre significations et déterminations ».

21. Afin qu’il n’y ait pas de malentendus quant à notre propos, nous ne parlons pas d’engouement dans les cas de travaux structurés

et suivis dans l’un de ces cadres théoriques, mais uniquement dans les cas d’un phénomène d’imitation qui ont conduit, pour certains chercheurs, à des publications plus ou moins isolées qui ne prennent pas sens dans une activité d’approfondisse-ment paradigmatique.

22. Cf. les commentaires de Cusset (2005). Nous choisissons de laisser de côté de côté l’affaire « Sokal-Bricmont » qui avait aussi été analysée en SIC : Jeanneret, 1998 ; Jurdant, 1998).

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