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Cet article est disponible en ligne à l’adresse : http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=STA&ID_NUMPUBLIE=STA_084&ID_ARTICLE=STA_084_0007 Les thêmata dans la recherche en STAPS : motivations et modalités d’intervention par Matthieu QUIDU | De Boeck Université | Staps 2009/2 - N° 84 ISSN 0247-106X | ISBN 2-8041-0470-2 | pages 7 à 25 Pour citer cet article : — Quidu M., Les thêmata dans la recherche en STAPS : motivations et modalités d’intervention, Staps 2009/2, N° 84, p. 7-25. Distribution électronique Cairn pour De Boeck Université. © De Boeck Université. Tous droits réservés pour tous pays. La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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Les thêmata dans la recherche en STAPS : motivations et modalités d’interventionpar Matthieu QUIDU

| De Boeck Université | Staps2009/2 - N° 84ISSN 0247-106X | ISBN 2-8041-0470-2 | pages 7 à 25

Pour citer cet article : — Quidu M., Les thêmata dans la recherche en STAPS : motivations et modalités d’intervention, Staps 2009/2, N° 84, p. 7-25.

Distribution électronique Cairn pour De Boeck Université.© De Boeck Université. Tous droits réservés pour tous pays.La reproduction ou représentation de cet article, notamment par photocopie, n'est autorisée que dans les limites des conditions générales d'utilisation du site ou, le cas échéant, des conditions générales de la licence souscrite par votre établissement. Toute autre reproduction ou représentation, en tout ou partie, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit, est interdite sauf accord préalable et écrit de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Il est précisé que son stockage dans une base de données est également interdit.

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The themata in sports sciences research:motivations and modalities of intervention

Les thêmata dans la recherche en STAPS :motivations et modalités d’intervention Matthieu QUIDU

UMR-CNRS 7117Laboratoire d’Histoire des sciences

et de PhilosophieNancy

[email protected]

ABSTRACT: According to Holton (1981), the themata are irrefutable and implicit ontological conceptions,in the form of couples of opposition: unity versus diversity, complexity versus simplicity... We identify theintervention of such metaphysical presuppositions in the academic work of nine scholars involved in thefrench field of sports sciences research. Moreover, from interviews “tales of research”, we try to under-stand which motivates the thematic choices by the researchers. Two hypotheses are tested: firstly, ascholar would prefer a given thematic option because this one allows him to invest intimate values andmeanings, in reference to his peculiar history; secondly, as far as the themata recover from the symbolicthought, the thematic choices depend on an iconographic rationality where the pictures have a sponta-neous power of evocation on the scientist. Although the thematic commitments appear as the result ofmotivated choices, they remain unverifiable, what obliges to discuss of their modalities of participationin the scientific reasoning. We present two pragmatic positions which suggest to assess not the a priorivalidity of the themata but their a posteriori fecundity.KEY WORDS: epistemology, implicit ontologies, archetypology, pragmatism.

RÉSUMÉ : Les thêmata représentent, selon Holton (1981), des conceptions ontologiques invérifiables,implicites et présentes sous la forme de couples d’opposition (unité versus diversité, complexité versussimplicité…). Nous tentons de repérer l’intervention de tels présupposés métaphysiques dans l’œuvreacadémique de neuf chercheurs évoluant en STAPS. En outre, à partir d’entretiens de type récit derecherche, il s’agit de comprendre ce qui motive l’engagement des savants en faveur d’un thêma plutôtque d’un autre. Deux hypothèses sont testées : d’une part, un savant opterait pour une option thêma-tique donnée parce que celle-ci lui permet d’investir des significations et valeurs intimes en référence àson histoire singulière ; d’autre part, dans la mesure où les thêmata s’inscrivent dans l’espace de la pen-sée symbolique, le choix par le savant d’une option au détriment d’une autre relève d’une rationalitéiconographique, en fonction de la puissance spontanée d’évocation que l’image exerce sur lui. Bien queles engagements thêmatiques apparaissent comme la résultante de choix motivés, ils n’en demeurentpas moins irréfutables, ce qui oblige à discuter de leurs modalités de participation à l’argumentationscientifique. Seront alors présentées deux positions épistémologiques pragmatiques suggérant d’évaluernon pas la validité a priori des thêmata mais leur fécondité a posteriori.MOTS CLÉS : épistémologie, ontologies implicites, archétypologie, pragmatisme.

MATTHIEU QUIDU

DOI: 10.3917/sta.084.0007

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ZUSAMMENFASSUNG : Die Themata in der sportwissenschaftlichen Forschung: Gründe und Modalitätendes Vorkommens

Die Themata stellen nach Holton (1981) nicht verifizierbare und implizite ontologische Konzepte dar,die in Form von Oppositionspaaren (Einheit versus Diversität, Komplexität versus Einfachheit…) vor-kommen. Wir versuchen das Vorkommen solcher metaphysischer Voraussetzungen im akademischenWerk von neun Sportwissenschaftlern aufzuspüren. Mithilfe Erzählinterviews wollen wir außerdemverstehen, wieso das Engagement der Forscher eher zu diesen als zu jenen Themata neigt. Zwei Hypo-thesen werden getestet: zum Einen wählt ein Forscher bestimmte Themata, weil er dadurch Bedeutun-gen und persönliche Werte einbringen kann, die mit seiner individuellen Geschichte in Beziehungstehen. Andererseits, da ja die Themata in einem symbolischen Raum verankert sind, zeigt die Wahl desWissenschaftlers einer bestimmten Option auf Kosten einer andern eine ikonographische Rationalität,die von der spontanen Eindruckskraft, welche das Bild auf ihn ausübt, abhängt. Obwohl die themati-schen Engagements als bewusste Entscheidungen erscheinen, sind sie deshalb nicht unwiederrufbar.Dies macht es notwendig, über die Art ihres Beitrags an der wissenschaftlichen Argumentation zu dis-kutieren. Es werden also zwei pragmatische epistemologische Positionen vorgestellt, die vorschlagen,die Validität der Themata nicht a priori, sondern ihre Ergiebigkeit a posteriori zu evaluieren.SCHLAGWÖRTER : Epistemologie, implizite Ontologien, Archetypologie, Pragmatismus.

RESUMEN : Las temáticas en la investigación en STAPS: motivaciones y modalidades de intervenciónSegún Holton (1981), los “themata” representan concepciones ontológicas no verificables, implícitas ypresentes bajo la forma de parejas opuestas (unidad versus diversidad, complejidad versus simplici-dad…). Tratamos de localizar la intervención de tales supuestos metafísicos en la obra académica denueve investigadores que evolucionan dentro de STAPS. Por otra parte, desde entrevistas de tipo expo-sición de investigación, se trata de comprender lo que motiva el compromiso de los maestros por untema más que por otro. Dos hipótesis son probadas: por una parte, un sabio optaría por una opcióntemática dada, porque esta le permite invertir significados y valores íntimos en referencia a su propiahistoria; por otro lado, en la medida en que las temáticas se inscriben en el espacio del pensamiento sim-bólico, la elección hecha por el sabio de una opción en desmedro de otra releva de una racionalidadiconográfica, en función de la potencia espontánea de evocación que la imagen ejerce sobre él. Los com-promisos temáticos no parecen menos refutables aunque aparezcan como el resultado de eleccionesmotivadas. Lo que obliga a discutir sus modalidades de participación en la argumentación científica.Serán presentadas dos posiciones epistemológicas pragmáticas que sugieren que se evalúe la fecundidada posteriori de las temáticas y no la validez a priori.PALABRAS CLAVES : epistemología, ontologías implícitas, arqueotipología, pragmatismo.

RIASSUNTO : La scelta delle tematiche nella ricerca in STAPS: motivazioni e modalità d’intervento

Le tematiche rappresentano, secondo Holton (1981), concezioni ontologiche inverificabili, implicite epresentate sotto la forma di coppie d’opposizione (unità versus diversità, complessità versus semplicità…).Noi tentiamo di scoprire l’intervento di tali presupposti metafisici nell’opera accademica di nove ricer-catori che lavorano negli STAPS. Inoltre, a partire da interviste tipo recita di ricerca, si tratta di com-prendere ciò che motiva l’impegno degli scienziati in favore di un tema piuttosto che un altro. Sonotestate due ipotesi: da una parte, un scienziato optarebbe per un’opzione tematica determinata perchégli permette di investire dei significati e dei valori intimi in riferimento alla sua storia singolare; d’altraparte, nella misura in cui le tematiche si inscrivono nello spazio del pensiero simbolico, la scelta da partedello scienziato di un’opzione a scapito di un’altra rivela una razionalità iconografica, in funzione della

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potenza spontanea d’evocazione che l’immagine esercita su di lui. Sebbene gli impegni tematici appa-iano come la risultante di scelte motivate, essi non rimangono meno irrefutabili, ciò che obbliga a discu-tere delle loro modalità di partecipazione all’argomentazione scientifica. Saranno allora presentate dueposizioni epistemologiche pragmatiche che suggeriscono di valutare non la validità a priori delle tema-tiche ma la loro fecondità a posteriori.PAROLE CHIAVE : archeotipologia, epistemologia, ontologie implicite, pragmatismo.

1. INTRODUCTION

Selon Morin (1991), des croyances ontologi-ques interviennent nécessairement dans le pro-cès d’élaboration des théories scientifiques encontribuant notamment à la formulation desaxiomes et concepts fondamentaux. Pour Holton(1981), ces décisions relèvent de « libres postu-lations », de « conjectures intuitives » qualifiéesde thêmata 1. Il s’agirait de « conceptions pre-mières de l’être », de « présupposés globalisantssur l’essence des phénomènes », qui permettentd’étayer le travail scientifique en lui donnantun sens. Le plus souvent défendus implicite-ment et en nombre relativement restreint, lesthêmata se présentent sous la forme de couplesd’opposition : continuité versus discontinuité,ordre versus désordre, élément versus totalité,unité versus diversité…

La caractéristique principale des thêmataest qu’ils échappent à toute logique de lapreuve. Ils apparaissent sur un mode péremp-toire et demeurent irréfutables. Aucune expé-rience ne peut donner raison à un engagementthêmatique contre un autre. Selon Holton, « lesthêmata rendent le monde intelligible d’unemanière que les impératifs de la logique et del’empirique ne sauraient permettre ». Berthelot(1990) corrobore : « Si l’on entend par méta-physique l’ensemble des affirmations globalessur le réel dont notre raison conçoit la possibi-lité mais dont il est impossible de fournir unepreuve, les engagements thêmatiques sont mé-taphysiques. »

Bien que ne répondant à aucune nécessitélogique, les thêmata n’en sont pas pour autantarbitraires et le cheminement amenant à lessélectionner ne peut être qualifié d’aléatoire.Selon Holton, le processus qui amène à unepréférence thêmatique est a-logique (il inter-vient hors de toute logique) mais pas pour autantillogique. Poincaré (1968) reconnaît dans lamême lignée que « les principes fondamentauxà la base des théories ne sont pas imposésnécessairement par l’expérience mais relèventde décisions qui, loin d’être arbitraires, sontmotivées ». De quels types de motivation s’agit-il ? Dans la mesure où les thêmata sont indé-montrables, l’expression d’une préférence thê-matique relèverait davantage de « motifs » quede « raisons » (Besnier, 2005) ou plus exacte-ment de raisons qui ne sont pas des démonstra-tions logiques (Boudon, 2003). Quelles formesde rationalité se trouvent dès lors impliquées ?Quels éléments incitent un homme de sciencesingulier à souscrire à un thêma donné plutôtqu’à un autre ?

Après avoir identifié dans quelques produc-tions théoriques émanant des STAPS la traced’engagements thêmatiques, il s’agira de com-prendre ce qui les a motivés chez les savantsconsidérés afin de caractériser la nature de telsattachements. Holton reconnaît lui-même que« nous avons encore des choses à apprendrequant à l’origine des thêmata ». Deux hypothè-ses sont alors mises à l’épreuve.

Premièrement, à la suite de Berthelot (1990)pour qui « les thêmata sont chargés de sens et

1. En référence à la terminologie proposée par Holton, nous utiliserons les substantifs thêma (singulier) ou thêmata (pluriel) et les épithè-tes thêmatique(s).

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impliquent un engagement de l’être au connaî-tre », nous testons l’idée suivant laquelle unsavant s’engage en faveur d’un thêma lorsquece dernier lui offre l’opportunité d’y investirdes significations et valeurs intimes qui lui sontchères en référence à des expériences mémora-bles balisant son histoire singulière. Nous pour-suivons ici la voie ébauchée par Holton pourqui « une démarche qui mettrait l’accent sur lesrapports entre la psychologie cognitive etl’œuvre scientifique de l’individu constitue unpoint de départ approprié ». La recherchen’apparaît plus ici comme un acte désincarnémais comme un processus chargé d’affectivité.L’hypothèse d’une appropriation active etsignifiante d’un thêma implique de se placer auplus près de ce qui fait sens pour le savant danssa souscription thêmatique. Ce dernier est alorsconsidéré comme une intentionnalité vivante,productrice de significations et non comme unesomme de déterminations psychologiques etsociologiques. Le processus de souscription thê-matique est étudié du point de vue de la« subjectivité constituante » (Uhl, 2004) car « lepoint aveugle majeur des théories qui étudientle sujet dans l’acte de recherche est qu’ellesoublient le sujet dans sa radicale individualitépour se focaliser sur le constitué, c’est-à-dire cequi est supposé le déterminer ». Le sujet est iciconsidéré comme premier, au fondement del’acte de connaître, là où le point de vue de la« subjectivité constituée » aurait consisté enl’étude des déterminations causales sociologi-ques (Soulié, 1995 2), biologiques (Sperber, 1996)ou psychologiques (Lourau, 1994) des choixthêmatiques.

La seconde hypothèse réside dans l’idéequ’au-delà de ces significations intimes les choixthêmatiques relèvent d’une « rationalité ico-nographique » (Holton, 1981). En effet, selonBerthelot (1990), les thêmata puisent leur attrac-

tivité de « l’espace de la pensée symbolique ». Or,au sein de la pensée symbolique, « le sens sedonne comme épiphanie dans l’immédiateté desa figuration et dans l’absolu de sa certitude ».Un savant souscrirait à un ensemble de thê-mata parce que ceux-ci renvoient à des imagesqui exercent sur lui leur puissance d’évocationet font spontanément sens. Dès lors, le scientifi-que ne serait plus le seul dépositaire à titre in-dividuel des thêmata ; ces derniers relèveraientégalement d’un « fonds commun de l’imagi-naire » (Holton, 1981) par l’intermédiaire du-quel « les préoccupations de l’homme modernese relient à celles des générations passées ».

Au final, les engagements thêmatiques dessavants se révèlent motivés par des significa-tions intimes et une rationalité symbolique.N’apparaissant plus comme arbitraires, ils n’endemeurent pas pour autant justifiables d’unpoint de vue logique. Ce paradoxe oblige, dansun dernier temps, à discuter des modes d’inté-gration des préférences thêmatiques, de l’ordrede la croyance, dans l’argumentation scientifi-que soumise à l’exigence générique de la preuve(Berthelot, 1990). Il apparaît alors que, si uneévaluation a priori de la validité d’un thêma estvaine, une détermination a posteriori de safécondité dans une perspective pragmatiques’avère en revanche utile. Reconnaître que « lascience obéit à des motifs qui ne sont pas desraisons » (Besnier, 2005) ne revient plus dèslors à sacrifier au relativisme épistémologique.

2. MATÉRIEL ET MÉTHODE

2.1. Matériaux

Le repérage des choix thêmatiques dessavants ainsi que l’élucidation de leurs motiva-tions sous-jacentes passent par la constructionpuis la confrontation de deux types de maté-riaux, correspondant respectivement à des don-

2. À propos des travaux de Soulié (1995), Bourdieu (2001) écrit : « Nos choix en apparence les plus personnels, ceux de notre discipline,de notre sujet de prédilection, de nos orientations théoriques et méthodologiques, trouvent leurs principes dans des dispositions sociale-ment constituées où s’expriment des propriétés banalement sociales, tristement impersonnelles ».

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nées en « troisième » et « première personnes »(Varela et Shear, 1999) : pour chaque savant del’échantillon d’étude, seront prises en compted’une part plusieurs de ses publications acadé-miques et d’autre part la retranscription d’unentretien conduit sur le mode du « récit derecherche ». La nature double de ces matériauxpermet de documenter les liens unissant d’uncôté un processus de recherche, « incertain, ris-qué, chaud », et de l’autre un produit scientifi-que à première vue « froid, objectif, sûr » : selonLatour (2001), « la science est la partie solidifiéeet refroidie de la recherche ; il est donc impos-sible d’avoir l’une sans l’autre ».

L’entretien par récit de recherche (voir lagrille en Annexe II) vise le recueil de deuxtypes d’informations. Il permet tout d’abord defaciliter le repérage des choix thêmatiques : eneffet, Holton remarque que, si les savants n’ex-plicitent pas systématiquement leurs optionsthêmatiques dans le cadre de l’exposé public deleurs travaux, ils les mettent en revanche plusfacilement à découvert lors de discussions plusinformelles comme les situations d’entretien.En outre, les préférences thêmatiques des sa-vants pourront également transparaître dans leprocès même de structuration narrative : selonBruner (2002), « les récits les plus spontanés ré-vèlent les traces implicites de positions crypto-philosophiques, de conceptions de l’être, de lacausalité et de la temporalité ». Le repéragedes schèmes d’interprétation s’interposant entrel’expérience vécue et la mise en récit est rendupossible par le mode semi-directif d’administra-tion permettant au discours de se déployer sansêtre systématiquement entravé. Les présuppo-sés thêmatiques révélés lors de l’entretien parrécit de recherche seront ensuite confrontésaux publications scientifiques où ils s’actuali-sent. Cette mise en dialogue constitue la clé dudispositif méthodologique.

Les récits de recherche permettent, à un se-cond niveau plus manifeste, d’explorer les si-gnifications et valeurs personnelles que lesavant investit dans ses choix thêmatiques puis

de les rapporter à des expériences jugées mé-morables par et pour lui. Ricœur (1990) note àcet égard que « le récit est l’espace de mise enrelation d’une sélection d’événements racontéset d’anticipations relevant du projet existentielde chacun ». Le récit n’est pas pris comme vé-rité historique (Bourdieu, 1986) mais étudié entant que procès de recomposition autobiogra-phique rétrospective et prospective. En effet,selon Ricœur, le récit se situe à l’interface de laremémoration vers le champ pratique et del’anticipation dans le champ éthique : « Oncroit à tort que le récit parce que rétrospectif nepeut qu’instruire une méditation sur la partiepassée de notre vie. Mais le récit raconte aussile souci. Il n’est pas de récit éthiquementneutre. » Le récit de soi permet donc de révélerce qui fait sens, structure et constitue une va-leur pour le sujet dans son processus de recher-che.

En définitive, ce qui importe est la logiquesingulière du sujet dans l’acte de sélectionner,d’ordonner et de juger. Conformément à laposture clinique (Bénony et Chahraoui, 1999),le sujet pris comme totalité singulière est appré-hendé comme cadre de référence. L’attentionclinique au niveau significatif pour l’acteur nesignifie toutefois pas la dépendance de l’ana-lyste aux catégories des sujets interrogés : selonBarbier (2000), « la sémantique de l’action seraconsidérée comme un matériau, voire commeune méthode pour la recherche, mais en aucuncas comme son cadre conceptuel ». L’effort dedégagement est rendu possible par la confron-tation critique du récit de recherche et desœuvres produites.

2.2. Analyseurs

Le cadre d’analyse appliqué aux retrans-criptions des récits de recherche et aux publica-tions académiques se compose de trois vaguesrésultant d’un aller-retour constant entre affi-nement des hypothèses et découvertes de ni-veaux inédits de significations sur le corpus(Bertaux, 2005).

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La première vague d’analyse repère l’adhé-sion des savants à un thêma, voire à une combi-naison de thêmata, en s’appuyant sur lescouples d’opposition d’Holton : relation versussubstance, linéarité versus chaos, totalité versusfragment, unité versus diversité…

La seconde vague documente la nature del’attachement qui lie le savant à ses préférencesthêmatiques : quelles significations y sont-ellesprojetées, à quelles valeurs sont-elles associées,en référence à quelles expériences mémorables ?Cette dernière interrogation ne contraint pas àune « psychologie des abysses » dans la mesureoù Bachelard (1949) note qu’« une psychana-lyse de la connaissance objective se dérouledans une couche moins profonde que celle desinstincts primitifs, une couche plus intellectua-lisée, remplaçant l’étude des rêves par celle dela rêverie ».

Enfin, la troisième vague (voir Tableau 1)consiste en l’application de la classification tri-partite des images de Durand (1968). Celle-cirepose sur des sous-analyseurs ayant trait à lanature des schèmes verbaux et substantifs, auxregistres métaphoriques dominants, aux typesde logique prépondérante…

Ces diverses vagues seront intégrées etexploitées dans une « analyse par entretien »dite « thématique verticale » (Blanchet et Got-man, 2006) qui consiste à reconstruire pourchaque savant la singularité cognitive et affec-tive de son processus de recherche et de sa pro-duction scientifique.

2.3. Échantillon

Les récits de recherche et publications aca-démiques de neuf chercheurs évoluant enSTAPS (voire Annexe I) constituent le corpusempirique 3. Ces derniers ont été sélectionnésdans l’optique d’une « diversification satisfai-sante des variables stratégiques pour le projet

démonstratif » (Blanchet et Gotman, 2006). Onttout d’abord été diversifiées les disciplines scien-tifiques d’appui des savants (histoire, sociologie,pédagogie, phénoménologie, épistémologie,neurosciences…). Les objets d’étude sont éga-lement multiples (EPS, institution scolaire, con-duites motrices, action, contrôle moteur…) toutcomme les inscriptions paradigmatiques : sur labase des « grandes traverses » identifiées parBerthelot (2001), les savants de notre échantillondéveloppent des positions contrastées quant auxrapports cognition/action, holisme/individua-lisme, système/structure/contexte. Ces derniersse répartissent également sur les différents« schèmes épistémiques » dégagés par Terral(2003) (expérimentaliste ou non, didacticien ounon, académicien ou professionnel). Les savantsse distribuent enfin quant aux dispositifs mé-thodologiques préférentiels. D’autres variablesconsidérées comme moins stratégiques (commele sexe du savant) n’ont pas fait l’objet d’un teleffort de diversification.

Notons enfin que l’identité des chercheursde l’échantillon, après leur accord, a été renduepublique. Dans la mesure où la contributions’efforce de mettre en relation le contenu del’entretien et la production scientifique publiée,la condition « anonymat » aurait contribué àinstaurer un climat délétère de suspicion et dedénonciation que l’auteur récuse mais dont lelecteur est bien souvent responsable (Bourdieu,1984).

3. LE CHOIX DES THÊMATA COMME EXPRESSION DE SIGNIFICATIONS ET DE VALEURS INTIMES

Les préférences thêmatiques de quatresavants de l’échantillon sont identifiées et rap-portées aux significations et valeurs qu’ellesrevêtent pour eux, en référence à leur histoire

3. Si le corpus empirique ayant permis de tester les hypothèses avancées dans cette contribution se compose effectivement de neuf cher-cheurs évoluant en STAPS, seuls les profils de cinq d’entre eux serviront de support à la présente démonstration. Ceux-ci ont été retenuscar ils représentaient une large gamme d’engagements ontologiques.

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singulière et aux expériences mémorables quila ponctuent.

Michel Récopé s’engage en faveur des thê-mata suivants : « situation, relation, totalité, in-dividuation, profondeur, historicité ». Cettecombinaison est investie par le savant commeun dispositif de prévention contre toutes lesformes de dévalorisation et de réification de lapersonne. Ce projet se construit sur la based’une expérience mémorable subie de « stigma-tisation » (Goffman, 1975) et de « réduction »(Morin, 2000). La réduction décrit l’enferme-ment dépréciatif d’une personnalité multipledans un seul de ses traits quand la stigmatisa-tion renvoie à un jugement de valeur discrédi-tant établi à partir d’une marque physique oumorale et engluant le sujet dans une identité in-désirable. Michel Récopé souffrit d’une telledésignation réductrice et généralisante : « toutpetit déjà, et ça, c’est un peu lourd, on disaitque j’étais assez sensible ». Sur cette base, sontravail scientifique semble revêtir la significa-tion d’une déstigmatisation qui passe par la re-cherche d’une compréhension fine et complexede la sensibilité du pratiquant sportif. Celle-ciest permise par un ensemble d’engagementsthêmatiques.

L’auteur développe tout d’abord une con-ception située et relationnelle de la sensibilité. Àce titre, le concept de mobilisation « qui nes’étudie qu’en contexte » est préféré à celui demotivation. La décontextualisation est combat-tue car risquant de dériver vers l’écueil d’unegénéralisation de la sensibilité en trait stable depersonnalité. La réification est également tenueà distance grâce au thêma de relation : « la sen-sibilité n’est pas une substance, mais une rela-tion à un domaine circonscrit d’activité ». Lesujet n’est plus sensible en soi et définitivementmais en situation à un objet spécifié. Toutesubstantialisation des conduites et des qualitésest refusée : « je récuse les difficultés expliquéespar le fait que certains seraient mieux armésque d’autres ». Cette prévention face à la réifi-cation se traduit par l’abandon de la notion de

« pratiquant combatif » en raison de son« caractère psychologisant lié à sa connotationde trait de personnalité, comme caractéristiqueintrinsèque à la personne ». À l’inverse, Récopédéveloppe une ontologie relationnelle : « L’êtreest relation, les conduites sont relationnelles.Comprendre la relation, c’est mieux compren-dre l’humain et la vie. Ni le vivant, ni le milieune peuvent être compris séparément, mais seu-lement dans leur relation. »

Le thêma de la relation débouche sur ceuxde totalité et d’indissociabilité érigés contre lafragmentation et la séparation : « l’organismeet le milieu forment une totalité ». Le mouve-ment est envisagé comme une globalité indécom-posable : « La tendance ne peut être imputée àun quelconque centre physiologique spécialisé,mais doit être traitée comme relevant de l’orga-nisme considéré comme un tout. Tout mouve-ment véritable est un mouvement d’ensembleet non un déplacement segmentaire. » S’inspi-rant de Canguilhem (1952), l’auteur soutient :« les formes vivantes étant des totalités, ellespeuvent être saisies dans une vision, jamaisdans une division. Car diviser, c’est faire levide, et une forme, n’étant que comme un tout,ne saurait être vidée de rien ». Les entreprisesscientifiques péchant par dissociation sont dé-noncées : « La division pose problème : Straussinsiste sur la rupture entre le sentir et le connaî-tre, plutôt que sur la continuité, et laisse pen-dante la question de leur articulation. » Ladistinction conduirait même à l’inhumain :« Vergnaud était plus humain que Piaget quiavait coupé le schème de la tendance. »

Envisager l’organisme comme totalité con-duit à en étudier la singularité : « La norme sertà comprendre des cas individuels concrets. Lasingularité du vivant s’éprouve dans une rela-tion à un système de normes propres. » Privilé-gier l’individuation sur l’homogénéité incite àrécuser certaines démarches méthodologiquestransversales et quantitatives : « Placer la sensi-bilité sur un continuum serait un abus concep-tuel puisque chaque homme est la mesure de sa

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propre normalité. » Le classement est vu commeune entreprise policière.

La compréhension de l’individualité sup-pose enfin de s’engager en faveur des thêmatade profondeur et d’historicité : « On ne peutjuger un individu d’un point de vue extrinsè-que qui en resterait à la surface. » La compré-hension de l’intrinsèque suppose de s’attacheraux soubassements : il s’agit de « plonger dansle chaud, l’intime pour accéder à la source pre-mière de mobilisation » : « La conscience nelivre qu’une partie des secrets de la vie affective ;il faut descendre au-dessous d’elle. Ce quim’intéresse est ce qui est sous-jacent, au fonde-ment de la perception et de l’action. Il s’agit designifications sensibles. Le sentir est plus pro-fond et ancien que le connaître. » Ainsi, setrouve justifiée « une généalogie de l’activité » :« Pour comprendre l’état actuel d’un organisme,il faut remonter aussi loin que nécessaire afind’appréhender des aspects pertinents de l’his-toire de son espèce et de sa propre histoire. »

En définitive, Récopé reconnaît que son« travail théorique s’ancre sur des formes desensibilité qui ne sont pas des composantes dela personnalité, mais des relations situées à desactivités. La nuance est grande ». Elle apparaîtmême comme organisatrice du processus derecherche et des options thêmatiques polariséespar la prévention contre la réduction en réfé-rence à une expérience mémorable de stigma-tisation.

De son côté, Cécile Collinet s’engage en fa-veur des thêmata suivants : « ouverture, plura-lité, complémentarité, contexte, interférence ».Ceux-ci sont investis comme des dispositifs deprévention contre l’embrigadement et la dé-pendance sur la base d’une expérience mémo-rable d’enfermement clanique : « J’ai vécul’enfermement paradigmatique et en suis sortiede façon violente. Je me sentais complètementétouffée, la pensée bridée et improductive.J’aurais pu être enfermée et me laisser porter,ça aurait été beaucoup plus confortable. Pour-tant, dès que j’ai pu, j’ai fui cet enfermement. »

L’auteur s’engage alors vers l’épistémologie qui« demande beaucoup plus d’autonomie et deliberté ».

Collinet (1999) dévoile tout d’abord les res-sorts logiques des fermetures théoriques notantà propos des travaux de Tissié et Le Boulch :« Les deux systèmes sont clos, la tendance est àla fermeture sur soi ; l’immunologie est forteet la priorité va à la cohérence interne dusystème ; bref, on assiste à la construction dedeux doctrines qui fonctionnent comme desdogmes. » En outre, les « monothéismes théori-ques » sont combattus en ce qu’ils conduisent à« jeter l’anathème sur ceux qui n’appartiennentpas au clan » : « Je ne peux m’inscrire dans uneperspective théorique à plein car approfondirun paradigme, c’est combattre les autres et semettre dans une posture partisane. » Sont par-ticulièrement tenus à distance les « modèles glo-balisants » à prétention de validité universelle,qui « impliquent une immersion complète »,position que l’auteur reconnaît « avoir du mal àtenir » : Collinet soutient par exemple que « lessociologies de Bourdieu ou de Latour donnentdes informations intéressantes mais partielles.Chaque approche laisse des points obscurs ;j’essaie de voir les deux aspects, en dehors desquerelles et des positions paradigmatiques op-posées. »

Considérant que « l’enfermement dans unparadigme est à la limite du supportable etdénote une certaine faiblesse, celle ne plus pou-voir saisir des richesses plurielles », Collinet pri-vilégie en réaction une mobilisation pragmatiquedes filtres d’intelligibilité : « En fonction des ob-jets, certaines voies explicatives sont plus mo-bilisées que d’autres, selon leur pertinencespécifique. Ce qui me plaît, c’est de manier di-vers paradigmes, de les articuler, de les criti-quer mutuellement, ça me donne une grandeliberté. » L’auteur considère qu’il s’agit là d’une« démarche plus active pour savoir ce qui peutvenir éclairer l’objet ». Cette sensibilité aux thê-mata de pluralité, de complémentarité etd’ouverture incite Collinet à s’orienter vers des

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approches qui, dans leur conceptualisationmême, intègrent la diversité des regards.L’auteur se rapproche tout d’abord du plura-lisme explicatif de Berthelot (1990) qui considèrepar exemple que « les disciplines scientifiquesont plus à gagner à chercher des complémenta-rités entre les méthodes et les objets qu’à s’af-fronter au nom de soi-disant spécificités ».Collinet inscrit par la suite sa réflexion dans lecadre de la « sociologie pragmatique ». L’inté-rêt de ce programme réside, selon Corcuff(1998), dans le « renouvellement des rapportsentre sciences sociales et philosophies » : il nes’agit plus de choisir a priori une anthropologiephilosophique universaliste en rejetant les con-currentes mais d’apprécier comment les ac-teurs, en situation, basculent de l’une à l’autre ».Leur pertinence respective s’en trouve régiona-lisée, conformément au thêma de contexte.

L’approche pragmatique en sociologie per-met enfin à Collinet (2005) d’actualiser son at-tachement au thêma d’interférence qui semanifeste par exemple quand l’auteur met enrapport d’un côté des régimes pluriels d’actionet de l’autre des régimes épistémologiques di-vers. Ce souci de saisie des relations se re-trouve dans les premiers travaux (Collinet,2000) où l’auteur étudie, à propos des courantsde l’EPS, « les imbrications du cognitif et dusocial ».

Une structure thêmatique antagoniste àcelle de Collinet se retrouve chez Pierre Parlebas,qui privilégie le système « unité, universalité,distinction, non-contradiction ». Ce dernier estperçu par l’auteur comme un moyen d’unifica-tion en référence à des expériences mémorablesd’éclatement et d’incohérence des enseigne-ments « Au cours de ma formation, j’étaisdéboussolé : aucun rapport entre les enseigne-ments magistraux et le terrain, un double cloi-sonnement, cela n’avait aucun sens. » Face àl’émiettement théorique et pratique, l’auteur semet en quête d’une cohérence conceptuelledont la « colonne unificatrice » sera la conduitemotrice. Selon son instigateur, cette dernière

confère à l’EPS « sa spécificité et son identitédisciplinaires ». À propos de cet objet propre,Parlebas dégage les universaux structuraux desdiverses activités physiques, regroupées en caté-gories, les domaines d’action motrice : « c’estcette classification qui donne la cohérence à unenseignement ».

Les engagements thêmatiques des cher-cheurs en STAPS ne sont pas toujours aussihomogènes que pour les sujets précédents. Parexemple, les travaux académiques de GillesBui-Xuân se caractérisent par une structurethêmatique « bipolaire », en référence à deuxréseaux distincts de significations, ancrés surdeux registres d’expériences mémorables. Lepremier bassin, composé des thêmata « indivi-duation, dynamique, diversité, mélange, com-plexité » et ancré sur des expériences dejugements réducteurs (relatifs notamment auxorigines ethniques et aux appartenances politi-ques), est investi, à l’instar de Récopé, sur lemode de la déstigmatisation par la quête deconsonance : « J’ai vécu dans ma vie différentsstigmates, le concept de stigmate est corporelle-ment ancré en moi. Le stigmate ne te lâche pas,il faut s’en sortir, d’où l’importance du pro-blème de reliance. » Le second bassin ontologi-que, composé des thêmata « simplicité, unité,généralité, identité, distinction, homogénéité »et ancré sur des expériences de « turbulencesidentitaires », est quant à lui investi, à l’instar deParlebas, sur le mode de la consolidation et dela mise en ordre. La conjonction de ces deuxréseaux de valeurs intimes induit un systèmethématique dual au sein duquel les deux pôlesd’un même couple d’opposition cohabitent.

Concernant le couple « mouvement versusstabilité », l’auteur soutient tout d’abord, dansle cadre de son approche conative, qu’« il n’y ajamais d’ancrage définitif du sujet dans uneétape du curriculum ». Le thêma de la mobilitéest ici privilégié en référence à l’angoisse deréification de la personne mais se trouve im-médiatement contrebalancé par le thêma d’im-muabilité, en référence à la quête d’unification :

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à ce titre, Bui-Xuân indique que « tous les su-jets traversent les étapes impératives du curri-culum dans le même ordre ».

Conformément aux thêmata « généralité,unité, homogénéité », la validité de la modélisa-tion conative est étendue à de nombreux do-maines, catégories de populations, disciplinesscientifiques. Cette dernière confère selonl’auteur « l’unité au tout de sa production scien-tifique » : « Au-delà d’analyses spécifiques, c’estbien d’une conception générique dont il doits’agir. Plus question de puiser ça et là des bribesde théories disparates ; il s’agit bien de se bâtirun édifice intérieur sur ses propres fondations. »Ces orientations ontologiques vers l’universalitésont tempérées par une sensibilité aux thêmata« individuation, singularité, différenciation » :l’auteur définit ainsi la conation comme « ce quipousse individuellement à agir ». Dès lors, « l’in-clination à agir des uns peut largement divergerde celle des autres en fonction des systèmes devaleurs incorporées ». Il s’agit ensuite d’adapterla méthode pédagogique à la forme singulièrede mobilisation des sujets afin d’augmenter lapuissance d’exister de chacun.

La dualité ontologique de Bui-Xuân seretrouve enfin quant au couple thêmatique« simplicité versus complexité ». L’auteur sem-ble privilégier à première vue la simplicité quiseule permet une utilité pour la pratique. Maisla simplicité apparaît vite comme le symptômed’une hyperconscience de la complexité inci-tant à la réduire pour tenter de la maîtriser :« Étant rentré dans l’extrême complexité de lapsychanalyse, je m’aperçois qu’on ne peut enrendre compte qu’en simplifiant et schémati-sant. Mais, le schéma n’offre qu’une piètre re-présentation du réel dont la complexité estinextricable. »

Au final, la dualité de la structure thêmati-que de l’œuvre de Bui-Xuân se trouve résuméedans la formule qu’il suggère lui-même : « lecomplexe pourrait être à l’identité ce que lacomplexité serait à l’existence ». La première

proposition renvoie à la quête de déstigmatisa-tion qui s’actualise dans les thêmata d’indivi-duation, de mouvement, de complexité alorsque la seconde renvoie aux engagements versl’unité, la généralité, la simplicité en vue d’af-fronter les turbulences identitaires.

En définitive, un savant s’engage en faveurd’une certaine combinaison de thêmata enl’investissant selon des significations et valeursintimes, sur la base d’expériences mémorablessingulières qui constituent des matrices d’assi-milation des événements ultérieurs. Les « opé-rations du connaître » (les choix thêmatiques)apparaissent ainsi indissociables du « sens duconnaître » (les significations d’une préférencethêmatique). Canguilhem (1952) soutient danscette perspective une conception fonctionnalistede la connaissance scientifique : « La science estl’œuvre d’une humanité enracinée dans la viepour laquelle savoir pour savoir n’est guèreplus sensé que manger pour manger. La con-naissance consiste concrètement dans la recher-che de la sécurité par réduction des obstacles. »

Deux interrogations subsistent cependant envue de progresser dans l’élucidation des moti-vations des choix thêmatiques : tout d’abord,ayant repéré pour chaque chercheur l’adhé-sion à un ensemble de thêmata, pourrait-onidentifier une logique intégrative susceptible deles coordonner ? En outre, la posture clinique arévélé que les significations intimes projetéesdépendaient d’expériences biographiques sin-gulières. Ces dernières peuvent-elles entrer enrésonance avec des structures anthropologi-ques fondamentales et un éventuel fonds com-mun de l’imaginaire ? Nous soutenons l’idéesuivant laquelle l’archétypologie générale deDurand (1968) est en mesure d’alimenter cesdeux perspectives d’investigation.

Précisément, nous démontrons que chaqueensemble de choix thêmatiques s’enracine dansun régime spécifique de l’imaginaire qui exerceune puissance d’évocation spontanée sur le sa-vant. La motivation thêmatique relève alors

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d’une rationalité iconographique (Holton,1981) : selon cette perspective, le sens conféréaux thêmata n’est plus à rechercher exclusive-ment du dehors (dans l’histoire singulière dusavant) mais dans la matérialité même des sym-boles auxquels ils se réfèrent et auxquels les sa-vants sont sensibles sélectivement. Le savant, àtitre individuel, n’est plus le seul dépositairedes thêmata. Ces derniers participent égale-ment d’un « patrimoine imaginaire de l’huma-nité » dont la pensée scientifique constitue unedéclinaison.

4. LE CHOIX DES THÊMATA COMME EXPRESSION D’UNE RATIONALITÉ ICONOGRAPHIQUE

4.1. Archétypologie générale et classification isotopique des images

Cherchant à identifier les archétypes fonda-mentaux autour desquels s’organisent les ima-ges de divers domaines de la pensée humaine,Durand dégage trois constellations symboliquesdont nous présentons les logiques respectives.

La structure schizomorphe de l’imaginairecoïncide au déploiement d’une logique identi-taire, de non-contradiction et d’exclusion. Lesschèmes cognitifs dominants ont trait à la sépa-ration et à l’opposition. C’est le régime de

l’antithèse et de la polémique. Le manichéismeet l’exclusivité y sont exacerbés du fait d’ungoût prononcé pour la régularité et la clarté audétriment du mélange. La cohérence internedu système est recherchée le rendant inapte àl’adaptation. L’unité, la solidité et l’universalitésont privilégiées là où le mouvant paraît angois-sant ; c’est pour cela qu’on lui oppose la préci-sion des formes. La géométrie euclidienne estainsi valorisée tout comme la schématisationqui permet la distinction.

La structure mystique s’organise autour desprincipes de la polysémie. L’ambivalence estrestaurée en même temps que la négation estrécusée. Les schèmes cognitifs dominants sontceux du mélange, de la fusion et de l’accueil.Les thèmes de la profondeur, de l’intimité et dela chaleur sont valorisés. Il s’agit de plongervers le centre pour découvrir la source origi-naire, faite de sensibilité, de vie et d’intuition.

La structure synthétique, enfin, s’appuie surla logique de la conciliation, de la reliance et surla dialogique. La diversité et la complémenta-rité y sont vues comme des ressources. Lesschèmes dominants portent sur l’exigence demédiations et d’interférences.

Le Tableau 1 récapitule l’architecture géné-rale de la classification des images.

Tableau 1. La classification isotopique des images de Durand (1968)

4.2. Regroupement des thêmata dans les bassins de l’imaginaire

Après application des divers analyseurs dela classification des images en seconde lecturedu corpus empirique, il apparaît que chaque

combinaison thêmatique des œuvres produitess’inscrit dans un bassin particulier de l’imagi-naire.

Les structures thêmatiques des œuvres deBui-Xuân et Parlebas, organisées autour des

Structure schizomorphe Structure mystique Structure synthétique

Principes logiquesExclusion, identité, cohérence,

antithèse, géométrie.Analogie, fusion, ambivalence.

Reliance, coïncidence des opposés, dialogique.

Schèmes verbaux Distinguer, séparer. Confondre, descendre. Mélanger, tisser ensemble.

Archétypes épithètesPur contre souillé, clair

contre sombre.Profond, chaud, caché, intime. Pluriel, divers.

Archétypes substantifsLa lumière contre les ténèbres,

l’arme contre le lien.Le récipient, le centre, l’essence. La roue, le cycle.

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thêmata « unité, généralité, distinction, iden-tité », correspondent à l’économie logique de lastructure schizomorphe de l’imaginaire. Cesdeux auteurs affectionnent tout d’abord les re-présentations géométriques euclidiennes (curri-culum conatif ou diagrammes sociométriques) etles classifications structurales : chez Bui-Xuân,« la classification des sports distingue, en res-pectant le principe d’exclusivité, trois modalitésde victoire ». Parlebas considère de son côtéla classification en domaines d’action motricecomme « l’aboutissement du travail scientifi-que ». Les deux auteurs envisagent les modèlesabstraits et les mathématiques comme des res-sources, Parlebas notant par exemple : « lesmathématiques ne sont pas prisées en EP, etpourtant cela nous offre des modèles rigoureuxpour réfléchir ». En outre, les deux systèmesprésentent une telle cohérence intrinsèque queceux qui n’y adhèrent pas en sont exclus : Bui-Xuân soutient que « les choses sont relative-ment simples à condition d’entrer dans mamodélisation » quand Parlebas avance que « sansle concept de conduite motrice, il est impossibled’assurer la cohérence de l’EP. Les concepts decorps et de mouvement sont dépassés. » Dèslors, la polémique prévaut : Parlebas préciseque « nos collègues se trompent parce qu’ilsn’ont pas la formation épistémologique. Alors,ce n’est plus de l’éducation physique mais de lamétaphysique. » Enfin, les deux auteurs reven-diquent une identité homogène rendue possi-ble par un fondement solide : Parlebas « défendla spécificité de l’EP contre l’émiettement »grâce à la « colonne vertébrale » qu’est l’actionmotrice quand Bui-Xuân considère qu’« au-delà d’analyses locales, c’est d’un modèle géné-rique dont nous avons besoin » grâce à « l’axeunificateur » qu’est le curriculum conatif.

Les options ontologiques des œuvres deRécopé et de Gaillard, polarisées autour desthêmata « profondeur, totalité, continuité » s’ins-crivent quant à elles dans le régime mystique de

l’imaginaire. Chez ces deux auteurs, le registremétaphorique gravite autour des thèmes defluidité, de viscosité ou de fusion. Gaillardécrit : « Je baigne dans le monde et le mondebaigne en moi, je deviens poreux. » En outre,les images de profondeur prévalent sans craintede perdre la luminosité de surface : Gaillardévoque « une exploration spéléologique de laconscience » et refuse de réduire la technique àla forme visible quand Récopé, refusant de« choisir les objets en fonction de la clarté qu’ilspermettent », « forme le projet de remonteraussi loin que nécessaire pour accéder auxfondements de l’action ». Ces derniers sontd’ailleurs de l’ordre de l’intime ou de l’affect re-levant de « significations sensibles ». Il s’agit doncpour Récopé d’étudier le mouvement vital :« au commencement était la vie ». Enfin, les né-gations et les découpages sont récusés au profitde l’accueil et de l’ouverture : Gaillard suggèreà ce titre d’« inhiber l’inhibition pour se rendredisponible à l’émergence de l’inconnu ».

L’œuvre de Collinet, organisée par les thê-mata « pluralité, complémentarité, interférence »,s’enracine dans la structure synthétique del’imaginaire. La recherche d’intégration descontraires se retrouve dans la mobilisationpragmatique de filtres interprétatifs classique-ment pensés comme incompatibles. En outre,l’auteur s’efforce de penser dialogiquementl’unité et la diversité des phénomènes, à l’instarde son étude du champ universitaire STAPS(Collinet, 2003). Enfin, la recherche de média-tions est constante comme lorsqu’il s’agit de« saisir l’imbrication de l’épistémique et du prag-matique ».

En définitive, les combinaisons thêmatiquesde chaque œuvre académique s’ancrent dansune structure donnée de l’imaginaire 4. Le pro-cessus amenant à formuler des préférences thê-matiques relève donc, outre d’investissementspar le savant de significations et de valeurs inti-

4. Notons toutefois que, pour un même savant, l’ancrage dans un bassin de l’imaginaire n’est jamais totalement exclusif et que des articu-lations entre les trois structures symboliques peuvent être identifiées.

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mes, d’une rationalité iconographique et sym-bolique. La spécificité de cette dernière résidedans le fait que le sens s’y donne dans « l’immé-diateté de sa figuration » (Berthelot, 1990). Lesthêmata sont alors considérés comme des ima-ges organisées autour d’archétypes fondamen-taux dont la puissance de retentissement chezle savant est spontanée. L’ancrage symboliquedes choix thêmatiques confirme les intuitionsde Canguilhem (1952) et de Durand (1968) :pour ce premier, « les théories scientifiques,pour ce qui est de leurs concepts fondamen-taux et de leurs principes d’explication, se gref-fent sur d’antiques images ». Le second soutientquant à lui que « l’image promeut une cohé-rence logique et philosophique aux systèmesthéoriques » : « toute pensée repose sur desnoyaux symboliques généraux qui façonnentinconsciemment la représentation ». Les troisbassins symboliques constituent finalementautant de « répertoires de sens, de représenta-tions ontologiques structurantes et de lignesd’intelligibilité pour l’activité scientifique » (Ber-thelot, 1990).

Une interrogation demeure : comment ren-dre compte de la sensibilité différentielle des sa-vants aux divers régimes imaginaires ? SelonBachelard (1938), la source du symbolisme està rechercher dans l’univers des fantasmes : « lesmétaphores portent toujours le signe del’inconscient ; elles sont des rêves dont la causeoccasionnelle est un objet ». Durand (1968) cor-robore préconisant de « chercher les motivationsdes symboles dans les comportements élémen-taires du psychisme humain ». Des investiga-tions ultérieures devront s’efforcer de préciserla nature exacte de cette détermination affec-tive et de repérer chez les savants des singulari-tés cliniques susceptibles de rendre compte deleur orientation préférentielle vers l’une oul’autre des constellations symboliques. Une di-rection de travail potentiellement pertinente sedégage des réflexions de Durand : elle consiste-rait à rechercher d’éventuelles convergences

entre d’une part des souscriptions imaginairesparticulières et d’autre part des profils psychi-ques typiques. Par exemple, la structure schizo-morphe serait selon l’auteur une déclinaisoneuphémisée de la schizophrénie qui se mani-feste par une angoisse de la division et une pas-sion pour l’unité et la solidité. Il ne s’agit enaucun cas de caractériser quiconque sur unmode psycho-pathologique : la structure schi-zomorphe n’est pas la schizophrénie, laquellene fait que révéler dans son excès des aspectsinvisibles des processus cognitifs normaux. Enoutre, précisons qu’une sensibilité symboliquene se déduit pas systématiquement d’un profilpsychique dans la mesure où « l’image peutavoir aussi, vis-à-vis du comportement quoti-dien, une fonction compensatoire ».

5. MODALITÉS D’INTERVENTION DES THÊMATA DANS L’ARGUMENTATION SCIENTIFIQUE

Le processus conduisant les savants à for-muler des préférences thêmatiques est apparucomme non aléatoire, motivé par des significa-tions ou des valeurs intimes ainsi que par unerationalité iconographique. Non arbitraires, lesthêmata demeurent toutefois indémontrables,ce qui impose d’en réglementer les modalitésd’intervention au sein de l’argumentation scien-tifique.

Une posture normative classique consiste àrompre avec les thêmata et leur ancrage sym-bolique en les considérant comme des obsta-cles : Bachelard (1938) soutient dans ce cadreque « toute recherche objective se fait contre lafonction fantastique. La science est produitepar le refoulement du lyrisme mythique. » Dèslors, le scientifique doit se montrer iconoclasteet décolorer l’image par une psychanalyse dela connaissance objective. Toutefois, Bachelardreconnaît la difficulté d’une telle purge affec-tive : « les images scientifiques n’effacent jamaiscomplètement les images premières et leurhalo imaginaire ».

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La posture par rupture doit donc être amé-nagée : nous soutenons qu’il convient de con-server la nécessaire psychanalyse des mobilesdes engagements thêmatiques sans que celle-cin’ait pour but ultime de les annihiler. Pareilleposition ne revient en aucun cas à réduire l’ac-tivité scientifique à la pensée symbolique. Elleconsiste plutôt à penser le jeu tensionnel entreces deux pôles, à l’instar de Berthelot (1990) :pour cet auteur, il s’agit de penser la genèse dela science dans le symbole, les efforts de cettepremière pour s’en démarquer et les menacespermanentes de dérive. La problématique de-vient : « comment la science peut-elle se démar-quer de l’assignation idéologique ? ». Loin depréconiser un relativisme épistémologique,Berthelot soutient un « rationalisme historique »qui étudie les « incertitudes du procès de réali-sation du rationnel ». En définitive, il n’est plusquestion de rompre avec ces engagements thê-matiques 5 qui demeurent des « fictions néces-saires à l’activité scientifique » (Holton, 1981),mais d’en réglementer l’usage : quels rôles doi-vent jouer, dans le processus de productionthéorique, ces éléments d’intelligibilité échap-pant à l’exigence générique de la preuve ?Berthelot soutient que la pensée scientifiqueconstitue une rupture avec l’univers symboli-que non pas tant au niveau du contenu des thê-mata que des conditions de leur mise en œuvre.Suivant l’utilisation qui en est faite par le savant,les adhésions thêmatiques « pourront servir oudesservir la connaissance » (Holton, 1981).

La définition de la « juste » utilisation desthêmata dans le raisonnement scientifiques’opère tout d’abord négativement en stigmati-sant leurs usages idéologiques. Il s’agit alors dedévoiler puis de combattre l’écueil de « réifica-tion » ou « fétichisation » des thêmata. Ce der-nier se manifeste lorsqu’un thêma outrepassesa fonction opératoire de médiateur d’intelligi-bilité en prétendant détenir une vérité ontolo-

gique. On attribue alors au réel ce qui constitueen fait une catégorie du connaître (Berthelot,1990). Là où il conviendrait de maintenir uneséparation entre le thêma et l’objet étudié, estavancée une fusion avec une hypothétiqueessence des phénomènes. Par exemple, au lieude dire « j’interprète le réel à l’aune de la com-plexité, de l’instabilité, de l’unité… », on envient à dire « le réel est complexe, instable,unitaire… ». Le risque majeur de cette dériveréside dans le fait que l’engagement pour unthêma se substitue au travail d’administrationde la preuve en s’érigeant en base autosuffi-sante de justification : « si est science ce quiadmet l’exigence de la preuve, un système deconnaissance qui n’appelle pour justifier sespropositions qu’à un engagement ontologiqueen se soustrayant à la critique et à l’épreuve desfaits ne peut être considéré comme telle » (Ber-thelot, 1990). Ce n’est pas parce qu’une théorieest conforme à ses préférences thêmatiquesqu’elle est valide ni meilleure qu’une autre.Enfin, la lutte contre l’écueil de réifications’avère d’autant plus nécessaire qu’il est souventà l’origine du durcissement des controversesépistémologiques (Holton, 1981 ; Canguilhem,1952).

Une conscience de soi thêmatique doit doncêtre développée. Heidegger (1986) avance à cetégard que « la condition fondamentale de pos-sibilité d’un juste savoir est le savoir des présup-positions fondamentales de tout savoir ». Lesavant est ainsi encouragé à expliciter ses préfé-rences ontologiques (contre l’illusion tenaced’absence de présuppositions) et à dévoiler lecomplexe de croyances, de significations, deconvictions éthiques et esthétiques qui en estsolidaire. Dans cette perspective, Bachelard(1938) interpelle le savant : « Donnez-nous sur-tout vos idées fixes, vos convictions sans preu-ves. Livrez-nous, non pas votre empirisme dusoir, mais votre vigoureux rationalisme du

5. Pour Holton, il est vain de chercher à se purger des thêmata dans l’idée d’améliorer les qualités d’homme de science car « penser sansposer des catégories d’ordre général est aussi impossible que de respirer dans le vide ».

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matin, l’a priori de votre rêverie mathématique,la fougue de vos projets, vos intuitions ina-vouées. » Ce n’est pas en clamant que « lascience est l’œuvre d’esprits désincarnés » (Bes-nier, 2005) que l’on enrayera la tendance às’adonner à des philosophies implicites etinconscientes mais bien en affrontant la ques-tion via « l’analyse de son idiosyncrasie intellec-tuelle et de la signification de ses obsessionscognitives » (Morin, 1991). En définitive, notreimagination jusque dans les sciences est unesublimation. Elle est utile mais peut trompertant que l’on ne sait pas ce qu’on sublime etcomment l’on sublime (Bachelard, 1938).

La stigmatisation des mésusages des thêmataen science doit s’accompagner d’une détermi-nation positive de leurs modalités rationnellesd’intervention. En s’appuyant sur les proposi-tions pragmatiques de Lakatos (1994) et deBerthelot (1990), il apparaît souhaitable nonpas de débattre a priori de la validité d’unthêma isolé mais d’évaluer a posteriori la fécon-dité différentielle des diverses options thêmati-ques concurrentes.

Selon Lakatos, le programme de rechercheconstitue l’unité pertinente d’évaluation en phi-losophie des sciences : « les jugements norma-tifs basculent de l’appréciation instantanée d’unethéorie isolée à celle d’une série diachroniquede théories ordonnées en programme et saisiesdans leur dynamique de construction ». Unprogramme se compose de deux ensemblesd’éléments de nature distincte. Le « noyau dur »,tout d’abord, comporte des propositions debase (axiomes) constituées d’options thêmati-ques. Il est préservé, par convention, de la fal-sification et ce grâce à l’instauration d’un « glacisprotecteur » d’hypothèses auxiliaires qui, elles,doivent soutenir le choc des mises à l’épreuve.Il s’agit alors d’évaluer la fécondité de ces hypo-thèses en référence au critère d’« accroissementde contenu » : ce dernier porte sur la capacitéde prédiction de faits inédits en partie corrobo-rés et impensables par les programmes rivaux.Tant que les hypothèses permettent d’augmen-

ter le contenu (en évitant les hypothèses ad hocqui n’apportent aucune conséquence supplé-mentaire indépendamment testable), le noyaudur dont elles dépendent sera dit fécond.Autrement dit, un thêma pourra être consi-déré, après coup, comme pertinent si l’heuristi-que qu’il commande est historiquement féconde,c’est-à-dire qu’elle permet la prédiction de faitsinédits. En revanche, si un thêma détermineune heuristique ne générant à long terme quedes explications ad hoc (et donc pas de contenuempirique nouveau), il sera rationnel de l’aban-donner au profit d’une métaphysique rivaleplus productive. En définitive, l’évaluation dela qualité d’un choix thêmatique ne s’effectuepas a priori sur la validité intrinsèque d’uneoption mais rétrospectivement sur la féconditéempirique qu’elle autorise. Cette posture ac-corde donc du temps, sur le mode du mora-toire, à une option thêmatique afin qu’ellepuisse faire ses preuves, autorisant par là mêmeun « droit de renoncement initial à l’incroyancequi ne saurait s’entendre comme hommage àl’irrationnel ».

Berthelot transpose cette méthodologie dansl’espace des sciences sociales. L’auteur soutienttout d’abord l’idée que les diverses options thê-matiques n’étant pas décidables d’un point devue logique sont toutes a priori également légi-times : « une situation est toujours suffisam-ment complexe pour autoriser la présence deprincipes d’intelligibilité divergents voire con-tradictoires ». S’il est vain de chercher à démon-trer la supériorité intrinsèque d’un thêma surun autre, il est en revanche envisageable decomparer a posteriori la pertinence différentiellede leur explication, en fonction d’un étatdonné de connaissance et à propos d’un ordrede phénomènes spécifié : « Ni la raison, nil’expérience ne peuvent trancher en faveurd‘un thêma au détriment d’un autre. Le seulénoncé autorisé consiste à dire qu’à un momentdonné, compte tenu d’un état de connaissancesdéterminé, il est plus pertinent, plus riche designifications et plus fécond de privilégier le

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thêma X à Y. Aller au-delà relève de lamétaphysique. » Berthelot remarque alors quele problème de la validité différentielle de théo-ries supportées par des structures thêmatiquesantagonistes est rarement posé tant les théori-ciens cherchent à prouver l’une aux dépens del’autre en les considérant comme inéluctable-ment incommensurables. La critique se résumesouvent à une opposition entre modèles d’intel-ligibilité conduisant à un verdict d’invalidation.Mais, ce faisant, on nie la spécificité explicativedes théories. Là où dans la pratique scientifiquecourante les modes d’intelligibilité coexistentoscillant entre rejet et tolérance de l’altérité thê-matique, il s’agit d’élaborer une procédure deconfrontation réglementée par une norme com-mune permettant de reconnaître la qualitéscientifique d’une explication par-delà les choixméthodologiques et thêmatiques. Cette exigencegénérique n’impose aucune technique particu-lière de la preuve et laisse à chaque programmele soin d’élaborer ou d’adapter celle qui est laplus appropriée à son schème. En effet, la pre-mière étape du procès de confrontation entrethéories supportées par des thêmata opposésdoit porter sur la structure explicative associéeà chaque option en y appliquant les normes devalidation et de réfutation congruentes avec leschème d’intelligibilité mis en œuvre. Laseconde étape s’appuie ensuite sur l’idée qu’« ily a toujours une base empirique partiellementcommune » aux théories portées par des thê-mata antagonistes. En effet, un même phéno-mène peut être appréhendé selon des thêmatadifférents. Le fait de la preuve est dans l’apti-tude des théories à se dégager de cette gangueoriginelle que constituent les options thêmati-ques pour tendre vers un langage commun. Laquestion centrale devient : quel est le gain deconnaissance autorisé par le passage d’unthêma à l’autre ?

Les positions normatives soutenues parLakatos et Berthelot relativement au moded’intervention des thêmata dans le procès d’ar-gumentation scientifique relèvent de façon plus

générale d’une posture pragmatique des rap-ports entre croyance et rationalité. Selon Bouve-resse (2007), cette position s’intéresse davantageaux perspectives ouvertes par la croyance qu’àses origines. Il ne s’agit pas de juger d’uneœuvre d’après les croyances qu’elle incorporemais d’après ce que ces croyances permettenten elle. Une croyance peut être considéréecomme bonne si elle est suffisamment vivantepour déboucher sur des possibilités réelles d’ac-tion. Dès lors, il « faut croire pour agir et agirpour que la croyance se vérifie, pour que le pariqu’elle constitue se donne l’opportunité d’êtregagnant ». Des croyances sont donc assuméesen vue de la connaissance. L’indécidabilité logi-que des différentes options thêmatiques incite àles évaluer non pas à l’aune de ce qui les motive(le fait qu’un thêma soit motivé ne peut com-penser le fait qu’il n’obéit à aucune nécessité lo-gique) mais de ce qu’elles permettent en termesde fécondité. Autrement dit, le pragmatismereconnaît, sans discréditer la connaissance, lapossibilité pour les hommes de science d’obéir àdes motifs qui ne sont pas des raisons » (Bes-nier, 2005), ce que récuse la position antago-niste, qualifiée par Bouveresse de « rationaliste »,qui considère que « la croyance doit attendred’être vraie pour avoir le droit d’exister ». Ilconviendrait selon elle de souscrire à unecroyance « en proportion des raisons dont ondispose d’y croire ».

6. CONCLUSION

Deux axes complémentaires de réflexionrelatifs au déploiement des thêmata dans larecherche en STAPS ont été successivementabordés.

Dans un premier temps, nous avons repéréles traces d’engagements thêmatiques dans destravaux académiques émanant de disciplinesdiverses puis les avons systématiquement rap-portés à leurs motivations sous-jacentes. Il estapparu que l’orientation pour une option onto-

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logique au détriment d’une autre relevait à lafois d’investissements de significations et devaleurs intimes en référence à des expériencesmémorables et d’une rationalité iconographi-que au sein de laquelle l’image exerce une puis-sance d’évocation spontanée sur le savant.

Il paraît cependant évident que des travauxcomplémentaires issus de disciplines scientifiquesdiverses doivent être réalisés afin de progresserdans l’élucidation des mécanismes aboutissant àdes choix thêmatiques individuels. Nous avonsprincipalement insisté sur les significations desengagements thêmatiques, ce qui ne doit enaucun cas occulter l’intervention de détermina-tions sociales, culturelles, psychiques et biolo-giques. Terral (2003), dans le cadre d’une« sociologie des conceptions épistémiques desacteurs du monde sportif », démontre parexemple que la souscription à des « principessupérieurs » ontologiques résulte de l’intrica-tion de dispositions cognitives, discursives etrelationnelles incorporées et d’intérêts sociaux.De son côté, Durand (1968) suggère d’appré-cier l’impact du climat symbolique d’une épo-que sur les choix individuels de thêmata. Lescauses des préférences thêmatiques peuventégalement être recherchées dans la singularitéde profils psychiques et de fantasmes incons-cients (Bachelard, 1938). Enfin, dans la mesureoù « le corps exerce un effet normatif sur lecontenu de la psyché » (Durand, 1968), il pour-rait être pertinent de rechercher les détermi-nants corporels des choix thêmatiques, qu’ils’agisse de préférences perceptives, de sensi-bilités esthétiques ou d’images inconscientesdu corps projetées dans l’œuvre académique(Anzieu, 1981). De son côté, Onfray (1989)repère des connexions entre d’une part les pra-tiques corporelles (en l’occurrence alimentaires)des savants et d’autre part leur contributionacadémique : « le choix d’un aliment renseignesur les catégories archétypales d’une vie, d’unsystème, d’une œuvre ». Ces diverses orienta-tions constituent autant de voies à défricherafin d’approfondir la question des rapports de

l’être au connaître dans un champ universitaire– les STAPS – où « l’hypertrophie objectiviste »(Liotard, 2001) a été maintes fois dénoncéemais où paradoxalement peu d’analyses de lasubjectivité effectivement engagée dans ladémarche de production de connaissance ontété développées.

L’élucidation des facteurs intervenant dans laformulation de préférences ontologiques consti-tue le point de départ d’une conscience de soithêmatique qui s’avère nécessaire dans l’opti-que d’en contrôler les modes d’interventiondans l’activité scientifique. Cette seconde direc-tion de travail, nomologique, a tout d’abordpermis de stigmatiser l’écueil de réification desthêmata. Puis, deux positions pragmatiques pré-conisant d’évaluer rétrospectivement et compa-rativement la fécondité des diverses optionsthêmatiques ont été présentées. Ces dernièresprésentent le double avantage de préserver lerationalisme tout en se plaçant au plus près dela science « telle qu’elle se fait » (Latour, 2001),au sein de laquelle interviennent des croyances.Il apparaît alors que « ce n’est pas rabaisserla raison que de lui reconnaître des mobilesrationnellement injustifiables » (Besnier, 2005).

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ANNEXE I : PUBLICATIONS ACADÉMIQUES ANALYSÉES POUR CHAQUE SAVANT DE L’ÉCHANTILLON

Gilles Bui-Xuân : Une modélisation du procès pédagogique (1993). Pour une approche psycha-nalytique du judo (1994). Corps et exclusion : vers une re-dynamisation du sujet handicapé chô-meur (1995). Le salut, un médium ritualisé de communication (1998). L’émergence de l’EP (2001).Au plaisir d’éduquer (2004). La culture du handicap peut-elle être une culture du métissage ?(2004). Tendances et conations (2004). Un métis à l’épreuve de la complexité (à paraître).

Cécile Collinet : Tissié, Le Boulch : deux conceptions de l’éducation physique, deux périodes,deux doctrines (1999). Les grands courants de l’éducation physique en France (2000). Le courantde la ligue d’éducation physique : analyse des articles de Tissié (2000). Education physique et scien-ces. (Éd.) (2001). Intérêt et limites des concepts liés au corps dans trois conceptions de l’éducationphysique des années soixante-dix (2001). La recherche en STAPS. Les tensions essentielles (Éd.)(2003). L’écriture des textes historiques et sociologiques en STAPS (2003). Quels savoirs scientifiquesles enseignants d’EPS et les entraîneurs jugent-ils utiles? (2005).

Didier Delignières : Objectifs et contenus de l’EPS (1993). Anxiété et performance (1993). Risquepréférentiel, risque perçu et prise de risque (1993). Apprentissage et utilité sociale (1996). Doit-onréellement enseigner une culture corporelle (1997). Apprentissages moteurs (1998). Connaissanceset compétences (1999). La culture oubliée (2003). Time intervals production in tapping and oscilla-tory motion (2004). Libres propos sur l’EP (2004). Et si l’on enseignait comme nos élèves appren-nent (2004). Complexité, non-linéarité, fractales et compétences (à paraître).

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Daniel Denis : Le succès damné du corps (1978). Jeux de mains, jeux de vilains (1978). Le diction-naire pédagogique : un révélateur des contradictions de l’école républicaine (1996). La volonté deréformer les pédagogies corporelles dans le contexte des rivalités internationales (1996). L’institu-tion scolaire du corps (1999). L’école de la vie sauvage (2000). Le sport et le scoutisme, ruses de l’his-toire (2004).

Jacques Gaillard : Expérience technique et imagination (1995). Du sens des sensations dans lesapprentissages corporels (2000). Apprentissage corporel et expérience sensorielle (2004). Situationparadoxale de la conscience dans le mouvement (2004). L’improvisation dansée au risque de la phé-noménologie (2007).

Pierre Parlebas : L’EP en miettes (1967). L’affectivité, clé des conduites motrices (1967). Pour uneEP structurale (1968). Problématique de l’EPS (1985). La dissipation sportive (1985).

Christian Pociello : Sports et sociétés (1981). Le rugby ou la guerre des styles (1988). Le site urbaind’aventures sportives (1991). Sports et sciences sociales (1995). La science en mouvement (1999).Entre le social et le vital (2004). L’expérience critique (2005). Combats guerriers, rites sacrificiels etfantasmes de dévoration (2007).

Michel Récopé : L’apprentissage (2001). Tendances et conations (2004). Sensibilité et mobilisation(2006). Normativité et sensibilité (2007).

Christian Vivier : Les manuels d’EP (1993). Michel Foucault et l’histoire de l’EP (1995). La santédans l’histoire de l’EP (1999). La sociabilité canotière (1999). Le pouvoir des noms propres dansl’ouvrage primé de Géo-Charles (2004).

ANNEXE II : GUIDE D’ENTRETIEN

Consigne inaugurale : « Cet entretien a pour objectif de revenir sur certains moments de votre acti-vité de recherche. Nous essaierons ensemble d’explorer d’éventuels liens entre vos travaux acadé-miques et votre parcours personnel. »

Thèmes abordés :- Votre actualité scientifique.- La spécificité de vos travaux : postulats de base, positionnements épistémologiques, orientations

méthodologiques…- Les sympathies et antipathies théoriques.- Les grandes étapes de votre activité scientifique : rencontres marquantes, articles fondamen-

taux, réorientations thématiques ou théoriques, problématiques conductrices…- Le contexte de la première expérience de recherche.- Le chercheur et l’homme : expériences théoriques et expériences de vie, la connaissance scien-

tifique dans la vie quotidienne.

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