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LES TEMPS MODERNES LOUIS XIV, UN MONARQUE ABSOLU Programmes de l'école primaire, 2008 : Louis XIV un monarque absolu Programmes 2002 et 2007 : La monarchie absolue en France : Louis XIV et Versailles. 1-Une question de périodisation Les découpages en "tranches" chronologiques ou périodisation obligent à définir ce qui fait leur unité et ce qui les légitime. Les dates qui fixent des limites sont toujours discutables. Souvent il existe des accords plus ou moins unanimes, qui constituent des consensus à connaître. Pour la monarchie absolue et l'Etat moderne, le point de départ est la seconde moitié du XVe siècle , lorsqu'à la fin des grandes crises médiévales et des guerres anglaises, la monarchie a réussi à imposer le droit permanent de lever des impôts et d'entretenir des hommes d'armes. De plus, il coïncide plus ou moins avec les débuts communément retenus de la Renaissance, de l'époque moderne, et du XVIe siècle (1492). La première moitié du XVIe siècle correspond à un renforcement de l'autorité royale. Le fameux édit de Villers Cotterêt de 1539 impose le français pour tous les 'actes juridiques privés ou publics. François 1er (1515-1547) demande aussi aux desservants des paroisses l'enregistrement des baptêmes et des sépultures (registres paroissiaux). Son règne marque le début de la vie de Cour. Mais les rouages administratifs sont encore peu développés et il ne dispose que de 5000 officiers pour exercer son pouvoir. Les conflits religieux de la deuxième moitié du XVIe siècle laissent apparaître un affaiblissement du pouvoir royal dans la mesure où celui-ci est incapable d'imposer un arbitrage aux partis qui s'affrontent et où semblent renaître les guerres féodales. La minorité de Charles IX (le roi devient majeur le jour de ses 14 ans) ouvre une période de régence (assurée par sa mère, Catherine de Médicis) et de troubles. En effet, les nobles catholiques ou protestants tentent de capter la faveur royale dans le but de consolider leurs positions et de faire basculer le roi dans un seul camp conformément au principe en vigueur dans toute l'Europe," cujus regio, ejus religio" (la religion du prince doit être celle de son peuple). Le dernier des Valois, Henri III laisse un épineux problème de succession, car l'héritier de la couronne, Henri de Navarre, est huguenot (protestant). Il finit par abjurer en 1593 à Saint-Denis puis il est sacré exceptionnellement à Chartres, sous le nom de Henri IV. C'est à ce moment-là que le catholicisme du roi a pu être considéré comme une "loi fondamentale" du royaume. Malgré tout, le pouvoir royal reste contesté, comme le montrent les assassinats de Henri III (1589) et de Henri IV (1610). Henri IV reste cependant le roi qui « impose » le 1 er le modèle de la monarchie absolue. Pour imposer l'enregistrement de l’Edit de Nantes en 1598, un compromis politique qui accorde aux protestants un statut de tolérance, Henri IV s'adresse ainsi aux membres du Parlement de Paris (cour de justice chargé de l'enregistrement des édits) : "Si l'obéissance était due à mes prédécesseurs, il m'est dû autant ou plus de dévotion, parce que j'ai rétabli l'Etat, Dieu m'ayant choisi pour me mettre au royaume qui est mien par héritage et acquisition [ . . . ] . Je suis roi maintenant et parle en roi. Je veux être obéi ". L'entrée sur la scène politique de Richelieu en 1624 est parfois considérée comme une date décisive pour l'absolutisme. Le cardinal ministre de Louis XIII a résumé dans les formules célèbres de son Testament politique son programme de gouvernement: "ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des Grands, réduire tous ses sujets en leur devoir et relever son nom (celui du roi) dans les nations étrangères qu point où elle devait être". Sa politique de guerres amène un très fort accroissement de la pression fiscale, et par là même le poids de l’administration royale. Comme le dit Joël Cornette, "L'absolutisme fut en grande partie l'enfant de l'impôt". Le point terminal semble se situer plus facilement lors de la rupture décisive de la Révolution. Les événements de 1789 font disparaître l'absolutisme. La déchéance du roi le 10 août 1792 et la proclamation de la République le 22 septembre 1792 marquent la fin de la monarchie. Pourtant, les années 50 du 18 ème siècle semblent un point de rupture 5 : la crise financière du régime, ampleur de la contestation des Lumières, le « désamour » entre Louis XV et son peuple, le poids de l'opinion publique, attitude des Parlements, la personnalité de Louis XVI : Peut-on encore parler de monarchie absolue ? 2 – Une question d'histoire institutionnelle A- Système politique et société « moderne » Il s'agit d'une dénomination traditionnelle qui désigne un système politique dans lequel l'affirmation du pouvoir royal s'accompagne de la construction de l'Etat qu'il faut entendre comme "la fonction politique d'une société dont le rôle est de diriger et de réguler". La souveraineté c'est-à-dire "la pleine puissance" indivisible, est concentrée entre les mains du roi et il IUFM de Grenoble/UJF – MES1 HG – contributeurs UD

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LES TEMPS MODERNES

LOUIS XIV, UN MONARQUE ABSOLU

Programmes de l'école primaire, 2008 : Louis XIV un monarque absoluProgrammes 2002 et 2007 : La monarchie absolue en France : Louis XIV et Versailles.

1-Une question de périodisation

Les découpages en "tranches" chronologiques ou périodisation obligent à définir ce qui fait leur unité et ce qui les légitime. Les dates qui fixent des limites sont toujours discutables. Souvent il existe des accords plus ou moins unanimes, qui constituent des consensus à connaître.

Pour la monarchie absolue et l'Etat moderne, le point de départ est la seconde moitié du XVe siècle, lorsqu'à la fin des grandes crises médiévales et des guerres anglaises, la monarchie a réussi à imposer le droit permanent de lever des impôts et d'entretenir des hommes d'armes. De plus, il coïncide plus ou moins avec les débuts communément retenus de la Renaissance, de l'époque moderne, et du XVIe siècle (1492). La première moitié du XVIe siècle correspond à un renforcement de l'autorité royale. Le fameux édit de Villers Cotterêt de 1539 impose le français pour tous les 'actes juridiques privés ou publics. François 1er (1515-1547) demande aussi aux desservants des paroisses l'enregistrement des baptêmes et des sépultures (registres paroissiaux). Son règne marque le début de la vie de Cour. Mais les rouages administratifs sont encore peu développés et il ne dispose que de 5000 officiers pour exercer son pouvoir.

Les conflits religieux de la deuxième moitié du XVIe siècle laissent apparaître un affaiblissement du pouvoir royal dans la mesure où celui-ci est incapable d'imposer un arbitrage aux partis qui s'affrontent et où semblent renaître les guerres féodales. La minorité de Charles IX (le roi devient majeur le jour de ses 14 ans) ouvre une période de régence (assurée par sa mère, Catherine de Médicis) et de troubles. En effet, les nobles catholiques ou protestants tentent de capter la faveur royale dans le but de consolider leurs positions et de faire basculer le roi dans un seul camp conformément au principe en vigueur dans toute l'Europe," cujus regio, ejus religio" (la religion du prince doit être celle de son peuple). Le dernier des Valois, Henri III laisse un épineux problème de succession, car l'héritier de la couronne, Henri de Navarre, est huguenot (protestant). Il finit par abjurer en 1593 à Saint-Denis puis il est sacré exceptionnellement à Chartres, sous le nom de Henri IV. C'est à ce moment-là que le catholicisme du roi a pu être considéré comme une "loi fondamentale" du royaume.

Malgré tout, le pouvoir royal reste contesté, comme le montrent les assassinats de Henri III (1589) et de Henri IV (1610). Henri IV reste cependant le roi qui « impose » le 1er le modèle de la monarchie absolue. Pour imposer l'enregistrement de l’Edit de Nantes en 1598, un compromis politique qui accorde aux protestants un statut de tolérance, Henri IV s'adresse ainsi aux membres du Parlement de Paris (cour de justice chargé de l'enregistrement des édits) : "Si l'obéissance était due à mes prédécesseurs, il m'est dû autant ou plus de dévotion, parce que j'ai rétabli l'Etat, Dieu m'ayant choisi pour me mettre au royaume qui est mien par héritage et acquisition [ . . . ] . Je suis roi maintenant et parle en roi. Je veux être obéi ".

L'entrée sur la scène politique de Richelieu en 1624 est parfois considérée comme une date décisive pour l'absolutisme. Le cardinal ministre de Louis XIII a résumé dans les formules célèbres de son Testament politique son programme de gouvernement: "ruiner le parti huguenot, rabaisser l'orgueil des Grands, réduire tous ses sujets en leur devoir et relever son nom (celui du roi) dans les nations étrangères qu point où elle devait être". Sa politique de guerres amène un très fort accroissement de la pression fiscale, et par là même le poids de l’administration royale. Comme le dit Joël Cornette, "L'absolutisme fut en grande partie l'enfant de l'impôt".

Le point terminal semble se situer plus facilement lors de la rupture décisive de la Révolution. Les événements de 1789 font disparaître l'absolutisme. La déchéance du roi le 10 août 1792 et la proclamation de la République le 22 septembre 1792 marquent la fin de la monarchie. Pourtant, les années 50 du 18 ème siècle semblent un point de rupture 5 : la crise financière du régime, ampleur de la contestation des Lumières, le « désamour » entre Louis XV et son peuple, le poids de l'opinion publique, attitude des Parlements, la personnalité de Louis XVI : Peut-on encore parler de monarchie absolue ?

2 – Une question d'histoire institutionnelle

A- Système politique et société « moderne »Il s'agit d'une dénomination traditionnelle qui désigne un système politique dans lequel l'affirmation

du pouvoir royal s'accompagne de la construction de l'Etat qu'il faut entendre comme "la fonction politique d'une société dont le rôle est de diriger et de réguler".

La souveraineté c'est-à-dire "la pleine puissance" indivisible, est concentrée entre les mains du roi et il

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l'exerce grâce à un appareil administratif qui s'étoffe et se complexifie. L'autorité qui réside dans sa personne est définie par les pouvoirs qu'il détient (commander, juger, dire la loi). Le royaume s'agrandit et la domination sur le territoire s'accroît. Les sujets doivent l'obéissance. La société est structurée en ordres, clergé, noblesse et Tiers-état ; aux trois fonctions médiévales héritées ("ceux qui prient, ceux qui combattent, ceux qui travaillent") se sont articulées les relations fiscales établies avec la monarchie. Le principe des privilèges fait intrinsèquement partie de l'organisation sociale, il est associé à la notion de "libertés" (dans le sens de « privilèges ») : le roi est perçu comme le garant de cet ordre-là.

La monarchie absolue correspond aussi à une période d'environ trois siècles (16ème –18ème) marquée par la "modernité" qu'il faut entendre comme "un potentiel de mutations en rupture avec l'ordre féodal".

B- Les sources du pouvoir depuis le Moyen-Age

Comment est apparue l’exaltation de la personne du roi ?- Progressivement, au Moyen-Age, se produit un processus d’identification du roi et de l’Etat, d’une

part du fait d’une nationalisation progressive de l’Etat, d’autre part du fait de l’affaiblissement des forces d’atomisation de l’Etat, comme la féodalité ou les pouvoirs urbains.

- Par ailleurs, si la monarchie a pu progresser en puissance, c’est qu’elle a eu, à travers les siècles, des appuis sociaux importants : noblesse, bourgeoisie, clergé ont eu à tel ou tel moment un intérêt économique à s’associer au roi et favoriser l’augmentation de sa puissance.

- Enfin, si la monarchie s’est développée, c’est aussi parce que l’évolution économique a élargi le champs d’activité des hommes (dans l’espace et dans les types d’activité), cette élargissement postulait l’existence d’un roi puissant, à même de garantir un certain ordre.

Aussi, au cœur des temps modernes, le système politique de la France dépend d’un champ de forces mouvantes, socio-économiques, intellectuelles, religieuses, politiques enfin.

Quelles sont les caractéristiques légitimant la personne royale depuis le XV° siècle ?- Le roi est le roi traditionnel depuis 987, celui qui incarne les intérêts de tout le royaume. Il défend le

territoire contre toute attaque extérieure, il maintient la justice et la paix à l’intérieur. Il est donc guerrier et justicier et peut à ce titre établir des lois générales.

- Le roi est suzerain des suzerains. Seigneur des seigneurs, il est ainsi au sommet d’une pyramide féodale imaginée par les légistes du XIII° siècle. Il en résulte la supériorité de la justice royale sur les justices seigneuriales et le droit de confisquer les terres d’un félon.

- Le roi est Empereur en son royaume (« Rex Franciae est imperator in suo regno »), légitimité empruntée au droit romain par les légistes de Philippe le Bel. De cette conception juridique d’un empereur doté de pouvoirs illimités découle des monopoles, ou droits régaliens (« regalia »), comme la propriété des cours d’eau, des littoraux, du sous-sol, le droit de battre monnaie. Cette conception est contenue dans la formule : « Car tel est notre plaisir ».

- Il est aussi le Roi Très Chrétien. Le titre est officiellement porté depuis Louis XI seulement mais il découle d’un droit mystique bien plus ancien, encouragé par l’Eglise, et qui tient dans la cérémonie du sacre. Par le sacre à Reims, sacrement à lui seul réservé, le roi obtient de l’Eglise les insignes de son pouvoir en l’échange d’une prestation de serment. Au terme de la cérémonie, le roi est « presque évêque », il est aussi roi thaumaturge. Le caractère sacré du roi rend impie toute rébellion contre lui, le régicide est le plus grave crime concevable.

Dans ces conditions, la monarchie est donc supportée à la fois par un courant spirituel très fort et des échos populaires particulièrement vifs. En outre, les théoriciens politiques contemporains se sont attachés dès la fin du XV° siècle à discuter les fondements de la monarchie et échafauder des constructions théoriques sur les questions de souveraineté.

C- Pouvoirs et limites de la souveraineté sous la monarchie absolue

Du bon usage des termes et de leurs connotations"Absolu" a été utilisé par les contemporains et le terme est ainsi lavé de tout soupçon d'anachronisme.

En référence au latin et au droit romain, il signifie que le roi est "délié des lois" c'est-à-dire qu'il est pleinement indépendant et que son pouvoir ne peut supporter dans sa sphère d'exercice aucune autre prétention d'autorité, menace que représente toujours l'Empire et surtout la Papauté. La délégation immédiate du pouvoir - "Dieu établit les rois comme ses ministres et règne par eux sur les peuples" Bossuet (Evêque de Meaux et précepteur du

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roi) - est le fondement de la théorie du droit divin. En revanche, le néologisme "absolutisme" appartient à la catégorie des concepts inventés après que la réalité qu'ils désignent eut disparu (1797). Au 19ème siècle, au moment où triomphe une histoire politique et événementielle, il est fréquemment utilisé. S’il est contesté aujourd'hui, à la fois parce qu'il donne une vision stéréotypée et qu'il laisse supposer qu'il existe un objet politique figé dont on peut décrire les formes, c'est un terme commode dont il est difficile de faire l'économie. Il peut cependant entraîner une confusion avec d'autres concepts du vocabulaire politique: tyrannie ou despotisme. Dans la mentalité des révolutionnaires de 1789, puis des républicains du XIX° siècle, absolutisme et régime constitutionnel sont antithétiques. L’absolutisme est associé à l’arbitraire, voire au despotisme. Leurs adversaires ont toujours soutenu qu’il existait une sorte de constitution non écrite du royaume, reposant sur des règles coutumières. Cette affirmation ne manque pas de soulever une contradiction puis « absolu » signifie que le roi est délié des lois.

Extension et limites du pouvoirLe théoricien politique Claude de Seyssel définit en 1519 la monarchie comme nationale (aucun

souverain étranger ne peut monter sur le trône de France), absolue et limitée par les obligations de conscience du roi, les Parlements, et les coutumes du royaume. La monarchie absolue n'est donc pas un pouvoir sans bornes et sans limites.

Le roi a des devoirs, il doit rendre des comptes à Dieu et respecter les biens et les libertés (privilèges) de ses sujets. Il doit obéir à ses propres lois. Il est soumis aux "lois fondamentales" du royaume, non écrites et coutumières, relativement imprécises et peu contraignantes. De fait, les lois fondamentales sont autant de freins au pouvoir royal. Mais, en droit coutumier, leur définition n’est pas simple. Ne sont considérées comme telles que celles qui sont fondées sur un précédent, acceptées par la tradition et reposant sur un consensus général. Elles portent sur le domaine royal et les lois de dévolution de la couronne.

Limites instituées par lois fondamentalesLes règles de dévolution de la couronne

- la couronne est inaliénable, elle n’est pas un patrimoine héréditaire dont le roi pourrait disposer librement par testament. Le Dauphin n’hérite donc pas du roi, il a, dès sa naissance, des droits inaliénables à la couronne.

- Les femmes sont exclues de la succession. Les mâles descendant des filles en sont exclus également. Le tout au nom de la soi-disant « loi salique », fabriquée au milieu du XIV° siècle.

- Parmi les mâles, la primogéniture l’emporte.- Les hérétiques sont exclus de la succession depuis 1593.-

Le domaine royal - c’est l’ensemble des droits utiles (assimilés à des propriétés) et des droits éminents (donnant droit à la

perception de taxes).- La personne du roi n’étant pas distincte de l’Etat, le domaine royal ne relève pas du droit privé mais

public. Il est donc inaliénable.- Le domaine est en droit réputé suffisant pour faire vivre la famille royale, il produit les revenus dits de

l’ordinaire, et l’impôt entre donc dans la catégorie de l’extraordinaire.

Concernant les pouvoirs, les pouvoirs réels de la monarchie ont toujours été largement supérieurs à ceux que les légistes reconnaissaient à la monarchie. Ceux-ci sont au nombre de cinq au XVII° siècle :

- dire la loi,- créer des officiers, c’est-à-dire donner des délégations de pouvoir,- décider de la paix et de la guerre,- avoir le dernier ressort en justice, avec le pouvoir de la déléguer, aux Parlements par exemple,- battre monnaie.

Il est remarquable que la perception de l’impôt n’entre pas dans ces lois fondamentales ni dans les pouvoirs reconnus au roi. C’est une des limites au pouvoir de l’Etat. L’impôt royal est en principe destiné à pallier temporairement l’insuffisance des recettes du domaine royal. Il comporte plusieurs types d’imposition (directe comme la taille ou « indirecte » comme la gabelle, l’impôt sur le sel). Sa permanence est très mal acceptée, comme en témoignent les multiples soulèvements populaires antifiscaux (dont la Fronde, qui a, entre autres, cette dimension). En outre, il ne pèse pas également sur tous les sujets ; le clergé, par exemple, prétend ne verser au roi qu’un concours « librement consenti », appelé « don gratuit », mais c’est déjà une victoire de l’Etat que ces dons gratuits affluent régulièrement. Cependant, les receveurs qui collectent ces dons ont toute liberté de manœuvre avant d’en verser le montant au Trésor royal.

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Enfin, dans la fiscalité certes rémunératrice mais désordonnée de l’Etat à partir du XV°, l’Etat a recours à des affaires dites extraordinaires lorsqu’il est à cours de ressources. L’Etat sollicite les collecteurs d’impôt pour des avances, il use aussi du système des offices (charges achetables pour exercer une tâche par délégation du pouvoir royal) pour augmenter ses ressources : on créé de nouvelles charges, on les dédouble, on les rend alternatives…Du même coup, l’Etat devient dépendant de ces officiers qui recouvrent l’impôt, et « se met à leur merci, obnubilé qu’il est par son besoin insatiable de ressources immédiates, qui prime sur toute autre considération. » (D. Dessert, Argent, pouvoir et société au Grand Siècle).

3 – Une question monographique : un pouvoir incarné par un homme et un lieu

C'est le règne personnel de Louis XIV qui sert encore aujourd'hui d'emblème à ce système de gouvernement qu'est la monarchie absolue. C'est à ce titre que les intitulés des programmes en vigueur du cycle 3 et du cycle central du collège (quatrième ) insistent sur la figure du Roi Soleil et sur Versailles, haut-lieu et miroir de l’absolutisme. Le règne de Louis XIV, c'est aussi toute une série de référents culturels qui appartiennent pleinement à la culture générale : la devise impérieuse, « Nec pluribus impars » (c’est à dire « supérieur au reste des hommes ») le symbole du soleil, la galerie des glaces, les jardins à la française, le classicisme, le théâtre de Molière et de Racine, le colbertisme…

A- Un personnage historique controversé : Louis XIV

A en juger par une bibliographie hyper abondante, de 1643 au début du XXI e s., les histoires du règne de Louis XIV ne manquent pas. Pendant longtemps, deux « légendes » se sont opposées : une version « rose » et une version « noire » car jamais un roi n’a suscité, en France et en Europe, un tel flot de louanges (le « rose ») ou de critiques (le « noir »). Pléthoriques sont aussi les portraits du souverain. On compte plus de 200 portraits peints et plus de 700 portraits gravés sans compter les images reproduites à des milliers d’exemplaires dans les almanachs de l’époque et diffusées dans les villes et les campagnes par les colporteurs.

« Roi de gloire », « le Roi-Soleil », « Louis le Grand » (par référence à Alexandre) fut un homme de chair et de sang mais qui se dissimule sous cette accumulation d’images contradictoires, positives ou négatives. Architecte de sa propre gloire (Versailles ; propagande de ses succès militaires) et au cœur du « système de Cour », Louis XIV a été sans cesse en représentation jusque dans les moindres gestes de sa vie quotidienne. Pendant la totalité de sa vie, il fut aussi (en public) un souverain « silencieux », distillant avec parcimonie sa parole, régnant « en secret » à partir du « cabinet du conseil », pièce voisine de la chambre du Roi, elle-même placée au cœur du palais (à partir de 1701) de Versailles.

Il est important de souligner que Louis XIV fut aussi un « Roi de guerre ». L’art militaire fut un ressort essentiel de sa politique d’expansion territoriale et de consolidation des frontières (le fameux « pré carré »). Les guerres (nombreuses) qu’il a menées fondaient autant sa légitimité qu’elles lui offraient, comme en miroir, le spectacle de son autorité. Moins connu que Versailles, toujours associé, dans la mémoire collective, au nom de Louis XIV, un monument méconnu évoque le « Roi de guerre » : les Invalides. La construction de ce monument (qui abrite aujourd’hui le tombeau de l’Empereur Napoléon Ier et le musée de l’Armée) a été décidée par Louis XIV.

B- Le système politique sous Louis XIV

Dès la mort de Mazarin (9 mars 1661), il a manifesté sa volonté de ne plus prendre de premier ministre et de décider seul.

Le réseau des intendants (représentants directs du roi dans les province) est en place dans toutes les généralités en 1689, avec la dernière des créations, celle de la Bretagne. Ce sont des commis qui disposent de missions étendues (justice, police, finances). ils entretiennent une correspondance serrée avec les secrétaires d'Etat et avec le Contrôleur général des finances et renforcent partout l'autorité royale. Ils rentrent d’ailleurs régulièrement à Paris, remettre leur rapport au roi. Le projet de cartographier le royaume aboutit aux cartes de Cassini présentées à Louis XV. Les grandes Ordonnances de Colbert dans le domaine économique fixent une réglementation stricte concernant par exemple la production des toiles, et s'accompagne de la création d'un corps d'inspecteurs. L’intervention de l’Etat se fait donc de plus en plus présente dans tous les domaines.Louis XIV a cumulé les fonctions de chef d’état et de chef de gouvernement, entouré de conseillers et de ministres (on retiendra les noms de : Colbert, Le Tellier et Louvois) qui disposent eux-mêmes, de commis-fonctionnaires (Cf. schéma de l’administration du royaume dans un manuel de quatrième). Il n’admettait aucune opposition à l’idéal de puissance qu’il prétendait incarner. Un seul exemple illustre cette revendication à propos de l’unité de la foi (sous-entendu catholique). C’est au nom de ce principe que Louis XIV a mené sa politique antiprotestante qui l’a conduit a révoquer l’Edit de Nantes en 1685 (200.000 protestants se sont exilés) puis à

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obliger les huguenots à abjurer, par la force, leur foi. Cette politique a provoqué, en Cévennes (Languedoc), la guerre des Camisards (1702-1705) : 25.000 soldats contre 1500 Camisards !

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C- Versailles, lieu de pouvoir et de mémoire

Le château de Versailles, monument exceptionnel, est devenu la résidence officielle de la cour à partir de 1682. D’un point de artistique, le palais représente l’apogée du classicisme même si le baroque y est aussi représenté (dans la galerie des glaces ou les jardins). Versailles a eu une grande influence sur l’art européen surtout au XVIIIe siècle. Le palais a en effet séduit les aristocraties de toute l’Europe car jamais un modèle politique (l’absolutisme) n’avait trouvé une traduction architecturale et esthétique aussi cohérente. Le prix de Versailles (82 millions de livres environ de 1661 à 1715) n’a probablement pas dépassé 3 à 4% des dépenses annuelles de l’état.

Ce fut un édifice certes coûteux mais politiquement « profitable ». On peut voir en effet dans ce palais : un manifeste et un miroir de la monarchie absolue ; un instrument politique de gouvernement et de la grandeur du prince. Versailles est en effet un somptueux « livre » de pierre et d’images, un produit du pouvoir. Comme le souligne Joël Cornette, la palais se donne comme le microcosme du monde dont le souverain s’est voulu le maître et l’ordonnateur symbolique (la course du soleil. Rappelons que le soleil se lève et se couche dans l’axe des appartements du roi).La Cour (4 000 à 5 000 nobles environ, soit 2 à 3% seulement de la noblesse française) vit donc à Versailles selon une stricte et rigide étiquette imposée par le Roi. La cour est à la fois un outil politique de domination sociale des aristocrates autrefois « mécontents » et une « mécanique » réglée sur l’emploi du temps du roi. En bref, la cour est un instrument de discipline pour l’ordre de la noblesse. Par ce système de cour, l’aristocratie était « tenue », autrement dit « domestiquée ». Mais cette domestication fut à la fois consentie et désirée par cette haute noblesse autrefois frondeuse* : La vue du roi, la faveur du roi et le désir du roi en sont les éléments fondamentaux. Ajoutons encore que cette noblesse - que l’on a décrite souvent comme « asservie » - a placé une part non négligeable de sa fortune dans les affaires du roi (prêts en argent pour alimenter les finances de l’état). Des études récentes montrent que cette « servitude » fut largement volontaire et particulièrement intéressée.Ce système est également fondé sur la manipulation des courtisans à partir d’un jeu de jalousies, d’amour-propre, de devoirs réciproques, de compétition que le roi, seul gestionnaire des faveurs et des pensions, pouvait d’un geste, d’un silence, perturber.

*La Fronde : période allant de 1648 à 1652, pendant la minorité de Louis XIV, au cours de laquelle son pouvoir fut contesté par le Parlement de Paris et par la Noblesse. Le roi fut obligé de fuir Paris, et garda toute sa vie un souvenir cuisant de cet épisode, ainsi qu’une méfiance pour la Noblesse, qu’il s’attacha à « domestiquer » grâce à Versailles.

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D -Les limites effectives au pouvoir de Louis XIV

La monarchie de la fin du XVIIe siècle - telle qu’elle est pensée par les académiciens et les théoriciens du pouvoir monarchique (Bossuet par ex. qui écrivait : « Tout l’État est en lui ») et telle qu’elle se dévoile notamment à travers la galerie des Glaces (édifiée de 1678 à 1684) témoigne de l’exaltation d’une souveraineté pleinement identifiée à la personne du roi. Cette souveraineté pleine et entière est pensée et décrite comme une réplique de celle de Dieu (monarchie de droit divin).

Il est cependant important de comprendre que le fonctionnement de cette monarchie « absolue » (« un roi, une foi, une loi ») ne se réduit pas à la réduction à l’obéissance de la noblesse et des sujets. Il est tout aussi important aussi de souligner les limites de ce régime politique. En effet, l’écart est grand entre l’absolutisme proclamé et revendiqué et sa réalité effective à l’intérieur d’un royaume peuplé de 20 à 22 millions de Français, un « agrégat de peuples désunis » pour reprendre la célèbre expression de Mirabeau en 1789.

La politique religieuse elle-même, sorte de « fer de lance » de l’absolutisme, symbole de la volonté d’unité du royaume derrière son souverain, n’a pas eu les effets escomptés. Malgré la défaite, le protestantisme n’a pas été anéanti. La fidélité religieuse l’emportait sur l’obéissance et la fidélité au prince ! L’absolutisme royal et l’absolutisme religieux étaient ainsi tenus en échec.

Néanmoins, le roi connaissait aussi les limites de son pouvoir (les lois de Dieu, les lois fondamentales du Royaume…). Son pouvoir se heurtait aussi à de dures réalités. En effet, la distance est grande entre la loi du prince et son application sur le « terrain ». Les administrateurs du Roi (intendants et subdélégués) devaient tenir compte des rapports de force, des coutumes régionales ou locales, etc. La volonté centralisatrice bute souvent, et à tout niveau, sur les privilèges (« libertés ») des provinces, des villes et des villages. L’administration de l’état ne dépassait pas 80.000 personnes pour une vingtaine de millions d’habitants ! (à comparer malgré tout au 5000 de François 1er…). La maréchaussée (l’ancêtre de notre gendarmerie comptait 2000 hommes seulement !! A l’époque des déplacements à pied et/ou à cheval, les contraintes de l’espace étaient fortes : 22 jours du Nord au Sud, 19 jours de l’Est à l’Ouest.

En conclusion, il faut donc se défaire de l’image d’un ordre autoritaire et tyrannique qui aurait été imposé par la seule force et la redoutable « férule » d’un roi tout puissant, absolu. L’absolutisme louisquatorzien est probablement un jeu de compromis et d’accommodements pour tenter de faire coïncider la théorie et la pratique. En d’autres termes, on est encore loin d’un état centralisateur (malgré Versailles) et niveleur moderne. L’état louisquatorzien n’a donc pas été un état « totalitaire ».

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