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Les stéréotypes sociaux de genre et le choix des carrières
Catherine Thinus-Blanc*Directrice de Recherche
UMR 6146: Laboratoire de Psychologie CognitiveEquipe « Comportement & Contexte »
Pascal Huguet (DR), Isabelle Régner (MCF)CNRS & Université d’Aix-Marseille I
*Attachée scientifique, Mission pour la place des femmes au CNRS*Experte extérieure, Mission pour la Parité et la lutte contre les Discriminations, MIPADI
Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche
De la recherche fondamentale à ses applications potentielles quant au choix des filières et
au déroulement des carrières chez les femmes …..Position du problème et quelques définitions utiles
Les stéréotypes sociaux
Les filles et les maths au collège…
Les filles dans les écoles d’ingénieurs
La face cachée de l’iceberg : les associations implicites
Comment remédier à cette situation ?
L’approche traditionnelle en psychologie cognitiveet neurosciences intégratives
Sujet, homme ou femme, doté decertaines capacités
(attention,mémoire, etc)
et compétences cognitives
Objet (un problème à résoudre)
doté de certaines caractéristiques
+/- familier, long, difficile, etc.
Performance = application de 1 à 2
1 2
SEXE
AnatomiePhysiologie
BiologieHormones
D’après Françoise Moos, 2010
Différences au niveau du fonctionnement cérébral
Différences comportementales (stratégies)
Dans cette approche, le sexe est une variable qui devrait nécessairement être prise en compte. Elle ne l’est pas toujours!
Une autre approche, celle de la Psychologie cognitive sociale
Contexte de traitement
+/-familier, favorable ou défavorable à soi, etc.
Sujet
Objet Information
à traiter
Les comportements et les productions cognitives dépendent de l’application des capacités et autres compétences du sujet aux
caractéristiques de l’objet à traiter,…
Dans cette autre approche…
mais aussi du rapport que le sujet, homme ou femme, entretient avec cet objet, avec les autres, avec le contexte de traitement…
De ces multiples interactions émerge la notion de genre
GENRESEXEAnatomie
PhysiologieBiologie
Hormones
FACTEURSSOCIOLOGIQUES
FEMINITE - MASCULINITE
FACTEURSPSYCHOLOGIQUES
FACTEURSCOMPORTEMENTAUX
FACTEURSETHNOLOGIQUES
GENRESEXEAnatomie
PhysiologieBiologie
Hormones
SEXEAnatomie
PhysiologieBiologie
Hormones
FACTEURSSOCIOLOGIQUES
FEMINITE - MASCULINITE
FACTEURSPSYCHOLOGIQUES
FACTEURSCOMPORTEMENTAUX
FACTEURSETHNOLOGIQUES
Françoise Moos, 2010
L’influence des stéréotypes sociaux
• Stéréotypes sociaux: Croyances partagées, à des degrés divers, à propos des attributs ou caractéristiques de certains groupes sociaux (e.g., hommes/femmes; blancs/noirs, etc).
• Une idée très répandue dans nos sociétés: l’inférioritédes femmes (et des filles) relativement aux hommes (et aux garçons) en mathématiques et plus largement dans les disciplines scientifiques et techniques, dans l’orientation dans l’espace, etc.
Claude Steele: « Stereotype Threat »
La Menace du Stéréotype (MS)correspond à la baisse de performance des individus lorsqu’ils peuvent craindre de confirmer – àleurs propres yeux ou aux yeux d’autrui – un stéréotype négatif ciblant leur groupe d’appartenance.
Steele (1997). Am. Psych.Steele & Aronson (1995). JPSP
(SAT‐M exemple d’un item difficile)
Spencer, Quinn, & Steele (1999), JESP(SAT-M items difficiles)
Effet de menace du stéréotype(MS)
Tâche reliéeau stéréotype
Peur deconfirmer
le stéréotype
• des pensées interférentes• de la capacité de la mémoire de travail
Diminution desperformances
Les filles et les maths au collège…
En situation de classe...
• 454 élèves de 6ème et 5ème (plusieurs niveaux de réussite ou d’échec); 223 filles et 231 garçons.
• Chaque classe était divisée en 2 groupes mixtes (10 à 14 élèves). Les enfants étaient installés individuellement à des tables séparées.
• Tâche de reproduction de la figure complexe de Rey-Osterrieth
• 1’30 pour la phase d’encodage et 5 ’ pour le rappel.
• Procédure: Tâche présentée comme une tâche de « géométrie » ou comme un « jeu de dessin »
Jeu de dessinTest de géométrie ou
Figure adaptée de la figure complexe de Rey-Osterrieth
Enfants de 6ème/ 5ème
HUGUET, P., & REGNER, I. (2007). Journal of Educational Psychology
Effet de MS lorsque les filles expriment explicitement des pensées
contre-stéréotypiques ?
Huguet & Régner (2009). Journal of Experimental Social Psychology, 45,1024-1027.
Huguet & Régner (2009)
Croyances contre-stéréotypiques: aucune influence!
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Géométrie Dessin
Perf
orm
ance
(m
ax =
44
pts)
Contexte
Filles
Garçons
Huguet & Régner (2009), JESP
Les filles dans les écoles d’ingénieurs
MS dans les Ecoles d’Ingénieurs ?
• L’intervention des stéréotypes de genre est-elle repérable chez les femmes les plus objectivement contre-stéréotypiques ?
• Cette population théoriquement très critique a éténégligée dans les travaux antérieurs (en France ou ailleurs dans le monde).
• Quid en particulier des étudiantes MPSI?
• 117 élèves en 3e ou 4e année d’Ecoles Ingénieurs (53 femmes and 64 hommes)
• Sessions individuelles dans le cadre de l’école.
• Test de raisonnement: « Matrices de Raven » (version la plus complexe).
Régner, Smeding, Gimmig, Thinus-Blanc, Monteil, & Huguet, 2010, Psychological Research
Première mise en évidence !
La face cachée de l’iceberg :les associations implicites
-Traditionnellement, en Psychologie, l’existence et la force des stéréotypes sont des questions récurrentes, généralement abordées à partir d’entretiens et de questionnaires, à partir de techniques sensibles au « biais de désirabilité sociale »: les individus interrogés donnent assez souvent des réponses socialement acceptables donc conformes aux conventions, aux valeurs et aux normes en vigueur dans leur milieu social/culturel. DISCOURS EXPLICITE.
-Une technique complémentaire: la mesure des « associations implicites » développée par Greenwald et collaborateurs (1995) aux USA: Permet de sonder certains automatismes culturels (de l’ordre des stéréotypes sociaux) tout en éliminant le biais de désirabilité sociale. ATTITUDES IMPLICITES.
L’aspect impliciteLa mémoire sémantique
Tulving (1972)
Mémoire qui stocke nos connaissances générales du monde: faits, concepts, mots, et leurs significations.
C'est une base de connaissances, un magasin d'informations que nous possédons tous et dont une grande partie nous est accessible rapidement et sans effort.
Organisation de la mémoire sémantique
Un large réseau dans lequel les mots/concepts/faits sont en correspondance lorsqu'ils sont liés. Exemple:
Fumer
Cancer
Poumon
Cigare
CendrierIncendie
Pompier
Scorpion
Fumer
Cancer
Poumon
Cigare
CendrierIncendie
Pompier
Scorpion
Le fait de penser à un mot/concept/fait activera les autres mots/concepts/faits qui lui sont le plus associés pour l’individu en
question.
fumeur
Le fait de penser à un mot/concept/fait activera les autres mots/concepts/faits qui lui sont le plus associés
pour l’individu en question.
Fumer
Cancer
Poumon
Cigare
CendrierIncendie
Pompier
Scorpion
pompier
Avons-nous des stéréotypes selon lesquels les femmes seraient moins douées en Sciences que les hommes mais plus douées en Lettres?
Pour répondre à cette question, il faut s’interroger sur la force des associations entre ces différentes catégories:
Féminin Masculin
Sciences
Lettres
Si la réponse est oui, alors:
Féminin Masculin
Sciences
LettresLettres
Sciences
36
MASCULIN FÉMININ
Mari
Femme
Fille
La force des associations se mesure par la rapiditéde classement des mots dans leur catégorie.
Homme
Ici, la vitesse de catégorisation devrait être très rapide:
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SCIENCES LETTRES
Mathématiques
Histoire
Littérature
Physique
Ici aussi, la vitesse de catégorisation devrait être très rapide:
38
MASCULIN
ou
SCIENCES
FÉMININ
ou
LETTRES
Maintenant, les catégories CONGRUENTES avec le stéréotype sont regroupées d’un même côté
Si Homme et Mathématiques sont fortement associés en mémoire, on
devrait les classer rapidement dans leur catégorie respective (Masculin et Sciences) lorsque celles-ci sont
regroupées du même côté.
Mathématiques
Femme
Littérature
Homme
Idem pour Femme et Littérature
39
MASCULIN
ou
SCIENCES
FÉMININ
ou
LETTRES
Mathématiques
Femme
Littérature
Homme
40
MASCULIN
ou
LETTRES
FÉMININ
ou
SCIENCES
Maintenant, les catégories INCONGRUENTES avec le stéréotype sont regroupées d’un même côté
41
MASCULIN
ou
LETTRES
FÉMININ
ou
SCIENCES
Littérature
Femmes
Mathématiques
Homme
La présence de stéréotypes défavorables aux femmesdans le domaine des sciences devrait se traduire par
une vitesse de réponse plus lente comparativement à lasession précédente
Calcul du score « IAT »
Temps de réponse dansla condition d’incongruence MOINS
Temps de réponse dansla condition de congruence
Variance des temps de réponse
Un score POSITIF traduit une association plus forte entre« Masculin et Sciences » et entre « Féminin et Lettres » (associations stéréotypiques),
qu’entre « Féminin et Sciences » et « Masculin et Lettres » (associations contre‐stéréotypiques)
MASCULIN
ou
LETTRES
SCIENCES
ou
FÉMININ
SCIENCES
ou
MASCULIN
FÉMININ
ou
LETTRES
Les résultats de Nosek et al., PNAS, 2009, 106, no. 26, 10593‐10597.
500,000 participants36 pays
0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55
Mainland-ChinaRomania
NetherlandsHungary
PolandGreece
LithuaniaDenmark
SwitzerlandBelgiumSweden
Hong Kong - ChinaIsrael
Chinese TaibeiFinlandRussia
YugolaviaUkraineBulgaria
FranceSouth Korea
New ZealandGermany
AustriaCyprusBrazil
AustraliaCzech Republic
NorwayItaly
United Kingdom
0,10 0,15 0,20 0,25 0,30 0,35 0,40 0,45 0,50 0,55
South AfricaThailand
ChileSingapore
United StatesVietnamAlbaniaCanadaTurkey
CroatiaJapan
MalaysiaVenezuela
IranIcelandIreland
IndonesiaPakistan
ArgentinaJamaicaMexico
SpainPortugalNigeria
PeruIndia
PhilippinesColombia
Puerto RicoTrinidad & Tobago
La force des associations implicites chez ces populations « tout venant » est corrélée avec le pourcentage de femmes engagées dans des filières scientifiques : plus le score IAT est élevé, moins il y a de femmes qui s’engagent dans ces carrières !
En conclusion• Ne surtout pas confondre la compétence et la performance!
• Performances cognitives en réalité peu dissociables de leurs contextes sociaux et culturels de production…
• Dans le domaine de la cognition, même les différences de sexe les plus « évidentes » expriment une part de cette réalité socio-émotionnelle et même culturelle àlaquelle l’individu est en permanence confronté.
• La désaffection des femmes pour les filières scientifiques: stéréotypes culturels
• http://reducingstereotypethreat.org/
• https://implicit.harvard.edu/implicit/
• ou bien « project implicit »Cliquer sur « démonstration »puis sur
Deux sites intéressants
Comment remédier à cette situation ?
La recherche n’est pas encore très avancée, cependant l’efficacité de certaines stratégies a été mise en évidence
Auto-affirmation positive : se focaliser sur ses points forts (Martens, Johns, Greenberg & Schimel, 2006)
Accent mis sur les modèles de réussite au sein du groupe d’appartenance (Marx, Stapel & Muller, 2005)
La connaissance de la menace du stéréotype peut en réduire les effets délétères (Johns, Schmader & Martens, 2005)
Aller vers l’idée que les différences liées au genre , tout comme bien d’autres types de diversité, sont une source d’enrichissement pour les femmes et pour les hommes à condition d’en favoriser les interactions positives .
Merci pour votre attention !