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Les services statistiques franais pendant l'OccupationLa bibliothque libre.

Les services statistiques franais pendant l'Occupation 2000 Robert Carmille

SommaireAvant-propos Les origines lointaines de la cration du service de la dmographie et du service national des statistiques Ren Carmille, un militaire de la Direction du Contrle de lArme (X 1906) Modernisation des systmes de comptabilit Publique du ministre de la Guerre Projet de rvision de modernisation de la nomenclature des professions Participation des confrences sur la rforme gnrale de la comptabilit publique Projets de rforme du Service du Recrutement Ren Carmille, conomiste par vocation profonde Lcrivain Professeur, confrencieret banquier De juillet au 14 novembre 1940, prparation de la cration du service de la dmographie Lobjectif militaire LES ACTIVITS DE RSISTANCE DE LA DMOGRAPHIE ET DU SERVICE NATIONAL DES STATISTIQUES Camouflage de la Direction du Recrutement et des Centres de mobilisation Prparation de la mobilisation clandestine d'aot 1940 novembre 1942 Prparation de mobilisation de spcialistes effectuer lors des dbarquements des Allis en Francefr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 1/54

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Aprs la Libration de la France, utilisation par l'Arme des directions rgionales du SNS Le Service National des Statistiques, administration Rsistante ? "LE FICHAGE DES JUIFS" LE RPERTOIRE NATIONAL D'IDENTIFICATION DES PERSONNES PHYSIQUES Une ide trs ancienne Cinq rapports prcurseurs en 1935 Cration en avril 1941 du rpertoire d'identification des personnes pour la France mtropolitaine et l'Algrie Ncessit du recours aux greffiers de Justice et accord indispensable du ministre de la Justice Les deux instructions vritables du vendredi 11 avril 1941 valables pour la France et l'Algrie Les instructions complmentaires du 15 avril 1941 au 21 mai 1942 LES RPERTOIRES D'IDENTIFICATION N'ONT PAS COMPORT DE CODIFICATIONS RACIALES Les recensements de population de l 'Algrie par la SGF Petit historique de l'tat-civil de l'Algrie Le mystre des codes 7 et 8 distinguant les trangers Les paradoxes stupfiants de l'histoire du rpertoire d'identification des Franais L'EXPLOITATION DU RECENSEMENT POLICIER DES JUIFS DE JUIN 1941 EN ZONE NON OCCUPE Motivation de Henri Bunle Motivation de Ren Carmille LE RECENSEMENT DES ACTIVITS PROFESSIONNELLES DE JUILLET 1941 LES CHANTIERS DE LA JEUNESSE ET L'AP 41 =LE SERVICE NATIONAL DES STATISTIQUES ET LE SERVICE DU TRAVAIL OBLIGATOIRE=[97] L'ACTE DIT LOI INSTITUANT L'OBLIGATION DE DECLARATION DE CHANGEMENT DE DOMICILE L'ECOLE D'APPLICATION DU SERVICE NATIONAL DES STATISTIQUES Un peu d'histoire LINSTITUT DE STATISTIQUE DE LUNIVERSITE DE PARIS CREATION DE L'ECOLE D'APPLICATION DU SNS Le choix dEugne Morice ARRESTATION ET DPORTATION DU CONTRLEUR GENERAL RENE CARMILLE CONCLUSION Notes

Avant-proposCette brochure na pas pour objet de reconstituer toute lhistoire, ce qui na pas encore t fait, des services de la Dmographie et du Service National des Statistiques, ainsi que lhistoire de la Statistique Gnrale de la France depuis juin 1940 jusqu sa suppression par lacte du 11 octobre 1941[1].fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 2/54

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Lhistoire de ces services comportant des informations dtailles sur leur organisation, leur fonctionnement et les travaux effectus, les activits civiles et de Rsistance militaire, les objectifs atteints et ceux qui taient prvus, tout cela fera partie dune autre publication consacre la biographie du contrleur gnral Ren Carmille. Cest une entreprise fort longue et trs difficile et mme seme dembches si on recherche la plus grande objectivit possible : * beaucoup dinstructions officiell est archives taient, en fait, modifies ou annules par des consignes orales secrtes[2] ; * de nombreuses archives ont t dtruites qui auraient t trs utiles pour cette reconstitution : les fichiers et les tats mcanographiques, les rpertoires didentification des personnes physiques de lAlgrie tablis partir de mai 1941, etc. * certaines archives, au SAEF et surtout au SHAT, ne peuvent pas encore tre consultes avant longtemps et, pour les autres, lobtention de drogations demande de longues dmarches ; * parmi les archives consultables, quelques unes sont des tmoignages trs fantaisistes, des plaidoyers pro domo crits aprs la Libration par des personnes craignant tort ou raison dtre victimes du comit de la hache . Des documents archivs ou se trouvant dans des publications de lINSEE ou Le journal de la Socit de Statistique de Paris ont t crits, aprs 1946, par des anciens cadres de la SGF qui ont psychologiquement trs mal vcu labsorption de leur service artisanal par la grande usine. De nombreux documents sont trs techniques, certains donnent des informations qui se contredisent ou ne sont pas vraisemblables : leur utilisation par des chercheurs nayant pas de connaissances suffisantes en mcanographie, en statistique dmographique et dans lorganisation de ltat civil de lAlgrie des annes 1834 1945 a parfois donn lieu de graves erreurs dinterprtation dans des domaines moralement trs sensibles. Le Service National des Statistiques est, ma connaissance, la seule administration cre par Vichy navoir pas t supprime. Il a pu tre utilis rapidement pour la mobilisation de la toute nouvelle arme franaise, dabord en Algrie en dcembre 1942, puis en France mtropolitaine en fin 1944, alors que la guerre ntait pas termine. Il a fallu attendre 1973, loccasion des discussions du projet des informaticiens de lINSEE appel SAFARI (soit Systme Automatis pour les Fichiers Administratifs et les Rpertoires dIdentification ).pour que des statisticiens et ensuite les mdias sintressent aux instructions du SNS concernant des codifications raciales dans le N didentification 13 chiffres des personnes physiques. Depuis 1980, plusieurs crits ont t publis, comportant sur le fichage des juifs, le STO et les activits de Rsistance, des erreurs relayes parfois par de nombreux mdias de Paris et de province. Lhistoire des services statistiques pendant loccupation mrite une recherche conduite sereinement, scientifiquement, et, autant que faire se peut, sans anachronismes. Cette tude historique, la plus objective possible, concerne les domaines les plus sensibles et les plus controverss actuellement : la personnalit de Ren Carmille, les origines de la cration de la Dmographie, les activits de Rsistance de la Dmographie, puis du Service National des Statistiques, le fichage des juifs et le STO[3].

Les origines lointaines de la cration du service de lafr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 3/54

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dmographie et du service national des statistiquesLes origines lointaines de la cration du Service de la Dmographie, du Service national des Statistique puis de lInsee remontent, en fait, au dbut des annes 1930, en raison de la double, mais complmentaire personnalit du fondateur.

Ren Carmille, un militaire de la Direction du Contrle de lArme (X 1906)Un contrleur de lArme est le plus souvent pour les civils (ce fut le cas pour les statisticiens de la SGF) un officier, un militaire . En ralit, dans lArme, la direction du Contrle remplit une fonction trs spcifique peu et mal connue du public. La prsentation du budget du ministre de la Guerre et son excution sont la proccupation dominante de la Direction du Contrle. Elle narrte pas le budget, prrogative du gouvernement et du Parlement, mais une de ses attributions budgtaires les plus importantes consiste prsenter, au ministre, des tudes sur les consquences financires, et mme, lorsquil sagit de mesures dordre purement administratif, des conseils sur lopportunit des programmes soumis la dcision ministrielle, sur la rpartition entre les divers exercices des dpenses en rsultant, et enfin sur la justification des crdits que les services proposent dinscrire au projet de budget. Cest dans ce cadre quil faut situer les activits du Contrleur de lArme Ren Carmille[4]. Modernisation des systmes de comptabilit Publique du ministre de la Guerre De 1927 1940, Ren Carmille sest efforc de moderniser les comptabilits-deniers et les comptabilits-matires de toutes les directions du Ministre de la Guerre en introduisant une comptabilit des dpenses engages et en remplaant une comptabilit statique par une comptabilit dynamique grce la mcanographie. Cela devait permettre de fournir des informations continues la direction des tablissements de lindustrie darmement pendant tout le processus des fabrications. A cette poque, cela tait rvolutionnaire et fut trs difficile et long mettre en place. Ren Carmille a crit quil navait jamais attach quun sens instrumental lemploi des procds mcanographiques dont il a poursuivi inlassablement la vulgarisation pendant 10 ans. En juin 1940, Ren Carmille avait russi organiser et faire fonctionner des services mcanographiques de comptabilit Paris, Puteaux, Vincennes et Livry Gargan pour plusieurs directions du ministre de la Guerre. En juin 1940, une installation est en cours Lyon pour la direction de lArtillerie et son matriel mcanographique tout neuf est encore en caisses. Sauv de nuit des rquisitions allemandes au titre des prises de guerre, il constituera le tout premier quipement du Service de la Dmographie[5]. Projet de rvision de modernisation de la nomenclature des professions En 1937 et 1938, Ren Carmille fut membre, en qualit de reprsentant du ministre de la Guerre, de la Commission de la production, et des changes du Conseil Suprieurfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 4/54

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de la Statistique Gnrale et de la Documentation . Cette commission tait charge de moderniser la nomenclature de la SGF pour lui donner une forme mcanographique. Cette commission naboutit rien en raison de la rare incomptence du directeur de la SGF, alors M. Fourgeaud [6]. Participation des confrences sur la rforme gnrale de la comptabilit publique De janvier juin 1939, le directeur du Contrle et le Premier Prsident de la Cour des Comptes ont demand Ren Carmille dorganiser des confrences la Cour des Comptes sur la rforme de la comptabilit Publique, confrences faites par le contrleur Conquet (son adjoint) et par linspecteur des Finances Devaux. Projets de rforme du Service du Recrutement En fvrier 1934, Ren Carmille fut charg par le secrtaire gnral du ministre de la Guerre Robert Jacomet dtudier toutes les modalits possibles dune rforme du Service du Recrutement. Pendant 10 mois, il se livra dans trois rgions militaires un examen complet du fonctionnement du Service du Recrutement et des Centres de Mobilisation. Il prsenta les rsultats de cette tude dans cinq rapports (en tout 223 pages) dats du 24 dcembre 1934 au 14 mars 1935. Ren Carmille concluait une rforme complte du Service du Recrutement et des Centres de Mobilisation. Il prconisait un grand Service unique pourvu dune direction nationale et de directions rgionales correspondant aux rgions militaires et dotes dateliers mcanographiques. Les bureaux dpartementaux taient supprims Il prconisait aussi, comme indispensable pour une exploitation mcanographique, ladoption pour chaque appel au service militaire dun numro matricule structure analytique unique, qui, avec quelques transformations, devait devenir en avril 1941, le numro didentification 13 chiffres toujours utilis. Les bureaux dpartements devaient tre supprims. Ce projet tant rvolutionnaire fut long raliser et lorsque la guerre a clat Ren Carmille ne put faire fonctionner titre exprimental que le Bureau de Recrutement de Rouen qui fut dot dun atelier mcanographique et dont le directeur fut le commandant Roques que nous allons bientt retrouver au dbut aot 1940 Royat auprs du contrleur gnral Carmille. Dans une autre lettre du 11 juin 1942 galement adresse au contrleur gnral Bois, Ren Carmille crit que les matriels mcanographiques, des prototypes, installs Rouen en mai 1939, sont maintenant en possession du Service de la Dmographie. Il ajoute et cest le plus important : dans lorganisation actuelle du Service de la Dmographie on a pris pour base le projet dorganisation du Service du Recrutement et des Centres de Mobilisation . Au dbut de la guerre, le 30 octobre 1939, Ren Carmille a t dsign pour tre adjoint la Commission de lArme du Snat. Fin novembre 1939, il sest rendu avec M. le snateur Rambaud Rouen pour examiner les possibilits que donnait latelier dessai du Bureau de Rouen dans le domaine du calcul et du contrle des effectifs. Puis il a t dtach au ministre de lArmement et dans le mme temps il fut charg dune tude concernant la comptabilit nominative des officiers, active et rserve, sur les diffrents fronts.

Ren Carmille, conomiste par vocation profondefr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 5/54

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Une partie de sa carrire professionnelle a t militaire parce que, n en 1886, alors que lAlsace-Lorraine tait annexe, il a d participer trs activement la guerre de 19141918 et celle de 1939-1945. La science conomique et lconomtrie furent la base de presque toutes les activits de Ren Carmille, comme il la clairement exprim. Dans ce domaine Ren Carmille fut la fois crivain, confrencier, professeur dconomie Politique et membre de la Socit de Statistique de Paris partir de 1936. Il a toujours considr * la mcanographie, la comptabilit publique, le plan comptable, comme des outils techniques ; * les services statistiques et leur cole comme des outils scientifiques, tous tant au service de la science conomique et conomtrique. Ren Carmille a expos cela en mars 1933 dans un article Moyens statistiques et science conomique [7], qui se termine ainsi sur le rle de lconomiste : (.) Son raisonnement seul ne peut suffire ; il naboutirait qu des abstractions dont lexcs a jet parfois un certain discrdit sur la science conomique. Il lui faut des moyens de documentation dont le plus important est la science statistique et notre but a t de montrer par des exemples concrets comment on peut lutiliser passer "de ltat qualitatif ltat quantitatif et causal (.). Lcrivain Ren Carmille sest dabord intress aux problmes de la monnaie et il a fait paratre, de 1927 1934, * avril 1927 De la monnaie de papier ltalon-or [8] ; * mars 1928 La mthode conomique [9] ; * novembre 1931 La crise conomique et le crdit [10] ; (dans cet article de 15 pages, Ren Carmille tudie, avec de nombreuses statistiques franaises et internationales lappui, la nature de la grande crise conomique de 1929-1930. Il estime cette crise tre sur certains points de nature diffrente des crises cycliques plus ou moins dcennales de lpoque antrieure. Cet article montre que, en 1931, Ren Carmille consultait les statistiques des salaires, du chmage.et les indices des prix de gros, de dtail, pour la France et pour beaucoup de pays du monde, y compris le Japon. Il cherchait en conomiste en estimer la valeur et la signification) ; * mars 1933 Moyens Statistiques et Science conomique [11]. (dans cet article, il exprime encore plus nettement que la science conomique doit reposer sur des statistiques plus importantes et exactes que celles disponibles lpoque. Cet article se termine ainsi, concernant le rle de lconomiste : (.) Son seul raisonnement ne peut suffire ; il naboutirait qu des abstractions dont lexcs a jet parfois un discrdit sur la science conomique. Il lui faut des moyens de documentation dont le plus important est la science statistique, et notre but a t de montrer, par des exemples concrets, comment on peut lutiliser passer de ltat qualitatif ltat quantitatif et causal (.). * fvrier 1935 Vues dconomie objective [12].

Dans ce livre, crit deux ans aprs larrive au pouvoir dHitler, Ren Carmille se livre (pages 232 234) des considrations sur les caractres profonds des peuples de lAllemagne, de lURSS et de la France en 1935. Le chapitre consacr lAllemagne permet de savoir ce que Ren Carmille pensait de lAllemagne en gnral et du nazisme en particulier ; et cela permet de savoir quil nhsitait pas le faire connatre dans une revue certainement lue par plusieurs services allemands. Certaines considrations ne seraient-elles pas encore dactualit ? En voici quelques passages : (..) Au cours de son volution conomique, depuis 1850, lAllemagne sest toujours pose elle mme, dune faonfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 6/54

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primordiale, le problme de la production. Ce pays, dont la population a tripl en 80 ans, a pass dune civilisation agreste et mme sylvestre, aux formes industrielles les plus pousses. Pendant toute cette volution, les dirigeants ont toujours cherch produire au maximum sans se demander par qui serait absorbe la production (.). (.) Pour les grands chefs dindustrie, comme pour les grands chefs militaires, le vritable problme cest celui de la puissance allemande, donc en matire conomique, celui de la production ; pour tre plus fort que le reste du monde, il faut produire davantage ; pour ne perdre aucun effort il faut nationaliser, organiser, concentrer pour diriger la production. Si cette direction de la production amne une surveillance de la rpartition et de la consommation, ce nest quune consquence seconde. Il faut saisir toute la diffrence avec les ides franaises. En France, on peut dire que, depuis longtemps, tous ceux qui veulent diriger la production veulent essentiellement aboutir la surveillance de la consommation, et, pour cela, de la rpartition. La chane conomique est exactement prise par le maillon oppos. Les Franais ne peuvent comprendre les vnements allemands que sils ont saisi cette diffrence essentielle. Une autre diffrence, non moins essentielle, cest que lAllemand nattache que peu dimportance au fait actuel ; il vit pour le devenir [13]. Sa pense est dans la transformation des tres et des choses. Le Franais, au contraire, conoit un tat dtermin quil veut atteindre souvent, mais plus souvent encore conserver. De l vient le caractre offensif de lide de direction conomique en Allemagne, alors quen France le caractre est dfensif. Qua chang Hitler tout cela ? Rien, et il ne pouvait rien changer parce quil aurait pu changer lme germanique, produit de trois mille ans dhistoire.(.) (.) Lhitlrisme arrive peu prs exactement la mme organisation conomique que le marxisme intgral appliqu par les Soviets russes, alors quil pensait avoir pris le contre-pied du marxisme (.). (.) Lhitlrisme allemand se croit et se dclare spiritualiste, et veut faire prdominer lide germanique nationale et raciste. Il conoit donc ltat totalitaire, mais pour raliser cet tat, il fait rgner un nationalisme offensif qui ne peut durer quau moyen dune sorte de collectivisme, tantt apparent, tantt larv, et qui, comme en Russie, supprime toute libert humaine, mme celle de penser en silence. Comme le marxisme russe, lconomie dtat allemande enlve au travailleur tout ce qui est ncessaire, pour augmenter, en vue de la satisfaction dune mystique, les moyens de production au dtriment de la consommation..(.). * juillet-aot 1938 La mcanographie au service de lvolution conomique [14]. * septembreoctobre 1939 Sur le germanisme [15]. Cet article publi au dbut de la guerre reprend en le dveloppant ce quil avait crit sur lAllemagne en insistant sur lorigine de lantismitisme nazi. La fin mrite dtre cite : ()"La pense allemande ne conoit de rgne que par la contrainte et tant quelle nest pas arrte par une force plus puissante et trangre elle ne sarrte pas delle mme.(). ( "Dans quelle mesure cette nation, cette puissance dengendrer des mystiques explosives, peut tre rduite et morcele, cest tout le problme de la paix qui suivra la guerre actuelle ; Il importe que, pour des sicles, cette force dexplosion ne puisse pas renatre. Professeur, confrencieret banquier De 1928 1939, Ren Carmille fut professeur dconomie politique lcole libre des Sciences Politiques de Paris et chaque mois de juin, il corrigeait les crits en conomie politique des lves de toutes les sections[16]. Il a galement dispens un enseignement des lves dune prparation au concours de lInspection des Finances. Grce cette cole de la rue Saint Guillaume, Ren Carmille tait particulirement en relation avec Jacques Rueff, Wilfried Baumgartner et Andr Siegfried.fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 7/54

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En mai 1936, Ren Carmille fit deux confrences la Sorbonne[17] sur lhistoire du calcul mcanique et sur les projets de rforme des Comptabilits Publiques et prives. Le confrencier fut prsent par Michel Huber, alors directeur de la SGF. taient prsents M. linspecteur gnral des Finances Quesnot, membre de lInstitut, M. Labrie, procureur gnral prs la Cour des Comptes, etc. En octobre 1937, Ren Carmille fit une confrence au sixime congrs de science et technique bancaire sur les problmes soulevs par lintroduction de la mcanographie dans ce secteur particulier. Il fit preuve de connaissances assez approfondies sur les travaux qui taient alors effectus dans les banques[18]. Cela tait dautant moins tonnant que Ren Carmille avait t mis en disponibilit de lArme pendant plusieurs mois en 1928 pour exercer les fonctions de fond de pouvoir dune banque daffaires. Octobre 1941 La mcanographie dans les administrations par Ren Carmille (deuxime dition)[19]. Actuellement pour les statisticiens de lInsee, ce livre ne doit prsenter aucun intrt puis quil porte sur une technologie considr comme prhistorique au mme titre que les classi-compteurs de Lucien March. Cependant lavant-propos de la deuxime dition, mon avis, vaut le dtour . Ren Carmille se rvle visionnaire lorsquil rflchit lorganisation conomique et politique de lEurope et du Monde aprs la fin du conflit en cours. Aprs avoir voqu que la premire dition de ce livre a t crit en 1936 " un moment o la France tait en pleine effervescence sociale avec des manifestations caractre dmeutes, et, o, dj, le pril extrieur prenait une vidence telle que, pour ne pas le voir, il fallait un inconcevable aveuglement, il continue : "Il tait ds ce moment vident que linterdpendance de rouages conomiques de plus en plus nombreux et de plus en plus varis exigeait des systmes comptables et statistiques prcis et rapides. (.) Depuis lors des vnements considrables se sont produits. La France a subi un dsastre qui est sans prcdent dans son Histoire, mme si lon considre ltat dans lequel elle se trouvait aprs la paix de Brtigny. Un conflit mondial est en cours qui rappelle par son ampleur les convulsions qui ont amen la chute de lEmpire romain On trouve ensuite : Cependant la vie continue. Des formes conomiques et sociales sbauchent au milieu des ruines, et, si nul ne peut savoir quel sera leur dessin dfinitif, nous pouvons ds prsent savoir quelles seront complexes et quelles tendront une interdpendance organise des hommes et des choses. Que lon considre lun quelconque des groupes qui saffrontent, ou qui attendent larme au pied le moment de saffronter, lon est bien oblige de constater que lindividualisme du XIXme sicle est en voie de disparatre et que la notion de libert humaine subit un changement profond, sinon dans son essence mme, du moins dans sa forme concrte. Quoiquil advienne du conflit actuel, quelles que soient les solutions quil recevra, on doit demeurer convaincu de la ncessit dune future organisation mthodique du monde conomique et social, tant sur le plan national que sur le plan international, mme, si au lieu de se fonder une vaste communaut mondiale, il se fonde pour un temps deux ou trois groupes de communauts continentales. Et cette communaut ou ces communauts, subiront dans leur conomie une rglementation trs pousse, ou bien jouiront de cette rglementation, suivant le point de vue personnel de lobservateur. Peu importe le terme subjectif que lon emploiera, la chose concrte restera la mme ". Dans ce passage Ren Carmille se rvle * visionnaire trs court terme, lorsquilfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 8/54

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rdige, en Septembre 1941, cette phrase cite ci dessus : Que lon considre lun des groupes qui saffrontent, ou qui attendent le moment de saffronter * visionnaire trs long terme Dans ces dernires phrases crites en 1941, tout est annonc, le GATT, la mondialisation et surtout la Communaut conomique Europenne, avec la rglementation trs pousse et parfois tatillonne des Commissaires de Bruxelles. Ren Carmille prvoit aussi que certains estimeront subir ces rglementations, alors que dautres estimeront en jouir. Quant ses distractions favorites pendant ses congs, elles consistaient le plus souvent discuter dconomtrie avec son ami F Divisia (x 1909) ou sentretenir avec son camarade de promo de lX, Henri Malet de problmes de gomtrie non euclidienne et des avantages que pourraient prsenter la numration base 12, nombre divisible par 4 chiffres alors que le nombre 10 nest divisible que par deux chiffres. En 1941 et 1942, Ren Carmille sintressera avec son collaborateur prfr, ladministrateur Sassi (X 1931) aux aspects mathmatiques et thoriques des enqutes par sondage[20]. Que Ren Carmille ait eu la fois une activit de militaire et dconomiste, cela na pas t bien compris des statisticiens de la SGF ni aussi de ceux de lInsee, mais cest cependant normal si on se rfre au manuel du Contrle de ladministration de lArme[21]. Dans ce manuel, on peut lire : (.) Le programme de votre concours exige de vous des connaissances tendues, tant en ce qui concerne la gestion des finances publiques et la ralisation des recettes de ltat que les rgles prsidant la gestion des entreprises bancaires, industrielles et commerciales. Ce nest pas seulement la thorie que vous devez possder ; mais vous ne devez rien ignorer de la constitution, du fonctionnement des organismes le plus rcents, de lorientation des ides, et, par suite de lvolution probable des institutions tant en France qu ltranger.Vous ne sauriez satisfaire cette ncessit si toutes ces connaissances, classes sous la dnomination gnrale de sciences politiques , ne vous taient aussi familire que les principes de ladministration militaire ; lorganisation financire dun pays est, en effet, fonction de son organisation conomique, politique et sociale, voire de ses relations internationales ; son dveloppement se trouve li celui de toutes les branches de la vie intrieure et extrieure de la nation. (.). La direction du Contrle de lArme est, comme lInspection Gnrale des Finances, un organisme charnire entre ladministration et le politique. Les contrleurs de lArme sont en contact permanent avec les chefs des Services et avec le ministre et son cabinet, ainsi quavec les dputs et les snateurs, membres des commissions parlementaires concernes. Comme les inspecteurs gnraux des Finances, mais plus rarement queux, les contrleurs gnraux de lArme sont parfois, sans abandonner leur corps, placs en service dtach pour diriger une administration importante. Ces dtachements de contrleurs de lArme dans dautres ministres furent bien plus nombreux pendant loccupation tout simplement parce que ces officiers ne furent jamais dmobiliss alors que lArme active, dite darmistice tait rduite cent mille hommes. Les causes lointaines de lorigine de la cration du Service de la Dmographie aboutissant celle de lInsee sont rechercher dans le fait quen juillet 1940, il y avait une personnalit qui avait la fois les connaissances, les capacits et la volont dentreprendre et de mener bien une telle entreprise la fois civile et militaire.. Aprs la Libration, la France serait bien parvenue crer lappareil statistique moderne dont elle avait besoin, mais on peut penser que Ren Carmille et la dissolution du Service du Recrutement lui ont fait gagner une bonne dizaine dannes.fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 9/54

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En 1999, des statisticiens de plusieurs organismes qui sintressent lhistoire des services statistiques pendant loccupation ont exprim, sur le site internet List Census , des opinions diffrentes sur les objectifs de dpart que stait fix Ren Carmille. Pour quelques uns, lobjectif primordial de Ren Carmille tait dordre militaire, de crer un Service secret de mobilisation sous la couverture dun Service de statistiques civiles. Au passage, il se serait dit que profitant de cette activit de couverture, on pouvait tenter de dvelopper un Institut de Statistique ; une fois le camouflage devenu inutile, il en resterait quelque chose dutile. Mais cela tait un objectif par surcrot et le service cr fin 1940 aurait t essentiellement militaire. Dautres, au contraire, minimisent fortement et parfois vont jusqu nier la ralit des objectifs et des activits militaires clandestines. Certains ont affirm par des crits rendus publics que quelques agents du SNS ont eu des activits de Rsistance titre personnel, mais que la Dmographie et le SNS nont pas t des administrations Rsistantes. Les documents archivs au SHAT, au SAEF et aux Archives Nationales prouvent indiscutablement que cela nest pas exact Les faits, qui sont par nature ttus , prouvent que ds le dbut aot 1940 Ren Carmille a eu comme objectif de doter la France la fois dun Service militaire de Recrutement et dun Service civil de Statistique moderniss par lintroduction de loutil mcanographique, lutilisation des enqutes par sondage et la cration dune cole de formation des statisticiens.

De juillet au 14 novembre 1940, prparation de la cration du service de la dmographieTrois faits primordiaux ont amen lEMA, avec laccord indispensable du chef de ltat et du Gouvernement confier au contrleur gnral Ren Carmille la mission de crer au ministre des Finances le Service de la Dmographie. 1 La convention darmistice signe Compigne le 22 juin 1940 prescrivait le dsarmement des forces armes franaises, lexception des units ncessaires au maintien de lordre qui constiturent lArme de lArmistice . En consquence, le Service du Recrutement et les Centres de mobilisation furent supprims, leurs matriels et archives devant tre rquisitionns par les troupes doccupation au titre de prises de guerre. Par contre, lEMA et la direction du Contrle furent maintenus en activit et par suite, Ren Carmille resta, jusqu sa mort en 1945 Dachau, officier de lArme franaise[22]. 2 En 1939, la mobilisation de lArme franaise fut effectue de manire peu satisfaisante. Des ouvriers et des cadres des usines darmement furent mobiliss dans les Units combattantes, ce qui dsorganisa cette industrie. Un peu plus tard, on rappela ce personnel dans les usines au titre de laffectation spciale, ce qui dsorganisa les Units combattantes. Si les projets de Ren Carmille de 1935 sur la rforme complte du Service du Recrutement et des Centres de mobilisation avaient t suivis rapidement dexcution, ces graves inconvnients auraient t en bonne partie vits. 3 En aot 1940, la majeure partie de lactivit du petit Service de la SGF consistait continuer la publication des rsultats du recensement quinquennal de la population de 1936, rsultats compltement obsoltes qui, comme nous le verrons plus loin, nintressaient personne. Lhistoire de cette priode denviron quatre mois aboutissant la loi du 14 novembre 1940 crant le Service de la Dmographie est difficile reconstituer. Si elle a fait lobjet de quelques documents actuellement archivs au SAEF et au SHAT, elle a t loccasion defr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 10/54

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nombreuses dmarches discrtes et de certaines trs secrtes de Ren Carmille avec le colonel Rivet chef du SR Guerre et avec le colonel Ronin chef du SR Air qui nont jamais cess dtre en contacts journaliers avec lIntelligence Service (IS) de sa gracieuse Majest britannique . Du dbut juillet la fin novembre 1940, le Contrleur gnral Ren Carmille, en activit, a rsid Royat (comme le colonel Rivet) dans deux chambres dun grand htel rquisitionnes pour lui par lEMA[23]. Ds la fin dbut juin 1940, sans attendre des contacts avec lEMA et avec des membres du Gouvernement Ren Carmille fit mettre labri le matriel mcanographique du Bureau de Recrutement de Rouen et de latelier de la direction de lArtillerie Lyon. Il fit galement mettre labri les archives les plus importantes de la plupart du Service du Recrutement[24]. Ds le dbut aot, il fit venir Royat tous les officiers, chefs des services et des ateliers mcanographiques du ministre de la Guerre quil avait russi faire fonctionner : le commandant Gaston Roques directeur du Bureau de Recrutement de Rouen, le rdacteur du ministre des Finances Raymond Gaudriault, chef de latelier mcanographique du ministre de la Guerre, le lieutenant Grolleau, chef du Service mcanographique de ltablissement des fabrications darmement de Puteaux, les officiers et sous-officiers Grolleau, Dpche Rafin, Dufau qui tous firent carrire au SNS, puis lInsee. Vers la fin aot, il fit venir le commandant Tindillires qui appartenait la direction nationale du Service du Recrutement[25]. Tout ce personnel, environ une quinzaine de personnes travailla Royat, Villa Andr, sous la direction du contrleur gnral Carmille, la prparation du futur Service et cela sans base juridique lgale. Trois documents officiels darchives apportent des informations prcieuses.sur cette priode o fut dcide et commence la prparation de la cration du Service de la Dmographie. I Considrations de principe du 16 aot 1940, signe Ren Carmille[26] Dans ces considrations de principe du 16 aot 1940 , Ren Carmille, en une cinquantaine de lignes et un style trs concis, exprime ses exigences pour le nouveau service crer : 1 Lobjet du Service est la dmographie gnrale et particulire.de la Nation. Il doit fournir toutes les statistiques et les synthses dmographiques : statistiques de profession daptitudes, dinaptitudes, dinstruction, sanitaires, etc. "Il faut quil soit habilit exiger les renseignements ncessaires de toutes les administrations publiques ou prives ; soit seul soccuper de statistiques dmographiques. La nature des relations avec les administrations publiques et prives et avec le Service de la Statistique Gnrale de la France doit tre rigoureusement dtermine par la loi". 2 Le service crer doit fournir des synthses dordre national ncessaires au Gouvernement et doit comporter une forte administration centrale, mais les lments de ces synthses doivent tre recueillis et contrls localement. Le Service de la Statistique Gnrale de la France na pas dorganes rgionaux propres et est incapable de vrifier sesfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 11/54

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sources de renseignements Lancien Service du Recrutement avait au contraire des organes locaux, mais dont la dissmination et le nombre ne lui permettaient pas dutiliser les moyens modernes de travail. Son Administration centrale navait que des moyens trs insuffisants de synthse et dinspection. Il ne faut tomber ni dans lun ni dans lautre de ses travers. Ce document se termine par cette information : Les rsultats obtenus Rouen permettent daffirmer que les mthodes sont au point, de mme que la fixation des types de matriels ncessaires . II Compte-rendu du contrleur gnral Ren Carmille du 12 juin 1942[27] Dans ce compte-rendu du 10 juin 1942 adress au contrleur gnral Bois[28], Ren Carmille dclare avoir, le 7 aot 1940, t appel tlgraphiquement Vichy o il recevait la fois communication dune note signe par le gnral Colson, tablie par lEMA, concernant le Service du Recrutement supprim par la convention darmistice et dune autre note concernant lventualit de mesures prendre, signe par le gnral Huntziger, alors directeur des Services de lArmistice, mais dj dsign comme ministre de la Guerre. Il lui fut demand de prsenter, dans un dlai trs bref, une tude concrte concernant ces mesures. Il tait autoris parler avec M. Jardel des ventualits financires que posaient ses ides. Le ministre des Finances a montr la plus large comprhension et la plus grande complaisance dans les grandes lignes . Ce compte-rendu continue ainsi et cela est fort intressant et significatif : Le 16 aot 1940, le contrleur gnral soussign a remis les avis 341 et 342 concernant le schma de lorganisation du Service de la Dmographie . La priode du 16 aot au premier octobre a t employe aux tractations dorganisation du Service et ltude de son rattachement un dpartement ministriel autre que celui de la Guerre. Aprs un essai infructueux de rattachement au ministre de la Jeunesse, inspir je ne sais pourquoi par le gnral Colson, qui choua par la totale incomprhension de M. Ybarngaray, il a t dcid de rattacher le Service nouveau au ministre des Finances . En septembre, il y a eu une certaine obstruction de la part du ministre de lIntrieur, mais elle fut leve le 28 septembre aprs un entretien de Ren Carmille avec M. Peyrouton. Le projet de loi a t soumis aux ministres intresss partir du Ier octobre et il est devenu la loi du 14 novembre 1940. Pour gagner du temps, le ministre des Finances autorisait, en octobre, Ren Carmille entrer en pourparlers avec la Compagnie des machines BULL pour jeter les bases dun important march qui ne pouvait tre sign quaprs la parution de la loi au JO. Ce compte-rendu se termine ainsi : Je dois signaler que dans une conversation du 11 aot 1940 avec le gnral Huntziger, le contrleur gnral soussign a fait approuver non seulement le projet dorganisation du Service de la Dmographie, mais celui dun service plus large, devant galement soccuper des questions conomiques et qui est effectivement devenu le Service National des Statistiques, cr par la loi du 11 octobre 1941.fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 12/54

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Ces deux documents rdigs et signs par Ren Carmille prouvent bien quil avait bien dans sa tte, ds le dbut aot 1940, grce aux travaux quil avait effectus depuis une dizaine dannes, les deux objectifs de crer un Service de Recrutement et un Service civil de Statistique Gnrale dots de matriels mcanographiques et de directions rgionales[29]. Ces documents prouvent aussi que ds aot 1940, Ren Carmille avait dcid denlever la SGF toutes ses comptences dans le domaine des statistiques et des tudes dmographiques, cest dire, lpoque, le principal de ses activits. Lactivit restante de la SGF, que Ren Carmille ne voudra pas diriger de prs, tait celle dirige de manire trs indpendante depuis 1936 par Alfred Sauvy, les tudes conomiques de conjoncture. Il y avait deux raisons cela : Ren Carmille apprciait les travaux et publications dAlfred Sauvy et il estimait ( tort ou raison) que les tudes de conjoncture bases sur des extrapolations relevaient plus de lart que de la science. Il savait aussi, que, en Allemagne, le Statistiches Amt tait distinct du Institut fr Wirtshaft forschung". On verra plus loin que cela a eu des consquences trs importantes sur le plan de lthique. Cette absorption dune grande part des activits de la SGF a t facile faire accepter parce que, en 1940 et 1941, une grande partie de lactivit de la SGF consistait publier des rsultats du recensement de la population de 1936. Ceux-la taient devenus si obsoltes en raison du temps coul et en raison des grands dplacements de population la suite de la dfaite militaire (rfugis, prisonniers de guerre) quils navaient plus aucun intrt pour le Gouvernement et les grande entreprises publiques et prives. III Lettre du ministre, secrtaire dtat la Guerre, aux gnraux commandant les divisions militaires, du 15 novembre 1940[30] Cette lettre dune vingtaine de lignes annonce la cration du Service de la Dmographie Charg des oprations de toute nature intressant la population franaise sera rattach au ministre des Finances. Il est prvu que le cadre des administrateurs se recrutera parmi les officiers de lArme active. Jinsiste tout particulirement sur la ncessit de provoquer le maximum de candidatures et notamment celles dun certain nombre dofficiers qualifis, brevets de prfrence, qui seront appels poursuivre dans ce cadre une brillante carrire .

Lobjectif militaireFin juin 1940, ou au tout dbut juillet 1940, Ren Carmille se rendit Royat o le colonel Rivet, chef des Services spciaux militaires, lui demanda avec insistance de rester en France, o il pourrait rendre, la cause franaise, de plus grands services qu Londres. Le Contrleur gnral de lArme Ren Carmille tait, lpoque, le seul pouvoir camoufler, en Service statistique civil, les Bureaux de Recrutement et les Centres de Mobilisation, en raison des tudes quil avait faites de 1934 1939 sur la modernisation du Service du Recrutement et des Centres de mobilisation base sur lemploi de la mcanographie. * en raison de son exprience des missions secrtes pour le compte du IIe Bureau de lEMA. (En 1938, Ren Carmille fit un sjour Londres, invit par le constructeur anglais de matriel mcanographique Samas Power. Il fut question de la filiale allemande de IBM, lafr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 13/54

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Dehomag, qui avait t nazifie en 1933.Les relations de Ren Carmille avec lIntelligence Service ont probablement dj commenc cette occasion et il faut savoir que les Services spciaux militaires franais avaient nou de srieuses relations avec lIntelligence Service depuis 1935). Il est donc bien prouv par des documents signs de sa main que cest vers le tout dbut aot 1940 que Ren Carmille fut en relation, avec les Officiers de ltat Major de lArme qui devaient deux ans plus tard, crer lOrganisation de Rsistance de lArme. Le marchal Ptain, les ministres de la Guerre, des Finances furent au courant des objectifs militaires secrets, et signrent tous les textes parus au JO, indispensables pour la cration et le fonctionnement de la Dmographie, puis du SNS. Ils ne voulurent jamais promettre au contrleur gnral Carmille de le couvrir au cas o il serait arrt par les autorits doccupation. En aot 1940, il fut envisag de rattacher le futur service de la Dmographie au secrtariat dtat la Jeunesse et au Sport, mais cela fut trs vite abandonn parce que M. Ybarngaray ne voulait pas quun service de son secrtariat dtat ait une activit secrte contre les Allemands et Ren Carmille avait, ds juillet 1940, un triple objectif. A celui de sauver de la destruction le Service du Recrutement, sajoutrent celui de rendre possible, le moment venu, une mobilisation clandestine renforant lArme dArmistice.et celui dabsorber la Statistique Gnrale de la France pour crer le grand service statistique civil quil souhaitait ds 1933 dans divers articles de la Revue Politique et Parlementaire. Cette mobilisation clandestine ntait envisage que dans le cas dun dbarquement des Allis. Ds 1940, Ren Carmille tait convaincu que les tats Unis seraient amens intervenir, lhgmonie nazie et antismite sur sur toute lEurope finissant par tre perue comme un danger pour eux. Il faut savoir et faire savoir (parce que cela a t un lment important dans la dcision de Ren Carmille de prparer sur des cartons une mobilisation clandestine) que ces Officiers de lEMA camouflrent un considrable stock darmes et dquipements militaires pour environ 30 milliards de francs (le budget annuel de la SGF tait denviron trois quatre millions). Nomm en novembre 1942 Secrtaire dtat la Guerre, le gnral Bridoux, fervent partisan de la collaboration avec loccupant, fit remettre aux Allemands la plus grande partie des armes qui avaient t camoufles. Jusquau dcs du Gnral Huntziger ministre de la Guerre en novembre 1941, et son chef de cabinet, le colonel Lacaille soutenaient les activits de prparation de mobilisation clandestine, mais sans zle excessif et secrtement. Ensuite et surtout aprs le retour de Laval, le Service National des Statistiques continua des travaux de mobilisation clandestine et diverses activits de Rsistance alors que le gouvernement y tait trs nettement hostile. Lorsque le gouvernent de Vichy demanda la collaboration du SNS pour le fichage des Juifs et pour lincorporation des jeunes au STO, Ren Carmille commena toujours par accepter par des lettres qui sont archives au SAEF ; mais il est indiscutablement prouv que, en ralit, le SNS na jamais fourni dinformations utilisables dans ces deux domaines. Pour cela, il donna parfois des consignes de ralentir les travaux commencs, tantt, il introduisait dans la chane dexploitation une opration inutile et longue, tantt des instructions orales se substituaient aux instructions officielles (actuellement archives) lorsquil sagissait deffectuer les travaux relatifs la mobilisation clandestine. En novembre 1942, les Allis ayant dbarqu en Algrie et non en Mtropole, une partie de ce que le SNS avait prpar fut conserv Lyon et une petite partie seulement fut cache dans un collge de Jsuites Villefranche sur Sane. Rien dimportant ne futfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 14/54

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dtruit, comme indiqu, tort, dans ce rapport. A la Libration, les Jsuites apportrent ce fichier un officier subalterne de la Rgion Militaire Lyon, qui, ne sachant quen faire, les fit dtruire. Henri Bunle, Directeur gnral du SNS par intrim, navait pas voulu sintresser cette affaire, juge par lui, non sans raison, trop dangereuse aprs larrestation de Ren Carmille. Ce qui avait t prpar la DR dAlger du SNS, en fait de mobilisation, depuis fvrier 1941, rendit de grands services aux Armes Franaises et Allies. Cest pour cela quun Certificate of Service fut dcern titre posthume Ren Carmille par le Marchal Montgomery. Ren Carmille choisit Lyon pour sige de la Direction gnrale de la Dmographie, puis du SNS, pour ntre pas trop prs de Vichy, alors que les Dirigeants Vychystes des diffrentes Administrations nouvellement cres cherchaient se rapprocher de lHtel du Parc, Vichy. Le choix de Lyon ntait pas tranger au fait quune importante partie des Services spciaux militaires se trouvait Lyon, sous la couverture de la firme Technica [31]. Ces faits incontestables montrent clairement que la Dmographie, puis le SNS, taient loin dtre des Administrations banales. Par la volont trs ferme de son Directeur, elle sest dmarque, ds le dbut de 1941, des autres Administrations, qui nont pas, ma connaissance, et cette poque, prpar de mobilisation contre lennemi et entretenu des contacts avec les dirigeants du SR Terre, command par le lieutenant-colonel Perruche et du SR Air, command par le colonel Ronin, entrs rapidement en clandestinit totale. A ltat-Major de lArme darmistice, de nombreux officiers estimaient plus ou moins le Marchal Ptain, persuads quil menait un double jeu. Comme indiqu plus haut, quelques uns comme le gnral Bridoux collaborrent avec les Allemands en leur livrant en dcembre 1942 une bonne partie de larmement que dautres officiers de lArme de Vichy avaient camoufl et entretenu[32]. Ce ne fut pas le cas des dirigeants des Services spciaux et du Contrleur gnral Carmille qui ne cessa jamais dtre en contact avec eux, jusqu son arrestation, en France puis Alger. En juin 1940, ces Services secrets continurent maintenir, de France, jusquen novembre 1942, et ensuite partir dAlger, des relations quotidiennes avec Londres. Dans la note secrte du 27 juin 1945 on trouve : "A la demande de ltat-Major Gnral dAlger auprs duquel des agents de liaison furent envoys (administrateurs Caffot, Ostenc[33], le Contrleur de lArme Conquet) des fichiers de spcialistes furent constitus dans certaines directions rgionales. Un tlgramme de Himmler Hitler en dcembre 1942 prouve quun officier du Deuxime Bureau Vichy avait install un dispositif dcoute du cbl principal de la Wehrmacht Paris-Strasbourg-Berlin. Les informations recueillies, dune grande importance militaire et politique, taient transmises Londres. Il est certain que Ren Carmille poursuivait bien des objectifs militaires et travaillait dans lexercice de ses fonctions avec des officiers Rsistants loccupation allemande, mme sils ntaient pas nombreux en 1941 et 1942). ===Lobjectif civil===fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 15/54

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Ren Carmille avait, comme voqu plus haut, des qualits et la volont pour fonder et diriger un Service statistique civil, tant X de la promotion 1906, membre de la Socit de Statistique de Paris depuis 1936, Matre de confrences dconomie politique lcole libre des Sciences Politiques de Paris de 1928 1939 et stant intress la revue conomtrica avec son grand ami Divisia, X 1909. 1 Depuis au moins 1933, Ren Carmille souhaitait la cration dun appareil statistique franais bien plus important et efficace que ne ltait la SGF. Dans son article Moyens statistiques et science conomique nous avons vu quil rclamait pour lconomiste des moyens de documentation dont le plus important est la source statistique . Son livre de 1935 Vues dconomie objective comprend un chapitre sur lconomtrie o il dclare que, sans utilisation de statistiques fiables, les travaux dconomtrie risquent de ntre que des rcrations mathmatiques de haut niveau . Les procs-verbaux des sances de la Commission de la production, et des changes du Conseil Suprieur de la Statistique Gnrale et de la Documentation montrent clairement quil rclamait avec insistance la modernisation de la SGF. A ce sujet, il se heurtait dj Alfred Sauvy ! 2 Le Service National des Statistiques a t cr pour tre, ds le dbut, un Service Statistique civil et peu peu, tout en poursuivant des activits clandestines multiples.il la t pleinement. Aprs larrestation de Ren Carmille, Henri Bunle, soumis des pressions contradictoires, sest efforc de conserver cet appareil statistique tout en souhaitant, pendant les premiers mois de sa direction par intrim, revenir une SGF un peu toffe, comme le souhaitait Alfred Sauvy. Ensuite, cet appareil a t conserv et a t trs bien dirig par Louis Closon qui ntait ni statisticien ni militaire. Le SNS a t un vritable Service Statistique et pas seulement en raison de la cration le 31 mars 1942 dune Section Sondage[34]. Lacte dit loi du 11 octobre 1941 dterminait clairement une organisation et des objectifs qui furent mme conservs par lInsee ses dbuts pendant plusieurs annes. 1 La SGF devint la Ie Direction du SNS (galement appele parfois Direction de la Statistique Gnrale et ne fut pas implique dans les travaux de nature militaire. En demandant, ds mars 1941[35] Michel Huber, ancien Directeur de la SGF, alors la retraite depuis 1936, de reprendre du service comme charg de mission pour le seconder, cela tait un signe fort de la volont de Ren Carmille de constituer un vritable Service statistique civil. 2 Le SNS a cr le corps des Inspecteurs Gnraux et des Administrateurs, le cadre des Attachs et celui des commis. Pour les administrateurs et inspecteurs gnraux, Ren Carmille avait obtenu une assimilation presque complte au corps des Ingnieurs des mines, qui na pu tre maintenue par lInsee. Cette assimilation ne pouvait tre envisage pour un Service de Recrutement. 3 Ren Carmille a cr lcole dApplication du SNS par lacte dit arrt du 12fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 16/54

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octobre 1942 qui a servi manifestement de modle au dcret du 2 novembre 1960 crant lENSAE. Larticle 1 de cet arrt de 1942 est trs clair et significatif : Lcole dapplication du SNS a pour but de former les Administrateurs et les Attachs du Service, dautre part des statisticiens plus spcialement aptes diriger des services de statistiques dune grande entreprise industrielle ou commerciale ou de tout autre organisme exigeant les mmes connaissances. Lenseignement de lcole est donn en liaison avec lInstitut de Statistique de lUniversit de Paris et il porte sur toutes les connaissances se rattachant la mthode statistique et ses applications . Ren Carmille a choisi Eugne Morice comme premier Directeur de cette cole, en raison de ses travaux dconomtrie et de la recommandation de Monsieur Divisia, X 1909, connu pour ses cours et ses ouvrages dconomtrie et de Statistique conomique[36]. Eugne Morice exera cette fonction de direction de lcole au SNS et ensuite lInsee jusquen 1962, ce qui est une preuve de continuit de lappareil statistique mis en chantier en 1941. 4 Cration (par Instruction gnrale pour les Directions Rgionales 295/C du 9 mai 1942) dans chaque Direction Rgionale du SNS dun Service statistique dirig par un Administrateur statisticien. Il est prcis dans cette instruction : Il ne suffit pas de rassembler des collections de chiffres, il faut en faire des synthses priodiques significatives qui dfinissent la situation conomique de la rgion.Ce travail doit tre effectu par le statisticien de la Direction Rgionale selon un plan tabli par le Directeur de la I e Direction . (En loccurrence Henri Bunle). A partir de 1942, en attendant les statisticiens que lcole devait former, ont t nomms ce poste des administrateurs ayant un bon niveau mathmatique, astreints suivre un stage de formation Paris dans les Services de la 1e Direction du SNS, cest dire lancienne SGF. Par contre, Alfred Sauvy, par note N5615 A/2P du 6 octobre 1942 a t dsign pour suivre un stage technique dinformation la DG Lyon du 15 au 30 octobre 1942. Cela mrite dtre signal parce que, pour des raisons de scurit, Alfred Sauvy ntait pas impliqu dans les travaux clandestins. Cela signifie que Ren Carmille souhaitait que les dirigeants de la 1e direction (ex SGF) exclusivement impliqus dans les statistiques civiles aient des notions de mcanographie. 5 Cration de la III e Direction du SNS, charge des statistiques industrielles et agricoles. A partir de 1942, le SNS a organis et exploit des enqutes agricoles. LInsee a trs largement utilis les travaux effectus dans ce domaine en 1942 et 1943. Mais ces archives ont ensuite t dtruites vers la fin des annes 1950. Le SNS a galement tabli en 1941, adaptes la mcanographie, une nomenclature des professions et une nomenclature des tablissements, qui furent utilises par lInsee avec quelques modifications. Cest dans ce domaine trs important, tant pour la constitution du fichier militaire que pour les statistiques civiles, que Michel Huber aida le plus Ren Carmille.fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 17/54

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6 Ren Carmille a recrut deux mdecins dont lun a t charg dtablir un code des causes de dcs, utilis ensuite par lInsee. 7 Le SNS a pu dtacher dans chaque Dpartement un agent dans la Commission dpartementale dobservation des prix, ce que les moyens rduits de la SGF ne permettaient pas. 8 Ren Carmille a, ds avril 1941, demand des rapports concernant la fois la thorie des sondages et les conditions dune utilisation pratique Messieurs Stoetzel, agrg de philosophie, Divisia (X 1909), professeur dconomie politique lcole Polytechnique, Paul Lvy (membre de lInstitut et X 1904) et Jacques Chapelon (X 1905 (professeurs danalyse lcole Polytechnique), Albert Sassi, administrateur du SNS (X 1931) et Michel Huber, alors directeur gnral honoraire du SNS )[37]. Par une note de service du 31 mars 1942, Ren Carmille cra une section Sondages , (qui nexistait pas la SGF) quil a rattache son cabinet et dont le premier chef fut le charg de mission du SNS, Monsieur Stoetzel. On peut ajouter que, rdig par Ren Carmille peu avant son arrestation, lacte, dit dcret du 30 mars 1944, attribuait au SNS un droit de contrle gnral sur toutes les enqutes par sondage qui seraient demandes par les administrations publiques[38]. 8 Ds 1940, le nouveau rgime de Vichy avait supprim ou suspendu tous les organismes consultatifs existant auprs de plusieurs Ministres. Le Conseil Suprieur de la Statistique, cr en janvier 1885, devenu Conseil Suprieur de la Statistique et de la Documentation en mars 1937, fut expressment supprim par larticle 15 de la loi du 11 novembre 1941 crant le SNS. Ren Carmille est parvenu, non sans difficult, instituer, par dcret du 15 juillet 1943, Le Comit Suprieur de la Statistique et de la Documentation qui put se runir deux fois, avant son arrestation. Parmi les quatre membres, non de droit, mais titre personnel, Ren Carmille a tenu y faire nommer lconomiste et statisticien Divisia et non des militaires. 9 Peu avant son arrestation, Ren Carmille avait entrepris de mettre sur pied une commission, constitue de personnalits extrieures (M.M. A.Laribe, Hurault, de Martonne, Siegfried et dont il voulait prendre la prsidence, pour examiner le travail densemble tabli par les directions rgionales depuis fin 1941 sur la dlimitation des rgions naturelles[39]. Tout cela demande de bien plus longs dveloppements qui seront prsents ultrieurement, mais ce catalogue de certaines activits du SNS pendant loccupation constitue dj une contribution lanalyse historique souhaite par lInsee depuis 1992.

LES ACTIVITS DE RSISTANCE DE LA DMOGRAPHIE ET DU SERVICE NATIONAL DES STATISTIQUESCes deux services ont eu, en tant qu'institution et de par la volont du contrleur gnral de l'Arme Ren Carmille, cinq catgories d'activits collectives de Rsistance l'occupant et aussi au rgime de Vichy.fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 18/54

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Camouflage de la Direction du Recrutement et des Centres de mobilisationLa plus importante opration clandestine qui a dur pendant toute l'occupation et qui a parfaitement t russie fut le camouflage du service du recrutement et des centres de mobilisation. La preuve la plus convaincante et mme spectaculaire a t donne par la rquisition militaire de la direction rgionale du SNS d'Alger. Le dbarquement des Allis en Afrique du Nord a commenc le 8 Novembre 1942 et un peu moins dun mois aprs, le 5 Dcembre 1942, la direction rgionale du SNS d'Alger fut rquisitionne par les autorits militaires en totalit (personnel, matriels mcanographiques.et locaux). Son directeur, lAdministrateur Braconnot, ft mobilis sur place avec son ancien grade (en 1940) de lieutenant-colonel ; les autres anciens Officiers et Sous-Officiers dactive ou de rserve furent galement mobiliss, retrouvant leurs anciens grades militaires. "Cette rquisition a t transforme en rquisition militaire le 5 janvier 1943 au profit de la 19 e Rgion lorsque le service a t requis par l'autorit militaire en excution des notes n 177 EMG, I,/0 et 626 EMG, I/0 des 5 et 26 dcembre 1942."[40] Cette rquisition ne prit fin que le 1er Septembre 1946, mais le Service ne cessa pratiquement dtre tributaire du ministre de la Guerre que vers le 1er Janvier 1947. L'Arme utilisa ce Service du ministre de l'conomie et des Finances jusqu' la reconstitution de son propre Service rgional d'Alger de la Direction Recrutement et Statistique. La mobilisation en Afrique du Nord de 80.000 hommes et, peu aprs, de 120.000 hommes, commence dbut dcembre 1942, ft extrmement rapide ! Le Service Statistique dAlger du SNS y contribua, en partie dirig secrtement de Lyon par lintermdiaire des trois Agents de liaison de Ren Carmille, les administrateurs Ostenc et Caffot, le contrleur de l'Arme Conquet [41] . Le marchal britannique Montgomery qui commandait la VIIIme Arme en Afrique du Nord a dcern en mai 1946 titre posthume Ren Carmille un "Certificate of Service" parce qu'il a reconnu l'importance de cette mobilisation rapide de la nouvelle arme franaise d'Afrique du Nord lors des violents combats engags la frontire algro-tunisienne au dbut de l'anne 1943. Les 18 directions rgionales de la Dmographie, puis du SNS, aussi bien en France mtropolitaine qu'en Algrie, ont effectu les mmes travaux avec du personnel de mme origine, avec des documents et du matriel de mme nature, il en rsulte que les 17 directions rgionales de France pouvaient se transformer en Services de l'Arme, en cas de dbarquement des troupes des Allis, comme ce fut le cas en Alger. Une deuxime preuve de ce camouflage a t apporte par un document du ministre de l'Intrieur qui fournit un extrait de la dposition du Sonder fhrer Walter Wilde, prisonnier de guerre depuis le 30 aot 1944 .[42] (....) Je faisais partie de la Section III F du capitaine Fuchs. La section a reu de Paris un dossier dans lequel se trouvaient des renseignements sur un bureau spcial de Lyon qui sous le couvert de recensement de la population tait en ralit un organisme secret de mobilisation; Nous tions informs que que la presque totalit des dirigeants de cet organisme taient des officiers gnraux ou suprieurs. ........................................................................................................ En fvrier 1943 une expertise faite par la Centrale de Paris (htel Luttia) de fiches qui avaient t soustraites par des agents dont deux Franais avait apport la preuve que l'on se trouvait non en prsence d'un bureau de recensement mais d'un bureau de mobilisation. (....). Cette dposition est particulirement importante parce qu'elle rend compltement inexact et parfois volontairement tendancieux tout ce qui a t crit dans la note secrte du 27 juin 1945, ce qui a t publi dans le livre du colonel de Dainville [43] et repris ensuite de nombreuses fois, accrditant la conviction que le contrleur gnral Carmille n'a pas t arrt pour les activits du Service National des Statistiques. Comme nous le verrons plusfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 19/54

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loin. Par site , certains en concluront bien lgrement a eu au SNS des activits personnelles de Rsistance, mais que le SNS n'a pas t une Administration Rsistante. Cette dposition, trs crdible par la prcision des dtails qui ont pu tre recoups avec des documents archivs au SHAT, atteste l'existence de deux indicateurs Franais qui ne pouvaient tre que des cadres d'un grade certainement pas subalterne. Walter Wilde ajouta que, aprs de srieuses hsitations, il fut dcid de ne pas fermer ce Service pour ne pas mettre au chmage plusieurs milliers de personnes dont de nombreux officiers qu'il valait mieux pouvoir surveiller. Il est fort possible aussi que l'un de ces indicateurs, non dmasqu (qui a continu trs probablement sa carrire l'INSEE) ait suggr la Gestapo, que, en arrtant "le patron" tout serait arrt. Une troisime preuve convaincante du camouflage de la direction du Recrutement est fournie par la lettre du directeur gnral des Services Spciaux Jacques Soustelle du 15 septembre 1944 au ministre de la Guerre. Il lui signale l'importance de la documentation rassemble par le SNS en matire de recrutement et de mobilisation. Ce tmoignage est particulirement significatif parce que Jacques. Soustelle faisait partie de l'entourage du Gnral de Gaulle, Londres puis Alger .[44] La dernire preuve, qui elle seule, serait suffisante, rsulte du fait que peu aprs la Libration de Paris, fin aot 1944, plusieurs directions rgionales du SNS, sans tre rquisitionnes, ont, effectu des travaux de mobilisation de la nouvelle Arme franaise,en attendant que l'EMA puisse reconstituer le Service du "Recrutement et Statistiques" Toute une correspondance conserve au SAEF entre le directeur gnral par intrim du SNS et l'Arme prouve cela d'une manire incontestable.

Prparation de la mobilisation clandestine d'aot 1940 novembre 1942La deuxime opration secrte a t la prparation de la mobilisation clandestine d'environ 350 000 hommes mobiliser pour renforcer l'arme d'armistice dans le cas de la reprise des combats contre l'occupant. Les seuls documents srieux sur cette opration sont : le rapport du Gnral Pfister [45] ; le rapport trs dtaill de Raymond Gaudriault ,inspecteur gnral de l'INSEE (retrait) qui a t avec l'administrateur Gaston Roques particulirement impliqu dans cette opration militaire secrte depuis aot 1940, avant mme la cration.de la Dmographie ! la note secrte concernant l'action anti-allemande de M. le Contrleur gnral de l'Arme Carmille, Directeur gnral du Service national des statistiques, du 27 juin 1945[46]. Cette Note avait t demande aprs la Libration par la Justice militaire la direction du Contrle de l'Administration de l'Arme qui avait demand la direction gnrale du SNS de rpondre. Comme toute note secrte, elle ne porte pas de signature et il est difficile de dcouvrir qui a pu la rdiger, seul ou plusieurs. Elle comporte la fois des informations de caractre objectif et de caractre subjectif. Au bas de la page 1 de cette note, on trouve : (....) "La disparition du Recrutement fournit Ren Carmille l'occasion de faire crer le service civil de la Dmographie (et plus tard celui du Service national des statistiques) o il pouvait, en mettant en application les vues de comptabilits et de statistiques mcanographiques qu'il prconisait depuis dix ans, reprendre clandestinement toutes les questions de Recrutement, Recensement et Mobilisation."(....). Cette vaste opration secrte a dur deux ans, mettant en oeuvre beaucoup defr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 20/54

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personnel et de matriel, Lyon et dans les six directions rgionales de la zone non occupe et la direction rgionale d'Alger. Elle est assez difficile reconstituer parce qu'elle a t effectue sur instructions orales secrtes et en partie par du personnel hors hirarchie.(parfois des attachs adjoints et des commis). Ce fait explique que les chercheurs actuels trouvent au SAEF des tmoignages parfois fantaisistes crits et signs aprs la Libration par quelques cadres qui avaient t carts plus ou moins de ces activits pour des raisons imprieuses de scurit, et non forcment, parce que Ren Carmille se mfiait d'eux. Autant que faire se pouvait, il ne confiait pas la mme personne une activit secrte portant sur des travaux effectus dans le Service et les activits de liaison avec les organismes extrieurs, militaires et de Rsistance. Ce rapport de l'inspecteur gnral de l'INSEE Raymond Gaudriault (retrait) sur une opration mcanographique est le seul , et je tiens le souligner, qui a t rdig par le spcialiste de mcanographie qui a particip trs activement cette opration depuis avant mme la cration de la Dmographie. En voici l'essentiel : 1 Sauvetage des archives et du matriel du Service du Recrutement, dissous par la Convention d'Armistice. Avec l'appui du Gnral Colson, Ren Carmille, en sa qualit de Contrleur Gnral de l'Arme, russit d'aot septembre 1940 sauver l'essentiel des archives des Bureaux de Recrutement dissous par l'acte dit loi du 25 aot 1940 conformment la Convention d'Armistice. Il russit sauver des rquisitions de la Wehrmacht la plupart du matriel appartenant aux Services du Ministre de la Dfense Nationale et considr comme prise de guerre. Quelques unes des tabulatrices ainsi rcupres furent encore utilises par l'INSEE ses dbuts. Ce sauvetage d'archives militaires avait une autre importante utilit (qui n'avait pas chapp Ren Carmille) que celle de permettre une prparation de mobilisation.La destruction de ces archives aurait entran pour le Ministre des Finances l'impossibilit de calculer et de payer les primes de dmobilisation, les pensions d'invalidit pour blessures de guerre, les reconstitutions de carrire pour le calcul des retraites, etc...En aot 1940, les Autorits d'occupation et la plupart des Ministres de Vichy acceptaient ces destructions sans rflchir aux consquences,trs certainement gnratrices de troubles touchant des millions de personnes, en comptant les familles concernes. Ce sauvetage effectu parfois de nuit dans des conditions dangereuses est donc, mon avis, . verser l'actif des activits bnfiques et de Rsistance de la Dmographie. 2 A partir du 1er janvier 1941, cration d'un Service nouveau avec une Direction nationale et 18 Directions rgionales dont une Alger. Il a fallu trouver des locaux, se procurer les machines mcanographiques. La Cie Bull construisit rapidement une usine Lyon, route de Vienne, pour fournir les nombreuses perforatrices de cartes ncessaires pour 15 Directions rgionales et l'tablissement central.6 - Il a fallu tablir les statuts de nouveaux corps d'Inspecteurs-Administrateurs, d'Administrateurs, d'Attachs, de Commis, recruter plusieurs centaines de fonctionnaires titulaires et former les premier cadres la technologie mcanographie (stage de 3 moi) partir des trois Officiers Roques, Dpche et Gaudriault ayant dj travaill dans les Services du Ministre de la Guerre, Rouen, Puteaux et Paris, crs et organiss avantguerre, l'initiative de Ren Carmille ; il furent assists par un ingnieur de la Socit Bull, M. de Sauville. 7 3 tablissement des rpertoires d'identification des personnes physiques partir d'une tude trs complte faite par Ren Carmille, ds le dbut de l'anne 1935, des fins militaires. Il a t ncessaire et mme indispensable d'tablir en priorit les rpertoires d'identification pour environ 55 millions de personnes, hommes et femmes, parce qu'il n'tait pas envisageable de ne traiter que les hommes mobilisables. Commencs en avril 1941, ces rpertoires de toute la France mtropolitaine taient termins en aot 1941 pour les personnes ges de 1 60 ans. 4 La confection des fichiers mcanographiques n'a pu commencer que vers le mois de juillet 1941 :fr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 21/54

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- Le fichier mcanographique N 1. Ce fichier de cartes perfores fut compos de plusieurs fichiers tablis l'tablissement central, Lyon l'aide des informations individuelles caractre spcifiquement militaire provenant des archives rcupres du Service du Recrutement : Fichier de tous les militaires dmobiliss tabli officiellement pour dterminer les droits des dmobiliss et de leurs ayant-droit en matire de pensions emplois civils, rcompenses, blessures de guerre, etc..Au dbut 1941, les Autorits d'occupation acceptrent que ces archives soient utilises par ce nouveau Service parce qu'elles craignaient des troubles d'ordre public de la part d'une population prive de rmunrations juges acquises. Il leur fut galement signal que, sans contrle, de nombreux dmobiliss russissaient percevoir plusieurs fois la prime de dmobilisation. Cet argument fut utile dans les ngociations avec la Direction du Budget du Ministre des Finances. Fichier des Prisonniers de Guerre et des Rapatris. Fichier des contingents des chantiers de jeunesse Fichier des cadres de mtier de l'Arme d'Armistice. Fichier des anciens affects spciaux Le fichier mcanographique N 2. Ce fichier a t obtenu par l'exploitation, par les six Directions rgionales de la zone non occupe, du recensement des Activit Professionnelles du 17 juillet 1941 concernant toutes les personnes des deux sexes ges de 14 65 ans et rsidant dans cette zone. Ce fichier contenait les adresses la date de juillet 1941 qui furent ensuite mises jour par l'exploitation des demandes de cartes de tabac et non par les dclarations de changement de domicile qui ne commencrent tre remplies qu'en mai 1942. Ce fichier contenait aussi des informations non rapidement obsoltes mais indispensables pour la formation des Units militaires : nombre d'enfants (l'EMA avait dcid de ne pas mobiliser les pres de 4 enfants et plus), degr d'instruction, permis de conduire, profession actuelle et accessoire, taux d'invalidit. Ces deux fichiers nominatifs 1 et 2, concernant des millions de personnes taient confidentiels, mais pas secrets et leur existence tait connue des Autorits d'occupation. La confection de ces fichiers tait faite en parallle par des tablissements diffrents, par instructions scrtes et parfois hors hirarchie.Le grand souci fut de les faire avancer en mme temps. - Le fichier mcanographique N 3. Ce fichier fut constitu l'tablissement central Lyon, les instructions secrtes tant ignores de son Directeur Georges Sanson qui le savait et l'avait accept pour des raisons de scurit. La liaison des deux sries d'information du fichier N1 et du N 2 des 6 directions rgionales a t faite en parallle grce au N d'identification perfor sur les cartes. Ce fichier de prs d'un million de cartes fut affin l'aide du fichier des contingents des chantiers de jeunesse, de celui des Prisonniers de Guerre, de celui des affects spciaux et surtout avec le concours de quelques Officiers de l'EMA et les Commandants de Rgion Militaire. Cela permit de constituer un fichier dont une partie concernant environ 50 000 hommes tait destine permettre le renforcement des Divisions de l'Arme d'armistice de Mtropole et l'autre partie concernant environ 250 000 hommes tait destine permettre le doublement des Divisions existantes et en tripler certaines. Ce fichier N 3 comportait un contrle nominatif et un fichier mcanographique d'ordres d'appel, prts poster. Le contrle nominatif, Unit par Unit fut pouss jusqu'au bataillon pour l'Infanterie, pour l'Artillerie l'chelon groupe et pour les autres Armes l'chelon Unit administrative. Ces listes nominatives furent remises au Lieutenant-colonel Georges Pfister alors Sous-Chef du 1er Bureau de l'EMA, qui aprs le 11 novembre 1941 dirigea une partie des maquis de l'ORA de la zone Sud. Aprs la Libration, il fut promu Gnral et Sous-Chef de l'EMA. En cette qualit il fit un rapport, o l'on trouve [47] : "Ds la fin de l't 1942, le SNS me remit le contrle nominatif de chaque Unit et tablit les ordres d'appel sous les drapeaux ncessaires (environ 300 000 hommes)". Les 300 000 ordres de convocation furent tablis sur cartes mcanographiques de modle courant. En clair figurait le nom et prnom et adresse ; en perforation l'unit d'affectation, l'chelon de convocation , la commune et le dpartement de domicile. Pour faciliter la confection de ces cartesfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 22/54

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adresses, les administrateurs Roques et Gaudriault firent fabriquer un dispositif d'alimentation des cartes perfores sur duplicateur stencil. Il tait trs dangereux de conserver ce fichier prt l'emploi, d'o l'ide d'entremler les positions des diffrentes informations sur les cartes, rendant ainsi l'information illisible. Une grille tablie en deux exemplaires rtablissait les positions correctes par des connexions appropries des tabulatrices. Un exemplaire de cette grille tait conserv par Albert Sassi chef du Service mcanographique de l'tablissement central et l'autre par Raymond Gaudriault, du Service Technique de la Direction Gnrale, place des Jacobins Lyon. En commentaire de ce rapport, une courte biographie de A. Sassi qui devait tre mon chef de service, un peu plus tard me parat utile : Albert Sassi (X 1931), lieutenant dans un bataillon de chars en 193940, nomm administrateur de la Dmographie ds novembre 1940, est devenu en quelques mois un des trs bons spcialistes de la mcanographie ; en novembre 1941, il s'intressa, encourag par Ren Carmille, des recherches en statistique mathmatique. A partir de juin 1941, c'est lui qui dirigea l'tablissement central de Lyon les travaux mcanographiques secrets en laborant lui-mme les instructions ncessaires en liaison personnelle directe avec Ren Carmille. En fin 1941 et 1942, Ren Carmille runissait tous les lundis Lyon le conseil de direction du SNS qui tait compos des Inspecteurs gnraux Marie, Balourdet et de Saint Salvy (venant parfois de Paris) et des directeurs et chefs de Services Cucherat, Adam, Roques, puis Sassi et titre spcial Gaudriault qui tait adjoint du chef du Service Technique. La direction de la Statistique Gnrale dont le chef tait Henri Bunle a peut-tre t reprsente pisodiquement par Jean Becker, ancien statisticien de la SGF qui fut avant la directeur de l'antenne de la SGF Strasbourg. Ren Carmille ne cachait gure qu'il avait l'intention, aprs la Libration, de nommer Jean Becker directeur de la direction rgionale de Strasbourg, souhait qui fut concrtis par Henri Bunle. Toutes ces personnes (y compris de Saint Salvy) taient trs globalement au courant de ces travaux secrets, mais chacune des degrs diffrents. Quant aux travaux prcis, ils taient confis par le directeur gnral directement des administrateurs, des attachs et mme quelque fois des commis. Au sujet de ce qui a t tmoign par les uns ou les autres sur ces activits, l'inspecteur gnral de l'INSEE en retraite Raymond Gaudriault m'a crit le 13 novembre 1996 : "Votre pre tait le seul avoir une vue d'ensemble des activits de uns et des autres et sa disparition a laiss la facilit certains de dire ce qu'ils voulaient, surtout lorsque ces activits taient couvertes par le secret et que les circuits officiels taient plus ou moins respects". Ce trs important travail n'a pu servir, mais fut trs utile En novembre 1942, la Wehrmacht et la Gestapo ont envahi la zone Sud et l'Arme d'Armistice a t dsarme sans combattre. Cet important travail de prparation de mobilisation clandestine n' a pu jouer le rle qui lui avait t attribu, mais une partie importante a t conserve, utilise, rendant parfois des services apprcis. Le fichier mcanographique 3 ne pouvait plus servir. Contrairement ce qui a parfois t affirm, il n'a pas t dtruit en novembre 1942, mais transport ( l'aide d'une charrette bras jusqu' la gare) par les administrateurs Sassi et Gaudriault [48] dans les caves d'un Collge de Jsuites prs de Villefranche sur Sane. A la Libration, les Jsuites apportrent ce fichier un officier subalterne de la Rgion Militaire Lyon qui, ne sachant qu'en faire, le fit dtruire. Henri Bunle, Directeur gnral du SNS par intrim, n'avait pas voulu s'intresser cette affaire, juge, non sans raison, dangereuse aprs l'arrestation de Ren Carmille. Le fichier 1 compos des cinq fichiers mentionns ci-dessus ont t conservs et ont t trs utiles pour les administrations du ministre de la Dfense Nationale et du ministre des Finances ainsi que pour les dmobiliss, les Prisonniers de guerre et leurs ayants droit.En juillet 1940, les Allemands avaient dcid de les dtruire et Ptain l'avait bien accept en signant la Convention d'Armistice ! Le fichier N 2 tait celui issu du Recensement des Activits Professionnelles defr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 23/54

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juillet 1941. Ce fichier et les bulletins de ce Recensement eurent assez peu d'utilit parce que les rsultats de son exploitation ne furent pas publis et aucune mise jour ne fut entreprise pour ne pas fournir d'informations valables en 1943 pour le STO. Le Rpertoire d'identification des personnes physiques. Cet norme travail, commenc en avril 1941 pour permettre les travaux de prparation de mobilisation militaire est toujours continu par l'INSEE de nos jours. Il est utilis par la Scurit Sociale pour l'identification des assurs et pour la gestion de toutes les prestations sociales. Plusieurs autres organismes importants l'utilisent pour vrifier la conformit de l'tat civil de leurs ressortissants, qui leur est fourni, avec l'tat civil authentique. Lorsqu'en novembre 1942, Ren Carmille sut que ce fichier ne servirait pas, en famille, il ne parut pas tre particulirement dcourag. Il devait raliser qu'il construisait un Service qui serait utile la France, un jour ou l'autre.

Prparation de mobilisation de spcialistes effectuer lors des dbarquements des Allis en FranceLa troisime activit secrte et par suite de Rsistance a consist tablir au cours du deuxime semestre de 1943 et le dbut de 1944 de listes d'environ 120 000 spcialistes mobiliser lors du dbarquement des troupes allies [49] Aprs l'occupation de toute la France en novembre 1942, le contrleur gnral Ren Carmille continua entretenir des relations avec le Commandement militaire franais d'Alger, avec le colonel Rivet , chef de Services spciaux et avec le colonel Ronin, chef du SR Air, c'est dire les mmes qu'il frquentait en juillet et aot 1940 Royat. Pour cela, Ren Carmille envoya en mission Alger les administrateurs du SNS Eugne Ostenc (lieutenant-colonel, X 1921) et Andr Caffot (lieutenant)[50] Fin dcembre 1943, il envoya en Alger, pour y rester, le contrleur de l'Arme Conquet qui avait t son adjoint de 1936 1939 pour la cration des services mcanographiques du ministre de la Dfense Nationale[51] Par ces liaisons, les commandements Franais et Allis avaient fait connatre Ren Carmille qu'ils souhaitaient , lors des oprations de dbarquement, pouvoir mobiliser rapidement des spcialistes mcaniciens et lectriciens de la rparation automobile et particulirement de la rparation des vhicules chenilles. A l'tablissement Central Lyon (dont j'tais alors chef de l'atelier mcanographique), fut constitu, pour chacune des 17 directions rgionales) une cartothque mcanographique concernant environ 120 000 spcialistes. Elle avait t tablie partir des fiches de dmobilisation modle B5 et des fiches des affects spciaux. Chaque carte indiquait le nom, l'adresse, l'ge, la profession , le grade, la fonction et la spcialit dans l'Arme en 1940. Ces informations taient codes selon un code trs secret et diffrent pour chaque direction rgionale. Elles taient transcrites sur des rouleaux de papier d'une quinzaine de centimtres de largeur ; la direction rgionale devait les retranscrire sur cartes perfores.ce matriel secret fut remis (par moi, sur ordre direct de mon pre) aux directions rgionales de Marseille et Toulouse. A Toulouse, cette opration fut confie non au directeur mais l'attach adjoint Pierre Latappi. J'ai appris, bien aprs la Libration, que Ren Carmille avait remis un matriel similaire directement Bressot Perrin, directeur rgional de Montpellier qui a relat cette opration en dtail dans une lettre de 3 pages [52] . Mon pre m'avait charg de la mme mission pour le directeur rgional de Lille, mais au dernier moment celui-la a fait connatre qu'il la refusait, cette opration tant juge par lui trop dangereuse en zone interdite sous administration directe des troupes d'occupation. Le dossier de justice Audouin ABDR W7 des archives dpartementales des Bouches du Rhne donne des informations trs prcises sur le dtail de la prparation de cette opration qui a concern toutes les directions rgionales Une confirmation defr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 24/54

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l'existence de cette opration a t apporte par le tmoignage du contrleur gnral Conquet fait le 25 janvier 1955 lors de crmonies militaires organises en prsence du gnral Zeller pour le dixime anniversaire de la mort Dachau de Ren Carmille. "Non Conquet, je n'ai pas le droit de vous suivre. Si j'ai le pouvoir de vous envoyer l o vous allez, il faut que vous y alliez seul. Dites leur qu'il y a tout un plan de mobilisation ; il est au point. Qu'ils fassent connatre leurs besoins et toutes mesures seront prises pour qu'au jour du dbarquement ces besoins soient satisfaits". Cette opration a chou au dernier moment parce que, aprs l'arrestation de Ren Carmille, le directeur gnral par intrim Henri Bunle a dcid de l'arrter. Fin avril 1944, le directeur de la II e direction Pierre Cucherat m'a envoy en mission au PC national ORA dirig alors par le gnral Revers pour faire prvenir de cela l'tat-major d'Alger. Cette opration militaire secrte de Rsistance a chou au dernier moment parce que, aprs l'arrestation de mon pre, le directeur gnral par intrim, Henri Bunle, un statisticien civil non prpar diriger une opration militaire secrte a dcid de l'arrter[53]. Fin avril 1944, le directeur de la II e direction, Pierre Cucherat, m'a envoy sur ordre non crit en mission dans le Tarn, au PC national ORA dirig par le Gnral Revers, pour faire prvenir de cela l'tat-major d'Alger et demander des instructions.qui ne furent jamais donnes.parce que la liaison radio ne fonctionna pas et par suite l'EMA d'Alger ne reut pas ce message. Comme indiqu cidessus, Pierre Cucherat dcdait brusquement le 19 juin 1944 et je n'ai fait tat de cette mission que rcemment.

Aprs la Libration de la France, utilisation par l'Arme des directions rgionales du SNSDe nombreux documents archivs au SAEF prouvent, ce qui peut tre considr comme une quatrime activit de Rsistance, que, peu aprs la Libration de la France mtropolitaine, toutes les directions rgionales du SNS ont effectu trs rapidement d'importants travaux de recrutement et de mobilisation pour le compte du ministre de la Dfense nationale du Gouvernement provisoire de la Rpublique Franaise. Cela a dur le temps que l'arme puisse reconstituer son propre service Statistique et recrutement. La preuve la plus indiscutable et mme la plus spectaculaire a t donne par la rquisition militaire de la direction rgionale d'Alger du SNS qui a pu trs vite fonctionner comme un Bureau de Recrutement et un Centre de Mobilisation. Or toutes les directions de mtropole effectuant les mmes travaux, elles pouvaient aussi fonctionner de la mme faon. Cela n'a pu tre ralis que parce que cela avait t prpar pendant l'occupation et dans la clandestinit. Les preuves crites les plus significatives sont fournies par la lettre du Directeur des Services Spciaux Jacques Soustelle au Ministre de la Guerre du 15 septembre 1944 [54] et par les rapports des directions rgionales de Lyon, Bordeaux et Limoges sur leurs activits de Rsistance dans le cadre du Service National des Statistiques.

Le Service National des Statistiques, administration Rsistante ?En raison de toutes leurs activits de Rsistance, 18 Fonctionnaires et Agents du SNS sont "morts pour la France" dont 8 sont morts dans les camps de Dachau, de Mathausen et de Dortmund et 7 ont t fusills aprs avoir t torturs. Il faut ajouter 3 directeurs rgionaux dports et un emprisonn. Le contrleur gnral de l'Arme et directeur gnral du Service National des Statistiques a t cit l'ordre de l'Arme sur proposition du Prsident du Gouvernement de la Rpublique Georges Bidault [55] : "Magnifique foctionnaire du Contrle; Ds l'Armistice de juin 1940, n'a pas cess d'apporter la cause franaise une aide efficace et dsintress . Sous le couvert d'une mission conomique etfr.wikisource.org/wiki/Les_services_statistiques_franais_pendant_l'Occupation 25/54

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sociale cre et organise par ses soins , prpara un plan de mobilisation des forces vives de la Nation. Se sachant souponn par l'ennemi, n'hsita pas continuer son travail, demeurant son poste au mpris des dangers courus. Arrt, en fvrier 1944, fut dport en juillet au camp de Dachau o il mourut d'puisement le 25 janvier 1945. Bel exemple de patriotisme et d'abngation totale". Fait Paris, le 25 septembre 1946. L'administrateur du SNS Gaston Roques membre du rseau Dupleix puis du rseau Marco Polo fut cit l'ordre du corps d'Arme pour ses activits de Rsistance dans le cadre du Service National des Statistiques des renseignements jug d'un grand intrt par les Allis. Cette citation est signe Charles de Gaulle [56] Dans les archives du SAEF [57] on trouve des rapports dats de 1945 qui font tat des activits de Rsistance de l'institution direction rgionale, particulirement Lyon, Bordeaux, Limoges et Dijon. Il s'agit de fourniture de fausses identits et de fausses situation militaire pour les requis au STO et pour les Alsaciens-Lorrains, de camouflage des archives secrtes des Bureaux de Recrutement, de fournitures aux services du ministre de l'Intrieur de documents concernant la population datant de 1931, d'hbergement de Prisonniers vads et de membres de rseaux dans les locaux de la direction rgionale, etc. Selon ces rapports, dans chaque direction rgionale une quinzaine d'agents ont pris part, titre individuel, aux combats de la Libration partir d'avril-mai 1944. Le Commissaire rgional de la Rpublique Bourges-Maunoury atteste par lettre du 18 aot 1945 de la valeur des tudes statistiques de la direction rgionale du Service National des Statistiques de Bordeaux. partir de la Libration. Pendant l'occupation son directeur Jean Lanxade, faisant partie du rseau Andalousie, avait tabli des fausses cartes d'identit et des faux certificats de position militaire en faveur de jeunes dsigns pour le STO et il a fait excuter des travaux clandestins pour mise sur pied du plan de mobilisation des 9 et 18rgions [58] Les agents de la