Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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UNIVERSITE DE ROUEN UFR de Psychologie, Sociologie et Sciences de l’Education Département des Sciences de l’Education DESS INGENIERIE DE LA FORMATION (Master professionnel Ingénierie et Conseil en Formation) Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission ? ----------- Le rôle des directeurs référents à la Protection judiciaire de la jeunesse Sous la direction de Présenté par Mme Hélène BEZILLE Melle Géraldine GOURBIN Maître de conférences Département des Sciences de l’Education Octobre 2004

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UNIVERSITE DE ROUEN

UFR de Psychologie, Sociologie et Sciences de l’Education

Département des Sciences de l’Education

DESS INGENIERIE DE LA FORMATION

(Master professionnel Ingénierie et Conseil en Formation)

Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission ?

-----------

Le rôle des directeurs référents

à la Protection judiciaire de la jeunesse

Sous la direction de Présenté par Mme Hélène BEZILLE Melle Géraldine GOURBIN Maître de conférences Département des Sciences de l’Education

Octobre 2004

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« On ne peut rien apprendre à l’homme. On ne peut que l’aider à découvrir ce qu’il recèle. »

Cette phrase attribuée à Galilée représente assez bien la philosophie de la formation en alternance des directeurs à la PJJ.

Tous les stagiaires portent en eux une richesse expérientielle importante,

des savoirs nombreux et les solutions à la plupart de leurs difficultés.

Le travail des directeurs référents consiste à leur faire prendre conscience de tout ce potentiel, puis à l’utiliser.

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J’aimerais souligner que ce mémoire de recherche n’aurait pas été possible sans l’acceptation, la collaboration et la confiance du département Recherche études développement et du département de formation des directeurs et des cadres territoriaux. Je remercie plus particulièrement tous les directeurs référents auprès de la 11ème Promotion des directeurs stagiaires (2003/2004) qui ont bien voulu consacrer un peu de leur temps pour répondre au questionnaire et qui ont directement participé, par les entretiens, à rendre cette étude possible. L’intérêt qu’ils ont manifesté pour la question de la transmission professionnelle m’a permis de mener à bien ce mémoire.

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SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE LA MISSION 7 1.1. LA MISSION 8

1.1. LA FORMATION DES DIRECTEURS DE SERVICE 9

DEUXIEME PARTIE : LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 14 2.1. LA PROBLEMATIQUE 14 2.2. LE CADRE THEORIQUE 16 2

.3. L’ENQUETE DE TERRAIN 33

PARTIE : LA DYNAMIQUE DE TRANSMISSION 49 TROISIEME 3.1. LA CONSTRUCTION D’UN APPRENTISSAGE EXPERIENTIEL 49

.2. UNE TENSION ENTRE PROFESSIONNALISATION ET 68

ONCLUSION 88

3CONSTRUCTION IDENTITAIRE

C

ANNEXES 90

BIBLIOGRAPHIE 148

152 TABLE DES MATIERES

SSSOOOMMMMMMAAAIIIRRREEE

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Animatrice du système d’information au Centre national de formation et d’études de la Protection judiciaire de la jeunesse depuis avril 2002, j’accompagne également les professionnels de la PJJ dans la capitalisation et la valorisation1 de leurs savoir-faire dans le champ des pratiques éducatives. De la capitalisation de l’expérience…. Au niveau de la Protection judiciaire de la jeunesse, la question de la capitalisation des expériences éducatives et pédagogiques est devenue un enjeu majeur de la survie et du développement de cette institution éducative, en témoignent les actions menées au niveau institutionnel dans le cadre de la mission sur l’organisation des services au niveau départemental2. Pour autant, si les professionnels mesurent tout l’intérêt de capitaliser tout le savoir-faire de la PJJ et de l’action éducative et pédagogique, il n’en reste pas moins vrai que « baignant » dans une culture institutionnelle orale, la circulation de la parole sur les pratiques est rendue difficile du fait que les valeurs partagées ne doivent pas être remises en cause. Pour l’instance de formation – le CNFE – s’il est de plus en plus impliqué au niveau opérationnel dans cette capitalisation des connaissances3, on peut aussi faire le constat que les études effectuées ou commanditées à la PJJ ou au CNFE se préoccupent très peu de la question de l’acquisition et de la transmission des compétences (que ce soit dans le cadre de la formation en stage pratique ou en activité du travail). … à la transmission des compétences Le choix de la formation en alternance pour une étude sur la transmission des compétences de la fonction de direction se justifie par la place prépondérante mais relativement « silencieuse » de ces professionnels, qui ont acquis une expérience professionnelle et un savoir-faire dans l’exercice de la fonction de direction, qu’ils souhaitent réinvestir en participant à la formation des nouveaux directeurs. En formation en alternance, le vécu des formateurs sur le lieu de travail, ceux que la PJJ appelle des « référents de stage »4, reste encore mal connu, malgré quelques trop rares tentatives pour comprendre les nouvelles formes de formation et de rapprochement entre travail et formation5.

Tel est le paradoxe : nous savons que la richesse réside dans les hommes, mais nous ne savons pas comment la fixer, la nommer, la mesurer. Comment fixer cette compétence, pas seulement 1 Dans le cadre de la base des expériences éducatives. Il s’agit de repérer et de valoriser des expériences éducatives et pédagogiques réalisées dans le champ de la protection de la jeunesse pour les mettre à disposition des différents professionnels. Ces expériences peuvent être mises en œuvre par des services éducatifs de la PJJ, du secteur associatif habilité et les différentes institutions partenaires, mais aussi dans le cadre de la formation par les pôles territoriaux de formation. Ce travail d’explicitation des pratiques professionnelles est mené par une animatrice du système d’information et un chargé d’études du département Réd. 2 La mission sur l’organisation des services au niveau départemental a mis en évidence un cloisonnement et un isolement des services de la Protection judiciaire de la jeunesse. Elle constate aussi l’insuffisante capitalisation par l’institution des expériences éducatives et pédagogiques conduites localement. Il a donc été décidé au plan de la direction de la PJJ (« mission Broutin ») qu’une action serait menée pour « créer des procédures permettant de recenser, valoriser, valider, pérenniser, diffuser les travaux et expériences internes intéressants » (action n° 13). La base des expériences éducatives s’inscrit dans cette action. Une autre action (n° 10) a été mise en place pour « organiser les échanges transversaux de pratiques ». 3 En témoignent les nouvelles orientations de recherche du département Recherche études développement (Réd). Ses missions s’élargissent de plus en plus à tout ce qui concerne de près les métiers, la professionnalisation, les pratiques professionnelles et dans ce cadre à accompagner les pratiques pédagogiques en collaboration avec les différents départements de formation du CNFE. 4 Ce terme sera utilisé au fil des pages du mémoire pour parler des directeurs de service qui exercent les fonctions de tuteurs auprès des directeurs stagiaires. 5 Un projet est mené depuis trois ans au PTF Ile-de-France auprès d’éducateurs référents. Cette formation-action porte sur l’analyse du travail des éducateurs référents en s’appuyant sur l’approche ergonomique.

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pour la capitaliser, mais pour la transmettre et la valoriser ? Car, étant peu formalisées, les compétences professionnelles et les « compétences tutorales » acquises dans l’exercice de la fonction de directeur et de référent de stage pose réellement le problème de leur transmission professionnelle et pédagogique.

Il s’agit, à travers l’analyse des modes de transmission des compétences de la fonction de direction en stage pratique, d’effectuer un travail d’explicitation non pas uniquement des pratiques professionnelles de la fonction de direction, mais des « pratiques tutorales » de référents de stage, nous permettant par là même de mieux comprendre comment se perpétuent cette culture professionnelle et ces valeurs éducatives à la PJJ. Nous avons choisi de nous attacher à la transmission du métier au cours des stages de pratique de direction. La transmission revêt un caractère essentiel. Elle fait partie intégrante des missions du CNFE. Dans ce cadre, le directeur référent a le devoir de transmettre à la nouvelle génération les savoirs acquis mais aussi les valeurs éducatives issues de la culture commune. Capacités de transmission et d’adaptation des pratiques deviennent les conditions de la survie et de l’évolution des métiers de la PJJ. Nous espérons que cette recherche dont l’ambition est de mettre en lumière des expériences de directeurs référents sera un outil de travail et de compréhension des référents de stage, aussi bien à l’usage d’autres directeurs référents que des formateurs et responsables de formation au CNFE. Qu’il puisse faciliter la connaissance des uns par les autres pour améliorer la qualité des pratiques tutorales et de la transmission des savoirs d’expérience serait notre plus grande récompense.

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Le DESS Ingénierie de la formation Le DESS Ingénierie de la Formation est un diplôme de 3ème cycle dont l’objectif est de former des acteurs de la formation. Il s’adresse à de futurs professionnels, ou des professionnels expérimentés, susceptibles d’intervenir dans le champ des politiques territoriales, dans le champ des ressources humaines et dans le champ de la médiation éducative. Le stage en entreprise Conçu comme une formation en alternance, le DESS allie un enseignement théorique à un stage « pratique » en entreprise, d’une durée de 300 heures, débouchant sur la rédaction d’un mémoire professionnel. « La finalité première du mémoire de DESS Ingénierie de la Formation (Master professionnel Ingénierie et Conseil en Formation) est la mise en œuvre d'une approche réflexive à partir d'une situation professionnelle. Ce travail de recherche, de formalisation et de rédaction amène le développement et la confirmation de compétences professionnelles d'analyse, de conception, de mise en œuvre et d'évaluation dans le champ de l'ingénierie de formation, étayées sur des connaissances théoriques et méthodologiques de haut niveau »6.

J’ai choisi de présenter une demande de stage là où je travaille depuis avril 2002, au Centre de formation national de formation et d’études de la Protection judiciaire de la jeunesse (CNFE-PJJ), et plus particulièrement au département de formation des directeurs et des cadres territoriaux.

6 ARDOUIN, T. Caractéristiques Mémoires DESS IF (Master ICF) 2003/2004. Document DESS Ingénierie de la formation, CNED.

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1.1.1. Présentation du CNFE-PJJ Le Centre national de formation et d’études est un service déconcentré de la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (ministère de la Justice), direction chargée d’assurer la prise en charge éducative des mineurs et jeunes majeurs qui font l’objet d’une décision de justice civile ou pénale. Implanté à Vaucresson (Hauts-de-Seine), le CNFE comporte onze pôles territoriaux de formation (PTF). Il assure la formation initiale, d’adaptation et continue de l'ensemble des personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse. Formation initiale de certains métiers : directeur, éducateur, professeur technique et

agent technique d’éducation. Formation d’adaptation aux spécificités institutionnelles pour les professionnels

recrutés avec un diplôme ou des compétences techniques reconnues : attaché, cadre territorial, psychologue, assistant de service social, infirmier, secrétaire administratif, agent et adjoint administratif, ouvrier professionnel, maître ouvrier, conducteur auto, chef de garage.

Formation continue des personnels PJJ, organisée en formation continue nationale en

site central et en formation continue régionale, conduite par les pôles territoriaux de formation, soit plus de 20.000 journées de formation continue par an.

Formation complémentaire : pendant les deux années postérieures à la titularisation, la

formation est prolongée par une formation complémentaire obligatoire de deux semaines par an pour les directeurs de service, les éducateurs, les professeurs techniques et d’une semaine par an pour les agents techniques d’éducation.

Le recrutement des personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse s’effectue sur concours interne et externe du ministère de la Justice. Fonctionnaires stagiaires, les élèves sont rémunérés pendant leurs études. En contrepartie, ils signent l'engagement de servir l'Etat pendant cinq ans au moins. 1.1.2. Une formation en alternance La formation initiale de plusieurs catégories de personnels de la PJJ se déroule selon le principe de la formation en alternance (théorie/pratique) où le stage occupe une place centrale dans le cycle de formation. Les stagiaires sont accompagnés par des professionnels sur le terrain du stage pratique. Ces professionnels de terrain qui exercent les fonctions de tuteurs auprès de ces stagiaires sont désignés sous le terme de référents de stage.

111...111... LLLAAA MMMIIISSSSSSIIIOOONNN

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La formation des directeurs de service s’insère dans une dynamique plus large de formation des directeurs et des cadres territoriaux. Les missions attribuées au département de formation des directeurs et des cadres territoriaux recouvrent :

la formation initiale des directeurs de service et d’établissement, la formation complémentaire, la formation d’adaptation des attachés, l’accompagnement-formation des directeurs départementaux.

1.2.1. Historique de la fonction de direction à la PJJ Pour comprendre la place accordée à la formation et à la professionnalisation des directeurs, il faut remonter aux origines de cette fonction. Initialement, les services de la PJJ sont dirigés par d’anciens éducateurs. Leur métier reste celui d’éducateur mais par la fonction occupée, l’ancienneté ou le choix, ils sont promus chef de service, sous directeur ou directeur. Ils ne suivent aucune formation. Le directeur n’est alors légitimé que par son appartenance au statut d’éducateur. Les directeurs sont issus du corps des éducateurs. Petit à petit, se dessine la légitimité de cette fonction de direction et par là même sa spécificité, avec tout d’abord une ébauche de formation des directeurs à partir de 1983, puis la création d’un corps autonome de directeurs en 19927, avec un statut spécifique de la fonction de direction qui précise « qu’ils sont principalement chargés de la direction pédagogique et administrative des établissements et services du secteur public accueillant ces jeunes ». La fonction de direction connaît plusieurs évolutions successives, avec en autre l’ouverture du concours à l’externe, en 1991, et l’institution d’une formation initiale des directeurs, en 1993. Le statut précède la formation. Le projet de formation de la première promotion (1993/94) définit la fonction des directeurs en tant que nouveau métier. La PJJ se trouve avec des personnes, parfois très jeunes qui n’ont aucune expérience dans le domaine éducatif. Les conditions d’accès aux concours engendrent aussi cet état de fait. On pourrait concevoir que la fonction de direction soit cantonnée au domaine de la gestion administrative et financière des services. C’est vite oublier que l’action de la PJJ repose avant tout sur un principe éducatif. La spécificité de la fonction de direction à la PJJ repose sur une dimension éducative8. C’est principalement cette dimension éducative qui nous intéressera dans le cadre des entretiens avec les directeurs référents. Concernant le mode de recrutement9 des futurs directeurs de service à la PJJ, deux concours de catégorie A permettent l'accès à la profession de directeur de service et d’établissement :

• le concours externe, réservé aux personnes titulaires d'une licence ou d'un diplôme reconnu équivalent, avec engagement de servir l'Etat pendant 7 ans à compter de la

7 Décret n° 92-965 du 9 septembre 1992 modifié portant statut particulier du corps des directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse. 8 « Il ne s’agit pas de n’importe quelle fonction de direction mais de celle d’une administration éducative dans un cadre judiciaire. » Allocution de M. Charvet devant les directeurs régionaux et départementaux le 29/09/1995. 9 Arrêté du 21 juillet 1994 relatif aux modalités d'organisation des concours externe et interne pour le recrutement de directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse.

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nomination. Il faut être âgé de moins de 45 ans au plus au 1er janvier de l'année du concours.

Il est d’usage d’appeler « faux externes », les stagiaires issus du concours externe ayant travaillé quelques années à la PJJ et qui remplissent les conditions du concours externe (diplôme), mais non celles du concours interne (ancienneté à la PJJ).

• le concours interne, ouvert à certains fonctionnaires du ministère de la Justice (PJJ et Administration pénitentiaire) justifiant de 7 années de service effectifs au 1er janvier de l'année du concours.

Pour la Protection judiciaire de la jeunesse, le concours interne est ouvert aux candidats d’origine interne, que ce soient des professionnels qui ont fait la démarche de passer un concours, ou pour les chefs de service éducatif (CSE) qui arrivent par liste d'aptitude, après avoir été reconnus par leur supérieur hiérarchique comme aptes à entrer dans la fonction de direction. Les CSE sollicitent leur inscription sur la liste d’aptitude pour l’accès au corps de directeur de service.

C’est l’arrêté du 16 juillet 2001 (voir en annexe) qui fixe aujourd’hui le dispositif de formation des directeurs et définit les axes pédagogiques de contenu à suivre. 1.2.2. L’organisation de la formation initiale des directeurs stagiaires

La formation initiale des directeurs se déroule selon le principe de la formation en alternance. L’année de formation comprend deux périodes de vingt semaines : l’une au CNFE, l’autre en stage. 1.2.2.1. Caractéristiques de la formation des directeurs

♦ La finalité de la formation : la professionnalisation La professionnalisation est au cœur du processus de formation. Elle s’organise autour :

- d’une alternance centre de formation / stage pratique, - de contenus orientés sur l’exercice de la fonction de direction, - d’écrits professionnels (DEEP10, article professionnel).

La fonction de direction doit articuler, autour du projet de service, les quatre dimensions que représentent : l’éducatif, le judiciaire, le politique et le gestionnaire. Ces dimensions sont présentent dans la cible de professionnalisation (document en annexe) qui place la mise en œuvre de la prise en charge éducative dans l’environnement complexe, judiciaire, politique et administratif.

♦ Le stage pratique Le stage se déroule auprès d'un directeur d'établissement ou de service de la PJJ, en centre d’action éducative (CAE), en foyer d’action éducative (FAE) ou en centre de placement immédiat (CPI).

10 Dossier d'étude et d'expérimentation professionnel.

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Le choix du terrain de stage se décide sous l’autorité du directeur du département de formation des directeurs et des cadres territoriaux, à partir de la liste des offres de stage, sur propositions des directeurs départementaux et selon une négociation contractualisée entre le CNFE, la direction départementale et le directeur référent de stage, le directeur en formation. La règle en la matière veut que le stage se déroule dans un autre département que celui où intervenait le directeur stagiaire (s’il est issu de l’interne) avant son entrée en formation. Une convention de formation (document en annexe) est passée entre le directeur référent, le directeur départemental, le directeur stagiaire et le directeur de la formation des directeurs et des cadres territoriaux. Le stage pratique effectué dans un service contribue à donner sens à la formation. Il apporte les éléments nécessaires à l’acquisition d’une culture et d’une identité professionnelles. Il s’articule avec l’enseignement dispensé au CNFE. Les différentes séquences du stage sont organisées à partir de plusieurs registres :

- connaissance du service et de son environnement (découverte) ; - connaissance du milieu et acquisition d’une culture professionnelle (observation

participante) ; - connaissance et assimilation des outils techniques (expérimentation) ; - confrontation aux capacités et à l’aptitude à diriger (responsabilisation).

Le directeur stagiaire est affecté sur un terrain de stage auprès d'un directeur référent qui reste le même pendant toute la durée de la formation. Le directeur référent a pour mission principale de : « participer à la gestion de l’alternance et permettre la formation expérientielle, c’est-à-dire la formation par les situations de travail11 ». « Véritable tuteur opérationnel, en tant que pair expert, le directeur référent participe à la gestion de l’alternance et permet la formation expérientielle, c’est-à-dire la formation par les situations de travail. Il est la clé de l’acquisition d’un certain nombre de repères indispensables à la compréhension de la culture professionnelle : découvrir la réalité du métier, la diversité des compétences qu’il requiert et la complexité de l’environnement dans lequel il se définit. » De manière schématique, les tâches du directeur référent s’articulent autour de quatre pôles : - accueillir, - organiser le parcours d’intégration et de formation, - rendre le travail formateur (nommer ce que l’on fait et comment on le fait), - évaluer. Les directeurs stagiaires peuvent être conduits à assumer une part de la fonction de référent de stage en étant directeurs référents à leur tour, après deux ans d’exercice de la fonction de direction au minimum. Le travail du formateur est purement pédagogique, contrairement au directeur référent de stage qui exerce la fonction de tutorat en plus de son travail habituel.

11 Projet de formation des directeur, 2003/2004.

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♦ L’évaluation de la formation Qui, mieux que les directeurs référents, pourraient apprécier les progrès réalisés par leur stagiaire, l’évolution de son positionnement ? C’est pour respecter cette évidence que le nouvel arrêté sur la formation des directeurs ne permet plus au jury national de modifier la note de stage. Le CNFE a confié cette responsabilité de la démarche d’évaluation-notation aux directeurs référents12.

♦ Des outils pédagogiques Le département de formation des directeurs a construit avec l’ensemble des professionnels associés, des outils et des espaces tiers que les directeurs référents et stagiaires se doivent d’investir tout au long du stage :

c’est le cas de la grille d’évaluation qui ouvre un espace d’échange avec le stagiaire, à propos de chaque période ;

c’est surtout le sens du « point fixe » hebdomadaire, organisé entre le directeur stagiaire et le directeur référent sur le lieu de stage, qui, au-delà de sa fonction de déconstruction, d’échange et de questionnement, permet des retours réguliers auprès du stagiaire ;

c’est aussi la démarche de progression dans le déroulement du stage (observation/expérimentation/responsabilisation). La dernière séquence ouvre des espaces négociés où le directeur stagiaire peut éprouver ses compétences acquises dans sa démarche de professionnalisation.

Par commodité d’écriture et pour faciliter la lecture nous utiliserons de façon indistincte le terme de « référent », « référent de stage » ou « directeur référent » pour désigner au sens large le directeur titulaire qui est responsable d’un directeur stagiaire en formation, dans le cadre de la formation initiale des directeurs. Nous utiliserons de même le terme de « stagiaire », « directeur stagiaire », « apprenant », pour désigner le directeur en formation bénéficiant de l’accompagnement tutoral. Nous emploierons le terme de « département de formation des directeurs » ou bien encore « formation des directeurs » pour désigner « le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux », en ciblant plus précisément le dispositif de formation des directeurs de service. Pour finir, nous utiliserons le terme de « directeur » ou « directeur référent » pour désigner la personne qui exercice la fonction de directeur de service en tant que titulaire. 12 « L'évaluation du stage est réalisée par le directeur référent sous la responsabilité du directeur départemental, selon une grille d'évaluation et une procédure élaborées par le CNFE. Cette évaluation donne lieu à une proposition de note chiffrée qui doit rendre compte, à partir de plusieurs critères, de l’aptitude du stagiaire à exercer son futur métier. » Projet de formation des directeurs, 2003/2004.

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1.2.2.2. La mission confiée dans le cadre du stage J’ai effectué ma mission de stage au département de formation des directeurs et des cadres territoriaux au CNFE-PJJ. Ce stage s’est déroulé du 15 avril au 15 juillet 2004, deux jours par semaine à Vaucresson. Le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux s’est lancé dans l’élaboration d’un référentiel de compétences de la fonction de directeur référent. Cela répond aux besoins du département de formation mais aussi des « formateurs-associés » (les directeurs référents) qui considèrent de plus en plus la nécessité de concevoir les contenus de formation au plus près de la réalité du travail. La formation en situation de travail, délimitée à la PJJ sous le qualificatif de « stage pratique », demeure invisible et sa valeur, pourtant bien réelle, n’est que partiellement connue et reconnue par le dispositif de formation. Les formateurs disposent de peu de retour d’expériences de la relation référent/stagiaire. Partant du postulat que la référence à tenir n’est pas tant l’analyse de la tâche prescrite, telle qu’elle est généralement décrite dans les référentiels (ce qui est à faire) que l’activité réelle (ce qui est effectivement réalisé) de la pratique tutorale, nous sommes partis de l’expérience des directeurs référents de stage pour exploiter leur(s) mode(s) de transmission des compétences aux directeurs stagiaires. Pour autant, les retombées de cette étude pourront servir de base pour l’élaboration du référentiel de compétences par l’apport de situations réelles à travers l’analyse des dimensions professionnelle, pédagogique et didactique. Cette question mérite réflexion à l’heure où les formateurs sont confrontés à l’arrivée importante de jeunes directeurs référents, ayant deux à trois ans d’ancienneté dans la fonction de direction, pour accompagner de jeunes stagiaires. Essayons de délimiter le périmètre de l’étude.

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Si l’on s’accorde à dire que l’expérience est formative ou formatrice, qu’en est-il de la question de la transmission de cette expérience en stage pratique ? Nous partons de l’idée que la compétence ne se transmet pas, mais qu’elle se construit dans les situations de travail. Les compétences professionnelles et pédagogiques acquises dans l’exercice de la fonction de direction (et de la fonction de référent de stage13) sont plus souvent issues de l’expérience que d’une formation formelle. Un certain nombre de questions émergent :

- Qu’est-ce qui se transmet (de l’expérience) de la fonction de direction en stage pratique ?

- Comment les directeurs référents s’y prennent-ils pour rendre le travail du stagiaire formateur ?

- Comment se construisent et se transmettent les savoirs professionnels de la fonction de direction ?

- Y a-t-il des façons différentes de les transmettre selon l’âge et l’expérience en tant que directeur et référent de stage ?

- Quelles sont les conditions qui favorisent la transmission des compétences professionnelles ?

- Quels sont les enjeux présents dans la transmission de savoirs entre directeurs et stagiaires ?

Parmi ces questions, il y en a une plus prégnante qui nous permet de focaliser notre attention autour de la question de la transmission professionnelle pour en constituer le fil conducteur.

Le questionnement : 1- Comment se partagent et se transmettent les savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique à la Protection judiciaire de la jeunesse ? 2- Comment les directeurs référents contribuent-ils à la professionnalisation des directeurs stagiaires? Devant le poids qu’elle (la transmission) représente pour les directeurs référents en stage pratique, comment peut-on l’explorer pour permettre d’en apprendre plus sur les stratégies de transmission des savoirs professionnels en formation initiale des directeurs de service en stage pratique ? Pour tenter de répondre à ce questionnement, nous nous sommes appuyés sur plusieurs notions : la transmission professionnelle, la professionnalisation, les savoirs

13 Cela est d’autant plus vrai qu’il n’existe aucune formation spécifique pour les directeurs référents de stage.

DDDEEEUUUXXXIIIEEEMMMEEE PPPAAARRRTTTIIIEEE LLLAAA M MMEEETTTHHHOOODDDOOOLLLOOOGGGIIIEEE DDDEEE LLLAAA RRREEECCCHHHEEERRRCCCHHHEEE

222...111... LLLAAA PPPRRROOOBBBLLLEEEMMMAAATTTIIIQQQUUUEEE

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d’expérience, l’identité professionnelle. Nous avons ainsi constitué un modèle conceptuel de « dynamique de transmission professionnelle » qui a permis d’élaborer une grille d’analyse pour les données de terrain (enquête par questionnaire et entretiens).

La problématique sous-jacente à cette étude est :

La dynamique de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique.

Notre recherche a consisté en un travail exploratoire visant à mieux comprendre les processus en oeuvre dans la transmission des savoirs professionnels en situation de travail et non d’évaluer la formation en stage pratique. Cette problématique de recherche est nouvelle à la PJJ. La question relative à la dynamique de transmission des savoirs professionnels est celle de l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice de la fonction de direction dans les trois registres suivants : 1/ Des savoirs et savoir-faire propres à chaque directeur, à travers la question du parcours et de l’expérience de chaque direction. (Hypothèse 1). 2/ Des savoirs s’y prendre, à travers un processus de questionnement des pratiques professionnelles. (Hypothèses 2 et 3). 3/ Des savoirs professionnels propres à l’identité professionnelle des directeurs de la PJJ, à travers les processus de socialisation et de légitimation institutionnelle des compétences mobilisées. (Hypothèse 3) Ces trois dimensions d’analyse retenues constituent un triptyque conceptuel nécessaire pour rendre compte des dynamiques de transmission des savoirs professionnels. Ces différents axes seront présentés dans deux parties distinctes.

Hypothèses :

- Hypothèse 1 : La transmission des savoirs professionnels varie selon l’expérience du directeur référent et du directeur stagiaire.

- Hypothèses 2 et 3 : Partir de l’expérience et des pratiques professionnelles du

directeur référent et du directeur stagiaire pour les questionner contribue au processus de professionnalisation du directeur stagiaire.

La construction des compétences nécessaires à une prise de

fonction de direction est un espace de tension entre professionnalisation et construction d’une identité professionnelle.

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Ce chapitre permet de situer nos préoccupations théoriques et de construire la problématique conceptuelle qui guidera notre travail de terrain et ses conclusions. La notion de « transmission professionnelle » renvoie à plusieurs horizons théoriques. Les champs de recherches de la formation et de la didactique professionnelle, des pratiques professionnelles constituent des appuis théoriques pour interroger les notions de transmission, savoir, expérience, compétence, professionnalisation, identité professionnelle. Les modes de transmission des savoirs et des compétences de la fonction de direction à la PJJ sont appréhendés au travers trois courants :

- le courant de « l’apprentissage expérientiel », - le courant de la « didactique professionnelle », - le courant de la construction de l’identité professionnelle.

Ces trois courants constructivistes14 ont pour caractéristiques communes de se centrer sur l’expérience et de s’intéresser notamment aux rapports étroits et réciproques entre engagement de l’action et production de savoirs d’expérience. Au travers de ces trois courants apparaissent trois concepts clés qui vont être abordés successivement :

- tout d’abord nous verrons les domaines de l’apprentissage expérientiel et organisationnel, qui interrogent les champs de la formation (savoirs théoriques) et du travail (savoirs expérientiels), mais également le champ de la didactique professionnelle (savoirs méthodologiques),

- puis nous poserons la question de la professionnalisation de la fonction de direction, cette notion interroge le champ des pratiques professionnelles (savoirs professionnels) et de la didactique professionnelle,

- enfin, le processus de socialisation professionnelle, qui interroge le champ des pratiques professionnelles et plus précisément le champ institutionnel et de l’appartenance à un corps de direction à la PJJ (savoirs existentiels), sera étudié au travers des composantes portant sur les enjeux identitaires de la fonction de direction.

Le schéma ci-dessous synthétise le cadre théorique15 général :

Processus d’apprentissage expérientiel et organisationnel

Processus de professionnalisation Processus de socialisation professionnelle

Niveau de la formation et des situations de travail

Niveau pédagogique et didactique Niveau de l’identité professionnelle

14 « Le courant constructiviste insiste tout particulièrement sur trois dimensions constitutives du processus apprendre :

- les représentations que se font les apprenants des savoirs qu’on leur propose - l’importance de situations-problèmes comme prétexte à l’apprentissage - le rôle des interactions dans le déroulement de l’apprentissage ».

Guide Pédagogique DESS Ingénierie de la Formation, Université de Rouen, Département des Sciences de l’éducation, 2003/2004. « Les pédagogies des adultes, quelles spécificités ? », chapitre 2, p. 21. 15 La grille d’analyse des dynamiques de transmission des savoirs professionnels et le cadre de référence général du concept de transmission professionnelle figurent en annexes.

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2.2.1. L’apprentissage expérientiel Il y a deux façons d’apprendre par expérience : l’expérience empirique (par tâtonnement ou par essais et erreurs) et l’expérience réflexive. Quand nous parlons d’apprentissage expérientiel, c’est de ce dernier dont il s’agit. C’est aussi le fondement de l’alternance comme pratique pédagogique. L'expérience comme source d'apprentissages et de découvertes est au cœur de la formation par alternance.

André GEAY nous dit16 :

La pédagogie par alternance « est centrée directement sur la production des compétences, à l’articulation de l’expérience et du savoir. Et cela, parce que les compétences ne peuvent s’acquérir qu’en situation réelle et qu’elles ne s’enseignent donc pas. Le savoir de l’expérience n’est pas transmissible en dehors de la situation de travail. C’est là qu’intervient le tutorat, comme mode de transmission et de transformation des compétences en savoirs d’expérience ou d’action, par une activité de compagnonnage et d’explicitation17.»

Il y a trois idées qui se dégagent de ces propos :

- le savoir de l’expérience n’est pas transmissible en dehors de la situation de travail, - le tutorat est un mode de transmission et de transformation des compétences en

savoirs d’expérience ou d’action, - le tutorat se réalise par une activité de compagnonnage et d’explicitation.

Nous allons aborder ces trois idées fortes de l’apprentissage expérientiel en précisant ce que nous entendons par savoir d’expérience, savoir d’action, compétence, tutorat, situation de travail, compagnonnage, explicitation.

2.2.1.1. Formation et situation de travail La situation de travail comporte un potentiel formatif plus ou moins important dès lors qu’il y a interaction d’une personne ou d’un collectif avec ces situations. Cette interaction participe de l’apprentissage expérientiel. « L’alternance associe des apprentissages expérientiels en situation de travail (learning by doing) à des apprentissages formalisés en situation d’enseignement (leaming by teaching). A l’entre-deux l’alternance est centrée sur les compétences professionnelles ». (Geay A., Sallabery J.C., 1999) Dans le cas des mises en situation, il s’agit souvent de situations d’apprentissage et l’on va viser la transmission ou l’acquisition de savoir-faire. Dans cette formation par et dans les situations de travail, l’action n’a de finalité que parce qu’elle interpelle le savoir. C’est la situation professionnelle qui est considérée comme l’élément d’apprentissage et de

16 GEAY, André. L’école de l’alternance. Paris, L’Harmattan, 1998, p 159. 17 Ibid.

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formation. Il ne s’agit pas d’agir pour agir mais d’agir pour questionner le savoir acquis. (J.-M. Barbier). La formation en situation de travail donne un sens à l’activité des stagiaires en les intégrant socialement : l’activité se situe dans un contexte réel de mise en application. Sa finalité, l’acquisition de compétences professionnelles, constitue un but légitime et valorisant. La question de « transmission professionnelle » renvoie à la notion de compétence et de construction/acquisition des compétences18. 2.2.1.2. La compétence professionnelle Nous allons tenter de définir dans cette partie les différents composants de « la compétence professionnelle » en nous intéressant plus particulièrement à celle du directeur de service à la PJJ. La notion de compétence est au cœur du processus de transmission. Pour pouvoir transmettre des savoirs professionnels, encore faut-il pouvoir s’interroger sur la construction des compétences et les notions de compétence, savoir, expérience. Nous l’avons déjà évoqué précédemment, la question relative aux dynamiques de transmission des savoirs professionnels est celle de l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice de la fonction de direction.

♦ Les caractéristiques liées au concept de compétence De nombreux débats et écrits ont été consacrés à la notion de compétence. Cette notion englobe différentes acceptions. On parle parfois indifféremment de savoirs théoriques (Barbier, 1996), de savoirs d’action (Argyris, 1995 ; Barbier, 1996), de connaissances-en-actes (Vergnaud, 1994, 1995, 1996), de savoirs d’usage (Malglaive), de savoirs tacites (Nonaka) voire de savoirs d’expérience pour décrire les éléments constitutifs de la compétence. Elle reste peu aisée à cerner comme le révèle la difficulté des auteurs à la définir. C'est pour cette raison que nous avons retenu la définition préconisée par l'AFNOR19 : la compétence est la « mise en oeuvre, en situation professionnelle, de capacités qui permettent d'exercer convenablement une fonction ou une activité ». Au-delà des orientations disciplinaires, un certain nombre de points semblent faire l’objet d’un consensus : son caractère opératoire, ajusté à l’action ou mis en situation c’est à dire nécessairement contextualisé. L’ensemble de ces dénominations a comme point commun de renvoyer la notion de « compétence professionnelle » aux savoirs relatifs à l’action20. De nombreux travaux ont approfondi la connexion entre le savoir et l'action, que ce soit en formation d'adulte (Barbier, 1996 ; Vergnaud, 1999), en didactique professionnelle (Samurçay et Pastré, 1995), que dans les travaux sur la pratique réflexive (Argyris, 1995 ; Schön, 1994, 1996 ; Perrenoud, 2001, 2004).

18 L’évaluation des compétences en stage pratique ne sera pas abordée dans le cadre de ce mémoire de recherche. 19 AFNOR (1996) Normes Françaises NF X 50-750 de 07/96 - Indice de classement : X 50-750 - Formation professionnelle - Terminologie - 235,00 F HT, juillet 1996 - 19 pages - Statut : Homologuée. 20 Mais on y trouve aussi « des valeurs ». Il y a des enjeux d’ordre identitaire, quand on parle de professionnalité. Nous n’aborderons ici les aspects de professionnalisation que sous l’angle de construction et de production des compétences professionnelles. Les processus de socialisation dans la construction de l’identité professionnelle seront expliqués dans la troisième partie (hypothèse 3).

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La compétence se définit dans l’action (savoir agir) La compétence individuelle se construit dans l’action à travers l’expérience, l'appropriation et la mise en œuvre concrète de tous les savoirs nécessaires, à commencer par ceux qui sont spécifiques au poste de travail.

La compétence se déploie en contexte professionnel réel La compétence est indissociable des situations de travail. La compétence ne se construit pas uniquement en centre de formation mais également en situation de travail (J.-M. Barbier, 1996). Les compétences sont acquises dans le cadre d’apprentissages professionnels en situation de travail. L’activité professionnelle (ici du directeur référent) est alors conçue comme lieu de mobilisation, de production, de transmission des compétences professionnelles, permettant ainsi d’acquérir ce qui constitue l’essentiel de la compétence : l’expérience du travail réel.

La compétence se fonde sur un ensemble de ressources Des ressources sont mobilisées pour mettre en œuvre les compétences, ce sont en gros tous les savoirs théoriques et savoirs pratiques. Les compétences nécessaires à l’exercice de la fonction de direction à la PJJ sont ainsi délimitées dans le projet de formation par trois types de savoir :

- des savoirs théoriques,

- des savoirs pratiques,

- des savoirs méthodologiques.

Les ressources à mobiliser peuvent se décliner en quatre catégories :

- les savoirs théoriques, qui permettent d’appréhender, de comprendre et d’expliquer la réalité,

- les savoirs procéduraux, « comment s’y prendre pour… » : qui permettent au savoir théorique d’être investi dans l’action,

- les savoirs pratiques et expérientiels, c’est des savoirs issus de l’action, des leçons de l’expérience pratique,

- les savoir-faire sociaux, « savoir-être », aussi appelés compétences relationnelles. La compétence fondamentale qui est effectivement mobilisée dans l’exercice de la fonction de directeur n’a pas été suffisamment explicitée pour pouvoir devenir l’objet d’un apprentissage réfléchi et volontaire

La compétence est reconnue par autrui : c’est un construit social La compétence a une dimension collective. Elle a aussi une dimension socioculturelle, pour Bourdieu, c’est l’ « habitus », c’est-à-dire un système de valeurs socialement partagées (socialisation professionnelle).

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La compétence est définie par le champ d’application des savoirs Il faut spécifier les « champs de pratiques professionnelles » (Barbier) dans lesquels la compétence s’exercice. Dans le cas qui nous préoccupe, il s’agit de la compétence de la fonction de direction dans le champ de l’action éducative et de la protection judiciaire de la jeunesse. Cet objectif d’acquisition de compétences est recherché dans la formation professionnelle des directeurs en raison d’une nécessaire adaptabilité de leurs pratiques à l’exercice de la fonction de direction à la Protection judiciaire de la jeunesse.

La compétence est définie par le niveau de la compétence du sujet : débutant, maîtrise professionnelle, expert

Le rôle de l’expérience acquise peut être appréciée à travers les cinq stades dans l’acquisition d’un savoir-faire : du novice à l’expertise (Dreyfus, 1992)21. Le modèle, aussi connu sous le nom « d’échelle de Dreyfus » établit que dans l’acquisition et le développement d’une compétence, une personne passe par cinq stades successifs :

- stade 1 : le novice - stade 2 : le débutant avancé - stade 3 : la compétence - stade 4 : la maîtrise - stade 5 : l’expertise

Dans le cadre de ce travail, nous traiterons pour l’essentiel des quatre derniers niveaux de l’échelle. Nous y reviendrons plus en détail dans le chapitre consacré à l’enquête de terrain et à son analyse.

La compétence se construit dans le rapport entre action et réflexion Richard Wittorski (1997, 1998, 2003) propose un modèle de développement des compétences, les 5 processus de professionnalisation, qui prend en compte le rapport réflexion/action dans la production de compétences. Nous allons y revenir dans la partie consacrée à la notion de professionnalisation.

La compétence et les boucles d‘apprentissage

Jean-François Lévy a fait un « état de l’art » de la notion de compétence. Il présente les boucles d’apprentissage (Le Boterf, Schön) : « - simple boucle : le sujet agit différemment mais sans changer fondamentalement ses représentations, - double boucle : le sujet modifie ses représentations pour agir autrement, - apprentissage « deutero-learning » : le sujet apprend à apprendre. Les connaissances acquises par l’apprentissage pratique et par l’expérience sont directement liées à cette notion de boucle. »22

21 REYNAL, F., RIEUNIER, A. Pédagogie, dictionnaire des concepts clés : apprentissage, formation, psychologie cognitive. Paris, ESF. 1997. pp. 139-140. 22 LEVY, J.-F. (26/06/2000). État de l'art sur la notion de compétence. Texte introductif au séminaire national INRP. Dans Communication « Usages éducatifs des technologies de l'information et de la communication : quelles nouvelles compétences pour les enseignants ? ». Paris, France. <http://www.inrp.fr/Tecne/Rencontre/IntroJFL.pdf>

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♦ Les caractéristiques liées au concept de compétence tacite La compétence se compose de compétences explicites et tacites. La recherche sur les connaissances a amené Nonaka et Takeushi (1997) à distinguer les connaissances tacites non exprimables, qui sont complexes à transmettre, des connaissances explicites qui sont plus faciles à transmettre. Jacques Leplat parle de « compétences incorporées », difficiles à énoncer et qui produisent peu de connaissances. Des compétences réelles existent mais qui, non explicitées, attachées à des personnes et à des pratiques personnelles, sont rendues invisibles. Les savoirs actionnables23 (des savoirs construits dans, par et pour l’action), ou « savoirs cachés dans l’agir professionnel » (Argyris, Schön, 1993) ne sont pas transmissibles en l’état dans le cadre de la formation. C’est l’acte de formalisation qui va permettre un « passage du savoir agi au savoir formalisé »24. L’ensemble de ces dénominations a comme point commun de renvoyer la notion de « compétence tacite » à son caractère étroitement lié à l’expérience de celui qui la détient, trouvant ainsi son origine dans l’expérience, mais aussi dans l’intériorisation de connaissances explicites passées, qui deviennent des automatismes. Difficile à communiquer, les moyens de la transmettre font appel à l’observation, à l’imitation et à toute forme de formation par les situations de travail. Le stage pratique des directeurs stagiaires peut être appréhendé comme un moment de socialisation et de transmission de connaissances tacite-tacite (Nonaka et Takeushi, 1997). Florence Osty25, définit, quant à elle, la compétence comme « des qualités mobilisées dans l’exercice concret de l’activité professionnelle, fondées tout à la fois sur un savoir technique formalisé et sur un savoir expérientiel ». 2.2.1.3. La transmission des compétences et de l’expérience Qu’entend-on par transmission professionnelle ? Le terme de « transmission » mérite bien des guillemets car il ne faut surtout pas l'entendre dans le sens ordinaire de transmission directe d'information, ou encore seulement de transmission intergénérationnelle (d’un expert à un novice). Par « transmission professionnelle », on peut entendre l’ensemble des compétences partagées. Ce sont celles qui sont transmises d'un individu à un autre. La formation en alternance est précisément un modèle d’apprentissage et de mobilisation, production et acquisition de compétences professionnelles où le tuteur (ici le directeur référent) est sensé transmettre à l’apprenant (le directeur stagiaire) une ou plusieurs de ses compétences. Là on est dans la production de compétences partagées. Autrement dit, la compétence partagée est plutôt une compétence individuelle qui est transmise à un groupe ou à quelqu'un d'autre. Pour Lesne, transmettre un savoir c’est « transmettre des connaissances, […] mais en même temps un mode d’organisation des connaissances, […] des modèles de connaissances »26, c’est-à-dire une pédagogie centrée sur « le travail de construction par le formé des démarches les plus efficaces pour l’élaboration des connaissances ».

23 Pour D. Schön, l’expression « actionnable knowledge » est proposée dans l’ouvrage Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Montréal, Éditions Logiques, 1993. 24 MINET, François. L’analyse de l’activité et la formation des compétences. Paris, L’Harmattan, 1995, p. 143. 25 OSTY, Florence. Le désir de métier : engagement, identité et reconnaissance au travail. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003. 26 LESNE, M. Travail pédagogique et formation d’adultes. Paris, PUF, 1977, pp. 41-42 et 131.

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Nous retrouvons également ces deux niveaux chez Yvon Minvielle. Il distingue ainsi la « maîtrise d’une activité professionnelle (compétences) et [la] maîtrise de l’ensemble des ressources (savoirs, méthodes et autres…) qui permettent à cette activité de s’exercer dans de bonnes conditions »27. Nous verrons dans les chapitres suivants que la notion de professionnalisation porte en elle les caractéristiques de ces deux composantes de la compétence professionnelle. On peut voir deux niveaux de transmission dans les pratiques professionnelles :

- une transmission des compétences : o une transmission des savoirs (contenus), o une transmission des savoir-faire (pratique professionnelle), o une transmission des savoir-être (valeurs éducatives).

- une transmission des savoirs, méthodes et ressources : o une transmission basée sur la construction de situations d’apprentissage

expérientiel et des méthodes pédagogiques. 2.2.2. La professionnalisation Il existe un débat récurrent dans le champ du travail social, sur ce qui composerait la professionnalité du travail social. Pour le directeur de service à la PJJ, nous pouvons partir du projet de formation des directeurs pour définir la notion de professionnalisation en tant que processus qui concourt à l’acquisition d’une professionnalité : La professionnalisation est entendue comme l’ensemble des actions, des méthodes, des démarches, des dispositifs qui constituent le processus de construction des compétences nécessaires à l’exercice d’un métier, des savoir-faire propres à la profession. La professionnalisation se situe entre construction de compétences et construction identitaire ; elle s’effectue grâce à l’alternance, l’individualisation et la mise en situation. Elle est conditionnée par la capacité à travailler sur des situations réelles et à produire de l’analyse de pratiques. Ce qui serait susceptible de fonder la professionnalité du directeur de service :

- pour les uns, ce serait des savoirs professionnels qui seraient de l’ordre de la technicité professionnelle,

- pour d’autres, ce serait des valeurs, - pour d’autres encore, ce serait une longue pratique empirique dans le champ de

l’action sociale. Le texte d’Alain Vilbrod28 sur le statut et le métier d’éducateur dans le privé-associatif et le public-Education surveillée29, peut également s’entendre comme le processus participant de la professionnalisation de la fonction de direction à la PJJ :

« […] la légitimité [est] liée à la capacité d'un corps de métier à se constituer en profession, et ce, à partir de trois principes fondateurs :

- une technicité formalisée,

27 MINVIELLE, Yvon. « La transmission professionnelle ». Pour, n° 165, mars 2000, pp. 225-230. 28 VILBROD, Alain. « La convention collective de 1966 chronique d'un rendez-vous impossible entre le privé et le public ». Le temps de l’histoire, numéro 1, 1998. 29 La direction de l'Education surveillée (ES), aujourd'hui la direction de la Protection judiciaire de la jeunesse, a pour mission de mettre en oeuvre le droit à l'éducation pour les mineurs délinquants.

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- un savoir reconnu, - une capacité d'auto-organisation éprouvée.»

2.2.2.1. Le rapport entre action et réflexion dans la production des compétences La problématique de la pédagogie par alternance d’après Piaget nous permet d’aborder l’essentiel de la notion d’apprentissage expérientiel.

Problem setting

Problem solving

Réussir en pensée Comprendre en action

Schéma : Boucle piagétienne de l’apprentissage par l’alternance 30 Le modèle piagétien (Piaget, 1974) montre les interactions entre l’action et la compréhension. Le schéma d’apprentissage (R ------> C) ci-dessus repose sur la notion de prise de conscience : de la réussite (compréhension en action) à la compréhension (réussite en pensée). Dans une formation traditionnelle, le rapport au savoir est de type hypothético-déductif. La pédagogie part du savoir, des connaissances (savoir théorique) que l’on va expérimenter pour en vérifier la validité. En situation de formation par alternance, la pédagogie consiste à partir de l’expérience pour arriver au savoir. « Cette inversion nécessite que l’apprenant ait changé de rapport au savoir, passant de « savoir pour réussir à savoir pour comprendre » (Charlot, 1997) »31. « La problématisation d’une situation rencontrée en stage permet de penser l’écart entre la tâche prescrite et celle réalisée sur le terrain32 ». Il est important de revenir sur la situation vécue par le stagiaire (debriefing).

Sachant que le savoir ne se transmet pas, mais se construit, pour que cette expérience devienne compétence, l'apprenant doit comprendre comment il a fait, pour réussir par la suite. Nous retrouvons là le schéma de Piaget : réussir et comprendre pour comprendre et réussir. Le schéma d’apprentissage de Piaget rend compte des deux dimensions du savoir, le savoir théorique et le savoir pratique, par contre il n’aborde pas le processus de développement et de production des compétences.

30 DURAND, Charlaine. L’alternance comme dispositif d’apprentissage. 10 juillet 2003, p 2. URL : http://www.cadredesante.com/spip/IMG/pdf/doc-89.pdf ou http://cadredesante.com/spip/article.php3?id_article=143 [site visité le 24 avril 2004]. 31 GEAY A. et SALLABERRY J.-Cl. « La didactique en alternance ou comment enseigner l’alternance ? ». Revue française de Pédagogie, n° 128, juillet-août-septembre 1999, p. 7-15. 32 Ibid.

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Pour répondre à cette question, nous avons choisi de construire la typologie des stratégies de transmission des savoirs en nous inspirant de celle développée par Richard Wittorski (1997, 1998, 2003) portant sur les 5 processus de professionnalisation et sur le rapport réflexion/action dans la production de compétences. Cet auteur propose un modèle de développement des compétences qu'il appelle aussi « développement de la professionnalisation », selon le degré et la place de la réflexion par rapport à l'action : - « La première voie de professionnalisation correspond au modèle de la formation sur le tas : les situations professionnelles nouvelles exigent de l'individu la production – par tâtonnement et essais-erreurs – de compétences dans l'action : il s'agit d'une “logique de l'action”. - La deuxième voie de professionnalisation renvoie au schéma de la formation alternée : il y a itération entre la transmission de savoirs théoriques, et la production de compétences en stage : il s'agit d'une “logique de la réflexion et de l'action”. - La troisième voie de professionnalisation correspond aux situations où “l'analyse des pratiques” est mise en oeuvre en entreprise ou en organisme de formation. Elle consiste à formaliser les compétences implicites produites dans l'action (voie 1) et ainsi à les transformer en savoirs d'action (les compétences sont mises en mots et transformées en savoirs communicables validés par le groupe, ils deviennent ainsi transmissibles à d'autres) il s'agit d'une “logique de réflexion sur l'action”. - La quatrième voie de professionnalisation correspond aux situations de définition anticipée de nouvelles pratiques par les salariés eux-mêmes (..) il s'agit d'une “logique de réflexion pour l'action”. - La cinquième voie de professionnalisation : dans celle-ci, les savoirs théoriques acquis en formation sont intégrés en connaissances par les individus (...) “logique de l'intégration/assimilation” ». Par rapport à cette typologie des processus de transformation des compétences, l’idée est de repérer si parmi les pratiques tutorales des directeurs référents, il y a des modèles de transmission des savoirs professionnels qui ont à voir ou non avec ces formes de développement de compétences. Mais avant tout chose, précisons les typologies 1 et 2, du point de vue de leur dynamique de transmission des savoirs professionnels : - La première forme de développement des compétences, la « logique de l’action » représentent des situations où les compétences ainsi produites sont « incorporées » (en référence à Jacques Leplat), dans le sens où celles-ci ne sont pas conscientisées. Chevallier33 parle de « l’introuvable objet de la transmission » : « savoirs si incorporés qu’ils paraissent impossibles à isoler ; connaissances non codifiées qui, pourtant, au cours de l’acte technique, semblent indissociables des savoirs formalisées ; valeurs sociales et normes culturelles inséparables des appartenances aux métiers et aux statuts professionnels… Comment, face à des manières de faire si diverses et complexes, isoler les modèles et comprendre les mécanismes de leur transfert et de leur acquisition, alors que ni les uns ni les autres ne sont explicitables ou explicités par les intéressés eux-mêmes ? ». - La deuxième voie de professionnalisation, la plus proche d'un contexte de formation en alternance, suppose un apprentissage de type adaptatif, par une itération entre une démarche d’essais-erreurs et une posture de réflexion/questionnement par rapport à la situation et à l’action produite.

33 CHEVALLIER, D. Savoir-faire et pouvoir transmettre. Paris, Editions de la Maison des Sciences de l’homme, 1991.

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Par rapport à ces cinq voies de professionnalisation, trois modalités d’apprentissage expérientiel, non exclusives l’une de l’autre, participent au développement des compétences des directeurs stagiaires engagés dans l’exercice d’une activité.

Type d’apprentissage Savoirs d’action produits Caractéristiques Apprentissage par l’action Savoirs dans l’action Produits au cours de l’action Apprentissage par la réflexion rétrospective sur l’action

Savoirs sur l’action Produits par une réflexion rétrospective sur l’action, l’action se transforme en savoirs car elle est identifiée, reconnue, nommée et formalisée

Apprentissage par la réflexion anticipatrice de l’action

Savoirs pour l’action Produits au cours d’une réflexion anticipatrice de changements de l’action : la production de nouvelles séquences opératives figurées mentalement (de nouvelles dispositions à agir)

C’est dans la phase d’apprentissage « après l’action » que l’apprenant construit, par des mécanismes de prise de conscience, une part importante de sa conceptualisation de la situation d’action. Pour cela il a besoin à la fois de se remettre dans le contexte de l’action et se distancer de celle-ci (nous verrons que cela participe également de la construction identitaire du directeur stagiaire). Questionner sa pratique et celle de l’autre correspond précisément à un travail d’objectivation de ces savoirs incorporés. C’est l’objet du chapitre suivant. 2.2.2.2. Une démarche réflexive d’explicitation de l’expérience La mise en situation n’est formatrice que sous certaines conditions34 dont la principale réside dans la réflexivité qui doit lui être associée. Il ne s'agit pas d'une action directe mais d'une mise à distance, d'un recul, qui implique une réflexion sur l'action. Cette activité réflexive et critique est conduite par le directeur référent qui en organise le cadre et les contenus, de façon à ce que le stagiaire repère ce qu'il y a à faire et comment s'y prendre. Les mises en situation sont au cœur du processus de professionnalisation. Dans cette formation par et dans les situations de travail, l’action n’a de finalité que parce qu’elle interpelle le savoir. Le stagiaire peut expérimenter, se tester, sans risques majeurs, pour des tâches ou des fonctions qu’il aura à assumer en responsabilité, dans des situations professionnelles. Nous pouvons faire un parallèle entre la notion d’ « activité réflexive » et celle de « registres d’interventions » qu’évoque Yvon Minvielle (2000) pour définir les processus en œuvre dans la transmission professionnelle : « [La] transmission professionnelle concerne essentiellement les registres d’interventions sur les processus qui permettent à la professionnalité de s’exercer ».

34 En référence au premier chapitre : « L’expérience est formative, dès lors que la “démarche d’accompagnement” du stagiaire est formalisée. Or, les pratiques sont plus souvent spontanées que formalisées. »

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Quand nous considérons les caractéristiques de la formation en alternance et les pratiques tutorales à la Protection judiciaire de la jeunesse, nous postulons que la formation par les situations de travail peut permettre d’accéder plus facilement au savoir d’expérience et ainsi le transmettre au stagiaire en s’appuyant sur une activité de compagnonnage et d’explicitation. Avant de s'interroger pour savoir si l'analyse de situations réelles a des incidences sur les pratiques, il faut se demander pourquoi dans le travail éducatif, le recours à de telles formes de formation en situation de travail s'avère nécessaire. Une première réponse semble s'imposer : la dimension relationnelle du travail exige de la distanciation. La part de la réflexion dans et sur l’action s’accroît lorsqu’on s’intéresse à un métier complexe tel que les métiers de l’humain, où les problèmes ne sont pas donnés d’emblée. André Geay (1998) parle également de cette démarche d’explicitation de l’expérience en faisant référence à la didactique de l’alternance et à Pierre Vermersch : Didactique de l’alternance : « c’est un travail d’aide à la construction de l’expérience, à partir de ce qui a été vécu, d’aide au passage de l’expérience en conscience, par une activité didactique d’explicitation collective, à l’instar de ce qui se fait dans l’activité d’analyse des pratiques dans la formation des adultes. »35 « C’est « une activité didactique d’explicitation (Vermerch, 1994) des situations vécues pour que l’expérience des apprentis soit source d’apprentissage, activité de verbalisation (mise en mots) et activité de problématisation (mise en problème).36

Nous ne pouvons évoquer la notion de « didactique professionnelle », sans faire référence aux recherches menées par Renan Samurçay et Pierre Pastré. Ces deux chercheurs travaillent sur les phénomènes liés au développement et à la transmission des compétences professionnelles dans des situations de formation et de travail. « La didactique vise à comprendre et agir sur les processus qui relèvent de la transmission et de l’acquisition des domaines de savoirs en vue de les améliorer. L’ergonomie vise à comprendre et agir sur les situations et conditions de travail en vue de les améliorer. En cela ils poursuivent tous les deux des objectifs de transformation des systèmes et des processus qu’ils conceptualisent. »37

Nous proposons d’analyser ces différents processus d’explicitation des savoirs d’expérience en prenant appui sur le modèle de Richard Wittorski présenté précédemment, en le reliant à la démarche d’explicitation des savoirs tacites de Pierre Vermersch. Nous faisons ainsi l'hypothèse que la mise en application, par le directeur référent, de processus d'analyse réflexive peut conduire à la constitution d'un corpus de savoirs d’expérience transmissibles par le directeur référent et à l’acquisition, mobilisation et production de compétences pour le directeur stagiaire. Le postulat est que la fonction de direction s’apprend par et dans l’action et la réflexion sur l’action38, la formation se prolongeant dans le cours de l’action, au travers de l’explicitation 35 GEAY, A.; SALLABERRY, J.-Cl. « La didactique en alternance ou comment enseigner l’alternance ? » Revue française de pédagogie, n° 128, juillet-août-septembre 1999, p. 12. 36 Ibid. 37 PASTRE, P. ; SAMURCAY, R. L’ergonomie et la didactique. L’émergence d’un nouveau champ de recherche : didactique professionnelle. Deuxièmes journées : recherche et ergonomie. Toulouse, février 1998. http://www.ergonomie-self.org/Pages/rechergo98/html/samurcay.html 38 Référence à ce que Schön (1994) a appelé « réflexion dans l’action » et « réflexion sur l’action » qui correspondent aux concepts de base

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des savoirs mis en acte et du processus de transmission du « savoir caché dans l’agir professionnel » (Schön) par socialisation (Nonaka et Takeuchi). Partir de l’expérience et des pratiques professionnelles du directeur référent et du directeur stagiaire pour analyser et questionner le sens des situations vécues (posture réflexive) contribuerait ainsi à la mobilisation, production et acquisition de savoirs d’expérience et de compétences nécessaires à une prise de fonction pour le directeur stagiaire. La mise en mots de l’expérience de travail est indispensable à la construction des compétences. Nous voulons montrer en quoi ces temps d’échange et de questionnement mettent en évidence une réorganisation des savoirs : en quoi la verbalisation facilite ou non le passage de savoirs d'usage non conscientisés, qu'ils soient des savoirs théoriques ou procéduraux, à des savoirs conscientisés et formalisés ? Pour appuyer nos propos, le schéma ci-dessous nous permet de prendre la mesure du cheminement pédagogique, didactique et professionnel que doivent suivre le directeur référent et le directeur stagiaire pour (faire) acquérir des compétences.

D’après Daniel Mellet d’Huart. Apprendre à partir de sa propre pratique.39 Ces situations réelles d’apprentissage correspondent à des « configurations »40 pédagogiques où les actes sont pensés, soit par analyse rétrospective sur l'action, soit par une réflexion anticipatrice d'un changement d'action, prenant des formes variées : analyse des pratiques, situations-problèmes, formulation du problème...

du paradigme réflexif (réflexion dans l'action, sur l'action, sur le système d'action). 39 Mellet, d’Huart D. « Apprendre à partir de sa propre pratique ». Education permanente, n° 104. 1990. 40 Reprenant ainsi le terme utilisé par Philippe Perrenoud pour désigner les « ressources » au sens où l’entend Yvon Minvielle (2000) de toute nature qui vont permettre à la professionnalité de s’exercer : savoirs, méthodes, moyens.

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2.2.3. Le processus de construction de l’identité professionnelle 2.2.3.1. Le rôle fondateur de la formation dans la construction identitaire du directeur La compétence professionnelle du directeur n’est pas réductible à l’acquisition et à la maîtrise de savoirs professionnels, elle suppose aussi une formation de la personne et de l’ « habitus »41 professionnel. La formation initiale doit aider à la fois à la construction d’une compétence professionnelle et à l’émergence d’une identité professionnelle de la fonction de direction : « Cette formation vise l'acquisition d'une identité professionnelle […]. L'identité professionnelle est celle de directeur qui, au nom de l'État est responsable d'un service public : il dirige, il garantit un cadre légal et réglementaire, il crée et maintient les conditions d'un fonctionnement régulier et équilibré. […] Le parcours de professionnalisation ne peut se réduire à l’acquisition de savoirs faire techniques et théoriques, au détriment du travail sur soi et du sens à donner à l’intervention éducative. » Nous ne pouvons comprendre ce qui fonde l’identité de la fonction de direction à la PJJ, l’identité éducative, sans délimiter auparavant les cadres théoriques de la construction de l’identité professionnelle et notamment la dimension des modes de production et de transformation des identités professionnelles par et dans les situations de travail. 2.2.3.2. Les cadres théoriques de la construction de l’identité

« La notion d’identité [...] est particulièrement difficile à circonscrire d’emblée du fait de son caractère polysémique et de la richesse de ses connotations.»42 Nous pouvons tout de même esquisser une première définition de l’identité professionnelle à partir des quatre attributs suivants : une qualification (le diplôme), une compétence, une culture d’appartenance (des objets, des valeurs, des actions, des symboles) et une déontologie.

La sociologie apporte avec R. Sainsaulieu une définition plus satisfaisante de l’identité. Elle inclut l’articulation entre identité individuelle et identité sociale. Mais, elle donne surtout à voir que l’identité est un construit social. Par là même, la définition de l’identité s’établit dans un rapport de forces dont l’enjeu est la reconnaissance de soi par autrui.

Le processus de construction identitaire comporte deux facettes qui sont fonction des acteurs en présence : d’une part, l’identité " pour soi " (ici l’idée que le directeur stagiaire se fait de lui-même) et d’autre part l’identité attribuée, " pour autrui " (ici l’idée que le directeur référent, les personnels, les partenaires, etc. se font du directeur stagiaire). Car, c’est effectivement dans l’interaction avec les autres que se forge l’identité de l’individu. Selon Dubar (1996), l'identité professionnelle renvoie tout autant à un processus relationnel

41 La notion d’habitus renvoie à la dimension socioculturelle de la compétence. Pour Bourdieu, c’est un système de valeurs socialement partagées (socialisation professionnelle). 42 Tap, P. Identités collectives et changements sociaux. Privat, 1986, p.7.

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(identité pour autrui qui relève avant tout d'un acte d'attribution) qu'à un processus biographique (identité pour soi qui relève d'un acte d'appartenance). Il note également que « ces formes identitaires peuvent s’interpréter à partir de modes d’articulation entre transaction objective et transaction subjective, comme des résultats de compromis " intérieurs " entre identité héritée et identité visée mais aussi de négociations " extérieures " entre identité attribuée par autrui et identité incorporée par soi ». La transaction objective peut aboutir à une " reconnaissance " ou au contraire à une " non reconnaissance " par autrui de l’identité de l’individu. Dans le premier cas (reconnaissance), l’individu est légitimé dans ce qu’il présente de lui-même, dans le second (non reconnaissance), ses prétentions identitaires ne sont pas admises. La transaction subjective, quant à elle, aboutit à deux sentiments identitaires différents. Dans le premier cas, il y a " continuité " dans la " carrière ". Le trajet social de l’individu est vécu, par lui, comme homogène. Son identité visée est en accord avec son identité passée et présente. Mais, il peut y avoir une " rupture " entre les aspirations de l’individu et son identité présente. Dans ce second cas, l’individu ne peut réaliser dans son " champ " social actuel ses objectifs. Il existe un décalage entre son identité présente et les possibilités d’évolution qu’elle lui confère, et son identité d’avenir telle qu’il l’envisage. Si c’est bien dans l’interaction que se construit l’identité des directeurs stagiaires, Yvon Minvielle (2000) précise que « c’est à l’occasion des activités de transmission, repérables et identifiées, que se construisent les identités professionnelles ». « Ces activités, dites de transmission professionnelle, ont une importance non négligeable dans la construction des identités professionnelles. » Nous pouvons ajouter que ces activités de transmission (qu’on peut définir à partir du processus relationnel de C. Dubar) dépendent de « la reconnaissance, à un moment donné et au sein d’un espace déterminé de légitimation, des identités associées aux savoirs, compétences et images de soi proposés et exprimés par les individus dans les systèmes d’action ».43 2.2.3.3. La reconnaissance des compétences et des savoirs de la fonction de direction La transmission des savoirs ne peut se faire sans une reconnaissance (institutionnelle, par les pairs, le collectif, etc.) de ces savoirs. « L’acquisition d’un savoir légitime qui permette à la fois l’élaboration de « stratégies pratiques » et l’affirmation d’une « identité reconnue » »44. Pour le sociologue, Renaud Sainsaulieu, il s’agit avant tout de la reconnaissance des compétences professionnelles : « La compétence, c’est la compétence en exercice. Ce n’est pas tant l’exercice d’un savoir technique mais la reconnaissance que les autres accordent à la spécialité et à la spécificité de chacun. » « L’espace de reconnaissance des identités est inséparable des espaces de légitimation des savoirs et des compétences associés aux identités. »45

43 DUBAR, C. La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A. Colin. 1991. p 122. 44 DUBAR, C. Op. cit., p 104. 45 DUBAR, C. Op. cit., p 121.

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« L’identité sociale n’est pas « transmise » par une génération à la suivante, elle est construite par chaque génération sur la base des catégories et des positions héritées de la génération précédente mais aussi à travers les stratégies identitaires déployées dans les institutions que traversent les individus et qu’ils contribuent à transformer réellement. Cette construction identitaire prend une importance particulière dans le champ du travail, de l’emploi et de la formation qui a acquis une forte légitimité pour la reconnaissance de l’identité sociale et l’attribution des statuts sociaux. »46 Nous faisons l’hypothèse que le directeur titulaire participe de la transmission d’un certain nombre de savoirs professionnels, avec, d’un côté, des savoirs hérités de son expérience de travail et, de l’autre, des savoirs attribués socialement par l’institution (qu’on lui a inculqué et qu’il va à son tour inculquer au directeur stagiaire par processus successifs d’ « attribution » et d’ « incorporation »). On est alors conduit à s’interroger sur l’articulation entre professionnalisation du directeur stagiaire (c’est-à-dire le développement d’une activité réflexive en vue de la construction de sa propre pratique professionnelle) et un souci constant et très fort d’intégration dans ce corps de métier par un travail sur son propre positionnement dans la fonction entre d’un côté une démarche réflexive de construction d’une identité pour soi (héritée de ses origines) et de l’autre, la transmission/acquisition d’une identité pour autrui (attribuée sur la base de l’activité de travail et des statuts sociaux officiels). Nous faisons ainsi l’hypothèse que la tension est double : elle s’exprime non seulement entre professionnalisation et construction identitaire mais également dans la construction même de l’identité professionnelle. 2.2.3.4. Le directeur de service à la PJJ Les directeurs ont une longue tradition d’interrogation sur leur rôle et leur identité. Une approche historique47 de la construction identitaire de la fonction de direction, montre que cette question se pose, de manière récurrente, tout au long de l'évolution du métier. Depuis l’apparition de la fonction de direction, il y a une quarantaine d’années, les directeurs n’ont cessé de batailler pour que leur fonction soit légitimée par un statut à la PJJ. Le directeur n’est alors légitimé que par son appartenance au statut d’éducateur. Les directeurs sont issus du corps des éducateurs.

Le texte d’Alain Vilbrod48, sur le statut et le métier d’éducateur dans le privé-associatif et le public-Education Surveillée49, peut être en partie transposé à la situation du directeur de service à la PJJ :

« Le statut est affaire de droit ou, plutôt, moyen de cohésion sociale. Il régit l'ensemble des relations égalitaires et hiérarchiques d'un individu avec les autres membres de son groupe. […] La légitimité est bien plus affaire de rôle que de statut, bien plus affaire de luttes de territoire que de savoirs du geste et de technicité éprouvée.

46 DUBAR, C. Op. cit., p 122. 47 Voir également le chapitre consacré à « l’historique de la fonction de directeur ». 48 VILBROD, Alain, « La convention collective de 1966 chronique d'un rendez-vous impossible entre le privé et le public ». Le temps de l’histoire, numéro 1, 1998 « La protection de l'enfance regards ».

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La légitimité, c'est toujours une conquête face aux autres, face à ceux d'à côté, bref la légitimité est "relationnelle", puisque liée aux entreprises de stratégie pour imposer sa place, son discours, ses représentations.

[…] la reconnaissance est le fruit de luttes pour baliser son territoire, cultiver sa différence, se réserver pour soi tout seul des pratiques, des actes, quitte à rejeter dans l'amateurisme et le bricolage les concurrents. […] La légitimité revient au corps professionnel qui est parvenu, fusse provisoirement, à clôturer son pré carré, à ordonnancer les pratiques à la mesure de son savoir […].» La PJJ et l’action éducative : une identité éducative L’histoire et la spécificité de l’institution PJJ placent l’option éducative au centre de l’ensemble des activités, comme une composante dominante des pratiques professionnelles. Cette préoccupation éducative est naturellement centrale dans la démarche de professionnalisation et de positionnement du directeur de service. « Chaque nouveau stagiaire entre dans une profession qui, dans son ensemble, est interrogée, et ceci tout au long de son histoire. Le travail individuel qu’il doit alors mener en un an, est celui de son propre apprentissage, non seulement de la fonction, mais aussi de la compréhension du pourquoi il va devenir directeur. Ce n’est jamais tout à fait par hasard que l’on entre dans un métier social, à la PJJ en particulier. Ce n’est pas par hasard non plus que l’on devient directeur. L’important est de se donner les moyens de réfléchir au « pourquoi » afin de pouvoir travailler son propre positionnement dans la fonction. Pour cela, il faut être au clair par rapport à la fonction et ce que l’institution peut en attendre […] En tant que professionnel, le directeur stagiaire devra se positionner, quels que soient ses opinions ou ses engagements. C’est à cela que prétend amener la formation par une approche de type philosophie politique. […] »50 Le positionnement du directeur stagiaire s’appuie sur des identités et une légitimité à construire à partir de l’expérience acquise en stage pratique. Si la difficulté majeure pour les directeurs issus du concours interne est de parvenir à faire le deuil de cette relation de proximité qu’ils ont eue en tant qu’éducateur avec les jeunes pour adopter un nouveau positionnement, celle qui se présente aux directeurs issus du concours externe est liée au fait qu’ils n’ont aucune expérience professionnelle dans la relation éducative avec les jeunes. La démarche qui consiste, pour le directeur stagiaire issu de l’interne, à quitter son groupe professionnel d'appartenance (éducateur), pour aller exercer son métier dans un nouveau groupe (direction), provoque une rupture qui ébranle les fondements de l'identité professionnelle d'origine. Cette rupture impose la construction d'un nouvel équilibre identitaire. Nous pouvons analyser ce mécanisme de " rupture-reconstruction identitaire " en nous appuyant sur la théorie sociologique de l’identité de Claude Dubar. Le directeur stagiaire issu de l’interne est partagé entre « la nécessité de sauvegarder une part de ses identifications antérieures (identités héritées) [ici : éducateur à la PJJ] et le désir de se construire de nouvelles identités dans l’avenir (identités visées) [ici : directeur à la PJJ] visant à tenter d’assimiler l’identité-pour-autrui à l’identité-pour-soi. »51 Comment créer une identité professionnelle pour des publics différents accueillis en formation initiale (recrutement en interne, externe, liste d’aptitude), lorsque les uns possèdent déjà une culture et une identité éducative affirmée à la PJJ et que les autres n’ont pas de culture professionnelle antérieure dans l’action éducative ? La question est donc d’interroger la pertinence de la représentation qui circulerait à la PJJ selon laquelle la trajectoire 50 BRZEGOWY, Marc. Genèse de la fonction de direction à la Protection judiciaire de la jeunesse. Conférence introductive au cycle de formation initiale des directeurs de service au CNFE (Vaucresson), 2003 ; après transcription, reprise d’écriture et mise en forme par le département Recherche études développement (septembre 2004). 51 DUBAR, C. La socialisation. Construction des identités sociales et professionnelles, Paris, A. Colin. 1991. p 111.

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professionnelle des directeurs référents et des directeurs stagiaires (selon qu’ils sont issus de l’interne ou de l’externe) influerait sur l’impact de la formation dans la construction identitaire et professionnelle du directeur stagiaire. Nous avons souhaité ne pas nous limiter à cette représentation fondée sur un « héritage »52, sans pour autant l’occulter dans le cadre de l’enquête menée par questionnaire et entretiens. Comment (faire) acquérir une professionnalisation de la fonction de direction dès lors que les nouveaux venus, pour être acceptés, doivent se conformer à la culture de la « maison » (l’institution PJJ), principalement à la reprise de ses valeurs ? Nous faisons l’hypothèse que la formation de la fonction de direction est un lieu de tension entre reproduction des pratiques professionnelles et professionnalisation (accrue) du métier (transmission de valeurs / construction de nouvelles compétences)53. D’une fonction de direction, on assiste depuis cinq ans à une professionnalisation de la fonction de direction aboutissant à des ruptures et des tensions dans la construction identitaire de la fonction, qui touchent d’abord la reconnaissance de la professionnalité proprement dite.

52 « La question de savoir si l’on peut être directeur sans avoir été éducateur n’est […] pas une question idéologique-même si certains veulent la traiter ainsi- mais un héritage ». 53 c’est-à-dire du passage d’une « socialisation principalement communautaire » où le statut est hérité (du fait de la transmission héréditaire des statuts et des métiers au sein de l’institution PJJ), à une « socialisation professionnalisante » où le statut social dépend aussi de la capacité réflexive des professionnels.

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La vérification des hypothèses repose sur une méthodologie qui croise approche quantitative et qualitative. Dans le cadre de cette étude, nous avons utilisé deux techniques complémentaires : - un questionnaire adressé à tous les directeurs référents auprès de la 11ème Promotion (2003-2004) le 11 mai 2004, lors de la journée réunissant tous les directeurs référents à Vaucresson, - une dizaine d’entretiens semi directif, dont deux entretiens exploratoires, au cours desquels, nous nous sommes intéressés à leur(s) expérience(s) de la fonction de directeur référent. 2.3.1. L’élaboration du questionnaire Dans le but de répondre à notre question de recherche concernant la transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique, un questionnaire d’enquête a été rédigé et remis à l’ensemble des directeurs référents présents lors de la réunion des directeurs référents le 11 mai 2004, l’occasion de présenter le cadre de cette recherche aux personnes présentes. Nous avons transmis le questionnaire par courrier électronique ou par courrier postal aux directeurs référents absents à cette date. En tout, ce sont 67 questionnaires qui ont été transmis à l’ensemble des directeurs référents auprès de la 11ème Promotion. Le questionnaire a été établi en se basant sur le cadre théorique, il comprend cinq catégories distinctes :

1/ la fonction de directeur référent, 2/ la fonction de directeur et la transmission des savoirs professionnels, 3/ l’organisation du parcours de formation, 4/ l’évaluation du stage pratique, 5/ les questions signalétiques.

2.3.2. L’élaboration des entretiens L’enquête par entretien permet à un échantillon de personnes interrogées « d’expliciter » leur(s) mode(s) de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction au(x) directeur(s) stagiaire(s). Les entretiens semi directif ont été enregistrés en accord avec les personnes interrogées. Ils ont ensuite été fidèlement retranscrits, puis rendus anonymes et numérotés. (Tableau récapitulatif pages suivantes)

222...333... LLL’’’EEENNNQQQUUUEEETTTEEE DDDEEE TTTEEERRRRRRAAAIIINNN

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♦ Le guide d’entretien Les interviews menées avec les directeurs se sont appuyées sur un guide d’entretien. Celui-ci est composé : • d’un cadre contractuel de la communication54 :

Rappel du cadre général dans lequel s’inscrit cette étude : Le cadre d’un mémoire de DESS Ingénierie de la formation entrepris à titre individuel. Deux étapes :

1/ Le 11 mai, remise d’un questionnaire à tous les directeurs référents auprès de la 11ème

promotion – 2003/2004 2/ Entretiens individuels à Vaucresson ou par téléphone avec une dizaine de directeurs référents choisis parmi un échantillon

• d’une consigne de départ : « Vous êtes actuellement directeur à la PJJ, mais également référent de stage. J’aimerais que vous me parliez de votre fonction de référent, de la transmission de la fonction de directeur au(x) directeur(s) stagiaire(s) en stage pratique. • Les principaux thèmes abordés lors de l’entretien :

thème 1 : eux-mêmes, leur positionnement leur représentation de la fonction de directeur, de la fonction de référent

thème 2 : les stagiaires, leur positionnement

leur représentation de la fonction de directeur

thème 3 : le processus de transmission de la dimension éducative de la fonction de directeur

accompagnement professionnel et pédagogique : les méthodes d’apprentissage utilisées par les directeurs référents pour former les

directeurs stagiaires à leur futur métier la nature des échanges entre directeurs référents et directeurs stagiaires

selon qu’ils sont issus de l’interne ou de l’externe : la connaissance que les directeurs stagiaires ont de la fonction de direction, mais

également de l’action éducative à la PJJ la connaissance que les directeurs référents ont de la fonction de direction (nombre

d’années de pratique professionnelle), mais également de l’action éducative à la PJJ

échange et partage d’expériences outils :

le point fixe

thème 4 : l’évaluation en stage pratique

54 BLANCHET, A., GOTMAN, Anne. L’enquête et ses méthodes : l’entretien. Editions Nathan, pp 75-77.

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Cette démarche s’appuie sur la participation de l’interviewé et sur une relation de confiance afin que ce dernier puisse librement s’exprimer. C’est pourquoi il a fallu s’assurer au préalable de certaines conditions :

- la libre participation de la personne interrogée - le respect de la confidentialité et l’anonymat - une attitude d’écoute et d’encouragement à la parole.

♦ La sélection de l’échantillon de population pour les entretiens Nous avons constitué un échantillon où différents profils de directeurs référents intervenants dans le cadre de la 11ème Promotion (2003-2004) sont représentés, en prenant en compte les caractéristiques suivantes :

- l’ancienneté dans la fonction de directeur de service, - l’ancienneté dans la fonction de référent de stage, - le mode de recrutement (interne, externe55), - les lieux de stage pratique, - le type de services (hébergement, milieu ouvert ou insertion).

Cet échantillon ainsi constitué devait nous permettre d’avoir des regards croisés sur la fonction de directeur référent de stage. Une fois cet échantillon établi, nous avons rencontré le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux afin qu’il nous communique une liste de noms de directeurs référents correspondant à cet échantillon. Le responsable de formation a ainsi pré sélectionné une quinzaine de directeurs qui font référence dans la fonction, c’est-à-dire des directeurs référents effectuant un réel suivi professionnel et pédagogique des directeurs stagiaires. A charge pour nous de prendre contact ensuite avec plusieurs de ces personnes pour savoir si elles seraient d’accord pour un entretien et dans ce cas convenir ensemble ou non d’une date pour se rencontrer à Vaucresson.

♦ La prise de contact Si le cadre et les différents thèmes de l’entretien étaient précisés, il nous restait à voir comment démarrer cette prise de contact avec les différentes personnes que nous ne connaissions pas et qui n’étaient pas préalablement informées de l’existence de cette recherche. Le département de formation des directeurs étant plus favorable à la remise des questionnaires en main propre lors de cette journée du 11 mai, nous aurions pu choisir également cette journée pour avoir un premier contact avec les directeurs référents pré-sélectionnés pour les entretiens. Nous souhaitions établir un premier contact téléphonique avec eux auparavant. Il s’agissait donc de prendre en compte les desiderata du département de formation des directeurs sans pour autant occulter la faisabilité de la recherche. Le nombre d’entretiens retenu a été fixé à onze :

55 Les directeurs titulaires, occupant la fonction de référent de stage ont ainsi été pré-sélectionnés, en s’appuyant sur les deux modes de recrutement des directeurs à la PJJ : concours interne, concours externe pour les départager.

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- 4 directeurs expérimentés dans la fonction de directeur et de référent, - 3 directeurs expérimentés dans la fonction de directeur et novice dans la fonction de référent,

- 2 jeunes directeurs dans la fonction de directeur et de référent, - 2 directeurs jeunes dans la fonction de directeur et exerçant la fonction de référent pour la 2ème fois,

auquel vient s’ajouter deux entretiens exploratoires, avec un jeune directeur débutant dans la fonction de directeur et novice dans la fonction de référent et un directeur expérimenté dans la fonction de directeur et de référent.

Fonction de directeur Débutant Expérimenté

Fonction de référent Débutant 2 entretiens + 1 entretien exploratoire

> Les trois personnes sont issues de l’externe > Entretien exploratoire n° 1, entretiens n° 4 et 8

3 entretiens > Deux personnes sont issues de l’interne, la troisième personne de l’externe > Entretiens n° 1, 6 et 9

Expérimenté 2 entretiens

> Les deux personnes sont issues de l’interne > Entretiens n° 2 et 3

4 entretiens + 1 entretien exploratoire

> Quatre personnes sont issues de l’interne, la cinquième personne de l’externe > Entretien exploratoire n° 2, entretiens n° 5, 7, 10 et 11

Les entretiens se sont déroulés au centre de formation à Vaucresson. Les deux entretiens exploratoires ainsi que les entretiens n° 1, n° 5 et n° 11 ont eu lieu par téléphone.

♦ Deux entretiens exploratoires pour situer la recherche Comment susciter l’adhésion et l’implication des directeurs référents ? Nous avons procédé à deux entretiens « exploratoires » afin de délimiter notre champ d’investigation. Parallèlement à cela, nous avons commencé à prendre des contacts par téléphone avec plusieurs personnes ciblées dans cette enquête. Nous avons pris le partie de tenir une position qui soit la plus aidante possible pour mener cette étude en nous positionnant au plus près de notre pratique professionnelle au CNFE, notamment dans le cadre du travail sur la base des expériences éducatives. Nous avons interviewé les directeurs référents en tenant une position d’accompagnement et de tiers dans l’analyse, l’explicitation et la formalisation par écrit de leur pratique tutorale et non en position d’évaluation du travail en stage pratique. Lors des entretiens, nous nous sommes appuyés sur la technique de l’entretien d’explicitation de P. Vermersch56. Ainsi, nous avons invité les directeurs référents à revenir sur une situation d’apprentissage avec un ou plusieurs directeurs stagiaires en particulier, leur laissant libre choix du (ou des) stagiaire(s), tant au niveau du parcours professionnel, du mode de recrutement (issu du concours interne ou externe) qu’au niveau de l’année de formation, ne limitant pas les entretiens aux directeurs stagiaires suivis dans le cadre de la 11ème Promotion (2003/2004). Nous nous sommes fixés dès le départ certaines règles à respecter :

56 Nous n’avons pas la prétention à ce stade de connaissances des techniques propres à l’entretien d’explicitation de dire que les entretiens se sont déroulés selon cette technique.

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- la présentation claire du cadre dans lequel s’inscrivait cette recherche nous positionnant ainsi en tant que missionnée par un organisme de formation,

- celle de la démarche utilisée pour le déroulement de l’entretien, - le respect de la confidentialité et de l’anonymat, - l’utilisation de la reformulation « écho », lorsque nous souhaitions confirmer,

approfondir, récapituler certains points, - une attitude d’écoute et d’encouragement à l’expression, sans manifester ni

jugement ou évaluation.

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38

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Entretien H-F Tranche d’âge du référent

Ancienneté dans la fonction

de direction

Ancienneté dans la

fonction de référent de

stage

Parcours professionnel

Issu du concours Lieu d’exercice

et ancienneté dans le service

Personnels

Particularités

référent de stage

stagiaire(s)

Entretien exploratoire N° 1

H 35-40 ans 2 ans (9ème Promo)

1ère fois - Externe F Interne (CAE) 40

Entretien exploratoire N° 2

H 50-55 ans Plus de 10 ans

3ème fois Educateur pendant 16 ans

Interne H ou F fausse

externe H ou F

externe H ou F

externe

Hébergement (FAE)

-

Entretien N° 1

F 30-34 ans De 7 à 10 ans

(3ème Promo)

2ème fois - Externe

F Externe redoublante

H Externe

(CAE multifonction)

- Formatrice

Entretien N° 2

F 45-50 ans 3 ans (8ème Promo)

2ème fois Educatrice, CSE Interne F fausse externe H ou F

interne (+ 25 ans éduc)

(CAE) (de 1 à 5 ans)

- Formatrice en PTF pendant 6

ans

Entretien N° 3

H 40-44 ans 3 ans (8ème Promo)

2ème fois Educateur de jeunes enfants, éducateur PJJ

Interne H interne (47 ans) F externe

Hébergement (FAE)

(de 1 à 5 ans)

18

Entretien N° 4

H 3 ans (8ème Promo)

1ère fois - Externe F fausse externe

Hébergement (FAE)

-

Entretien N° 5

H 45-50 ans De 7 à 10 ans

(3ème Promo)

4ème fois Educateur Interne F Interne (39 ans) F fausse externe (30 ans) H interne (46 ans) F externe (38 ans)

(CAE, CER) (de 1 à 5 ans)

25 et CSE

Entretien N° 6

F 45-50 ans De 4 à 6 ans (7ème Promo)

1ère fois Educatrice Interne F Liste d’aptitude

Milieu ouvert (moins d’un an)

13

Page 40: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

40

Entretien H-F Tranche d’âge du référent

Ancienneté dans la fonction

de direction

Ancienneté dans la

fonction de référent de

stage

Parcours professionnel

Issu du concours Lieu d’exercice

et ancienneté dans le service

Personnels Particularités

référent de stage

stagiaire(s)

Entretien N° 7 H 30-34 ans De 4 à 6 ans (5ème Promo)

3ème fois Maîtrise de droit public, DESS

administration et gestion des

collectivités locales

Externe H externe (32 ans)

F Liste d’aptitude (+50ans) H Liste

d’aptitude (+50ans)

(CAE) (de 1 à 5 ans)

39 dont 2 CSE

fonctionnels et 1 CSE

extérieur non fonctionnel

Entretien N° 8

H 30-34 ans 2 ans (9ème Promo)

1ère fois - Externe H Externe (CAE) 38 dont 2 CSE

Entretien N° 9 F 45-50 ans De 4 à 6 ans (7ème Promo)

1ère fois Educateur CSE non fonctionnalisé

Interne H tableau d’avancement

(CAE) (de 1 à 5 ans)

- Educatrice référente, ESP, prise de fonction des directeurs, PTF dans le cadre de la formation des éducateurs et agents de justice

Entretien N° 10

H 45-50 ans De 4 à 6 ans (7ème Promo)

3ème fois DUEPS / maîtrise sciences de l’éducation, formation de formateurs

Interne F Externe (23 ans) F externe (25 ans) F externe (25 ans)

Hébergement (CPI)

(de 1 à 5 ans)

-

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Entretien H-F Tranche d’âge du référent

Ancienneté dans la fonction

de direction

Ancienneté dans la

fonction de référent de

stage

Parcours professionnel

Issu du concours Lieu d’exercice

et ancienneté dans le service

Personnels Particularités

référent de stage

stagiaire(s)

Entretien N° 11

F 50-55 ans 4ème fois Educatrice pendant une trentaine d’années

Interne H interne H Liste

d’aptitude, à deux ans de la retraite

jeune F externe (fausse externe)

F Liste d’aptitude, CSE

Hébergement (FAE)

-

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2.3.3. La délimitation de la recherche Dans l’enquête, menée entre avril et juillet 2004, seul le point de vue des directeurs référents est pris en compte. Il pouvait néanmoins paraître intéressant de croiser les représentations qu’ont les directeurs référents sur leur « pratique tutorale » avec celles des directeurs stagiaires. Mais, s’agissant d’un travail exploratoire sur la transmission des savoirs professionnels en stage pratique, l’objet d’étude a porté sur l’expérience de la fonction de directeur référent. Cette étude vise à produire des connaissances sur l’expérience menée par les directeurs référents, les activités professionnelles et pédagogiques qu’ils ont menées avec les stagiaires et leur contribution à la construction de situations d’apprentissage expérientiel. Nous partirons de l’expérience de directeurs référents dans ses dimensions singulières et individuelles pour l’exploiter. Nous nous attacherons principalement à la dimension éducative de la fonction de directeur, les dimensions politique et managériale ne seront qu’accessoirement abordées faisant l’hypothèse que celles-ci sont (ou peuvent) plus facilement être transmises (transmissibles) en centre de formation. Dans le but de formaliser par écrit des expériences de directeurs référents sous forme de fiches d’expérience, une démarche d’explicitation des pratiques tutorales a débuté, parallèlement et consécutivement aux entretiens menés avec les directeurs référents. La production des fiches d’expérience ne fera pas l’objet d’analyse dans ce mémoire de recherche. 2.3.3.1. Les limites de la recherche et les difficultés rencontrées Le directeur de la formation des directeurs et des cadres territoriaux, bien que fortement favorable à cette recherche, était très réservé quant à la démarche à adopter vis à vis des directeurs référents. En effet, les directeurs référents pouvaient émettre des résistances et des inquiétudes par rapport à cette étude57. Proposer une recherche sur la fonction de directeur référent pouvait être interprété comme une remise en question des missions professionnelle et pédagogique qu’ils exercent dans le cadre du dispositif de formation des directeurs en alternance. C’est bien toute la dimension du travail réalisé par ces professionnels de terrain qu’il s’agissait de valoriser. Qui mieux peut-être qu’une personne extérieure au département de formation des directeurs pouvait mener à bien cette recherche sans susciter des résistances de leur part ? 2.3.3.2. Le rapport entre la pratique exercée et les discours des professionnels L’intérêt de la méthode réside dans la verbalisation de professionnels autour de thématiques sur lesquelles ils ne se seraient (peut-être) pas exprimés spontanément collectivement. La question s’est alors posée de savoir « à quoi » a-t-on réellement accès en utilisant cette méthodologie plutôt qu’une autre. Il aurait été difficile de mener une recherche d’observation

57 D’autant plus que les directeurs référents allaient entrer dans une période charnière d’évaluation des stagiaires. La remise des notes d’évaluation étant fixée au 8 juillet 2004, cette question commençait à les « travailler », les rendant peut-être moins disponibles pour autres choses.

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de l’activité en conditions réelles d’exercice (temps impartis de la recherche, pas de budget, difficultés d’accès dans les services, etc.). Cette étude relève donc d’une analyse des pratiques (activités observées) et non de l’analyse de l’activité (observation directe des activités). Ce qui veut dire que ce qui est obtenu ici n’est pas ce que l’on obtiendrait par une observation des acteurs (référent de stage et stagiaire) en situation. Avec le recul par rapport à l’exploitation des résultats de recherche, deux questions émergent :

- faut-il parler de pratiques ou convient-il mieux de parler d’expériences sur ces pratiques,

- comment distinguer ce qui se dit de ce qui se fait de ce qui est fait réellement ? Nous avons fait le choix de rendre compte des informations recueillies auprès des professionnels en restant au plus près des situations vécues et rapportées par eux. Derrière la démarche utilisée, il y a des enjeux à expliciter. Les différents acteurs impliqués dans cette recherche sont porteurs d’enjeux (le chercheur, le département de formation des directeurs, les directeurs référents, les directeurs stagiaires). Clarifier les enjeux présents dans cette étude, auprès des acteurs concernés, ont constitué un préalable indispensable sans compromettre les retombées de cette étude. Cela présente l’avantage de faire exprimer les praticiens sur l’intérêt que représente pour eux-mêmes l’analyse de leur pratique.

« J’ai eu une pratique. Cela fait la troisième fois, pour autant je ne me suis jamais posé pour réfléchir à ma pratique en me disant, ma pratique c’est ça, ça et ça. Je ne l’ai pas formalisée. Je le fais de manière empirique. […] Quand effectivement je dis que c’est plus empirique que réfléchi, je le confirme, c’est plus dans le cadre de la discussion où vous m’amenez à formaliser les choses. » (entretien n° 7)

2.3.4. Regards sur la fonction de directeur référent Notre objectif étant, d’une part de répondre aux hypothèses de départ et, d’autre part, de proposer une grille d’analyse des modes de transmission des savoirs professionnels, nous devions partir d’une problématique et mettre en place deux procédures : l’une théorique, de réflexion sur le sujet choisi, et l’autre, pratique, d’investigation sur le terrain. L’enquête de terrain a visé à recueillir des éléments d’information sur le terrain, selon les étapes suivantes :

1. Organisation de deux entretiens exploratoires, 2. Diffusion de questionnaires auprès des directeurs référents de la 11ème promotion, 3. Organisation de onze entretiens.

Lors de l’exploitation des entretiens, seul un entretien n’a pu être retranscrit par écrit (entretien n° 6) en raisons de problèmes techniques (cassette audio inexploitable). Plusieurs entretiens avec des directeurs référents, et plus particulièrement ceux occupant la fonction de référent pour la première fois, sont restés très centrés sur leur fonction de direction malgré des tentatives d’ouvrir la question davantage sur les modes et processus de transmission. Sur l’ensemble des questionnaires envoyés, 30 questionnaires sur 67 envoyés nous sont revenus, ce qui représente un total de 31 % de réponses. Le recueil des données de l’enquête par questionnaire (graphiques) figure en annexe.

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Une lecture approfondie des trente questionnaires et treize entretiens58 permet une analyse transversale des représentations que les directeurs se font de la fonction de directeur référent de stage et des modes de transmission. 2.3.4.1. L’analyse du questionnaire et interprétation Les 30 directeurs référents59 ayant répondu au questionnaire – 9 femmes et 21 hommes – ont entre 25 et 50 ans, dont la majorité est comprise entre 45 et 50 ans. Leur ancienneté dans la fonction de direction va de 2 ans à plus de 20 ans pour les directeurs venant de l’interne et de 2 ans à 6 ans pour les directeurs venant de l’externe. Ils exercent pour la majorité d’entre eux en hébergement (avec bien souvent cumul avec un autre service, de milieu ouvert ou d’insertion). Les ¾ des directeurs venant de l’interne ont entre 1 an et 5 ans d’ancienneté dans le même service, trois directeurs de l’interne ont moins d’un an dans le même service, seul un directeur de l’interne a plus de 11 ans d’expérience dans le même service. Quant aux directeurs de l’externe, ils travaillent tous depuis moins de 5 ans dans un même service, ayant moins de 6 ans d’ancienneté dans la fonction de direction. Le taux d’encadrement moyen des 30 directeurs est de 16 à 20 personnel. La moitié des directeurs occupe la fonction de référent de stage pour la première fois. Pour les directeurs venant de l’externe, 5 sur les 6 occupent cette fonction pour la première fois, dont deux exercent la fonction de direction depuis seulement deux à trois ans, un seul directeur de l’externe est référent de stage pour la troisième fois. Ils sont 13 sur 24 directeurs venant de l’interne à exercer cette fonction pour la 2ème, 3ème, 4ème, voire 5ème fois (pour un directeur). 2.3.4.2. L’analyse des entretiens et interprétation Les 13 directeurs référents, participants à l’entretien, sont répartis en 4 profils de compétences (selon l’échelle de Dreyfus, telle qu’elle a été présentée dans le cadre théorique) : 1- Les directeurs « débutants » (2-3 ans d’ancienneté) : Ils sont trois directeurs issus de l’externe, avec deux ans d’ancienneté dans la fonction de directeur pour deux d’entre eux (9ème Promotion), et trois ans pour le troisième (8ème Promotion). Les trois directeurs référents accompagnent pour la première fois un stagiaire issu de l’externe (dont un fausse externe). Ils ont entre 30 et 35 ans. 2- Les directeurs « intermédiaires » (3 ans d’ancienneté) : Les deux directeurs issus de l’interne ont trois ans d’ancienneté (8ème Promotion) et ont tous les deux plusieurs années d’expérience en tant qu’éducateurs, voire également en tant que formatrice en PTF (Pôle territorial de formation). Chacun accompagne pour la deuxième fois un directeur stagiaire. Ils ont entre 40 et 50 ans. 3- Les directeurs ayant « la maîtrise » (entre 4 et 10 ans d’ancienneté) : Deux des trois directrices sont issues de l’interne (7ème Promotion), la troisième de l’externe (3ème Promotion). Une seule accompagne un directeur stagiaire pour la première fois, les deux autres occupent cette fonction pour la deuxième fois. Deux directrices référentes ont une

58 L’origine de cette étude et les éléments de méthodologie qui s’y rapportent ont été rappelés dans un précédent chapitre. 59 30 directeurs référents sur 67 ont répondu au questionnaire. La 11ème Promotion des directeurs (2003/2004) est composée de 67 directeurs stagiaires, et par conséquent de 67 directeurs référents.

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expérience en formation, l’une été formatrice dans une association, l’autre intervient toujours dans le cadre de la formation des directeurs (accompagne les études de situations des directeurs en prise de fonction). Elles ont entre 35 et 50 ans. 4- Les directeurs « expérimentés » (entre 4 et plus de 10 ans d’ancienneté) : Parmi les cinq directeurs, quatre sont issus de l’interne, avec trois directeurs de la 3ème Promotion, un de la 5ème Promotion (issu de l’externe) et un de la 7ème Promotion. Ils sont plusieurs à avoir exercé le métier d’éducateur pendant plusieurs années (16 ans pour un directeur, 30 ans pour une directrice). Un directeur a été recruté antérieurement à la mise en place du dispositif de formation des directeurs en 1992, celui-ci a reçu une formation à la prise de fonction de plusieurs semaines. Ils ont entre 30 et 55 ans.

Fonction de directeur Débutant Expérimenté

Fonction de référent Débutant 1 - Débutants 3 - La maîtrise

Expérimenté 2 - Intermédiaires

4 - Expérimentés

2.3.5. L’analyse transversale

♦ Le mode de désignation des directeurs référents A la question « comment êtes-vous devenu directeur référent ? », la réponse la plus fréquente est : « parce qu’on me l’a demandé ». Le directeur référent est désigné institutionnellement « par son directeur départemental, qui propose sa candidature à la Direction de la PJJ par le biais du directeur régional »60. Il peut également être sollicité par la formation des directeurs. Bien que les directeurs ne se portent pas spontanément volontaire, plus de la moitié des directeurs référents reconnaissent que cette sollicitation vient parallèlement à un souhait d’occuper cette fonction à un moment donné, même s’ils jugent que c’est toujours trop tôt pour eux, ou opposent une légère réticence face à la charge de travail supplémentaire.

« J’avais proposé d’accueillir un stagiaire directeur, car il n’y a pas de raison après quelques années de fonction, on est susceptible de devenir référent. » (entretien n° 1)

« Je souhaitais être référent, mais pas forcément tout de suite. Il se trouvait que le Pas de Calais n’avait pas trop de terrain de stage. Et donc, cela a été proposé au foyer. Mais cela m’intéressait au delà de ça. Il y a la règle des trois ans. Moi j’avais deux ans. […] Je pense que trois ans c’est bien. » (entretien n° 4)

« Je ne suis pas partie immédiatement dans l’idée de devenir volontaire. […] Je n’étais pas partie dans cette idée, car cela mobilise aussi. Et qu’en plus, j’étais déjà en surcharge de travail, être référent cela mobilise du temps. On me l’a proposé, les structures en capacité d’accueillir ce stagiaire étaient limitées. » (entretien n° 9) « Personnellement, cela m’a demandé une charge de travail supplémentaire assez importante, de par la disponibilité que j’estimais lui devoir, aussi je ne me sens pas de reprendre un stagiaire à la suite, même si cela s’avère instructif. » (Propos d’un directeur référent, 35-39 ans, 7 à 10 ans d’ancienneté dans la fonction de direction)

60 Projet de formation des directeurs. 2003.

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Face à la pénurie des lieux de stage, les services sont de plus en plus amenés à devenir structures d’accueil de stagiaires.

« Tous les ans j’en ai un, l’année prochaine aussi. Je m’étais dis que cela serait bien de faire une pause, mais visiblement il manque de lieux de stage. Sur pression amicale de Dominique Perigois61, j’ai toujours accepté d’avoir un stagiaire. » (entretien n° 5)

Pour les jeunes directeurs, « c’est un petit peu un pari de prendre un stagiaire dès la deuxième année de fonction » (entretien n° 8). Ils expriment quelques doutes sur leurs propres capacités à remplir cette mission.

« Je pensais bien qu’un stagiaire, c’était soit beaucoup de travail ou soit quelque chose de très enrichissant et de très intéressant. C’est la deuxième hypothèse qui s’est vérifiée cette année, tant mieux. » (entretien n° 8) « Cela fait trois ans que je suis directeur, la première année c’est compliqué de prendre un stagiaire parce qu’en même temps, on est en prise de poste. Je ne vois pas l’intérêt. » (entretien n° 3)

♦ Des stratégies sélectives dans la désignation ou le choix des stagiaires Rien n’oblige un directeur référent à se spécialiser dans l’accueil d’une catégorie particulière de personnes en formation. Ainsi un même directeur peut accompagner successivement des personnes d’origine fort différente (stagiaires issus de l’interne ou de l’externe, de la liste d’aptitude), des personnes jeunes ou expérimentées de par leur âge ou leur expérience professionnelle, ayant déjà une connaissance ou non de la PJJ. Dans la majorité des cas, peu leur importe finalement d’accueillir un stagiaire issu de l’interne ou de l’externe, à eux ensuite d’adapter la formation au parcours du stagiaire.

« Dans ma pratique en deux ans, je continue à penser que c’est bien d’avoir un stagiaire externe ou interne, peu importe, en soi sur le socle c’est après que je vais m’adapter au parcours du stagiaire et aussi là où il arrive, dans quel type de structure […]. » (entretien n° 3)

Nous avons rencontré quelques exceptions, ainsi ce jeune directeur, ayant deux ans d’ancienneté dans la fonction, issu de l’externe, qui a souhaité accueillir un (ou une) stagiaire issu(e) de l’interne pour des raisons précises :

« C’est un choix compliqué pour moi, je viens d’arriver, c’est un peu chaud. Il y a 5 unités à gérer, soit 40 personnes […]. « Cela faisait partie du deal » que le directeur stagiaire soit une personne du concours interne et bien classée afin que pour moi cela soit plus confortable pour avoir moins de boulot au niveau du suivi éducatif, pédagogique qu’avec une personne qui n’a pas déjà une expérience en tant qu’éducateur. Cela doit être plus un aménagement qu’un apprentissage complet de la fonction de directeur. » (entretien exploratoire n° 1)

Ou bien encore cette directrice référente qui a accueilli une jeune stagiaire issue de l’externe, suite à la demande de la formation des directeurs :

« On m’a proposé d’accueillir une jeune femme du concours externe qui était redoublante. […] On m’avait proposé de la reprendre sur le stage pratique de la 2ème année, en raison de ce qu’on pouvait présupposer de ma capacité à mieux être à l’écoute, de ses difficultés, de son parcours, etc. […] Etant moi-même issue de l’externe, ayant connu toutes les difficultés de positionnement, on a pensé que je pouvais l’aider utilement […]. » (entretien n° 1)

61 Dominique Perigois est le directeur de formation du département de formation des directeurs et des cadres territoriaux.

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Derrière ces critères de sélection et de désignation, se dessinent aussi les contours de configurations pédagogiques diverses qui expliqueront pour partie, plus tard, le type d’implication des directeurs référents dans leur mission, parmi lesquelles :

- être issu du même concours peut favoriser une compréhension commune et des points de vue convergents,

- qu’il soit issu de l’interne ou de l’externe, la formation s’adapte au parcours du stagiaire.

La formation des directeurs, avec l’appui des directions départementales et régionales – habilitées à donner leur agrément aux directeurs – recherche aussi l’adéquation lieux de stage / directeurs de service.

« Le stagiaire, un homme de l’interne, de 47 ans, mis en disposition pendant dix ans, il s’occupait de la politique de la ville. Quelqu’un qui était relativement très connu sur l’Ile-de-France, l’idée c’était de trouver un terrain de stage où le directeur référent ne le connaissait pas spécialement, j’étais l’homme de la situation. » (entretien n° 3)

♦ Une expérience en formation Plusieurs directeurs référents de l’interne occupent ou ont occupé des responsabilités en formation (en tant qu’intervenants ou formateurs). Trois directeurs de l’interne ont occupé la fonction d’éducateur référent à la PJJ auparavant, seule une directrice référente a occupé la fonction de formatrice en PTF pendant 6 ans. Cette directrice reconnaît que cela l’a beaucoup aidé dans l’exercice de cette fonction de référent.

« J’ai fait six ans de formatrice en PTF. Ce qui n’est pas non plus sans incidence sur la manière dont on aborde la fonction de référent de stage. Forcément il y a quelque chose de ce passé de formatrice qui resurgit. Educatrice bien sûr aussi. Mais dans la manière de le faire passer avec quelque chose de ce passé de formatrice. Il y a sûrement dans la manière dont j’accompagnais les groupes de stagiaires qui m’étaient confiés de formation initiale, un accompagnement très pédagogique. Et justement cet accompagnement qui prend en compte à la fois ce qui est de l’ordre du savoir et du savoir-faire mais aussi du savoir-être. » (entretien n° 2)

Le cas le plus spécifique est celui d’une directrice, qui, après quatre années d’ancienneté dans la fonction de direction (pour autant ce n’est que la première fois qu’elle est référente), accompagne les études de situation professionnelle des directeurs stagiaires en formation depuis 2 ans, ainsi que la prise de fonction des directeurs nouvellement en poste. En ce qui concerne la formation à la fonction de direction, un seul directeur, recruté antérieurement à la mise en place du dispositif de formation des directeurs en 1992, n’a reçu une formation à la prise de fonction que de quelques semaines. Pour l’enquête par entretiens plus précisément, quatre directeurs référents, ayant plus de trois ans d’ancienneté dans la fonction de direction, tous anciens éducateurs sauf une directrice issue de l’externe (ayant bientôt dix ans d’ancienneté dans la fonction de direction), basent leur apprentissage sur des compétences et une expérience professionnelle en pédagogie. Ces personnes s’appuient sur des courants et des approches pédagogiques en particulier (approche systémique, approche de résolution de problèmes, alternance théorie-pratique, analyse des pratiques professionnelles, etc.). Cela ressort très clairement lors des entretiens.

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♦ La légitimité du directeur titulaire pour occuper la fonction de référent de stage Les directeurs stagiaires peuvent être conduits à assumer une part de la fonction de référent de stage en étant directeurs référents à leur tour, après deux ans d’exercice de la fonction de direction au minimum. Il ne s’agit plus seulement d’une transmission intergénérationnelle (modèle compagnonnique traditionnel d’une personne expérimentée qui forme un jeune) dans le sens où l’expérience (dans le sens d’avoir de l’expérience) du directeur titulaire n’est plus reconnue comme la seule source de compétence. Le questionnement sur la place de l’expérience du directeur titulaire interroge aussi l’identité professionnelle du directeur référent : qui suis-je pour prétendre former les directeurs stagiaires, moi qui n’ai occupé la fonction de direction que quelques années, suffisantes toutefois pour exercer la fonction de référent ? Derrière la question identitaire, c’est celle de la légitimité qui se profile, avec celle de l’expérience acquise dans la fonction de direction.

La légitimité du directeur référent ne repose pas seulement sur l’expérience et le savoir faire acquis dans l’exercice de la fonction de direction. Cette légitimité est acquise par les différents acteurs qui interviennent dans la désignation des directeurs référents (le directeur départemental et l’équipe de formateurs du département de formation des directeurs), qui détectent également tout le potentiel formateur de ces professionnels aguerris ou jeunes recrues.

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La question de l’acquisition et de la transmission des compétences ne peut être abordée sans se mettre tout d’abord d’accord sur ce qui fait la spécificité des compétences et des savoirs d’expérience de la fonction de direction. En effet, c’est à partir des caractéristiques propres aux compétences et aux savoirs d’expérience des directeurs référents et des directeurs stagiaires que l’on pourra approfondir la question de leur développement. Pour traiter des dynamiques de transmission professionnelle, cette partie sera construite en deux chapitres :

- ce premier chapitre « la construction d’un apprentissage expérientiel », faisant le point sur les différentes questions autour du sujet,

- le deuxième chapitre « une tension entre professionnalisation et construction de

l’identité professionnelle » reposant sur les caractéristiques du processus de professionnalisation et de construction identitaire.

3.1.1. Que recouvre la notion de transmission pour les directeurs référents ? Le questionnaire a permis de souligner l'importance accordée à cet accompagnement tutoral. A la question « Quelles étaient vos motivations pour devenir référent de stage ? », les réponses sont éclairantes et viendront confirmer les « dires » des directeurs lors des entretiens. - Pour les directeurs issus de l’interne, il s’agit avant tout de « transmettre des valeurs et une culture professionnelle » (30%), ensuite de « rester dans une dynamique de formation et de questionnement sur votre pratique professionnelle » (28%) puis vient en troisième position « Faire partager l’expérience de votre pratique » (31%). - Les directeurs issus de l’externe, ayant tous moins de 6 ans d’ancienneté dans la fonction de direction, c’est avant tout « Rester dans une dynamique de formation et de questionnement sur votre pratique professionnelle » (27,5%) à égalité avec « Faire partager l’expérience de votre pratique » (27,5%), la réponse « transmettre des valeurs et une culture professionnelle » étant reléguée en dernière position (11%). Cela prouve, s’il en était, qu’étant eux-mêmes encore dans une phase de construction de leur identité professionnelle, ils peuvent difficilement au bout de deux à trois ans d’expérience transmettre des valeurs et une culture professionnelle.

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♦ Les jeunes directeurs Pour les jeunes directeurs titulaires (plus particulièrement ceux qui occupent la fonction de direction depuis seulement deux-trois ans), « c’est difficile de dire qu’on transmet. C’est plus un partage d’expériences » sur « des temps forts » (entretien n° 4), « des expériences initiatiques » (entretien n° 8). Il s’agit plus d’un co-apprentissage et d’un partage d’expériences et de connaissances que d’une transmission professionnelle dans le sens où ces jeunes directeurs sont encore dans une phase de construction de leur professionnalité :

« Moi, je suis assez attaché à cette notion de partage d’expérience. » (entretien n° 4) « Je suis plus sur le partage d’expérience, très clairement. Transmission oui, accessoirement. Au bout d’une année, on apprend beaucoup de choses en un an. La première année, on apprend énormément, c’est massif. Il faut ingurgiter très très vite pour pouvoir se positionner très très vite. Tout cela, je lui ai refilé. Ces petits tuyaux, ces astuces, c’est de la transmission pure mais quand même en général, je n’ai pas la prétention. » (entretien n° 8)

Ce partage d’expérience repose sur une co-construction identitaire professionnelle62.

« Ce que je lui ai transmis, c’est plutôt ce que je lui ai appris. Sûrement des morceaux de savoir-faire, je dis des morceaux parce que cela fait deux ans que je suis là. Je suis encore en train de construire mon identité professionnelle. Donc, c’est difficile de dire qu’on transmet. » (entretien n° 4)

Ces jeunes directeurs peuvent plus facilement partager des situations avec des directeurs stagiaires qu’avec d’autres directeurs déjà en poste.

« La fonction de direction, qu’on exerce habituellement seul, a du mal à être partagée. » (Propos d’un directeur référent) « Il y a des enjeux avec les autres directeurs de service. Il y a des choses qu’on peut partager, on a des combats communs puis dans d’autres moments on a des enjeux qui ne sont pas forcément personnels mais qui sont aussi professionnels. » (entretien n° 8)

C’est un enrichissement réciproque :

« On évolue ensemble, dans l’interaction, c’est surtout cela, dans l’analyse de situations. Un directeur n’a jamais cela dans le quotidien. Quand il n’a pas de directeur stagiaire, il n’a jamais personne pour partager des situations au quotidien. C’est un enrichissement réciproque.» (entretien n° 8)

Tous les deux (référent/stagiaire) se comprennent et sont sur la même longueur d’onde, ils occupent une position d’égal à égal. Etre issu du même concours (concours interne ou externe) ou de la même génération peut favoriser un échange et un partage d’expériences et de points de vue complémentaires. Dans les deux cas suivants, ils sont tous les deux issus de l’externe.

- Dans le cas présent, le directeur référent (30 ans) a trois ans d’ancienneté dans la fonction de directeur, il occupe la fonction de référent de stage pour la 1ère fois et accueille un jeune stagiaire (25-30 ans) :

« On a la chance d’avoir des points de vue, des convictions qui sont assez complémentaires, assez cohérentes. Cela aurait pu très mal se passer si on n’avait pas été d’accord sur des fondamentaux, plus

62 Nous reviendrons plus en détail dans le chapitre suivant sur ces questions de construction identitaire et de professionnalité.

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sur l’engagement dans la PJJ auprès des mineurs qui nous sont confiés. C’est plus là qu’on se rejoint. Ensuite sur l’exercice de la fonction de directeur, elle a son style qu’elle est en train de dégager, moi j’ai le mien. La force qu’on a eue, je ne sais pas si c’est le fait qu’on soit de la même génération ou tous les deux externes, mais en tout cas, on a toujours pu parler de nos accords, nos désaccords et tout mettre en débat. » (entretien n° 4)

- Ici, la directrice référente (36 ans) a dix ans d’ancienneté dans la fonction de direction, elle occupe la fonction de référent de stage pour la 2ème fois et accueille une jeune stagiaire redoublante (23 ans) :

« J’étais étonnée de constater que j’avais en face de moi quelqu’un qui comprenait, qui avait réfléchi, qui avait fait elle-même son autocritique. Et ce que je lui ai expliqué, elle a compris avec moi des choses qu’elle semblait ne pas avoir compris auparavant. » (entretien n° 1)

Un des points qui revient souvent chez tous les directeurs référents (et plus particulièrement chez les jeunes directeurs) c’est ce besoin d’échanger et de nouer des contacts professionnels et relationnels privilégiés avec les stagiaires.

« C’est un petit peu un pari de prendre un stagiaire dès la deuxième année de fonction. Je pensais bien qu’un stagiaire, c’était soit beaucoup de travail ou soit quelque chose de très enrichissant et de très intéressant. C’est la deuxième hypothèse qui s’est vérifiée cette année, tant mieux. » (entretien n° 8)

Les directeurs référents soulignent qu’ils apprennent beaucoup eux-mêmes en étant en contact avec des stagiaires qui possèdent des connaissances différentes des leurs. Cette interaction contribue à augmenter leurs connaissances.

« Il y a eu une rencontre professionnelle : je peux le dire maintenant puisqu’on est en fin de formation pour la 2ème année […]. Donc, à chaque fois une rencontre professionnelle fort intéressante avec des regards interrogateurs et pas intrusifs, et en plus l’intérêt c’est que c’est deux parcours différents, donc cela m’a permis de voir aussi comment on accompagnait un directeur stagiaire selon leur propre parcours et leur représentation qu’ils ont de la prise en charge des jeunes. Parce que je me rends compte que ce n’est pas du tout la même effectivement, c’est là que les différences arrivent quand on est de l’interne ou de l’externe. » (entretien n° 3)

Cette expérience tutorale valorise les directeurs référents – qu’ils soient jeunes ou expérimentés – puisqu’elle constitue une forme de reconnaissance de leurs compétences. Si les directeurs débutants dans la fonction de direction sont tentés de transmettre par des conseils et de manière empirique l’expérience qu’ils ont acquise au fil des deux à trois années passées, ils doivent néanmoins apprendre à mettre en place des stratégies d’apprentissage adaptées, en s’appuyant notamment sur des outils parmi lesquels le point fixe.

« On a du se recentrer sur le point fixe, parce qu’au départ tous les jours il y avait un point fixe. […] Et puis du coup, on s’éparpillait un petit peu. J’ai du recentrer un petit peu : une fois par semaine on prend deux heures, c’est utile ça. » (entretien n° 4)

♦ Les directeurs expérimentés63 Pour les directeurs référents ayant plus de trois ans d’expérience de la fonction de direction (et ayant été auparavant éducateurs), être référent de stage c’est à la fois la possibilité de

63 Par commodité et sauf mention contraire, nous emploierons le terme d’expert ou d’expérimenté en opposition aux directeurs débutants ayant moins de trois ans d’ancienneté dans la fonction de direction.

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transmettre une professionnalité, mais également de participer à son tour au dispositif de formation.

« Le choix de ma part c’est de permettre un autre regard […] j’ai trouvé cela intéressant d’avoir un stagiaire, d’avoir quelqu’un qui vient en même temps pour qu’on lui transmette des savoirs. » (entretien n° 3) « La transmission, c’est quelque chose qui m’intéresse beaucoup. J’ai l’impression en tant que directrice référente, je participe complètement au dispositif de formation. J’ai vraiment l’impression d’y appartenir. Il y a un aspect de la formation qui se déroule à Vaucresson, mais il y a un autre aspect qui se déroule sur les terrains. Et j’ai vraiment l’impression d’être une pièce de ce dispositif de formation. Et en plus cela me paraît être quelque chose quand on est un professionnel complètement normal de transmettre des choses et aussi de se faire remettre en cause dans ces choses qu’on transmet. » (entretien n° 2, ancienne formatrice en PTF)

Etre référent de stage, c’est aussi la possibilité d’aborder la question de la transmission avec les directeurs stagiaires :

« C’est vrai que j’aborde cette question de la transmission. Quelles sont aussi les attentes du stagiaire ? Cela on en discute, cela ne veut pas dire que j’y réponds. On échange aussi là-dessus. Les attentes vis-à-vis de moi, du rôle du directeur référent, y compris des choses sur comment je transmets, suis-je trop directive, [ou est-ce que je] ne laisse pas suffisamment de place ? Je trouve que c’est très intéressant de parler de tout cela. » (entretien n° 2, ancienne formatrice en PTF)

♦ La lettre de mission Quel est alors le socle commun de la transmission pour tous les directeurs référents ? Si ce n’est finalement les missions de la fonction de direction telles qu’elles sont déclinées dans la fiche de fonction du directeur et concrétisées par la lettre de mission adressée au directeur de service et d’établissement par le directeur départemental au moment de sa prise de fonction (cf. annexe).

« Le socle de la transmission du savoir, un historique à partir du FAE et dans le cadre des orientations et des missions qui me sont imparties au niveau départemental, la transmission reste la même. Je transmets ce qui doit être fait, pourquoi cela doit être fait et dans quel cadre cela doit être mis en place : la lettre de mission que moi j’ai. » (entretien n° 3)

Le directeur titulaire (référent) transmet au directeur stagiaire des savoirs et des compétences professionnels reconnus au niveau institutionnel dans la fiche de fonction du directeur de la PJJ selon un parcours de formation et des objectifs pédagogiques adaptés au parcours du directeur stagiaire. Ce qui n’empêche pas ce même directeur de préciser que le directeur stagiaire n’est pas là (en stage) pour lui faire faire un travail mais un parcours de formation. Les missions de la fonction de directeur référent de stage sont déclinées dans le projet de formation. Certains directeurs titulaires (référents) adressent une lettre de mission au directeur stagiaire, perpétuant ainsi le système de légitimation et de reconnaissance professionnelle et institutionnelle qu’ils ont également connu.

« Moi, je ne donne pas une lettre de mission au stagiaire, puisque je n’ai pas à leur faire faire effectuer un travail c’est à eux d’effectuer un parcours de formation. Je n’ai pas de mission à donner, parce que sinon je lui dirais tel dossier tu le fais et tu me l’aboutis jusqu’au bout. Le risque de la formation cela serait que s’il n’aboutit pas pour X raisons, le risque de l’évaluation c’est dire tu n’as pas abouti, donc

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c’est pas bien. Or il y a plein de paramètres qui vont faire qu’on aboutit ou pas dans les délais impartis, et bien souvent on n’aboutit pas, parce que c’est long, il y a du débat. […] J’entends mes collègues qui donnent une lettre de mission sur le niveau national au stagiaire, moi ce n’est pas rentrer dans une phase de formation. Après la lettre de mission, ce sera les objectifs qu’on se donne nous comme directeur référent et stagiaire et qu’on nous a donnés. » (entretien n° 3)

La formation en stage pratique est basée sur le dispositif de formation tel qu’il est décliné dans le projet de formation, avec les trois périodes de stage : stage d’observation, stage d’expérimentation, stage de responsabilisation.

« On définit la trame de là où l’on veut aller. Et après c’est le stagiaire qui doit se coltiner tout seul la manière dont il va vouloir faire avancer les choses. La trame : pour moi, c’est telle que le stage pratique est décliné actuellement. La première partie me plaît bien : l’observation, où l’on demande rien au stagiaire, juste d’avoir des points de repères. » (entretien n° 5)

3.1.2. L’essentiel à transmettre Y a-t-il des façons différentes de transmettre selon l’âge et l’expérience acquise en tant que directeur ? Quels sont les enjeux présents dans la transmission de savoirs entre directeurs de l’interne et de l’externe, entre experts et jeunes recrues ? Quelles sont les conditions qui favorisent la transmission de connaissances ?

♦ Des outils ou des valeurs à transmettre - Les jeunes directeurs référents transmettent plus facilement des outils utiles à la fonction de direction, à travers l’expérimentation et l’appropriation de ces outils en fonction des opportunités qui se présentent, que ce soit pour la réunion d’équipe, la régie d’avance, le courrier, les tableaux de bord, Game, Cobra, micado, le suivi financier ou le budget, etc.

« Cela a été progressif, qu’elle s’approprie les outils. [La stagiaire] avait très peur des tableaux de bord, de Game, de Cobra, du suivi financier. Le stage, cela lui a permet de s’affranchir ces outils là. Elle a vu comment cela fonctionnait. Donc, elle a une petite maîtrise maintenant des tableaux de bord. Cela lui fait moins stresser. Et puis à la fois, elle a pu y mettre un sens. […] Elle a vu ce que cela pouvait apporter à l’administration, ce que cela peut apporter à l’équipe aussi parfois de faire un retour sur où on en est par rapport aux orientations que la centrale nous donne. Il y a eu toute cette phase d’apprentissage autour des outils. C’était plus par rapport aux opportunités qui se présentaient pour les utiliser. » (entretien n° 4)

« C’est plutôt de la transmission au niveau de l’outillage. C’est une énorme lacune au niveau de la formation initiale. Cela ne se fait pas du tout à Vaucresson. Il n’y a aucun TD. On ne se met pas autour d’une table pour se dire comment on fait un budget. » (entretien n° 8)

« Le stagiaire arrive avec ses outils lui aussi. Il arrive avec son expérience, même si c’est qu’une expérience d’université, cela peut servir. Il peut amener des outils de gestion, ou des points de vue sur la pédagogie qui peuvent faire un petit peu avancer les choses. » (entretien n° 4) « Je les mets très rapidement en situation pratique. Exemple, la gestion budgétaire. Très rapidement, dès le 1er stage, dès la 1ère session, ils font Game, Cobra, comment je rentre les régies, comment je les transmets à la direction départementale. » (entretien n° 3)

- Les directeurs stagiaires sont demandeurs d’outils, il n’en reste pas moins vrai que pour certains directeurs référents (expérimentés), l’apprentissage de ces outils ne doit pas représenter l’essentiel de la formation.

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« Au départ, les stagiaires ont beaucoup tendance à vouloir des outils, des supports, parce c’est vrai que cela rassure, etc. Moi, ce que j’essaie de leur montrer c’est que ce n’est pas si terrible que cela. Il faut aller au-delà de cela, quelles sont véritablement les questions que je me pose par rapport à une future prise de fonction. » (entretien n° 2)

« On peut leur donner des outils, on peut leur donner des valeurs. Des outils, mais surtout des valeurs qui sont les nôtres, après elles ne sont pas forcément les meilleures. » (entretien n° 11) « Les outils, on les a apportés en même temps. C’est difficile sinon. Quand il arrive, moi je les manipule les outils, les dispositifs. J’ai des stratégies, mais dans le même temps et en faisant en sorte que les outils ne viennent pas prendre le pas sur les interrogations sur le reste qui est essentiel. Souvent, on nous demande de plus en plus d’outillage et puis on oublie l’essentiel, comment on travaille avec soi. […] Au niveau des outils, c’est par pallier. Je lui donne au fur et à mesure. Dans le même temps. Tout va de pair, mais je crois que dans ce que j’ai mis en scène et qu’il a vu, il a vu que l’autre registre est important. » (entretien n° 9)

« Ce qui me paraît essentiel de travailler tout le temps, plus que les outils, c’est dans un premier temps c’est l’exercice de l’autorité. […] C’est en travaillant l’exercice de l’autorité […] qu’on peut le moins se laisser surprendre et être plus en capacité effectivement de faire face à cette dimension du travail du directeur, qui n’est pas réellement, forcément autant développée que ce que l’on appelle les outils, les dispositifs, etc.» (entretien n° 9)

♦ Des outils « pratico-pratiques »

Il y a aussi les outils que chaque directeur s’est constitué personnellement.

« […] chaque directeur dans son service a toute une série d’outils pour fonctionner. Il y a les outils de la manière de gérer son service, mais aussi des outils qu’il s’est fabriqué tout seul (contrôle des mesures, etc.). Il le montre au stagiaire pour que après lui applique ce modèle ou en prenne un autre, mais qu’en tout cas qu’il ait vu comment ça fonctionne par rapport aux congés…Tous les outils pratico-pratiques d’un directeur de service […]. » (entretien n° 5)

Face à la pression gestionnaire et au renforcement des tâches administratives qui accaparent les directeurs, les directeurs sont partagés entre d’un côté la transmission d’une culture administrative et gestionnaire et de l’autre le cœur de métier : l’action éducative. Est-ce à dire que les directeurs débutant dans la fonction de direction (et de plus issus de l’externe) sont plus enclins à transmettre cette culture administrative et gestionnaire, au détriment du champ traditionnel lié à l’action éducative ? C’est peut-être plus complexe dans le sens où, certes chaque directeur acquiert un « bagage expérientiel », mais la pratique de la fonction de direction est soumise à un contexte institutionnel et social particulier et à des transformations organisationnelles et à des réformes, se marquant en autre par un recentrage de l’institution sur la fonction gestion et sur le management. « Le directeur de service subit, au premier chef, la tension entre ces [trois dimensions : l’éducatif, le judiciaire, l’administratif], c’est-à-dire entre les pouvoirs qui traversent l’institution. »64

« Que ce soit un interne ou externe, c’est une intuition que j’ai, je ne suis pas certain d’être un directeur référent qui axe beaucoup de son intervention en tant que directeur référent et directeur de service sur la dimension éducative. J’ai l’impression qu’une fois qu’on a annoncé le fait qu’on est dans une administration éducative, une fois qu’on l’a simplement énoncé, à mon sens cela doit suffire. Alors,

64 DANIEAU KLEMAN, Colette ; DUGUE, Elisabeth ; MALOCHET, Guillaume. L’exercice des fonctions de directeurs à la Protection judiciaire de la jeunesse. Rapport intermédiaire. CNAM, juillet 1994, p. 12.

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c’est peut-être un peu violent ce que je suis en train de dire là mais je le ressens comme cela. […] Il me semble que mon administration attend de moi que je transmette un certain nombre de choses de l’ordre de la fonction de direction, […] tout ce qui fait le cœur de la fonction de direction : diriger [un service], […] au sens management du terme. Et d’ailleurs le contexte me donne raison dans cette analyse. De plus en plus, on est dans une administration où la dimension de gestion est importante en terme de communication, de contrat d’objectif et de moyen, [avec] la Lolf, la réforme de l’Etat […]. En même temps, je n’ai jamais eu de directeurs stagiaires qui soient complètement de l’externe. C’est-à-dire qui n’ont pas eu à découvrir le public d’une manière ou d’une autre. Peut-être que si on me proposait un stagiaire comme cela, je changerais peut-être d’avis et je dirais qu’il faut développer ce qu’est la dimension éducative dans cette administration. » (entretien n° 7).

♦ L’animation d’équipes

La fonction de direction, c’est avant tout animer et manager une équipe.

« Sur ces deux ans, les deux stagiaires qu’ils soient à l’interne ou à l’externe ont eu la possibilité, puisque je donne plutôt la possibilité ou je vais leur faire faire des choses qui moi vont me permettre de faire des dossiers plus politiques, et donc je les mets sur la question de l’accompagnement des équipes en terme pédagogique. En réunion, depuis les stages d’expérimentation, ils sont en animation d’équipe. On prépare les réunions. Généralement je laisse les stagiaires au regard des événements de la semaine et des dossiers en cours, faire l’ordre du jour, avec qui je discute, et je rajoute s’il le faut, des points qui auraient été oubliés ou pas connus, ou pas transmis. […] Dans la manière dont je mène ma référence, […] je les mets très vite sur le terrain, sur la question de l’accompagnement des équipes. » (entretien n° 2)

Les directeurs stagiaires arrivent dans des structures où il y a « un phénomène institutionnel » classique de « groupes d’éducateurs » qui sont là souvent depuis plus longtemps que le directeur titulaire et de fait imposent leurs habitudes de travail. Il est difficile pour le directeur titulaire et donc encore plus difficile pour le directeur stagiaire d’imposer son autorité. C’est une des composantes de l’exercice de la fonction de direction de la PJJ. De ce fait, former le directeur stagiaire à animer l’équipe d’un service est en soi un défi managérial conséquent, mais aussi un « rite initiatique » incontournable pour tout nouveau directeur.

« L’essentiel d’un directeur qui arrive c’est de pouvoir accompagner les équipes et de les conduire dans toutes les réformes […]. Parce que souvent ils ne sont pas d’accord ou en tout cas ça leur change forcément leurs habitudes de travail. On est dans le phénomène institutionnel assez classique, groupes d’éducateurs, je ne parle pas de l’équipe éducative, je parle de groupes d’éducateurs qui sont en force en hébergement […]. D’autant qu’historiquement ils sont depuis vingt ans dans la structure pour trois d’entre eux. » (entretien n° 2)

♦ La technicité professionnelle

Une partie de la technicité professionnelle de la fonction de direction se fonde sur la relation avec les jeunes et l’équipe, le directeur de service étant le lien. On peut ainsi rappeler une des questions posées lors de la rencontre des directeurs référents en mai 2004 : « Comment transmettre au stagiaire la possibilité d’être le tiers dans une relation ? »

« Moi je pense que l’important dans la fonction de direction, c’est l’écoute, l’échange et c’est pas forcément l’administratif, même s’il faut en faire de l’administratif, j’ai pas dit qu’il fallait pas en faire. L’administratif, cela s’apprend plus vite sur le tas que la façon de prendre les gens et de les amener à faire ce qu’on pense qu’il faut qu’ils fassent. Moi, ce que je peux faire, c’est leur montrer ma façon de faire en leur disant c’est sûrement pas la seule façon de faire, c’est pas la meilleure, mais c’est ma façon de faire à moi. » (entretien n° 11)

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« Tout ce qui est administratif, financier peut être traité en formation. […] Ce qui est compliqué, ce sont les relations humaines, très très important sur le lieu de stage. C’est une valeur importante qui ne doit pas changer. » (entretien exploratoire n° 2)

Nous retrouvons là un des dossiers importants traités dans le cadre du stage pratique : l’animation d’équipes. Les directeurs référents transmettent aux futurs directeurs ce qu’il est important de connaître de la PJJ. Cela concerne principalement l’exercice de l’autorité, l’animation d’équipes.

♦ L’exercice de l’autorité

« Ce qui me paraît essentiel de travailler tout le temps, plus que les outils, c’est dans un premier temps c’est l’exercice de l’autorité. […] Je me rends compte que c’est là qu’ils sont le moins préparés. On est dans des équipes, qui essayent temps bien que mal de gérer ses difficultés, ses conflits et que du coup eux-mêmes peuvent être à un certain moment en train de reproduire certains comportements avec l’autorité qu’eux-mêmes essayent de se coltiner avec les jeunes. La grande difficulté qu’ont eu les jeunes directeurs, c’est de se confronter au conflit d’équipe, au phénomène de groupe d’une équipe. Parce qu’ils étaient partis dans l’idée que parce que c’était une équipe de professionnels avertis, expérimentés, ils n’auraient pas avoir affaire à ce type de problème alors que ce n’est pas du tout le cas, ces éducateurs très expérimentés, en situation professionnelle avec les jeunes ont une attitude professionnelle et face à une autorité, dans un groupe, ils peuvent avoir un comportement des fois aussi caractériel, aussi en réaction, aussi anti-hiérarchie, etc. Et c’est en travaillant l’exercice de l’autorité, un positionnement, une analyse de ce qui peut se passer dans des propos, une analyse institutionnelle qu’on peut le moins se laisser surprendre et être plus en capacité de effectivement faire face à cette dimension du travail du directeur, qui n’est pas réellement, forcément autant développée que ce que l’on appelle les outils, les dispositifs, etc. » (entretien n° 9)

3.1.3. La transmission varie selon l’expérience ♦ Les directeurs titulaires issus de l’externe

« Etant moi-même issue de l’externe, ayant connu toutes les difficultés de positionnement. On a pensé que je pouvais l’aider utilement, lui faire passer un certain nombre de messages, concernant le positionnement professionnel, la relation éducative, comment se poser face à une équipe quand on n’a pas été éducateur soi-même, etc. » (entretien n° 1)

♦ Les directeurs titulaires issus de l’interne « En tant qu’éducateur, c’est là où j’ai pris conscience avant d’être directeur de la question du fonctionnement réglementaire, du cadre d’intervention de la PJJ. […] La mise en œuvre de l’action éducative est forcément reliée à des règles de fonctionnement. C’est aussi ça que je transmets, la notion de temps n’est pas du tout la même pour un directeur et pour un éducateur au même titre que celle d’un hébergement, d’un foyer n’est pas du tout le temps de la juridiction. Le temps judiciaire n’est pas du tout le même que le temps éducatif. Ça c’est très théorique, mais sur le terrain, cela se voit tout de suite. Ce sont des réformes comme cela, le tout c’est de l’expliquer. […] Cela vient bien d’une conception personnelle de la question réglementaire, même si je m’appuie sur les textes et qu’ils ne sont pas discutables, cela vient bien que c’est un point d’appui moi de la fonction de direction. Donc je pense que je transmets énormément effectivement. Et d’ailleurs les stagiaires me le renvoient à chaque fois. » (entretien n° 3) « Je pense qu’un des accents sur lequel je me suis attachée c’est qu’il faut travailler cette manière d’être, cette manière d’entendre, de gérer, d’animer qui va avoir des effets après sur tous les événements à

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venir. C’est quelque chose, là pour le coup ma formation d’éducatrice m’a beaucoup aidé, je crois que j’ai fait facilement le lien sur les acquis transposables de ce que le métier d’éducatrice m’avait appris avec les jeunes des familles et des groupes et de ce que j’ai du réutiliser et pu réutiliser au niveau de la gestion d’équipe. » (entretien n° 9)

♦ Les directeurs stagiaires Pour les directeurs, l’apprentissage pédagogique et professionnel est essentiellement adapté au parcours et à la personnalité du stagiaire. La méthode pédagogique reste la même.

« Sur la transmission des savoirs, […] pour la 1ère année, plus des savoirs d’adaptation à l’évolution de l’institution, pour la 2ème année, plus une transmission de savoirs éducatifs, puisque cette personne vient de l’administration pénitentiaire, elle avait des fonctions de SPIP, donc pas du tout la dimension éducative. Et puis, une non connaissance de la PJJ. La 1ere année, c’est un peu plus complexe puisque la personne connaît très bien la PJJ, pour y avoir travaillé dedans depuis les années 70, puisqu’il était parti depuis une dizaine d’années, il y a eu un travail de réajustement sur comment avait évolué cette institution, les réformes en cours et aussi les mesures publiques. » (entretien n° 3)

« […] qu’on est obligé quand on est directeur référent d’adapter son attitude à la personne qu’on a en face de soi aussi. Il y a des choses que la stagiaire pouvait faire, sans aucune difficulté que n’aurait pas forcément pu faire un jeune directeur de l’externe. Elle avait une connaissance des magistrats de la justice des mineurs, des OPP, des ordonnances… » (entretien n° 11)

« On a fait le choix, puisque c’est une stagiaire de l’interne, qui connaît l’hébergement puisqu’elle y a travaillé, qu’elle s’implique sur le milieu ouvert et exclusivement sur le milieu ouvert. Elle m’a accompagné pour essayer de voir ce qu’est un comité de pilotage, une réunion de service, mais elle n’a pas été en position de délégation sur le CER. Pour les précédents, ils y ont été, parce que eux l’hébergement n’était pas forcément quelque chose de bien connu de leur part. » (entretien n° 5)

« Dans ma pratique en deux ans, je continue à penser que c’est bien d’avoir un stagiaire externe ou interne, peu importe, en soi sur le socle c’est après que je vais m’adapter au parcours du stagiaire et aussi là où il arrive : dans quel type de structure, et où en est la structure, cela joue aussi beaucoup. » (entretien n° 3)

« C’est la même méthode que j’aurais employé pour un interne. La méthode aurait été la même, pas le contenu, ni bien sûr le résultat. » (entretien n° 8)

3.1.4. D’un métier complexe à transmettre à la transmission complexe d’un métier L’apprentissage du métier de direction s’inscrit dans le temps et est influencé par le parcours professionnel. Dans le métier, tous reconnaissent l’importance du temps et de l’expérience pour devenir directeur de service. Bien que les avis différent selon les directeurs, tout le monde s’accorde à dire que la fonction de direction est un métier complexe et que ça prend plusieurs années pour le maîtriser. Comment les directeurs référents s’y prennent-ils pour transmettre ce métier complexe ? L’analyse des entretiens et des questionnaires a permis de distinguer différentes formes de transmission selon la complexité des situations de travail dans lesquels les directeurs référents novices ou expérimentés placent les directeurs stagiaires.

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- Les jeunes directeurs référents dispensent plus facilement des informations sur des outils utiles à la fonction de direction, partant ainsi plus facilement de l’apprentissage de ces outils pour évoquer différentes situations éducatives complexes. - Quant aux directeurs référents expérimentés, ils arrivent plus facilement à transmettre des connaissances et des éléments de savoirs en les contextualisant au regard de la complexité du travail éducatif, leur discours renvoie à « la connaissance intime de situations particulières, complexes mais concrètes, qu’ils avouent maîtriser pour en avoir rencontré déjà des centaines »65. Certains directeurs se rapprochent ainsi d’un mode de « transmission pédagogique », au sens de « je sais comment je sais et je sais le faire savoir » au stagiaire. Si on demande aux directeurs référents expérimentés d’expliquer « comment ils s’y prennent » pour former leur(s) directeur(s) stagiaire(s) en stage pratique66, leurs réponses lors des entretiens sont plus détaillées et plus fines que pour les jeunes directeurs, qui, s’ils sont partant pour échanger sur leur (nouveau) métier, n’ont pas encore assez de recul par rapport à leur pratique professionnelle67.

♦ La marge d’autonomie d’apprentissage Cette attitude se caractérise par la volonté des directeurs référents que les stagiaires essayent plusieurs choses sans avoir quelqu’un à côté d’eux : procéder par essais et erreurs, ne recourir à une aide que ponctuellement, etc. Certains directeurs référents ayant cette attitude préfèrent même que les stagiaires fassent des erreurs plutôt que d’aller poser une question. Faisant ainsi que les moments difficiles du travail soit perçu aussi comme des opportunités d’apprendre. Pour autant, les jeunes directeurs référents veulent être tenus au courant des décisions prises pour que la situation ne leur « échappe » pas et que l’un ou l’autre ne se retrouve pas dans une situation délicate. - Les jeunes directeurs référents semblent dispenser des façons de transmettre plus directives en impliquant moyennement les stagiaires dans les projets, afin de ne pas rencontrer des difficultés qu’ils (lui-même ou le directeur stagiaire) n’auraient pu anticiper. Pour autant, ils soutiennent les suggestions des stagiaires et les guident dans leur(s) action(s) en recadrant éventuellement, sans toutefois donner un dossier de bout en bout au stagiaire.

« Durant la semaine, on se voit très peu. Je souhaite seulement être au courant des décisions prises. De ce qu’elle m’a donné à voir, cela marche bien. Elle a une liberté, pas suffisamment pour être dans l’insécurité, mais une marge de mise en pratique. […] Il peut arriver que je recale les choses en réunion d’équipe, mais toujours est-il que je la laisse se planter un peu. C’est un apprentissage par essais/erreurs. » (entretien exploratoire n° 1) « En général, je préfère expliquer un petit peu clairement là où on va, les délégations, mais bon je laisse aussi une marge de manœuvre au directeur stagiaire, il y a des fois où progressivement dans l’année pas tout de suite où il a la liberté de faire telle ou telle chose, il m’en a rendu compte après, pour moi c’est pas gênant. C’est une relation de confiance qui s’établit petit à petit, on laisse de plus en plus de marge de manœuvre. » (entretien n° 8)

65 MARC, E. (dir.) ; GARCIA-LOCQUENEUX J. (dir.). Guide des méthodes et pratiques en formation. Paris, Retz, 1995. p. 283. 66 Notons que nous sommes alors dans un méta-niveau de prise de conscience. 67 Nous y reviendrons plus en détails dans le chapitre concernant le positionnement du directeur dans la fonction de directeur référent.

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Il est assez difficile pour les jeunes directeurs de savoir comment préparer au mieux le terrain de stage et ainsi créer des situations d’apprentissage pour les stagiaires qui puissent constituer une réelle expérience pour le directeur stagiaire. De plus, ils n’ont pas une représentation suffisamment bonne des situations pour pouvoir anticiper au mieux les réactions de leur personnel éducatif. En même temps, cela peut constituer une opportunité pour les directeurs stagiaires.

« […] travailler sur la pédagogie institutionnelle et sur notamment l'échange de pratiques. Alors, ça c'est les temps forts, parce que moi au début, je me disais, cela va être chaud. C'est une équipe qui est stable. Qui dit équipe stable dit aussi difficultés aussi de remettre des évidences en question parfois, alors qu'on sait tous que quand cela paraît évident, c'est justement là que ça doit poser question. Et puis, il y a quelque chose qui m'a étonné, c'est que tout le monde s'en est saisi tout de suite. » (entretien n° 4) « C’est plus un partage d’expériences, sur des temps forts, sur les clashs qu’elle a pu vivre, parce qu’elle en a eu. » (entretien n° 4) « On apprivoise ce que c’est une réunion d’équipe. La première fois qu’il a animé une réunion d’équipe, c’était en fin de stage d’observation […] il a remplacé un chef de service. Je vais le laisser faire. Le directeur stagiaire est arrivé un petit peu tout penaud. Je me suis dis, cela a dû être un peu houleux. Effectivement, cela avait été le cas, l’équipe avait un peu profité de cette brèche que le directeur ne soit pas présent pour lui renvoyer énormément de choses et il n’y était pas préparé. On a pu reprendre cela très tranquillement. J’ai du organiser en urgence une autre réunion la semaine suivante pour remettre les choses au point avec toute l’équipe et le stagiaire. Je pense que c’est justement par ce genre d’expérience qu’on apprend. La fois suivante, il a su mieux gérer. » (entretien n° 8)

♦ La complexité du travail de direction Les situations complexes sont aussi des moments de transmission. Certains évènements peuvent constituer des opportunités d’apprentissage à partir du moment où le directeur référent sait comment les cadrer, même s’il ne connaît pas d’avance le mode opératoire pour les gérer. « Les situations complexes sont plutôt formatives et anticipent des situations qui peuvent se rencontrer lors de l’affectation ou plus tard dans la carrière. »68 Cette pédagogie des « situations-problèmes » consiste à organiser des situations complexes pour construire des savoirs autour d’objectifs-obstacles bien délimités mais qui ne peuvent être préalablement établis comme en centre de formation où l’étude de situations-problèmes repose sur des critères établis d’avance.

« On a été sur une situation où on a découvert ensemble. On a expérimenté ensemble une situation de conflit entre deux personnes. Cela ne m’était jamais arrivé. Deux éducateurs en situation de conflit, où l’un fait une note d’incident. Je suis partie là dans de l’imprévu ; je ne l’avais pas travaillé, donc je l’ai travaillé. Je lui ai dis un peu comment j’allais m’y prendre et puis il m’a enrichi de sa réflexion mon positionnement. Je vais essayer de professionnaliser cette question là. Et puis de voir ce qui a été défaillant au niveau du dispositif institutionnel. Je ne pouvais que ramener la question là. […] Donc on est parti de là et on a avancé. Donc j’ai d’abord rencontré individuellement avec le directeur stagiaire. J’ai dis aux deux agents qu’il était dans la délégation quand c’est arrivé. Il avait participé à la réunion, où alors que j’étais absente, où un éducateur lui a parlé de la situation de ce jeune. Donc cela me paraissait logique qu’il soit dans la continuité de cette réflexion. Ils ont accepté. […] On a été dans ce type d’expérimentation qui pour moi mettait bien au travail sa façon de mettre en scène l’exercice de l’autorité, son positionnement, les priorités, les stratégies, tout cela, en fonction des buts recherchés. Le but recherché c’était de réguler la communication de façon à ce que la personne ne

68 Compte-rendu de la rencontre des directeurs référents : journée du 11 mai 2004. Compte-rendu réalisé par Geneviève AFFRET, p. 3.

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vienne pas envahir le champ professionnel et à pouvoir utiliser, continuer à mobiliser les compétences professionnelles de chacun. Après, il me semble qu’on est mieux armé quand on a réfléchi au sens qu’on met dans ses stratégies, dans sa façon d’être, d’habiter la fonction dans ses priorités, on est moins démuni face à des situations un peu compliquées comme ça. Pour moi, si je n’avais pas travaillé déjà ce positionnement, cette manière d’être, je pense que j’aurais pu me « défausser », sans que personne m’en tienne rigueur. En tant que directeur, on peut se défausser de plein de choses. » (entretien n° 9)

- Les directeurs référents expérimentés semblent utiliser davantage des stratégies favorisant une implication élevée du stagiaire dans les opérations en cours. La formation expérientielle s’accompagne d’une expérimentation active avec très rapidement une capacité à (dé)montrer au directeur référent et au personnel éducatif qu’on sait faire. Le stagiaire doit profiter de son statut d’apprenant pour expérimenter le plus possible pendant ce temps de formation. Il est protégé par son statut de stagiaire, c’est le directeur titulaire qui seul garde la responsabilité administrative du service.

« Toutes les initiatives chez moi sont bonnes à prendre, c’est pas grave. Il n’y a rien qui ne se rattrape. C’est à ce moment-là qu’il faut commencer à faire des bêtises. Moi je travaille comme ça en pleine confiance. […] J’ai tout vu et surtout les pires difficultés. Donc je les expose, en n’étant pas toujours là. Ce n’est pas grave s’ils “se plantent”. Nous aussi on “se plante”. Il faut bien qu’on se remette. Donc, je préfère leur apprendre à se remettre très tôt. Et donc d’être confrontés à des écueils et même des difficultés. Je leur demande des choses et je leur dis attention, ça déjà pour moi c’est ingrat à faire, donc pour vous cela va être très ingrat. Vous risquez que d’une chose, c’est de réussir. C’est le seul risque que vous puissiez prendre. Et ça fonctionne. […] Il faut montrer qu’on sait faire, parce que après il y a la validation. » (entretien n° 10) « La crise me dérange pas. Il vaut mieux que tu te plantes actuellement. […] L’expérimentation : en profiter pour prendre des risques, après cela ne sera plus possible. » (entretien exploratoire n° 2)

« Dès qu’ils arrivent, ils expérimentent […] la 1ère phase, qui est une phase d’observation, je l’appelle observation active. Ils sont sur des petites choses, mais dans la répartition des tâches, dans le partage immédiat de toutes les préoccupations de la fonction de direction, et au-delà puisque j’exerce d’autres fonctions, je les associe à toutes mes missions […] il faut qu’il rame lui pour rattraper et pour atténuer sa position de stagiaire pour devenir le directeur de la structure. » (entretien n° 10)

Même si le directeur référent transmet au directeur stagiaire ce qu’il connaît de par son expérience, il n’en reste pas moins vraie que le directeur stagiaire doit à un moment donné se confronter lui-même à des situations similaires pour faire en sorte que les connaissances acquises se transforment en compétences « opérationnelles ». Plusieurs types de dossiers sont donnés au directeur stagiaire. Par contre, il est important de lui donner des dossiers de bout en bout, permettant ainsi la construction d’une réelle expérience.

« Sur certains points : la régie d’avance par exemple avec le renouvellement de cette caisse et le suivi des comptes je l’attribue immédiatement au directeur, c’est à dire que déjà les éducateurs sont obligés de passer par ce directeur là pour alimenter leur possibilité de dépenses. Très rapidement aussi, je les mets sur l’emploi du temps, la gestion des emplois du temps, en interlocuteur. Bien sûr je reste derrière, j’ai mon adjoint administratif, bien sûr qu’on encadre tout le reste. Mais en même temps je le mets dans la dimension d’interlocuteur. » (entretien n° 10)

« J’ai essayé cette année par exemple de lui donner la gestion d’un dossier partenarial de bout en bout. Alors, bien entendu c’est avec moi et avec mon soutien, on peut en discuter, mais voilà elle s’éprouve réellement dans ce domaine là. C’est en lien avec son sujet de DEP. Il ne faut pas non plus que cela soit une charge de travail trop importante, mais la fonction de direction ce n’est pas que la gestion ordinaire quotidienne d’un service. Il y a forcément des domaines soit de l’ordre de la formalisation d’une réflexion, soit de l’ordre de la conduite de projets qui incombe directement à la

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fonction de direction. Je pense que c’est intéressant que la stagiaire puisse aussi se confronter un petit peu à cela. » (entretien n° 2)

« J’essaie aussi de donner du travail très précis. La stagiaire est en période de responsabilisation. Elle assume la responsabilité de la gestion quotidienne du service. Ceci dit on a défini un certain nombre de domaines sur lesquels elle allait travailler et de domaines sur lesquels j’allais travailler pendant la même période. Cela aussi on l’a défini de manière très précise. Ce qui permet d’avoir à la fois une vision sur comment le stagiaire peut se débrouiller d’une gestion quotidienne mais aussi comment il peut gérer un dossier aussi, de bout en bout. On essaie de prendre des choses possibles et réalisables sur la période bien entendu, mais qui permettent la construction d’une réelle expérience, qui ne soient pas faites que de petits points de ci de là. » (entretien n° 2)

A partir de l’analyse des entretiens, on peut noter que, plus le directeur stagiaire a une marge d’autonomie d’apprentissage élevée, plus l’accompagnement pédagogique et professionnel est structuré, s’appuyant sur des méthodes pédagogiques précises. L’objectif est de donner au stagiaire des « choses possibles et réalisables sur la période bien entendu, mais qui permettent la construction d’une réelle expérience, qui ne soient pas faites que de petits points de ci de là » (entretien n° 2). Le cadre d’apprentissage pédagogique est posé.

♦ La construction de situations d’apprentissage expérientiel L’apprentissage est basé pour certains directeurs référents sur différents courants et approches pédagogiques (approche systémique, approche de résolution de problèmes, alternance théorie-pratique, analyse des pratiques professionnelles, etc.). - Prenons l’exemple de cette directrice référente (entretien n° 9) : elle fait appel aux acquis expérientiels du stagiaire pour les mobiliser, les transformer et produire de nouvelles compétences.

« Moi, je crois que c’est partir de l’idée que l’autre a des acquis transposables, il faut essayer d’aller les chercher et de voir effectivement comment lui il les réutilise, les réaménage et les étend. » (entretien n° 9)

- Où encore ce directeur référent très tourné vers la systémique des organisations où nous retrouvons bien un certain nombre des principes fondamentaux de la systémique (entretien n° 10) :

- une progression par niveau, par itération, comprise comme une simplification et complexification des situations d’apprentissages,

- favoriser les mises en situations d’expérimentation active avec conflit si besoin, nécessaire pour avancer,

- créer de l’appétence chez le stagiaire, impliquer les stagiaires dans leurs apprentissages et leur travail avec stimulation de la motivation pour apprendre, susciter le désir d'apprendre, expliciter le rapport au savoir et développer la capacité d'autoévaluation chez le directeur stagiaire,

- alternance théorie-pratique, - la résolution de problèmes.

- Le directeur référent suivant a instauré un véritable parcours d’apprentissage du directeur stagiaire en fonction non seulement des périodes de stage, mais aussi en fonction des interlocuteurs qu’il va être amené à rencontrer tout au long de son stage.

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« Nous, on a réussi avec la juridiction de Rouen qu’en début de début de 2ème partie, le stagiaire puisse passer une semaine avec les magistrats. On l’installe comme interlocuteur possible au niveau de la juridiction, ce qui lui facilitera pour la 3ème partie d’être un interlocuteur intégralement reconnu. De scander un peu le stage sur des passages obligés. Cela fait 4 ans que j’ai toujours réussi à laisser le service pendant un minimum de quinze jours, alors quinze jours d’affilés ou deux fois une semaine et que le stagiaire dans un premier temps, il a la direction départementale en filet pour que s’il y a quelque chose il puisse avoir la DD qui est garant des positions qu’il prendra, et dans la 2ème phase il soit comme si il était le seul directeur de service et qui gère le service sur tout ce qui est le quotidien. » (entretien n° 5)

♦ La transparence Certains directeurs référents privilégient une attitude de transparence sur leur pratique professionnelle. Cette transparence, c’est aussi être au courant de ce qui se passe tout au long de la semaine pour l’un et l’autre des directeurs. Cela se fait dans un climat de confiance réciproque, cette confiance étant aussi le préalable indispensable et nécessaire pour permettre au stagiaire d’acquérir une marge d’autonomie d’apprentissage. En effet, un travail de direction en double ne peut se réaliser au mieux que dans un climat de confiance réciproque.

« Il faut je crois qu’on soit systématiquement au courant l’une et l’autre de ce qu’a fait l’autre. Et après on se relaie. » (entretien n° 11) « Durant la semaine, on se voit très peu. Je souhaite seulement être au courant des décisions prises. De ce qu’elle m’a donné à voir, cela marche bien. Elle a une liberté, pas suffisamment pour être dans l’insécurité, mais une marge de mise en pratique. » (entretien exploratoire n° 1)

« Très important aussi dans cette stratégie de formation, il faut que le stagiaire soit au courant de tous les dossiers en cours. Ce qui est très difficile pour un directeur, puisque c’est notre fonction, c’est qu’on a une vision globale. Plus on est collé à l’action éducative en elle-même moins on a la vision globale et la distance. » (entretien n° 11)

♦ Les qualités indispensables pour devenir directeur

« Pour être directeur, il y a une qualité qu’il faut avoir et toujours garder c’est l’humour, savoir toujours mettre à distance, toujours savoir prendre les choses au 2ème degré, autrement on se fait complètement avaler. Je crois qu’il faut aussi savoir relativiser. Si aujourd’hui je n’étais pas capable de garder une certaine sérénité, je me ferais complètement bouffer par les magistrats. Peut-être, c’est une manière de montrer au directeur stagiaire qu’il faut savoir tout relativiser, l’une des manières de relativiser c’est de ne jamais perdre son humour parce que autrement on commence à déprimer fort. » (entretien n° 5) « C’est plus sur une manière d’être. Je pense que autant dans le métier d’éducateur que dans le métier de directeur, il y a quelque chose à développer sur une aptitude, une manière d’être qui permet de montrer que la loi est intégrée, qu’il y a quelque chose de l’ordre de l’interrogation, qu’on n’est pas dans le tout, la toute puissance dans laquelle on essaye de nous attirer, les jeunes essayent de nous attirer. » (entretien n° 9)

♦ Les limites du stage pratique On ne peut pas tout faire en formation initiale, les directeurs référents en sont conscients.

« C’est impossible que quelqu’un soit complètement opérationnel en fin de formation. Il faut se dire ça. » (entretien n° 11)

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Pour gérer au mieux ces contraintes de formation en stage pratique (avec le découpage des périodes de stage, les 20 semaines de formation, etc), certains directeurs référents sont sensibles dans l’organisation de la formation pour mettre l’accent sur ou plusieurs des points suivants :

- indiquer les personnes-ressources sur lesquelles les directeurs stagiaires peuvent compter, que ce soit à la direction départementale, auprès de ses collègues de Promotion (stagiaires), ou encore de son ancien directeur référent,

- ne pas faire « un peu de tout », mais faire des choix et des renoncements raisonnés, - définir les priorités du point de vue du formé, - se fonder sur une analyse des situations professionnelles les plus courantes et

problématiques, - avoir une connaissance suffisamment fine des textes officiels qui régissent la

Protection judiciaire de la jeunesse, - la capacité à formaliser par écrit son travail, pour pouvoir s’y référer à tout moment,

auprès de la direction départementale, des différents partenaires, etc.

« Indiquer au directeur sur quelles ressources il peut s’appuyer […] car on ne peut pas tout voir, tout montrer. […] c’est de pouvoir dire au stagiaire où est-ce qu’il peut aller chercher des choses que forcément il n’a pas vu dans le cadre de ce stage. Tout est utile et nécessaire, sauf que ce n’est pas possible. Donc forcément, Il y a des choses qu’on montrera, des choses sur lesquelles on travaillera et il y en aura d’autres qui ne seront pas travaillées. Ces choses là, il faut pouvoir guider le stagiaire vers les ressources dont il peut se servir s’il y est confronté. » (entretien n° 2) « L’expérience qu’on acquière peu à peu. La chance dans la formation : ils sont entre eux confrontés à plein de modèles. Normalement, il y a des moments où on échange entre les directeurs stagiaires. L’année où moi j’étais en stage, on a beaucoup piqué sur comment on voyait fonctionner certains modèles. On est resté une partie suffisamment liée pour que quand il y a quelque chose qui nous tombe dessus, on peut appeler certains de nos collègues pour avoir un autre avis, nous aider à prendre la bonne décision après. C’est aussi quelque chose d’important pour le directeur référent de montrer que on n’est jamais seul, ou si on est seul, on sera un mauvais directeur, qu’il y a toujours un réseau de collègues sur lequel on peut toujours s’appuyer, il faut l’utiliser. » (entretien n° 5) « Depuis 4 ans, pour l’instant il y a deux des trois stagiaires qui m’appellent régulièrement. Quand il y a quelque chose, qu’ils s’interrogent, je fais partie de leur réseau. » (entretien n° 5)

« On ne fera jamais tout lorsqu’on est directeur. Mais on a toujours des possibilités d’avoir les informations, de les retrouver. Donc il faut avoir un minimum pour faire face au quotidien et le reste, être capable d’avoir auprès de ses collègues ou auprès de sa direction départementale les informations qu’on ne maîtrise pas forcément. Mais d’avoir rapidement le moyen de les avoir. » (entretien n° 5) « Quand on a des notes, il faut toujours voir de la manière dont on va pouvoir les mettre en œuvre dans son service. Il faut transmettre qu’on n’est pas éducateur, et que donc on ne fait pas à la place des éducateurs. Toujours dire qu’il y a la règle, la manière de l’appliquer à la lettre, et il y a la manière de l’appliquer au mieux de l’intérêt des agents parce que c’est l’intérêt du service. Pour moi, c’est le plus important à faire passer. » (entretien n° 5)

« [La 1ère compétence :] Avoir une connaissance suffisamment fine mais quand même générale sur l’ensemble des textes qui nous régissent pour pouvoir faire tourner son service sans anicroche. La 2ème compétence : de savoir les faire passer en ayant une grande capacité par rapport à la relation humaine qu’on établit avec l’agent de son service. » (entretien n° 5) « Après moi je dirais, et c’est peut-être là où je suis le plus défaillant mais c’est pour cela que je fais beaucoup suer les directeurs avec ça, c’est avoir la capacité à mettre par écrit. Parce que l’écrit, lui va rester et on pourra toujours s’appuyer dessus. Une sorte de journal de bord. Mais aussi quand on a des choses dans le service, que ça se contente pas d’un échange téléphonique avec le directeur départemental. Si on estime que c’est un point important, et bien on le formalise. On le met par écrit. Ce que je ne fais pas bien, je pense que c’est une compétence importante. Savoir transmettre, c’est aussi

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savoir transmettre en disant et bien ça moi je sais pas bien le faire. Un bon directeur de service, c’est savoir donner les bonnes délégations au bon moment et à la bonne personne. » (entretien n° 5) « Le réseau : si je ne l’aborde pas d’emblée, c’est que ce n’est pas quelque chose pour moi de primordiale. C’est quelque chose qui doit exister. Mais comme le directeur doit avoir plein de ressources toujours. La première ressource est avant tout au niveau départemental. C’est le premier échelon. C’est celui normalement qui ne devrait jamais être « scindé ». Si on n’arrive pas à avancer comme on veut, on va chercher une ressource à côté, cela peut être les connaissances qu’on a eues dans sa promotion, cela peut être son ancien directeur référent, etc. et avancer comme cela. » (entretien n° 5)

La transmission des savoirs professionnels est aussi influencée par des facteurs organisationnels et environnementaux69. 3.1.5. Les facteurs organisationnels et environnementaux Les entretiens ont révélé que des facteurs environnementaux et organisationnels conditionnent l’activité de transmission des savoirs en ce sens qu’ils déterminent le contenu et la réalisation des apprentissages et des activités de production.

♦ Le contexte du service La formation d’un stagiaire est, dans de larges proportions, fonction du service tel qu’il est. Il est aussi (et avant tout) confronté aux préoccupations du service dans lequel il fait son stage. En effet, il est aussi en stage pratique pour faire le même travail que le directeur titulaire.

« La formation d’un stagiaire, elle était axée aussi fonction du service tel qu’il est. Lorsque je suis arrivée il y a trois ans. La 1ere année a été beaucoup accès sur l’interne. J’arrivais dans un service qui avait douze ans d’existence et qui n’avait eu jamais de directeur : ni outil, ni espace institutionnalisé, ni dossiers des jeunes, ni archivage de quelques documents, il n’y avait rien du tout. La première année, j’ai effectivement passé beaucoup de temps à cela en interne et je me dis que forcément le stagiaire que j’aurais eu à ce moment-là aurait été plus centré sur l’interne, car c’était ma position à moi aussi. Ceci dit, je me serais employée à lui donner les ressources nécessaires pour qu’il se débrouille dans une prise de fonction où il avait des choses à mettre en place à l’externe, car on ne peut pas tout montrer. L’année dernière, on était beaucoup plus axé au niveau des services sur un travail sur les contenus des mesures. […] Il est aussi confronté aux préoccupations du service dans lequel il fait son stage. Cette année, la stagiaire est beaucoup plus confrontée à tout ce travail partenarial car c’est aussi ma préoccupation. » (entretien n° 2)

Les stagiaires arrivent aussi dans un contexte de service particulier. Le travail du directeur référent se base principalement sur ce contexte.

« La particularité du FAE […] c’est qu’il y a une équipe qui est constituée de trois éléments qui sont là depuis vingt ans et qui du fait qu’il y a eu un fonctionnement autogéré, les personnes ont pris des habitudes de travail où tout ce qui est le cadre réglementaire est un peu en décalage avec la pratique quotidienne du FAE. C’est une structure qui ne travaille pas en dispositif. Toute la politique actuelle de ces dernières années, c’est de mettre en place un dispositif. Les deux stagiaires arrivent dans ce contexte là. Et c’est dans un contexte, où moi la mission que j’ai en tant que directeur c’est de rendre visible l’action éducative dans un foyer qui fonctionne, qui n’a pas de crise depuis vingt ans, mais qui n’est pas rattaché à une politique départementale.

69 « Dire que tout apprentissage est « situé » signifie que l’environnement n’est pas seulement un contexte d’application mais est un élément actif du processus de construction des compétences, car il fournit des ressources (sociales, symboliques, techniques et matérielles) indispensables à la solution des problèmes. Les bons gestes mentaux surgissent aussi de la confrontation aux situations nouvelles » , Geay A., 2001.

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Cela va être un peu le socle des deux stagiaires, c’est de leur expliquer un peu ce système-là et la mission qui m’est moi impartie. Si c’était une autre mission, forcément je pense que je aborderais autrement ma référence de stage. Parce que ma référence de stage se base sur le travail que j’ai à exécuter et donc par déclinaison sur l’ambiance du foyer, sur comment se comportent les jeunes, comment pratiquent les éducateurs. […] Le socle de la transmission du savoir, un historique à partir du FAE et dans le cadre des orientations et des missions qui me sont imparties au niveau départemental, la transmission reste la même. Je transmets ce qui doit être fait, pourquoi cela doit être fait et dans quel cadre cela doit être mis en place.

Formalisation du cadre réglementaire : dans une équipe du FAE […], oui, c’est l’essentiel à faire transmettre. Dans une autre équipe, je n’en sais rien parce que cela dépend où en est l’équipe là-dessus. » (entretien n° 3)

« C’est une équipe qui fait partie de ces équipes de la PJJ où il y en a pas mal qui sont un peu compliqués à gérer avec une anti-hiérarchie qui oblige à un moment donné les gens à se positionner. Par exemple, C’est quand même l’un des services où le stagiaire animant la réunion se retrouve seul et les autres de l’autre côté de la table. C’est encore sur des fonctionnements archaïques de ce type. Il y a quelques services comme cela en France, dont celui que je dirige. » (entretien n° 5) « Donner un dossier, c’est aussi donner le contexte du dossier. Chaque dossier a un historique, un contexte avec des enjeux institutionnels, éducatifs […] Quand je lui transmets un dossier, le dossier il est très réel, très concret. Je sais lesquels je vais lui transmettre. Ce qui me dicte moi dans le choix des dossiers vis-à-vis d’un stagiaire, c’est plus le contexte de service présent que tout autre chose. Pour moi, il y a potentiellement beaucoup de dossiers à confier à un stagiaire, sauf que ce qui est intéressant c’est de transmettre un dossier qui est le cœur de la préoccupation du service à un moment donné. Pour le coup, il s’agit de mettre le stagiaire dans une situation de réalité, il ne s’agit pas de donner un dossier comme cela fictif parce que là on va être certainement à côté de la plaque.» (entretien n° 7)

♦ Des différences selon les typologies de service En hébergement (FAE), l’organisation spatiale du service, la proximité des jeunes fait que le directeur stagiaire est tout les jours confronté aux jeunes. Les possibilités d’interaction sont facilitées pour travailler sur l’action éducative.

« De la gestion des emplois du temps […], c’est très lié à l’hébergement, c’est une des choses particulière à l’hébergement, on n’a pas du tout ça quand on est directeur dans un service de milieu ouvert, même si il y a aussi des problèmes d’emploi du temps. » (entretien n° 11) « On est en contact direct avec les mômes, tout le temps. C’est une toute petite maison. On ne peut pas y échapper. Et donc du coup, il faut y aller. De la manière que la maison est structurée, imaginez votre couloir, à un moment donné je vais vous croiser. Et donc, c’est une toute petite maison. On est à l’entrée, à côté de la salle à manger, la salle commune, donc c’est sûr que dès qu’on ouvre la porte, on ne peut pas échapper aux gamins. » (entretien n° 10)

En centre éducatif renforcé (CER), là encore c’est autre chose. Il est plus difficile d’inscrire le stage en CER.

« Une organisation de travail très différente, le CER fonctionne par sessions, donc on a des moments dans l’année où on est extrêmement pris et il y a des moments où le CER est fermé, donc on n’y est plus du tout. Ce qui oblige à avoir des moments de grande disponibilité où on est donc moins disponible sur le milieu ouvert donc on doit s’organiser différemment pour réussir à faire un peu tout. Des rythmes de travail un peu particulier. Il faut savoir déléguer et faire confiance. Sur le CER, on soit assez vigilant pour voir s’il est autonome ou si on a besoin d’y être un peu plus présent selon les sessions. Ca c’est quelque chose qui ne se délégue pas à un stagiaire. Par rapport au CER, j’estime que je n’ai pas l’autorisation d’aller mettre le stagiaire en difficulté. Il faut que moi je l’ai préparé. Après qu’on en discute, oui, mais je ne peux pas déléguer certaines choses au risque de fragiliser l’institution et aussi mettre en difficulté le stagiaire. C’est une responsabilité plus théorique que réelle. » (entretien n° 5)

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« Au niveau de la transmission, dans le CER, pas grand chose. C’est une institution particulière et que la responsabilité est avant tout administrative. Je suis un peu en retrait pour mettre les stagiaires sur le CER. Dans le CAE, beaucoup plus. » (entretien n° 5)

♦ Des opportunités de transmission La construction des compétences du directeur stagiaire est aussi en lien avec les situations qui se présentent. L’organisation de la transmission est étroitement assujettie à la production.

« Je ne m’en cache pas vis-à-vis des stagiaires, c’est que je considère aussi que le stagiaire peut être utile et aidant dans le cadre d’une réalité de service à un moment donné. C’est une espèce de deal où tout le monde y trouve son compte. C’est-à-dire que moi en tant que directeur cela me permet d’avoir un stagiaire qui fait avancer certains dossiers que moi je n’ai pas forcément le temps de faire avancer moi-même. Le stagiaire s’y retrouve aussi puisque pour le coup, je le mets dans une situation qui est pratico-pratique avec des vrais gens, des vrais jeunes et des vrais dossiers et avec un vrai objectif de faire en sorte que le dossier avance. A mon sens, tout le monde y trouve son compte. » (entretien n° 7)

Par contre, ce temps de production est toujours encadrée aussi bien en amont (avant les activités de production) qu’en aval (après) faisant de ces situations de travail des activités d’apprentissage.

♦ La transmission de nouvelles compétences La transmission de nouvelles compétences de la fonction de direction peut également se réaliser, si le directeur titulaire est lui-même dans une dynamique d’évolutions organisationnelles dans son service. Il devient acteur du changement.

« Je ne peux pas séparer le fait que les gens arrivent dans une institution en mouvement. Le stagiaire arrive aussi dans une situation d’évolution, de formalisation des textes, de mise en application de textes. » (entretien n° 3)

« Ce que je transmets au directeur, c’est qu’on est en changement culturel institutionnel. Les années 80 ne sont pas la même chose. La loi de 2002 vient aussi rajouter la question de la place de l’usager. Avant c’était implicite, sauf qu’aujourd’hui c’est explicite. On est effectivement dans une institution qui a fonctionné énormément sur l’implicite, et qui a été très créative, il n’y a pas à renier cette époque là ; Sauf que le virage culturel aujourd’hui c’est justement de faire prendre conscience aux futurs cadres que ce virage là il va falloir le prendre sinon dans quelques années on ne sera pas cadre de la PJJ. » (entretien n° 3)

Conclusion : Il y a plusieurs variables qui entrent en jeu dans l’apprentissage et la transmission des savoirs professionnels, que ce soit l’âge, l’expérience mais aussi le contexte de travail des directeurs titulaires et des directeurs stagiaires, etc. Nous retiendrons trois types d’interactions qui participent de la formation en situation de travail : - des interactions entre jeunes directeurs référents (notamment ceux qui occupent la fonction de direction depuis seulement deux ans) et jeunes directeurs stagiaires (de par l’âge ou l’expérience professionnelle). Dans le cas présent, il s’agit plus d’un co-apprentissage, d’une co-construction identitaire et d’un partage d’expériences et de connaissances que d’une transmission professionnelle. Ces jeunes directeurs titulaires sont encore dans une phase de construction de leur professionnalité. Ils transmettent par des conseils et de manière

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empirique l’expérience qu’ils ont acquise au fil de ces deux à trois années passées. La dimension pédagogique de la fonction de directeur référent n’est pas ou peu investie, - des interactions entre directeurs référents et directeurs stagiaires issus du même concours interne ou externe ou de la même génération. La transmission est essentiellement basée sur des « affinités professionnelles » proches, - des interactions entre directeurs référents expérimentés et directeurs stagiaires. La construction de situations d’apprentissage expérientiel s’appuie sur une ou plusieurs des caractéristiques suivantes : le repérage de situations-problèmes, un apprentissage de la complexité de la fonction de direction à partir d’une maîtrise des processus de travail complexe, une progression pédagogique et un parcours de formation individualisé, la transmission d’une mémoire et d’une culture de service. La dimension pédagogique est investie et participe de la transformation des expériences en une expérience. Le partage et la transmission des compétences et des savoirs professionnels se font sur une base expérientielle.

L’hypothèse 1 est donc vérifiée : La transmission des savoirs professionnels varie

selon l’expérience du directeur référent et du directeur stagiaire. Pour autant, on ne saurait conclure trop vite que la pratique est systématiquement et automatiquement source d’apprentissage. L’apprentissage ne peut s’opérer qu’à partir d’une démarche de réflexion dans et sur l’action, à partir d’un travail de distanciation et de recul réflexif. Dés lors, peut-on émettre l’hypothèse que l’apprentissage expérientiel constitue la dynamique de la transmission professionnelle, entendue comme lieu d’acquisition, de mobilisation et de production d’un savoir fini. Cela s’accompagne-t-il du développement d’une posture réflexive nécessaire pour acquérir une professionnalité et d’une inculcation des valeurs éducatives de la fonction de direction à la PJJ ? C’est l’objet du chapitre suivant.

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3.2.1. La professionnalisation 3.2.1.1. Les formes de développement des compétences Les résultats de l’enquête par questionnaire nous montrent que les directeurs référents s’engagent dans différentes formes de transmission. S’ils ne privilégient pas le modèle de la formation sur le tas (par l’action seule), cela ne veut pas dire pour autant que les stagiaires ne se forment pas par l’action. Les mises en situation d’expérimentation sont très importantes, surtout pour les stagiaires issus de l’externe (63%)70, tout comme les mises en situation concrète (de l’ordre de 45%), dans les 2ème et 3ème périodes de stage, en particulier. La formation en situation de travail prend différentes formes : observation, échanges informels et échanges formels dans le cadre du point fixe, réflexion avant, pendant et après l’action. La réflexion occupe une place importante dans la formation en stage pratique. « Réfléchir sur sa pratique pour pouvoir la transmettre » ensuite, « former à et par une pratique réfléchie » sont assez, voire très importants pour les directeurs. Ainsi la « combinaison action et réflexion sur l’action (essais-erreurs et réflexion/questionnement) », représentative de la formation alternée, est très importante (à 64% pour les stagiaires issus de l’interne accompagnés71 et à 53% pour les stagiaires issus de l’externe). Par contre, « analyser et de formaliser par écrit sa pratique pour pouvoir la transmettre », dans la majorité des réponses apportées, cela ne constitue pas une pratique courante. A 63%, les directeurs référents disent ne pas avoir (déjà) formalisé par écrit leur expérience et leur pratique professionnelle.

« Ca, c’est la grande difficulté des directeurs de service anciens, eux et l’écriture c’est un gros problème. On n’a jamais eu la formation à mettre par écrit ce qu’on fait. On est d’une tradition orale, c’est catastrophique. J’en fais partie de cette tradition de l’oral. C’est bien quand on a des jeunes directeurs stagiaires, parce qu’eux ont une pratique qui est différente. J’ai eu des stagiaires qui ont mis par écrit ce que moi je n’ai jamais mis par écrit. Donc c’était avec ce que je faisais et eux ils se faisaient leur préparation pour l’année d’après. Une stagiaire a ainsi compilé tout ce que moi j’utilisais sans vraiment l’avoir formalisé. » (entretien n° 5)

Parmi les différentes configurations abordées dans le cadre de l’enquête par questionnaire et entretiens, il y en a deux que nous allons étudier ici plus particulièrement : le point fixe et les échanges informels et formels. Nous verrons ainsi que le travail en « stage pratique » peut produire des effets formateurs, que l’expérience est formative, dès lors que la « démarche d’accompagnement » du directeur stagiaire est formalisée et qu'elle est à l'origine d’une réflexion en cours d’action et sur l’action (Barbier, 1996 ; Schön, 1994).

« Je pense que la meilleure façon de faire quelque chose c’est que le stagiaire soit en position de le faire à condition bien sûr que cela soit ensuite repris et retravaillé par la suite, que ce soit une pratique dans un contexte de formation et non une pratique toute seule, isolée. » (entretien n° 8)

70 Les résultats de l’enquête par questionnaire figurent en annexe. 71 Issus de l’interne ou de l’externe, les statistiques ne prenant pas en compte le mode de recrutement des directeurs référents.

333...222... UUUNNNEEE TTTEEENNNSSSIIIOOONNN EEENNNTTTRRREEE PPPRRROOOFFFEEESSSSSSIIIOOONNNNNNAAALLLIIISSSAAATTTIIIOOONNN EEETTT CCCOOONNNSSSTTTRRRUUUCCCTTTIIIOOONNN IIIDDDEEENNNTTTIIITTTAAAIIIRRREEE

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♦ Le point fixe Le « point fixe » a été mis en place par le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux : « Le directeur référent doit, une fois par semaine, de manière formelle, faire le point avec le stagiaire sur le déroulement du stage, sous forme d’entretien : c’est le « point fixe » qui régule la dynamique de formation par la pratique. »72 Les directeurs référents l’investissent dans l’ensemble.

« Il y a les fameux points fixes auxquels tient beaucoup la formation des directeurs, donc j’ai toujours essayé de tenir le cadre. On fait cela en général le jeudi ou le vendredi soir après la réunion d’équipes, une heure en tête-à-tête avec le stagiaire pour reprendre un petit peu la semaine et pour se projeter dans la semaine d’après. » (entretien n° 11)

« Le point fixe est véritablement le seul rendez-vous où le stagiaire et le directeur référent font un point ensemble. » (entretien exploratoire n° 1)

« Il y a le point fixe : c’est le moment obligatoire et intéressant puisqu’on est obligé de prendre un moment de pause. » (entretien n° 5) « Là on fait un retour à deux sur qu’est-ce qui c’est passé pour vous dans le cadre du stage, analysons un peu à froid, puisque c’est un peu le but du jeu du point fixe, ce que vous avez dit, ce que vous avez fait, quelle position vous avez eu lors d’une réunion, etc. » (entretien n° 7)

Certains directeurs référents admettent avoir recentré leur accompagnement pédagogique autour de celui-ci73.

« On a du se recentrer sur le point fixe, parce qu’au départ tous les jours il y avait un point fixe. Et on mettait en débat ce qu’on avait vu, ce qui s’était fait, ce qui c’était négocié avec la hiérarchie, avec l’équipe, etc. Et puis du coup, on s’éparpillait un petit peu. J’ai du recentrer un petit peu : une fois par semaine on prend deux heures, c’est utile ça. » (entretien n° 4)

Ce « point fixe », c’est un temps de pause, de réflexion et de questionnement. Ce questionnement peut s’effectuer par le directeur référent ou le directeur stagiaire, selon les cas. - Ici c’est le directeur référent qui pose les questions.

« L’essentiel du travail au niveau des points fixes […] ce questionnement sans cesse récurrent qu’on a abordé par plusieurs biais : le biais personnel et le biais des contenus. […]

Le point fixe, je l’ai fait […] sous forme de questions, c’est-à-dire qu’est-ce qui avant dans le déroulement de la semaine t’a posé question, dans un fonctionnement, dans un positionnement, etc. J’essaie vraiment que les choses se posent en terme de questions. Et je questionne moi-même. Qu’est-ce qui te pose question là-dedans, comment tu aurais fait. […] Là, j’ai fait telle chose, là j’ai produit tel document. Là je ne suis pas totalement satisfaite pour telle ou telle raison où au contraire là je suis contente. […] si je me dis que par rapport à tel ou tel aspect des choses il y a peut-être lieu de questionner, je questionne, je questionne y compris en disant « tu vois, là je m’y serais pas forcément

72 Projet de formation des directeurs. 2003/2004. 73 Nous n’aborderons que partiellement les différents thèmes de travail abordés lors de ces points fixes – ces points ayant étant maintes fois repris dans le cadre des réunions des directeurs référents à Vaucresson – nous mettrons plutôt l’accent sur le cadrage du point fixe, à savoir les processus et dynamiques de transmission développés lors de ce temps fort.

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pris comme ça ou comme ça. Moi, c’est quelque chose qui m’apparaissait comme très important, tu l’as laissé un petit peu de côté ». » (entretien n° 2)

- Là, c’est le directeur stagiaire qui pose les questions.

« Il y a le point fixe hebdomadaire qu’on a pas mal utilisé. Là, c’est le directeur stagiaire qui mène à travers ses questions en reprenant aussi l’emploi du temps de la semaine écoulée et les principaux événements et on redémonte un peu tous les événements ensemble pour essayer de les analyser. […] Là tu as agis comme cela. C’est lui qui m’interrogeait sur ma pratique, par observation, reprise de l’observation. […] C’est cela que j’essaye de faire passer au stagiaire, beaucoup par l’exemple et la reprise de situations. […] En décortiquant au fur et à mesure chaque situation. » (entretien n° 8) « En terme de contenu, j’attends beaucoup du stagiaire parce que pour le coup je trouve que c’est un moment où c’est essentiellement le directeur stagiaire qui doit parler, qui doit questionner, demander, mettre à plat ses analyses dans tel ou tel contexte et le référent d’être en situation et en capacité d’écoute, donc d’ouverture et d’essayer de remettre les choses dans leur contexte, d’expliciter le pourquoi du comment de tel positionnement, qui est un bon ou mauvais positionnement pour telle ou telle raison. De ma part non, comme c’est plutôt un moment pour lui, c’est plutôt à lui à venir avec des matériaux. » (entretien n° 7)

Le point fixe, c’est avant tout un moment privilégié entre un directeur titulaire (référent) et un directeur stagiaire, où il est question de positionnement et de stratégies de direction.

« Le point fixe, c’est vraiment une relation entre le référent et stagiaire. Je considère […] que le point fixe, c’est vraiment un moment où on fait des analyses de directeur. On est dans une dimension où on discute de positionnement, de stratégies de direction qui ne sont pas forcément à discuter vis-à-vis des chefs de service éducatif. Parce que forcément le directeur a des stratégies vis-à-vis des chefs de service éducatif, de même que le chef de service éducatif a des stratégies vis-à-vis de l’équipe. » (entretien n° 7)

♦ Les échanges informels En dehors du point fixe, les directeurs référents rencontrent les stagiaires durant la journée. Des échanges informels ou formels ont lieu tout au long de la semaine, jalonnant le parcours de formation et de production du stagiaire.

« C’est beaucoup d’échanges au quotidien, […]. On se voit souvent dans la journée, mais pas forcément non plus constamment. » (entretien n° 2) « La formation, c’est forcément l’échange et quelque chose qui se construit à deux. Il s’agit d’un accompagnement individualisé, parce que dans ce type d’échanges aussi, on sent quelles sont les grandes questions que peut se poser le stagiaire. » (entretien n° 2)

Ces échanges informels et formels ont lieu en permanence.

« Il y a toujours des espaces informels, la voiture, les transports, donc on le fait en permanence à ce moment là, mais systématiquement, quand même un temps d’arrêt en disant : où on en est dans notre travail commun de direction, y compris la formation. » (entretien n° 10)

C’est l’occasion de revenir sur les événements de la journée,

« Il y a aussi tous les moments informels quant on reprend les événements de la journée. […] Ce sont des détails comme ça, de reprendre avec eux […] après l’action. Je montre à voir sous forme d’échanges. » (entretien n° 5)

Par l’échange et le dialogue.

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« C’est faire prendre conscience par beaucoup de dialogue. […] Je travaille beaucoup par le dialogue formel ou informel, mais pas que cela. Je discute beaucoup avec les stagiaires. Je suis tombé aussi avec deux stagiaires très bavards et je suis très bavard. » (entretien n° 3)

Ce sont des moments d’explication, d’explicitation de ses stratégies en les contextualisant.

« Je prends un temps avec lui où je lui explique le pourquoi et le comment de la mise en place du fonctionnement du service. C’est essentiellement oralement. » (entretien n° 7)

A la différence du « point fixe », ces échanges ne donnent pas lieu ou très rarement à une forme de formalisation (orale ou écrite) :

« […] les échanges informels, […] après une réunion, ou simplement parce qu’on partage le même bureau, donc on a toujours échangé au fur et à mesure des événements j’ai envie de dire, même si on a essayé de le formaliser un peu plus lors des points fixes. […] » (entretien n° 11)

♦ Donner à voir sa pratique de direction Il s’agit surtout de donner à voir sa pratique de direction pour échanger sur son propre exercice professionnel. Le directeur titulaire se doit d’être dans la transparence la plus complète pour que le directeur stagiaire puisse apprendre de ses hésitations, de ses doutes (au directeur titulaire).

« Je crois que je donne à voir beaucoup de ma pratique et beaucoup de la façon dont je travaille. A partir de là, on échange sur son propre exercice professionnel, sur le mien. Tout ce que cela peut susciter de questions, de préoccupations. Régulièrement, il faut qu’il y ait une place importante là-dessus. C’est plus dans le partage au quotidien que les choses se font. » (entretien n° 1) « Les choses que je montre, c’est ma pratique au quotidien à la fois dans ces aspects techniques […], mais c’est aussi comment je suis au quotidien moi-même, comment je ressens les choses, comment effectivement je les perçois, comment je manque de recul à un moment et cela m’induit en erreur. Je lui fais part de tout cela. » (entretien n° 2)

« Je crois que ce qui est formateur pour le stagiaire, c’est à la fois de nous voir agir sous réserve qu’on soit dans la transparence la plus complète. Je veux dire, moi j’ai toujours essayé de ne rien cacher, ni de mes hésitations, ni de mes doutes, ni de mes difficultés à certains moments. » (entretien n° 11)

Cela peut être aussi l’occasion de faire des allers-retours entre théorie et pratique, de montrer au stagiaire ce qu’il faudrait mieux faire (théorie) et ce que lui directeur fait réellement dans sa pratique au quotidien.

« Au départ, on travaille sans arrêt ensemble, c’est à dire qu’elle est complètement dans mon prolongement. Je ne fais rien sans eux. Donc, au quotidien, on voit au quotidien, j’explique énormément ce que je fais. Je leur explique ce qu’il ne faut pas faire et que je fais quand même. Parce que c’est moi. Au delà d’une approche théorique, on a notre approche, notre technique, nos habitudes qui ne sont pas obligatoirement des apprentissages de base. Ce que je fais, j’explique comment je fais et je dis comment il vaudrait mieux plutôt faire sur la démarche théorique, sur les enseignements un peu plus académique. Je lui montre moi mes choix, et en même temps ce choix est vraiment très personnel, vous pouvez vous l’approprier si vous l’intégrez, vous le maîtrisez, mais normalement c’est comme cela qu’il faut faire. » (entretien n° 10)

C’est en réalité tout un pan de sa réflexion intérieure (avant, pendant, après l’action) sur sa propre pratique de direction que le directeur titulaire est prêt à dévoiler et à partager avec le stagiaire. Etre référent permet d’analyser sa propre pratique et développe une capacité à la

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prise de recul sur ses propres décisions (actes de direction). A lui (stagiaire) de faire de même.

Il s’agit de « savoir remettre en question sa pratique professionnelle acquise pour s’interroger de la place du stagiaire ». (Propos d’un directeur référent de la 9ème Promotion) « Je crois que ce qui est formateur pour le stagiaire, c’est à la fois de nous voir agir sous réserve qu’on soit dans la transparence la plus complète. Je veux dire, moi j’ai toujours essayé de ne rien cacher, ni de mes hésitations, ni de mes doutes, ni de mes difficultés à certains moments. C’est cette espèce de travail d’allers-retours, j’ai envie de dire, entre ce qu’ils observent dans notre comportement, ce qu’ils nous renvoient sur ce comportement et ce qu’ils pensent qu’ils auraient pu faire, ce qu’ils auraient fait s’ils avaient été à notre place et d’échanger par rapport à cela. » (entretien n° 11) « Je lui montre quelle est moi ma réflexion sur les fonctions de directrice au quotidien avec tout ce qui est de l’ordre de mes doutes, de mes incertaines, de mes intuitions, de mes compétences, de mes connaissances. […] J’essaie de lui dire, et bien là, tiens je dois mettre en place la loi du 2 janvier 2002. Je l’ai lu, mais bon faudrait que je le reprenne, tu lis de ton côté, moi du mien et on retravaille ensemble, je me pose telle ou telle question, comment faut faire, qu’est-ce que t’en penses. » (entretien n° 2)

« Quand je dis qu’on travaille en miroir c’est à dire qu’elle me renvoie ce qu’elle a perçu de ce qu’on est en train de faire. C’est à dire qu’on réfléchit ensemble […]. On travaille ensemble. Parce que ça c’est formateur pour nous deux en même temps. […] C’est surtout une base d’échange de dire on prend un temps pour nous deux en dehors de la structure et on réfléchit sur plusieurs choses : ce qu’on a fait, où on est, qui on fréquente, qu’est-ce qui me reste à faire. On sort de la structure pour vraiment être dans un contexte de décentration. » (entretien n° 10)

Le directeur référent montre sa façon de faire pour que très rapidement aussi le stagiaire puisse montrer également qu’il sait faire, sans pour autant que le directeur titulaire devienne un modèle pour le stagiaire.

« Pour les quatre stagiaires, ça a été leur montrer ma façon de faire, avec ses imperfections, ses points forts. […] Moi, je leur dis, je suis là pour vous montrer ma pratique de direction, mais après je suis ni un modèle ni la seule façon de diriger. Mais en tout cas, je montre comment je fais. […] Je crois qu’il y a autant de directeurs à la PJJ qu’il y a de structures. Avec chaque fois, des valeurs différentes. Avec ma façon de faire à moi. Issue de l’interne, liste d’aptitude. Une trentaine d’années, éducatrice. » (entretien n° 11) « Je crois que je donne à voir beaucoup de ma pratique et beaucoup de la façon dont je travaille. A partir de là, on échange sur son propre exercice professionnel, sur le mien. » (entretien n° 1)

« Il faut montrer qu’on sait faire, parce que après il y a la validation. » (entretien n° 10)

Le travail du directeur référent, c’est aussi d’ajuster au plus juste la représentation que le directeur stagiaire se fait de la fonction de direction à la PJJ.

« Lui est parti dans l’idée qu’il y avait une référence, donc un cadre qui s’imposait pour tous de la même façon ; et qu’on partait du cadre pour d’abord établir les choses. Que tout le monde doit participer aux réunions. Moi j’ai essayé de lui expliquer que si j’avais fait cela dès le départ, on serait arriver à des rapports de force très vite qui auraient tout bloqué […] j’ai plutôt préféré prendre en compte la singularité de chacun, les compétences et les faiblesses pour m’adapter à cela et les amener progressivement à intégrer le cadre. […] Tandis que lui avait plus tendance à aller vers le collectif et l’individuel si nécessaire. […] Quand il a essayé d’amener toute l’équipe sur cette question-là, il s’est retrouvé en face d’une résistance massive, qui venait en plus dans un contexte difficile où l’équipe a le sentiment que les valeurs éducatives sont un petit peu remises en cause. Donc il a du coup aménagé sa position, en constituant un groupe de personnes qui étaient un peu plus sensibilisées à cette question là, plutôt que vouloir amener toute l’équipe à s’embarquer dans cette aventure en même temps. Donc, il a avancé progressivement, il a pu dans cette avancée qu’il a faite se rendre compte qu’il fallait prendre en

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compte un contexte général qui n’était pas porteur, une insécurité, une angoisse de la part de l’équipe, une insécurité peut-être possible dans une autre équipe puisqu’il l’a vérifié a l’extérieur avec ce vécu là au niveau de cette équipe là était moins évident et dont il fallait tenir compte de l’aspect historique et contextuel. Donc cela a pu le mettre à l’épreuve à travers des outils, comme moi je l’avais mis à l’épreuve en articulant cette prise en compte. » (entretien n° 9)

Si le directeur titulaire donne à voir sa pratique, c’est aussi et avant tout pour retravailler et décoder ensuite ensemble ces situations.

« Cela semble important de décoder les choses. Parce que très souvent sur un incident. Je lui dis qu’est-ce que vous avez compris de cet incident ? Qu’est-ce que vous en pensez ? Comment vous le traiterez maintenant ? Je fais cela sous forme de mini-exercice.“Dans le traitement du courrier, on a oublié quelque chose, d’après vous ce serait quoi”. J’essaie de les mettre en situation d’avoir à réfléchir en même temps que moi sur “ il s’est passé cela, on en fait quoi maintenant ?”. “Qu’est-ce qui est encore à faire sur cette situation ? Est-ce qu’on a tout fait ou est-ce qu’on n’a pas tout fait [pour le jeune] ?”. » (entretien n° 1)

« Je lui dis quand on parle de ce que j’ai essayé de mettre en place, cas par cas, situation par situation. Quand je le décode, je le mets bien en évidence. C’est ma façon de faire, et donc cela ressort. » (entretien n° 9)

« Sûrement que le temps où le stagiaire m’accompagne est dans un premier un temps d’observation, mais il n’a d’intérêt que si il est retravaillé et que à ce moment là il se transforme en un temps d’information. L’intérêt c’est de retravailler les choses avec lui après. De lui dire, qu’est-ce que c’est un CSPD, à quoi cela sert ? Quelle est la mission de la PJJ là-dedans ? C’est de faire un petit peu tout ce cheminement et tous ces liens et au besoin d’aller vers tel article, donner l’expérience de quelqu’un d’autre, ce service peut être ressource, etc. » (entretien n° 2) « Je crois que c’est important, tout en se montrant d’éveiller les capacités de l’autre, ses propres potentialités en fonction de sa propre personnalité, ses propres interrogations, ses propres réflexions quitte à être critique dans le sens positif, constructif par rapport à ce que nous (référent) nous avons montré ou essayé de faire. En fait, c’est dans la dynamique de réflexion entre autre avec les points fixes et puis l’échange formel et informel. En essayant à chaque fois de le questionner sur ce que lui en avait ressorti, compris, ce qu’il en avait pensé étant au travail, sur sa réflexion par rapport à ce que j’avais mis moi et ce que lui aurait fait à ma place. » (entretien n° 9)

Les pratiques de direction sont questionnées.

« C’est toujours ce regard extérieur qui apporte beaucoup, même à moi référent. […] C’est plus du partage. Le stagiaire apporte énormément au référent lui aussi, quelque soit le stagiaire, je pense que même un interne de la vieille école va être, pas bousculé, mais sa pratique sera questionnée, c’est aussi le but de toute façon. Si on prend des stagiaires, c’est aussi pour cela. Donc les pratiques sont questionnées. » (entretien n° 4)

Le temps de la réflexion ne prend pas pour autant (toujours) le pas sur l’action. Dans l’exemple qui va suivre, le directeur référent est très porté sur une approche pédagogique fondée sur l’expérimentation active.

« J’ai cette attitude permanente aussi avec les gens que je forme. C’est de réfléchir sur le sens de ce qu’ils posent, mais en même temps, je veux dire, ce n’est pas la réflexion à la place de l’action. C’est toujours des allers-retours fulgurants. Ou on réfléchit et on élabore une stratégie, et après on pose, ou on pose et après on essaie de réfléchir un petit peu sur ce qu’on a mis en place. J’ai dit ça, pourquoi il s’est passé ça ? […] On travaille d’abord en permanence, on réfléchit en permanence. » (entretien n° 10)

Nous retrouvons bien là quelques unes des qualités professionnelles et pédagogiques que doit avoir un directeur référent. A cette question, les directeurs référents ont répondu dans le questionnaire :

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« Accepter un regard sur son propre fonctionnement », « accepter le regard extérieur et donc la critique et la remise en cause», « accepter de prendre le risque du regard critique et l’échange dans ce contexte». « Etre honnête sur sa pratique et ses difficultés », « être transparent sur sa pratique. » « Avoir du recul sur sa pratique pour pouvoir l’expliciter et donc la transmettre ». « Il est difficile d’être neutre quand on joue le jeu de montrer à quelqu’un d’extérieur, l’intériorité de son travail quotidien, dans lequel, pour ce métier, on met souvent beaucoup de soi-même. »

Le directeur référent qui s’engage dans cet accompagnement doit avoir un minimum de recul sur la fonction de direction.

« Le référent doit donc être une personne qui doit pouvoir s’appuyer sur une ou des expériences vécues, et qui a envie de les partager, et qui accepte de les discuter. Il doit pouvoir se remettre en question, tout en s’appuyant sur une pratique qui pour lui, a fait ses preuves. Un minimum de recul sur la fonction me parait nécessaire, pour ne pas trop s’impliquer dans la démarche du stagiaire. »

Bien que les directeurs référents disent être ouverts à l’échange de points de vue, certains n’en sont pas moins réticents dans leurs actes à toute forme de remise en cause de la part du stagiaire. Dans certains services, il est difficile aux stagiaires de pointer quelque chose qui ne va pas.

« Certains sont saqués parce qu’ils disent ce qu’ils pensent. On doit être assez prudent sur le terrain. » (propos d’un ancien directeur stagiaire)

Si les jeunes directeurs référents sont très ouverts à une démarche réflexive et réfléchie sur leur propre pratique et celle des directeurs stagiaires,

« C’est beaucoup par l’exemple et la reprise de situations et l’échange réciproque. » (entretien n° 8)

« Le chef de service éducatif est plus sur le concret, le quotidien. C’est un accompagnement concret, pratico-concret. Et moi, un accompagnement réflexif, beaucoup plus. » (entretien n° 8)

Peut-on aller jusqu’à dire qu’ils seraient plus enclins à développer une posture réflexive par rapport aux directeurs expérimentés (ayant plus de trois années d’expérience dans la fonction de direction) ?… Il n’y a qu’un pas que certains franchissent allégrement :

« Je ne sais pas ce que c’est une pratique professionnelle construite. J’observe des personnes de 15 ans d’expérience. Je ne suis pas sûr que leur pratique soit réfléchie après trois ans de pratique. Dominique Perigois pense cela aussi, à savoir qu’on apprend plus avec un directeur qui en est à deux, trois années de pratique et qui est encore dans une construction que chez les autres qui ne construisent plus mais qui auraient pas pour autant besoin de construire. Il y a une compréhension réciproque commune. On est en co réflexion. [Quand] on est dans une pratique cool de plusieurs années, on n’est plus dans une approche réflexive de son métier. Ils n’ont plus envie de réfléchir, certains le disent très clairement en informel. » (entretien n° 8)

Nous ne pouvons que nuancer ces propos au vue des différents interviews74 que nous avons pu mener avec plusieurs directeurs titulaires expérimentés (ayant entre 3 et plus de 10 ans d’ancienneté dans la fonction).

74 Pour rappel, l’échantillon retenu pour les entretiens a été élaboré à partir d’une liste de noms établie et communiquée par le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux. Pour plus de précisions sur cet échantillon, voir chapitre correspondant.

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Prenons l’exemple de cette directrice, 45-50 ans, de la 7ème Promo, issue de l’interne :

« C’est […] dans l’écoute, l’échange, la rencontre de personne à personne. Il a à m’apprendre autant que j’ai à lui apprendre, on a à s’apprendre mutuellement la fonction de direction. » (entretien n° 9)

♦ D’autres manières d’entrer en relation avec le stagiaire Il y a plusieurs façons d’entrer en relation avec le directeur stagiaire. Dans le cas présent, la narration d’un récit (ici en phase d’observation) constitue le point de départ de l’apprentissage du directeur stagiaire.

« Dans la phase d’observation, je lui montre à voir, il observe d’abord l’institution. Mon rôle cela était aussi de lui montrer toute l’importance de l’héritage de ce qui se transmet dans les murs, dans l’équipe et qu’on n’arrive pas dans une institution de la même façon que dans une autre. […] Donc ça, je crois que je le lui ai raconté, je lui fais partager, c’est ma propre expérience. […] Je lui ai raconté, comme une histoire qu’on raconte comme on fait avec les jeunes. En essayant de mettre en mots, en sens l’histoire comme on l’a compris pour qu’il puisse après faire sa propre histoire en fonction de ce que j’ai dis, de ce qu’il va après au fur et à mesure découvrir, sur quoi il va être attentif, etc. ça, cela me paraissait important. […] lui montrer un peu de là où j’étais partie et où je suis arrivée, j’avais eu la chance de faire tout un travail de remise en forme historique de ma prise de fonction, des points forts que j’avais essayé de développer tout au long de ma prise de fonction. Je lui ai donné à lire, ce document. Après, je lui ai dis d’observer.

[…] Il m’a observé et il a pu après progressivement prendre sa part dans chaque acte en les enrichissant aussi de ses réflexions, de ses analyses. » (entretien n° 9)

L’apprentissage se base également sur les acquis transposables et le travail sur soi75. Cette activité réflexive sur lui-même doit lui permettre (au stagiaire) peu à peu d’ « habiter l’autorité et le pouvoir ».

« Souvent, on nous demande de plus en plus d’outillage et puis on oublie l’essentiel, comment on travaille avec soi. » (entretien n° 9)

« [Il s’agit de] les aider à voir qu’ils ont des acquis à exploiter. […] On a à travailler des choses en soi qui permettent d’y faire face. […] Qu’est-ce qu’on porte comme valeurs, sur quoi on met l’accent, qu’est-ce qu’on a intégré soi-même et à quoi on se réfère quand on est en position de directeur pour sortir d’un rapport de force, d’une réaction de tout pouvoir face une personne qui serait justement dans une dimension de réaction au pouvoir et au rapport de force. A quoi on fait réfère, qu’est-ce qu’on peut utiliser pour montrer que soi-même on est référé, c’est-à-dire que soi-même on est en relation avec la loi, les orientations, les missions tout ce qui fait qu’on est dans une délégation et qu’on ne se légitime pas que de nous-même, dans cette position. Je crois que cela c’est compliqué. C’est simple, et en même temps cela devient compliqué si l’on ne l’utilise pas. […] C’est plus un travail sur lui faire prendre conscience qu’il a en tout cas déjà une partie des matériaux. Cette réflexion sur lui-même qu’il peut développer dans cette fonction particulière où effectivement du côté de sa façon d’habiter l’autorité et le pouvoir, d’être référé à, effectivement il va être d’autant plus questionné dont il a d’autant plus besoin d’être un peu clair par rapport à tout cela. » (entretien n° 9)

On comprend mieux la place, le rôle et le sens donnés dans son apprentissage au travail sur soi (du stagiaire) lorsqu’on sait que cette directrice référente accompagne les études de situations professionnelles à la prise de fonction :

75 « LAVE et WENGER (1991) insistent sur le fait que l’apprentissage touche toute la personne et que l’on ne saurait en conséquence occulter les relations entre les changements identitaires et l’apprentissage ». D’après SAUVAGE, Frédéric. L’apprentissage, un dispositif d’évaluation et de construction des compétences : chapitre 3. GRAPHE, IAE de Lille, p. 12.

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« J’ai beaucoup bénéficié dans ma culture professionnelle de l’analyse des pratiques. Je me suis battue pour qu’on ait une analyse des pratiques au niveau de l’exercice de l’autorité, parce que je pense qu’on a besoin de s’enrichir mutuellement, de décoder, de trouver du sens, comprendre les enjeux. » (entretien n° 9)

Le passage suivant résume assez bien l’objectif pédagogique et professionnel que le directeur référent doit atteindre avec le directeur stagiaire :

« Au bout du compte la relation formative a été des plus intéressantes. J’ai bien vu l’évolution du stagiaire depuis son premier stage jusqu’au dernier. J’ai même eu la réflexion, j’ai eu l’impression que « vous avez tué le pair ». Il en est arrivé à un stade de sa relation entre lui et moi où il en est arrivé à une autonomie complète de quelqu’un qui au 1er septembre allait devenir directeur titulaire. C’est-à-dire que les derniers échanges qu’on a eu ont étaient véritablement sur un échange professionnel où moi j’avais une analyse et lui en avait une et on était sur une confrontation d’idées et d’analyse et qui faisait que le stagiaire n’était plus comme dans la première période complètement en observation du directeur référent, parce qu’il découvre tout et que forcément dans la première période le directeur référent est l’exemple à suivre. » (entretien n° 7)

3.2.1.2. L’accueil et l’intégration des stagiaires dans les services : une situation contrastée Lorsqu’il arrive en stage pratique, le stagiaire doit s’approprier l’histoire, les lieux et les outils du service où il a été affecté. Ce temps d’observation, de prise de connaissance et de reconnaissance de l’institution et du groupe est primordial. Un délai est nécessaire pour s’approprier ce nouvel environnement qu’est un service éducatif. Cet accueil doit être préparé afin que le stagiaire puisse avoir des repères, des informations essentielles dont il a besoin pour trouver sa place.

« Lors de l’accueil du stagiaire, je l’ai aidé à prendre sa place par rapport à l’équipe. » (entretien exploratoire n° 1)

La qualité de l’accueil dans les services et les processus d’intégration du directeur stagiaire obéissent à des logiques et traduisent des attitudes relativement différentes pour chaque directeur.

♦ Le positionnement du stagiaire Les directeurs référents interviewés n’ont pas retenu les mêmes critères pour positionner le stagiaire en tant que directeur, et cela dès la période d’observation du stage. - Certains directeurs référents mettent immédiatement le stagiaire dans un positionnement de directeur.

« Les mettre immédiatement dans un positionnement de direction. […] C’est à dire de ne pas les installer comme des stagiaires perdus dans une structure […] [mais] les positionner immédiatement en tant que directeur […] comme interlocuteur de direction. Tous les ans, il y a un directeur et c’est un directeur qui rentre. […] Ensuite il faut qu’il rame lui pour rattraper et pour atténuer sa position de stagiaire pour devenir le directeur de la structure. » (entretien n° 10)

La reconnaissance des compétences professionnelles est essentielle. Nous pouvons ajouter que la reconnaissance peut précéder (également) la compétence. C’est bien parce que le directeur stagiaire peut se faire reconnaître comme directeur avant tout dans l’activité de travail que la compétence peut se produire (le stagiaire est dans un positionnement de

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directeur). L’analyse de l’entretien ci-dessus (entretien n° 10) nous montre que le directeur référent et le directeur stagiaire se construisent l’un et l’autre l’image de quelqu’un qui sait, à lui ensuite de « ramer » pour rattraper et pour atténuer sa position de stagiaire pour devenir le directeur de la structure. Le positionnement est essentiel à l’exercice de la fonction de direction. Le directeur référent doit, dans ce cas précis, rester vigilant à ce que le stagiaire soit intégré comme interlocuteur de direction en veillant à ce que sa place de directeur soit assurée par rapport à l’équipe. Dans l’exemple ci-dessus, c’est bien parce qu’il n’a aucune difficulté avec son service (le personnel est « rompu » à l’exercice de la référence, le directeur titulaire accueille pour la troisième fois une jeune stagiaire (20-25 ans) dans ce même service, il est une figure charismatique dans son service, l) que le directeur titulaire peut installer le stagiaire en position de directeur et non de stagiaire. Cela ne constitue pas le cas pour la majorité des directeurs. - D’autres directeurs référents positionnent le stagiaire en tant que directeur stagiaire. Cela semble plus adapté dans certains cas.

« Là où il a fallu l’accompagner, le positionner dans son statut de directeur stagiaire c’est qu’il connaissait une partie de l’équipe. En tant qu’éducateur et formateur. Comment l’aider à se positionner et l’équipe à se positionner aussi par rapport à un nouveau statut. Je l’avais beaucoup préparé, j’avais beaucoup préparé cet accueil de directeur stagiaire et je l’ai introduit très fortement en réunion d’équipe. Et je ne parlais jamais par le nom du stagiaire, je parlais toujours du directeur stagiaire. Je déclinais le nom en deuxième position, mais jamais en première. » (entretien n° 11)

« Dans un premier temps, je l’ai présenté comme directrice stagiaire, aussi bien auprès des jeunes qu’auprès des adultes. En expliquant qu’elle était là pendant un an, qu’elle apprenait le métier de directeur. Et que quand je n’étais pas là, elle gérait à ma place. Bon, je n’ai pas dit aux gamins qu’elle gérait à ma place, je leur ai dit, si je ne suis pas là et que Florence est là, vous vous adressez à Florence comme si c’était moi. » (entretien n° 11)

Plusieurs facteurs peuvent expliquer les différences observées : les modalités d’accueil utilisées ainsi que le degré de préparation et d’implication du directeur référent et de son équipe, le nombre d’années d’expérience du directeur dans la fonction de référent ainsi que son équipe. Dans la phase d’accueil, il s’agit aussi de faciliter le travail du stagiaire.

« Il faut que l’équipe sache qu’on accueille un directeur stagiaire, que certes ils n’auront n’y à évaluer le stagiaire, ni à le noter puisque cela c’est de ma responsabilité. Mais que par contre, il faut qu’ils facilitent le travail au stagiaire. […] Le présenter comme quelqu’un qui peut vous remplacer, dans le cadre de son stage et rassurer l’équipe en leur disant quelles que soit les décisions que va prendre le stagiaire, de toute façon j’en serai avertie, au courant, on en parlera le stagiaire et moi. » (entretien n° 11)

La participation des directeurs référents au processus d’intégration du stagiaire constitue une des clefs de lecture pour comprendre la qualité de l’accompagnement professionnel et pédagogique du stagiaire. Cette participation témoigne d’une plus ou moins grande implication des directeurs dans la construction de situations d’apprentissage expérientiel. C’est donc un temps fort qui va permettre au directeur référent de délimiter la marge d’autonomie d’apprentissage du directeur stagiaire, puis de respecter le temps nécessaire à celui-ci pour se l’approprier.

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♦ Des messages à transmettre Dès qu’il arrive sur le lieu de stage, le directeur référent transmet (ici plus dans le sens de transmission d’information) au stagiaire un certain nombre de messages. Le stagiaire doit prendre le temps d’observer pour lui laisser découvrir par lui-même l’institution PJJ à travers un service.

« Le 1er message que j’ai fait passé aux quatre stagiaires, ça a été, prenez le temps d’observer. […] C’est ce que je leur dis toujours lorsqu’ils arrivent aux directeurs stagiaires. » (entretien n° 11)

« J’essaie de les laisser découvrir tout seul, et puis éventuellement je leur explique, s’ils ne découvrent pas. » (entretien n° 11)

Le stagiaire ne pourra pas tout changer comme cela du jour au lendemain, sans prendre en compte un vécu dans le service.

« N’imaginez pas que vous allez tout changer parce que vous arrivez. N’oubliez pas que les gens ont travaillé avant vous, et qu’ils vont travailler après vous. […] Pas s’attendre à ce que tout change parce qu’on arrive.» (entretien n° 11)

Le stagiaire ne doit pas se fixer trop d’objectifs, qui seraient vite irréalisables.

« Je leur dis aussi qu’il ne faut se fixer trop d’objectifs tout de suite au début. Prendre le temps d’observer, cibler ce qui nous semble le plus important à changer et se fixer pas trop d’objectifs, pour les mener à terme. […] je pense que cela conditionne la suite du stage et cela conditionne surtout leur prise de fonction en septembre. Cela la conditionne certainement. Cela ne conditionne pas tout. » (entretien n° 11) « Ce que je leur demande quand ils arrivent souvent, c’est d’essayer de cibler quelque chose qui leur paraît pas bien fonctionner, ou pas fonctionner assez bien on va dire. En général, ils ont beaucoup de mal à critiquer. C’est vrai qu’ils arrivent. On essaye de les accueillir le mieux possible. […] Bon après, à vous de me dire ce qui vous paraît ne pas aller ou ce qui vous paraît améliorable dans l’institution, et comment vous pouvez vous y prendre pour l’améliorer. » (entretien n° 11)

L’accueil du stagiaire est aussi basé sur la transmission de l’histoire d’un service « Mon rôle cela était aussi de lui montrer toute l’importance de l’héritage de ce qui se transmet dans les murs, dans l’équipe et qu’on n’arrive pas dans une institution de la même façon que dans une autre. Il y a quelque chose de la rencontre. Dans le sens d’institution, de service, en interne. Au niveau interne, c’est vrai qu’il y a une prise en compte de l’histoire qui va effectivement rentrer en jeu dans la façon dont on va aussi avoir des exigences et dont on va conduire ou pas le changement. On peut aller plus ou moins vite en fonction de ce qui a effectivement été fait antérieurement. Donc ça, je crois que je le lui ai raconté, je lui fais partager, c’est ma propre expérience. […] lui montrer un peu de là où j’étais partie et où je suis arrivée […]. Je lui ai donné à lire, ce document. Après, je lui ai dit d’observer. » (entretien n° 9) Conclusion : La transmission se repère dans la parole, dans les échanges informels et formels, dans des moments particuliers (le point fixe, la phase d’accueil et d’intégration du stagiaire, etc.). Elle se manifeste également dans l’explication, dans l’incitation à questionner sa pratique et celle de l’autre. Permettre la circulation des informations disponibles, rendre visible ses propres questionnements constitue des objectifs pédagogiques aussi fondamentaux que de transmettre des idées ou des valeurs. En effet, ces moments d’échange et de verbalisation rendent visibles, lisibles et formalisables ce qui, au préalable, ne se trouve pas être repéré : le savoir

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d’expérience. La démarche réflexive en stage pratique facilite l’accès à l’information et à la connaissance et favorise de ce fait l’acquisition de compétences et la construction d’une professionnalité. La professionnalité de la fonction de direction du stagiaire se construit sur une base réflexive. La situation réelle d’exercice de la fonction de direction peut être formative ou formatrice dès lors qu’elle s’accompagne d’une analyse réflexive sur sa pratique professionnelle. En ce sens, elle participe directement ou indirectement d’une co-construction identitaire de la professionnalité des directeurs stagiaires et des jeunes directeurs titulaires occupant la fonction de directeur référent.

L’hypothèse 2 est donc vérifiée : Partir de l’expérience et des pratiques professionnelles

du directeur référent et du directeur stagiaire pour les questionner contribue au processus de professionnalisation du directeur stagiaire.

La fonction de direction peut s’apprendre par et dans l’action et la réflexion sur l’action. L’analyse réflexive (méta-cognition) sur les pratiques va dans le sens d’une formalisation des savoirs expérientiels du directeur référent et du directeur stagiaire et en favorise le transfert. « C’est en “revisitant” sa propre expérience que l’on peut y découvrir sa professionnalité… et celle du [directeur référent]. » 76 Si les directeurs stagiaires prennent conscience de ce qu’ils savent et de ce qu’ils cherchent, à découvrir, et à démontrer, ils ne vont pas jusqu’à prendre conscience de la manière dont ils cherchent et dont ils anticipent chaque situation. Telle est ici la limite de la professionnalisation de la fonction de direction en stage pratique : l’objectif de la formation en alternance n’est pas de former des « praticiens réflexifs » 77, au sens de « j’ai conscience de comment je m’y prends pour apprendre et analyser ma pratique professionnelle ». Bien qu’ayant été mis en situation de questionner sa pratique et celle du directeur référent individuellement et collectivement, le directeur stagiaire n’est pas pour autant formé pour acquérir les capacités et aptitudes à analyser et à évaluer sa pratique professionnelle. Dans toutes ces démarches, la verbalisation et la formalisation d’une pratique professionnelle correspond à la nécessaire prise en compte de la représentation que le stagiaire se fait de sa pratique et de celle du référent (Schön, Vermersch, etc.). Cette représentation des pratiques professionnelles est aussi influencée par le processus de socialisation qui permet l’acquisition des différentes identités personnelles et professionnelles (identité pour soi, identité héritée, etc.) acquise en formation. C’est l’objet du prochain chapitre.

76 PEZET, V., VILLATTE, R., LOGEAY, P. De l’usure à l’identité professionnelle, le burn-out des travailleurs sociaux. TSA éditions. 1993. p. 190 77 Comme le souligne PERRENOUD, « la dimension réflexive est un objectif autant qu’un moyen de la formation des directeurs de service […] [Elle] n’est pas seulement une méthode, mais une posture, un rapport au réel, une façon d’être au monde. » in PERRENOUD, Philippe. Une formation réflexive et constructiviste des chefs d’établissement. Poitiers, DPATE, 22-24 avril 2002.

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3.2.2. La construction identitaire de la fonction de direction L’analyse des questionnaires et des informations recueillies au cours des entretiens permet de noter des régularités. La transmission de savoir-faire spécifiques à l’action éducative est plus importante pour les stagiaires issus de l’externe, qui n’ont pas encore de connaissances, de compétences ou d’expérience professionnelle dans le domaine socio-éducatif pour la plupart. Il s’agit pour les directeurs référents de transmettre les valeurs éducatives du métier (assez important à 58% pour les stagiaires issus de l’externe, à 13% pour les stagiaires issus de l’interne), de faire acquérir une identité professionnelle (très important à 53% pour les stagiaires issus de l’externe, 27% pour les stagiaires issus de l’interne), de transmettre des savoirs êtres, des comportements (assez important à 63% pour les stagiaires issus de l’externe, à 40% pour les stagiaires issus de l’interne) et d’aider le stagiaire à se positionner dans la fonction de directeur (très important à 67% pour les stagiaires issus de l’externe, 33% pour les stagiaires issus de l’interne). La reconnaissance des compétences professionnelles est essentielle. C’est un processus long qui commence d’abord par une cooptation professionnelle pour les stagiaires de la PJJ. En effet, le recrutement à la PJJ coopte les futurs collègues. Les épreuves de recrutement sont effectuées par des professionnels (directeurs, chefs de service, éducateurs) chargés de sélectionner la future génération. On peut dire que les examinateurs recrutent leurs pairs en essayant de détecter auprès des candidats des qualités et des aptitudes bien ciblées. S’ils ont réussi le concours de directeur, ils sont entrés officiellement dans un parcours d’intégration à la PJJ.

« On ne fait que mettre le pied à l’étrier. Le système de référence, cela fait un peu cooptation. Si le concours est obtenu, c’est que déjà a priori c’est qu’on reconnaît le potentiel, les compétences presque pour être directeur à celui qui devient stagiaire. Parce qu’en vingt semaines, cela va vite. » (entretien n° 4)

Très rapidement aussi, les directeurs référents reconnaissent, après plusieurs mois de fonction commune, que c’est un choix de métier ou non de leur part.

« J’ai eu la chance de tomber sur des gens volontaires à ce métier. On peut le dire après ça parce qu’on vérifie quand même. Au bout de six mois de fonction commune, on sent quand même s’il y a encore des résistances, que c’est vraiment un choix délibéré. […] trois personnes qui avaient choisi cette fonction là au détriment de fonctions beaucoup plus fastueuses. Elles avaient passé d’autres concours, et c’est ce concours là qu’elles avaient choisi. On voit bien après que c’est un choix de métier et non un 2ème choix ou un 3ème choix. » (entretien n° 10)

3.2.2.1. Les différents positionnements

♦ Le positionnement du directeur dans la fonction de directeur référent Les jeunes directeurs titulaires (ayant deux à trois années d’expérience) sont encore dans une phase de construction ou de consolidation de leur identité professionnelle. Plusieurs changements de positionnement se sont opérés chez eux : 1/ quitter le statut de directeur stagiaire pour prendre celui de directeur titulaire et construire leur professionnalité,

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2/ se positionner dans la fonction de directeur titulaire tout en occupant parallèlement une fonction de référent de stage. Cela requiert de leur part un changement de centration. La fonction tutorale des référents de stage interroge l’identité professionnelle des directeurs de service à la Protection judiciaire de la jeunesse. Ce qui peut expliquer aussi les difficultés rencontrées par certains directeurs de parler (lors des entretiens), en tant que directeurs référents de stage, de ce qu’ils font en tant que directeur de service avec les stagiaires. Les directeurs qui sont encore dans une phase de construction de leur professionnalité et/ou de (re)construction de leur identité professionnelle de directeur de service, ne peuvent pas se consacrer efficacement à celle du directeur stagiaire. C’est ce qui est arrivé à une directrice référente (entretien n° 6)78. Directrice de service depuis quatre ans (elle était auparavant éducatrice), elle a changé de service quelques semaines seulement avant l’arrivée du stagiaire. Lors de l’entretien, elle le dit elle-même, elle n’a pu mettre pleinement à profit cette année de formation pour le directeur stagiaire étant elle-même dans une phase de repositionnement professionnel par rapport à la nouvelle équipe éducative. Pour elle, il était difficile de pouvoir positionner le stagiaire sans qu’elle soit elle-même auparavant positionnée au sein de son nouveau service. Un autre directeur référent aborde ces difficultés de positionnement :

« Quand les choses ne sont pas possibles dans un service, c’est très difficile de faire en sorte que le stagiaire puisse acquérir un certain nombre de choses. Un exemple, si en tant que directeur titulaire vous êtes déjà en difficulté pour faire votre métier de directeur, le stagiaire avec vous sera dans la même difficulté. » (entretien n° 7)

♦ Le rôle du directeur référent Le directeur référent joue un rôle central dans l’acquisition d’un (nouveau) positionnement. Il est « la clé de l’acquisition d’un certain nombre de repères indispensables à la compréhension de la culture professionnelle : découvrir la réalité du métier, la diversité des compétences qu’il requiert et la complexité de l’environnement dans lequel il se définit »79.

« Pour moi, le seul rôle du directeur référent, c’est d’aider le stagiaire à être dans le bon positionnement de directeur, dans un bon positionnement, il n’y a pas de modèle, qui soit à la bonne place, par rapport à tout, être à la bonne distance par rapport à l’équipe, c’est-à-dire pas être en collusion, mais pas être un directeur enfermé dans son bureau, par rapport à la direction départementale. De réussir dans toutes ces places, à trouver sa bonne place. Donc de l’aider à trouver sa bonne manière. » (entretien n° 5) « Ce qu’on me demande c’est de gérer le service, pas les mineurs en milieu ouvert. Si je prends une position comme cela. En ayant eu la chance d’avoir eu beaucoup de jeunes directeurs venant de l’interne, c’est quelque chose que eux il faut qu’ils arrivent à entendre, ils sont plus là pour prendre en charge au quotidien les mineurs, ils sont là pour permettre aux éducateurs de prendre en charge au mieux les mineurs. » (entretien n° 5)

« J’apprends aux directeurs stagiaires qu’ils sont pas directeurs stagiaires et éducateurs. Ils doivent être à un moment directeur. C’est qu’il faut qu’ils apprennent ça vite en stage. Et ça c’est le rôle du directeur référent de leur apprendre cela. » (entretien n° 11)

78 Les données de cet entretien n’ont pu être exploitées (problèmes techniques rencontrés lors de la retranscription écrite). 79 Projet de formation. 2003/2004.

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♦ Place et rôle de chacun C’est en identifiant les places et les rôles que chacun occupe dans un travail collectif que l’on peut organiser une direction commune. C’est la même chose dans la relation référent-stagiaire, chacun a une place et un rôle à tenir. Derrière ces termes se dessinent pourtant des conceptions très différentes. - On peut se situer au niveau professionnel pour dire que le directeur référent n’est pas un modèle.

« Le plus difficile quand on est référent […] faut pas que le stagiaire se cale sur le référent […] Ce que je fais tu pourras pas le faire […] tu ne pourras pas rebondir comme moi sur les moments de crise. [Le stagiaire] a peu de référence sur les jeunes. Le directeur doit être très humble. Il a une position dominante, de toute puissance un peu. Dans une équipe, le pouvoir du directeur est énorme, il faut savoir un moment se retirer. Le référent peut très vite étouffer un stagiaire. Il faut lui laisser un espace important. » (entretien exploratoire n° 2)

- On peut également se situer au niveau pédagogique pour affirmer que le rôle du directeur référent n’est pas de faire à la place du stagiaire.

« Sur la pédagogie, je trouve que là ce qui m’anime beaucoup c’est le rôle et place de chacun et respect. Respect : si je dis à quelqu’un de faire quelque chose et qu’au final je me débrouille pour que ce soit moi qui le fasse, ce n’est pas la peine. Cela ne s’appelle pas de la pédagogie. […] Ma mission, c’est de faire en sorte qu’il sorte du stage avec le maximum de savoir, de savoir-faire, de savoir être de l’ordre de la fonction de direction. Tout le but du jeu, c’est de l’accompagner dans la démarche et de ne pas faire à sa place, mais de lui donner les moyens de faire et de faire en sorte que ce soit lui qui le fasse pour le coup. C’est dans ce sens que je dis respect, respect de ce qu’il est, de la personne. Si je fais tout en sorte de faire moi et pas lui, il va sortir du stage sans avoir eu cette marge d’autonomie. » (entretien n° 7)

♦ Le positionnement du stagiaire dans la fonction de directeur Pour le directeur stagiaire, cela représente un long processus d’apprentissage et de compréhension du pourquoi il va devenir directeur80.

« Il ne peut être directeur que s’il se positionne lui-même directeur. Il doit se frotter à une équipe. Il doit comprendre par lui-même pourquoi il se positionne comme cela. » (entretien exploratoire n° 1) « Il n’y a pas une façon d’habiter la fonction de direction. Il y en a plusieurs. » (entretien n° 9)

On demande aux directeurs stagiaires issus de l’interne de rester dans le même milieu, mais de changer de place, de statut, donc aussi d’identité. C’est d’autant plus difficile qu’ils doivent un beau jour diriger des gens qui étaient, hier encore, leurs égaux. « Il y a un conflit de loyauté » (propos d’un formateur en formation des directeurs). La prise de distance par rapport à leur ancien métier nécessite un véritable changement.

80 Rappelons ici que la formation du directeur stagiaire passe par plusieurs étapes incontournables qui ont été décrites précédemment : apprentissage de la fonction, compréhension du pourquoi il va devenir directeur, travail sur son propre positionnement dans la fonction. D’après le texte de Marc BRZEGOWY, Genèse de la fonction de direction à la Protection judiciaire de la jeunesse. Conférence introductive au cycle de formation initiale des directeurs de service au CNFE (Vaucresson), 2003 ; après transcription, reprise d’écriture et mise en forme par le département Recherche études développement (septembre 2004).

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« Elle se détache de plus en plus, au début elle était copine avec l’équipe, le psychologue. Elle a du mal à se distancier. Je l’ai beaucoup aidé dans son positionnement. » (entretien exploratoire n° 1)

« Ayant surtout eu des gens de l’interne, le plus important c’est de les aider à faire la bascule de leur ancienne fonction à leur nouvelle fonction. Et cela ne se fait pas dans les livres, ce n’est pas la théorie, c’est le quotidien avec eux de travailler là-dessus. » (entretien n° 5) « Avec une stagiaire, un jour on sort de réunion et là je lui dis : “tu m’as mis en colère”. Parce qu’elle se positionnait en disant “l’équipe, entre collègues”, et toute la réunion, elle fonctionnait comme ça. Je lui dis non, t’es pas entre collègues, toi tu es directrice, tu n’es pas dans l’équipe, l’équipe c’est pas ça. Toi t’es directrice d’un CAE. Tu dois te positionner en tant que directrice. » (entretien n° 5) « Dans l’action éducative, le fait d’avoir des vrais internes, ou faux externes, c’est quelque chose où ils auraient tendance à vouloir y aller. C’est plutôt de les ralentir par rapport à cela. De dire que non, si on fait à la place de, ou si on s’y implique trop on n’est plus alors nous à notre place de directeur. Je n’ai pas l’inconvénient de devoir faire que les stagiaires que j’ai eus aient à s’impliquer dans l’action éducative, bien au contraire. » (entretien n° 5) « Elle a eu dans un premier temps l’envie de mettre les mains dans le cambouis parce que de toute façon c’est pour ne pas rester à rien faire, peu à peu elle a fait ça en se situant à sa place de directrice : de prendre des négociations avec les magistrats, avec des établissements, avec la direction départementale mais surtout pas à y aller à la place des éducateurs. Ce qui leur permet aux éducateurs d’utiliser le directeur stagiaire en tant que ressource et non pas en tant que co-détenteur de la mesure. » (entretien n° 5)

« Par rapport à l’action éducative, il connaissait le public, la problématique, l’animation d’équipe. Là, où il a fallu que je l’accompagne c’est un peu à faire ce passage qu’il a dû faire sur être moins acteur direct au niveau des prises en charge des jeunes, parce qu’en hébergement le chef de service était quand même en première ligne. Tandis que là le directeur en milieu ouvert il n’est plus en première ligne. Donc effectivement, il a dû se décaler par rapport à cela et en même temps se sentir garant de l’action éducative. Ce qui n’est pas rien. Comment être garant de l’action éducative sans forcément rencontrer les jeunes ? » (entretien n° 9)

Si le directeur stagiaire sait (dans le sens d’avoir les capacités à) développer une démarche réfléchie et réflexive sur son positionnement, il est plus à même de jouer lui-même un rôle actif dans l’acquisition de son nouveau positionnement.

« Avoir le souci de chercher le potentiel chez lui, sa propre capacité d’analyse, de réflexion et son propre positionnement. L’un des atouts du stagiaire c’est d’avoir réfléchi au positionnement du directeur tout au long de son stage en faisant preuve d’un réel engagement dans la découverte de son identité professionnelle. » (entretien n° 9)

Le point fixe est aussi l’occasion de travailler le positionnement du directeur stagiaire.

« Le point fixe, c’est aussi pour le référent comment il s’est aussi positionné. » (entretien exploratoire n° 2)

« Il avait l’impression qu’à partir du moment où il serait directeur, l’action éducative n’allait plus aussi directement le concerner que lorsqu’il était éducateur. […] Moi, ce que j’essayais de lui montrer et ce dont on essayait de débattre c’est que l’action éducative le concernait tout aussi directement mais que ce n’était pas la manière de l’aborder. […] On a beaucoup travaillé ce changement de position. » (entretien n° 2)

Ce changement de positionnement va s’opérer en reprenant systématiquement le stagiaire.

« En reprenant, et puis moi j’ai la chance d’avoir une équipe difficile à gérer, qui en parallèle a l’avantage de renvoyer les stagiaires dans leur position hiérarchique, donc la bascule elle se fait. » (entretien n° 5)

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La formation doit être relativement longue pour permettre une rupture avec leur identité précédente.

« On a beaucoup travaillé ce changement de position. Cela s’est effectué de manière très progressive. Et je dirais peut-être, tellement progressive, que cela a peut-être empêché au bout du compte une prise de responsabilité aussi opérante qu’avec la stagiaire que j’ai eu actuellement, qui elle n’est pas du tout dans ce type de fonctionnement, donc qui va beaucoup plus vite. » (entretien n° 2)

Le positionnement du stagiaire peut être travaillé à travers d’autres dispositifs et outils qui ne sont pas forcément en ligne directe avec le travail éducatif.

« Donc, là il a dû utiliser et découvrir tous les autres dispositifs qu’on pouvait mettre en place pour être garant malgré tout : la lecture des rapports, l’échange individuel avec les personnels, les dispositifs institutionnels de réflexion, l’étude de situation des pratiques, tout cela qui lui permettait effectivement d’avoir son mot à dire, pour être garant de l’action éducative, puisque c’est une des fonctions du directeur. » (entretien n° 9) « Moi, j’ai une manière de faire qui n’est pas forcément la meilleure, mais cela permet au directeur stagiaire de s’étalonner, comment il voit l’autre, parfois aller négocier avec la direction départementale […]. C’est intéressant qu’il y ait cette possibilité de voir cela pour après dire, moi cela me convient ou cela ne me convient pas, je ferais comme cela ou je ferais différemment, et pour ça il y a un moment où il faut que le directeur stagiaire se trouve à mener la réunion, à faire, à faire passer l’information, à essayer de faire avancer certains projets et avec ce qu’il est lui, et surtout pas avec les consignes qu’il a du directeur. On définit la trame de là où l’on veut aller et c’est le stagiaire qui doit se coltiner tout seul la manière dont il va vouloir faire avancer les choses. » (entretien n° 5)

L’apprentissage se boucle quand le directeur stagiaire habite la fonction de direction, avec son propre positionnement. Pour cela, plusieurs étapes sont nécessaires. « La construction de l’identité professionnelle des stagiaires passe par différentes étapes (confrontation à la réalité, identification aux tuteurs, intériorisation d’un modèle professionnel) qui sont rendues possibles grâce au processus d’apprentissage engagé dans ce cadre. »81 Appuyons-nous sur l’expérience de cette stagiaire redoublante, issue de l’externe, tout comme le directeur référent. L’entretien intégral82 (entretien n° 1) figure dans les annexes de ce mémoire.

« Je pense que j’ai pu lui faire passer d’autres formes de légitimité institutionnelle, qui n’est pas celle de la directrice issue du concours interne. […] Car c’est évident que si elle se positionnait sur l’action éducative en surplomb, comme elle pouvait le faire ou comme elle essayait de le faire avec la directrice référente précédente, elle allait forcément au « casse-gueule » car elle n’était pas outillée pour. Tandis que si elle travaille un autre positionnement, elle a des chances d’aboutir, parce que sur ce positionnement-là, elle affirme une différence de rôle. Elle travaille d’autres apports avec l’action éducative, que la connaissance intrinsèque de l’action éducative. […] Il faut trouver d’autres moyens de vous présenter à l’équipe, de tenir une position qui soit aidante, mais qui n’est pas une position, qui s’en être indifférente à l’action éducative, loin s’en faut, se base sur d’autres apports. Comment vous pouvez être utile, comment vous pouvez apporter quelque chose sans être en relation de concurrence par rapport aux éducateurs sur ce que c’est qu’être un bon éducateur. » (entretien n° 1)

81 DURAND, M. La fonction tutorale à la Protection judiciaire de la jeunesse : la formation des référents de stage. Mémoire de recherche. Université de Paris IX Dauphine. Diplôme universitaire de formateur d’adultes, DUFA XIV – 1998/1999. 2001. p.22 82 Cet entretien a donné lieu à une restrancription écrite. Le texte a ensuite été retravaillé pour réaliser une première ébauche de fiche d’expérience.

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Le directeur référent base son apprentissage sur, en autre, les trois types de pouvoir de Max Weber pour travailler avec la stagiaire la question du positionnement et de la légitimité du directeur de service. Max Weber distingue trois types d’autorité reposant sur trois légitimités83 :

- la domination rationnelle légale (en vertu de laquelle le directeur de service exerce ses fonctions en matière administrative et de gestion du personnel), - la domination traditionnelle (qui s’enracine dans la coutume, les règles et valeurs institutionnelles PJJ, et qui privilégie les qualités personnelles sur la qualification professionnelle), - la domination charismatique.

En travaillant avec la directrice stagiaire dans un premier temps autour de la notion d’autorité légale et réglementaire, elle peut ainsi rapidement asseoir un (son) positionnement professionnel et une légitimité rationnelle légale par rapport à l’équipe éducative. A charge ensuite d’asseoir peu à peu la légitimité professionnelle de la stagiaire sur une autorité de compétence, voire charismatique, comme le montre le tableau84 ci-dessous :

Origine du pouvoir Type de pouvoir Autorité Type de chef Le statut Pouvoir de droit Légitime Formel

Savoir, savoir-faire Pouvoir de fait De compétence Informel Savoir être Pouvoir de

reconnaissance Charismatique Meneur

Si la directrice référente base son apprentissage dans un premier temps autour de l’acquisition d’une légitimité légale et administrative, il n’en reste pas moins vraie qu’elle doit concourir à ce que la stagiaire puisse acquérir (d’ici la fin de son stage pratique) le minimum de bagage en terme de prise en charge éducative, en lui transmettant les valeurs constitutives de l’identité éducative du corps de direction à la PJJ.

« […] en même temps il faut lui apprendre à se familiariser avec l’action éducative, parce que le jour où il y a aura de toute façon une crise liée à la prise en charge d’un jeune, situation par exemple dans un hébergement où vous avez toute une équipe éducative qui est en échec par rapport à un jeune, très souvent c’est à la directrice qu’on demande de recevoir le jeune pour essayer de le remettre en lien avec l’institution, avec l’équipe, de régler des choses avec le judiciaire, etc. Ce qui suppose que dans l’entre deux de son bureau, il faut qu’elle fasse preuve d’une capacité à régler ce problème et à assurer, à rassurer aussi les éducateurs quant au devenir de cette prise en charge. Exemple : un jeune casse tout en hébergement, les éducateurs sont démunis, le service ne peut plus intervenir parce que le jeune l’a envoyé « bouler », que fait la directrice ? Comment intervenir là-dessus ? Comment pouvoir remettre de la sécurité dans l’établissement ? Comment pouvoir prendre en compte la situation du jeune ? La situation de l’équipe ? etc. A un moment donné, il faut qu’en même qu’elle ait des réflexes professionnels issus d’un minimum de bagage éducatif. Se poser face à un jeune, c’est aussi un apprentissage que ce soit pour un directeur ou un éducateur. Ce n’est pas le même rôle professionnel, mais c’est dans les deux cas, un apprentissage. » (entretien n° 1)

83 ROYER, Patricia. « L’autorité du directeur au service de l’action éducative ». Les Cahiers dynamiques, n° 18, avril 2001, pp 54-57. 84 Tableau tiré de : MARC, E. (dir.), GARCIA-LOCQUENEUX J. (dir.). Guide des méthodes et pratiques en formation. Paris, Retz, 1995. p. 283.

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3.2.2.2. Une tension entre professionnalisation et construction identitaire

♦ Les attitudes se référant à l’autorité du directeur titulaire Si les directeurs référents semblent très ouverts à la prise d’initiatives et aux expérimentations à première vue, il n’en reste pas moins vrai que la marge d’autonomie d’apprentissage du directeur stagiaire est assujettie à la figure charismatique du directeur. La légitimité professionnelle du directeur (titulaire et référent) est prégnante. De plus, en facilitant l’insertion du stagiaire dans son service, son équipe étant « rompue » à cet exercice créant de fait pour celui-ci un lieu protecteur, ce contexte environnemental et organisationnel peut paradoxalement entraîner une période de stage trop facilitant, avec atténuation des situations conflictuelles.

« J’ai une équipe qui est rompue à l’exercice, donc je n’ai pas de difficultés avec ça. […] j’ai un positionnement très charismatique au niveau de la structure. Et que chacun sait qu’il ne faudrait pas venir écorcher mon directeur stagiaire. […] Mais parce que j’ai impulsé une certaine culture et puis cela va de soi quoi, donc du coup on se sent bien tous ensemble finalement. Donc c’est vrai qu’il rentre dans un lieu protecteur, protecteur pour tous et donc on peut s’épanouir, on n’a pas à ramer contre les gens qui sont contre les directeurs de l’externe, chez moi c’est acquis. La fonction même du stagiaire de direction est acquise. » (entretien n° 10)

« Je joue beaucoup sur l’expérience, je suis très paternaliste […] rassurer l’équipe, je m’affole rarement. » (entretien exploratoire n° 2)

♦ Des attitudes et des valeurs à transmettre

« Je pense qu’on a des valeurs, chaque directeur a ses valeurs, on a des valeurs qu’on essaie de leur transmettre […] On peut leur donner des outils, on peut leur donner des valeurs. Des outils, mais surtout des valeurs qui sont les nôtres, après elles ne sont pas forcément les meilleures. On est chacun différent. Les valeurs : notre vision de la fonction de direction avec les valeurs qui vont avec. » (entretien n° 11)

Il y a une tension entre des valeurs à acquérir et la construction de son propre positionnement.

« Qu’est-ce qu’on porte comme valeurs, sur quoi on met l’accent, qu’est-ce qu’on a intégré soi-même et à quoi on se réfère quand on est en position de directeur pour sortir d’un rapport de force, d’une réaction de tout pouvoir face une personne qui serait justement dans une dimension de réaction au pouvoir et au rapport de force. A quoi on fait réfère, qu’est-ce qu’on peut utiliser pour montrer que soi-même on est référé, c’est-à-dire que soi-même on est en relation avec la loi, les orientations, les missions tout ce qui fait qu’on est dans une délégation et qu’on ne se légitime pas que de nous-même, dans cette position. Je crois que cela c’est compliqué. C’est simple, et en même temps cela devient compliqué si l’on ne l’utilise pas. » (entretien n° 9)

♦ Le directeur titulaire : un modèle à suivre et à ne pas suivre Toute la difficulté réside dans cette dualité entre d’un côté voir une pratique de direction et de l’autre l’acquisition de son propre positionnement de direction.

« Toute la difficulté de l’accompagnement, c’est de ne pas chercher que quelqu’un d’autre vienne par mimétisme dans vos pantoufles. » (entretien n° 9)

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« Le plus difficile quand on est référent […] faut pas que le stagiaire se cale sur le référent […] Ce que je fais tu pourras pas le faire […] tu ne pourras pas rebondir comme moi sur les moments de crise. [Le stagiaire] a peu de référence sur les jeunes. Le directeur doit être très humble. Il a une position dominante, de toute puissance un peu. Dans une équipe, le pouvoir du directeur est énorme, il faut savoir un moment se retirer. Le référent peut très vite étouffer un stagiaire. Il faut lui laisser un espace important. […] Je n’ai pas envie non plus de les mettre dans un carcan, mais les laisser libre. Il me voit fonctionner. » (entretien exploratoire n° 2) « Ils ne travaillent jamais sans filet. On est quand même là. On est là physiquement à un certain moment, on n’est pas là physiquement quand on est en congé. Mais ils savent qu’on est derrière. Les décisions qu’ils prennent, ils les prennent je pense en fonction de nous aussi quand ils ont observé. Ce n’est pas forcément les décisions qu’ils prendraient s’ils étaient directeurs à part entière. Je pense qu’il leur est très difficile de décoller de l’image du directeur référent, du directeur en poste en fait. Il y a quand même proximité, une maison qui tourne quand ils arrivent. Même si eux se disent, je ne ferai pas comme ça, si je suis directeur, ils font quand même souvent comme nous on fait. C’est inévitable à mon avis. Je pense que dans un premier temps, c’est inévitable. » (entretien n° 11)

Conclusion : La formation initiale des directeurs en stage pratique participe de la transmission de modèles professionnels acquis par apprentissage expérientiel et de l’imprégnation d’un savoir s’y prendre indispensable dans l’exercice professionnel. Elle est un lieu de tension entre professionnalisation du directeur stagiaire (c’est-à-dire le développement d’une activité réflexive en vue de la construction de sa propre pratique professionnelle) et un souci constant et très fort d’intégration dans ce corps de métier, par un travail sur son propre positionnement dans la fonction entre d’un côté une démarche réflexive de construction d’une identité pour soi (héritée de ses origines) et de l’autre, la transmission/acquisition d’une identité pour autrui (attribuée sur la base de l’activité de travail et des statuts sociaux officiels). La tension est double : elle s’exprime non seulement entre professionnalisation et construction identitaire mais également dans la construction même de l’identité professionnelle, avec comme enjeu la reproduction ou la transformation du travail c’est-à-dire la transmission du travail) et/ou la construction de (nouvelles) compétences. Le directeur référent a un rôle essentiel dans « l’accompagnement cognitif et affectif favorisant le cheminement identitaire [du directeur] en herbe »85.

L’hypothèse 3 est donc vérifiée : La construction des compétences nécessaires

à une prise de fonction de direction est un espace de tension entre professionnalisation et construction d’une identité professionnelle.

85 TREMINTIN, Jacques. Résumé du livre L’éducateur spécialisé en question(s) La professionnalisation de l’activité socio-éducative. http://www.lien-social.com/livres/livres01/livre592-1.htm. In BRICHAUX, Jean. Paris, Erès, 2001.

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Il n’est pas aisé de conclure et d’écrire ce qui fait qu’un directeur référent arrive à transmettre et à faire acquérir au directeur stagiaire les savoirs nécessaires à une prise de fonction de direction. Cependant, et à la lumière du cadre théorique défini et de l’analyse de l’enquête par questionnaire et entretiens, nous pouvons dégager plusieurs pistes. Ces réflexions pourront venir alimenter la réflexion sur l’élaboration du prochain dispositif de formation initiale des directeurs en deux ans86 et l’élaboration du référentiel de compétences des directeurs référents. Nous avons essayé de montrer, au travers de ce mémoire de recherche, que le savoir sur la pratique constitué dans le tutorat, n’est pas quelque chose d’extérieur ou détaché de la pratique professionnelle. Ce qui fait la nature spécifique de la formation initiale des directeurs, c’est que la pratique, l’expérience est première. Le directeur stagiaire construit son savoir-faire dans l’action, à partir de sa pratique, son savoir en s’appuyant sur la dynamique de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction. La question relative à la dynamique de transmission professionnelle87 est celle de l’acquisition des compétences nécessaires à l’exercice de la fonction de direction dans les trois registres suivants :

- la transmission ne peut se concevoir comme figée une fois pour toute. Elle se construit et se développe au fur et à mesure de l’expérience professionnelle et pédagogique acquise par le directeur référent,

- elle se construit et se transforme au travers de multiples interactions du directeur référent avec le directeur stagiaire (mode de recrutement, âge, expérience professionnelle, etc.),

- elle ne peut s’effectuer qu’en situation de travail et doit s’appuyer avant tout sur la construction d’un apprentissage expérientiel adapté à l’expérience antérieure du stagiaire et au contexte du service dans lequel se déroule le stage.

La présente étude a voulu explorer la question de la transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique, à travers l’analyse de discours de directeurs référents. Trois temps ont pu être ainsi abordé : le processus de transmission des savoirs d’expérience, le processus de développement des compétences à travers la question de la professionnalisation et l’acquisition d’une identité professionnelle. Un travail d’approfondissement pourrait poursuivre la réflexion engagée en l’orientant davantage sur la construction de l’identité professionnelle et les effets de la transmission des savoirs d’expérience sur le directeur stagiaire.

86 La 12ème promotion des directeurs (2004/2005) est la dernière promotion à recevoir une formation initiale en un an, la formation initiale des directeurs passant à deux ans à compter de la rentrée 2005. 87 Nous faisons ainsi un parallèle avec les caractéristiques de la dynamique identitaire dans l’apprentissage présentées par Etienne Bourgeois in BOURGEOIS, Etienne. « Identité et apprentissage ». Education permanente, n° 128, 1996. pp. 30-31.

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89

En guise de perspectives : Le développement de la recherche sur la formation en stage pratique et la transmission des savoirs professionnels, en terme de processus et de contenus pourraient venir éclairer les professionnels et les formateurs sur l’acquisition, la production et la formalisation écrite des savoirs d’expérience. Cela nous paraît être fructueux pour les pratiques, pour la formation, mais aussi pour la recherche dans ce champ.

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La formation initiale des directeurs de service Un directeur de service de la PJJ dirige et conduit les établissements et services éducatifs de la PJJ, principalement chargés de la mise en oeuvre des décisions de justice concernant les mineurs et les jeunes majeurs. Il est également en charge de l'application locale de la politique et des orientations définies par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice. Le métier de directeur de service est complexe. Il s'appuie sur des dispositions personnelles et des capacités clés.

Du côté des savoirs théoriques

Au-delà d'un savoir de base pré requis pour l'entrée en formation, il est nécessaire : • d'approfondir durant la formation au moins une grille théorique d'approche de

situations professionnelles (psychologie, sociologie, analyse systémique, analyse transactionnelle...). Une attention particulière doit être accordée à la compréhension des phénomènes de l'adolescence, à la connaissance des publics pris en charge et aux courants pédagogiques,

• de revisiter ou d'acquérir des connaissances en droit appliqué des mineurs, • de connaître les organisations de l'administration et de la justice, • d'étudier les statuts des fonctionnaires, la gestion budgétaire des services, • de pouvoir débattre sur des grands thèmes professionnels d'actualité. Ces savoirs théoriques, qui ne sont pas toujours directement liés à l’action, doivent permettre de prendre de la distance, du recul par rapport à celle-ci. Ils fournissent des grilles de lecture, de compréhension de l’action. Ils favorisent l’anticipation.

Du côté des savoirs pratiques

Un directeur de service doit apprendre ou vérifier dans sa formation qu'il sait : • animer une équipe de travail, la dynamiser et lui donner du sens et de la profondeur

(perspectives et objectifs), • organiser son travail et intervenir dans l'organisation de celui des autres, • gérer les conflits, négocier et anticiper... communiquer, • prendre des décisions claires et motivées, après réflexion ou concertation, • faire preuve de disponibilité et d'adaptabilité, • écouter les autres, tenir compte de leur avis, être capable d'empathie.

Du côté des savoirs méthodologiques

Il paraît important d'insister sur les points suivants :

LLLEEE DDDIIISSSPPPOOOSSSIIITTTIIIFFF DDDEEE FFFOOORRRMMMAAATTTIIIOOONNN

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• analyser et comprendre, évaluer les différentes situations professionnelles, • trier, synthétiser et diffuser les informations nécessaires à la bonne conduite du

travail du service, • faire savoir ; valoriser le travail des autres, prendre la parole en public, • veiller à l'image de marque du service (présentation, représentation), • savoir prendre des initiatives, en rendre compte, travailler le sens des responsabilités

et du service public, • accepter la remise en cause, • travailler la maîtrise de soi, • savoir s'inscrire dans la durée, ce qui demande persévérance et surtout patience,

laisser aux autres le temps, • construire dans la cohérence.

Chaque stagiaire est invité à investir personnellement la formation à la recherche d’un socle de savoirs adaptés à son propre « style de direction ». Il s’agit de travailler sur les ressources personnelles associées à la pratique de direction. Aucun « outil » de direction n’est opérationnel en lui-même, sans la part d’engagement personnel qui va permettre au directeur d’investir pleinement sa place. Ainsi, le parcours de professionnalisation ne peut se réduire à l’acquisition de savoirs faire techniques et théoriques, au détriment du travail sur soi et du sens à donner à l’intervention éducative.

La professionnalisation Le directeur est un garant de la prise en charge, non un opérateur direct auprès de l'usager. Il doit à la fois montrer le cap, resituer le sens de l'action éducative et être l'interface avec l'extérieur. Le directeur de service est au premier niveau de la ligne hiérarchique, le membre du corps de direction en contact direct avec les équipes éducatives et les jeunes confiés à la PJJ. La formation initiale des directeurs de service de la PJJ vise à la professionnalisation de cette fonction, objectif commun applicable à tous les stagiaires, qu'ils soient issus du concours interne, externe ou de la liste d'aptitude. La professionnalisation est entendue comme l’ensemble des actions, des méthodes, des démarches, des dispositifs qui constituent le processus de construction des compétences nécessaires à l’exercice d’un métier, des savoir-faire propres à la profession. La professionnalisation se situe entre construction de compétences et construction identitaire ; elle s’effectue grâce à l’alternance, l’individualisation et la mise en situation. Elle est conditionnée par la capacité à travailler sur des situations réelles et à produire de l’analyse de pratiques. L’histoire et la spécificité de notre institution placent l’option éducative au centre de l’ensemble de nos activités. Cette préoccupation éducative est naturellement centrale dans la démarche de professionnalisation et de positionnement du métier de directeur. La dynamique et le projet de formation des directeurs formalisent l’évolution souhaitée de compétences autour des trois axes qui servent la finalité éducative de la Protection judiciaire de la jeunesse :

• un axe judiciaire, • un axe administratif et gestionnaire, • un axe politique.

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L’axe judiciaire de la PJJ croise inévitablement le couple « éducatif et judiciaire » dont la dialectique s’affirme dès l’origine de l’institution. L’axe gestionnaire trouve son sens dans l’environnement complémentaire du couple « pédagogie et gestion », car ce sont les pratiques et productions éducatives qui déterminent ses modes de gestion. L’axe politique, apparu plus récemment avec la mise en place de la politique départementale (avril 1983), puis l’inscription de la PJJ dans les politiques publiques, renvoie aux contradictions apparentes du couple « professionnel et politique ». Ces trois axes figurés dans la cible de professionnalisation interagissent entre eux, incluent les dimensions individuelles, institutionnelles et collectives des pratiques éducatives comme des pratiques de direction, et nourrissent les travaux du collège de direction. La finalité éducative est placée logiquement au cœur de cette cible de professionnalisation, qui sert de référence aux différents acteurs de la formation pour l’évaluation des acquis des stagiaires et des effets sur leurs pratiques de direction.

La cible de professionnalisation

La cible de professionnalisation du métier de directeur est

au service de l’action éducative

Page 94: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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Objectifs et organisation de la formation Rappelons les objectifs assignés à cette formation par la Direction de la PJJ : « Avoir une bonne connaissance de l'institution, de ses missions de service public et la situer dans son environnement géographique, politique, économique et social. S'engager dans une démarche de formation personnelle s'appuyant sur une mise en situation progressive de responsabilité. Constituer un groupe de référence identitaire avec ses solidarités et ses réseaux ». L'objectif général de la formation est de compléter les compétences de chaque stagiaire portant sur les savoirs nécessaires pour une première prise de fonction de directeur de la PJJ. Il s'agit de vivre ensemble un système de formation d'adultes qui privilégie le plus possible des démarches d'étude, de savoirs partagés et d'engagement des personnes.

Un dispositif riche d’intentions Cinq intentions pédagogiques sont en oeuvre dans le dispositif de formation qui vous est proposé :

• apprendre à apprendre, • s'engager dans une démarche de travail théorique et pratique pour exercer une fonction

de direction au service d’une action éducative, • entrer dans un processus d’acquisition d’une (nouvelle) identité professionnelle, • se constituer une base documentaire personnelle, • mettre en oeuvre la réalisation d'un projet personnel, inscrit dans l'alternance.

Il s'agit d'une formation qui vise la professionnalisation : accompagner pendant le temps de la formation un professionnel ou un lauréat du concours externe, jugé apte par l'administration, pour qu’il devienne directeur de service. Les principes généraux de cette formation résident dans la règle de l'alternance, de l’individualisation et de l'évaluation permanente du livret individuel de formation. Le dispositif de formation comporte des séquences collectives, d'autres en sous groupes, des travaux personnels, des entretiens individuels avec le guidant et les responsables de formation, des rencontres avec des personnes ressources, l'engagement progressif dans le service où se déroule le stage. L'équipe pédagogique s'engage à mettre en place un dispositif d'accompagnement collectif et personnel pour :

• soutenir et conseiller l'engagement du stagiaire, • évaluer ensemble le déroulement de la formation, • permettre à chaque stagiaire de se situer dans le groupe de formation, • favoriser pour chacun la mesure de ses acquis.

La réussite de la démarche pour chaque futur directeur nécessite un véritable investissement, des choix parfois délicats. La qualité de l'engagement appartient à chacun. Cette formation vise l'acquisition d'une identité professionnelle et l'apprentissage "d'outils et de méthodes" nécessaires pour animer et diriger un établissement ou un service éducatif.

Page 95: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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L'identité professionnelle est celle de directeur qui, au nom de l'État est responsable d'un service public : "il dirige, il garantit un cadre légal et réglementaire, il crée et maintient les conditions d'un fonctionnement régulier et équilibré".

La formation par la pratique : le stage et l'alternance

Composante essentielle de la formation des directeurs, le stage se déroule auprès d'un directeur d'établissement ou de service de la PJJ - secteur public - qui en organise, en lien avec sa direction départementale et sous contrôle pédagogique du CNFE, les modalités et le contenu. Nous passons de l'application (superposition d'un savoir à une pratique) à la professionnalisation grâce à l'alternance, qui permet la théorisation d'une pratique, qui aide à donner un sens renouvelé à une pratique. Le directeur stagiaire est affecté sur un terrain de stage auprès d'un directeur référent qui reste le même pendant toute la durée de la formation. Cette formation en stage pratique, sous la conduite du référent comporte plusieurs périodes qui ont chacune un objectif précis définissant pour l'ensemble du stage une progression dans l'apprentissage de la fonction de direction. C'est une formation en alternance.

Les conditions d’agrément des terrains de stages La liste des lieux d’accueil et des directeurs référents est réalisée sur proposition des directeurs départementaux et régionaux. Pour être agréé directeur référent de stage, plusieurs conditions sont nécessaires :

• le directeur d'établissement ou de service est sollicité par son directeur

départemental, qui propose sa candidature à la Direction de la PJJ par le biais du directeur régional ;

• le directeur en formation doit avoir la garantie qu'il n'aura affaire qu'à un seul directeur référent. Sous le contrôle du directeur départemental, ce dernier est chargé de proposer au CNFE les éléments d’évaluation du stagiaire ;

• dans la situation spécifique où le directeur référent est directeur de service et, dans le même temps, directeur départemental, le contrôle est exercé par la direction régionale;

• les directeurs référents, en tant que formateurs associés, doivent participer à des réunions régulières au CNFE ;

• le directeur référent complète les connaissances techniques du directeur stagiaire dans les domaines de l’animation d'un service, de l’administration, de la gestion (...)

Dans cette tâche, le directeur référent s’appuie sur une expérience professionnelle et un savoir-faire dans l'exercice de ses fonctions.

L’affectation des directeurs stagiaires Chaque stagiaire est affecté sur un terrain de stage, avant son entrée en formation.

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En fonction de la liste des services retenus par la direction de la PJJ, les stagiaires sont répartis selon plusieurs critères :

• l’origine géographique du directeur stagiaire et sa situation familiale, • les vœux du stagiaire établis préalablement, • le rang de classement au concours, • l’équilibre des deux promotions.

Pour les directeurs issus du concours interne ou de la liste d’aptitude, le stage se déroule dans

un autre département que celui où le stagiaire intervenait avant son entrée en formation. S’il exerçait ses fonctions en direction régionale ou en pôle territorial de formation, le lieu de stage est alors choisi hors région. Pour les externes, le lieu de stage comporte une fonction d’hébergement collectif. Une convention de formation est passée entre le directeur référent, le directeur départemental, le directeur stagiaire et le directeur de la formation des directeurs et des cadres territoriaux.

Les différentes périodes de stage Le stage pratique effectué dans un service contribue à donner sens à la formation. Il apporte les éléments nécessaires à l’acquisition d’une culture et d’une identité professionnelles. Il s’articule avec l’enseignement dispensé au CNFE. Les différentes séquences du stage sont organisées à partir de plusieurs registres :

• connaissance du service et de son environnement (découverte) ; • connaissance du milieu et acquisition d’une culture professionnelle (observation

participante) ; • connaissance et assimilation des outils techniques (expérimentation) ; • confrontation aux capacités et à l’aptitude à diriger (responsabilisation).

Une séquence de découverte, dès le mois de septembre, doit permettre l’accueil et l’installation du stagiaire dans son processus de formation par la pratique, à partir d’un bilan de positionnement individuel. Elle est également le moment de la compréhension de l’ancrage territorial du service d’accueil. Des rencontres formalisées auprès de la direction départementale, de la juridiction et des partenaires privilégiés facilitent cette compréhension (2 semaines). La première période (observation) a pour objectif la compréhension du fonctionnement du service et de son environnement, de l’activité du directeur et de son positionnement. Elle porte sur un état des lieux, un diagnostic, une étude d'implantation. Le directeur stagiaire éprouve les premiers décalages entre rôle et attente de rôle (5 semaines).

La seconde période (expérimentation) est une phase de consolidation de la connaissance du service et de son environnement, et de mise en application de l'utilisation d'outils du métier de directeur. L'accent est mis sur la fonction de direction en interne. Elle se réalise sous forme de deux séquences (4 semaines + 2 semaines).

La troisième période (responsabilisation) est celle où le directeur stagiaire sera mis en situation de responsabilité. Il peut remplacer le directeur référent pendant ses congés, en accord et avec le soutien de la direction départementale. Cette période peut permettre au directeur stagiaire de compléter sa formation individuelle par des apprentissages complémentaires ou des stages spécialisés jugés nécessaires (7 semaines).

Page 97: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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La formation par la pratique met en oeuvre une situation d'accompagnement qui doit permettre un dialogue permanent entre le directeur stagiaire et le directeur référent

L’évaluation du stage pratique L'évaluation du stage est réalisée par le directeur référent sous la responsabilité du directeur départemental, selon une grille d'évaluation et une procédure élaborée par le CNFE. Cette évaluation donne lieu à une proposition de note chiffrée qui doit rendre compte, à partir de plusieurs critères, de l’aptitude du stagiaire à exercer son futur métier. Une visite de stage est réalisée par un correspondant du CNFE lors de chacune des périodes. S'il apparaît au correspondant que des difficultés de fonctionnement, de relations ou d'adaptation du directeur stagiaire devaient se présenter, la décision de changer de lieu de stage pourrait être envisagée par la direction de la formation au cours ou à la fin de la première période. En cas de difficulté grave qui surgirait au-delà de cette période, le directeur de la formation interviendrait sur place, en tant que tiers et responsable de l'ensemble du processus de formation.

LE DIRECTEUR REFERENT DE STAGE Le directeur stagiaire est affecté sur un terrain de stage auprès d'un directeur référent qui reste le même pendant toute la durée de la formation. Véritable « formateur associé », le directeur référent affirme dans son choix une expérience professionnelle et un savoir-faire dans l’exercice de la fonction de direction, qu’il souhaite réinvestir en participant à la formation des nouveaux directeurs. La fonction de directeur référent nécessite à la fois la distance et la proximité qui permettent l’accompagnement, le soutien, la critique et le conseil. Les observations, l’analyse des thèmes et situations, le questionnement personnel du stagiaire et la réflexion avec le directeur référent, permettront l’engagement progressif du futur directeur. A partir de cette situation de stage, sans se substituer au référent, le stagiaire est amené à faire des propositions, à s’initier, à s’exercer par délégation à la pratique de la fonction de direction. Il participe de manière continue au quotidien du directeur référent. La fonction de directeur référent demande :

- de la disponibilité à l’égard du stagiaire, - une bonne maîtrise de l’exercice de direction, une connaissance des actes

professionnels et des compétences. La fonction de directeur référent de stage est à envisager dans une double dimension, dont chacun des éléments est interdépendant de l’autre : la dimension professionnelle et la dimension pédagogique.

Page 98: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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La dimension professionnelle Le référent est un directeur de service ou d’établissement, agréé par la Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse. Son rôle est déterminant dans la démarche proposée pour les stagiaires et dans l’accompagnement du développement professionnel. Interlocuteur privilégié du directeur stagiaire, il doit garantir le bon déroulement du stage et le respect de la convention signée en début de stage. En décidant d’accueillir un stagiaire, il s’engage à participer aux rencontres de travail proposées par le CNFE, et à rédiger le rapport final d’appréciation du stage pratique. Véritable tuteur opérationnel, en tant que pair expert, le directeur référent participe à la gestion de l’alternance et permet la formation expérientielle, c’est-à-dire la formation par les situations de travail. Il est la clé de l’acquisition d’un certain nombre de repères indispensables à la compréhension de la culture professionnelle : découvrir la réalité du métier, la diversité des compétences qu’il requiert et la complexité de l’environnement dans lequel il se définit. La dimension pédagogique Le stage pratique doit permettre au stagiaire d’approfondir les connaissances acquises en formation au CNFE et de faire progresser son livret individuel de formation (LIF). Si la formation théorique, organisée au CNFE, est un temps privilégié pour l’acquisition des savoirs, la visibilité de l’avancement du projet spécifique de chaque stagiaire dépend de la manière dont le travail s’organise localement. Le directeur stagiaire doit être confronté à diverses situations rencontrées de manière fréquente par le directeur référent, dans l’exercice de ses fonctions. Ces recommandations doivent être adaptées aux réalités du contexte local : le référent reste libre de ses options dès lors qu’elles servent les objectifs du stage. De manière schématique, les tâches du directeur référent s’articulent autour de quatre pôles :

• accueillir, • organiser le parcours d’intégration et de formation, • rendre le travail formateur (nommer ce que l’on fait et comment on le fait), • évaluer.

Le directeur référent est un catalyseur ou facilitateur d’émergences. Sa présence active doit permettre au directeur stagiaire de se trouver progressivement en position de responsabilité. Le directeur référent doit, une fois par semaine, de manière formelle, faire le point avec le stagiaire sur le déroulement du stage, sous forme d’entretien : c’est le « point fixe » qui régule la dynamique de formation par la pratique.

Page 99: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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MINISTERE DE LA JUSTICE

CENTRE NATIONAL DE FORMATION ET D’ETUDES DE LA PJJ

CONVENTION DE STAGE

10ème promotion / 2002-2003

Nom du directeur stagiaire :

Page 100: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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Département de formation des directeurs

54, rue de Garches – 92420 Vaucresson 01 47 95 98 53 ; 01 47 95 98 75

CONVENTION DE STAGE

1. M. …………………………………………………., directeur(trice) départemental(e) PJJ

du ………………………………………………………………………………………………..

2. Le Centre national de formation et d’études (CNFE), Département de formation des

directeurs et des cadres territoriaux

3. M. …………………………………………………., directeur(trice), référent professionnel

Service :

Adresse :

4. M. …………………………………………………., directeur(trice) stagiaire

(10ème promotion / 2002-2003)

La présente convention de stage est signée au cours de la première période de stage.

Page 101: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

101

M. …………………………………………………., directeur(trice) stagiaire de la

promotion 2002/2003 de formation des directeurs de service de la Protection judiciaire de

la jeunesse réalise un stage, soumis à évaluation, auprès de M. ………………...…………,

directeur de ………………………………………………………………………………….

La démarche s’effectue avec l’accord et le soutien de

M. …………………………………………………………………………………………..,

directeur(trice) départemental(e) de ………………………………………………………...

Le stage se déroule en cinq phases, auprès du même directeur référent :

1. du 23 septembre au 4 octobre 2002,

2. du 18 novembre au 20 décembre 2002,

3. du 3 février 2003 au 7 mars 2003,

4. du 31 mars 2003 au 11 avril 2003,

5. du 22 avril au 6 juin 2003.

REFERENCES

L’arrêté du 16 juillet 2001 relatif à l’organisation de la formation des directeurs de la

Protection judiciaire de la jeunesse,

Le projet de formation des directeurs de la dixième promotion (2002/2003).

OBJECTIFS DU STAGE

Le stage pratique vise l’acquisition de compétences pour l’exercice de la fonction de direction

et l’expérimentation d’une mise en situation progressive de responsabilité.

Le stage comporte plusieurs séquences, organisées au rythme de l’alternance :

Connaissance du service et de son environnement (découverte),

Connaissance du milieu et acquisition d’une culture professionnelle (observation

participante),

Connaissance et assimilation des outils techniques (expérimentation),

Confrontation aux capacités et à l’aptitude à diriger (responsabilisation).

Cette formation par la pratique intègre des rencontres et des échanges avec les administrations

(interministérialité) et les autres partenaires (politiques publiques) de l’institution.

Page 102: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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CONDITIONS DE DEROULEMENT DU STAGE

M. …………………………………………. est affecté(e) administrativement au

CNFE, jusqu’au 31 août 2003.

Congés :

Durant les périodes de stage pratique, le directeur stagiaire bénéficie de :

- 5 journées (à prendre entre le 3 février et le 7 mars 2003).

Ces congés sont à prendre en fonction de l’organisation du service, après avis du

directeur de service.

Les demandes sont transmises au département de la formation des directeurs au CNFE.

Les éventuels arrêts de travail doivent également être transmis au même destinataire, via

le directeur de service.

Regroupements au CNFE :

La présence des directeurs stagiaires aux regroupements est obligatoire :

du 7 octobre au 15 novembre 2002,

du 6 janvier au 31 janvier 2003,

du 10 mars au 28 mars 2003,

du 10 juin au 11 juillet 2003.

Frais de déplacement :

Durant la période de stage, les stagiaires ayant quitté leur résidence administrative ou leur

résidence personnelle bénéficient d’indemnités. Concernant les frais de déplacement liés

au fonctionnement du service, il est demandé aux directeurs référents de solliciter auprès

de la direction départementale une autorisation pour le directeur stagiaire à utiliser un

véhicule administratif ou à prévoir les crédits nécessaires au remboursement des frais de

transport.

Visites de stage :

Trois réunions de travail sont organisées à l’occasion des différentes périodes de stage sur

le lieu du stage, entre le directeur référent, le directeur stagiaire et le correspondant de

stage.

En cas de nécessité, une réunion complémentaire pourra se tenir sur le lieu de stage ou au

CNFE, avec les formateurs du CNFE (Formation des directeurs).

Page 103: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

103

Temps personnel :

M. ………………………………………., directeur(trice) stagiaire dispose, en accord

avec le directeur référent, d’un temps hebdomadaire personnel de travail équivalent à une

demi-journée (en période d’observation), puis à une journée lors des périodes de stage

suivantes.

Evaluation du stage :

L’évaluation du stage est réalisée par le directeur référent, sous la responsabilité du

directeur départemental, selon une grille d’évaluation et une procédure élaborées par le

CNFE (cf. annexe).

Cette évaluation donne lieu à une proposition de note chiffrée qui rend compte, à partir de

plusieurs critères, de l’aptitude du stagiaire à exercer son futur métier.

MODALITES PEDAGOGIQUES DU STAGE

1) Le directeur référent de stage occupe une fonction de "tuteur", qui vise à

accompagner, guider et former le futur directeur, selon une démarche progressive qui doit le

conduire à être apte à occuper prochainement cette fonction.

2) Le directeur référent gère avec le directeur stagiaire les horaires de présence, le

contexte et les "délégations" qui permettront à ce dernier de s'entraîner progressivement à

l'exercice de la fonction de direction et à occuper sa place auprès de lui, au fur et à mesure du

stage (le directeur stagiaire n'est pas l'adjoint du directeur référent).

Le programme de travail du directeur stagiaire est élaboré et négocié avec le directeur

référent. Ce programme est formalisé ; son déroulement est régulièrement évalué.

La démarche s'élaborera avec l'appui d'un correspondant de stage qui réalisera au moins une

visite à l'occasion de chaque période de stage.

3) L'objectif de ce stage est de permettre au directeur stagiaire, en contact avec le

directeur référent, d'explorer les différentes facettes de sa future fonction avec le soutien de

celui-ci, dans le cadre d'échanges et de réflexions partagés. Le directeur référent se trouve

dans une fonction de formateur de directeur.

Un temps hebdomadaire formalisé dénommé « point fixe » est réservé aux échanges sur le

programme de travail et sa réalisation. Ce temps est un élément fondamental du processus de

transmission des acquis expérientiels du référent.

Page 104: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

104

Le directeur stagiaire s'appuyant sur des travaux d'observation, d'analyse et d’implication

progressive choisira un thème d’étude qui articulera ses savoirs théoriques et ses savoirs

pratiques. Ce sera son Dossier d’étude et d’expérimentation professionnel (DEEP).

4) Le temps du stage doit permettre d’expérimenter des compétences à exercer une

fonction de direction.

L'apport du directeur référent porte à la fois sur la fonction elle-même et les "outils

techniques" de sa réalisation. Il est guidé par le calendrier annuel type d’un directeur de

service et les objectifs fixés aux différentes périodes de stage.

5) L’apprentissage de l’exercice de la fonction de direction doit explorer les différents

axes visés par la professionnalisation :

éducatif / judiciaire,

pédagogie / gestion,

professionnel / politique,

qui servent la finalité éducative de l’institution.

L’implication de la direction départementale favorise cet apprentissage dans les domaines du

projet départemental, du collège de direction, de l’organisation des services et des politiques

partenariales.

6) A la demande du directeur stagiaire ou du directeur référent, ou sur proposition du

correspondant, le stage peut être interrompu dans la première période ou à la fin de celle-ci,

sans pénalité pour le directeur en formation. Dans ce cas, un nouveau lieu de stage est attribué

par le CNFE.

Dans tous les stages réalisés pendant le cursus de formation, le directeur

stagiaire accomplit son travail dans le cadre de l’obligation de réserve et de

discrétion à l'égard des jeunes et des personnels, en interne comme en externe.

Fait à , le Le Directeur départemental, Le Directeur référent de stage, Le Directeur stagiaire, Le directeur du département de la formation des directeurs

Page 105: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

105

L'arrêté organisant la formation

Arrêté du 16 juillet 2001 relatif à la formation des directeurs

de la Protection judiciaire de la jeunesse

Le garde des Sceaux, ministre de la Justice, Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, semble la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat : Vu le décret n° 92-965 du 9 septembre 1992 modifié portant statut particulier du corps des directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, Arrête : Art. 1. – Les directeurs stagiaires de la Protection judiciaire de la jeunesse bénéficient pendant la durée du stage, conformément à l’article 7 du décret du 9 septembre 1992 susvisé, d’une formation organisée par le Centre national de formation et d’études de la Protection judiciaire de la jeunesse. Art. 2. – Cette formation est fondée sur le principe d’alternance entre des regroupements et des stages. Elle vise à favoriser l’acquisition d’une identité professionnelle et à garantir la maîtrise d’outils et de méthodes pour diriger et animer un établissement ou un service éducatif. Art. 3. – Elle comprend deux phases de vingt semaines chacune, organisées comme suit : - la première, sous forme de regroupements dont les objectifs sont de favoriser l’intégration des enjeux particuliers à la fonctions et aux missions de l’institution et l’acquisition et le développement de compétences dans l’animation technique et pédagogique, la gestion des ressources humaines et l’organisation, l’administration et la gestion d’un établissement ou service ; - la seconde, sous forme d’un stage dans un établissement ou service de la Protection judiciaire de la jeunesse dont l’objectif est de permettre une mise en situation progressive de responsabilité. Art. 4. – Les enseignements et les contenus de formation sont décrits dans le programme cadre annexé au présent arrêté. Art. 5. – Le stage prévu à l’article 3 se déroule dans un département auprès du directeur d’un établissement ou service de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui en organise, sous le contrôle du Centre national de formation et d’études de la Protection judiciaire de la jeunesse, les modalités et le contenu. Durant cette période, qui comporte en outre des séquences dans les différents services éducatifs et administratifs de la Protection judiciaire de la jeunesse, les

Page 106: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

106

stagiaires sont amenés à rencontrer les administrations ou organismes partenaires de l’institution. Art. 6. – Pour permettre la titularisation à l’issue de l’année de stage, la formation doit être validée par le jury au vu des trois notes obtenues par le stagiaire selon les modalités prévues par les articles 7 à 9 ci-dessous. Art. 7. – La première note (coefficient 2) est établie par le directeur général du Centre national de formation et d’études au vu du dossier de formation du stagiaire qui est composé de l’ensemble des travaux effectués sous forme de prestations écrites ou orales et qui concernent les dimensions pédagogique, administrative et gestionnaire de l’apprentissage de la fonction de direction. Art. 8. – La deuxième note (coefficient 4) qui porte sur le stage prévu à l’article 5 ci-dessus, est établie par le directeur général du Centre national de formation et d’études au vu des propositions et appréciations du directeur de l’établissement ou du service ayant accueilli le stagiaire. Art. 9. – La troisième note (coefficient 3) est établie par le jury à l’issue d’une épreuve de présentation et de soutenance d’un travail personnel intégrant les connaissances théoriques et pratiques acquises, en lien direct avec la fonction et son lieu d’exercice (document écrit : coefficient 2 ; soutenance orale : coefficient 1 ; durée de la soutenance : 45 minutes). Art. 10. – La liste des stagiaires dont la formation est validée est établie par ordre de mérite par le jury. En cas d’égalité de classement, le partage des stagiaires est fait sur la base de la note obtenue à la deuxième épreuve, puis, en cas de nouvelle égalité, sur la base de la note obtenue à la première épreuve. Aucune formation ne peut être validée si le stagiaire n’a pas obtenu plus de 6 sur 20 à chacune des épreuves et, après application des coefficients, un nombre de points égal ou supérieur à 90 pour l’ensemble des épreuves. Art. 11. – Les directeurs stagiaires titularisés après réunion de la commission administrative paritaire sont affectés en tenant compte de leur rang de classement. Art. 12. – Les membres du jury prévu ci-dessus sont nommés par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, qui en désigne le président et le vice-président. Ce jury comprend :

- le directeur de la Protection judiciaire de la jeunesse ou son représentant, - un ou plusieurs fonctionnaires appartenant au corps des directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse, - un ou plusieurs fonctionnaires de l’Etat, des collectivités territoriales et des établissements publics qui en dépendent, - un ou plusieurs magistrats de l’ordre judiciaire, - une ou plusieurs personnalités choisies en raison de leur compétence dans le domaine de l’action sociale.

Page 107: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

107

Art. 13. – Pendant les deux années postérieures à la titularisation, la formation organisée par le présent arrêté est prolongée par une formation continue obligatoire de deux semaines par an. Art. 14. – Les fonctionnaires détachés dans le corps des directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse bénéficient d’une formation d’adaptation de huit semaines minimum organisée par le directeur général du Centre national de formation et d’études. Les modalités de cette formation sont arrêtées, pour chacun des directeurs concernés, par le directeur de la Protection judiciaire de la jeunesse, sur proposition du directeur général du Centre national de formation et d’études à l’issue d’un examen individuel de chaque situation visant à apprécier les acquis antérieurs et les besoins de formation complémentaire, notamment dans le domaine de l’animation pédagogique d’une institution. Art. 15. – L’arrêté du 21 juillet 1994 relatif à la formation des directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse est abrogé. Art. 16. – La directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse est chargée de l’exécution du présent arrêté, qui sera publié au Journal officiel de la République française. Fait à Paris, le 16 juillet 2001.

Pour la ministre et par délégation :

La directrice de la Protection judiciaire de la jeunesse

Sylvie PERDRIOLLE

Page 108: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

108

La fiche de fonction Elaborée en 1992 par l’Administration centrale, cette fiche de fonction s’impose tant à l’espace de formation qu’à l’exercice quotidien de la fonction ; en ce sens, elle remplit le rôle d’un référentiel métier. Si dans cette fiche, il est beaucoup question du directeur de service, au point de laisser croire en une "toute puissance", sa fonction ne prend sens que dans une démarche participative qui associe et engage tous les personnels du service. Le directeur d'établissement ou de service de la PJJ met en œuvre les missions et orientations du service public de la Protection Judiciaire de la Jeunesse. Cette démarche s'inscrit dans un projet départemental et s'énonce sur la base d'un projet de service, se développant dans une dynamique partenariale. Responsable pédagogique, il anime l'institution dont il assume la direction. De ce fait, il est chargé de l'administration et de la gestion de l'unité de travail. Il fait partie intégrante du collège de direction et est ainsi en lien permanent avec la direction départementale et l'ensemble des directeurs du département. Animation technique et pédagogique • Vis à vis des jeunes et de leur famille :

Le directeur est garant : − de la loi et des règles de l'organisation ; il gère les interdits, − de l'accueil, du suivi et du traitement des jeunes, − du maintien des liens avec les familles, − des échanges d'informations avec les magistrats, au sujet des jeunes.

• Vis à vis du collectif de travail :

− il est responsable de l'organisation générale, − il élabore avec les personnels le projet de service, ainsi que les programmes et

rapports annuels, − il dirige et anime l'équipe, à la fois sur le plan de la communication et des échanges,

mais aussi sur celui de la réalisation des objectifs pédagogiques, − il favorise les initiatives, l'analyse des pratiques, l'observation des évolutions, − il met en place un plan de communication interne, − il soutient et contrôle le travail.

• Vis à vis des magistrats : − il assure la liaison avec les magistrats, − il est garant de la prise en charge des mesures, − il valorise, auprès des magistrats, le travail éducatif, − il veille à l'exécution des missions dans le cadre des cohérences énoncées, − il valide et transmet les écrits et rapports de ses collaborateurs, − il communique régulièrement avec les instances judiciaires.

• Vis à vis de la hiérarchie :

− il est garant de l'exécution des missions du service ou de l'établissement,

Page 109: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

109

− il est membre du groupe des directeurs du département et à ce titre, il participe solidairement au travail départemental,

− en lien avec la direction départementale, il accueille les stagiaires, assure et garantit la conduite et la validité des stages.

Direction administrative et de gestion • Le directeur gère pour sa part les ressources humaines :

− il est garant de la sécurité et des échanges, des droits et des devoirs de chacun, − il organise le travail, − il est garant du fonctionnement de chaque personnel en interaction avec les autres,

pour la réalisation du projet de prise en charge éducative, − il conduit les différents types d'entretiens avec le personnel, − il veille au déroulement de carrière de ses collaborateurs, − il organise et anime la communication fonctionnelle, − il organise le travail, les emplois du temps et la gestion des compétences, − il anime le plan de formation, − il est garant de la qualité et de la conformité des pratiques professionnelles avec les

normes, − il est garant de l'application des dispositions légales, administratives et statutaires.

• Il administre pour sa part son unité et la gère financièrement :

− il élabore ou met en place les procédures pour la collecte, le traitement, le contrôle et la transmission des données statistiques ou administratives,

− il gère administrativement et financièrement la structure dont il est responsable, − il prépare le budget et met en place des outils et des tableaux de bord de suivi de sa

réalisation, − il répartit et optimise les moyens alloués, − il contrôle et préserve les pièces nécessaires en matière financière, − il est responsable de la gestion administrative des jeunes, − il alerte sa hiérarchie lorsque les moyens sont insuffisants, ou que les éléments de la

prise en charge éducative ne sont plus réunis.

Fonction politique • Le directeur définit, en accord avec le directeur départemental, les objectifs et les

priorités en fonction des missions et des moyens impartis. • Il est responsable de la communication externe et travaille à la constitution de l'image

de marque du service et de la PJJ, localement. • Il organise un système d'observation de l'environnement local qui permette de suivre en

permanence les évolutions humaines, sociales, économiques et institutionnelles. • Il veille à inscrire l'établissement ou le service dans les dispositifs qui évoluent.

Dans le cadre du schéma départemental PJJ, souvent en lien avec le Conseil général, sous l'autorité du directeur départemental, il contribue pour sa part aux échanges et à la communication liés aux actions partenariales de lutte contre les exclusions, dont la politique de la ville, l'insertion par l'économique...

Page 110: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

110

CCCAAADDDRRREEE TTTHHHEEEOOORRRIIIQQQUUUEEE

Page 111: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

111

Grille d’analyse des dynamiques de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique : Les différents types de savoirs qui sont interpellés dans le processus de formation en alternance des directeurs

Dynamiques de transmission professionnelle

1/ Niveau de la formation et des situations de travail : processus d’apprentissage

expérientiel et organisationnel

2/ Niveau pédagogique et didactique : processus de professionnalisation

3/ Niveau de l’identité professionnelle : processus de socialisation professionnelle

Processus FORMER PROFESSIONNALISER INTEGRER Champs concerné(s) Champs socioprofessionnel professionnalité /

professionnalisationChamps de la formation en alternance / didactique professionnelle88

Champs de l’identité professionnelle

Concept(s) Construction/transmission des compétences et des savoirs d’expérience Transmission du geste professionnel Pratiques professionnelles / Praticien réflexif

Formation professionnelle en alternance Didactique professionnelle Professionnalisation

Identité professionnelle Culture professionnelle

Auteurs de référence - J. M. Barbier (1996) : les nouvelles formes de formation dans et par les situations de travail -Y. Minvielle (2000) : la transmission professionnelle - D. Schön et Argyris (1994) : l’agir professionnel, l’apprentissage organisationnel (théorie professée, théorie d’usage)

- R. Wittorski : typologie des 5 voies de la professionnalisation - A. Geay (1998) : didactique de l’alternance - Vygotski : zone proximale de développement - J. Piaget et P. Vermersch (1994) : la prise de conscience, réussir-comprendre, l’explicitation des pratiques

- R. Sainsaulieu - C. Dubar - D. Schön et Argyris (1994) : l’apprentissage organisationnel (théorie professée, théorie d’usage)

Question de départ Comment contribuez-vous à la transmission professionnelle de la fonction de direction ?

Comment contribuez-vous à la formation et à la professionnalisation du directeur stagiaire ?

Comment contribuez-vous à la construction identitaire du directeur stagiaire ?

Démarche privilégiée - apprentissage expérientiel - explicitation, prise de conscience des pratiques professionnelles

- Posture réflexive sur les processus d’activité (verbalisation) - Identification de situations problèmes (problématisation)

- socialisation

Types de savoirs Savoirs d’action, Savoirs d’expérience = savoirs s’y prendre Processus d’activité : modes d’interventions ou habiletés qui expriment et témoignent de leur professionnalité

Savoirs théoriques, procéduraux = savoirs de la pratique (comment faire) Ressources de toute nature qui vont permettre à la professionnalité de s’exercer : savoirs, méthodes, moyens

Savoirs existentiels = valeurs, éthique, habitus professionnel

Nature des savoirs transmis Transmission de savoirs pratiques (savoirs d’action) et d’expérience

Transmission d’une professionnalité Transmission d’une culture et d’une identité professionnelle

88 Courant constructiviste, insistant plus particulièrement sur le processus d’apprentissage. « Pour les partisans du constructivisme, le savoir ne se reçoit pas, il se construit ». Guide Pédagogique DESS Ingénierie de la Formation, Université de Rouen, Département des Sciences de l’Education, 2003/2004. Les pédagogies des adultes, quelles spécificités ?, chapitre 2. p. 20.

Page 112: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

112

Un cadre de référence général du concept de transmission professionnelle

Les dynamiques de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction

en stage pratique

Logique professionnelle Logique pédagogique/didactique Logique identitaire

Processus d’apprentissage expérientiel et organisationnel

Processus de professionnalisation Processus de socialisation professionnelle

Rapport entre formation et situation de travail dans la démarche d’accompagnement tutoral

Rapport entre action et réflexion dans la construction des compétences

Rapport entre légitimité et positionnement dans la construction de l’identité professionnelle

Pratique professionnelle Professionnalité Culture et identité professionnelle

Une prise de fonction :

directeur de service à la PJJ

Page 113: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

113

EEENNNQQQUUUEEETTTEEE DDDEEE TTTEEERRRRRRAAAIIINNN

Page 114: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

114

Le 11 mai 2004 Madame, Monsieur, Vous êtes actuellement directeur référent en formation initiale de directeurs à la Protection judiciaire de la jeunesse, et c’est à ce titre que je m’adresse à vous.

Préparant actuellement une formation de DESS Ingénierie de la formation (Université de Rouen – CNED), en parallèle de mes fonctions au CNFE89, je réalise une étude sur la transmission des savoirs professionnels dans la formation initiale des directeurs en stage pratique.

A cet effet, je sollicite les directeurs qui occupent la fonction de référent de stage auprès de la

11ème Promotion.

Je vous remercie par avance du temps que vous voudrez bien consacrer pour remplir le questionnaire ci-joint.

Afin de prendre en compte vos réponses, merci de bien vouloir me retourner ce questionnaire avant le lundi 24 mai 2004 : - Par la poste : CNFE-PJJ - RED

54, rue de Garches 92420 VAUCRESSON Tél. : 01 47 95 78 40

- Par fax : 01 47 95 98 67 - Par courriel : [email protected]

En vous remerciant pour votre collaboration, je vous prie de croire, Madame, Monsieur, en l'assurance de toute ma considération.

Géraldine Gourbin

89 Rattachée au département recherche études développement, je suis chargée de l’animation de l’Intranet CNFE. Je participe à la formalisation des pratiques professionnelles des personnels PJJ dans le cadre de la base des expériences éducatives. http://intranet.cnfe-sc.intranet.justice.fr/

Page 115: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

115

Questionnaire destiné aux directeurs référents 11ème Promo – 2003/2004

Merci de votre collaboration pour faciliter notre compréhension sur la transmission des savoirs

professionnels dans la formation initiale des directeurs en stage pratique Les résultats de ce questionnaire ne donneront pas lieu à une publication nominative.

Votre fonction de directeur référent Comment êtes-vous devenu directeur référent ? (plusieurs réponses possibles)

Libre choix individuel Désignation institutionnelle du directeur départemental Sollicitation du département de formation des directeurs et des cadres territoriaux

Aviez-vous déjà assuré cette fonction de directeur référent auparavant ?

Non Oui Précisez :

Année Homme – Femme / Age Stagiaire(s) issu(s) du concours 11ème Promo 2003-2004

Quelles étaient vos motivations pour devenir référent de stage ? (Trois réponses possibles)

Faire partager l’expérience de votre pratique Rester dans une dynamique de formation et de questionnement sur votre pratique professionnelle Faire le point sur votre expérience acquise en vue de la transmettre Transmettre des valeurs et une culture professionnelle Etre au contact avec des gens qui viennent de l’extérieur et qui ont un regard neuf sur

l’établissement et sur la profession Autres, précisez :

Avez-vous bénéficié vous-même d’un directeur référent lorsque vous étiez en formation initiale de directeurs ?

Non Oui Directeur référent issu du concours interne externe

Avez-vous (déjà) suivi une formation de tuteur / référent de stage ?

Non Oui, laquelle ?

Page 116: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

116

Avez-vous une expérience de formateur pour adultes (au CNFE ou ailleurs) ?

Non Oui, laquelle ?

La fonction de directeur et la transmission des savoirs professionnels Comment transmettez-vous votre expérience et vos savoirs professionnels ? (encerclez votre (vos) réponse(s), en précisant éventuellement votre démarche pour former le(s) stagiaire(s) selon qu’il(s) est (sont) issu(s) de l’interne ou de l’externe)

Ne s’applique

pas

très peu importante

un peu importante

Moyennementimportante

Assez importante

Très importante

0 1 2 3 4 5 Stagiaire

Issu de l’interne

Issu de l’externeEchanges informels 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Mise en situation d’observation 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Mise en situation concrète 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Mise en situation d’expérimentation 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Par l’action seule 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Réflexion anticipatrice sur l’action 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Réflexion en cours d’action 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Combinaison action et réflexion sur l’action (essais-erreurs et réflexion/questionnement)

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Réflexion rétrospective sur l’action 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Page 117: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

117

Transmission de savoirs théoriques 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Transmission de savoirs méthodologiques 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Point fixe 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Autres :

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Avez-vous (déjà) formalisé par écrit votre expérience et votre pratique professionnelle ?

Non - Par manque de temps, difficultés à écrire sur votre expérience, etc.

Oui - Précisez : projet de service, article, etc. Organisation du parcours de formation En tant que directeur référent, quelle a été l’importance de chacune de ces activités pédagogiques et professionnelles ? (encerclez votre (vos) réponse(s), selon que le stagiaire est issu de l’interne ou de l’externe) Ne s’applique pas

très peu importante

un peu importante

Moyennementimportante

Assez importante

Très importante

0 1 2 3 4 5 Stagiaire

Issu de l’interne

Issu de l’externe1 - accueillir, informer, intégrer 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 52 - élaborer un parcours de formation individualisé

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

3 - gérer l’alternance avec l’équipe pédagogique

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

4 - favoriser les mises en situation concrète 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 55 - construire et garantir les points fixes 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Page 118: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

118

6 - réfléchir sur sa pratique pour pouvoir la transmettre

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

7 – analyser et formaliser par écrit sa pratique pour pouvoir la transmettre

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

8 - accompagner l’évaluation du stagiaire 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 59 - faciliter l’insertion du stagiaire dans le milieu

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

10 - faire acquérir une identité professionnelle 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 511 - faire acquérir des compétences professionnelles

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

12 - former à et par une pratique réfléchie 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 513 - transmettre les valeurs éducatives du métier

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

14 - analyser et formaliser par écrit sa pratique en vue de la transmettre

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

15 - transmettre des savoirs d’expérience 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 516 - transmettre des savoirs théoriques 0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 517 - transmettre des savoirs êtres, des comportements

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

18 - aider le stagiaire à se positionner dans la fonction de directeur

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

19 - construire un langage commun sur la fonction de direction

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

20 – partager des expériences et des connaissances

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

21- encadrer l’activité et valider les acquis professionnels

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

22 - autres ? Lesquelles ?

0 1 2 3 4 5 0 1 2 3 4 5

Quelles ont été les fonctions précises que vous avez déléguées au directeur stagiaire ? A quelle période du stage ? Comment ? - Période d’observation : - Période d’expérimentation :

Page 119: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

119

- Période de responsabilisation : Vous appuyez-vous sur des outils et supports méthodologiques et professionnels pour rendre le travail du directeur stagiaire formateur ?

Non Oui, le(s)quel(s) :

grille d’évaluation, Comment ? A quelle(s) période(s) du stage pratique ? fiche de fonction du directeur cible de professionnalisation projet de formation Autres, précisez :

Fixez-vous avec le directeur stagiaire un point fixe hebdomadaire ?

Non Oui - Comment ?

un moment de retour régulier sur la pratique du stagiaire et la vôtre un moment d’échange un moment de confrontation un moment de formalisation, sous quelle forme ?

L’évaluation du stage pratique Comment mesurez-vous les acquis professionnels du directeur stagiaire en situation de travail ?

grille d’évaluation, Comment ? A quelle(s) période(s) du stage pratique ? fiche de fonction du directeur cible de professionnalisation projet de formation Autres supports et démarches d’évaluation, Précisez :

Selon vous, quelles doivent être les qualités professionnelles et pédagogiques du directeur référent ?

Page 120: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

120

Questions signalétiques Dans quelle tranche d’âge vous situez-vous :

25-29 ans 30-34 ans 35-39 ans 40-44 ans 45-50 et plus

Sexe

Femme Homme Service(s) : Hébergement Milieu ouvert Insertion Nombre de personnels : Parcours professionnel :

A la PJJ : Directeur de service Directeur régional Directeur départemental Avant : Formateur Educateur CSE Autres :

A l’extérieur : Quelle est votre ancienneté dans la fonction de direction ?

3 ans De 4 à 6 ans De 7 à 10 ans De 11 à 20 ans + de 20 ans

Quelle est votre ancienneté dans le service ?

Moins d’un an De 1 à 5 ans De 6 à 10 ans De 11 à 20 ans + de 20 ans

Si vous souhaitez ajouter une remarque sur un point non abordé Merci d’avoir répondu à ce questionnaire. Rappel : Les résultats de ce questionnaire ne donneront pas lieu à une publication nominative.

Page 121: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

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RESULTATS DU QUESTIONNAIRE

Taux de réponses au questionnaire : 30 réponses sur 67

RECRUTEMENT

24 issus du concours interne : 10 éducateurs, 12 éducateurs, CSE 1 attaché 1 autre

6 issus du concours externe (ou faux externe)

SEXE 9 femmes / 21 hommes

Concours interne : 6 femmes / 18 hommes Concours externe : 3 femmes / 3 hommes

AGE

25-29 ans : 2 (2 hommes) 30-34 ans : 3 (2 femmes / 1 homme) 35-39 ans : 2 (2 femmes) 40-44 ans : 2 (2 hommes) 45-50 ans : 21 (5 femmes / 16 hommes)

FONCTION DE DIRECTION

Ancienneté dans la fonction de direction :

Pour les directeurs référents venant de l’interne :

2 – 3 ans : 8 (2 femmes / 6 hommes)

Parmi lesquels : 1 femme / 3 hommes occupent la fonction de directeur titulaire depuis seulement deux ans

De 4 à 6 ans : 8 (2 femmes / 6 hommes) De 7 à 10 ans : 5 (2 femmes / 3 hommes) De 11 à 20 ans : 2 hommes + de 20 ans : 1 homme

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

Page 122: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

122

2 – 3 ans : 2 (1 femme / 1 homme) Parmi lesquels : 1 homme occupe la fonction de directeur titulaire depuis seulement deux ans

De 4 à 6 ans : 4 (2 femmes / 2 hommes) Ancienneté dans le service : Pour les directeurs référents venant de l’interne :

Moins d’un an : 3 directeurs De 1 à 5 ans : 18 directeurs De 6 à 10 ans : 2 directeurs De 11 à 20 ans : 1 directeur

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

De 1 à 5 ans : 6 directeurs

SERVICE(S)

Hébergement : 44% Milieu ouvert : 38% Hébergement et milieu ouvert : 3% Hébergement et insertion : 3% Hébergement collectif et diversifié : 3% Hébergement, milieu ouvert et insertion : 3% Insertion : 3% Insertion et responsable de dispositif : 3%

Nombre de personnels : Pour les directeurs référents venant de l’interne :

De 10 à 15 personnels : 5 directeurs De 16 à 20 personnels : 11 directeurs De 21 à 25 personnels : 5 directeurs De 30 à 35 personnels : 1 directeur Ne se prononce pas : 5 directeurs

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

De 10 à 15 personnels : 3 directeurs De 16 à 20 personnels : 1 directeur De 36 à 40 personnels : 2 directeurs

MODE(S) DE DESIGNATION

Libre choix : 40%

Page 123: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

123

Sollicitation du département de formation des directeurs : 20% Désignation institutionnelle du directeur départemental : 13% Désignation institutionnelle + Sollicitation du département : 10% Libre choix + Sollicitation du département : 7% Libre choix + Désignation institutionnelle : 7% Libre choix + Désignation institutionnelle + Sollicitation du département 3%

MOTIVATIONS

Pour les directeurs référents venant de l’interne :

Transmettre des valeurs et une culture professionnelle : 30% Rester dans une dynamique de formation et de questionnement sur votre pratique

professionnelle : 28% Faire partager l’expérience de votre pratique : 21% Etre au contact avec des gens qui viennent de l’extérieur et qui ont un regard neuf sur

l’établissement et sur la profession : 19% Faire le point sur votre expérience acquise en vue de la transmettre : 2%

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

Rester dans une dynamique de formation et de questionnement sur votre pratique professionnelle : 27,5%

Faire partager l’expérience de votre pratique : 27,5% Faire le point sur votre expérience acquise en vue de la transmettre : 17% Etre au contact avec des gens qui viennent de l’extérieur et qui ont un regard neuf sur

l’établissement et sur la profession : 17% Transmettre des valeurs et une culture professionnelle : 11%

EXPERIENCES EN FORMATION Pour les directeurs référents venant de l’interne :

3 directeurs ont occupé auparavant la fonction d’éducateur référent 1 directrice a occupé la fonction de formatrice en PTF pendant 6 ans 4 directeurs interviennent ou sont déjà intervenus : en formation en PTF, auprès des écoles

d’éducateurs spécialisés (IRTS…), de l’administration pénitentiaire, dans le cadre d’un DESS politique de la ville

1 directeur a une formation en DUEPS / maîtrise science de l’éducation, formation de formateurs

2 directeurs ont été formateurs à l’extérieur de la PJJ auparavant : - dans une organisation syndicale confédérale pendant dix ans - dans une association

1 directrice (ayant occupé auparavant la fonction d’éducateur référent) accompagne les études de situation professionnelle des directeurs stagiaires en formation depuis 2 ans, ainsi que la prise de fonction des directeurs nouvellement en poste. Elle intervient régulièrement en PTF depuis des années dans le cadre de la formation des éducateurs et agents de justice.

Page 124: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

124

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

1 directrice a été formatrice BAFA (animation) 1 directeur a été intervenant dans le cadre de la formation des éducateurs, et en ERTS

FONCTION DE REFERENT

Ancienneté dans la fonction de référent de stage : Pour les directeurs référents venant de l’interne :

11 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 1 fois (5 femmes / 6 hommes) Parmi lesquels : 1 femme / 3 hommes occupent la fonction de directeur titulaire depuis seulement deux ans

6 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 2 fois (1 femme / 5 hommes) 3 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 3 fois (3 hommes) 3 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 4 fois (1 femme / 2 hommes) 1 directeur occupe la fonction de référent depuis : 5 fois (1 homme)

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

5 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 1 fois (3 femmes / 2 hommes) Parmi lesquels : 1 femme occupe la fonction de directrice titulaire depuis seulement deux ans

1 directeur occupe la fonction de référent depuis : 3 fois (1 homme)

TRANSMISSION

La fonction de directeur et la transmission des savoirs professionnels : Comment transmettez-vous votre expérience et vos savoirs professionnels ?

Echanges informels :

Page 125: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

125

Echanges informels

0%10%20%30%40%50%60%70%

Stagiaire issu de l'Interne 21% 58% 21%

Stagiaire issu de l'Externe 15% 40% 45%

Moyennement important

Assez important Très important

Mise en situation d’observation :

Mise en situation d’observation

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Stagiaire issu de l'Interne 27% 64% 9%

Stagiaire issu de l'Externe 11% 52% 37%

Moyennement important Assez important Très important

Mise en situation concrète :

Page 126: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

126

Mise en situation concrète

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 8% 46% 46%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 50% 45%

Moyennement important

Assez important Très important

Mise en situation d’expérimentation

Mise en situation d’expérimentation

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Stagiaire issu de l'Interne 8% 54% 38%

Stagiaire issu de l'Externe 16% 21% 63%

Moyennement important Assez important Très important

Page 127: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

127

Par l’action seule

Par l’action seule

0%

10%

20%

30%

40%

Stagiaire issu de l'Interne 25% 8% 17% 33% 17% 0%

Stagiaire issu de l'Externe 17% 6% 11% 38% 17% 11%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Réflexion anticipatrice sur l’action

Réflexion anticipatrice sur l’action

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 0% 7% 29% 14% 43%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 0% 0% 14% 48% 33%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 128: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

128

Réflexion en cours d’action

Réflexion en cours d’action

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 8% 8% 0% 42% 42%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 6% 13% 56% 25%

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Combinaison action et réflexion sur l’action (essais-erreurs et réflexion/questionnement) : filet de sécurité pour le stagiaire

Combinaison action et réflexion sur l’action (essais-erreurs

et réflexion/questionnement)

0%

20%

40%

60%

80%

Stagiaire issu de l'Interne 0% 36% 64%

Stagiaire issu de l'Externe 26% 21% 53%

Moyennement important

Assez important Très important

Page 129: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

129

Réflexion rétrospective sur l’action

Réflexion rétrospective sur l’action

0%10%20%30%

40%50%60%70%

Stagiaire issu de l'Interne 8% 59% 33%

Stagiaire issu de l'Externe 15% 50% 35%

Moyennement important

Assez important Très important

Transmission de savoirs théoriques

Transmission de savoirs théoriques

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 8% 8% 31% 37% 8% 8%

Stagiaire issu de l'Externe 10% 15% 20% 40% 10% 5%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 130: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

130

Transmission de savoirs méthodologiques

Transmission de savoirs méthodologiques

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 0% 0% 8% 25% 50% 17%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 5% 20% 30% 15% 25%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Point fixe

Point fixe

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 0% 14% 36% 50%

Stagiaire issu de l'Externe 10% 10% 45% 35%

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 131: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

131

Autres Très important : « En mettant en scène et au travail « une manière d’être directeur » qui mettent au travail sa propre manière d’être directeur. »

FORMALISATION ECRITE

Avez-vous (déjà) formalisé par écrit votre expérience et votre pratique professionnelle? : Non : 63% (essentiellement par manque de temps, pas prioritaire, trop peu de recul dans la

fonction de direction...)

Oui : 37 % (projet de service, projet de service en cours de formalisation, articles dans les cahiers dynamiques et dans la presse spécialisée, recherches universitaires, colloques…)

ORGANISATION DU PARCOURS DE FORMATION

En tant que directeur référent, quelle a été l’importance de chacune de ces activités pédagogiques et professionnelles ? 1 - accueillir, informer, intégrer

Page 132: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

132

Accueillir, informer, intégrer

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 33% 60%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 12% 88%

Moyennement important

Assez important Très important

2 – élaborer un parcours de formation individualisé

Elaborer un parcours de formation individualisé

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 7% 7% 32% 20% 27%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 5% 0% 32% 42% 16%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 133: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

133

3 – gérer l’alternance avec l’équipe pédagogique

Gérer l'alternance avec l'équipe pédagogique

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 20% 7% 0% 40% 33% 0%

Stagiaire issu de l'Externe 11% 0% 5% 26% 53% 5%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

4 - favoriser les mises en situation concrète

Favoriser les mises en situation concrète

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 7% 33% 53%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 10% 45% 45%

Ne s'applique pas Moyennement important

Assez important Très important

Page 134: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

134

5 - construire et garantir les points fixes

Construire et garantir les points fixes

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 0% 7% 46% 47%

Stagiaire issu de l'Externe 11% 16% 52% 21%

Un peu important Moyennement important

Assez important Très important

6 - réfléchir sur sa pratique pour pouvoir la transmettre

Réfléchir sur sa pratique pour pouvoir la transmettre

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 14% 43% 43%

Stagiaire issu de l'Externe 16% 47% 37%

Moyennement important Assez important Très important

Page 135: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

135

7 – analyser et formaliser par écrit sa pratique pour pouvoir la transmettre

Analyser et formaliser par écrit sa pratique pour pouvoir la transmettre

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 46% 0% 20% 27% 0% 7%

Stagiaire issu de l'Externe 21% 21% 11% 36% 11% 0%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important Très important

8 - accompagner l’évaluation du stagiaire

Accompagner l’évaluation du stagiaire

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Stagiaire issu de l'Interne 33% 42% 25%

Stagiaire issu de l'Externe 21% 58% 21%

Moyennement important Assez important Très important

Page 136: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

136

9 - faciliter l’insertion du stagiaire dans le milieu

Faciliter l’insertion du stagiaire dans le milieu

0%10%20%30%40%50%60%70%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 0% 7% 59% 27%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 5% 5% 42% 48%

Ne s'applique pas

Très peu important

Moyennement important

Assez important Très important

10 - faire acquérir une identité professionnelle

Faire acquérir une identité professionnelle

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 13% 27% 33% 27%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 21% 26% 53%

Ne s'applique pas

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 137: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

137

11 - faire acquérir des compétences professionnelles

Faire acquérir des compétences professionnelles

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

Stagiaire issu de l'Interne 14% 50% 36%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 50% 50%

Moyennement important

Assez important Très important

12 - former à et par une pratique réfléchie

Former à et par une pratique réfléchie

0%

20%

40%

60%

80%

100%

Stagiaire issu de l'Interne 20% 40% 40%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 79% 21%

Moyennement important Assez important Très important

Page 138: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

138

13 - transmettre les valeurs éducatives du métier

Transmettre les valeurs éducatives du métier

0%10%20%30%40%50%60%70%

Stagiaire issu de l'Interne 20% 7% 33% 13% 27%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 0% 5% 58% 37%

Ne s'applique pas

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

14 - analyser et formaliser par écrit sa pratique en vue de la transmettre

Analyser et formaliser par écrit sa pratique en vue de la transmettre

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 47% 0% 13% 20% 20% 0%

Stagiaire issu de l'Externe 21% 16% 16% 31% 11% 5%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 139: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

139

15 - transmettre des savoirs d’expérience

Transmettre des savoirs d’expérience

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 23% 31% 46%

Stagiaire issu de l'Externe 33% 39% 28%

Moyennement important Assez important Très important

16 - transmettre des savoirs théoriques

Transmettre des savoirs théoriques

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 20% 20% 39% 7% 7%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 16% 21% 21% 32% 5%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

Page 140: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

140

17 - transmettre des savoirs êtres, des comportements

Transmettre des savoirs êtres, des comportements

0%

10%

20%

30%

40%

50%

60%

70%

Stagiaire issu de l'Interne 13% 40% 47%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 63% 32%

Moyennement important Assez important Très important

18 - aider le stagiaire à se positionner dans la fonction de directeur

Aider le stagiaire à se positionner dans la fonction de directeur

0%10%20%30%40%50%60%70%80%

Assez important 33% 47%

Très important 67% 53%

Stagiaire issu de l'Interne Stagiaire issu de l'Externe

Page 141: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

141

19 - construire un langage commun sur la fonction de direction

Construire un langage commun sur la fonction de direction

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 20% 0% 7% 33% 27% 13%

Stagiaire issu de l'Externe 5% 0% 21% 47% 16% 11%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

20 – partager des expériences et des connaissances

Partager des expériences et des connaissances

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 27% 40% 33%

Stagiaire issu de l'Externe 17% 39% 44%

Moyennement important

Assez important Très important

Page 142: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

142

21- encadrer l’activité et valider les acquis professionnels

Encadrer l’activité et valider les acquis professionnels

0%

10%

20%

30%

40%

50%

Stagiaire issu de l'Interne 7% 0% 7% 33% 46% 7%

Stagiaire issu de l'Externe 0% 5% 0% 42% 42% 11%

Ne s'applique pas

Très peu important

Un peu important

Moyennement important

Assez important

Très important

22- autres Très important : « Amener le stagiaire à trouver sa propre façon d’habiter la fonction de direction en articulant, de manière harmonieuse Personne / Fonction ». N.B : les parties relatives aux délégations, aux outils et supports méthodologiques n’ont pas fait l’objet d’une exploitation des résultats dans le cadre du mémoire de recherche.

Page 143: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

143

DIRECTEURS REFERENTS ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS

RECRUTEMENT

8 issus du concours interne (ou faux externe) :

4 éducateurs, 2 éducateurs, CSE

5 issus du concours externe

SEXE 5 femmes / 8 hommes

Concours interne : 4 femmes / 4 hommes Concours externe : 1 femme / 4 hommes

AGE

30-34 ans : 3 personnes 35-39 ans : 1 personne 40-44 ans : 1 personne 45-50 ans : 5 personnes 51-55 ans : 1 personne

ORIGINE GEOGRAPHIQUE

Basse-Haute Normandie : 1 Bretagne-Pays de la Loire : 1 Centre-Limousin-Poitou Charentes : 3 Ile-de-France : 2 Lorraine-Champagne-Ardennes : 1 Nord-Pas de Calais : 1 PACAC : 1 Picardie : 1 Rhône-Alpes-Auvergne : 1

EXPERIENCES EN FORMATION

Pour les directeurs référents venant de l’interne :

1 directrice a occupé la fonction de formatrice en PTF pendant 6 ans 1 directrice a occupé la fonction de formatrice au sein d’une association

Page 144: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

144

1 directeur a une formation en DUEPS / maîtrise science de l’éducation, formation de formateurs

1 directrice (ayant occupé auparavant la fonction d’éducatrice référente) accompagne les études de situation professionnelle des directeurs stagiaires en formation depuis 2 ans, ainsi que la prise de fonction des directeurs nouvellement en poste. Elle intervient régulièrement en PTF depuis des années dans le cadre de la formation des éducateurs et agents de justice.

FONCTION DE REFERENT

Ancienneté dans la fonction de référent de stage : Pour les directeurs référents venant de l’interne :

2 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 1 fois (2 femmes) 2 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 2 fois (1 femme / 1 homme) 2 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 3 fois (2 hommes) 2 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 4 fois (1 femme / 1 homme)

Pour les directeurs référents venant de l’externe :

3 directeurs occupent la fonction de référent depuis : 1 fois (3 hommes) Parmi lesquels : 2 hommes occupent la fonction de directrice titulaire depuis seulement deux ans

1 directeur occupe la fonction de référent depuis : 2 fois (1 femme) 1 directeur occupe la fonction de référent depuis : 3 fois (1 homme)

Page 145: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

145

Entretien n° 1 : ébauche de fiche d’expérience

Les formes de légitimité institutionnelle LE CONTEXTE « Le département de formation des directeurs et des cadres territoriaux m’avait proposé d’accueillir une jeune femme du concours externe. Redoublante, celle-ci avait connue des difficultés lors de son précédent stage pratique, auprès de la directrice référente qui était, elle, issue de l’interne. Tout les opposait au niveau de leur propre expérience respective : d’un côté, une jeune directrice stagiaire qui allait prendre son premier poste après ses études de droit, sans expérience professionnelle antérieure, de l’autre, une directrice référente qui avait un long parcours à la PJJ, et qui avait été éducatrice et CSE auparavant. Il semblerait que la rencontre ne se soit pas faite. L’équipe de formateurs me proposait de reprendre cette stagiaire sur le stage pratique de la 2ème année, en raison de ce que les formateurs pouvaient présupposer de ma capacité à l’aider utilement, à lui faire passer un certain nombre de messages, concernant le positionnement professionnel, la relation éducative, comment se poser face à une équipe quand on n’a pas été éducateur soi-même, etc. Etant moi-même issue d’une des 1ères promotions des directeurs où il y avait un recrutement à l’externe, j’avais moi-même connu toutes ces difficultés de positionnement.

L’ACCUEIL DU STAGIAIRE Je l’ai reçu au CAE multifonctions sans à priori quelconque même si elle était redoublante. Je me suis dis qu’on pouvait avoir une stratégie de réussite. J’étais étonnée de constater que j’avais en face de moi quelqu’un qui comprenait, qui avait réfléchi, qui avait fait elle-même son auto-critique. Et ce que je lui ai expliqué, elle a compris avec moi des choses qu’elle semblait ne pas avoir compris auparavant. Alors, vous dire quoi exactement ? Je pense qu’un travail important sur le cadre a été mené.

LE STAGE PRATIQUE J’ai repris la jeune directrice stagiaire sur le stage pratique de la deuxième année en travaillant avec elle la question de la légitimité du directeur de service. A partir de sa représentation sur la fonction, je lui ai fait découvrir l’utilité d’un apprentissage Mettre le stagiaire dans une stratégie de réussite Pour cela, je me suis tout d’abord appuyée sur son expérience et ses acquis professionnels (elle avait fait des études de droit et n’avait pas d’expérience

professionnelle antérieure) pour pouvoir rapidement la mettre dans une “stratégie de réussite” vis-à-vis de l’équipe éducative et de l’institution, puis la mettre en position de légitimité éducative auprès des jeunes. Un positionnement fort sur le champ éducatif La directrice référente précédente se positionnait beaucoup (trop ?) sur le champ éducatif, du fait de son parcours. Elle tenait une place forte dans l’institution sur sa relation aux jeunes et sur sa proximité avec les éducateurs, Aussi, cette jeune stagiaire qui arrivait là sans avoir du tout l’expérience d’une approche éducative, se retrouvait à devoir se faire une place sur ce créneau là où elle était démunie. Or, la jeune directrice ne pouvait pas jouer cela comme cela, sinon elle était sûre d’aller à l’échec. N’importe quel éducateur, même le plus néophyte, aurait de toute façon au moins deux ou trois ans de plus qu’elle sur cette capacité de l’action éducative. Une super compétence éducative A 23 ans, on ne peut pas lui demander d’avoir une super compétence éducative. Si elle se positionnait sur l’action éducative en surplomb, comme elle pouvait le faire ou comme elle essayait de le faire avec la directrice référente précédente, elle allait forcément à l’échec car elle n’était pas outillée pour. Tandis que si elle travaillait un autre positionnement, elle avait des chances d’aboutir, parce que sur ce positionnement là, elle affirmait une différence de rôle. Elle devait (s’)affirmer une légitimité sur d’autres bases que la “super capacité éducative”. Je lui évitais ainsi des impasses en terme de positionnement professionnel en lui apprenant à se forger une légitimité institutionnelle un peu différente dans une singularité des rôles : décoller de la relation éducative et être plus en phase avec ce que c’est qu’une direction d’établissement. Et là, elle a pu y retrouver des éléments de rigueur. Tenir une position aidante En lui montrant ma manière de faire, j’ai abordé avec elle d’autres moyens de se présenter à l’équipe, de tenir une position qui soit aidante, mais qui n’est pas une position, qui s’en être indifférente à l’action éducative, loin s’en faut, se base sur d’autres apports. J’ai beaucoup travaillé avec elle sur les notions de distance et de différence des rôles professionnels. Elle a ainsi acquis des compétences autour des notions de réglementation, de légalité, de partenariat, de vision globale et de stratégie de projet de service, etc, mais également d’autres capacités que la connaissance intrinsèque de l’action éducative :

Page 146: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

146

- une capacité d’écoute, - une capacité de reformulation, - une capacité de penser à l’organisation du

service, - une capacité d’être plus dans la régulation que

dans l’action éducative, - une capacité d’être plus sur le cadre que le faire

avec, - une capacité d’être plus sur la vision globale

que sur l’accompagnement de situations individuelles, etc.

Se familiariser avec l’action éducative Tout en travaillant sur ce positionnement, je lui ai appris à se familiariser parallèlement avec l’action éducative et le contact avec les jeunes. En effet, le jour où il y a aura une crise liée à la prise en charge d’un jeune, c’est à la directrice qu’on demande de recevoir le jeune pour essayer de le remettre en lien avec l’institution, avec l’équipe, de régler des choses avec le judiciaire, etc. Travailler les deux positionnements Il fallait qu’elle puisse affirmer aussi un positionnement où elle devait être en capacité de régler un problème de prise en charge des jeunes. La stagiaire devait travailler les deux positionnements. Une part de la légitimité du directeur est aussi – c’est une particularité de la PJJ – dans cette capacité à faire face au public et à ses difficultés même si par ailleurs on trouvait d’autres modes de légitimité. Si nous n’arrivions pas à surmonter cette épreuve là, elle n’aurait pas acquis des bases pour s’inscrire pleinement dans un rôle de chef d’établissement à la PJJ. Ce qui supposait que, dans l’entre deux de son bureau, elle fasse preuve d’une capacité à régler ce problème et à assurer, à rassurer aussi les éducateurs quant au devenir de cette prise en charge. Un minimum de bagage éducatif à acquérir Je l’ai aidé à acquérir des réflexes professionnels et un minimum de bagage éducatif. Se poser face à un jeune, c’est aussi un apprentissage que ce soit pour un directeur ou un éducateur. Ce n’est pas le même rôle professionnel, mais c’est dans les deux cas, un apprentissage. Avec moi pour commencer, elle m’a vu faire et puis ensuite petit à petit, elle a pu prendre sa place sur une ou deux situations. C’est elle qui a accompagné tel ou tel incident, ou qui a revu le jeune ensuite pour faire le point. Je donne à voir beaucoup de ma pratique Je n’ai jamais eu à construire moi-même de documents. Je crois que je donne à voir beaucoup de ma pratique et de la façon dont je travaille. A partir de là, on échange sur son propre exercice professionnel, sur le mien. Tout ce que cela peut susciter de questions, de

préoccupations. C’est plus dans le partage au quotidien que les choses se font. Je crois que c’est en rencontrer des gens. J’ai même été formé comme cela dans le rapport à des “figures professionnelles”. Il n’y aura pas forcément lieu de donner toutes les clés. Etre le moins insécurisé de tous Une place importante était consacrée à la réflexion que ce soit dans le cadre du “point fixe” hebdomadaire ou tout au long de la semaine. Très souvent après des situations de crise, il y a des occasions de réflexions institutionnelles qui sont intéressantes. Encore faut-il avoir su gérer la crise, cela ne veut pas dire être sans faille, on peut toujours être mis en difficulté, dire là j’y suis allée un peu fort ou alors au contraire j’y suis pas allée assez pour supporter la crise. En tout cas, il faut que quand une équipe est en crise, a peur et très insécurisée, il faut que le directeur soit le moins insécurisé de tous. Parce que c’est évident que l’équipe va trouver des ressources du côté de son directeur, il ne faut pas que le directeur soit sous la table, où ne pas fuir l’institution en se demandant comment il va récupérer son poste le lendemain. Il faut qu’il tienne la route face aux épreuves de l’action éducative, portées par toute sorte de professionnels. La réponse doit être adaptée du point de vue psychologique, légal et réglementaire au sens de qu’est-ce qu’on peut mettre en place, du point de vue du message qu’on va envoyer à l’équipe, du message qui est envoyé au jeune, auteur des troubles et puis en même temps il faut pouvoir continuer à gérer l’institution, c’est-à-dire à la faire vivre, à accueillir des jeunes, à la recentrer autour de sa tâche primaire, etc. Il y a beaucoup de choses. Il y a à la fois tout l’aspect de la gestion administrative, budgétaire de la vision globale de l’institution dans toutes ses composantes et puis en même temps, il y a la connaissance des jeunes, de leur situation, des interrelations dans l’institution. Il faut pouvoir être finalement celui qui avertit quand les choses commencent à déraper, qui prévient les crises. Ce qui suppose quant même d’être dans une certaine lucidité et dans une certaine maturité professionnelle pour pouvoir être efficace, tout simplement.

Décoder les choses Quand j’étais moi-même stagiaire issue du concours externe, avec une directrice issue de l’interne, qui m’a ouvert son bureau, nous avons eu de grandes discussions ensemble. Mais finalement, avec le recul maintenant, je pense que je n’ai pas passé autant de temps que je l’aurais souhaité moi-même à ce moment là à décoder les choses avec les uns et les autres.

Cela semble important de décoder les choses. Ainsi sur un incident, je lui disais : « qu’est-ce que vous avez compris de cet incident ? Qu’est-ce que vous en

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147

pensez ? Comment vous le traiterez maintenant ? » Je fais cela sous forme de mini-exercice. « Dans le traitement du courrier, on a oublié quelque chose, d’après vous ce serait quoi ? ». J’essaie de mettre les stagiaires en situation d’avoir à réfléchir en même temps que moi sur « il s’est passé cela, on en fait quoi maintenant ? ». « Qu’est-ce qui est encore à faire sur cette situation ? Est-ce qu’on a tout fait ou est-ce qu’on n’a pas tout fait [pour le jeune] ? ». Il s’agissait de faire naître un questionnement chez la stagiaire. Cela commence par un questionnement (de la stagiaire ou de moi-même), puis vient l’élaboration d’un problème pour aboutir à la construction d’un savoir. Montrer à voir l’institution Une des difficultés des directeurs qui arrivent est de se mettre en situation de voir l’institution dans tous ces aspects, pour y prendre place, il faut la voir. Si on ne l’a pas vu, on y prend mal sa place.

Et pour pouvoir la voir, il faut la voir sous différents angles, à essayer de travailler des choses qui ne sont pas dû simplement à des situations individuelles ou des thèmes précis mais qui font système.

Le tableau de bord de l’institution J’essaye de les entraîner à penser globalement, à avoir une vision globale de l’institution, à avoir une capacité d’anticipation.

J’utilise souvent l’image du tableau de bord de l’institution. Quand vous êtes en situation de direction d’un ferry, vous avez un tableau de bord et à un moment donné vous pouvez avoir sur ce tableau de bord des choses qui clignotent. Si vous oubliez que vous avez un tableau de bord et pas seulement des choses qui clignotent, vous tardez.

L’interdépendance Il s’agit de ne pas oublier qu’on est dans un ensemble organisé. Et que dans cet ensemble organisé il y a des interdépendances y compris sur des problèmes à traiter, de façon à ne pas former des gens qui courent après la tâche, mais des gens qui soient capables de piloter. Avec, bien sûr, toute la modestie de l’exercice, parce qu’on ne choisit pas forcément les situations professionnelles dans lesquelles on arrive. REFERENCES THEORIQUES OU EXPERIENTIELLES Je me suis beaucoup servie des trois figures de la légitimité chez Max Weber, mais également de la littérature sur la résolution de problèmes. Ce sont des outils parlant et appropriables dans notre champ.»

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Pour aborder les questions qui touchent à la notion de « transmission professionnelle », nous avons choisi de présenter cette bibliographie à trois entrées qui correspondent aux trois axes de recherche étudiés qui, tout en étant distincts, sont amenés à se croiser. Une quatrième entrée, plus spécifique au champ du travail social et de la protection judiciaire de la jeunesse, a été ajoutée.

Situation de travail et formation

BARBIER, J.-M., et al. Situations de travail et formation. Paris, L’Harmattan, 1996. BARBIER, J.-M. [dir.]. Savoirs théoriques et savoirs d'action. Paris, PUF, 1998.

Le tutorat et la formation expérientielle

CANDAU, Geneviève. Apprendre en entreprise dans la situation pédagogique de l’alternance : comment apprend-on en entreprise et qu’y apprend-on ? Journées d’étude RAPPE, Aix-en-Provence, 21 et 22 novembre 2002.

PINEAU, Gaston ; COURTOIS, Bernadette. La formation expérientielle des adultes.

Paris, La Documentation française. 1991.

GEAY, André. L’école de l’alternance. Paris, L’Harmattan, 1998.

GERARD, Françoise. A l’écoute des tuteurs : 26 entretiens pour mieux comprendre l’expérience des tuteurs en entreprise. Centre INFFO, 1997.

LANDRY, F. « La formation expérientielle : origines, définitions et tendances ».

Education permanente, n° 100-101, déc. 1989. pp. 5-10. LESNE, M. Travail pédagogique et formation d’adultes. Paris, PUF, 1977.

OSTY, Florence. Le désir de métier : engagement, identité et reconnaissance au

travail. Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2003.

BBBIIIBBBLLLIIIOOOGGGRRRAAAPPPHHHIIIEEE

1/ Niveau de la formation et des situations de travail : processus d’apprentissage et de formation expérientielle

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149

Construction des compétences

LE BOTERF, Guy. De la compétence essai pour un attracteur étrange. Paris, Edition d’Organisation, 1995.

LEPLAT, Jacques. « A propos des compétences incorporées ». Education permanente,

n° 123, 1995. LEVY, J.-F. (26/06/2000). État de l'art sur la notion de compétence. Texte introductif

au séminaire national INRP. Dans Communication "Usages éducatifs des technologies de l'information et de la communication : quelles nouvelles compétences pour les enseignants ?". Paris, France. <http://www.inrp.fr/Tecne/Rencontre/IntroJFL.pdf>

MINET, François. L’analyse de l’activité et la formation des compétences. Paris,

L’Harmattan, 1995. NONAKA I. ; TAKEUCHI H. ; INGHAM M. (collab.). La connaissance créatrice : la

dynamique de l’entreprise apprenante. Paris, De Boeck-Université, 1997.

PASTRE, P. ; SAMURCAY, R. ; BOUTHIER, D. (dir.). « Le développement des compétences. Analyse du travail et didactique professionnelle ». Education permanente, n° 123, 1995.

PASTRE, P. ; SAMURCAY, R. L’ergonomie et la didactique. L’émergence d’un

nouveau champ de recherche : didactique professionnelle. Deuxièmes journées : recherche et ergonomie. Toulouse, février 1998. http://www.ergonomie-self.org/Pages/rechergo98/html/samurcay.html

WITTORSKI, Richard. « De la fabrication des compétences ». Education permanente,

n° 135, 1998. Transmission professionnelle

MINVIELLE, Yvon. « La transmission professionnelle ». Pour, n° 165, mars 2000.

Didactique professionnelle / Didactique de l’alternance

GEAY, A. ; SALLABERY, J.C., « La didactique en alternance ou comment enseigner dans l’alternance ». Revue française de pédagogie, n° 128, juillet-août-septembre 1999.

GEAY, A. « Interdisciplinarité et complexité ». Actualité de la formation permanente,

n° 171 mars - avril 2001. Pratique réflexive

ARGYRIS C. ; SCHON D.A. Apprentissage organisationnel : théorie, méthode, pratique. Paris, Bruxelles, De Boeck-Université, 2002.

Page 150: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

150

PERRENOUD, Philippe. Articulation théorie-pratique et formation de praticiens réflexifs en alternance : in Lhez, P., Millet, D. et Séguier, B. (dir.), Alternance et complexité en formation. Éducation – Santé – Travail social, Paris, Editions Seli Arslan, 2001.

PERRENOUD, Philippe. Une formation réflexive et constructiviste des chefs

d’établissement. Poitiers, DPATE, 22-24 avril 2002.

PERRENOUD, Philippe. La place de l’analyse du travail réel en formation initiale : transposition et dispositifs. Texte prolongeant une intervention au Séminaire romand de 3e cycle en Sciences de l’éducation, Analyse du travail et formation professionnelle, Veysonnaz, 10-12 octobre 2001.

SAINT-ARNAUD, Y. Connaître par l'action. Montréal, Les Presses de l'Université de

Montréal, 1992.

SCHON, D.A. Le praticien réflexif. À la recherche du savoir caché dans l’agir professionnel. Montréal, Éditions Logiques, 1993.

2/ Niveau pédagogique et didactique : processus de professionnalisation

PIAGET, Jean. Réussir et comprendre. Paris, PUF, 1974.

VERMERSCH, Pierre. L'entretien d'explicitation. Paris, ESF, 1994.

VYGOTSKI, Lev S. Pensée et langage. Paris, La dispute, 1997.

3/ Niveau de l’identité professionnelle : processus de socialisation professionnelle

Le tutorat, l’identité professionnelle

ARDOUIN, Thierry. « Alternance, tutorat et identité professionnelle ». Pour, n° 154, juin 1997.

BLIN, J-F. Représentations, pratiques et identités professionnelles. Paris, L’Harmattan,

1997.

BOURGEOIS, Etienne. « Identité et apprentissage ». Education permanente, n° 128, 1996. p. 30.

DUBAR, C. La socialisation, construction des identités sociales et professionnelles.

Paris, A. Colin, 2000.

SAINSAULIEU, R. L'identité au travail. Paris, Presses de la FNSP, 1998.

Page 151: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

151

4/ Champs du travail social et de la protection judiciaire de la jeunesse

La fonction de direction Arrêté du 21 juillet 1994 relatif aux modalités d'organisation des concours externe et

interne pour le recrutement de directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse.

BRZEGOWY, Marc. Genèse de la fonction de direction à la Protection judiciaire de la jeunesse. Conférence introductive au cycle de formation initiale des directeurs de service au CNFE (Vaucresson), 2003 ; après transcription, reprise d’écriture et mise en forme par le département Recherche études développement (septembre 2004).

Décret n° 92-965 du 9 septembre 1992 modifié portant statut particulier du corps des

directeurs de la Protection judiciaire de la jeunesse.

DANIEAU KLEMAN, Colette ; DUGUE, Elisabeth ; MALOCHET, Guillaume. L’exercice des fonctions de directeurs à la Protection judiciaire de la jeunesse. Rapport intermédiaire. CNAM, juillet 1994.

FERRANDEZ, Yves. « Une recherche de légitimité ». Les Cahiers dynamiques, n° 18,

avril 2001.

Projet de formation des directeurs, 2003/2004.

ROYER, Patricia. « L’autorité du directeur au service de l’action éducative ». Les Cahiers dynamiques, n° 18, avril 2001.

Le travail social

DURAND, M. La fonction tutorale à la Protection judiciaire de la jeunesse : la formation des référents de stage. Mémoire de recherche. Université de Paris IX Dauphine. Diplôme universitaire de formateur d’adultes, DUFA XIV – 1998/1999. 2001.

PEZET, V., VILLATTE, R., LOGEAY, P. De l’usure à l’identité professionnelle, le

burn-out des travailleurs sociaux. TSA éditions. 1993. VILBROD, Alain. « La convention collective de 1966 chronique d'un rendez-vous

impossible entre le privé et le public ». Le temps de l’histoire, numéro 1, 1998.

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152

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

PREMIERE PARTIE : CADRE GENERAL DE LA MISSION 7

Le DESS ingénierie de la formation 7

Le stage en entreprise 7

1.1. LA MISSION 8 1.1.1. Présentation du CNFE-PJJ 8 1.1.2. Une formation en alternance 8

1.2. LA FORMATION DES DIRECTEURS DE SERVICE 9 1.2.1. Historique de la fonction de direction à la PJJ 9 1.2.2. L’organisation de la formation initiale des directeurs stagiaires 10

1.2.2.1. Caractéristiques de la formation des directeurs 10 La finalité de la formation : la professionnalisation Le stage pratique L’évaluation de la formation Des outils pédagogiques

1.2.2.2. La mission confiée dans le cadre du stage 13

DEUXIEME PARTIE : LA METHODOLOGIE DE LA RECHERCHE 14

2.1. LA PROBLEMATIQUE 14

2.2. LE CADRE THEORIQUE 16 2.2.1. L’apprentissage expérientiel 17

2.2.1.1. Formation et situation de travail 17 2.2.1.2. La compétence professionnelle 18

Les caractéristiques liées au concept de compétence Les caractéristiques liées au concept de compétence tacite

2.2.1.3. La transmission des compétences et de l’expérience 21 2.2.2. La professionnalisation 22

TTTAAABBBLLLEEE DDDEEESSS MMMAAATTTIIIEEERRREEESSS

Page 153: Les savoirs professionnels Quelle dynamique de transmission

153

2.2.2.1. Le rapport entre action et réflexion dans la production des compétences

2.2.2.2. Une démarche réflexive d’explicitation de l’expérience 2.2.3. Le processus de construction de l’identité professionnelle 28

2.2.3.1. Le rôle fondateur de la formation dans la construction identitaire du directeur

2.2.3.2. Les cadres théoriques de la construction de l’identité professionnelle 2.2.3.3. La reconnaissance des compétences et des savoirs de la fonction de direction

2.2.3.4. Les directeurs de service à la PJJ 2.3. L’ENQUETE DE TERRAIN 33

2.3.1. L’élaboration du questionnaire 33 2.3.2. L’élaboration des entretiens 33

Le guide d’entretien La sélection de l’échantillon de population pour les entretiens La prise de contact Deux entretiens exploratoires pour situer la recherche

2.3.3. La délimitation de la recherche 42 2.3.3.1. Les limites de la recherche et les difficultés rencontrées 2.3.3.2. Le rapport entre la pratique exercée et les discours des professionnels

2.3.4. Regards sur la fonction de directeur référent 43 2.3.4.1. L’analyse du questionnaire et interprétation 2.3.4.2. L’analyse des entretiens et interprétation

2.3.5. L’analyse transversale 45 Le mode de désignation des directeurs référents Des stratégies sélectives dans la désignation ou le choix des stagiaires Une expérience en formation La légitimité du directeur titulaire à occuper la fonction de directeur référent

TROISIEME PARTIE : LA DYNAMIQUE DE TRANSMISSION 49

3.1. LA CONSTRUCTION D’UN APPRENTISSAGE EXPERIENTIEL 49 3.1.1. Que recouvre la notion de transmission pour les directeurs 49

référents ? Les jeunes directeurs Les directeurs expérimentés La lettre de mission

3.1.2. L’essentiel à transmettre 53 Des outils ou des valeurs à transmettre Des outils « pratico-pratiques » L’animation d’équipes La technicité professionnelle L’exercice de l’autorité

3.1.3. La transmission varie selon l’expérience 56 Les directeurs titulaires issus de l’externe Les directeurs titulaires issus de l’interne

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Les directeurs stagiaires 3.1.4. D’un métier complexe à transmettre à la transmission complexe 57 d’un métier

La marge d’autonomie d’apprentissage La complexité du travail de direction La construction de situations d’apprentissage expérientiel La transparence Les qualités indispensables pour devenir directeur Les limites du stage pratique

3.1.5. Les facteurs organisationnels et environnementaux 64 Le contexte du service Des différences selon les typologies de service Des opportunités de transmission La transmission de nouvelles compétences

3.2. UNE TENSION ENTRE PROFESSIONNALISATION ET 68 CONSTRUCTION IDENTITAIRE

3.2.1. La professionnalisation 68 3.2.1.1. Les formes de développement des compétences 68

Le point fixe Les échanges informels

Donner à voir sa pratique de direction D’autres manières d’entrer en relation avec les stagiaires

L’accueil et l’intégration des stagiaires dans les services : 76 une situation contrastée

Le positionnement du stagiaire Des messages à transmettre 3.2.2. La construction identitaire de la fonction de direction 80

3.2.2.1. Les différents positionnements 80 Le positionnement du directeur dans la fonction de directeur Le rôle du directeur référent Place et rôle de chacun Le positionnement du stagiaire dans la fonction de directeur

3.2.2.2. Une tension entre professionnalisation et construction 86 identitaire

Les attitudes se référent à l’autorité du directeur titulaire Des attitudes et des valeurs à transmettre Le directeur titulaire : un modèle à suivre et à ne pas suivre

CONCLUSION 88

ANNEXES 90

- Le dispositif de formation 91

o La formation initiale des directeurs de service

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155

o La professionnalisation o Objectifs et organisation de la formation o La formation par la pratique : le stage et l'alternance o Le directeur référent de stage o La convention de stage o La validation et le jury national o L'arrêté organisant la formation o La fiche de fonction

- Le cadre théorique 110

o Grille d’analyse des dynamiques de transmission des savoirs professionnels de la fonction de direction en stage pratique

o Un cadre de référence général du concept de transmission professionnelle

- Enquête de terrain 114 o Questionnaire destiné aux directeurs référents 11ème Promo – 2003/2004 o Résultats du questionnaire o Entretiens semi-directifs o Résultats des entretiens semi-directifs

- Entretien n° 1 : ébauche de fiche d’expérience - Les formes 145 de légitimité institutionnelle

BIBLIOGRAPHIE 148

TABLE DES MATIERES 152

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156

UNIVERSITE DE ROUEN

UFR de Psychologie, Sociologie et Sciences de l’Education Département des Sciences de l’Education

DESS INGENIERIE DE LA FORMATION

(Master professionnel Ingénierie et Conseil en Formation)

Nom et prénom : GOURBIN Géraldine Titre du mémoire : Les savoirs professionnels. Quelle dynamique de transmission ?

Le rôle des directeurs référents à la Protection judiciaire de la jeunesse

Directeur de mémoire : BEZILLE Hélène Mots clés : Transmission, savoir, expérience, professionnalisation, identité

professionnelle, fonction de direction, apprentissage expérientiel.

Résumé :

La formation professionnelle des personnels de la Protection judiciaire de la jeunesse repose sur le principe de la formation en alternance. Fort de sa propre expérience en tant qu’appui à la formalisation des pratiques professionnelles à la PJJ, l’auteur s’est attaché dans le cadre de cette étude exploratoire à analyser le cas de ces professionnels de terrain, les directeurs de service de la Protection judiciaire de la jeunesse, et plus particulièrement les directeurs référents, qui sont chargés d’accueillir, d’accompagner et d’évaluer les directeurs stagiaires en formation initiale. Avec cette étude, l'auteur a voulu explorer la question de la transmission professionnelle en stage pratique et plus précisément le processus de partage et de transmission des savoirs issus de l'expérience. L’apprentissage expérientiel, la professionnalisation et la socialisation professionnelle sont les trois concepts qui organisent l’hypothèse centrale de ce travail, dans une approche conceptuelle plurielle et complexe, au croisement de trois champs, le champs de la formation et des situations de travail, les champs pédagogique et didactique et le champs identitaire. Il s’agit de montrer comment l’apprentissage expérientiel constitue le cœur de la transmission professionnelle, dès lors qu’il s’accompagne d’une analyse réflexive sur la pratique professionnelle en situation de travail.