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Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire Julie Tremblay Roy Maîtrise en service social Maître en service social (M.Serv.Soc.) Québec, Canada © Julie Tremblay Roy, 2014

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Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi

auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les

centres locaux d’emploi

Mémoire

Julie Tremblay Roy

Maîtrise en service social

Maître en service social (M.Serv.Soc.)

Québec, Canada

© Julie Tremblay Roy, 2014

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Résumé

Les services d’aide à l’emploi ont évolué au fil du temps et diffèrent d’un endroit à l’autre. Le

Québec présente un modèle dit mixte, où les clients sont dirigés soit directement en emploi, soit

vers une formation académique. Malgré l’éventail des services d’aide à l’emploi, les résultats ne

semblent pas toujours concluants. Les services sont-ils adaptés aux besoins des clients? Comment

sont-ils octroyés et qu’en pensent les intervenants qui les offrent? C’est ce que je cherche à

explorer, en recueillant les propos des intervenants œuvrant au sein de centres locaux d’emploi

(CLE).

La présente étude vise à comprendre les dynamiques associées à la fonction d'accompagnement

vers l’emploi mise en œuvre par ces professionnels dans le cadre de leur travail auprès des jeunes

de 18-24 ans en difficulté d’insertion. Elle cherche à identifier les facteurs caractérisant les

pratiques mises en œuvre auprès des jeunes adultes utilisateurs des services publics de l'emploi.

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Table des matières

Résumé ................................................................................................................................ iii

Table des matières ................................................................................................................ v

Liste des illustrations ........................................................................................................ vii

Introduction .......................................................................................................................... 1

1- Problématique .................................................................................................................. 3

1.1. L’accompagnement vers l’emploi dans les programmes et mesures

d’assistance publique ........................................................................................................ 3

1.1.1. Classification des programmes et mesures ........................................................... 3

1.1.2. La politique québécoise d’insertion en emploi ..................................................... 5

1.1.3. Les jeunes : une cible importante de la politique d’insertion en emploi .............. 7

1.1.4. La politique en action : l’accompagnement vers l’emploi .................................. 10

1.1.5. Le processus de l’accompagnement .................................................................... 12

1.2. Limites des études actuelles .................................................................................... 20

1.3. Pertinence ................................................................................................................. 21

2- Cadre Conceptuel ........................................................................................................... 23

3- Méthodologie .................................................................................................................. 29

4- Présentation Des Résultats ............................................................................................ 33

4.1. Le processus d’accompagnement ........................................................................... 35

4.1.1. Accueil et prise de contact .................................................................................. 35

4.1.2. Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi ....................... 36

4.1.3. L’engagement dans une démarche ...................................................................... 39

4.1.4. Suivi/maintien du lien d’accompagnement ......................................................... 43

4.2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur ................................................. 48

4.2.1. Collaboration et référence ................................................................................... 48

4.2.2. Objectifs professionnels (mandat) ...................................................................... 49

4.3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement ............................................. 53

4.3.1. Le recrutement .................................................................................................... 53

4.3.2. La charge de travail ............................................................................................. 53

4.3.3. La vision de la clientèle envers le CLE et les agents .......................................... 54

4.3.4. Le discours des agents sur les caractéristiques de la clientèle ............................ 55

4.4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement ......................................... 60

4.4.1. Les compétences en œuvre ................................................................................. 60

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4.4.2. Recruter le jeune le plus tôt possible .................................................................. 63

4.4.3. Le support du milieu ........................................................................................... 63

4.4.4. L’instauration d’une relation positive ................................................................. 64

4.4.5. L’accès à un soutien personnalisé et des projets adaptés aux besoins

particuliers ..................................................................................................................... 65

4.4.6. La latitude laissée aux agents .............................................................................. 69

4.4.7. La motivation du client ....................................................................................... 71

4.4.8. Les échanges avec les partenaires ....................................................................... 72

4.5. Opinion des agents ................................................................................................... 74

4.5.1. L’efficacité des services ...................................................................................... 74

4.5.2. Propositions d’amélioration et de changements ................................................. 75

5- Discussion ........................................................................................................................ 78

Conclusion ........................................................................................................................... 87

Références ........................................................................................................................... 91

Annexe 1. Guide d’entrevue .............................................................................................. 96

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Liste des illustrations

Tableau 1: Catégorisation initiale ayant servi à l'analyse des résultats ....................................................... 27

Tableau 2: Catégorisation finale ayant servi à l'analyse des résultats ......................................................... 34

Figure 1: Résumé des facteurs d’influence sur le processus d’accompagnement ....................................... 77

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Introduction

La présente étude vise à mieux comprendre les dynamiques associées à la fonction

d'accompagnement vers l’emploi mise en œuvre par les professionnels des centres locaux

d'emploi (CLE) dans le cadre de leur travail auprès des jeunes de 18-24 ans en difficulté

d’insertion. Elle vise donc à identifier les facteurs qui favorisent, limitent et caractérisent ces

pratiques professionnelles auprès des jeunes adultes utilisateurs des services publics de l'emploi.

En matière d’emploi, les pouvoirs publics sont interpellés par tout ce qui touche les difficultés

liées à l’insertion au travail. Les politiques publiques traduisent une recherche de changement

social et d’égalité des chances (Gaudet, 2007). Une des grandes priorités du gouvernement du

Québec concerne l’insertion des jeunes, ce qui le conduit à rendre accessible une gamme de

services pour ceux qui connaissent des difficultés d’insertion sociale, dont l’insertion durable en

emploi. Différentes politiques d’aide sont développées afin de soutenir les jeunes adultes dans

leur parcours individuel d’insertion et certaines portent plus précisément sur l’insertion dans le

monde du travail et donc, diverses stratégies d’intervention sont mises en œuvre. Un

accompagnement plus soutenu des jeunes éloignés du marché du travail fait partie de ces

stratégies, lesquelles s’articulent dans le cadre de programmes dits d’accompagnement

individualisé vers l’emploi. Ces programmes sont mis en œuvre par les professionnels du réseau

des services publics de l’emploi que constituent les centres locaux d’emploi. À ces professionnels

des services publics, s’ajoutent ceux des organismes communautaires du domaine de

l’employabilité. Chaque CLE offre des ressources et des services qui visent à venir en aide aux

personnes présentant des besoins d’accompagnement en matière d’emploi. Certaines catégories

de personnes, en raison de leur éloignement du marché du travail, présentent des besoins plus

grands. Parmi ces personnes, on trouve les jeunes adultes faiblement scolarisés. Les CLE ont

pour mandat de favoriser l’insertion de ces jeunes adultes par l’offre de services spécifiques

d’accompagnement en emploi.

Mais quelle forme concrète prend cet accompagnement dans la réalité? Cette étude descriptive a

comme but d’examiner de quelle façon s’actualise cet accompagnement offert aux jeunes adultes

en difficulté dans le réseau des services publics de l’emploi. Plus précisément, l’objectif consiste

à décrire les pratiques d’accompagnement effectuées par les professionnels œuvrant auprès des

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jeunes de 18 à 24 ans dans les centres locaux d’emploi. Ainsi, la question examinée sera la

suivante : « Comment s’actualise le processus d’accompagnement réalisé par les professionnels

auprès des jeunes de 18 à 24 ans, dits éloignés du marché du travail et quelles en sont les

différentes composantes? ».

Ce document présentera d’abord ce que révèle la documentation portant sur les types de régimes

publics d’assistance. Une distinction entre trois grands types de programmes d’insertion en

emploi sera effectuée selon que ceux-ci soient axés principalement sur l’attachement rapide en

emploi (Work-First), sur le développement de l’employabilité de l’individu (Preparation-First) ou

sur une combinaison de stratégies (Mixed Model) (Boismenu et Noël, 1995). Par la suite,

l’intervention des pouvoirs publics relativement à l’accompagnement des jeunes adultes éloignés

du marché du travail sera présentée ainsi que l’état des connaissances sur l’accompagnement dans

le domaine de l’insertion en emploi auprès de ces jeunes.

Le cadre conceptuel sera présenté en deuxième partie du mémoire, suivi de la méthodologie de

l’étude. Enfin, la présentation des résultats et la discussion composeront la quatrième et la

dernière partie du mémoire.

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1- Problématique

1.1. L’accompagnement vers l’emploi dans les programmes et

mesures d’assistance publique

1.1.1. Classification des programmes et mesures

S’inspirant de la classification des modèles d’État-Providence élaborée par Esping-Andersen

(1990), Boismenu et Noël (1995) distinguent trois types de régimes d’assistance qui se déploient

dans un contexte de tension entre deux des trois logiques suivantes : 1-réduction des dépenses

publiques, 2-contrôle des personnes bénéficiaires et/ou 3-arrimage entre les caractéristiques

socioprofessionnelles des individus et les tendances du marché de l’emploi. Plus spécifiquement,

ces trois types de régimes font référence aux programmes centrés sur l’attachement rapide en

emploi, nommés Work-First ou Labour Force Attachment (LFA), à ceux centrés sur la formation

et l’éducation, désignés Human Capital Development, ainsi qu’aux programmes combinant les

caractéristiques des deux types précédents, appelés Mixed Model ou « Contextual Labour Market

Model » (Peck, 2001; Herd, 2006). Globalement, les programmes d’insertion en emploi se

distinguent en fonction du niveau et des conditions d’admissibilité à l’aide financière, des

ressources investies par les pouvoirs publics en matière de services d’aide et d’insertion en

emploi ainsi que des modalités de mise en œuvre de ces mesures. Pour Greenberg, Deitch et

Hamilton (2009), les caractéristiques et les modalités d’application varient substantiellement

selon que les régimes ont pour objectif principal 1) la réduction des dépenses de l’État, 2)

l’accroissement des revenus des individus ou 3) qu’ils poursuivent les deux objectifs

simultanément.

Ainsi, la première catégorie de régimes, Work-First ou LFA, se distingue par l’accent mis sur le

placement rapide en emploi des prestataires. Les programmes de type LFA se distinguent par le

fait qu’ils ne s’appuient pas sur une évaluation en profondeur de la situation du demandeur

d’emploi, de ses besoins, de ses obstacles et de ses opportunités relativement à l’insertion en

emploi. Les programmes sont le plus souvent associés à des mesures d’employabilité très brèves

(aide à la préparation d’un curriculum vitae (CV), clubs de recherche d’emploi, etc.). Les

mesures de formation, lorsqu’elles existent, sont généralement de courte durée et directement

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liées à la conjoncture du marché du travail. La situation de précarité en emploi menant à une

alternance de périodes répétées à l’assistance et de périodes d’emplois faiblement rémunérés est

considérée comme faisant partie du processus d’insertion en emploi. Cette approche vise d’abord

l’emploi le plus rapidement possible et non pas nécessairement l’autosuffisance ou la sortie de la

pauvreté. Cette approche requiert évidemment, à court terme, un investissement moins important

de l’État (Scott et Rowe, 2000; Dufour, Boismenu et Noël, 2003; United States General

Accounting Office, 1999). Greenberg et al. (2009) associent les programmes de types

« Mandatory Job-Search first » et « Mandatory work experience » à cette première catégorie de

régimes centrés principalement sur la réduction des dépenses de l’État.

Le second type de régime d’assistance associé au Human Capital Development ou Preparation-

First, correspond notamment aux programmes de type « Mandatory Education First » centrés sur

la préparation à l’emploi plutôt que sur l’insertion directe en emploi et dont l’objectif principal

vise l’accroissement des revenus des prestataires. Les programmes d’aide à l’emploi de cette

catégorie font généralement référence à des mesures et services visant à améliorer le niveau

d’employabilité des individus prestataires. Contrairement à la catégorie précédente, l’accent est

mis sur l’évaluation en profondeur de la situation de chaque client et sur l’identification des

barrières individuelles à l’emploi. Les mesures proposées dans ce type de régime sont

personnalisées et visent à éliminer les barrières faisant obstacle à l’insertion ou à favoriser

l’obtention d’un diplôme.

Enfin, le troisième type de régimes d’assistance correspondant au Mixed Model est caractéristique

des programmes qui combinent stratégies d’insertion rapide en emploi ET offre de mesures de

développement de l’employabilité en fonction de la situation de l’individu prestataire et des

besoins du marché de l’emploi. Ces programmes combinent généralement les outils et les

services utilisés dans les deux catégories précédentes. Ainsi, l’accès aux services de formation

pour les individus prestataires est assujetti aux compétences recherchées dans le marché de

l’emploi local. Ici, la correspondance entre le profil d’employabilité de l’individu et les

caractéristiques du marché du travail est centrale. Les programmes de types « Mandatory Mixed-

Initial-Activity » et « Time-Limit Mix» de Greenberg et al. (2009) sont associés à cette catégorie

et sont caractérisés par le fait qu’ils poursuivent, de façon simultanée, les deux objectifs de

réduction des dépenses de l’État et d’accroissement des revenus des prestataires.

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Au Québec, l’adoption de la Loi sur le soutien du revenu et favorisant l’emploi et la solidarité

sociale, devenue en 2005 la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles, a entrainé la mise en

œuvre d’un nouveau modèle de livraison de services intégrant au sein d’une même structure

administrative des services de solidarité sociale et des services publics de l’emploi.

L’intervention gouvernementale se déploie dorénavant dans le cadre d’une « approche

d’intervention utilisée par le personnel d’Emploi-Québec (…) (visant) à structurer, avec la

clientèle concernée les mesures d’aide et le type d’accompagnement dont celle-ci peut avoir

besoin pour optimiser ses chances d’intégrer le marché du travail.» (MESS, 2007; 145).

Globalement, les mesures actives d’emploi du régime public québécois d’assistance font

référence à la préparation à l’emploi (mesures de projets de préparation en emploi et mesures des

programmes d’aide et d’accompagnement social), à l’insertion en emploi (mesures de services

d’aide à l’emploi et mesures de subventions salariales aux employeurs) et enfin à l’augmentation

du niveau d’employabilité des demandeurs d’emploi avec la mesure de formation (MFOR). Or, le

fait que la majorité des mesures actives d’emploi soient associées à différents dispositifs de

préparation, d’éducation et de formation, combinées au caractère volontaire de la participation de

la clientèle, nous invite à situer le régime québécois d’assistance sociale davantage au sein du

Human Capital Development (HCD). En effet, le modèle québécois semble partager plusieurs

caractéristiques avec les types de régimes de cette catégorie, comme en témoigne la mesure de

formation, une des principales mesures actives d’emploi, avec 443 990 000 $ investis en 2009-

2010 auprès de 79 114 personnes pour un total des 90 081 participations. Dans le modèle du

Human Capital Development, l’accompagnement représente une fonction importante des

professionnels des services d’emploi. Cet accent sur l’accompagnement traverse aussi la politique

publique québécoise d’insertion en emploi.

1.1.2. La politique québécoise d’insertion en emploi

Le discours de la politique québécoise d’insertion en emploi laisse voir que les autorités

publiques considèrent avoir la responsabilité de mener des actions qui contribuent à la prospérité

économique ainsi qu’au développement social du Québec. Une société solidaire doit assumer

certaines responsabilités envers les citoyens qui sont dans le besoin (MESS, 2001). C’est dans

cette optique que la pauvreté et les difficultés reliées à l’emploi constituent des problématiques

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qui interpellent les pouvoirs publics, lesquels se penchent sur ces sujets en instaurant diverses

mesures.

Le Québec compte actuellement plusieurs personnes qui sont en état de travailler, mais qui

n’occupent pas d’emploi. Le Pacte pour l’emploi, document d’orientation de la politique publique

de l’emploi paru en 2008, mentionnait que la population en âge de travailler déclinerait dès 2012

et que les départs à la retraite causeraient des postes vacants à combler (MESS, 2008). Les efforts

gouvernementaux énoncés dans le Pacte pour l’emploi visaient à aider les populations

vulnérables à gagner en autonomie, tout en répondant aux impératifs du développement

économique de la province. Plus récemment, en février 2013, la stratégie de mobilisation Tous

pour l’emploi : une impulsion nouvelle avec les partenaires, a été lancée. On y mentionne la

rareté de la main-d’œuvre qui est grandissante en raison d’une diminution de la population en âge

de travailler. Dans les années à venir, on prévoit beaucoup d’emplois à pourvoir (1,4 million au

cours des 10 prochaines années). Il importe donc pour les pouvoirs publics de voir à ce que la

main-d’œuvre potentielle soit en mesure d’intégrer le marché de l’emploi. La stratégie de

mobilisation mentionne donc un souci d’accompagner les prestataires d’assistance sociale afin

que ceux-ci développent leurs capacités à participer activement au monde du travail (MESS,

2013).

Par conséquent, considérant que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale constitue une

priorité pour le gouvernement, l’aide à l’insertion en emploi vise différentes catégories

d’individus (chômeurs, prestataires d’assistance sociale, etc.) en mesure d’occuper un emploi,

mais faisant face à des obstacles les maintenant éloignés du marché du travail. Dans une

perspective de responsabilité envers les personnes en situation de vulnérabilité, la mise en emploi

de ces populations éloignées du marché du travail constitue une priorité gouvernementale.

De plus, l’énoncé politique du plan de lutte à la pauvreté (MESS, 2004) vise à prévenir la

pauvreté et l'exclusion sociale en développant le potentiel des personnes en créant des conditions

favorables à l’insertion des individus en emploi, notamment en incluant un volet réussite et

insertion des jeunes (MESS, 2002). Ce plan d’action s’harmonise avec une autre politique

gouvernementale; le Pacte pour l’emploi, énoncé d’ensemble de la politique publique d’emploi.

Plus précisément, le « Pacte pour l’emploi » souhaite un accompagnement accru des gens plus

éloignés du marché de l’emploi, dont les jeunes en difficultés (MESS, 2008). Parallèlement, la

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politique jeunesse (Stratégie d’action jeunesse 2009-2014) qui conjugue l’ensemble de l’action

gouvernementale envers les jeunes, contient un volet qui vise aussi l’insertion en emploi des

jeunes en difficulté et leur pleine participation à la société (Gouvernement du Québec, 2009a).

Concrètement, la Stratégie d’action jeunesse propose des programmes et mesures afin

d’accompagner les jeunes dans leur intégration au marché du travail et dans leur maintien en

emploi. Les extraits suivants illustrent la préoccupation envers la clientèle jeunesse dans l’action

gouvernementale.

« L’éducation est source de liberté. La liberté de choisir et d’orienter son parcours de

vie en fonction de ses rêves et de ses aspirations. Cependant, de l’école au marché du

travail, tous les jeunes ne prennent pas le même chemin et ne partent pas du même

point. Le désir de réussir le passage à l’autonomie est commun à l’ensemble des

jeunes Québécois. Chaque jeune doit pouvoir bénéficier d’un accompagnement

adapté à sa réalité et orienté vers sa réussite tout au long de ce parcours. » (Secrétariat

à la jeunesse, 2009, p.8).

« Pour relever les défis du marché du travail de demain, il faudra miser sur l’apport

de tous les jeunes. Dans un contexte démographique où bientôt les retraités seront

surreprésentés par rapport à la relève, il faut s’assurer que celle-ci soit hautement

qualifiée afin que le Québec conserve son niveau de vie. La compétitivité des

nouvelles économies émergentes hausse aussi les exigences. Afin que notre savoir-

faire continue de rayonner sur tous les continents, il importe de former une relève

dynamique et compétente, capable de relever les défis du nouvel espace économique

mondial. » (Secrétariat à la jeunesse, 2009, p.8).

1.1.3. Les jeunes : une cible importante de la politique d’insertion en emploi

Les jeunes nés dans les années 80 et 90 se retrouvent aujourd’hui prêts à intégrer le marché du

travail. Cependant, ils font face à des difficultés telles que la saturation du marché, ou encore la

présence de nouvelles exigences qui demandent souvent des études prolongées (Gaudet, 2007).

Plusieurs jeunes ne participent donc pas de façon active à la société et présentent des difficultés à

se faire une place dans le monde du travail (précarité du travail, interruptions fréquentes de

travail, réalité du marché, etc.) (Guédon, dans Le Bossé, 2000). Au-delà de la complexité que

représente l’accès au marché du travail en lui-même, certains jeunes ont particulièrement plus de

difficultés d’insertion. C’est le cas des jeunes décrocheurs, des jeunes immigrants, des jeunes des

communautés culturelles ainsi que des jeunes handicapés, qui s’avèrent être encore plus éloignés

du marché de l’emploi. Les jeunes âgés de 18 à 35 ans faiblement scolarisés sont particulièrement

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à risque de se retrouver dans des emplois précaires et de connaître des épisodes de chômage

prolongé (Réseau des carrefours jeunesse-emploi du Québec, 2008). En 2011-2012, le taux de

chômage des personnes ayant un certificat ou un diplôme post-secondaire se situait à 5,9 %, alors

qu’il grimpait à 15,1 % chez celles n’ayant pas terminé leurs études secondaires. De plus, non

seulement le taux de chômage est plus élevé chez les personnes sans diplôme, mais la croissance

de ce taux se fait aussi plus rapidement. En effet, pour les personnes ayant un diplôme

universitaire, le taux de chômage a subi une hausse de 1,5 % entre 2007-2008 et 2009-2010,

tandis que pour la même période, il a augmenté de 4,1 % chez celles ne possédant pas leur

diplôme d’études secondaires. Au Québec, chez les 15 à 19 ans ainsi que chez les 20 à 24 ans on

dénote un faible taux d’activité. Entre l’année 2007-2008 et l’année 2011-2012, celui-ci a

diminué pour les deux groupes d’âge. Il a chuté de 4,8 % pour les 15 à 19 ans et de 1,9 % chez

les 20-24 ans (Commission de l’assurance-emploi du Canada, 2013).

Leclerc, Filteau et Bourassa (2002) décrivent le profil type de la clientèle visée par les mesures

d’accompagnement en emploi. Ainsi, il est possible de distinguer deux profils principaux, soit les

personnes peu qualifiées, qui ont peu d’expérience ou qui ne se sentent pas prêtes à travailler et

les personnes qui, en plus des difficultés d’intégration en emploi, présentent des difficultés

particulières telles que des problématiques de santé mentale, d’alcoolisme ou de toxicomanie. Il

s’agit donc d’une population très hétérogène avec de multiples caractéristiques, qui présente des

défis particuliers en regard de l’insertion en emploi.

Si la structure du marché du travail génère de l’exclusion, les caractéristiques des bénéficiaires, et

plus encore, l’environnement dans lequel ils vivent, peuvent constituer des obstacles à

l’occupation et au maintien d’un emploi (Frankel, 2005). Certaines clientèles sont plus fortement

fragilisées et sont donc considérées comme plus éloignées du marché du travail. Ces clientèles

présentent des « barrières » à l’employabilité (Bell, 2005). Un accompagnement plus soutenu est

donc mis en place pour elles à travers l’action des agents d’aide à l’emploi, lesquels ont pour

fonction d’évaluer les besoins des clients et de leur octroyer des activités appropriées (Brodkin,

1997). Dans le champ des services d’aide à l’emploi, l’accompagnement passe plus

particulièrement par 1) l’identification des compétences du jeune, 2) l’évaluation de sa

motivation et de son niveau d’autonomie et 3) l’identification de contraintes à son parcours

d’insertion socioprofessionnelle. Ces pratiques professionnelles prennent la forme d’un

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accompagnement en emploi (développement de l’autonomie par la réalisation de tâches de travail

au sein d’un chantier de travail, d’une entreprise d’insertion, d’un stage en entreprise, etc.) et

d’un accompagnement vers l’emploi (développement de l’autonomie par la réalisation d’activités

et la mise en œuvre d’un projet personnel d’insertion socioprofessionnelle) (Defalvard, Brun et

Thibault, 2008).

Au Québec, ces fonctions sont effectuées à la fois par des professionnels des organismes

communautaires et par le personnel du réseau des centres locaux d’emploi (CLE). Il existe 150

centres locaux d’emploi au Québec, répartis dans 17 régions. Les CLE offrent des ressources et

services d’accompagnement vers l’emploi ainsi que des services d’information sur le marché du

travail.

À ce sujet, Leclerc et al. (2002) rapportent que certains agents qui travaillent dans le domaine de

l’aide à l’emploi, se sentent démunis devant la lourdeur de la clientèle. Par ailleurs, les agences

d’aide à l’emploi rapportent plusieurs difficultés vécues, dont le manque d’éducation, le manque

d’expérience de travail, des difficultés d’ordre psychologique, social et comportemental, une

faible estime de soi, un manque de confiance, une attitude peu favorable, un manque d’aspiration,

la dépendance ou l’abus de substance, la dépression et un manque d’habileté dans la capacité à

résoudre des problèmes complexes ou des problèmes de la vie quotidienne (Bell, 2005). Les

agents d’aide à l’emploi reconnaissent donc la présence de multiples problématiques chez leur

clientèle et doivent composer et intervenir avec cette réalité. MacDonald et Marston (2005,

p.385) rapportent les propos d’un agent à ce sujet: « A lot of the people who come to me have

alcohol and drug addictions and mental illness. They seem to be quite free to tell me all about

it. ». Les agents doivent donc utiliser différentes techniques qu’ils jugent appropriées dans leurs

interventions avec les clients.

La présente étude s’inscrit dans ce processus par le fait qu’elle s’attarde à explorer et à décrire les

pratiques d’accompagnement mises en œuvre par des acteurs partenaires de la politique

québécoise de la jeunesse, en l’occurrence les intervenants œuvrant dans les CLE.

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1.1.4. La politique en action : l’accompagnement vers l’emploi

Les compétences des professionnels de l’insertion sont difficiles à cerner et plusieurs questions se

posent sur le sujet en raison de la multiplicité des rôles qu’ils doivent accomplir (Roulleau-

Berger, 1998). Les perceptions quant aux fonctions occupées par les accompagnateurs peuvent

donc varier. Les auteurs MacDonald et Marston (2005), décrivent quant à eux les gestionnaires

de cas dans les programmes d’insertion en emploi, comme les personnes qui articulent les droits

et responsabilités entre l’État d’une part et les personnes sans emploi d’autre part.

Ces différents rôles que doivent occuper les agents d’aide à l’emploi semblent revenir dans les

préoccupations des professionnels chargés d’accompagnement. Ceux-ci essaient autant que

possible de répondre à la réalité et aux besoins individuels du client, mais l’endroit où ce dernier

sera dirigé ne repose pas uniquement sur ces considérations. En effet, les agents d’aide à l’emploi

sont nombreux à mentionner que le modèle du « work-first » prime tout de même, ce qui signifie

qu’une priorité est mise sur le placement en emploi rapide des clients (Brodkin, 1997). En effet,

les accompagnateurs doivent être des aidants qui sont au service de la clientèle, mais ils doivent

aussi répondre aux exigences du système et de l’organisme au sein duquel ils œuvrent. Ainsi, ils

mentionnent notamment que ces différents rôles peuvent parfois entrer en conflit et que certaines

pratiques ou exigences bureaucratiques peuvent venir limiter ou entraver le temps et l’efficacité

des services offerts aux clients (Leclerc et al., 2002). Le client qui s’engage dans un processus

d’insertion se présente avec des attentes, des réserves et des motivations particulières, ce qui

oblige les agents à faire preuve d’astuces et d’originalité pour le servir le mieux possible, tout en

répondant aux objectifs de l’organisme dans lequel il travaille. Dans le monde de l’aide à

l’emploi règne une certaine culture bureaucratisée et les travailleurs qui œuvrent dans ces milieux

rapportent se sentir « coincés entre leur fidélité première à la clientèle et les directives de

l’organisation » (Leclerc et al. 2002, p.28). Les exigences des organisations dans lesquelles les

agents travaillent peuvent donc être parfois difficiles à atteindre et à concilier avec une

intervention qui s’avère la plus appropriée pour le client.

Le rôle concret des agents d’aide consiste tout d’abord à apparier les besoins des bénéficiaires des

services d’aide à l’emploi et les ressources disponibles. En effet, au début du processus

d’accompagnement, les clients sont orientés selon leurs demandes et leurs besoins, mais

également en fonction de ce qui peut leur être offert dans le cadre du programme d’aide à

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l’emploi (Brodkin, 1997). Au début des rencontres, il y a donc une exploration de l’histoire du

client, de son passé en ce qui concerne le travail, des barrières à son employabilité, ainsi que de

ses préférences et habiletés particulières, pour finalement en arriver à déterminer un plan. Ainsi,

le client peut être par la suite dirigé vers de l’entraînement à certaines habiletés, à des techniques

de recherche d’emploi, etc. Certains agents soulignent que leur rôle n’est pas de trouver un

emploi aux clients, mais plutôt de les supporter dans leur recherche d’emploi et les aider à

développer les habiletés nécessaires. Les tâches plus concrètes à accomplir pour les agents

consistent donc à aider les clients à se prendre en main professionnellement, à devenir autonomes

sur ce plan et à développer les habiletés personnelles nécessaires (MacDonald et Marston, 2005).

L’accompagnement en emploi des personnes bénéficiaires de l’aide sociale, va au-delà du simple

fait de dire « tu dois te trouver un emploi ». L’accompagnateur a une plus grande marge de

manœuvre, il utilise une variété de moyens pour la remise en emploi de la personne (Bell, 2005).

L’agent d’aide à l’emploi effectue donc des interventions qui visent les habiletés des clients, mais

a également comme rôle d’articuler la demande et l’offre disponible au niveau des emplois

(Guele, Sibeud, Rabeyrin et Devries, 2003). Pour plusieurs endroits, le fait d’avoir des

« contacts » et de les utiliser revêt une importance particulière. En France, certains « chargés de

relation entreprise » assument des tâches spécifiques relativement aux contacts et aux relations

avec les entreprises (Criff-Formation et conseil, 2005).

Plusieurs professionnels de l’insertion ont également le souci de faire prendre conscience de la

réalité du marché du travail à leurs clients. L’accompagnateur doit donc réguler son discours

selon les aléas du marché de l’emploi. Si l’offre d’insertion est mince et que le marché de

l’emploi est fermé, le professionnel dit vouloir préparer la personne en démarche d’insertion à

faire face à cette réalité et à se préparer à certaines difficultés (Brégeon, 2008). Des écrits

abordent également l’importance d’une bonne connaissance des milieux d’emploi, non seulement

afin de bien guider la personne, mais aussi pour l’amener à connaître ces emplois et

éventuellement, s’y intéresser (Criff-Formation et Conseil, 2005). Une bonne connaissance des

milieux d’emploi de la part des agents permet donc à la personne accompagnée de se préparer

adéquatement et de savoir à quoi s’attendre, pour ensuite diminuer le stress et être plus

polyvalente. Ainsi, le partenariat avec les entreprises peut être déterminant et particulièrement

aidant dans un processus d’aide en insertion. Une bonne connaissance du marché de l’emploi et

des contacts dans celui-ci sont donc des outils d’aide potentiellement utiles.

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Par ailleurs, les écrits démontrent que les habiletés personnelles des agents qui offrent les services

d’accompagnement sont importantes, puisqu’elles ont une influence sur ce qui s’opère dans la

relation (Lipsky, 1980). Ces agents font preuve d’un jugement et d’une interprétation qui font en

sorte que ce qui se passe dans la rencontre n’est pas nécessairement écrit ou déterminé d’avance.

Ils « décident » en quelque sorte, du déroulement ou de la façon concrète dont seront appliquées

et exécutées les politiques. Lipsky (1980) confère à ces agents, une influence certaine sur les

politiques. La nature de leur travail est importante puisqu’elle détermine la façon dont s’actualise

la fonction d’accompagnement. Ils doivent user de leur jugement et prendre des décisions, ce qui

fait que la nature du travail d’accompagnement effectué varie et prend la forme, pour chaque

client, d’un processus d’accompagnement.

1.1.5. Le processus de l’accompagnement

Même si elles visent toutes le même but qu’est l’insertion en emploi, les pratiques spécifiques des

agents d’aide à l’emploi sont très variables. Elles sont modelées en fonction de divers facteurs

tels que leurs compétences professionnelles, la définition de leur fonction, les ressources de

l’agence, les possibilités d’emploi qui sont offerts sur le marché du travail, les motivations et

mécanismes d’intervention auxquelles l’agence adhère, etc. (Brodkin, 1997).

En ce qui concerne le déroulement des rencontres, Lagnel (2001) souligne que

l’accompagnement peut prendre plusieurs formes. Par exemple, l’accompagnement en insertion

professionnelle inclut souvent un volet d’accompagnement individuel, où la personne

accompagnée développe son autonomie et les capacités nécessaires à la réussite de son insertion.

Il peut s’agir par exemple de familiariser la personne avec les règles du monde du travail ou

encore de développer certaines compétences (Criff-Formation et Conseil, 2005). Il arrive aussi

fréquemment que des tâches plus techniques soient effectuées, telles que l’apprentissage de

techniques d’entrevue, la construction du curriculum vitae, ou encore la recherche d’emploi via

internet (Bell, 2005).

La clientèle cible des démarches d’accompagnement en emploi consiste majoritairement en une

clientèle éloignée du marché du travail. Ainsi, les agents peuvent se sentir comme des « aidants »

pour ce type de clientèle. Leclerc et al. (2002) rapportent à cet effet que pour certains clients, la

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réinsertion peut parfois ressembler davantage à une réinsertion sociale qu’à une réinsertion

professionnelle. Ainsi, il n’est pas rare que l’accompagnement social dépasse son objet qu’est

l’emploi, pour aborder des termes plus généraux tels que les difficultés particulières de la

personne, des questions de santé, de logement, etc. (Guele et al., 2003). Les jeunes qui sont

accompagnés doivent apprendre à développer diverses compétences de nature expérientielle,

sociale, cognitive et communicative. Il sera donc parfois question d’offrir des renseignements et

des connaissances générales, de pratiquer certaines tâches ou des habiletés techniques et parfois

même sociales. Brégéon (2008) a mené une étude sur les interventions sociales ayant lieu dans

les mesures d’insertion et mentionne à ce sujet que certaines pratiques d’insertion vont jusqu’à

inclure des activités de groupe, aussi simple qu’une sortie au cinéma ou au musée. Par ailleurs,

l’opinion de professionnels diffère sur ce point. En effet, un intervenant rapporte que l’inclusion

d’activités socioculturelles à la démarche ne répond en aucun cas aux réels besoins des personnes

en processus d’insertion.

Les sujets abordés avec la personne en démarche d’insertion peuvent inclure des aspects variés

tels que l’exploration du parcours antérieur de la personne, de ses loisirs et parfois même de ses

échecs (Brégeon, 2008). Certains professionnels demandent à ce que la personne accompagnée

parle de ses rêves et de ses buts. En fait, l’accompagnateur et la personne accompagnée peuvent

finir par parler de tout. Leclerc et al. (2002), mentionnent l’importance pour les agents

d’identifier le problème du client. L’essentiel du travail pour l’agent consiste alors à faire

admettre au client qu’il y a un problème, s’entendre sur la nature de celui-ci pour ensuite

envisager les solutions possibles. En effet, le processus d’accompagnement en insertion en

emploi nécessite une réflexion sur les conditions qu’il est nécessaire de mobiliser pour arriver à

atteindre les buts et objectifs (Criff-Formation et Conseil, 2005). À ce sujet, une publication du

gouvernement du Québec (2009 b) précise quatre formes que l’aide peut prendre, ce qui illustre

bien la dimension holistique du travail effectué auprès de la clientèle. Tout d’abord, il y a un

renforcement de l’intérêt du client, pour ensuite procéder à l’identification des besoins de celui-

ci. C’est suite à la mise en lumière de ses besoins que la personne accompagnée peut travailler à

développer ou à maintenir certaines habiletés, attitudes et comportements, tout en travaillant à la

recherche de solutions afin de contrer les obstacles qui nuisent à son cheminement

socioprofessionnel. Finalement, le processus de l’accompagnement prend la forme d’une relation

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professionnalisée, dirigée vers un but; l’insertion en emploi, et peut se décomposer en quelques

dimensions particulières.

Accueil et prise de contact

L’espace physique d’accueil pour les services d’accompagnement varie d’un endroit à l’autre et

compose une part importante du processus. Dans certains milieux, cet espace revêt un caractère

plus confidentiel, tandis que pour d'autres, il s’agit d’un guichet d’accueil posté directement dans

la salle d’attente (Brégeon, 2008). Le premier acte d’accueil consiste à orienter la personne en lui

présentant les formes d’aide qu’elle peut recevoir (Le Guellec, 2001). À ce titre, Brégeon (2008)

fait état de certains questionnements de la part des professionnels de l’insertion. Faut-il tenter des

formes d’animation collective? Serait-il favorable de localiser les bureaux d’accompagnement

dans des endroits facilitant davantage la prise de contact avec les jeunes? Faut-il recevoir le

jeune sur rendez-vous ou dès qu’il se présente? Pour certains, cette dernière question est

primordiale, car refuser de voir un jeune dès qu’il se présente serait risquer de le perdre (Brégéon,

2008). L’auteur ajoute que certains intervenants considèrent important de se déplacer eux-mêmes

dans la salle d’attente pour accueillir le jeune en personne.

Les intervenants tendent à consacrer une période de temps plus importante pour le premier

contact. Cette première rencontre, aussi nommée l’entretien d’accueil, peut être constituée de la

prise de contact avec le jeune, de l’exploration des raisons de sa présence et des procédures à

suivre ainsi que des conditions générales dans lesquelles l’aide sera octroyée (Brégéon, 2008).

Après avoir pris connaissance et décodé la nature de la demande de la personne, l’intervenant

doit évaluer les capacités de cette dernière à s’engager dans la démarche d’insertion

(Dartiguenave et Garnier, 2008). Brégéon (2008) souligne que c’est habituellement dans cette

première rencontre que la notion de projet est abordée.

Certains aspects sont d’ordre plus technique, comme la disposition de l’espace physique par

exemple. Brégeon (2008) parle à cet effet que la disposition du bureau peut avoir une certaine

influence dans la démarche. Par exemple, l’installation du bureau entre le jeune et l’intervenant

peut instituer un cadre particulier. D’autres balises peuvent aussi être établies pour aider le

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15

processus. Comme on sait, l’accompagnement en insertion demande une grande implication

personnelle (Le Guellec, 2001) et c’est pourquoi il est parfois mentionné dans les écrits que les

professionnels de l’insertion peuvent facilement faire face à l’épuisement. Ainsi, dans les

ouvrages sur l’accompagnement en insertion en emploi, la notion du nombre de suivis idéal est

abordée et Brégeon (2008) affirme à ce propos que les professionnels ne devraient pas dépasser

une certaine limite de suivis, afin de ne pas tomber dans l’épuisement.

Le contrat d’accompagnement

L’accompagnement vers l’emploi est une relation contractualisée et cette relation repose sur un

engagement réciproque (Guele et al., 2003). L’accompagnement est alors relié à deux mots clés,

soit insertion et contrat. Ainsi, l’accompagnement permet l’accès à des droits et est effectué selon

des procédures spécifiques. L’accompagnement s’inscrit donc dans une relation contractuelle

puisqu’il y a une définition claire des rôles de chacun, des objectifs des rencontres ainsi que de la

durée. Dans le même ordre d’idées, il est possible que soient instaurées des règles de

fonctionnement formelles à l’intérieur de la relation entre l’accompagnant et l’accompagné.

Dartiguenave et Garnier (2008) parlent donc de « contrat » lorsqu’ils abordent le sujet de

l’instauration de ces règlements. Un contrat permet non seulement de baliser les règles de

l’échange, mais aussi de réaliser le chemin parcouru. L’intervenant en insertion professionnelle

peut entre autres imposer des règles quant à l’écoute, à la présence aux rencontres et au respect

des engagements et des décisions. La présence d’un contrat permet aussi d’instaurer un climat

d’égalité entre les deux personnes qui entretiennent la relation, en délimitant des positions où,

théoriquement, aucun des deux n’est en état de supériorité face à l’autre (Dartiguenave et

Garnier, 2008). L’instauration d’un contrat initial permet également de baliser le processus en y

incluant des objectifs, des échéances ainsi que des exigences minimales. Certains événements

susceptibles de subvenir au cours du processus peuvent aussi être balisés par la présence du

contrat, car les droits et contraintes sont négociés en fonction de celui-ci (Dugué, Mathey-Pierre,

Rist et Waysand, 2001). Des auteurs se questionnent cependant à savoir si la mise en place d’un

contrat s’avère une tentative de diminuer la responsabilité de l’intervenant dans le processus, en

raison de la connotation de « prise en charge » que peut avoir la démarche d’accompagnement

(Dartiguenave et Garnier, 2008).

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Élaboration du projet et prise en charge

La notion de projet est fréquemment abordée dans le processus d’accompagnement en insertion

professionnelle. La définition de ce qu’est un projet dans le processus d’insertion peut présenter

différentes variantes, mais de façon générale, on peut dire qu’il renvoie à la méthodologie de

l’action. Le projet permet donc d’évaluer et de comprendre la situation qui fait problème. Établir

le projet, c’est demander à la personne ce qu’elle veut, c’est s’informer sur ses motivations

(Dartiguenave et Garnier, 2008). Il est cependant important que ce projet soit réaliste, c'est-à-dire

que la personne ait les moyens de le mettre en œuvre. L’accompagnement est donc ici associé au

fait d’aider la personne à franchir les étapes, ou encore à lui faire prendre conscience de ses

capacités personnelles (Dartiguenave et Garnier, 2008). À ce sujet, il n’est pas rare que les écrits

qui traitent de l’accompagnement soulignent l’importance de faire en sorte que le client demeure

motivé, car cela peut être très déterminant dans sa réussite. Les jeunes qui bénéficient de

l’accompagnement en insertion professionnelle doivent demeurer confiants qu’ils peuvent

atteindre leurs objectifs, doivent être motivés et faire preuve de persévérance pour réussir (Bell,

2005; MacDonald et Marston, 2005).

Cependant, la notion de prise en charge dans l’accompagnement en insertion représente un enjeu

non négligeable. Ainsi, les auteurs précisent que le fait d’accompagner une personne ne consiste

pas à la détourner de ses responsabilités en les assumant à sa place, il s’agit plutôt de partager ces

responsabilités avec elle. Non seulement il est important de ne pas « faire pour l’autre », mais

Lagnel (2001) ajoute qu’il ne faut pas « vouloir pour l’autre ». Certains auteurs parlent à ce sujet

de non-directivité afin de rendre compte de l’importance de l’autonomie à laisser à la personne

accompagnée (Speroni, 2001). Le Guellec (2001) abonde également en ce sens en affirmant que

l’accompagnement est entre autres une relation d’aide où il est important de se soucier de ne pas

faire les choses à la place de l’autre. Tout au contraire, le professionnel doit intervenir le moins

possible pour la personne et tenter de la rendre autonome en lui offrant plutôt des outils. Comme

le mentionne Bell (2005), les agents d’aide à l’emploi donnent un coup de pouce aux clients afin

qu’ils deviennent autosuffisants. Le jeune qui est accompagné doit devenir l’acteur de son

insertion et la démarche doit lui permettre d’accéder à des droits. En effet, Guele et al. (2003)

soulignent que l’accompagnement social vise à ce que la personne aidée atteigne une situation de

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vie qui lui permettra l’acquisition de droits. Les auteurs mentionnent également que les

démarches d’aide en insertion professionnelle visent à faire cheminer les personnes dans le

développement et l’utilisation de leurs ressources propres. Ainsi, l’accompagnement social est

envisagé comme un levier vers l’atteinte de l’autonomie. C’est donc par une prise de pouvoir

personnelle de la part du client que l’accompagnateur aide ce dernier à atteindre les objectifs

fixés.

La relation

Au-delà des aspects plus techniques qui construisent les rencontres, l’accompagnement inclut

aussi un côté plus abstrait, mais non moins important qu’est la qualité de la relation. Les propos

de Suisse (2001) illustrent bien la richesse et l’importance de la relation d’accompagnement

quand il mentionne que pour le jeune, ce qui est vécu avec l’accompagnant peut devenir

déterminant dans son processus de « reconstruction ». Selon Brégeon (2008) également, une

relation privilégiée est primordiale dans les interventions des professionnels de l’insertion.

Certaines attitudes sont courantes et peuvent aider à l’établissement d’une relation efficace, il est

ainsi du ressort de l’intervenant de travailler à l’accrochage relationnel. La relation, une fois

créée, peut prendre plusieurs directions. Il est possible que cette relation d’accompagnement en

emploi devienne davantage une relation d’aide pour des problèmes non directement liés aux

objectifs d’insertion. Brégéon (2008) mentionne qu’au cours du processus, des problèmes et

difficultés autres que reliés directement à l’emploi sont abordés, tels que les problèmes sociaux

des jeunes, qui sont les principaux obstacles à l’insertion. La nécessité ou le caractère inévitable

d’une portion dédiée à la relation d’aide dans le processus est donc mis en lumière. Ainsi,

certains agents prennent soin de s’associer avec d’autres professionnels tels que des psychologues

ou des professionnels de la santé (MacDonald et Marston, 2005). Pour plusieurs, il est essentiel

de ne pas se limiter aux caractéristiques « professionnelles » de la personne, mais d’envisager

celle-ci dans sa globalité. À cet effet, Lagnel (2001) mentionne l’importance de considérer la

personne comme un système en soi qui interagit constamment avec son environnement.

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Le caractère involontaire de l’accompagnement

Dans leurs études sur l’accompagnement des jeunes avec peu de qualifications, Dugué et al.

(2001), soulignent que la personne qui reçoit les services d’accompagnement peut, en fait, suivre

ce processus en réponse à une obligation administrative. Par conséquent, le caractère volontaire

ou non de la demande peut déterminer le degré de facilité avec lequel la relation et la motivation

pourront s’établir. Par ailleurs, selon Speroni (2001), il existe toujours un certain caractère

involontaire au processus d’accompagnement, car un chômeur subit toujours une pression

informelle à s’engager dans un processus de remise en emploi. La personne qui bénéficie d’un

accompagnement ne présente donc pas toujours un état d’esprit favorable envers la démarche

proposée. Chez les jeunes engagés dans des démarches d’insertion, les recherches montrent que

certains n’aiment tout simplement pas les dispositifs d’insertion. Ils sont rébarbatifs et ressentent

ces dispositifs comme une situation de discipline (Roulleau-Berger, 1998). Effectivement, les

agents qui effectuent l’accompagnement en emploi peuvent être envisagés comme des

instruments de l’État. Il n’est donc pas étonnant que certains clients se méfient et considèrent les

agents d’aide à l’emploi comme des agents de contrôle plutôt que des agents d’aide. Dans cette

optique, certains clients affirment se sentir davantage surveillés qu’aidés (MacDonald et Marston,

2005). De plus, certains demandeurs ont subi plusieurs refus ou ont vécu des expériences

négatives par rapport à leurs démarches d’emploi et adoptent par conséquent une attitude de

confrontation envers les institutions (Brégéon, 2008). La façon d’accueillir le demandeur peut

également être signifiante. Leclerc et al. (2002), rapportent que les agents doivent transcender les

diverses contraintes possibles dans la relation afin d’instaurer un climat de confiance.

Construire une relation avec la personne qui demande de l’aide n’est pas une chose facile et exige

du travail (MacDonald et Marston, 2005). Ceci est d’autant plus vrai lorsque la personne ne

participe pas au processus d’accompagnement de son plein gré, mais qu’elle y est, en quelque

sorte, plus ou moins contrainte. Ainsi, les attitudes et comportements des agents envers les clients

sont d’une grande importance. Les agents doivent faire preuve de dévouement et de disponibilité,

et ce, autant avec les clients dits « plus difficiles » qu’avec ceux qui présentent une attitude

favorable à recevoir l’aide. L’établissement d’une bonne relation est donc primordial et celle-ci

se construit entre autres par des attitudes qui favorisent l’accrochage relationnel ainsi que par des

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interactions variées, qui, comme mentionné précédemment, peuvent même parfois ressembler

davantage à une relation d’aide qu’à une démarche d’insertion.

Limites de la fonction d’accompagnement

Dans le domaine de l’accompagnement en emploi, certains aspects du travail sont considérés

comme des obstacles à l’atteinte des objectifs des programmes d’accompagnement. À titre

d’exemple, la charge de travail, le manque de coordination entre les organismes, le manque de

soutien aux clients ainsi que les difficultés reliées aux conditions d’emploi comptent parmi ces

obstacles (Bell, 2005). Les écrits sur l’accompagnement soulignent aussi le fait que les

accompagnateurs se retrouvent souvent dans des rôles contradictoires, situation qui peut nuire à

l’atteinte des objectifs. Lorsque leurs fonctions les amènent à exercer de la surveillance et de la

reddition de compte en plus d’aider les personnes éloignées du marché du travail, les agents

d’aide à l’emploi se retrouvent dans des rôles qui peuvent se contredire. L’objectif ultime est

l’insertion en emploi, mais les accompagnateurs doivent aussi répondre aux besoins personnels

des clients. Il peut donc arriver que certaines contradictions se posent entre les différents objectifs

(Brodkin, 1997). La conformité aux normes institutionnelles, la surveillance et la

bureaucratisation du milieu de l’aide en insertion en emploi peuvent donc réduire l’autonomie de

ceux qui mettent en application ces mesures.

Par ailleurs, la question du manque de temps dans le processus d’accompagnement est

mentionnée, ce qui peut entraver le processus d’une insertion durable (Criff-Formation et Conseil

2005). En effet, selon Brodkin (1997), certains accompagnateurs évoquent la primauté de la

quantité dans leur travail d’accompagnement. Ils rapportent ressentir une pression quant au

nombre de personnes qu’ils réussissent à placer et ajoutent que cette pression mène parfois à

placer des clients dans des endroits qui ne sont pas toujours appropriés. Frankel (2005) précise à

ce sujet qu’il faut effectivement avoir des résultats rapidement et atteindre l’objectif fixé, mais

parfois cet objectif l’emporte sur la qualité des emplois. Lorsque les programmes sont centrés

d’abord et avant tout sur la mise en emploi de la personne accompagnée, il est fréquent de voir

ces personnes revenir tôt ou tard à l’aide social en raison de leurs conditions d’emploi

insatisfaisantes. Pour plusieurs agents d’aide à l’emploi, trouver un emploi ne suffit pas. Il faut

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tenir compte de la qualité de l’emploi s’il est souhaité que cette insertion dure dans le temps

(Bell, 2005).

1.2. Limites des études actuelles

Des auteurs considèrent que les travaux portant sur l’insertion en emploi des jeunes présentent

une vision trop unidimensionnelle de cette réalité. Trottier (2000) par exemple, souligne que les

études qui sont effectuées s’enferment souvent dans une vision « économiste » en abordant

surtout les difficultés d’insertion reliées à la structure économique du marché du travail.

Dans le domaine de la recherche au sujet des politiques d’aide à l’insertion, la question se pose à

savoir jusqu’où faut-il aller? (Dugué et al. 2001). Il devient intéressant d’explorer l’ensemble du

processus en portant un regard sur la réalité des personnes qui se trouvent au cœur du processus.

Comme il est rapporté par Vincens (1997), la plupart des travaux s’intéressent à l’insertion du

point de vue des individus qui sont dans un processus d’insertion. Afin de varier et de parfaire les

connaissances sur le sujet, la production de connaissances sur les actions concrètes des

intervenants qui œuvrent dans le domaine de l’insertion est de mise étant donné le manque

d’intérêt porté à cet aspect précis des processus d’insertion en emploi (Perret, 2008).

À propos de l’étude des processus mis en place pour aider les jeunes en difficulté d’insertion, des

travaux suggèrent qu’il serait intéressant de porter attention aux types d’actions qui sont posées

dans ces dispositifs. Une attention à la diversité des tâches effectuées dans le processus

d’accompagnement a également sa place. Par exemple, il serait intéressant de porter un regard sur

la mise en œuvre de démarches visant le développement personnel et social en plus des

démarches directement reliées à la recherche d’emploi (Roques, 2008). Dans le même ordre

d’idées, Panet-Raymond, Bellot et Goyette (2003) considèrent eux aussi l’importance d’explorer

des sujets allant au-delà des difficultés relatives à l’emploi en affirmant que les difficultés

sociales des jeunes doivent aussi être abordées et faire partie du plan d’action qui sera élaboré

pour le jeune. De plus, il existe peu d’études du point de vue de ceux chargés de la mise en œuvre

des pratiques d’accompagnement (Lipsky, 1980). Cette ouverture à des facteurs allant au-delà du

strict domaine professionnel doit donc faire partie des préoccupations des travaux qui

s’intéressent aux diverses mesures d’insertion. Le parcours qui mène à l’insertion en emploi reste

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méconnu et mérite que des études s’y intéressent sur des aspects jusqu’à maintenant peu

documentés.

1.3. Pertinence

Cette recherche est liée à deux thèmes importants : l’exclusion et l’insertion. L’exclusion

constitue un phénomène au centre des actions et préoccupations gouvernementales, de par les

multiples conséquences néfastes qui y sont associées. L’exclusion économique étant un

phénomène qui restreint la possibilité d’atteinte d’un niveau de vie décent, lutter contre ce

phénomène permet d’atteindre des valeurs fondamentales pour le Québec, telles que l’équité, la

dignité et le respect des droits (MESS, 2002). Avec sa Stratégie nationale de lutte contre la

pauvreté et l’exclusion sociale, le gouvernement du Québec s’est fixé l’objectif de mener le

Québec parmi les nations industrialisées comptant le moins de pauvreté. La lutte contre

l’exclusion est envisagée comme un élément d’une démarche plus globale visant le

développement social du Québec en entier.

Il est important de s’intéresser non seulement aux actions globales mises en œuvre pour fournir

une aide à la jeunesse, mais également aux démarches plus précises qui caractérisent ces actions.

Une insertion durable pour les jeunes demeure difficile et plusieurs des participants à des projets

d’accompagnement finissent par retourner à la sécurité du revenu (Panet-Raymond et al., 2003).

Certaines personnes bénéficiant de l’aide sociale rapportent d’ailleurs que les programmes d’aide

à l’emploi ne sont pas toujours efficaces et même parfois nuisibles, ou sont une simple perte de

temps qui aboutit à un échec (Provencher et Bourassa, 2005). Ainsi, il devient intéressant

d’explorer le milieu et d’aller plus loin en sondant les personnes qui œuvrent au sein de ces

programmes d’aide à l’emploi afin de mieux comprendre de quelle façon l’aide actuelle est

octroyée. Donner la parole aux travailleurs de terrain pour nous faire connaître la réalité telle

qu’elle est s’avère donc une avenue intéressante.

La relation qui se crée entre le professionnel de l’insertion et son client se développe dans un

contexte particulier. Elle varie selon l’institution, les règles et les caractéristiques personnelles

des clients et des professionnels. Cette complexité rend intéressante et pertinente une tentative

d’investigation afin de découvrir comment se passe cette relation particulière. Les agents doivent

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aussi composer avec différents clients et adapter leurs stratégies d’intervention pour un maximum

d’efficacité. Une meilleure connaissance du processus d’accompagnement permettrait d’identifier

les facteurs médiateurs et modérateurs qui peuvent avoir une influence sur les résultats de

l’accompagnement. Il est ainsi intéressant de démystifier la multiplicité des pratiques (Criff-

Formation et conseil, 2005). Il subsiste une méconnaissance de ce qui se fait sur le terrain

(Leclerc et al., 2002) et les agents de première ligne constituent des acteurs privilégiés de ce qui

se passe dans la relation d’accompagnement. Il est donc approprié et souhaitable de leur

permettre de prendre la parole et de faire connaître la nature de leurs démarches.

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2- Cadre Conceptuel

La présente étude cherche à explorer le concept d’accompagnement de façon concrète, en

examinant de quelle façon il s’actualise auprès des jeunes adultes en difficulté dans le réseau des

services publics de l’emploi. Comment s’actualise le processus d’accompagnement réalisé par les

professionnels auprès des jeunes de 18 à 24 ans dits éloignés du marché du travail et quelles en

sont les différentes composantes?

Selon le dictionnaire Larousse 2004, le terme accompagner se décrit comme suit : Aller avec,

conduire, escorter, assister, aider. Il renvoie aussi à la mise en place de mesures et de

programmes visant à atténuer les effets négatifs de quelque chose. Dans les écrits plus spécifiques

sur l’accompagnement dans le domaine de l’insertion en emploi, les définitions du concept

d’accompagnement sont multiples et ne désignent pas toujours précisément la même chose. Les

pratiques d’accompagnement sont plurielles, il est donc fréquemment mentionné que le concept

s’avère complexe à définir, puisque l’accompagnement ne relève ni d’une procédure, ni d’une

modalité écrite (Suisse, 2001). Pour certains, les politiques d’insertion sont elles-mêmes

responsables du caractère vague de la notion d’accompagnement (Dugué et al., 2001).

Chose certaine, l’acte d’accompagner inclut un engagement personnel important et s’avère d’une

grande complexité (Le Guellec, 2001). Dartiguenave et Garnier (2008, p.85) soulignent que le

concept d’accompagnement désigne aujourd’hui « à peu près tout et n’importe quoi », parce qu’il

est utilisé globalement pour désigner toute pratique d’intervention sociale. Pour eux,

l’accompagnement se définit par « les moyens que l’on mobilise pour parvenir aux fins que l’on

s’est fixées » (Dartiguenave et Garnier, 2008 p.79). L’accompagnement représente donc une aide

offerte à ceux qui présentent des manques les empêchant de franchir une ou des étapes données.

Pour le présent travail, ces manques font références aux compétences nécessaires à une insertion

en emploi. Ainsi, l’accompagnement peut être envisagé comme un phénomène se présentant sous

forme d’aide au développement de compétences et de qualifications (Le Guellec, 2001).

Le concept d’accompagnement se définit donc à l’aide de différents termes. Accompagner, c’est

catalyser, faciliter, questionner (Lagnel, 2001). C’est aussi partager une responsabilité

(Dartiguenave et Garnier, 2008) ou encore, soutenir les projets du client, ou favoriser la relation

qu’il entretient avec son environnement (Suisse, 2001). Devant l’ambigüité que rapportent les

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écrits quant à la définition de la notion d’accompagnement, il s’avère pertinent de s’intéresser à

une définition plus concise et de se demander plus précisément ce qu’est l’accompagnement dans

le monde de l’insertion en emploi.

En ce qui concerne l’insertion, le dictionnaire Larousse (2004) renvoie à l’action d’insérer et

définit ce mot comme suit : faire entrer, assimiler, trouver place dans un milieu, s’intégrer,

s’introduire. Quant au dictionnaire le Petit Robert (2009), celui-ci parle de l’insertion comme

étant l’intégration d’un individu ou d’un groupe dans un milieu social différent.

D’un point de vue historique, le concept d’insertion n’est pas très ancien. Damon (1998), affirme

que le terme insertion a remplacé les concepts d’intégration ou de réadaptation qui ont pris

naissance à l’époque des Trente Glorieuses. Les objectifs d’insertion étaient au départ associés

aux allocations d’assistance sociale dites de dernier recours. Avec le temps, la notion d’insertion

a évolué et répond aujourd’hui à des objectifs plus larges, par l’instauration d’actions et de

programmes visant la lutte contre l’exclusion.

Comme le mentionne Damon (1998), l’insertion peut prendre plusieurs formes. Elle peut être

professionnelle, économique, sociale et culturelle. La présente étude s’intéresse plus

particulièrement à l’insertion professionnelle. Plusieurs choses sont en jeu dans ce phénomène,

car l’insertion en emploi touche à plusieurs dimensions de la société en ayant des répercussions

sur le monde social, politique, éducatif et économique (Gaude, 1997). L’insertion est donc liée

dynamiquement à une multitude d’éléments de la société. Le concept peut également être

envisagé en termes de moyen d’accès à l’emploi (Gaudet, 2007). Dans cette optique, l’insertion

professionnelle consiste à lier l’individu au marché du travail et inclut une prise d’autonomie et

une indépendance, non seulement sur le plan financier, mais aussi d’un point de vue identitaire.

La Stratégie nationale de lutte à la pauvreté et l’exclusion sociale parle de l’insertion en

instituant principalement un lien avec l’aspect financier. En effet, l’insertion s’avère le moyen

privilégié pour l’atteinte d’une autonomie financière et d’un mode de vie décent (MESS, 2002).

Gaudet (2007) définit aussi l’insertion en ce sens, en parlant d’entrée vers l’autonomie et

d’indépendance financière. Le besoin d’insertion est alors considéré comme un besoin d’intégrer

des normes sociales. Ainsi, la notion d’insertion inclut une activité salariée sur le marché du

travail, une autonomie financière décente ainsi qu’une certaine autonomie sociale. Cette façon

d’établir ce qui définit l’insertion cadre bien avec les propos de Dartiguenave et Garnier (2008),

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qui soulignent que dans le langage du travail social, la notion d’insertion s’est imposée comme un

moyen communément associé à la lutte contre l’exclusion.

La notion d’accompagnement social apparaît à partir du milieu des années 1990 dans le domaine

de l’insertion à l’emploi au moment de la mise en œuvre des politiques globales de lutte contre

l’exclusion sociale et la pauvreté (Morel, 2002; Noël, 2003; Groulx, 2003; Provencher, 2004,

2008; Provencher et Bourassa, 2005; Ulysse et Lesemann, 2004). Auparavant associé à l’action

de « se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui », l’accompagnement

prenait traditionnellement la forme du « suivi social » effectué par les travailleurs sociaux et les

éducateurs auprès des clientèles desservies. À partir du milieu des années 1980,

l’accompagnement apparaît progressivement dans différents domaines de la vie sociale

(accompagnement pédagogique, spirituel, thérapeutique, de fin de vie,

accompagnement/management dans les entreprises, etc.) (Maela, 2002; Guele et al., 2003).

Globalement, l’accompagnement fait référence aux trois processus liés que sont (1) l’accueil et

l’écoute, (2) l’aide au discernement et à la délibération et (3) le suivi dans le temps de la personne

accompagnée. Il s’agit d’une fonction centrée sur le passage à l’action plutôt que sur l’atteinte

d’un résultat visé, ce qui le différencie, par exemple, du « coaching » professionnel (Le Bouëdec,

2002). Davantage associé à un ensemble de tâches et d’objectifs à atteindre qu’à une définition

théorique commune, l’accompagnement en emploi se déploie dans le cadre d’une dynamique

relationnelle contractualisée entre un professionnel et une personne en difficulté d’intégration au

marché du travail (Le Bossé, 2000; Guele et al., 2003; Béchrouri et Dô-Coulot, 2008).

Les « parcours individuels d’insertion » prennent forme à l’intérieur de dispositifs multiples et

évolutifs (stages, formations, projets spéciaux d’insertion en emploi). Ces programmes, activités

et mesures servent de support aux chargés d’accompagnement, lesquels ont pour fonction d’offrir

aux personnes fragilisées par le marché du travail des moyens pour surmonter une période

d’inactivité ou trouver un premier emploi (Criff-Formation et conseil, 2005). Dès lors, si

l’accompagnement représente une fonction institutionnelle mise en œuvre dans le cadre

d’organisations formelles, elle repose de manière fondamentale sur la relation nouée avec la

personne en difficulté. Globalement, les résultats des études menées sur les pratiques

d’accompagnement en emploi montrent qu’il s’agit d’une professionnalité à forte composante

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relationnelle qui demeure mal définie parce que s’inscrivant dans des organismes variés dont les

missions évoluent (Bompard, Daubech, Gélot et Nivolle, 2000).

Les agents ont à la fois des responsabilités envers l’État et des responsabilités envers les clients

(MacDonald et Marston, 2005). Ils doivent donc servir la clientèle, tout en répondant aux

exigences de l’établissement qui les emploie. Non seulement le mandat des chargés

d’accompagnement est multiple, mais leurs rôles et buts semblent aussi très variés (Roulleau-

Berger, 1998). L’accompagnement peut en effet inclure un volet individuel où sont travaillées les

habiletés personnelles du client, ou encore, des tâches plus techniques permettant plutôt de lui

fournir des outils et de l’information (Brégéon, 2008; Guele et al., 2003). Somme toute, il ressort

que l’accompagnement est vu comme un processus, où certaines dimensions s’observent. Tout

commence par une prise de contact permettant à l’évaluation initiale d’être effectuée. Suite à ce

premier contact, un contrat d’accompagnement peut être mis sur pied. Il s’agit alors de baliser

les termes du projet et de clarifier les conditions et exigences de part et d'autre. Pour qu’un client

s’associe à une démarche, il faut élaborer le projet en analysant les besoins de la personne, son

degré de motivation, ses capacités, etc. Dans le suivi qui est effectué par l’agent, il faut aider le

client à développer son autonomie, renforcer sa responsabilisation et faire en sorte qu’il demeure

motivé malgré les obstacles qu’il peut rencontrer dans son cheminement socioprofessionnel.

Tous ces éléments constituant le processus d’accompagnement peuvent être facilités ou encore

compliqués par certains aspects. Par exemple, la création d’une bonne relation entre l’agent et le

client peut faire une grande différence dans la réussite des démarches. À l’inverse, le caractère

involontaire des démarches d’insertion en emploi vient souvent nuire au processus puisqu’il

amène à travailler avec des personnes peu motivées ou rébarbatives à recevoir des services d’aide

à l’emploi. Le fait que cette clientèle soit souvent aux prises avec des problématiques importantes

vient également compliquer la réussite des démarches.

Opérationnalisation du concept d’accompagnement

Tel qu’illustré au tableau ci-dessous, les pratiques d’accompagnement peuvent être étudiées en

fonction des cinq dimensions que représentent 1) le processus d’accompagnement; 2) la nature et

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les fonctions du travail des accompagnateurs; 3) les facteurs qui limitent le travail

d’accompagnement; 4) ceux qui le favorisent et 5) le discours sur les accompagnés. Dans mon

étude, j’ai tenté de comprendre les différentes visions que les professionnels ont de leur mandat et

des buts à atteindre dans le cadre de leur travail. Le fonctionnement dans l’établissement au sein

duquel les professionnels travaillent, ainsi qu’avec les partenaires internes et externes, a

également été examiné de façon à mieux connaitre leur façon de fonctionner, les compétences

qu’ils doivent posséder, la latitude dont ils ont besoin pour effectuer leurs tâches, ainsi que leurs

opinions quant aux services actuellement offerts.

Tableau 1: Catégorisation initiale ayant servi à l'analyse des résultats

1. Processus d’accompagnement

- Accueil et prise de contact

- Identification d’un projet

- Informations

Sur les programmes et mesures d’accès à

l’emploi

Sur le marché du travail

- Évaluation des besoins

- Clarification du projet du demandeur

- Évaluation du potentiel et des forces

- Engagement dans une démarche/contrat

- Suivi/maintien du lien d’accompagnement

2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur

- Recrutement

- Ampleur du travail, nombre de dossiers

- Collaboration et références

Externe (employeurs, écoles)

Interne (collègues)

- Description des tâches

- Objectifs professionnels (mandat)

3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement

4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement

5. Discours sur les accompagnés (les jeunes)

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3- Méthodologie

L’approche privilégiée pour la présente recherche est de nature qualitative, laquelle cherche à

décrire un phénomène à partir du discours d’acteurs clés (Dorais, 1993; Pluye, Nadeau, Gagnon,

Grad, Johnson-Lafleur et Griffiths, 2009). Dans le cas présent, le but de l’étude est de décrire les

pratiques d’accompagnement à partir de la perspective de ceux qui les mettent en œuvre. La

recherche consiste à investiguer les accompagnateurs que sont les professionnels

d’accompagnement en insertion des CLE et à documenter leurs pratiques.

La connaissance qui sera produite par cette étude s’inscrit dans un courant d’analyse

d’implantation des politiques publiques ou implementation analysis. Ce courant s’attarde à la

façon dont les programmes ou politiques publiques sont vécus et expérimentés par les

bénéficiaires de ces programmes, mais aussi par les professionnels qui les mettent en application.

Le champ d’étude de la mise en application des politiques (implementation analysis) est centré

sur les processus par lesquels les intentions des politiques publiques sont appliquées dans la vie

de tous les jours (Perret, 2008). Bien qu’elles soient toutes deux associées à l’évaluation de

programme, les études d’application des politiques se distinguent des études d’impact en

cherchant moins à rendre compte des effets qu’à comprendre davantage comment un programme

fonctionne sur le terrain, au moyen de quelles procédures et quelles actions il est actualisé et

quels sont les effets de son application. Certaines études d’application des politiques s’inspirent

du courant du Street-level research, particulièrement utile pour l’analyse des politiques de

services aux personnes (Lipsky, 1980; Brodkin, 2003) Le Steet-level research pose comme

postulat de départ que les politiques publiques de services aux personnes se traduisent en un

ensemble d’activités routinières, de décisions quotidiennes et de jugements exercés par les agents

et agentes de première ligne chargés d’offrir des services aux personnes visées par la politique.

Selon cette approche, les agents de première ligne ou front-line workers exercent un jugement et

prennent des décisions à propos des citoyens auprès de qui ils interviennent. Les fonctionnaires

de terrain font face à une réalité complexe au sujet de laquelle les décideurs publics peuvent

n’avoir qu’une vision partielle. L’observation prend alors compte des écarts parfois substantiels

entre les intentions officielles d’une politique, les directives ministérielles, guides de procédures

et autres mesures de suivi d’une part et les stratégies mises en œuvre par les acteurs de terrain

d’autre part (Perret, 2008).

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L’étude s’attarde plus précisément à explorer et décrire le vécu de la communauté des

professionnels de l’insertion dans leur façon d’accompagner les jeunes adultes vers l’emploi.

Population à l’étude, échantillon et instrument de collecte de données

La recherche s'intéresse aux professionnels des services publics de l'emploi qui œuvrent dans les

CLE. Les directions de ces établissements ont d’abord été sollicitées afin de demander l’accord

d’effectuer la recherche dans leur milieu. Ceux qui ne désiraient pas qu'une telle recherche puisse

avoir lieu, pouvaient le signifier et ainsi, les professionnels de ce milieu ne seraient pas informés

de cette recherche. Des entretiens avec les directions des CLE ont donc eu lieu pour obtenir leur

accord afin que les membres de leur personnel soient informés de la recherche et puissent y

participer s'ils le désiraient.

La population cible de cette étude est constituée de l’ensemble des professionnels des huit centres

locaux d’emploi de la région de la Capitale-Nationale, qui offrent des services individualisés

d’aide à l’emploi à des jeunes âgés de 18 à 24 ans éloignés du marché du travail. Pour former

l’échantillon, trois de ces huit établissements ont été sélectionnés. Il s’agit des trois

établissements où travaillent les agents répondant aux critères de sélection. Ceux-ci ont été

déterminés afin de respecter les critères d’inclusion, demandant à ce que les personnes

interrogées travaillent depuis plus d’un an auprès de la clientèle. Les répondants devaient offrir

des services individualisés d'aide à l'emploi à des jeunes de 18-24 ans ou en avoir offert au cours

des cinq dernières années. Ainsi, cinq professionnels répondaient aux critères et ont été

interrogés. L’échantillon, qui devait être de 10 au départ, a été réduit à cinq, car certains

intervenants ne répondaient pas aux critères de sélection voulant qu’ils soient à l’emploi depuis

plus d’un an.

Compte tenu des objectifs de recherche, le recrutement s’est fait selon une technique

d’échantillonnage de volontaire, une méthode échantillonnage non probabiliste, couramment

utilisé dans le domaine des sciences sociales (Beaud, 2006). La collecte de données s’est

effectuée en face-à-face au moyen d’entretiens semi-dirigés centrés, auprès de cinq

professionnels des CLE et portaient sur : 1-la description des tâches et responsabilités

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quotidiennes, 2-la description des activités et des échanges/interactions avec les jeunes, et 3-leurs

opinions au sujet des programmes et mesures d'accompagnement.

Étant donné la taille réduite de l’échantillon comparativement à ce qui était prévu au départ, des

données secondaires ont été incluses dans l’analyse. Il s’agit de données obtenues dans le cadre

d’une recherche menée en 2012 auprès de quatre professionnels des CLE offrant des services

d’accompagnement, y compris auprès des jeunes adultes (Provencher, Beaudoin, Normand,

Turcotte, Villeneuve et Tremblay Roy, 2012). Ainsi, les données primaires et secondaires

proviennent d’agents des services publics de l’emploi.

Analyse de contenu

Les données provenant des entrevues semi-dirigées auprès de l’échantillon initial et des données

secondaires ont été rendues disponibles pour l’analyse (verbatims), conformément aux règles en

matière d’éthique de la recherche associées à l’utilisation de données secondaires. L’analyse des

données a été effectuée à l’aide d’un logiciel d’analyse de données textuelles (NVivo). Le modèle

d’analyse envisagé est le modèle mixte d’analyse de contenu thématique basé sur des catégories

prédéterminées (c.f. tableau 1, page 27) complétées par la suite avec d’autres catégories

émergeant en cours d’analyse. Ainsi, une exploration préalable des écrits ainsi qu’une

connaissance du contexte terrain des chargés d’accompagnement en emploi1 ont permis la

confection initiale d’un système de codification. En effet, une revue de la littérature a donné lieu

à une opérationnalisation du concept d’accompagnement telle qu’illustrée dans le tableau 1.

Comme il se produit habituellement, d’autres catégories ont surgies de l’analyse, ce qui a permis

d’enrichir le matériel. Ainsi, le tableau 2 de la page 32 présente quant à lui la catégorisation

finale, qui inclut les catégories prédéterminées, auxquelles ont été ajoutées celles ayant émergées

en cours d’analyse.

1 Issu de ma participation à une recherche précédente portant sur le sujet des pratiques d’accompagnement en emploi

dans le domaine communautaire (carrefours jeunesse-emploi). Pour plus de détails, voir Provencher, Émond et

Tremblay Roy (2010).

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Limites de l’étude

Cette étude comporte quelques limites à considérer. Comme il est fréquent avec l’utilisation de

données secondaires, la période de mesure diffère de celle de la collecte primaire. Ainsi, il est

possible que pour le même échantillon, une mesure à un moment unique ait pu occasionner

quelques variabilités dans les discours et les opinions des répondants, la réalité du travail

d’accompagnement pouvant changer ou évoluer au fil du temps (ex. : changement dans les

mesures d’aide disponibles, changement d’orientation ou d’organisation du travail). Cela dit, les

deux collectes de données furent toutefois effectuées selon un protocole semblable, en utilisant

une grille d’entretien similaire, certaines questions étant identiques pour la collecte primaire et

secondaire. Il est donc approprié de croire que, mis à part les quelques inconvénients inhérents à

l’utilisation de données secondaires, cette alternative fut fort enrichissante pour le contenu de

l’étude.

Il importe également de considérer qu’étant donné la grande variabilité constatée d’un endroit à

l’autre (milieu rural vs urbain, petit CLE ou grand CLE, différences dans les façons de

fonctionner à l'interne, etc.), il est possible que des propos rapportés ne siéent pas nécessairement

à tous les agents d’aide à l’emploi ou à tous les CLE. De plus, étant donné que les agents d’aide à

l’emploi semblent bénéficier d’un pouvoir décisionnel ainsi que de beaucoup d’autonomie et de

marge de manœuvre dans leurs décisions et leurs interventions, il se peut, encore une fois, que

certains propos décrits puissent ne pas refléter la réalité du travail fait par tous les agents. Ainsi, il

est possible d’affirmer que la variabilité dans le fonctionnement que les résultats ont permis de

constater affaiblit la validité externe de l’étude. On ne peut effectivement généraliser les résultats

obtenus, car il semble clair que les particularités dans le travail sont spécifiques à chaque agent et

de façon plus globale, à chaque établissement. Cela permet, en contrepartie, d’en apprendre plus

sur les façons de faire dans le monde de l’accompagnement, soit que les services sont adaptables,

vraisemblablement dans le but d’offrir un traitement personnalisé à chaque client.

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4- Présentation Des Résultats

La section qui suit présente les résultats obtenus lors des entrevues avec les agents d’aide à

l’emploi. Globalement, ceux-ci, se sont exprimés sur la nature et la fonction du travail

d’accompagnateur, sur les facteurs qui limitent le travail d’accompagnement ainsi que ceux qui,

au contraire, le favorisent. Le tableau de la page suivant présente de façon plus détaillée, les

différentes catégories d’analyse qui ont émergées du discours des personnes interrogées et qui ont

guidées l’analyse des entrevues.

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Tableau 2: Catégorisation finale ayant servi à l'analyse des résultats

1. Processus d’accompagnement - Accueil et prise de contact

Sans rendez-vous

Nouveaux demandeurs

- Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi

Alternatives offertes et obligations

Accès direct au marché de l’emploi

Projet de formation

- Engagement dans une démarche

Première rencontre

Évaluation de la situation et identification du projet

- Suivi/maintien du lien d’accompagnement

Gestion des absences

Suivi du cheminement

2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur - Collaboration et références

- Objectifs professionnels (mandat)

Des visions différentes

3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement - Recrutement

- Charge de travail

- Vision de la clientèle sur l’organisation

- Caractéristiques de la clientèle

Mode de vie

Réseau/entourage

Histoire

Lacunes personnelles

4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement - Compétences en œuvre

Connaissance du marché de l’emploi

Aptitudes particulières

Écoute et établissement d’un diagnostic

- Recrutement précoce des jeunes

- Le support du milieu

- Présence d’une relation positive

- Soutien personnalisé et projets adaptés

- Latitude des agents

- Motivation du client

- Échanges avec les partenaires

5. Opinions des agents - Efficacité des services

- Marché de l’emploi

- Proposition d’améliorations et changements

Recrutement

Changement dans le suivi

Personnalisation de l’accompagnement

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4.1. Le processus d’accompagnement

4.1.1. Accueil et prise de contact

Clients se présentant au sans rendez-vous

Au centre local d’emploi, tout client peut arriver de façon ponctuelle afin d’avoir de

l’information. Ainsi, il bénéficie d’une première rencontre d’une durée d’environ 20 à 30

minutes. Cette rencontre sert essentiellement à cerner le besoin du client afin de le diriger vers le

service approprié. Lorsqu’une personne se présente, l’agent à l’accueil procède à une

préévaluation de base où l’on regarde les besoins du client, ses expériences passées et son

admissibilité dans les mesures. Un des agents interrogés stipule que la majorité des gens se

présentent avec le désir de s’inscrire dans une mesure de formation. Cependant, comme le

mandat d’Emploi-Québec consiste à aider les gens à réintégrer le marché du travail, tous les

clients ne sont pas admis automatiquement à la mesure de formation. Ainsi, l’employabilité de la

personne est explorée afin de déterminer si elle est en mesure de trouver un emploi. S’il est jugé

que la personne possède suffisamment d’expérience pour un emploi particulier ou qu’elle détient

déjà une formation qui n’est pas désuète, son intégration directe sur le marché du travail est alors

privilégiée. Si, par contre, la personne est éligible à l’une ou l’autre des mesures de formation,

elle est contactée par téléphone afin de lui faire connaître les services qui s’offrent à elle et, le cas

échéant, la diriger vers un agent d’aide à l’emploi pour l’aider à déterminer un projet lui

convenant.

Nouveaux demandeurs d’assistance sociale

Dans un des CLE visités, on énonce que chaque nouveau demandeur d’assistance sociale doit

préciser (sur son formulaire de demande) s’il souhaite rencontrer un agent qui lui expliquera les

services dont il peut bénéficier afin de l’aider à intégrer le marché de l’emploi. Quand le

demandeur est d’accord, celui-ci est alors référé au CLE, où il rencontre un agent d’aide à

l’emploi. À un autre endroit, on stipule que dès qu’un jeune de moins de 25 ans présente une

demande d’assistance sociale et est accepté, celui-ci est automatiquement convoqué à une

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rencontre individuelle afin de lui présenter les services qui s’offrent à lui. Un agent mentionne

que cette rencontre est très importante et on considère qu’il est primordial que le client puisse

rencontrer un agent avant la réception de son premier chèque d’assistance sociale. En effet, selon

plusieurs agents interrogés, une fois que le jeune a reçu son premier chèque, il est souvent plus

difficile de le motiver à intégrer le monde de l’emploi par la suite.

« À partir du moment où tu lui envoies son premier chèque d’aide sociale, c’est final.

Pour plusieurs mois tu n’es pas capable de le ramener à l’emploi » (PN25/D/2).

4.1.2. Informations sur les programmes et mesures d’accès à l’emploi

Les alternatives qui s’offrent au client et ses obligations

Afin de quitter l’assistance sociale et de recevoir une allocation de surplus, la personne doit

s’engager dans l’une ou l’autre des démarches proposées. Ainsi, le client peut retourner à l’école

à temps plein, être en recherche active d’emploi, ou encore s’inscrire dans un des programmes

d’employabilité ou de pré employabilité2. Cependant, la personne qui souhaite s’inscrire dans une

démarche de retour aux études dans le cadre de la mesure de formation doit avoir cessé de

fréquenter un établissement scolaire depuis au moins 24 mois. Ce dernier critère fait toutefois

exception pour les jeunes qui proviennent des centres jeunesse. Ceux-ci n’ont pas à répondre à ce

critère pour être admis à la mesure de formation et recevoir une allocation.

Après une évaluation, le jeune client peut être dirigé directement vers une formation s’il est prêt.

Il est toutefois mentionné que bon nombre de jeunes souhaitant aller en formation passent

d’abord par une étape préalable, parfois pour valider un intérêt ou encore pour régler certains

aspects de leur vie. Par exemple, un processus d’orientation peut d’abord être pertinent afin de

valider les intérêts et le choix de la personne. Ce processus peut prendre la forme de rencontres

avec un conseiller en orientation, ou encore, de stages en entreprises ou dans un milieu de

formation précis. Une référence peut également être effectuée vers un organisme spécialisé pour

2 Ceux-ci sont généralement délivrés par des organismes communautaires de développement de l’employabilité qui

agissent alors comme opérateurs locaux des mesures offertes pour le ministère de l’Emploi et de la Solidarité sociale.

Jeunes en action est un exemple de ces programmes et il est opéré par les carrefours jeunesse-emploi. Il s’agit d’un

programme dit de pré employabilité vers lequel une grande partie des jeunes clients sont référés.

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répondre à des besoins particuliers ou procurer l’aide nécessaire (ex. grossesse, toxicomanie,

thérapie, etc.). Le client peut aussi être dirigé vers des mesures pré-emploi afin de combler

certaines lacunes ou de régler un problème faisant obstacle à la réussite des démarches souhaitées

(le carrefour jeunesse-emploi (CJE) étant un des partenaires qui offrent les mesures et

programmes dits de pré-emploi). Finalement, un jeune qui ne souhaite pas s’investir dans une

démarche de formation peut être dirigé vers d’autres avenues, dont un programme

d’apprentissage en milieu de travail. Un tel programme consiste à placer le jeune dans un milieu

de travail où il est jumelé avec ce qu’on appelle un « compagnon », qui le formera. Cependant, il

ne s’agit pas d’une pratique courante puisque cela nécessite de trouver des employeurs ouverts à

embaucher le jeune et à lui trouver le « compagnon » qui sera en mesure de s’investir auprès de

lui. Une autre option permettant de mettre en place une insertion sur le marché de l’emploi est le

travail dans une entreprise d’insertion. Ce type de travail aide le jeune à acquérir une

expérience qualifiante lui permettant d’enrichir son CV et lui procure des compétences le rendant

plus apte à répondre aux exigences du marché du travail.

L’accès direct au marché de l’emploi

Bien que ce soit un scénario peu fréquent, il arrive que le jeune ne veuille pas suivre de formation

et qu’il souhaite plutôt intégrer immédiatement le marché du travail. À ce moment, il sera dirigé

vers un organisme d’aide à la recherche d’emploi. Cependant, le profil général de la clientèle

jeune 18-24 ans admissible à l’assistance sociale est majoritairement constitué de jeunes adultes

très éloignés du marché du travail. Cela signifie qu’ils présentent un certain nombre de

problématiques, rendant une intégration immédiate sur le marché du travail moins probable.

Selon les agents rencontrés, on demande aux jeunes qui ne souhaitent pas se diriger vers une

formation de faire leurs preuves en participant à une mesure telle que Jeunes en action, où ils

doivent travailler moult aspects de leur vie.

« Il y a toujours, de prime abord, de la connaissance de soi, les attitudes, la confiance

en soi. L’estime est à reconstruire parce qu’ils ne l’ont pas. […] C’est attaché à

quelque chose d’autre; un processus d’orientation, connaissance de soi, thérapie, etc.

Ça peut aller jusqu’à un an et puis après c’est la mesure de formation. Ils déterminent

leur objectif professionnel, après on dirige vers la mesure de formation pour faire les

préalables par exemple » (SN3/H/5).

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38

Le projet de formation

Chez la clientèle jeunesse de 18-24 ans, la majorité prend part à une mesure de formation. Les

cours préalables, la formation professionnelle, les diplômes d’études professionnelles (DEP) et

les attestations d’études collégiales (AEC) sont des formations admissibles, à condition que le

secteur visé soit considéré comme un secteur en demande, ce que l’agent se charge de vérifier. Le

projet doit pouvoir être complété à l’intérieur de 36 mois, car au-delà de ce délai, à moins de

circonstances particulières, Emploi-Québec cesse de prodiguer l’allocation financière. Un léger

délai peut être accordé dans certains cas, mais un agent souligne qu’ils n’ont pas beaucoup de

marge de manœuvre pour ce critère. Ainsi, si le délai de 36 mois est atteint et que le jeune a

besoin d’encore plusieurs mois pour compléter sa formation, l’agent lui suggérera de faire une

demande de prêts et bourses. C’est pour ces raisons que, lorsque l’agent d’aide à l’emploi et le

client en sont à leur première rencontre et qu’ils cherchent à déterminer le projet de formation

approprié au jeune, ils doivent tenter de choisir un parcours qui respectera les délais requis. Pour

ce faire, l’agent doit étudier la situation du jeune et déterminer tout ce qu’il doit accomplir pour

atteindre le but visé ou pour l’obtention du diplôme. Ainsi, il tient compte du temps pour

accomplir les préalables requis (s’il y a lieu) en plus du temps nécessaire pour compléter

l’activité de formation choisie. Les agents communiquent fréquemment avec les écoles et centres

de formation afin d’obtenir un profil de formation pour la personne. Ce profil consiste en une

évaluation du temps estimé pour atteindre la diplomation, en fonction de la situation spécifique

du jeune. Selon le temps requis, différentes avenues sont offertes. Si le client a comme objectif de

s’inscrire à la formation professionnelle, des options plus courtes afin de compléter les préalables

sont possibles. Ainsi, l’agent fera connaître au jeune des options tel que le test de développement

général (TDG), qui permet d’obtenir des préalables à l’admission de l’un ou l’autre des

programmes de formation. Le test d’équivalence de niveau de scolarité (TENS) est une autre

option permettant d’obtenir une attestation d’équivalence de niveau secondaire. Un agent

mentionne qu’au-delà du fait qu’il procure les préalables requis pour une formation

professionnelle, le TENS est également utile pour un jeune qui souhaite postuler pour un emploi

exigeant un 5e secondaire ou l’équivalent. Le TDG est quant à lui particulièrement conseillé dans

les cas où le jeune a peu de scolarité (moins qu’un 2e secondaire), car cela lui permet de

compléter son cheminement dans le temps requis, ce qui ne serait pas possible en s’inscrivant à la

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formation aux adultes. Comme le mentionne un des agents interrogés, peu de jeunes vont jusqu’à

obtenir le niveau 5e secondaire. La majorité se contente d’obtenir les préalables requis afin de

respecter le délai maximum de 36 mois. Il importe donc que l’agent soit au fait de ces différentes

possibilités permettant d’écourter les délais pour atteindre le but visé.

Bien des jeunes qui s’inscrivent au programme Alternative jeunesse ont un but académique en

tête, mais ne sont pas nécessairement prêts à aller à l’école. Les agents affirment par exemple,

que certains ont des problèmes de consommation, d’autres des attitudes à travailler. Par exemple,

un jeune qui est inactif depuis un an ou plus aura sans doute de la difficulté à prendre un rythme

de travail adéquat. L’agent doit détecter ces difficultés potentielles et proposer au jeune

l’inscription à un programme tel que Jeunes en action dans un premier temps, pour ensuite

procéder à l’inscription à l’école. Alternative jeunesse permet également à un jeune de fréquenter

l’école à temps partiel. Dans un cas comme celui-ci, les agents interviewés rappellent que ce qui

est important, c’est que le jeune soit en action, car on veut éviter qu’il demeure en situation

d’inactivité tout en bénéficiant de l’assistance sociale.

« Je pose plein de questions […] Où tu en es rendu? Que fais-tu de tes journées? Côté

consommation ça regarde quoi? L’école t’en es rendu où? Qu’est-ce que tu penses de

l’école? Ta famille […]. J’essaie d’avoir le meilleur portrait possible […]. Mais

quand je me rends compte que ça fait au moins un an qu’ils sont chez eux et qu’il ne

se passe pas grand-chose, je ne suis pas sûr qu’ils soient prêts à retourner à l’école

demain matin. C’est là que je les envoie dans les carrefours jeunesse-emploi pour

Jeunes en action » (PN24/A/3).

4.1.3. L’engagement dans une démarche

La première rencontre

Lorsqu’un jeune mentionne qu’il est disposé à rencontrer un agent, on tente de lui offrir une

rencontre rapidement, c'est-à-dire dans la semaine qui suit. Lors de la première rencontre avec un

agent d’aide à l’emploi, on présente au client ce qui s’offre à lui, mais aussi les obligations et

conditions qu’il devra remplir en échange. D’un côté, le client recevra plus d’argent et ne sera

plus inscrit comme prestataire de l’assistance sociale, mais en échange, il devra être en action et

respecter les conditions de maintien dans le programme. Le client est donc mis au courant qu’un

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suivi serré sera effectué et qu’il doit être prêt à s’investir dans sa démarche. En effet, les jeunes

qui élaborent un projet avec leur agent et qui s’y investissent deviennent clients d’ Alternative

jeunesse et ne sont plus considérés comme prestataires de l’assistance sociale. L’agent doit être

clair avec le client sur ce point, s’assurer qu’il comprenne bien les attentes envers lui et qu’il ait

la volonté de s’investir et de respecter les conditions.

« Quand je les rencontre, je leur dis : tu es sur l’aide sociale présentement. Je t’offre

la possibilité de débarquer de l’aide sociale, mais tu dois être en action. Oui tu aurais

plus d’argent, mais qu’est-ce que tu es prêt à faire? » (PN31.3/A/1).

L’évaluation de la situation et l’identification d’un projet

Les entrevues avec les agents nous apprennent que c’est également lors de ce premier contact

qu’une évaluation précise de la situation du client est effectuée. On vérifie alors ses objectifs, sa

motivation ainsi que ses habitudes de vie, passant de sa consommation au soutien qu’il peut

recevoir de son entourage. Il est important à ce moment, que la personne soit suffisamment en

confiance pour être en mesure de tout révéler au professionnel qui l’accompagne. Les agents

précisent qu’il est important de faire comprendre au client que plus les informations qu’il fournît

sont précises et véridiques, plus la référence qui en résultera risque de lui convenir.

« Tu es mieux de me dire toute la vérité, parce que je vais te référer au meilleur

endroit possible en fonction de où tu en es rendu. Si on se trompe, on va être obligé

de recommencer. Puis il y a tellement de programmes que je veux prendre la peine de

choisir le bon » (PN25/A/2).

Toujours dans un but de diriger le client vers une avenue qui lui soit la plus appropriée possible et

ainsi augmenter ses chances de réussir son projet, les agents questionnent beaucoup leur client.

Ainsi, pour découvrir les désirs du jeune, certains agents tentent d’explorer, avec le client, ses

intérêts et aspirations profondes, sans égard au côté réaliste ou irréaliste de ses ambitions. C’est

avec cette information qu’ils peuvent savoir ce qui passionne et stimule réellement le client et

tenter de trouver une avenue qui soit en lien ou qui réponde à une partie de ses intérêts, pour ainsi

augmenter les chances qu’il demeure motivé jusqu’à la fin de son parcours.

« Une des premières questions que je pose en entrevue, même si le lien n’est pas fait,

c’est : c’est quoi ton rêve? Je ne veux même pas savoir si c’est réaliste ou irréaliste.

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C’est sûr que des fois tu es obligé de recadrer un petit peu, mais on va partir de c’est

quoi ton rêve » (PN31.4/B/5).

Un agent mentionne qu’au cours de cette rencontre, il importe de se concentrer sur la situation

actuelle du jeune, sans entrer dans des éléments du passé. Pour lui, il faut prendre en compte ce

que le jeune désire à ce moment. Au-delà de la situation actuelle du client, l’agent d’aide à

l’emploi interroge également ses aspirations et tente d’évaluer son potentiel de réussite. Pour

l’agent, il faut donc regarder comment atteindre le but en prenant en compte à la fois les désirs du

jeune et la faisabilité du projet. Parfois, un client présente un objectif qui est difficilement

atteignable. L’agent tente alors de vérifier si cette personne est réellement prête à s’embarquer

dans un projet en l’interrogeant davantage ou encore en lui demandant de participer à un

programme préparatoire dans un premier temps. Pour les agents rencontrés, une telle étape peut

éviter au client de se retrouver en situation d’échec en embarquant trop vite dans un projet trop

ambitieux.

« Souvent ils nous disent : Oui moi je suis prêt à retourner à l’école. Mais quand je

me rends compte que ça fait au moins un an qu’ils sont chez eux et qu’il ne se passe

pas grand-chose, je ne suis pas sûr qu’ils soient prêts à retourner à l’école demain

matin » (PN24/A/3).

Les agents rencontrés nous ont fait part de certains éléments à vérifier lorsque l’évaluation de la

situation du client semble le diriger vers la formation. Dans un premier temps, l’agent doit

s’assurer que le client ne possède pas déjà une formation, car dans un tel cas, Emploi-Québec ne

peut octroyer une allocation pour une autre formation. Il est à noter que des exceptions sont

possibles dans certaines situations, comme par exemple, dans les cas où la dite formation s’avère

désuète. La personne est alors dirigée vers une autre formation, ou si cela est possible, vers une

actualisation de sa formation d’origine afin de pouvoir réintégrer le marché de l’emploi dans ce

domaine.

Une fois que ces éléments sont explorés, l’agent s’assure que la formation envisagée peut être

financée par Emploi-Québec. Ainsi seront refusés les secteurs jugés précaires. Certains cas sont

parfois particuliers et demandent une analyse plus pointilleuse. C’est à ce moment que l’agent

consulte son chef d’équipe pour appuyer sa décision.

« Quand c’est acceptable, c’est là qu’il faut aller fouiller puis c’est là qu’il y a des

petites zones grises […] si on se rend compte qu’il y aurait une possibilité que ce soit

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positif. Dans le fond c’est quand on ne le sait pu trop qu’on va voir la chef d’équipe.

Donc pour des cas comme ça on peut aller vérifier auprès de la chef d’équipe pour

être sûr de notre décision » (PN33/A/1).

Les agents interviewés mentionnent cependant bénéficier d’une grande marge de manœuvre

quant aux décisions qu’ils prennent face à l’acceptation ou non d’un client dans une mesure. Ils

ne consultent donc pas le chef d’équipe à tous coups.

Afin d’appuyer leur décision, les agents ont accès à des outils de recherche leur permettant de

savoir si un type de formation en particulier est acceptable et quelles sont les perspectives

professionnelles. Ceci sert d’appui à leur décision, car les agents peuvent tout de même faire

preuve de nuance dans certains cas.

« On est assez autonomes par rapport à nos dossiers. C’est juste pour les cas

problématiques …c’est assez rare que je vais voir la chef d’équipe […]. La plupart du

temps, on se consulte plutôt entre collègues » (SN8/H/1).

Les agents qui accompagnent les jeunes adultes bénéficiaires des services d’emploi doivent

également vérifier le temps disponible en regard du projet visé. Tel que mentionné

précédemment, si un jeune souhaite s’inscrire à un cours en particulier, l’agent d’aide à l’emploi

communique avec l’établissement d’enseignement afin de connaître le temps estimé pour

compléter la formation ainsi que les préalables requis. Il vérifie que le temps total requis pour

compléter le programme choisi, incluant la complétion des préalables, ne dépasse pas 36 mois.

Au-delà de ce délai, le CLE ne finance plus la formation entreprise. Ceci est clairement exposé au

client et, selon les interviewés, a un impact sur le choix de la formation dans plusieurs cas.

Cependant, si le niveau d’un jeune se situe entre une 6e année et un 3

e secondaire, le temps requis

pour compléter ses préalables n’est pas comptabilisé dans les 36 mois de délais accordés pour

être en formation. Au-delà du 3e secondaire, le temps requis pour décrocher l’équivalent d’un 5

e

secondaire sera comptabilisable dans la période de financement de la formation.

Lorsque le client est officiellement accepté dans un programme de formation et qu’il a débuté, le

CLE le contacte afin qu’il vienne signer un contrat. Certains agents préfèrent cependant ne pas

attendre la confirmation de l’établissement d’enseignement et faire signer ce contrat dès que le

jeune prend la décision de s’engager dans un projet donné.

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« Le client est au courant que lorsqu’il va commencer l’école nous allons le rappeler

pour signer son contrat avec les versements auxquels il aura droit. Mais ça c’est

expliqué avant pour qu’on puisse dire au client : tu vas avoir droit à tant, selon si tu as

déjà eu du chômage ou si tu en as jamais eu. As-tu des frais de transport, des choses

comme ça? Parce qu’au moment où ils commencent l’école, on fait signer les papiers.

Mais ça, je sais que ça dépend du CLE. Il y en a qui font signer les papiers avant, moi

je les fais signer une fois que l’école a confirmé la participation » (SN4/F/4).

4.1.4. Suivi/maintien du lien d’accompagnement

La gestion des absences

Dans leur suivi, les agents affirment avoir la responsabilité de veiller au respect des engagements

des clients et de s’assurer que les conditions leur permettant de poursuivre leur formation sont

toujours présentes.

Les interviews nous apprennent que plus la formation du jeune client avance, plus les agents

tentent de fonctionner de façon similaire au marché du travail afin de favoriser la réussite du

jeune une fois que celui-ci intégrera un emploi. Ainsi, les interviews auprès des agents mettent en

lumière un mode de gestion des absences en trois étapes. À la première étape, si le client cumule

plusieurs absences au cours d’un même mois, un constat d’absences répétées est fait. Cependant,

pour la plupart des agents, aucune action ou intervention n’est entreprise à ce moment auprès du

jeune. Ainsi, en début d’inscription, des agents tolèrent un taux d’absences pouvant parfois aller

jusqu’à 40 %. À la deuxième étape, les agents tolèrent 20 % d’absences. Ainsi, le jeune qui

dépasse le pourcentage autorisé pour un second mois est convoqué pour une rencontre.

Finalement, à la troisième étape, les agents tolèrent un maximum de 10 % d’absences avant de

convoquer le jeune pour discuter de sa situation. Un agent mentionne qu’il est fréquent, lors de

ces discussions à propos des absences répétées du jeune, que l’intervention ressemble davantage

à une intervention psychosociale, puisqu’il s’agit d’aborder les difficultés qui empêchent le jeune

d’avancer.

« Au début, on leur dit : je t’ai convoqué, c’est en raison d’absences nombreuses, ou :

un des intervenants m’a dit que tu ne feelais pas très bien. Parce qu’aussi, il y a une

entente d’échange de renseignements entre l’école, ou l’organisme à qui je réfère,

afin de connaitre son rendement au niveau personnel et scolaire. Puis à ce moment-

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là, je le convoque puis je l’amène à me parler de ce qu’il vit. C’est presque de

l’intervention psychosociale » (SN4/H/1).

Selon les professionnels rencontrés, la tolérance plus grande en début de parcours permet au

jeune de s’adapter graduellement. Cependant, au-delà du stade où est rendu le jeune dans son

cheminement, le type de formation peut aussi influencer la souplesse dont fera preuve l’agent. En

effet, la norme est de 10 % d’absences tolérées, mais un agent précise que dans certains cas,

comme pour un DEP, il contacte le client dès que ce dernier atteint 5 % d’absences. Il explique

cette procédure par le fait qu’un DEP est un cours intensif, donc si le jeune s’absente, cela risque

d’avoir des répercussions sur ses notes et sur son apprentissage de façon plus marquée que dans

le cas, par exemple, de l’éducation aux adultes, où le jeune à la possibilité de progresser à son

rythme.

« En formation générale c’est plus facile qu’en formation professionnelle […] la

personne avance par elle-même […]. À l’école c’est comme aux adultes, ça marche

par module. Donc ils vont voir le professeur et ils avancent dans leur module. […] la

formation professionnelle, quand c’est d’une durée donnée, qui commence en janvier

pis qui se termine en octobre, je pourrais donner l’exemple de « vente-conseil »; ce

n’est pas par module. Donc si la personne s’absente, elle manque le fil pour réussir sa

formation » (SN7/G/1).

Plusieurs personnes interrogées ont mentionné que la gestion des absences est un domaine où il y

a beaucoup de souplesse et de variabilité d’un agent à l’autre. Il apparait donc que cette gestion

demeure à la discrétion des agents. Ceux-ci le confirment d’ailleurs et semblent présenter des

points de vue différents sur leur façon de faire. Certains tentent de resserrer davantage les

conditions et stipulent qu’il serait bien d’être plus stricts, tandis que d’autres pensent qu’il est

nécessaire de garder une souplesse avec cette clientèle déjà fragile. Quelques jeunes dépassent les

limites en ce qui concerne les absences ou les dates butoirs, mais comme l’explique un agent

d’aide à l’emploi interrogé, tous les cas qui bénéficient d’exception ou qui ont des autorisations

spéciales sont justifiables. Les agents mentionnent notamment que les jeunes de 18-24 ans

bénéficient souvent de plus de souplesse quant à leurs absences, car les programmes jeunesse

desservent majoritairement des jeunes multi problématiques, ce qui nécessite davantage

d’indulgence de la part des agents s’ils souhaitent les garder dans les mesures. Cependant, il a été

mentionné que dans les cas où le jeune adulte ne vit pas de problèmes particuliers et que son

manque d’engagement n’est dû qu’à une faible motivation, l’agent sera moins tolérant à son

égard pour ce qui est des absences.

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45

Le suivi du cheminement

Dans chaque centre d’éducation des adultes se trouve un intervenant dédié uniquement aux

jeunes qui sont référés par le CLE. Durant la période où le jeune est investi dans son projet de

formation, les agents des CLE s’assurent qu’il soit entouré et encouragé par les intervenants qui

œuvrent dans les établissements de formation. Ceux-ci sont parfois engagés par Emploi-Québec,

parfois par un autre établissement comme un CJE par exemple.

« Ici, on a deux CJE qui offrent l’accompagnement dans les écoles. Il y a une

intervenante engagée par le CJE, qui est postée dans l’école et qui va s’occuper des

étudiants qui étudient avec Emploi-Québec. Elle va donc les cibler et les rencontrer,

et elle va leur offrir ses services s’ils en ont besoin et puis elle va faire un suivi. […]

Moi j’ai des contacts avec ces intervenants-là » (SN13/E/2).

« Dans chaque école secondaire aux adultes, il y a un intervenant qui s’occupe juste

des élèves qui sont référés par les CLE. […] Ça ne part pas de nous, ce n’est pas nous

qui l’engageons, ce sont les écoles qui ont un responsable des élèves CLE. […] dans

chaque école il y a un intervenant avec qui on a un lien » (PN26/B/2).

Quant au programme Jeunes en action, les agents des CLE reçoivent tous les mois un rapport du

cheminement de chaque jeune inscrit à la mesure, via un formulaire informatisé. L’information

échangée entre les agents d’aide à l’emploi et les collaborateurs des milieux peut concerner le

rendement scolaire, l’assiduité et tout autre problème auquel ils jugent bon de s’intéresser.

Selon les intervenants rencontrés, ces collaborations et échanges permettent de faire des

interventions concertées et de travailler dans le même sens, ce qui aide à garder une cohérence

dans les actions et les discours auprès des jeunes.

« J’appelle l’intervenante dans l’école qui travaille avec les CJE et je dis : Vois-tu tel

étudiant? As-tu un contact avec lui? Sais-tu ce qui se passe? Ça va mal…. Donc là

elle me dit : Je vais regarder ça plus attentivement. Puis elle va aller voir le jeune »

(SN13/E/6).

Cependant, les personnes rencontrées rapportent que dans le cas de la mesure de formation, le

contact avec les écoles est généralement plus difficile.

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« Le suivi se fait beaucoup avec les écoles aussi. On a 2-3 écoles plus près d’ici et ils

vont nous appeler, mais c’est plus difficile parce que les écoles, c’est plus grand par

rapport au carrefour jeunesse-emploi » (PN25/C/4).

Souvent, les difficultés rencontrées se retrouvent au plan des demandes de prolongation pour

compléter une formation. Un intervenant d’un milieu de formation peut demander à ce qu’un

jeune bénéficie de plus de temps pour compléter des cours, mais l’agent d’aide à l’emploi doit, de

son côté, se soucier de respecter le budget alloué. Par conséquent, il ne peut pas toujours

consentir à l’octroi d’une allocation supplémentaire pour le jeune au-delà des 36 mois.

« Là où on a parfois des problèmes, c’est souvent sur les prolongations. L’école nous

dit : Nous on le prolongerait de quelques mois, finalement il était supposé terminer au

mois de septembre, mais il va finir en mai 2011. Oups! C’est parce qu’il faut

comprendre aussi que nous on a des budgets à respecter premièrement, mais on doit

aussi s’assurer que le jeune fait ce qu’il a à faire […] alors c’est souvent là qu’il va y

avoir peut-être… pas des accrochages, mais un petit peu de : hey bien là moi mon

jeune ça lui prendrait ça. L’agent dit : non non non! Et parfois je rentre en ligne de

compte. C’est là que mon rôle prend toute son importance » (PN27/D/1).

« Si j’appelle dans une autre école je sais très bien que je vais m’obstiner avec

l’intervenant qui est là. Parce que moi j’ai des règles à faire respecter et en plus, si

j’ai de la souplesse et que la souplesse est « surdépassée » hey bin c’est parce qu’à

moment donné il y a des limites! Je suis obligé de m’obstiner avec l’intervenant en

plus d’avec le jeune, ça ne marche pas là! Comme intervenants on est supposés être

capables de trouver quand même un terrain d’entente. Si je te dis que j’ai certaines

limites et que le client les a plus que dépassées, et bien regarde à moment donné :

non! Il ya des écoles avec qui c’est beaucoup plus difficile, beaucoup beaucoup

beaucoup plus difficile! » (PN34/B/10).

Concrètement, une fois que la personne est engagée dans une mesure (Jeunes en action, mesure

de formation, etc.) les contacts se font plutôt sporadiquement avec le jeune, ou encore par

l’intermédiaire de l’organisme ou de l’établissement responsable de livrer la mesure. La

fréquence des contacts avec le client est déterminée par l’agent et varie d’un jeune à l’autre, selon

ses besoins. Ainsi, certains vont être contactés une fois par mois, d’autres aux deux semaines, ou

encore de façon hebdomadaire. Ainsi, certains ont un suivi régulier systématique tandis que pour

d’autres, ce suivi est effectué au besoin. Le jeune peut lui aussi contacter l’agent d’aide à

l’emploi et certains, selon leurs besoins, appellent leur agent de façon quotidienne. Celui-ci essaie

alors de répondre aux besoins du jeune, la majeure partie du temps en le référant vers un

organisme approprié. Lors de ces contacts avec le jeune, l’agent prend le temps de s’informer à

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propos de son cheminement dans le projet, mais tente aussi de s’informer à savoir si d’autres

aspects de sa vie peuvent nuire à son cheminement et à sa réussite.

« Ça va être de voir comment ça va, comment ça va à la maison. Parce que […] si ça

ne va pas bien à la maison, ça n’ira pas bien à l’école. Si ça ne va pas bien à la

maison, ça n’ira pas bien sur le marché du travail. Si tu ne manges pas parce que tu

n’as pas d’argent, ça n’ira pas bien à l’un ou l’autre non plus […] on regarde tout ça;

on regarde comment ça va avec les amis, comment ça va avec les parents, on regarde

comment ça va avec son plan d’action comme tel » (PN26/B/4).

Les agents considèrent que dans leur travail, ils doivent s’adapter à chaque cas spécifique, le but

étant de répondre (directement ou par le biais de références) à tous besoins susceptibles d’avoir

une influence sur la réussite du projet. Le suivi d’un jeune adulte inscrit dans des services

d’emploi demeure donc très variable d’un cas à l’autre. Cependant, ces situations où le suivi est

plus intense concernent surtout les jeunes qui font partie du programme Alternative jeunesse.

Effectivement, les agents qui travaillent au sein du programme Alternative jeunesse s’impliquent,

plus souvent que les autres, dans de multiples sphères de vie du client. Ils s’attardent, entre

autres, à instaurer une relation privilégiée, à offrir davantage de soutien et à avoir des contacts

plus fréquents avec le jeune. Les agents interviewés stipulent que le suivi effectué auprès des

jeunes clients peut aller loin dans certains cas. Par exemple, un des agents mentionne qu’il doit

parfois s’assurer que son client ait un bon suivi médical ou qu’il prenne sa médication au besoin.

Ainsi, il peut demander à ce qu’il lui apporte ses factures de médicaments pour s’assurer qu’il se

les procure. Les agents qui se sont exprimés à ce sujet, affirment tenter d’agir sur tout ce qui est

susceptible d’influencer la réussite du jeune, à condition que ce dernier le lui permette. Certains

agents ont également affirmé que l’aide octroyée peut consister à effectuer des recherches avec le

jeune selon son besoin, lequel peut être, par exemple, de trouver un logement ou un organisme

d’aide sur un sujet particulier, ou encore de faire un budget, etc.

« Il y en a que ça n’allait pas bien du tout quand ils étaient à l’école plus jeunes, puis

là ils arrivent et ils pètent des scores puis ça va super bien. Mais avant je me suis

assuré qu’ils aient eu un soutien médical. Parce que ça va jusque-là aussi, si tu ne les

as pas tes concerta, ça se peut que ça aille pas bien. Puis ça va aussi loin que : je

regarde si il a sa facture de concerta tous les mois pour être sûr qu’il les a pris. Peut-

être qu’il ne les a pas pris, mais si il me remet sa facture, j’ai plus de chance qu’il soit

au moins allé à la pharmacie. Des fois le suivi ça va aussi loin que ça : as-tu pris tes

médicaments? » (PN26/B/5).

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48

4.2. Nature et fonction du travail d’accompagnateur

4.2.1. Collaboration et référence

Les agents d’aide à l’emploi peuvent se référer à leur chef de service pour obtenir du soutien, par

exemple dans la prise de décision concernant l’admission d’un client à une mesure d’aide à

l’emploi. Dans le cas de l’admission à la mesure de formation, lorsqu’elle est liée à un domaine

où les perspectives d’emploi sont plus ou moins favorables, la consultation du chef d’équipe peut

s’imposer. Les collègues travaillant avec la même clientèle sont aussi de bonnes sources

auxquelles les agents disent se référer pour des discussions et consultations à propos de cas plus

équivoques. Au-delà de cette collaboration informelle entre collègues ou avec le chef d’équipe,

nous avons constaté que dans certains centres locaux d’emploi, l’approbation d’un supérieur pour

admettre tout client à la mesure de formation peut être requise à certaines périodes, comme par

exemple à la suite d’une réorganisation interne.

« Eux vont interpréter, vont avoir des réunions avec la direction régionale et ils vont

ramener ça à nous. Puis ils vont nous dire : par rapport à ce point-là de la mesure de

formation, on fait ça, on s’enligne comme ça, pour égaliser les pratiques autant que

possible » (SN6/G/1).

De façon générale, les personnes interrogées ont mentionné qu’il est important pour elles de se

mettre à jour régulièrement sur les services offerts aux jeunes clients (par des organismes

communautaires par exemple) ou encore sur l’état du marché du travail. Il importe également

pour eux de rencontrer leur chef d’équipe afin de s’assurer que les pratiques des uns et des autres

soient cohérentes. Cependant, les personnes interrogées maintiennent que le rôle du chef d’équipe

demeure un rôle de support et de conseil et non un rôle décisionnel. Par ailleurs, il a été constaté

au cours de la cueillette de données, que les CLE n’ont pas tous des réunions régulières pour se

mettre à jour et adopter une ligne directrice commune en ce qui concerne les services d’aide à

l’emploi. Un agent interrogé stipule qu’au-delà des réunions qui ont lieu régulièrement avec

l’équipe pour des renseignements généraux, il lui semblerait utile d’avoir des réunions pour

traiter d’un cas ou d’une mesure en particulier.

« Souvent, il va y avoir toute sorte de monde qui vont venir nous donner de la

formation ou de l’information des partenaires communautaires. C’est correct parce

qu’il faut les connaître, mais parfois, je trouve que ce qui manque c’est juste une

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réunion entre nous pour discuter de tel cas ou de telle mesure ou de telle note. C’est

très administratif comme travail et parfois on est mêlés. Ça change beaucoup aussi,

donc parfois tout le monde interprète les choses différemment. Parfois c’est juste le

fun de s’en parler » (SN18/E/1).

4.2.2. Objectifs professionnels (mandat)

Les fonctions d’un agent peuvent varier d’un CLE à un autre. Dans certains établissements, des

agents sont spécifiquement attitrés aux dossiers jeunes (18-24 ans) et ne sont pas en lien avec la

clientèle régulière. À d’autres endroits, chaque agent a la charge d’un secteur faisant partie des

services aux individus, ainsi que la charge d’un projet jeunesse (par exemple, un projet de

préparation à l’emploi). Le fonctionnement peut également différer quant aux tâches des agents.

Par exemple, dans certains CLE, chaque agent d’aide à l’emploi effectue une journée ou deux

dans la salle multi, qui est la salle d’accueil où les gens se présentent pour une aide ponctuelle.

L’agent sert donc d’aide et de référence pour ces personnes et doit aussi répondre à d’éventuelles

urgences. C’est à cet endroit que le client validera avec la personne à l’accueil s’il est éligible

pour être dirigé vers la formation et donc, pour rencontrer un agent d’aide à l’emploi qui établira

un projet précis avec lui. Les fonctions variées font cependant partie d’un même mandat; celui de

favoriser l’insertion en emploi de la clientèle éloignée du marché du travail.

Des visions différentes

Lorsqu’on demande aux agents d’aide à l’emploi quels sont leurs buts ainsi que leur principal

mandat dans le cadre de leur travail, un large éventail de réponses est offert. Ainsi, de leurs

discours ressortent trois principales missions rattachées à leur mandat, soit l’évaluation, le suivi

et la référence.

Évaluer et référer : Dans un premier temps, l’agent doit faire une évaluation juste et

complète afin de diriger le client vers des services adéquats. Cela signifie que l’avenue dans

laquelle le jeune adulte décide de s’engager correspond à ses désirs et aspirations

personnelles. Qui plus est, il importe de mentionner que ce vers quoi le jeune est dirigé, doit

faire partie des secteurs considérés « en demande » actuellement sur le marché du travail.

Certains agents considèrent qu’à cette étape où s’effectuent l’évaluation de la situation et la

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référence du client, un des mandats des agents est de motiver et de mobiliser le jeune afin de

lui démontrer les avantages qu’il peut retirer en s’investissant dans la démarche.

Assurer un suivi : Tout au long de la durée de la formation du jeune, l’agent d’aide à

l’emploi assure un suivi. Celui-ci consiste à demeurer en contact avec les intervenants

responsables dans les organismes et les milieux de formation fréquentés par les jeunes clients

afin de contrôler le taux d’absences et le bon fonctionnement de la démarche. L’agent

s’assure aussi que le jeune reçoive le remboursement des frais admissibles dans le cadre de

sa formation, tout en respectant le budget maximal alloué par Emploi-Québec. En bref,

l’agent d’aide à l’emploi s’assure que le jeune reçoive ce qui lui revient (allocation

supplémentaire et remboursements de certains frais) et veille à ce que le jeune respecte ses

engagements en retour (présence et implication dans sa démarche). Le suivi peut également

comprendre la gestion des demandes de prolongation qui peuvent être exceptionnellement

accordées dans certains cas particuliers.

Diriger vers les organismes externes appropriés : Au besoin, l’agent oriente le client vers

des organismes d’aide à la recherche d’emploi une fois sa formation complétée. Idéalement,

l’issue aux termes de la formation est le placement en emploi du jeune. Cependant, si tel

n’est pas le cas, l’agent peut alors le référer vers des organismes qui l’aideront dans sa

démarche de recherche d’emploi.

Le but ultime étant que le jeune pour qui des services ont été déployés se retrouve durablement

inséré en emploi. Certains agents résument même leur but comme étant essentiellement de cocher

la case « oui » dans le formulaire final, à la question demandant si le client est en emploi au terme

des services. Plusieurs stipulent donc qu’ils ne considèrent pas faire de l’accompagnement

proprement dit. Ils ont davantage l’impression que l’accompagnement est effectué par d’autres,

soit les intervenants dédiés aux jeunes adultes référés par les CLE, qui se trouvent dans les

milieux scolaires et dans des organismes communautaires comme les CJE. Il est cependant

intéressant de noter que les agents des CLE qui sont spécifiquement en charge de jeunes inscrits

au programme Alternative jeunesse considèrent offrir un niveau d’accompagnement plus élevé

que pour la clientèle régulière. Le suivi est souvent plus intense et peut dépasser le mandat

habituel d’un agent assigné aux clients réguliers. Ainsi, le type de travail effectué avec ces jeunes

de moins de 25 ans peut davantage se rapprocher de ce que les agents semblent considérer

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comme étant de l’accompagnement. Cela dit, la majorité des agents d’aide à l’emploi, bien

qu’impliqués dans le parcours du jeune de multiples façons, ont surtout l’impression de devoir

s’assurer que la mission d’Emploi-Québec soit respectée, donc que les démarches entrainent des

résultats positifs.

À ce sujet, certains agents ont mentionné qu’il peut être facile de perdre de vue la mission de

l’établissement au sein duquel ils travaillent. Un agent stipule qu’il est important de garder en tête

que le but ultime est la mise en emploi et non la formation scolaire à tout prix. Ainsi, il est d’avis

que la réintégration ne doit pas passer à tous coups par une formation et que si le marché de

l’emploi est favorable, il faut d’abord tenter de diriger les clients en priorité vers le travail. Cet

avis n’est cependant pas partagé par tous, car certains ont tendance à croire qu’il est plus payant à

long terme, de s’assurer que les gens aient un minimum de compétences afin de réintégrer non

seulement un emploi, mais un emploi avec des conditions de travail et des conditions salariales

décentes.

« Est-ce que tu as le goût de faire ça toute ta vie? Est-ce que tu as le goût d’être au

salaire minimum toute ta vie? Est-ce que tu as le goût de rusher toute ta vie? Parce

que ce sont souvent des emplois qui ne sont pas faciles à arriver. As-tu le goût d’avoir

une famille dans la vie toi ? Si tu as le goût d’avoir une famille, ça se peut que le

salaire minimum ne te convienne pas! As-tu le goût de faire d’autres choses? Qu’est-

ce que tu as le goût? » (PN30.2/B/4).

« C’est ça notre job. C’est de voir à ce que je donne toujours le chemin le plus

avantageux pour le jeune, pour qu’il ne se décourage pas, pour qu’il vive des

réussites. À la fin, quand ce jeune-là sortira avec son DEP dans les mains, ce sera

quoi la fierté qu’il viendra d’acquérir! » (PN28/B/9).

Un agent d’aide à l’emploi qui œuvre exclusivement auprès de la clientèle jeunesse considère

qu’il est essentiel de diriger les jeunes adultes vers une formation si ces derniers n’ont pas le

bagage nécessaire pour une insertion professionnelle durable. La formation est ici vue comme

une formation académique menant à un diplôme, ou encore, une expérience de travail qualifiante.

Cet agent considère que l’emploi est le but ultime, mais qu’il s’agit de ce qui vient en dernier

dans le parcours, celui-ci débutant avec la formation. Ainsi, le chemin d’un jeune peut

commencer par l’inscription à une mesure de préparation à l’emploi (Jeunes en action, la Maison

Dauphine, etc.). S’en suivra la formation académique dans le domaine choisi et finalement, le

client sera, au besoin, dirigé vers un organisme d’aide à la recherche d’emploi pour l’aider à

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décrocher un travail. Ce même agent soutient toutefois qu’il demeure important de garder en tête

que le but n’est pas d’avoir un diplôme à tout prix. Il est nécessaire de bien évaluer la situation et

de diriger le jeune vers un projet adapté à ses habiletés, en tenant compte de ses forces et de ses

faiblesses. Le but est donc de trouver le projet qui sied le mieux au jeune client accompagné.

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4.3. Facteurs qui limitent le travail d’accompagnement

4.3.1. Le recrutement

Une des personnes interrogées mentionne être concernée par la difficulté qu’ont les CLE à

recruter certaines clientèles. Elle mentionne à ce sujet qu’une personne bénéficiant de l’assistance

sociale depuis plusieurs années peut être insécurisée par le changement et ainsi refuser l’aide

offerte afin de rester dans une position qu’elle ressent comme sécuritaire et confortable. Plusieurs

agents, parmi ceux rencontrés, considèrent que les jeunes 18-24 ans qui sont bénéficiaires de

l’assistance sociale depuis longtemps ou dont la famille bénéficie de l’assistance sociale depuis

longtemps, constituent une clientèle difficile à recruter, car cette situation peut devenir un mode

de vie ancré.

« Je suis certain qu’il y en a qui ne le font pas parce qu’ils ont peur et c’est une peur

qui n’est pas fondée. On pourrait aller fouiller là, puis finalement, le jeune serait

super content d’avoir de l’aide » (PN38/A/5).

De plus, le client est toujours libre de refuser ou d’accepter l’aide offerte en cochant oui ou non

dans le formulaire. Selon certains, cette façon de faire n’est peut-être pas assez persuasive pour

les convaincre de quitter le statu quo.

« Ça prendrait plus de monde pour aller chercher ces jeunes-là, même les plus vieux

qui sont présentement sur l’aide sociale et pour qui il ne se passe pas grand-chose et

qui ne veulent rien faire. C’est parce qu’ils ont le droit de dire : moi je ne veux pas

d’aide et je veux continuer ce rythme de vie là. Ils ont le droit de faire ça et ils ont le

droit de le dire, puis on n’a pas le choix et ils continuent à recevoir leurs chèques.

C’est ça qui me fatigue un peu. Moi j’aimerais qu’on aille plus travailler ce côté-là

pour avoir plus de monde » (PN35/A/1).

Ainsi, on nomme comme étant un défi, le fait de mobiliser les jeunes de 18 à 24 ans, de les

motiver à s’engager dans des mesures.

4.3.2. La charge de travail

L’ampleur du travail ainsi que l’aspect très administratif présent dans les CLE sont des éléments

fréquemment nommés lorsqu’on interroge les agents d’aide à l’emploi sur les difficultés reliées

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au travail qu’ils accomplissent. Ils mentionnent entre autres que l’informatique prend beaucoup

de leur temps et que la charge de dossiers est importante. Les répondants s’entendent pour dire

qu’ils aimeraient offrir davantage de temps et d’aide aux clients qui en auraient le plus besoin,

mais le nombre élevé de dossiers ne leur permet pas de « déborder » du cadre régulier. Les agents

qui sont en charge exclusivement de jeunes inscrits à Alternative jeunesse ont quant à eux moins

de dossiers à suivre (environ 85 selon un des répondants). Ceci s’explique par le fait que

l’ampleur de la tâche est plus élevée pour eux puisqu’il s’agit d’une clientèle particulière,

nécessitant dans la plupart des cas, plus d’encadrement que la clientèle inscrite dans un

programme régulier. Malgré cette volonté d’offrir une charge de travail moins lourde aux agents

qui œuvrent auprès des jeunes adultes, certains stipulent que ce n’est pas toujours le cas et qu’ils

ont des périodes de débordement où le nombre de dossiers à leur charge peut aller jusqu’à 140

(toute catégorie de clientèle confondue). Cette charge de travail importante affecte, selon eux, la

qualité du suivi qu’ils sont en mesure d’offrir.

« C’est extrêmement difficile pour moi de faire un suivi qui a du bon sens, parce que

j’ai trop de clients » (SN20/E/1).

« C’est sûr qu’avec le nombre de clients que j’ai dans mon caseload, c’est difficile de

faire un suivi qui est, à mon avis, efficace et qui peut donner des résultats »

(SN20/E/2).

Au sujet de la spécificité des programmes jeunesse, un agent d’aide à l’emploi œuvrant au sein du

programme Alternative jeunesse mentionne que le travail avec ces jeunes de moins de 25 ans

n’est pas fait pour n’importe qui. Il faut être ouvert, près des jeunes et enclin à négocier avec les

partenaires, soit les écoles et tout autre intervenant impliqué.

« C’est demandant, c’est une clientèle particulière. Je vais être franc, ce n’est pas tout

le monde qui veut faire…. ce n’est pas évident. Il faut être près des jeunes et les

comprendre. C’est beaucoup de négociation avec les écoles et les intervenants. Ça

demande quand même une certaine ouverture tout ça » (PN38/A/1).

4.3.3. La vision de la clientèle envers le CLE et les agents

Les agents interrogés stipulent que plusieurs personnes sont rébarbatives à visiter des institutions

gouvernementales et considèrent les agents comme des individus qui sont en charge de les

surveiller et de les punir. De plus, ces agents font part que dans ce genre d’institution, les gens

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ont tendance à se sentir comme « un numéro parmi tant d’autres », ce qui ne facilite pas le lien et

l’établissement d’une relation positive. Il a aussi été rapporté que les clients qui participent aux

mesures peuvent se sentir contrôlés (par exemple, par la gestion des absences) et ont de la

difficulté à faire confiance aux agents. Ainsi, malgré le fait que l’agent d’aide à l’emploi ait le

souci d’avoir le portrait le plus complet possible du client afin de le diriger adéquatement vers la

bonne mesure, il demeure confronté au fait que le client ne dévoile pas toute sa situation au

moment de l’admission à une mesure.

4.3.4. Le discours des agents sur les caractéristiques de la clientèle

Un mode de vie ancré

Tel que mentionné précédemment, les agents interrogés disent avoir l’impression que pour

certains jeunes adultes, il est dans la normalité de s’inscrire à l’assistance sociale dès que

possible. Les agents remarquent que pour cette catégorie de jeunes, il s’agit d’une situation

normale, d’un mode de vie, car souvent, leurs parents bénéficient de ce mode d’assistance depuis

toujours. En effet, au cours des entrevues, il a été mentionné qu’une partie de la clientèle que

composent les jeunes considérés comme éloignés du marché du travail est constituée de

personnes dont les parents sont prestataires de l’aide sociale depuis longtemps. Cette situation

devient pour eux une normalité.

Ainsi, le fait de réussir à impliquer ces jeunes adultes dans un programme de formation pour

éventuellement trouver un emploi est un défi de taille et risque de briser un phénomène de

reproduction intergénérationnelle. C’est aussi pour briser ce cycle que les allocations jeunesse

sont remises aux deux semaines. On souhaite de cette façon que le jeune ait l’impression de ne

plus bénéficier de l’assistance sociale et la quitte définitivement.

« C’est vraiment une allocation jeunesse. Et c’est versé aux deux semaines pour

justement, casser le rythme du chèque qui arrive une fois par mois. Donc pour qu’ils

prennent l’habitude d’avoir un revenu qui rentre à toutes les deux semaines »

(PN30.4/D/1).

Page 64: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

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Un réseau peu soutenant

Les agents qui accompagnent les jeunes éloignés du marché du travail, soulignent que chez cette

clientèle, le réseau social qui les entoure est parfois peu soutenant. Par exemple, beaucoup d’entre

eux ont un réseau d’aide pauvre, en ce sens qu’il est soit inexistant, soit déficient. Parfois, un

mode de vie peu favorable à la réussite est ancré chez ces jeunes et leur entourage. Par exemple,

une situation où les amis et la famille d’un jeune ne travaillent pas et n’encouragent pas le travail

sera fort probablement nuisible à la réussite du jeune. Un des agents d’aide à l’emploi stipule que

dans sa clientèle, deux catégories de jeunes sont distinguables, soit ceux qui n’ont jamais

bénéficié d’un soutien familial adéquat et ceux qui, au contraire, en ont eu. D’ailleurs, l’agent

mentionne que ces derniers sont avantagés et présentent souvent moins de difficultés.

L’accompagnement offert en est alors facilité. Il importe ici de noter que le soutien familial

concerne essentiellement le soutien moral, le développement de l’estime de soi et la transmission

de valeurs, et non un soutien financier. Effectivement, même dans les cas où le jeune et sa famille

sont en situation financière précaire, s’il est soutenu dans sa démarche, l’accompagnement et son

cheminement en seront facilités malgré tout. L’agent explique cela par le fait que si un problème

survient, la personne a un réseau à qui se référer et ainsi, ne laissera pas des situations

problématiques dégénérer et entraver son cheminement.

« Ils vont avoir des frères et sœurs qui vont être là en soutien. Ils vont avoir de bons

amis qui vont être là depuis longtemps. Ils ont un entourage qui est là et ils sont

capables de se débrouiller. Ils vont avoir une facilité à dire : ok j’ai un problème, j’ai

besoin d’aide. Ils n’attendront pas. Si t’attends et que le problème est devenu

tellement gros qu’ils ne savent plus comment s’en sortir… Ils vont être capables

d’aller chercher de l’aide avant » (PN28/B/2).

Les agents interrogés soulignent que les jeunes adultes qui proviennent du réseau des centres

jeunesse constituent eux aussi une clientèle distinctive. Les agents considèrent en effet que, de

façon générale, la clientèle qui provient des centres jeunesse bénéficie d’encore moins de soutien

dans leur entourage, présentent une histoire de vie encore plus problématique et difficile, ont un

parcours scolaire fragilisé, ont vécu peu de succès et ont souvent des problèmes d’estime et des

difficultés à faire confiance aux intervenants. Toutes ces caractéristiques, que l’on retrouve

fréquemment chez les autres jeunes desservis par les services d’aide à l’emploi, semblent

exacerbées chez les jeunes en provenance des centres jeunesse. Ils ont souvent des problèmes

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plus importants et ayant eu plusieurs intervenants dans leur vie, sont rébarbatifs à collaborer avec

les agents et autres intervenants impliqués, ce qui ne facilite en rien la tâche d’accompagnement.

Un historique d’échec

Selon les professionnels, les jeunes qui vivent des difficultés d’insertion et qui sont inscrits dans

les mesures présentent très souvent une histoire parsemée d’échecs (du moins au plan scolaire).

Ainsi, ils ont souvent peu d’estime d’eux-mêmes et il devient donc important de leur faire vivre

des réussites, ce que tentent de faire les agents en encourageant leurs jeunes clients à viser des

objectifs à court terme et en les aidant à remarquer la moindre petite réussite.

« C’est juste que si jamais personne ne t’a aidé, si tout le monde t’a toujours dit que

t’étais pourri à l’école ou que tu étais le rejet […] il y en a que ça les a touchés

vraiment et qui n’ont pas été capables de passer par-dessus ça. Fais-leur vivre des

petites réussites […] on encourage, on continu. Tu sais, petite étape par petite étape,

des fois y’en a qu’on est capable de réaliser leurs rêves, pi crime y’en a que je l’ai vu

ça! » (PN30.2/B/4).

Les agents remarquent qu’en plus du manque d’estime, ces jeunes ont de la difficulté à faire

confiance et plusieurs d’entre eux sont démunis matériellement. Certains vivent en situation

financière très précaire et cela n’aide en rien la réussite des démarches.

Une autre difficulté que présentent ces jeunes adultes et qui est susceptible d’influencer les

démarches d’accompagnement en emploi concerne le manque de constance et de motivation des

jeunes clients. La motivation à l’école semble constituer un problème, mais également la

motivation à quitter l’assistance sociale. Des agents rencontrés mentionnent que ces jeunes n’ont

généralement jamais démontré de motivation face à l’école en raison de leurs échecs passés et du

peu de soutien qu’ils ont reçu dans ce domaine. Il devient donc difficile pour eux d’avoir

confiance en leurs capacités et de se motiver à la réussite.

Les agents d’aide à l’emploi interrogés soulignent un autre aspect qui peut nuire au bon

déroulement des démarches, soit la présence, pour une partie des jeunes, de problèmes de santé

mentale non diagnostiqués. Puisque cela nuit énormément au processus, il est important que

l’intervenant soit alerte afin de détecter ces problèmes éventuels et de référer le jeune au bon

endroit pour qu’il puisse recevoir des services et être suivi à ce sujet.

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Certaines situations font en sorte que les agents se voient dans l’obligation de retirer un jeune des

services et de fermer son dossier. Par exemple, ceux qui cumulent un nombre trop important

d’absences, sans changer la situation après convocations. Dans d’autres cas, certains jeunes

quittent et demeurent introuvables, car leurs coordonnées ne sont plus valides. Ce sont des cas où

les agents ferment le dossier sans avoir d’autres possibilités. Selon l’avis des agents d’aide à

l’emploi, ce manque de constance et l’absentéisme chez la clientèle 18-24 ans, sont très présents,

très difficiles à contrôler et constituent un obstacle majeur à la réussite.

« Il y a beaucoup beaucoup de taux d’absentéisme. Les taux d’absentéisme sont

élevés pis tu te demande pourquoi. Parfois c’est juste : Je ne me suis pas levé. Il n’y a

pas de raison ou des fois c’est : j’ai un problème avec mon conjoint, des problèmes

familiaux. Juste des habitudes de vie qui sont prises depuis tellement d’années »

(SN19/E/1).

« Surtout au niveau des jeunes, il y a une problématique qui est l’absentéisme. Que ce

soit en formation, que ce soit à Jeunes en action, que ce soit dans n'importe quelle

autre chose, c’est difficile d’avoir une constance » (PN27/B/5).

Des problématiques fréquentes

Ce qui ressort du discours des agents à propos de la clientèle éloignée du marché du travail, c’est

que pour cette dernière, la difficulté n’est pas nécessairement de trouver un emploi, mais plutôt

de savoir le garder. Ceci fait en sorte que les agents doivent aider les jeunes éloignés du marché

du travail à développer des compétences et habiletés personnelles qui les aideront à s’insérer

durablement dans le monde de l’emploi.

« Oui être capable de se trouver une job, mais après ça, il y a l’insertion et le maintien

en emploi. Comment fais-tu pour garder une job, arrives-tu à l’heure? Parce que de la

trouver, ce n’est pas là qu’est le problème, on est dans un temps où les employeurs

ont besoin de monde, ce n’est pas compliqué, ils ont besoin. […] il y en a de la job,

mais l’employeur ne gardera pas quelqu’un qui n’arrive jamais à l’heure, il ne gardera

pas quelqu’un qui n’est pas capable de gérer son comportement, de gérer ses attitudes

» (PN30.1/B/2).

Ainsi, selon les observations et l’avis des agents interrogés, les principales lacunes de leurs

jeunes clients 18-24 ans sont les suivantes : ce sont majoritairement des jeunes qui cumulent

beaucoup d’absences, qui font preuve de procrastination, qui ont de la difficulté à être à l’heure

ainsi qu’à gérer leurs comportements et leurs attitudes. Un agent explique entre autres que, selon

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lui, beaucoup de jeunes adultes constituant la clientèle des CLE ne respectent pas les règles qui

s’appliquent dans le contexte d’un emploi, car bon nombre d’entre eux ont de la difficulté à

accepter l’autorité. Des lacunes au plan du savoir-être constituent ainsi, selon les agents, une

barrière importante à l’obtention et au maintien d’un emploi. De ce fait, les agents qui travaillent

auprès des jeunes 18-24 ans affirment souvent devoir aider ceux-ci à adopter de bonnes attitudes

leur permettant de réussir leur projet. De plus, les agents sont d’avis qu’il est essentiel pour eux

de travailler sur la responsabilisation des jeunes. En effet, selon les agents, plusieurs d’entre eux

n’ont pas eu à faire face à beaucoup d’autorité à la maison et, en conséquence, ils présentent une

tendance à se déresponsabiliser de toute faute. Les agents considèrent donc important de les aider

à développer le respect de l’autorité et la responsabilisation, ce qui, à leur avis, demande

beaucoup de patience, de négociation et de répétition. Ainsi, le discours des agents met de l’avant

le caractère particulier de cette clientèle en abordant le manque de contacts positifs et le peu de

stabilité dans leur quotidien ainsi que les difficultés vécues par un bon nombre de ces jeunes

adultes considérés très éloignés du marché du travail.

« Si il y a trop d’affaires dans ta vie qui ne sont pas réglées, qui ne sont pas

stables…Tu sais, ils ont une volonté, un désir, ils ont l’idée de : je veux faire mon

secondaire 5. C’est une idée, mais dans la réalité ce n’est pas facile. Tous les matins,

se lever, aller à l’école, être attentif, faire ses devoirs, faire ses travaux, faire les

examens, réussir, pocher les examens, recommencer…Quand tu as 20 ans et que ça

fait 3-4 ans que tu n’es pas allé à l’école, tu sors de l’adolescence, tu es encore tout

croche. C’est comme des…c’est des post-ados » (SN16/E2).

Les entrevues effectuées avec les agents ont permis de mettre en lumière d’autres éléments du

discours sur les caractéristiques de la clientèle liées à des difficultés psychologiques. En effet, les

agents parlent de problèmes d’anxiété, de troubles mentaux, de problèmes de consommation, un

vécu et une histoire de vie souvent difficile, etc. Un agent souligne toutefois que les clients ayant

des problèmes de santé mentale posent une difficulté particulière puisqu’il s’agit de difficultés

qui ne sont pas toujours flagrantes. En effet, selon lui, il demeure difficile de détecter certains

troubles et dans plusieurs cas, ce ne sera pas nécessairement apparent à la première rencontre,

mais plutôt au fil du temps.

Ainsi, le discours des agents permet de faire ressortir que les caractéristiques de la clientèle

limitent souvent l’efficacité et le travail d’accompagnement ou encore la réussite des démarches.

L’enlisement dans un certain mode de vie très éloigné du monde du travail ainsi qu’une certaine

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transmission intergénérationnelle d’inactivité professionnelle, sont soulignés. On note également

le réseau peu soutenant et parfois nuisible d’un bon nombre de jeunes ainsi que la présence de

nombreuses difficultés personnelles telles que le manque d’estime, des problèmes de santé

mentale, de consommation, la pauvreté, ou encore des histoires de vie difficiles. Ce sont tous des

aspects qui complexifient le travail des agents d’aide à l’emploi responsables d’offrir un

accompagnement personnalisé à ces jeunes. Les caractéristiques et problématiques des jeunes

clients semblent donc constituer un facteur très important qui peut venir compliquer le travail

d’accompagnement ou la réussite des démarches.

4.4. Facteurs qui favorisent le travail d’accompagnement

4.4.1. Les compétences en œuvre

Connaissance du marché de l’emploi

Les agents d’aide à l’emploi que nous avons rencontrés nous ont dit qu’il leur est nécessaire

d’avoir une bonne connaissance du marché de l’emploi et des formations disponibles, mais

également des différents organismes d’aide présents dans la région. Selon eux, comme la

clientèle est particulièrement susceptible de présenter des problématiques et besoins de toutes

sortes qu’il est nécessaire de combler dans un premier temps, l’agent doit être en mesure de

référer son client vers le ou les endroits appropriés. Parmi ces organismes d’aide, figurent les

milieux de formation, les carrefours jeunesse-emploi, les entreprises d’insertion, ainsi que les

différentes ressources communautaires d’aide du milieu. Pour certains agents, ces contacts leur

semblent efficaces et satisfaisants, mais pour d’autres, certaines situations sont décrites comme

étant plus difficiles. Comme mentionné précédemment, un agent affirme que les contacts avec les

écoles lui apparaissent plus ardus. Ils sont moins fréquents et ne se font pas toujours dès qu’un

problème survient, alors qu’il est important d’établir une communication dès l’apparition d’une

situation susceptible d’influencer le cheminement du jeune.

Afin de bien servir les clients, les agents affirment devoir posséder certaines connaissances et être

à l’affût des caractéristiques du marché de l’emploi. Par exemple, il est non seulement pertinent

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de savoir si un secteur de formation est en demande, mais il faut également savoir si celui-ci est

en demande dans la région où le jeune réside. Un agent donne l’exemple d’une entreprise ayant

fermé ses portes, laissant 80 travailleurs (possédant leur classe 1) à la recherche d’un emploi.

Dans ce cas, malgré le fait que le programme de formation de conduite de machinerie lourde

(classe 1) était considéré comme un secteur très en demande, l’agent n’a pas permis aux clients

de s’y inscrire pendant un certain temps.

« Quand il y a eu la fermeture de l’entreprise, juste dans la région de Québec, il y a

80 gars qui sont sortis avec leur classe 1 dans les mains et de l’expérience de travail.

Il n’y a pas 80 postes de disponibles là! […] l’employeur va choisir qui? Celui qui a

son permis et qui a 10 ans d’expérience, ou celui qui sort de l’école? Alors là on dit

oups, on va prendre un petit break sur les formations de classe 1 » (PN30/D/5).

Aptitudes pour le travail auprès de cette clientèle

Les personnes interrogées semblent toutes faire une distinction entre la clientèle régulière et la

clientèle jeunesse. Ils stipulent que le travail d’insertion auprès des jeunes 18-24 ans comporte ses

particularités, en ce sens qu’il faut être davantage ouvert, patient et compréhensif, mais aussi

qu’il faut savoir créer le lien, car il est encore plus important d’être proche d’eux.

Il est aussi stipulé qu’avec ces jeunes, il est important de leur fournir beaucoup

d’encouragements. Il faut les questionner sur leurs rêves, tenter d’aller chercher leurs aspirations

et intérêts profonds et les encourager en ce sens. Parfois, ce qui leur manque pour réussir à

accomplir un projet de formation, c’est le soutien d’autrui et l’espoir qu’il leur est possible de

réussir. En effet, les jeunes peuvent parfois croire que leurs rêves sont irréalistes alors que ce

n’est pas toujours le cas.

« Souvent, leur rêve il est réaliste, mais c’est juste qu’il n’y a personne qui les a

encouragés pour aller à l’école. C’est réaliste d’aller chercher un DEC de trois ans!

C’est réaliste d’aller chercher un BAC » (PN30.2/B/4).

Ainsi, pour les agents, le fait d’avoir une attitude où l’on prodigue beaucoup d’encouragements

quant aux capacités et au potentiel des clients et où l’on procède une étape à la fois, facilite le

travail. Ainsi, un de ceux-ci mentionne l’importance de faire vivre des réussites aux jeunes,

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62

puisque ces derniers ont souvent vécu plusieurs échecs et difficultés (scolaires ou autres) par le

passé.

« On réussit tranquillement pas vite à leur faire vivre des réussites. Souvent les jeunes

ont eu des échecs. Tu leur demandes pourquoi ils ont lâché l’école quand ils avaient

16 ans : parce que l’école voulait pas de moi, ou : parce que j’avais des troubles de

comportement, ou un TDAH, pis des troubles x, y, z et qu’ils n’avaient pas de

médicament pour aller avec. Bon si t’avais pas les bons médicaments pour t’aider à

avoir ta concentration pendant que t’étais à l’école, ça pouvait pas bien aller, tu as

vécu un échec là, mais là, on va te faire vivre un succès » (PN27/B/1).

Écoute et diagnostic approprié

Les agents soulignent que le fait de bien écouter le client et de tout explorer avec lui permet

d’avoir un portrait juste de sa réalité et facilite le travail d’accompagnement. Selon eux, plus la

référence correspond aux réelles capacités et désirs du client, plus celui-ci sera motivé et

impliqué dans son processus d’insertion. Cela signifie qu’il importe de questionner et d’écouter le

jeune à propos des acquis qu’il possède, de ce qu’il fait actuellement et de ce qu’il est prêt à faire,

de sa position et de son degré de motivation face aux études, de sa situation familiale et sociale,

de ses habitudes de consommation, etc.

Un agent interrogé considère que pour motiver le jeune à mettre les efforts nécessaires à l’atteinte

de son but, il est utile de l’amener à faire des prises de conscience. Ainsi, certains agents nous

apprennent que dans leurs interventions, ils tentent de mettre en opposition les aspirations du

jeune avec sa situation actuelle. Par exemple, si le jeune mentionne avoir le désir de fonder une

famille, l’agent tente de se servir de ce désir en soulignant qu’il est difficile de subvenir aux

besoins d’une famille avec un salaire minimum. Il tente de faire réaliser au jeune que sa situation

ou son mode de vie actuel ne correspond pas à ses rêves et qu’il doit se mettre en action pour

arriver à réaliser ses projets futurs. Il faut arriver à responsabiliser le client afin que celui-ci se

prenne en main, se mette en action et prenne les différents moyens pour achever son projet.

Ainsi, pour l’atteinte des buts du client, les agents vont tenter d’intervenir sur tous les aspects

pouvant influencer la réussite des démarches. Ils mentionnent ainsi une multitude de tâches

rattachées à leur travail d’agent d’aide à l’emploi. Bien souvent, cela va au-delà de l’aide en

employabilité, à tout le moins dans un premier temps. Parfois, les interventions touchant

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63

précisément l’emploi ne sont faites qu’en dernier lieu, après avoir réglé tout ce qui pourrait

éventuellement nuire à la réussite optimale des démarches d’insertion en emploi. Ainsi, l’agent

doit évaluer, détecter et intervenir sur une foule d’aspects de la vie du jeune qui pourraient avoir

une influence quelconque sur l’atteinte du but ultime qu’est la mise en emploi.

« Je dis souvent que je ne fais pas juste de l’employabilité, vraiment pas! Parfois, ça

prend bien du temps avant que je fasse de l’employabilité parce qu’ils ne sont pas

rendus là. Des jeunes qui n’ont pas de logement, qui sont chez l’un ou chez l’autre et

pour qui je n’ai pas d’adresse fixe, j’en ai! » (PN37/B/1).

4.4.2. Recruter le jeune le plus tôt possible

Comme il a été mentionné plus tôt, les agents sont nombreux à considérer que plus le jeune

bénéficie de l’assistance sociale depuis longtemps, plus il est difficile de l’amener à changer cette

situation. Ainsi, à certains endroits, dès qu’un jeune fait sa première demande d’assistance

sociale, il doit systématiquement rencontrer un agent qui lui présente les différentes options

possibles. Le fait de rencontrer systématiquement chaque nouveau demandeur semble être

quelque chose de bénéfique.

« C’est un rythme de vie, puis c’est de casser ça. C’est plus difficile quand ils sont sur

l’aide sociale depuis un petit bout. C’est plus difficile de les mobiliser, ça demande

plus de temps et beaucoup plus d’arguments pour la motivation qu’avec celui qui

arrive. Celui qui arrive à l’aide sociale, c’est le temps de le prendre, il est chaud là! »

(PN27/D/2).

4.4.3. Le support du milieu

Selon les professionnels interrogés, la présence de personnes significatives qui l’encouragent et le

poussent dans son projet peut faire une énorme différence, au même titre que le milieu du jeune

peut lui être nuisible quand il n’est pas soutenant.

« Oui les agents sont là en support à cette personne-là, mais quand la personne est

supportée par son entourage immédiat, c’est souvent un gage de réussite parce qu’elle

a le support de son chum, elle a le support de ses parents...Et là, ça devient comme

gratifiant pour elle de le faire, puis elle va se rendre au bout » (PN27/D/3).

Page 72: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

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Ainsi, les agents sont nombreux à affirmer que l’entourage qui supporte le jeune et qui valorise

les études et la scolarité est un élément extrêmement influent sur la réussite du projet et qui

facilite le travail d’accompagnement effectué par les agents. Une des personnes interrogées

souligne que lorsqu’un jeune reçoit et a toujours reçu du soutien familial, cela est facilement

perceptible. Généralement, il démontre un système de valeur plus ancré, une bonne estime de soi

et a davantage tendance à aller chercher de l’aide si le besoin se fait sentir. De plus, on remarque

que lorsque la famille est présente, elle est également utile pour soutenir le jeune au plan

matériel, ne serait-ce qu’en le soutenant financièrement.

« Si il n’a plus de bouffe, c’est : vient souper ce soir, je vais te donner un petit

quelque chose. Ils sont à l’école : les parents vont être derrière eux pour les aider. Il

leur manque des sous; s’ils sont capables de payer le livre, ils vont le payer. C’est

parfait, moi je le rembourse tout de suite, on s’organise. Il y a des parents qui ont

donné de l’amour, puis ces jeunes-là ont une estime d’eux même, ont eu une base

dans la vie » (PN28/B/2).

Selon les professionnels rencontrés, le soutien des parents est d’une grande importance, mais

parfois, cela peut être tout aussi significatif quand il s’agit de la fratrie ou même de bons amis qui

ont une influence positive. La présence de relations de qualités dans l’entourage du jeune fait

aussi en sorte que celui-ci est plus enclin à s’ouvrir et à faire confiance, ce qui facilite par le fait

même la relation avec l’agent d’aide à l’emploi.

4.4.4. L’instauration d’une relation positive

Lorsque les agents sont questionnés sur ce qu’ils considèrent aidant pour effectuer leur travail,

ceux-ci nomment la capacité à établir le lien avec le client. Il faut savoir établir un lien de

confiance, ce qui n’est pas nécessairement facile étant donné la particularité de la clientèle. En

effet, la clientèle constituée des jeunes éloignés du marché du travail est souvent composée de

jeunes méfiants et peu enclins à s’ouvrir facilement. Les agents doivent donc souvent redoubler

d’effort pour réussir à créer un lien. Un agent mentionne à cet effet qu’ils doivent être patients,

mais qu’une fois que la relation est installée, il peut devenir la personne privilégiée pour le jeune

lorsque celui-ci fait face à divers problèmes au cours de son cheminement.

Page 73: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

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Pour les agents, il est important d’être près de leurs jeunes clients et de se mettre sur le même

pied d’égalité que ceux-ci. Ce sont des éléments qui aident au développement d’une bonne

relation avec le jeune, ce qui semble primordial car cela permet à l’agent de proposer des mesures

qui soient les plus adaptées possibles aux besoins et à la situation du client. Cela rend le jeune

plus enclin à se dévoiler, à être vrai et plus à l’aise de tout aborder avec l’agent.

« Quand ils arrivent ici, ils ont toujours peur parce que : CLE égal signe de piasse!

Au bout de la ligne, nous sommes leur financement. C’est sûr que si ils arrivent ici et

que ça ne va pas bien, qu’ils ne vont pas à l’école, je vais les couper. Ça fait que

quand ils viennent dans le cadre ici, il faut que j’aille une bonne relation avec eux

autres, sinon ils vont juste me dire ce que je veux entendre » (PN30.2/B/1).

Il semble donc que la qualité de la relation qui s’établit permette dans un premier temps d’avoir

des informations véridiques sur la situation réelle du jeune, rendant la référence subséquente aux

services plus appropriée. Les objectifs fixés sont donc plus facilement atteignables si le client se

sent libre de dire « les vraies affaires ». De plus, la présence d’une relation positive peut aussi

aider le jeune à se sentir soutenu et ce dernier sera aussi plus susceptible d’avoir recours à l’agent

si un problème survient ou s’il a besoin d’aide. D’autant plus qu’une partie de ces jeunes ne

jouissent pas d’un entourage supportant et sain, ce à quoi l’agent tente de pallier, dans une

certaine mesure. Finalement, c’est aussi avec l’établissement d’une bonne relation que l’agent

arrive à travailler des aspects plus personnels et pointus avec le jeune, comme le savoir-être ou

certaines attitudes pouvant nuire à une bonne insertion sur le marché du travail.

« On sait tranquillement pas vite quand on développe notre lien avec le jeune, là on

est capable de travailler les attitudes » (PN28/B/9).

4.4.5. L’accès à un soutien personnalisé et des projets adaptés aux besoins

particuliers

Selon les agents, la réussite des démarches est également favorisée dans les cas où les jeunes qui

en ont besoin ont accès à de la médication et à des rencontres avec des spécialistes. À ce sujet, un

agent raconte qu’un bon suivi médical peut faire toute la différence. Certains jeunes peuvent

avoir éprouvé des difficultés toute leur vie en raison de problèmes médicaux non traités comme

par exemple, un trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces

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problèmes peuvent avoir nui à la réussite du jeune, entrainé des échecs et par le fait même, un

manque de motivation et de confiance en son potentiel.

« Une fois qu’on réussit à placer ce jeune-là, puis à placer de bons intervenants

autour, des bons éléments positifs, bien je pense que c’est avec eux qu’on réussit à

faire le plus grand pas. […] Il y en a que ça n’allait pas bien du tout quand ils étaient

à l’école plus jeunes, puis là ils arrivent et ils pètent des scores puis ça va super bien.

Mais avant je me suis assuré qu’ils aient eu un soutien médical » (PN26/B/5).

Ainsi, quand les problèmes médicaux sont traités, les chances de réussite en sont grandement

favorisées. Il faut cependant que l’agent détecte le problème, l’aborde avec le jeune et fasse la

référence adéquate.

« Puis on a énormément de problèmes de santé mentale. Toutes les drogues, etc., ça

n’aide pas non plus. Mais quand l’agent est capable de bien cibler ça, de s’en rendre

compte rapidement et d’être à l’aise avec son client, ça peut être gagnant parce qu’il

va le prendre rapidement et qu’il va être capable de le référer au bon endroit pour

qu’il se fasse soigner » (PN38/D/6).

Les agents insistent beaucoup sur le fait que l’évaluation de départ est très importante afin de

diriger le jeune vers le meilleur chemin possible. Il importe de s’assurer que la démarche

entreprise ait toutes les chances de mener à une réussite. Dans cette optique, il importe également

de s’assurer que ce vers quoi le jeune est dirigé soit à la hauteur de ses capacités. Le but devient

donc de favoriser la réussite, ou d’éviter de faire vivre l’échec au jeune. Ainsi, l’agent aide le

jeune à aller chercher des qualifications en respectant ses forces, ses faiblesses et ses limites. Il

faut donc s’assurer que le projet dans lequel le jeune s’embarque convienne à ses capacités, mais

aussi à ses goûts et intérêts. À ce sujet, un agent stipule que fréquemment, un client qui souhaite

aller en formation demandera dès le début ce qui est financé. Malgré le fait que ce ne sont

effectivement pas tous les secteurs qui sont financés, il importe de s’assurer que les goûts du

jeune seront malgré tout rencontrés. Ainsi, certains agents vont proposer de courtes démarches

préalables afin de confirmer ou d’infirmer un choix. La possibilité de participer aux stages

« découvrir » en est un exemple et consiste à intégrer le jeune dans le milieu de travail qui

l’intéresse. Par exemple, un jeune voulant entreprendre des études en soins infirmiers peut aller

passer quelques jours dans un milieu hospitalier pour voir exactement la réalité du terrain et ainsi

confirmer ou infirmer son désir de pousser les démarches dans ce domaine. Les agents

collaborent donc avec leurs collègues qui s’occupent des contacts avec les entreprises afin de voir

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67

les possibilités de mettre de telles démarches en place. Un agent considère que cette possibilité

permet de faire des choix appropriés menant à la réussite et considère que cela peut empêcher de

perdre du temps et de l’argent pour le jeune.

« Ça fait en sorte que je n’ai pas commencé à leur payer une formation et que trois

mois après il me dit : je n’aime pas ça pantoute, et qu’il lâche et qu’il ait perdu ce

temps-là en formation. Moi j’ai payé cette formation-là, puis là il n’a peut-être plus

assez de temps pour faire quelque chose qu’il aimerait » (PN28/B/12).

Ainsi, lorsqu’un jeune est dirigé vers un projet, les personnes interrogées considèrent qu’il est

important de s’assurer que cela corresponde à ses intérêts, mais aussi à ses capacités. Il est

possible qu’un jeune ne soit pas en mesure de compléter une formation de plusieurs mois pour

différentes raisons. Dans ce cas, la formation semi-spécialisée peut s’avérer une avenue

intéressante. Encore une fois, on réitère l’importance de tenter de diriger le jeune à l’endroit où il

est le plus susceptible de vivre une réussite.

« Si je décide de le référer à l’école et qu’il a de gros problèmes et puis qu’il a de la

misère à apprendre, peut-être que je vais l’envoyer en orientation pour aller faire un

métier semi-spécialisé » (PN30.2/C/4).

La nature des formations

Dans le cas des clients inscrits à la mesure de formation, les agents mentionnent que les

personnes qui s’inscrivent dans une formation professionnelle (DEP), ont tendance à terminer

leur formation plus souvent que les autres. Parmi ceux rencontrés, certains posent comme

hypothèse que la formation professionnelle consiste à étudier quelque chose de concret, ne

comporte pas uniquement des cours théoriques et porte souvent sur un sujet que le jeune a choisi

en fonction de ses intérêts. Ainsi, le choix de certains types de formation peut être considéré

comme un facteur qui favorise la réussite des démarches.

« C’est plus stimulant le DEP que les cours de français, anglais, math. Ils sont plus

découragés quand ils sont au secondaire aux adultes que dans leur DEP où souvent ils

tripent. Là ils sont dans leur domaine » (SN17/F/1).

Adéquation entre la mesure proposée et la situation du client

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Les agents rencontrés considèrent important que la mesure choisie réponde aux intérêts et aux

capacités du jeune, mais il est également utile pour l’agent de bien connaître le milieu dans lequel

le jeune prévoit de s’engager. Par exemple, lorsque le jeune souhaite s’inscrire dans une mesure

de formation, il devient utile pour les agents de connaître les établissements de formation et leurs

façons particulières de fonctionner et d’offrir des services aux jeunes. Par exemple, dans certains

milieux de formation, l’intervenant psychosocial dédié aux jeunes en provenance des CLE est

présent et disponible au besoin, tandis qu’à d’autres endroits, les services sont plus encadrés et le

jeune est dans l’obligation de rencontrer l’intervenant pour structurer son projet professionnel. Un

agent qui a abordé ce sujet considère que cette dernière façon de faire fonctionne mieux que dans

le cas où l’aide de l’intervenant n’est offerte que sur une base volontaire. Pour l’instant, il a été

mentionné que dans les cas où un client est très peu scolarisé, les agents tentent, dans la mesure

du possible, de les diriger vers des établissements scolaires où le suivi est fait de façon plus serrée

afin que l’accompagnement soit optimisé et intensifié.

« Dans certaines écoles, il y a de l’accompagnement du milieu communautaire qui est

en partenariat. Donc je vais souvent faire ça, parce que ça les aide vraiment. Les

groupes sont plus petits, les profs sont plus proches d’eux. Ils ont de

l’accompagnement psychosocial parce qu’il y a des intervenants psychosociaux dans

l’école qui vont s’occuper d’eux autres puis qui ne vont pas les lâcher » (SN13/E/1).

Plus d’un agent considère qu’il s’agit d’une façon efficace de fonctionner et qu’il est fort

probable que cela entraine un moins haut taux d’abandon. Par exemple, dans un des organismes

partenaires, la formation ne se donne pas à temps plein et est offerte dans des groupes restreints.

Cet accompagnement accru et varié semble favoriser la rétention de la clientèle et cela peut

s’avérer davantage adapté à la réalité et aux capacités de certains.

« C’est trois jours et demi par semaine, donc c’est moins épeurant. Puis c’est aussi un

plus petit milieu. C’est un petit groupe, donc ils sont vraiment bien encadrés. Ils sont

plusieurs intervenants. C’est sûr que pour eux c’est sécurisant. Ce sont souvent des

personnes qui ont une 6e année, un secondaire 1, des personnes qui ont de la difficulté

à se concentrer, qui ont des diagnostics. Donc en étant dans un petit groupe comme

ça, c’est aidant » (SN11/F/1).

Les agents ont aussi mentionné que l’offre de services variée de la part d’Emploi-Québec fait en

sorte que les besoins de chaque jeune peuvent être répondus, ce qui facilite l’orientation que doit

faire l’agent vers l’une ou l’autre des avenues possibles. Par exemple, certains jeunes ne veulent

pas retourner sur les bancs d’école, mais n’ont pas toutes les qualifications requises pour trouver

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un emploi. C’est pourquoi d’autres alternatives sont prévues à cet effet. Il y a, par exemple, des

subventions salariales auxquelles les employeurs peuvent avoir droit pour quelques mois

lorsqu’ils engagent un jeune sans expérience. Des entreprises d’insertion sont également

disponibles pour accueillir les jeunes sans expérience afin de leur apprendre un métier et de leur

fournir divers apprentissages. Par le fait même, ces jeunes peuvent toucher un salaire et avoir

l’occasion d’inscrire une expérience de travail qualifiante à leur CV. Selon les agents interrogés,

ce genre de service s’avère fort utile. La variété des services offerts et la collaboration avec les

divers organismes sont donc considérées comme des éléments favorables à la réussite des projets.

Étant donné la particularité de la clientèle, les agents sont d’avis qu’il est fréquent que le jeune ne

soit pas prêt à s’investir dans un programme de formation régulier. Ainsi, l’accès à des

programmes préparatoires pour travailler leurs lacunes leur apparaît extrêmement important. Cela

empêche le jeune de se retrouver en situation d’échec en s’engageant dans une démarche pour

laquelle il n’est pas prêt ou convenablement outillé. Non seulement ce type d’étape préparatoire

lui permet de s’outiller, mais aussi de commencer à vivre de petites réussites, ce qui risque de

l’encourager et de le motiver pour la suite des choses. Ainsi, la possibilité pour l’agent de

demander au jeune d’aller faire ses preuves dans un programme préparatoire est souvent salutaire

pour la réussite des démarches.

« Ça peut être Jeunes en action au carrefour jeunesse-emploi. Ça peut être de passer

par là avant, pendant six mois, pendant un an […] ça nous permet de voir si la

personne est prête. Puis Jeunes en action ce n’est pas cinq jours par semaine, donc ça

permet à la personne de s’habituer tranquillement à un rythme de travail ou à un

rythme d’école » (SN3/F/5).

4.4.6. La latitude laissée aux agents

Il a été nommé par certains répondants que le fait d’avoir une grande marge de manœuvre dans

les décisions favorise la réussite dans leur travail. Par exemple, les agents qui s’occupent de la

clientèle particulière (plus vulnérable pour diverses raisons) peuvent, s’ils le jugent nécessaire,

dépasser certaines limites ou faire quelques exceptions raisonnables. Si l’agent juge dans une

situation bien précise, qu’il est plus avantageux de passer outre certaines règles, il se permet

quelquefois de le faire. Il s’agit d’ailleurs d’un aspect considéré comme favorisant la

concrétisation de certains projets.

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« Si je ne la prenais pas cette marge de manœuvre là, un peu plus lousse, bien je les

perdrais. Ils retourneraient sur l’aide sociale, puis après ça ils nous reviendraient dans

quelques années puis ils nous diraient : là j’ai rien faite il faut que je fasse de quoi.

Non! Même socialement, là où c’est le plus payant de faire de quoi c’est tout de

suite! » (PN28/B/5).

La possibilité, pour un agent, de sortir un jeune d’une mesure et de lui faire réintégrer les services

après ce moment d’arrêt est aussi, aux dires de certains agents, un élément bénéfique pour

certains jeunes. La possibilité qu’ont les agents de suspendre un jeune en cas de besoin démontre

bien la latitude qu’ils ont dans leurs interventions et la possibilité d’intervenir de façon variée

selon leur évaluation de la situation. Effectivement, lorsqu’un jeune ne suit pas les règles

nécessaires pour demeurer dans le programme, il est possible que l’agent lui propose de cesser les

démarches un certain temps, pour y revenir à un moment plus opportun.

« J’ai des jeunes à qui je dis : tu viens de faire le fou, c’est parfait! Sort, va réfléchir.

Ça a niaisé à l’école, ils le savent et ils sont sortis du programme. Ils sont allés

réfléchir quatre, cinq, six mois puis ils sont revenus. Et quand ils reviennent, là ils ne

veulent plus reperdre leurs privilèges » (PN28/B/10).

Il arrive également à l’agent de demander à ce que le jeune participe à une mesure de

préemployabilité dans un premier temps. Une fois ce programme réussi, sa réintégration dans la

mesure de formation de départ peut être envisagée. Il arrive aussi que l’agent mette en doute la

capacité du client à réussir jusqu’au bout, étant donné qu’il présente certains problèmes. Ainsi,

des conditions peuvent être établies, car une fois que plusieurs chances ont été accordées sans

succès, les probabilités que la personne soit réinsérée dans les services diminuent. Dans son

travail d’accompagnement, l’agent est donc libre d’exiger certaines choses de la part de son client

s’il considère que sa démarche en sera favorisée.

« Tu sais, on étire l’élastique parfois. Donc là ils reviennent et puis on va dire non.

C’est arrivé justement avec un de mes clients qui a fait deux formations […] Il avait

des problèmes de consommation. Il me rappelle; il voulait aller faire des démarches

d’emploi. Je lui dis : Non, prouve-moi que tu as vraiment réglé tes problèmes de

consommation et tant que je n’aurais pas assurance de ça […] amène moi un papier

de l’intervenante que tu vois à Domremy […] puis je verrai » (SN2/G/3).

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4.4.7. La motivation du client

Un jeune présentant un haut degré de motivation initial a inévitablement plus de chance de se

rendre au bout et de réussir son projet. Des agents interrogés présentent des opinions variées

quant à ce qui peut motiver les jeunes à s’investir dans une démarche plutôt que de bénéficier de

l’assistance sociale. Des répondants stipulent que l’argent supplémentaire qui est octroyé

lorsqu’un jeune s’engage dans une mesure, peut s’avérer être un élément motivateur. Certains

vont même jusqu’à affirmer que tous les jeunes trouvent leur motivation dans le fait d’avoir une

plus grosse somme et que cet aspect financier est davantage présent que le fait d’être fier de ne

plus bénéficier de l’assistance sociale.

« Avant ce n’était pas ça. Avant, la motivation c’était parce qu’ils avaient beaucoup

d’estime de soi : je vais aller travailler, je vais avoir un métier, j’vais être quelqu’un,

je vais avoir un titre dans la vie, je vais être technicienne en ci, je vais être telle chose

ou…. Puis on travaillait beaucoup là-dessus, c’était beaucoup sur l’estime, sur ce que

tu vas être comme personne, sur la confiance et le mérite que tu vas avoir »

(PN28/B/7).

Pour les agents, il est également important d’être très clair avec le client quant au niveau de

responsabilité qu’il doit assumer. Il est essentiel de lui préciser exactement ce qui est attendu de

lui et à l’intérieur de quel délai, mais aussi de lui exposer les conséquences rattachées au non-

respect des conditions (par exemple, un arrêt des paiements). Les agents s’assurent donc que le

jeune comprenne bien les attentes envers lui dès le départ et qu’il soit au fait de ce qu’entraine le

non-respect des exigences.

« Écoute, on prévoit que tu devrais terminer telle date selon ce que l’école nous

donne comme information, selon leurs calculs. C’est sûr que si tu finis un an plus

tard, il y a de grosses chances que tu ne sois pas payé pour aller à l’école parce que

nous on prévoit qu’on va te payer jusque-là » (PN29/D/4).

Les agents d’aide à l’emploi utilisent parfois des arguments financiers afin de motiver le jeune et

de lui faire prendre conscience que la formation est le meilleur chemin à prendre. Quoi qu’il en

soit, bien que l’argent semble constituer un agent motivateur non négligeable, certains agents

interrogés croient que la fierté ressentie par le jeune de ne plus bénéficier de l’assistance sociale

et d’être autonome demeure présente chez certains et est également d’une grande influence.

Certains agents utilisent donc cet argument comme élément motivateur à poursuivre les

démarches jusqu’à la fin.

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72

À ce sujet, un agent mentionne qu’il serait utile de pouvoir en faire davantage quand un jeune

quitte volontairement une mesure. Par exemple, actuellement, si un jeune décide qu’il veut arrêter

sa formation, il n’a qu’à le mentionner et le dossier est ensuite fermé. Un meilleur suivi quant à

cette décision serait souhaité par certains agents, afin d’explorer les raisons du départ et de

pouvoir questionner le jeune avant qu’il ne puisse refaire une autre demande d’assistance sociale.

Cet aspect est en lien avec un sujet fréquemment soulevé par les agents interviewés; la

motivation. En effet, lorsque les agents sont interrogés sur ce qui est à améliorer dans les

services, ceux-ci sont majoritairement d’accord pour dire que les services offerts sont complets et

répondent à de réels besoins. Là où les difficultés se font sentir, c’est au niveau de la motivation

et de l’assiduité des jeunes dans leurs démarches.

4.4.8. Les échanges avec les partenaires

Une fois le jeune engagé dans les démarches, les relations établies avec les intervenants et les

milieux de formations sont importantes afin de bien contrôler la gestion des absences, tel que

mentionné précédemment. Bien que ce ne soit pas toujours facile pour diverses raisons, il importe

autant que possible de créer de bons liens avec les intervenants. Au-delà du rapport d’absences

des jeunes, l’établissement de liens entre l’agent d’aide à l’emploi du CLE et un intervenant posté

dans une école ou un organisme partenaire permettra le partage d’informations, la recherche de

solutions communes et l’arrimage des interventions. Une telle façon de faire est toujours plus

efficace, d’autant plus si le jeune s’aperçoit de la concordance dans le discours et les

interventions des différents intervenants qui l’entourent.

« Il y a un jeune qu’on aurait probablement échappé si la psychoéducatrice ne m’avait

pas appelé, ne m’avait pas dit : écoute il s’est passé telle chose, il a été exclu de

l’école, il n’a pas été accepté dans son AEC, ça va mal! Est-ce qu’on peut faire

quelque chose. Moi je me creuse les méninges. Finalement, l’intervenante du CJE qui

le connait parce qu’elle l’a suivi pendant six mois appelle […] Il y a comme une

concertation des intervenants et le jeune m’appelle, puis la personne m’appelle puis

on brasse nos idées ensemble et puis oups! On va trouver une solution. Puis le jeune

il se sent supporté » (SN13/E/6).

Page 81: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

73

En bref, plusieurs agents s’accordent pour dire que les contacts avec les partenaires sont un

aspect qui influence le succès de l’accompagnement. Lorsque de bons contacts, réguliers et

fréquents, sont établis, la démarche en est favorisée.

Page 82: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

74

4.5. Opinion des agents

Bien que l’objet d’étude du présent document porte sur l’accompagnement, la section suivante

traite davantage de l’opinion des agents responsables d’effectuer cet accompagnement. Ceux-ci

se sont abondamment exprimés sur les services et mesures avec lesquels ils travaillent. Leur

opinion revêt un intérêt certain puisque ces services et mesures peuvent être envisagés comme un

médium pour l’accomplissement de leur travail d’accompagnement en insertion en emploi.

4.5.1. L’efficacité des services

Bien que certaines difficultés de rétention soient observées au sein des services d’aide à l’emploi

offerts aux jeunes, un agent mentionne que devant la lourdeur de la clientèle, il est nécessaire de

conserver ces programmes d’aide spécialisés pour les clientèles plus vulnérables. Certains sont

d’avis que la possibilité d’avoir encore plus de suivi dans les milieux de formation des jeunes

serait un atout.

« Ils ont besoin de l’orthopédagogue et de l’éducateur. Ça fait vraiment une

différence. Plus de la moitié des personnes en ont besoin, ils ont un suivi avec

l’orthopédagogue, ils en ont pas mal tous besoin. Et puis la psychoéducatrice est là

trois jours par semaine. Avant on la payait pour être là cinq jours par semaine, mais

maintenant; moins de budget, donc on la paie juste trois jours. Elle est tout le temps

débordée, elle est tout le temps en train de courir. Il y aurait besoin d’une présence de

cinq jours par semaine. Souvent ça empêche les gens d’abandonner l’école quand elle

est présente pour eux » (SN11/F/2).

Plusieurs intervenants semblent considérer que l’offre de services disponible est efficace. À titre

d’exemple, un répondant raconte que lorsqu’ils ont pris la décision de rencontrer

systématiquement tous les jeunes de moins de 25 ans inscrits à l’assistance sociale afin de leur

présenter les services disponibles, ils sont passés, suite aux rencontres, de plus de 290 jeunes

bénéficiaires à 150. Une certaine part des jeunes bénéficiaires de l’assistance sociale ont donc

pris part à l’un ou l’autre des programmes offerts, ou sont entrés sur le marché de l’emploi,

laissant croire que cette stratégie s’est avérée efficace.

Page 83: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

75

4.5.2. Propositions d’amélioration et de changements

Repenser le recrutement

Selon les agents qui œuvrent au sein des centres locaux d’emploi, les programmes sont complets

et bien ficelés. Il ne manque pas de ressources, car il est toujours possible de trouver un

organisme ou une ressource disposée à accueillir le client là où il est rendu et à le faire cheminer.

Ce qui est à améliorer selon des agents, c’est la façon de recruter les gens. Il importe selon eux de

trouver des façons de les persuader à sortir de leur demeure et de se motiver à aller vers les

ressources afin de se mettre en action. Il est nécessaire de trouver un moyen de recruter les gens

qui sont inactifs de façon volontaire.

« Je le sais qu’il y a des jeunes présentement qui ne font rien et qui sont chez eux.

C’est plus ceux-là je trouve qu’il faut des façons d’aller chercher ces jeunes-là […]

parce qu’il y en a en masse des ressources, il y a du monde tellement, tellement du

bon monde, tellement d’organismes, ça ne manque pas. Puis dans ces organismes, ils

les prennent où ils sont rendus, peu importe la problématique, il y a tout le temps

quelque chose à faire. Ça, ça va. C’est d’aller les chercher ces jeunes-là, comment

aller les motiver, comment les amener à dire: ouais peut-être que je pourrais faire de

quoi » (PN39/A/2).

Dans le même ordre d’idées, une personne interrogée suggère, entre autres, qu’il serait intéressant

de tenter de rencontrer un jeune qui souhaiterait quitter une mesure. Selon elle, lorsqu’un jeune

est démotivé ou souhaite abandonner les démarches entamées, il est trop facile pour lui de quitter.

Il serait intéressant, dans cette optique, de pouvoir explorer avec le jeune, les raisons de son

départ et de tenter de trouver des avenues pouvant éventuellement mener à son maintien dans une

mesure ou un programme.

« Où je trouve qu’on pourrait aider : tu vois ce matin, je viens de fermer deux

dossiers […] je trouve que des fois on ferme le dossier parce que le jeune ne

fonctionne plus à l’école, soit qu’il nous dit pas trop ce qui se passe (moi je suis

écœuré, je veux tout arrêter ça) et il ne veut pas aller plus loin. Je suis obligé de tout

arrêter ça et c’est là que je trouve ça plate, on est comme pogné un peu là-dedans

nous autres […] Puis lui, il retourne faire la demande d’aide et s’il ne coche pas, ça

reste là puis il va rester là. C’est ce bout là que je trouve plate. Ceux avec qui ça n’a

pas fonctionné Alternative jeunesse, ça prendrait comme un meilleur suivi : attends

un peu là, qu’est ce qui se passe là? » (PN39/A/1).

Page 84: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

76

Changement au plan du suivi

Toujours au sujet du suivi, il a été mentionné lors des entretiens, qu’il serait intéressant de

pouvoir adapter les méthodes de communication avec les jeunes pour aller chercher une plus

grande efficacité. Par exemple, un agent propose l’utilisation de courriel ou de messages textes

par exemple, pour rejoindre les jeunes et pour faire un suivi. Il considère que de s’adapter aux

nouveaux modes de communication serait un atout.

Personnaliser l’accompagnement

Des agents font valoir qu’il serait utile d’avoir plus de temps à accorder à chacun des clients et

d’avoir moins de dossiers à charge de façon à pouvoir offrir un accompagnement qui soit encore

plus personnalisé. Parmi les aspects permettant d’aller plus loin dans l’accompagnement, est

proposée la possibilité d’accompagner les jeunes à l’extérieur lorsque le besoin s’en fait sentir.

Par exemple, certains bénéficieraient d’être accompagnés sur le terrain lors de leurs démarches de

recherche d’emploi. Pour d’autres, c’est une fois inséré en emploi que l’agent aurait avantage à

lui rendre visite pour vérifier avec lui et avec son employeur que tout se passe comme il se doit et

offrir du soutien au besoin.

La présentation des résultats visait à mieux cerner les différentes composantes du processus

d’accompagnement. La figure de la page suivante permet de présenter l’analyse des discours des

professionnels de façon graphique, en illustrant comment les facteurs modérateurs et médiateurs

sont inter reliés et quelles influences ils peuvent avoir sur le processus d’accompagnement. La

figure permet de réaliser que l’évaluation des facteurs modérateurs par l’intervenant permettrait

de mieux prédire les résultats de l’intervention. Un cumul de facteurs de risque serait

probablement associé à un résultat moins favorable de l’intervention. Inversement, un jeune

bénéficiant de plus de facteurs de protection aurait davantage de chance de réussir son insertion.

Page 85: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

77

Figure 3: Résumé des facteurs d’influence sur le processus d’accompagnement

Situation du

marché de

l’emploi

Charge de

travail

Difficultés de

recrutement Durée de

l’assistance

sociale

Compétences et

habiletés

personnelles

FACTEURS MODÉRATEURS

Facteurs contextuels Facteurs professionnels Facteurs personnels du client

Facteurs contextuels Facteurs professionnels Facteurs personnels du client

FACTEURS MODÉRATEURS

Rencontre

d’accueil

Informations sur

les programmes

Déterminer

l’admissibilité du

jeune

Début de la démarche

Évaluation de la

réalité du jeune

Établir un contrat

d’accompagnement

Assurer un suivi

Orienter vers les

organismes externes

appropriés

Réussite

Responsabilisation

Autonomie

Insertion dans le

marché du travail

Instauration

d’une relation

positive

Ajustement

du projet Suivi

Faible

soutien du

milieu

Histoire

d’échecs

Culture de

l’établissement

Marge de

manœuvre de

l’agent

Connaissance

du milieu de

travail

Échanges entre

partenaires

Aptitudes

personnelles

Capacité

d’écoute

Soutien du

milieu

Accès aux

services

Motivation

du client

Facteurs médiateurs

Page 86: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

78

5- Discussion

Cette étude s’est intéressée à explorer les pratiques professionnelles mises en œuvre afin de

prodiguer une aide à la jeunesse en situation d’exclusion au plan professionnel, en donnant la

parole aux travailleurs du terrain. Ceux-ci étant à même de donner un éclairage de la réalité de

leur pratique. Le parcours des agents d’aide à l’emploi chargés d’accompagner les jeunes adultes

dans leur processus d’insertion n’est pas le même pour tous. Parfois, des ressemblances sont

notées, mais on constate également une multiplicité des pratiques, de par la latitude laissée aux

travailleurs et ce, dans une optique d’adaptabilité des services. Ainsi, le point de vue des

répondants a permis quelques réflexions au sujet de l’accompagnement en emploi et certains

facteurs caractérisant leur pratique ont été identifiés.

Définition de l’accompagnement

De façon générale, l’accompagnement tel qu’effectué par les agents des CLE peut ressembler

davantage à de l’application de mesures d’emploi qu’à de l’accompagnement comme tel. Il s’agit

dans un premier temps de diriger le client vers une mesure. Pour ce faire, l’agent procède à une

évaluation. Ensuite, il doit s’assurer que le jeune respecte les conditions lui permettant de

demeurer et de réussir dans cette mesure. Une fois le jeune engagé dans la démarche choisie,

l’agent gère ses absences et s’assure qu’il soit entouré de gens et de ressources qui

l’accompagneront et le soutiendront dans son processus. Ces personnes sont souvent des

intervenants des centres de formation ou de l’organisme dans lequel le jeune est référé. On

remarque alors que c’est à cette étape que l’on peut dire que le jeune est accompagné. L’agent

d’aide à l’emploi s’assure donc que son jeune client soit accompagné, mais, dans la majorité des

cas et selon plusieurs répondants, ce n’est pas l’agent du CLE qui offrira la plus grosse partie du

travail d’accompagnement. Finalement, l’agent aura dans ses tâches de constater et d’inscrire le

résultat au terme de la démarche, c’est-à-dire s’il y a réussite ou non. Cette description du travail

d’accompagnement par les agents, semble correspondre à la conception de l’accompagnement

que l’on observe dans les écrits, qui l’envisagent comme un processus comprenant différentes

dimensions, soit la prise de contact, le contrat, le projet et le suivi. Ainsi, globalement, les agents

d’aide à l’emploi, dans un premier temps, vérifient l’admissibilité du jeune (prise de contact et

Page 87: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

79

contrat), pour ensuite déterminer une mesure ou une démarche qui lui convient (projet). Par la

suite, les agents vérifient, en continu, si le jeune peut demeurer dans la mesure en vérifiant s’il

respecte les conditions (suivi).

Ingrédients pour l’atteinte des objectifs

Des agents ont exprimé que dans le cadre de leur travail, les résultats attendus avec les

programmes d’emploi leur semblent parfois trop ambitieux pour les moyens mis en place. Afin

d'obtenir plus de réussites, il serait nécessaire d’apporter plus de personnalisation dans

l’accompagnement, soit d’adapter davantage à chaque cas particulier l’intensité et la forme de

l’accompagnement qui sont offerts. On constate également que la sécurité que procure le statu

quo, c’est-à-dire l’immobilité face au travail en demeurant sur l’assistance sociale, semble peser

beaucoup sur l’inaction des jeunes éloignés du marché du travail. C’est pourquoi les agents

observent qu’il est plus difficile de convaincre une personne déjà bénéficiaire de l’assistance

sociale et qui a déjà reçu un ou des chèques d’allocation de s’engager auprès d’eux dans les

démarches d’accompagnement. Les agents considèrent donc important de maintenir des

démarches permettant aux nouveaux demandeurs d’assistance sociale d’être rapidement au

courant des possibilités qui leur sont offertes pour les inciter à se mettre en action. Ils souhaitent

pouvoir s’investir auprès d’eux le plus tôt possible dans leur parcours.

Les agents semblent également préoccupés par le fait de ne pas faire vivre ou revivre des échecs

au jeune client au plan scolaire. Cela semble être une zone très à risque et que les agents sentent

fortement fragilisée chez leurs clients. Cela laisse aussi croire que ces fréquentes histoires

d’échecs multiples, vécues par une bonne partie des jeunes, puissent avoir des conséquences sur

leur degré d’implication dans des mesures reliées à l’insertion. Ainsi, il est possible de poser

l’hypothèse voulant que leurs difficultés à s’impliquer et leur manque de confiance soient

attribuables à leur historique d’échecs. Dans le cadre de leur travail, les agents gardent ces

éléments en tête et tentent de relever au jeune chaque réussite dans le parcours. Ils s’assurent

également d’amener le jeune, autant que possible, à éviter les comportements et situations

pouvant le mener à un échec (par exemple, en gérant les absences ou en le référant à des

ressources adaptées en cas de problèmes personnels ou autres).

Page 88: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

80

La relation avec le jeune

L’importance de la relation ressort du discours des agents comme étant un préalable à l’efficience

des services qu’ils prodiguent, ce qui correspond aux propos recueillis dans la littérature,

décrivant la relation entre l’accompagnant et l’accompagné comme très importante, voire même

déterminante dans le processus (Suisse, 2001). Les agents mentionnent quant à eux que la

relation de confiance permet d’obtenir des informations complètes et honnêtes sur le jeune et sur

sa situation, de combler un éventuel manque de support dans son réseau, de gagner sa confiance

et ainsi d’avoir accès à des confidences sur son vécu et ses problèmes qui pourraient entraver le

succès de la démarche. L’établissement d’une relation et d’un lien solide donne l’occasion

d’aborder ouvertement tous les problèmes et d’y travailler ensemble pour les régler. La relation

établie avec le jeune est également une façon privilégiée d’aborder des aspects plus personnels,

difficilement accessibles sans la présence d’un lien de confiance réciproque.

Il est remarqué par les agents que, même durant les périodes où le marché de l’emploi est

favorable, les jeunes sont peu nombreux à être capables de demeurer en emploi. Cela laisse

supposer que la situation est due aux caractéristiques des clients et non au marché de l’emploi.

Dans le discours des professionnels interrogés, on retrouve beaucoup d’informations sur les

difficultés personnelles des jeunes. Les répondants semblent davantage attribuer les difficultés

d’insertion aux caractéristiques des clients qu’à la situation du marché de l’emploi. Ainsi, ils

nomment des caractéristiques comme le manque de motivation, ou encore les différentes

problématiques présentes chez plusieurs d’entre eux, comme des barrières importantes à

l’insertion en emploi. Ainsi, le discours des agents corrobore ce qui est constaté dans les écrits,

soit que dans la majorité des cas, l’exclusion socioprofessionnelle est davantage générée par des

caractéristiques du client que par le marché de l’emploi lui-même (Frankel, 2005).

Cette hypothèse n’est pas incompatible avec la description des jeunes que nous font certains

agents d’aide à l’emploi à l’effet qu’une bonne partie de leur jeune clientèle présente des

comportements incompatibles avec le monde du travail. Les jeunes qui éprouvent de la difficulté

dans les mesures font partie de la génération qualifiée « d’enfants-rois », qui n’accepte pas

l’autorité, refuse de faire des compromis et qui se déresponsabilise beaucoup. Ainsi,

Page 89: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

81

l’établissement de la relation s’avère un canal privilégié afin de toucher ces aspects plus délicats

que sont les attitudes et les habiletés personnelles, souvent lacunaires chez ces jeunes. Travailler

sur ces aspects personnels de la vie des clients peut sembler éloigné du sujet précis du marché de

l’emploi, cependant, cela s’avère omniprésent dans les pratiques des accompagnateurs. Ils

affirment que, bien qu’il ne s’agisse pas d’un travail direct sur les compétences en employabilité,

il demeure essentiel de s’attarder à toutes les sphères de la vie des clients puisque leurs

problématiques influencent grandement leur parcours d’employabilité. Les agents interrogés

soulignent par exemple que, pour favoriser l’insertion en emploi, il est important de travailler la

responsabilisation des jeunes éloignés du marché du travail. Le développement de l’autonomie et

la responsabilisation des jeunes éloignés du marché du travail s’avèrent des éléments essentiels

du travail des agents d’aide à l’emploi. La littérature souligne également ce fait en mentionnant

l’importance d’évaluer l’autonomie du jeune et de l’accompagner en l’aidant à développer cette

autonomie. Il s’agit d’un travail nécessaire si l’on souhaite la réussite de l’insertion en emploi

(Defalvard, Brun et Thibault, 2008; Le Guellec, 2001; Speroni, 2001).

Selon les répondants, les jeunes avec qui il est souvent plus difficile de créer une relation sont les

jeunes présentant des caractéristiques particulières et des problématiques multiples. Parmi la

clientèle des CLE, ce sont pourtant ces jeunes qui auraient le plus grand avantage à créer de forts

liens avec les intervenants qui les entourent. Cependant, ces jeunes au parcours très fragilisé sont

les plus réticents à s’engager sérieusement dans les démarches d’accompagnement. Ceux avec

qui les agents ont le plus de facilité à développer un lien significatif sont souvent ceux qui ont

déjà du soutien, étant donné qu’ils ne sont pas méfiants devant quelqu’un voulant les supporter,

qu’ils sont sécures et qu’ils n’ont pas peur de s’ouvrir et de faire confiance. Le réseau pauvre

d’une bonne partie des jeunes inscrits dans les mesures soulève donc l’importance de placer des

personnes supportantes autour d’eux (en l’occurrence, un intervenant du milieu de formation

ouœuvrant dans les CJE ou d’autres organismes, ou encore, un agent d’aide à l’emploi du CLE).

Bref, les agents cherchent à s’assurer que chaque jeune (en particulier les plus vulnérables) puisse

avoir accès à une ou des personnes qui seront une source minimale d’encouragement et de

support en cas de besoin.

Page 90: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

82

Différences entre les agents

Il a été soulevé dans la littérature sur le travail des agents, que les pratiques spécifiques de ceux-

ci sont très variables (Brodkin, 1997) et le discours des agents interviewés vient corroborer cette

affirmation. Ceux-ci semblent bénéficier d’une grande marge de manœuvre dans leur travail, tant

en ce qui concerne les décisions qu’ils prennent que les interventions qu’ils effectuent auprès de

leurs clients. Cette grande liberté d’action qui leur est laissée explique les différences notées dans

le discours des personnes interrogées. Par exemple, certains agents tiennent à faire signer un

contrat au jeune dès que ce dernier décide de s’impliquer dans une mesure de formation, tandis

que d’autres agents préfèrent attendre que l’inscription du jeune soit acceptée par le milieu de

formation. Certains affirment être stricts, ne pas accorder de délais ni tolérer beaucoup

d’absences, etc. D’autres stipulent au contraire qu’il est primordial d’être plus tolérant en ce qui

concerne les règles avec les jeunes les plus problématiques. Donc, pour certains agents, ces

jeunes qui sont les plus vulnérables et qui ont le plus besoin des services, sont ceux auprès de qui

ils sont les plus tolérants en ce qui concerne les absences et les prolongations. Cela peut sembler

insensé, mais il appert que certains agents croient qu’il faut être moins exigeant envers eux afin

de les garder dans les mesures. Dans ces cas, il semble donc s’installer davantage une dynamique

où l’on s’adapte à ce que le jeune a à offrir, plutôt qu’une logique où sont instaurées des balises

strictes qu’il importe de respecter pour demeurer dans les services. Quoi qu’il en soit, cette marge

de manœuvre permet des nuances dans le travail des agents, ce qui est compatible avec un désir

d’adaptabilité et de personnalisation des services.

Le message qui est véhiculé aux jeunes par les agents est également très variable et prend souvent

les couleurs de l’agent, selon les positions que ce dernier adopte. Un des agents interrogés, par

exemple, axe fortement son discours sur l’importance de la formation. Il tente donc généralement

de convaincre ses jeunes clients éloignés du marché du travail qu’ils doivent posséder une

formation minimale pour une insertion durable. Cet agent considère que l’éducation ouvre toutes

les portes. Donc, les valeurs, dispositions et opinions de l’agent vont influencer ce vers quoi le

client sera dirigé, car il transmettra ses aprioris dans son discours. Cette disposition envers la

formation à tout prix n’est cependant pas remarquée chez toutes les personnes interrogées. En

effet, certains vont avant tout vérifier si le marché du travail est une option valable pour la

personne et s’assurent que celle-ci soit réellement dans l’impossibilité de décrocher un emploi

Page 91: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

83

avec sa situation et son bagage actuel. Les agents ne semblent donc pas tous avoir la même vision

de leur rôle ou des façons d’effectuer leur mandat. Certains considèrent qu’il est primordial de

tenter autant que possible de diriger les clients vers l’emploi et d’autres stipulent que pour une

insertion durable, la formation dès le départ est l’avenue à privilégier. Cependant, comme la

clientèle en question est constituée de jeunes vulnérables, une clientèle difficile à mobiliser et à

garder sur le marché du travail, on peut penser qu’il serait encore plus difficile de les garder si le

travail qu’ils décrochent ne leur plaît pas ou n’offre pas des conditions de travail et des conditions

salariales décentes. Ainsi, il est de mise de s’interroger à savoir si le fait de privilégier la mise en

emploi directe plutôt que la formation ne revient pas à retarder leur retour éventuel sur

l’assistance sociale.

Dans la littérature, il est possible de constater qu’il existe différents modèles d’État-Providence

(Esping-Anderson, 1990). Des auteurs distinguent donc différents types de régimes d’assistance,

selon qu’ils axent davantage sur l’attachement rapide en emploi ou sur la formation et l’éducation

(Boismenu et Noël, 1995). Parallèlement, dans le discours des agents interrogés, il est également

possible de distinguer la présence de deux visions différentes, axées soit sur la mise en emploi

rapide ou sur la formation. Cependant, dans le cadre du travail des agents d’aide à l’emploi des

CLE, dans les cas où l’on favorise la mise en emploi rapide, c’est après avoir évalué la situation

du client et avoir constaté qu’il a suffisamment de bagage pour une insertion durable. On note

donc une différence notable d’avec le modèle du Work-first tel que présenté par Boismenu et

Noël (1995). En effet, bien que ce modèle mise sur la mise en emploi rapide, il ne s’appuie pas

sur une évaluation en profondeur de la situation du client, laissant croire que le but premier est de

répondre aux aléas du marché de l’emploi. Avec ce modèle, on ne semble pas viser la sortie de la

pauvreté ou l’autosuffisance, mais plutôt la réduction à court terme des dépenses de l’État. Le

discours de la plupart des agents sur le fonctionnement des mesures d’emploi, laisse quant à lui

transparaître une plus grande attention aux besoins du client et à la durabilité potentielle de son

insertion. La mise en emploi rapide est donc privilégiée dans les cas où le client possède un

bagage lui permettant une insertion durable en emploi. Dans le cas contraire, la formation est

privilégiée, à condition que cette formation soit suffisamment en demande pour assurer un

placement en emploi à son terme. On constate donc que l’aide en emploi au Québec est

davantage inspiré d’un modèle dit mixte, alliant à la fois la mise en emploi rapide pour certain et

la formation pour d’autres. L’aide offerte semble donc avoir comme but premier la durabilité de

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l’insertion et l’optimisation des chances d’intégration professionnelle. Cependant, il ne s’agit pas

d’une façon de penser unanime. En effet, les entrevues ont laissé voir que pour la majorité des

répondants, l’aide en emploi privilégie effectivement une plus grande attention aux besoins du

client, mais que certains autres insistent sur l’importance de se baser sur les besoins du marché du

travail en premier lieu. Il demeure donc important de garder à l’esprit que la grande diversité qui

est observée dans les façons de faire d’un CLE à l’autre (et même d’un agent à l’autre), peut

engendrer des différences dans les visions prédominantes.

Des positions différentes dans le discours des agents sont aussi perceptibles en ce qui concerne la

vision qu’ils ont de leur mandat. Plusieurs réponses ont été offertes quant aux buts et rôles que

doit remplir un agent d’aide à l’emploi. Certains décrivent leur travail et leurs objectifs en regard

de l’établissement, tandis que d'autres le font plutôt en regard de la clientèle. Pour ceux qui ont

tendance à décrire leur rôle en fonction de la clientèle, ils disent que le travail de l’agent consiste

à aider le jeune à réussir les objectifs qu’il s’est fixés, à être à l’écoute par rapport à son vécu et à

poser des actions si un problème survient. Ils affirment également que leur rôle est de mettre le

jeune en mouvement, de s’assurer qu’il soit en action. Les agents qui présentent cette vision

stipulent que le but n’est pas qu’il soit en emploi au plus vite, mais qu’il avance vers l’emploi. Ils

considèrent aussi que leurs tâches consistent à s’assurer que le jeune emprunte le meilleur chemin

pour lui, qu’il soit à la place qui lui convienne personnellement, qu’il ait un plan de vie adéquat,

qu’il reçoive l’aide nécessaire et développe l’espoir d’atteindre ses buts. Finalement, toujours

chez les agents décrivant leur rôle en fonction du jeune, plusieurs ont mentionné que l’objectif

principal est de favoriser la réussite du jeune et de lui éviter de vivre des échecs. Ceci leur semble

d’autant plus important du fait que ces jeunes ont souvent vécu des échecs répétitifs par le passé,

il importe donc de ne pas répéter ce cycle. Cette vision axée sur le client est soulevée dans la

littérature et correspond bien à celle des auteurs MacDonald et Marston (2005) qui soulignent que

pour certains agents, le rôle n’est pas de trouver un emploi au jeune, mais de l’aider à développer

les habiletés requises.

Les agents qui, pour leur part, expliquent plutôt leur rôle en regard de l’établissement, diront qu’il

importe d’avoir le plus d’inscriptions possible dans les différentes mesures et d’éviter que des

jeunes s’inscrivent à des mesures d’assistance sociale. Le but de leur travail consiste à s’assurer

que chaque client respecte les règles, le temps alloué et les budgets et finalement, que le client

Page 93: Les pratiques d'accompagnement vers l'emploi …...Les pratiques d’accompagnement vers l’emploi auprès des jeunes adultes de 18-24 ans dans les centres locaux d’emploi Mémoire

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finisse en emploi pour pouvoir fermer le dossier et cocher « oui » à la case demandant si le client

est en emploi. Un des agents interrogés semblait, de lui-même, distinguer ces deux types de

mandat qu’il est possible de retrouver dans le cadre de leur travail. Ainsi, lorsqu’il doit élaborer

sur ses objectifs en tant qu’agent d’aide à l’emploi, il nomme l’impression d’un double discours

en provenance de l’institution et des politiques. En effet, les politiques demandent à ce que les

services soient de qualité et tournent autour du client. Cependant, dans les faits, certains agents

ont l’impression que les objectifs visent davantage la réduction des coûts. Ainsi, lorsqu’ils sont

questionnés sur leurs buts, plusieurs agents se questionnent à savoir s’ils doivent envisager leurs

objectifs de travail en fonction des clients ou en fonction de l’établissement qui dessert ces

clients. La littérature rapporte d’ailleurs le même genre de discours sur le rôle des chargés

d’accompagnement en emploi. Rouleau-Berger (1998), souligne la multiplicité des rôles que les

agents doivent accomplir. Ils doivent en effet articuler les droits et responsabilités entre l’État et

les sans-emploi. Les agents d’aide à l’emploi doivent répondre aux besoins du client tout en

respectant les exigences de l’organisation (Leclerc et al., 2002).

Non seulement les agents eux-mêmes démontrent des façons de fonctionner et des visions

différentes dans leur travail, mais on note également des différences de fonctionnement et de

vision entre les CLE. Certains agents interrogés considèrent même que malgré le fait qu’il soit

nécessaire pour eux d’avoir une certaine marge de manœuvre dans leur travail, il subsiste peut-

être une trop grande place à l’interprétation dans la prise de décision. Ainsi, il semble qu’à

l’intérieur d’un même CLE, les décisions sont souvent uniformes, mais que les différences entre

différents CLE peuvent apporter quelques difficultés face à la clientèle.

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Conclusion

Dans cette étude, il a été possible d’être au fait de certaines actions gouvernementales en lien

avec l’insertion dans une optique de prospérité économique et de développement social du

Québec. Les personnes vulnérables, dont font partie les jeunes sans emploi, deviennent des cibles

d’action privilégiées des programmes spécifiques visant à favoriser l’insertion sociale et

professionnelle. Plusieurs jeunes québécois ne participant pas activement à la société et éprouvant

des difficultés à se faire une place sur le marché de l’emploi peuvent donc bénéficier d’un

accompagnement plus soutenu. L’investigation auprès des agents d’aide à l’emploi de CLE du

Québec visait à explorer et à décrire les pratiques mises en œuvre par ces intervenants. Le but

global était de décrire le phénomène de l’accompagnement, de fournir une image de la façon dont

ces services d’accompagnement en emploi fonctionnent sur le terrain, du point de vue de ceux

qui les offrent.

Leurs discours ont permis de concevoir la réalité de leur pratique comme étant

multidimensionnelle. En effet, les agents ont abordé des aspects relatifs aux caractéristiques

personnelles des clients, à la structure économique du marché du travail, au fonctionnement dans

les établissements, etc.

Il est intéressant d’analyser les réponses des répondants à la présente recherche, en effectuant une

comparaison avec le discours d’agents travaillant dans des établissements se situant à un autre

palier, soit le communautaire, mais ayant une vocation semblable, soit le développement de

l’employabilité. Ainsi, une étude parallèle à la présente recherche, menée en 2010 dans le milieu

communautaire, soit dans les carrefours jeunesse-emploi, s’est attardée à l’exploration des

pratiques d’accompagnement dans ce milieu (Provencher, Émond et Tremblay Roy, 2010). Ayant

pris part à cette étude, il m’a été possible d’effectuer certaines comparaisons dans les discours qui

sont ressortis des entrevues. Ainsi, il est intéressant de constater que le discours des intervenants

œuvrant dans le milieu communautaire comporte davantage de propos faisant directement

références aux jeunes. Certes, les agents des CLE ont abordé les caractéristiques des jeunes et

l’influence de la relation qui est développée avec eux, mais d’une façon beaucoup moins

importante que l’ont fait les intervenants des CJE. En effet, ces derniers expliquent plus souvent

les succès ou les échecs des démarches en fonction des caractéristiques du jeune ou encore de la

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relation qui s’est établie avec le jeune. Les agents des CLE vont quant à eux expliquer plus

souvent les réussites et les échecs en fonction de ce qui est mis en place autour du jeune, ou

encore des techniques et des façons de procéder de l’établissement. À ce sujet, il est à noter que,

comparativement aux répondants des CJE, les agents des CLE ont peu abordé de façon explicite

des éléments en rapport avec l’attitude des intervenants. Il est donc possible de sentir que la

vision du travail dans les CLE semble davantage axée sur une vision organisationnelle

d’établissement. Les CJE semblent quant à eux voir leur rôle davantage dans l’instauration de la

relation, dans le savoir-être et le savoir-faire qu’ils présentent en tant qu’intervenants. Ceci n’est

toutefois pas étonnant puisque malgré leurs buts semblables, les rôles des agents des deux

établissements diffèrent. Un des agents d’aide à l’emploi interrogé dans le cadre de la présente

étude, stipule que, pour avoir œuvré à la fois le secteur communautaire et le secteur public, des

différences notables sont présentes. Dans le milieu communautaire, l’intervenant connait

davantage les détails de la vie du jeune, il est souvent plus proche et au fait de la réalité et des

difficultés quotidiennes de son client. Dans le secteur public, c'est-à-dire dans les CLE, l’agent

est davantage confronté aux détails administratifs entourant les services offerts aux clients. Ainsi,

il ressort que les intervenants des CJE vont plus fréquemment travailler sur les problèmes

personnels des jeunes, tandis que les agents des CLE, bien qu’ils leur arrivent inévitablement de

travailler des aspects personnels avec le client, vont faire davantage de références. Ces derniers

ont d’ailleurs mentionné qu’ils ne considèrent pas être ceux qui font le véritable accompagnement

au sens propre du mot, lequel est plutôt effectué au jour le jour par les intervenants des CJE ou

des organismes associés.

Nous avons donc pu constater que les intervenants œuvrant auprès des jeunes éloignés du marché

du travail doivent remplir plusieurs rôles. Ils doivent à la fois répondre aux problématiques

spécifiques des jeunes et respecter les contraintes et objectifs de l’organisation dans laquelle ils

travaillent. Les tâches des agents consistent donc à aider les clients à se prendre en main

professionnellement et à gagner en autonomie et en habiletés personnelles. Il a été possible de

constater que les pratiques spécifiques des agents d’aide à l’emploi sont très variables.

L’accompagnement effectué ne se limite pas au domaine de l’emploi, et inclut également des

termes plus généraux tels que les difficultés personnelles, la santé (mentale et physique), la

consommation ou encore l’aide pour des besoins ponctuels comme, par exemple, la recherche

d’un logement.

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89

En ce qui concerne les démarches concrètes auprès de la clientèle, il y a tout d’abord la première

visite du jeune dans l’établissement, où la principale tâche est d’orienter le jeune vers le service

ou la démarche qui lui convienne. Une fois le processus enclenché, certains aspects doivent être

convenus avec la personne en démarche, par exemple, une mise au point sur les règles et les

attentes envers le client. La démarche de celui-ci repose sur un projet précis, qui souvent,

consistera en un retour aux études, ou encore une recherche d’emploi. Mais pour cela, le

professionnel qui œuvre auprès du jeune doit s’assurer que ce dernier ait les moyens de mettre en

œuvre son projet. Ainsi, il peut le diriger vers une ressource particulière ou un programme qui lui

apprendra tout d’abord à développer certaines habiletés personnelles et sociales qui lui manque

afin d’être en mesure de réaliser adéquatement son objectif.

Bien sûr, les écrits sur l’accompagnement ne manquent pas de mentionner l’importance de la

relation qui s’établit entre le jeune et le professionnel pour la réussite optimale de l’ensemble de

la démarche, ce que les agents d’aide à l’emploi confirment. Il est de la responsabilité du

professionnel de travailler à l’accrochage relationnel. Cet aspect est d’autant plus important dû au

fait que la clientèle habituelle de ces services est souvent peu disposée à développer une relation

avec un intervenant et à lui faire confiance, ou encore ne présente pas une attitude positive et

favorable face à ces démarches.

Bien que les personnes qui œuvrent au sein des programmes d’accompagnement trouvent les

démarches très utiles, ils en mentionnent quelques limites. À titre d’exemple, les contraintes

institutionnelles, le manque de temps, la surcharge des dossiers et les difficultés du marché de

l’emploi sont nommés comme étant des limites au fonctionnement optimal des démarches

d’insertion. Cependant, les caractéristiques de la clientèle semblent être un aspect non

négligeable lorsque l’on cherche à savoir ce qui peut faire entrave à la réussite des démarches

d’insertion socioprofessionnelle. Ceci permet d’ailleurs d’élaborer quelques pistes qu’il serait

pertinent d’explorer dans d’éventuels travaux sur l’insertion socioprofessionnelle des jeunes

éloignés du marché du travail. En effet, il serait intéressant de chercher à interroger des jeunes

qui ont bénéficié des services d’accompagnement, autant ceux ayant réussi les démarches que

ceux ayant abandonné, afin de chercher à comprendre les facteurs d’influence liés à la

persévérance ou à l’abandon des démarches initiales. Dans l’ensemble, il conviendrait de

chercher à développer des travaux suggérant des pistes d’action sur toutes les sphères qui, au bout

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du compte, ont un impact sur la réussite ou l’échec de l’insertion socioprofessionnelle. Une

vision globale du phénomène apparaît donc nécessaire dans une optique d’accroissement de

l’efficacité des services.

En résumé, ce travail était axé sur le vécu expérientiel des agents d’aide à l’emploi des CLE, avec

un objectif global de produire des connaissances dans le domaine de l’insertion en emploi, plus

précisément sur les pratiques d’accompagnement. On constate néanmoins que l’étude ne permet

pas de circonscrire ce que constitue l’accompagnement en emploi. Ce concept, considéré comme

un objet d’étude encore flou, ne bénéficie pas de balises plus concises quant à sa définition.

Cependant, cela ne signifie pas que nous n’en savons pas davantage grâce à cette étude. Celle-ci

confirme, entre autres, que le concept d’accompagnement est sans contredit multidimensionnel.

En cherchant à le restreindre, nous risquons vraisemblablement de ne pas en saisir toute la

complexité et ainsi, prendre la chance de s’éloigner de ce qu’il est vraiment.

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96

Annexe 1. Guide d’entrevue

Cette recherche vise à comprendre les dynamiques associées à la fonction d’accompagnement des

professionnels des centres locaux d’emploi auprès des jeunes de 18-24 ans en difficulté

d’insertion en emploi.

Dans le cadre de cette entrevue, nous allons examiner la nature des interventions qui sont

réalisées dans votre organisme, et plus particulièrement celles dans lesquelles vous êtes

impliqués. Nous allons également parler des jeunes avec qui vous travaillez et discuter des

facteurs qui ont de l’influence sur vos interventions.

1. Quelle est la nature de votre travail au sein du CLE?

a. Quelles sont vos responsabilités?

b. Quelles sont vos tâches quotidiennes?

c. Avez-vous déjà eu d’autres fonctions dans l’organisation? Si oui, quelles étaient vos

principales tâches?

d. Quelle (s) mesure (s) êtes-vous chargé d’appliquer dans le cadre de votre travail au

CLE?

2. Pouvez-vous nous parler de vos interactions avec vos clients?

a. Qui sont ces jeunes?

b. Quelles sont vos actions concrètes auprès d’eux?

c. Quels sont vos objectifs de travail?

3. Quelle est votre marge de manœuvre dans l’interprétation et l’application des mesures

d’accompagnement que vous avez la charge de gérer?

a. Y a-t-il des décisions que vous ne pouvez prendre sans l’accord d’un supérieur?

b. Quels sont les moyens dont vous disposez pour appliquer ces mesures? Sont-elles

efficaces à votre avis?

c. Y a-t-il des directives qui n’apparaissent pas dans les politiques, mais qui influencent

votre travail auprès de la clientèle?

4. Comment les services d’aide à l’emploi pour les jeunes de 16 à 24 ans sont-ils organisés (à

l’interne, en partenariat)?

5. Voyez-vous des différences ou des ressemblances par rapport à la vision de

l’accompagnement entre vos collègues de travail? Lesquelles?

6. Quelles sont vos opinions sur les politiques et les programmes d’emploi en général?

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7. Quelles sont les difficultés et/ou les réussites que vous expérimentez dans votre travail

auprès de la clientèle jeunesse?

8. De manière générale, est-ce que selon vous les jeunes bénéficient des mesures

d’accompagnement mises en place au CLE? Si oui, si non, pour quelles raisons?

9. Auriez-vous des suggestions pour améliorer l’accompagnement en emploi des jeunes

éloignés du marché du travail?

10. Y a-t-il d’autres informations que vous aimeriez fournir pour nous aider à avoir une

meilleure compréhension de votre travail?

FIN DE L’ENTRETIEN