Les partis communistes en France et en Europe

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© CEVIPOF 2001 1 LES LUNDIS du CEVIPOF ___________ ___________ Cycle 2000-2001 : « Les partis politiques en France et en Europe » Archive du 5 mars 2001 : « Les partis communistes en France et en Europe. » François Platone (directeur de recherche au CEVIPOF). Pascal Delwit (professeur de science politique, université libre de Bruxelles). Les textes de ces " Notes et études du CEVIPOF n°8" sont la version écrite des interventions faites dans le cadre des Lundis 20002001 Pascal Perrineau. Relatif à l'analyse de la famille ou ce qu'il en reste de la famille des partis communistes en Europe, cet exposé, comme le veut maintenant la tradition de ces lundis du cevipof , est consacré aux partis et aux familles politiques en Europe et en France. Nous avons le plaisir d'accueillir notre collègue, Pascal Delwit, professeur à l'université libre de Bruxelles, qui analysera les partis communistes d'un point de vue européen. Ensuite, François Platone, déclinera le cas français à partir de l'analyse du Parti communiste français. Pascal Delwit. En préambule à cette communication, deux remarques s'imposent. On considère en général les partis communistes à l'aune d'un changement important et déterminant : la chute du mur de Berlin en novembre 1989 suivi par l'effondrement de l'Union soviétique deux ans plus tard, et l'impact de ces deux moments sur les partis communistes en Europe occidentale. Or à l'examen des partis communistes d'Europe occidentale dans la durée, le problème de leur identité, de leur espace politique et électoral est posé bien avant la disparition du mur de Berlin, en particulier dans les années 1980. Les années soixante-dix avaient été des années de relative embellie pour les partis communistes d'Europe occidentale. En revanche, dans les années quatre-vingt, les partis communistes subissent un déclin politique et électoral accéléré. Il ne faut donc pas voir spécifiquement 1989 comme une rupture mais bien plutôt comme un aboutissement d'un certain nombre de choses ; d'une entrée pour certains d'entre eux dans la marginalisation. Deuxième remarque préalable, si les partis communistes, en particulier le Parti communiste français et le Parti communiste italien, ont été des formations politiques très étudiées dans les années 1960, 1970 et même encore dans une certaine mesure 1980, c'est aujourd'hui beaucoup moins le cas. Il y a moins de travaux de référence. Ces formations sont beaucoup moins importantes, beaucoup moins attrayantes intellectuellement et beaucoup moins porteuses scientifiquement. Par conséquent, les sources sont plus difficiles à trouver. Quelle est la situation actuelle ? Comment peut-on classer ceux qui étaient ou ceux qui sont encore les partis communistes d'Europe occidentale dans la famille des partis politiques ? J'ai essayé de faire un tableau, non exhaustif, mais qui me permet d'affirmer que, selon moi, depuis le début des années 1990, quatre configurations, quatre types d'évolution des partis communistes en Europe occidentale sont à envisager. Le premier cas d'école, surtout vrai pour le cas italien, consiste en la transformation d'un parti communiste en une formation sociale-démocrate. L'essentiel du PCI s'est transformé en Parti de la

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LES LUNDIS du CEVIPOF

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Cycle 2000-2001 : « Les partis politiques en France et en Europe »

Archive du 5 mars 2001 : « Les partis communistes en France et en Europe. » François Platone (directeur de recherche au CEVIPOF). Pascal Delwit (professeur de science politique, université libre de Bruxelles).  

Les textes de ces " Notes et études du CEVIPOF n°8" sont la version écrite des interventions faites dans le cadre des Lundis 2000‐2001

 

Pascal Perrineau. Relatif à l'analyse de la famille ou ce qu'il en reste de la famille des partis communistes en Europe, cet exposé, comme le veut maintenant la tradition de ces lundis du cevipof , est consacré aux partis et aux familles politiques en Europe et en France. Nous avons le plaisir d'accueillir notre collègue, Pascal Delwit, professeur à l'université libre de Bruxelles, qui analysera les partis communistes d'un point de vue européen. Ensuite, François Platone, déclinera le cas français à partir de l'analyse du Parti communiste français.

Pascal Delwit. En préambule à cette communication, deux remarques s'imposent. On considère en général les partis communistes à l'aune d'un changement important et déterminant : la chute du mur de Berlin en novembre 1989 suivi par l'effondrement de l'Union soviétique deux ans plus tard, et l'impact de ces deux moments sur les partis communistes en Europe occidentale. Or à l'examen des partis communistes d'Europe occidentale dans la durée, le problème de leur identité, de leur espace politique et électoral est posé bien avant la disparition du mur de Berlin, en particulier dans les années 1980.

Les années soixante-dix avaient été des années de relative embellie pour les partis communistes d'Europe occidentale. En revanche, dans les années quatre-vingt, les partis communistes subissent un déclin politique et électoral accéléré. Il ne faut donc pas voir spécifiquement 1989 comme une rupture mais bien plutôt comme un aboutissement d'un certain nombre de choses ; d'une entrée pour certains d'entre eux dans la marginalisation.

Deuxième remarque préalable, si les partis communistes, en particulier le Parti communiste français et le Parti communiste italien, ont été des formations politiques très étudiées dans les années 1960, 1970 et même encore dans une certaine mesure 1980, c'est aujourd'hui beaucoup moins le cas. Il y a moins de travaux de référence. Ces formations sont beaucoup moins importantes, beaucoup moins attrayantes intellectuellement et beaucoup moins porteuses scientifiquement. Par conséquent, les sources sont plus difficiles à trouver.

Quelle est la situation actuelle ? Comment peut-on classer ceux qui étaient ou ceux qui sont encore les partis communistes d'Europe occidentale dans la famille des partis politiques ?

J'ai essayé de faire un tableau, non exhaustif, mais qui me permet d'affirmer que, selon moi, depuis le début des années 1990, quatre configurations, quatre types d'évolution des partis communistes en Europe occidentale sont à envisager.

Le premier cas d'école, surtout vrai pour le cas italien, consiste en la transformation d'un parti communiste en une formation sociale-démocrate. L'essentiel du PCI s'est transformé en Parti de la

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gauche démocratique (PDS) et, aujourd'hui, en démocrates de gauche (DS). Cette situation est originale en Europe occidentale. Elle est, évidemment, très liée aussi à la situation italienne et à l'implosion du psi qui a facilité la transformation du PCI en PDS puis Démocrates de gauche, soit le parti social-démocrate italien contemporain. Néanmoins, il importe aussi de souligner que ce cas est fréquent en Europe centrale et en Europe orientale. C'est notamment le cas de la Pologne avec la transformation de l'ancien parti ouvrier unifié polonais (POUP) en Social-démocratie de la république de Pologne (SDRP). La même remarque prévaut pour la Hongrie où l'ancienne formation communiste, le parti ouvrier socialiste hongrois (POSH), est devenu le parti socialiste hongrois (PSH). Une tentative a aussi eu lieu en Bulgarie, quoique moins poussée, avec la transformation du Parti communiste bulgare (PCB) en Parti socialiste bulgare (PSB).

La deuxième configuration regroupe les circonstances où des partis communistes évoluent en parti de la gauche libertaire pour reprendre les termes utilisés pour qualifier les partis verts dans les années 1980 et 1990, notamment Herbert Kitschelt. Les Pays-Bas sont le cas le plus abouti. Le Parti communiste hollandais (KPN) s'est en effet auto-dissous et a rejoint une nouvelle formation politique, appelé Groen-Links, littéralement vert-rouge. C'est le principal parti vert du système politique hollandais. Il recueille généralement entre 7 % et 10 % des voix, et exerce parfois une forte influence dans certaines villes hollandaises, notamment Amsterdam, où il est très fort. Mais c'est aussi le cas d'autres partis. Par exemple, le parti suédois, le parti de la gauche (v), s'était partiellement transformé dans les années 1970 et 1980 en essayant de combiner dimensions postmatérialistes et matérialistes, puis formellement en 1990 en incluant beaucoup d'éléments des nouveaux mouvements sociaux. C'est le cas partiellement en Finlande avec la transformation de la Ligue démocratique en Alliance de gauche (VAS) qui est actuellement au gouvernement. Au Danemark, une partie de l'ancien Parti communiste danois s'est transformée en Parti socialiste populaire (SF) et obtient, généralement, entre 7 % et 10 % des voix au Danemark.

Je qualifierais la troisième situation de statu quo orthodoxe. Elle peut reprendre des partis plus ou moins influents, notamment le Parti communiste portugais (PCP) et le Parti communiste grec (KKE) qui ont traversé le temps d'une manière totalement orthodoxe, comme s'il ne s'était rien passé en 1989 et en 1991. Mais il existe des partis marginaux qui gardent ce statu quo quasi-orthodoxe, d'ailleurs avec l'étiquette communiste dans tous les cas. Cette configuration peut être appliquée au cas du Parti communiste allemand (DKP), du Parti communiste autrichien (KPÖ), du Parti communiste en Belgique (PCB) et dans une certaine mesure du Parti communiste luxembourgeois (PCL ).

Enfin, la quatrième situation, la moins homogène, est une tentative de rénovation dans le cadre du label communiste ou quasiment dans le cadre du label communiste. Dans ce cas, la fronde de la rénovation peut prendre des chemins différents suivant les situations. Cela concerne partiellement le Parti communiste français (PCF), la situation en Espagne – le Parti communiste espagnol (PCE) intégré et moteur d'une coalition qui s'appelle Gauche unie (IU). C'est le cas, en Italie, du deuxième parti, né de la scission du Parti communiste italien : le Parti de la refondation communiste (ri), animé par Fausto Bertinotti. Celui-ci a vécu une dissidence avec la mise sur pied du Parti des communistes italiens (PDCI) à l'automne 1998. Ces deux partis ont tenté, à partir des événements de 1989 et de 1991, de réfléchir à une identité communiste rénovée. Dans ce cadre, il est possible d'intégrer le Parti du socialisme démocratique en Allemagne (PDS), parti héritier de l'ancien sed est-allemand. Il obtient des performances électorales notables dans la partie orientale de l'Allemagne et est aujourd'hui en coalition avec le SPD à Berlin.

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Que peut-on dire pour ces quatre configurations ? En termes de performances électorales les choix opérés n'indiquent pas spécialement qu'une voie soit plus porteuse qu'une autre. Deux configurations électorales pour les partis communistes, en transformation ou ex-communistes, apparaissent.

D'une part, une configuration électorale qui situe ces partis entre 6-7 % et 12 % des voix. Celle-ci concerne le Parti communiste portugais qui, après une élection très difficile en 1991 dans la mesure où il avait soutenu le coup d'Etat ou le pseudo-coup d'Etat en Union soviétique, s'est stabilisé dans une fourchette entre 8 % et 9 % aux élections nationales et 10 % et 11 % aux élections européennes. C'est aussi le cas du parti de la gauche en Suède. Il a connu une embellie électorale ces cinq dernières années, puisqu'au scrutin national de 1994 il obtenait 6 %, aux scrutins européens de 1995 et de 1999 il a respectivement recueilli 13 % et presque 16 %, et au scrutin national de 1998 il décrochait 12 %. L'Espagne connaît aussi cette situation, mais avec une courbe plutôt en déclin, puisque Izquierda Unida – la Gauche unie –, dont le moteur est le Parti communiste espagnol, obtenait dans la première moitié des années 1990 entre 9 % et 10 %, un peu plus aux élections européennes. En revanche, dans la deuxième moitié des années 1990 et notamment lors du scrutin européen de 1999 et du scrutin national de 2000, ces performances ont chuté. Elles se situaient en 1999 à presque 6 % et en 2000 à 5,5 %. L'observation est vraie aussi pour le Parti socialiste populaire danois qui se stabilise autour de 7 % à 8 %. Même chose pour Refondation communiste. Cumulés avec les performances du Parti des communistes italiens, elle réalise aux élections nationales quasiment toujours 6 % et légèrement plus aux élections européennes. C'est le cas également de la Grèce. Ce pays connaît une double situation, avec d'une part le Parti communiste orthodoxe, KKE, dit Parti communiste de l'extérieur et d'autre part une formation, appelée Coalition de la gauche et du progrès, héritière du Parti communiste dit de l'intérieur. C'est une distinction historique entre le Parti communiste dont les têtes pensantes étaient à l'extérieur, c'est-à-dire principalement en Roumanie et en Union soviétique, et l'autre dont les têtes pensantes étaient à l'intérieur avec deux profils différents ; le premier celui d'un profil ouvriériste, de Parti orthodoxe, le second avec un profil eurocommuniste et implanté parmi les intellectuels et les universitaires. Ces deux formations reculent dans la deuxième moitié des années 1990 : lors de la dernière élection 2000, le Parti communiste a obtenu 5,5 % et la Coalition de la gauche et du progrès 3 %. En Finlande, l'Alliance de gauche obtient à peu près à chaque élection depuis le début des années 1990 environ 10 %. Enfin, il y a le cas très particulier du PDS allemand qui est représenté au niveau parlementaire, dont les performances électorales augmentent lentement dans l'ancienne Allemagne de l'Est donc dans les Länder orientaux de l'Allemagne.

L'autre configuration électorale est la voie de la quasi-marginalité politique et électorale. Ce modèle concerne le Parti communiste autrichien qui obtient généralement entre 0,5 % et 0,7 % des voix, le Parti communiste en Belgique (entre 0,2 % et 0,6 % des voix) et le Parti communiste luxembourgeois qui recueillent entre 1,6 % et 3,7 %, et le parti communiste allemand, 0,5%.

Une géographie électorale grossière peut être dessinée. Au Nord, notamment la Suède, le Danemark, la Norvège, les partis qui se sont engagés dans une voie de défense des valeurs postmatérialistes bénéficient de certaines performances électorales. De même, au Sud, en dépit du caractère de statu quo doctrinal et idéologique, le Parti communiste portugais et le Parti communiste grec gardent certains résultats. En revanche, le centre de l'Europe, notamment les pays

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du Bénélux, si on ne compte pas GroenLinks comme un parti communiste, est une zone de quasi-marginalité avec une exception qui est celle du PDS en Allemagne.

Quels sont aujourd'hui les rôles et les fonctions de ces partis communistes ou de ces ex-partis communistes dans les configurations et dans les systèmes politiques européens ? Quatre situations peuvent être dégagées.

La première, qui est tout à fait originale et singulière, concerne la défense d'intérêts régionaux. C'est le cas du PDS en Allemagne. Ce parti réalise dans les Länder orientaux environ 25 % des voix. Néanmoins, le côté occidental de l'Allemagne semble réfractaire à ces idées car ne donne que 1,5 % à 3 % des voix. Ce parti s'identifie comme le défenseur des intérêts des populations des Länder orientaux de l'Allemagne. Cette situation est largement originale bien que dans une certaine mesure, le parti communiste portugais joue le même rôle pour le sud du Portugal.

La deuxième situation est typique des partis appartenant au pôle de gauche, aux partis gouvernementaux. Cela concerne en particulier trois pays : la France, la Finlande et l'Italie. En France le PCF participe au gouvernement, avec deux ministres et un secrétaire d'Etat. Le cas de la Finlande, qui ressemble d'ailleurs assez fort à la coalition belge, associe le Parti social-démocrate, le Parti vert, l'Alliance de gauche, le parti de la minorité suédoise et le Parti conservateur pour rejeter dans l'opposition le Parti centriste. Ici l'Alliance de gauche a un ministre et un secrétaire d'Etat. Enfin le pdci, le Parti des communistes italiens, résultat de la scission de refondation communiste, était dans le gouvernement très difficilement qualifiable d'Amato. Celui-ci rassemblait entre autres les démocrates de gauche, les verts, le pdci, les anciens proches de Cossuta, et une série de groupuscules. Le pdci avait deux ministres et deux secrétaires d'Etat. On pourrait associer ces trois partis au pôle de gauche des partis gouvernementaux. Mais, cela concerne également partiellement le Parti de la gauche en Suède. Celui ci est en appoint d'un gouvernement social-démocrate minoritaire. En ce qui concerne la Gauche unie en Espagne, lors des dernières élections, un pacte avait été conclu entre le psoe (le Parti socialiste ouvrier espagnol) et Gauche unie. Mais les résultats de l'un et l'autre ont été calamiteux.

Le troisième rôle est celui que certains partis jouaient dans les années 1970 et 1980, c'est-à-dire incarner un aiguillon intellectuel et doctrinal pour la social-démocratie. Cela concerne, bien sûr, la plupart des partis que j'ai déjà évoqués. On peut y ajouter, très certainement, la Coalition de la gauche et du progrès en Grèce, et jusqu'à la fin des années 1980 et au début des années 1990 le Parti communiste de Grande-Bretagne, parti qui auparavant exerçait une influence intellectuelle dans les universités et auprès de certains dirigeants du Parti travailliste.

Enfin dernière configuration : l'expression du pôle radical anti-système soit pour certaines catégories sociales, soit pour un microcosme, qui rassemble le PCP, le Parti communiste grec et d'autres partis beaucoup moins importants, le Parti communiste autrichien, le Parti communiste luxembourgeois, le Parti communiste de Belgique plus toute une série de micropartis. Plusieurs partis, possédant encore un label communiste, sont vraiment microscopiques non seulement en terme d'adhérents mais aussi, nous l'avons vu, de performances électorales.

Quelles sont les perspectives pour ces partis ? Quelles que soient les configurations, les doctrines évoluent peu. Ces formations éprouvent de sérieuses difficultés à affronter les mutations de la société et la disparition de l'Union soviétique. Les premiers problèmes sont liés à l'hétérogénéité. Les rôles que peuvent endosser les partis communistes ou ex-partis communistes sont

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sensiblement différents suivant les systèmes politiques, d'où résulte une certaine complexité. En outre, en dépit du fait que la plupart de ces partis siègent dans un groupe unique au Parlement européen, il faut souligner que ce groupe relève davantage de l'agrégation par défaut que par intérêt commun. Il est d'ailleurs intéressant de relever que la famille communiste ou ex-communiste est quasiment la seule à ne pas posséder de structure partisane à l'échelle européenne. Il existe le Parti des socialistes européens (PSE), le Parti populaire européen (PPE), le Parti européen des libéraux, démocrates et réformateurs (ELDR). Même pour les petits, il existe la Fédération européenne des partis verts (FVPE) et le Parti démocratique des peuples d'Europe pour les partis régionalistes (PDPE-ALE). Il n'y a pas d'équivalent pour les partis communistes, ex-communistes ou ceux qui sont historiquement liés à la famille communiste. Cela pourrait devenir un handicap organisationnel puisque des débats au niveau européen existent afin de créer une ligne budgétaire pour ces fédérations européennes des partis. Or, s'il n'y a pas de fédération européenne des partis communistes, ils ne pourraient éventuellement pas bénéficier de cette ligne budgétaire.

La deuxième difficulté est liée à leurs statuts différents. Dans certains cas, pôle de radicalité anti-système, dans d'autres pôles de la gauche des partis gouvernementaux, aujourd'hui et suivant les systèmes politiques ils ne sont pas les seuls à occuper éventuellement ces statuts. Les partis verts peuvent parfois jouer le rôle de pôle de la gauche de la social-démocratie. Il est intéressant d'observer, d'ailleurs, que là où les partis communistes sont faibles, c'est-à-dire au centre de l'Europe, les partis verts sont relativement forts : Belgique, Pays-Bas, Suisse, Luxembourg, Autriche, Allemagne. Je ne me risquerai pas à dire, sans étude approfondie, qu'il y a une corrélation entre les deux mais l'observation est intéressante. En revanche, les partis verts sont relativement faibles dans les pays scandinaves et dans les pays du Sud de l'Europe, c'est-à-dire là où électoralement il y a un certain espace politique pour les partis communistes ou ex-communistes.

Les formations communistes ou ex-communistes peuvent aussi avoir des concurrents comme pôle de radicalité anti-système, notamment les concurrents à l'extrême gauche. C'est le cas en France avec Lutte ouvrière (lo) et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), mais d'autres systèmes politiques sont aussi concernés. Par exemple, au Pays-Bas, un parti ex-maoïste, le Parti socialiste (SP), a effectué une montée en puissance y compris électorale. On observe le même type de phénomène au Portugal. Il pourrait s'exercer une concurrence et il y a de fait une compétition à l'extrême gauche pour ces partis.

Troisième élément, en certaines circonstances il devient difficile de véritablement de distinguer certaines formations communistes ou ex-communistes de la social-démocratie. Diverses études ont été réalisées à ce sujet, en particulier sur la France mais d'autres Etats comme la Finlande, par exemple.

Néanmoins, à côté de ces difficultés coexistent un certain nombre de potentialités. Tout d'abord, il semblerait que, dans les pays d'Europe, de nouvelles formes de contestations émergent. Par conséquent, en tant que partis contestataires dans certains systèmes, les partis communistes pourraient en bénéficier. D'ailleurs, électoralement des configurations de déclin dans la deuxième moitié des années 1990 cohabitent avec des configurations de progression. Deuxièmement, ces partis ont parfois pu bloquer la percée des partis verts donc « des nouveaux partis » au Nord et au Sud de l'Europe. Au Sud de l'Europe, ils les ont d'ailleurs intégrés dans des coalitions, notamment au Portugal et en Espagne. Les verts espagnols sont dans Izquierda Unida et les verts portugais sont

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depuis toujours dans une alliance électorale avec le Parti communiste portugais. Ils restent donc la force dominante dans ce type de configuration. Selon moi, la perspective principale repose dans leur manière de gérer leur rapport à la social-démocratie. Paradoxalement, il semblerait qu'électoralement leurs performances soient liées à la présence ou à l'absence de la social-démocratie au pouvoir. Ces dernières sont meilleures quand la social-démocratie est sortante du gouvernement que dans les situations où la social-démocratie est dans l'opposition même si les partis socialistes ou sociaux-démocrates obtiennent des mauvais résultats : Espagne Portugal, Grèce, Pays-Bas, Suède. Soulignons que dans certaines situations de quasi-bipartisme (Portugal, Grèce, …), les partis communistes éprouvent plus de difficultés. Dans une certaine mesure le rapport à la social-démocratie sera peut-être l'élément déterminant de leur futur que ce soit au Sud ou au Nord de l'Europe.

Pascal Perrineau. Merci beaucoup pour ce regard qui montre qu'au-delà de l'érosion on assiste à un émiettement à la fois organisationnel, idéologique, fonctionnel majeur de cette famille, même si vous avez eu l'amabilité de terminer par les potentialités de développement. Néanmoins, quand on vous écoute attentivement on sent que l'avenir n'est pas radieux pour ce type de famille. François Platone donc sur le cas, le cas français.

François Platone.

Je voudrais apporter quelques éléments d'information sur l'état des forces du parti communiste français, en faisant presque totalement l'impasse sur la dimension électorale, ce qui faisait partie des conventions initiales de cette série de séances, pour m'attacher plus particulièrement à l'état des forces partisanes en termes d'organisation et d'effectifs militants ou adhérents, puis pour conclure sur quelques questions concernant la nature, les modalités et les perspectives de ce qu'il est convenu d'appeler la « mutation ».

Pour ce qui est de la dimension électorale, je ne ferai que l'évoquer pour mémoire, en signalant que nous sommes là dans un cas de figure qui s'apparente à la première configuration qu'évoquait Pascal Delwit, c'est-à-dire une configuration où le parti communiste se situe dans la zone des 6 %-7 % à 12 %, à vrai dire plutôt au-dessous de 10 %, et avec un contexte historique de déclin très affirmé. Depuis le début de la Cinquième République l'affaiblissement est relativement constant avec une stabilisation à partir du milieu des années 1980 autour de la zone des 10 % (plutôt en dessous en général), l'objectif étant, comme on l'a dit à l'occasion des élections de 1997, de retrouver un « score à deux chiffres ».Cet objectif n'a pas été atteint, et la très médiocre performance réalisée aux élections européennes de 1999 par la liste « Bouge l'Europe », animée par le parti communiste, a même été le presque exact équivalent du plus mauvais score historique du PCF, réalisé par André Lajoinie à l'élection présidentielle de 1988 : 6,8% des suffrages exprimés. L'autre traduction, géographique, de ce déclin, qui illustre bien la nature du repli électoral, est représentée par la série de cartes concernant les élections législatives de 1978 à 1993, qui montre qu'en 1993 il ne subsiste qu'un seul département où le parti dépasse 20 % des suffrages exprimés. Les élections de 1997 ne sont guère plus favorables. Ce sont celles où le parti communiste a approché, avec 9,8 %, le score « à deux chiffres » qu'il espérait.

Il est intéressant de remarquer qu'au-delà de l'ampleur du phénomène du recul électoral - et là nous quittons déjà un peu l'analyse proprement électorale -, la résistance électorale, quand il y en a une, est essentiellement due aux positions institutionnelles du parti communiste. Ce dernier ne

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résiste électoralement que là où il est représenté par des élus sortants, ou par des candidats détenteurs de mandats locaux (maires, conseillers généraux, conseillers régionaux). Lors des élections de 1997 ceux-ci recueillent des scores nettement plus favorables que l'ensemble des candidats communistes. Le PC français est donc confronté à un contexte de déclin quasiment permanent avec une extrême difficulté à stabiliser et a fortiori à accroître son influence électorale.

Venons-en à l'état des forces partisanes (« combien de divisions ?»).

Les effectifs officiels regroupent, à la fin de 1999, 183 878 membres. Cette précision, étonnante, renvoie à celle de 1979 où l'on dénombrait 702 864 adhérents. Il s'agit dans l'un et l'autre cas, évidemment, de chiffres officiels. Pour 1979, l'étude publiée en 1985 par Philippe Buton [1] donnait comme équivalent réel de ces 702 864 adhérents revendiqués une estimation de 520 000 cartes placées à la fin de 1978, ce qui était quand même considérable. En tout cas, le recul est spectaculaire et ne s'atténue pas au cours de la période récente : en 1996, les effectifs officiels étaient de 270 000 adhérents ; ils tombent à 210 000 en 1998, pour arriver aux 183 000 de 1999. La chute est donc permanente. Il faut toutefois nuancer cela par le fait qu'une plus grande transparence et un plus grand réalisme dans la statistique officielle des adhérents du parti communiste ont été mis en œuvre, même si ceux-ci restent probablement un peu surévalués. Je ne m'attarde pas sur les quelques divergences d'évaluations émanant du parti communiste lui-même puisque, pour la fin 1999, l'effectif que je donne est celui fourni par Robert Hue lui-même à l'occasion du procès concernant le financement du PCF, alors qu'au moment du congrès de Martigues (mars 2000), un document faisait état de 204 000 adhérents.

LE P.C.F. : ETAT DES FORCES

Adhérents (officiels) :• Fin 1999 : 183 878 • 1979 : 702 864 • Fin 1996 : 270 000 • Fin 1998 : 210 000

Cellules • Fin 1999 : 13 545 • Fin 1978 : 28 000 • Début 1999 : 12 000

Membres du gouvernement : 2 ministres + 2 secrétaires d'Etat Députés : 1997 : 36 (apparentés compris)Sénateurs : 1998 : 15 (apparentés compris) Députés européens : 1999 : 6 Conseillers régionaux : 1998 : 149 (8.9 %) Conseillers généraux : 1998 : 279 (7.2 %) - 3 présidences Maires : 1995 : 887 (2.4 %) (apparentés compris) 1989 : 1 119 (3.0 %) 1983 : 1 460 (4.0 %)

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Le nombre de cellules, les bases d'organisation du parti communiste, est, lui aussi, en réduction importante : 13 545 à la fin de 1999, contre 28 000 en 1978. Selon Robert Hue, il y en avait 12 000 au début de 1999, - mais la création de 1 500 cellules en 1999 me paraît peu crédible – dont, disait-il, « 30 % à 40 % (…) ne fonctionnent pas véritablement ».

Les autres éléments qui figurent sur le tableau sont intéressants en ce qu'ils concernent les positions institutionnelles : quelles sont les places occupées par le parti communiste dans le système politique en termes de fonctions gouvernementales et de mandats électifs ? (Les données du tableau se rapportent aux effectifs enregistrés à l'issue des derniers renouvellements généraux et sont donc susceptibles d'avoir évolué, marginalement, à l'occasion d'élections partielles).

Il faut s'attarder un peu sur les chiffres concernant les mairies, qui sont relativement décisives pour la capacité de résistance et pour l'implantation du parti. A l'issue des élections municipales de 1995, 877 mairies étaient administrées par des maires communistes ou apparentés (131), ce qui représentait environ 2,5 % de l'effectif des maires français. Or, en 1983, le parti communiste détenait 1 460 mairies, ce qui signifie une perte de presque 600 maires en l'espace de douze ans. A l'issue des élections de 1995, les communes administrées par des maires communistes comptaient 4 500 000 habitants, c'est-à-dire 7,5 % de la population française. En 1977, les municipalités communistes totalisaient 8 641 000 habitants, soit 16 % de la population française : le poids démographique de l'espace municipal communiste s'est donc réduit de moitié en moins de vingt ans. Cela n'est pas sans importance pour la capacité du parti de diffuser ses idées, de se faire connaître, de relayer son action, sans parler des moyens matériels dont disposent les municipalités, et à travers elles le parti.

Autre canal d'influence : le journal L'Humanité. Celui-ci traverse une crise extrêmement grave qui a conduit la direction du parti à le restructurer, à changer sa direction et sa formule, notamment, le 18 mars 1999, en supprimant la mention « journal du Parti communiste français » et l'emblème de la faucille et du marteau qui figurait sur le titre en surimpression. Ce qui n'a pas été sans susciter une certaine émotion chez bon nombre de militants. Et, plus récemment, la persistance et même l'aggravation de la crise financière du journal ont conduit à l'ouverture du capital de L'Humanité, ne laissant au parti lui-même que 40 % du capital. Toutefois, le reste du capital n'échappera pas totalement au contrôle de la direction du parti communiste. En décembre 2000, la diffusion de L'Humanité était estimée à 40 000 exemplaires. Or, elle était, en 1982, de 130 000, et en mars 1999 de 52 000. De nouveau l'indicateur ne prête pas franchement à l'optimisme.

Autre type de relais dont peut bénéficier le parti communiste pour son influence et pour ses contacts avec les non communistes: le relais syndical et associatif. L'influence du parti et des communistes en général a toujours été importante dans le milieu syndical, en tout premier lieu dans la CGT, qui a longtemps été le premier syndicat français. Cette influence est doublement battue en brèche, d'une part par la perte d'influence de la CGT elle-même, et d'autre part par l'autonomisation de la CGT par rapport à la direction du parti. Autonomisation, d'ailleurs, à laquelle le parti ne s'oppose pas - mais en aurait-il les moyens ? Il en va de même, à bien des égards, avec ce qu'on appelait traditionnellement les « organisations de masse », c'est-à-dire les organisations à enjeu spécifique au sein desquelles communistes et non communistes militaient pour des objectifs communs. Ces organisations de masse sont soit en déclin et en voie de déliquescence (je pense en particulier au Mouvement de la paix, qui a longtemps été une organisation assez puissante), soit en très forte autonomisation, voire en indépendance à peu près

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totale vis-à-vis de la ligne du parti, et je pense ici au MRAP, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, qui adopte des positions qui ne doivent pas grand chose à la ligne du parti et qui, par exemple, s'est prononcé pour la libération de Maurice Papon, d'où des réactions assez vives chez un certain nombre de communistes.

Voilà quelques indications sur l'état des forces du parti lui-même et sur ce dont il dispose pour le représenter dans le pays et pour son influence militante. L'influence militante est également liée à ce que sont les adhérents même du parti, dont, on l'a vu, le nombre est en forte diminution.

Je voudrais donner quelques indications issues de l'enquête que Jean Ranger et moi-même avons menée sur la population des adhérents de 1997 [2] . Quelles sont les grandes lignes permettant de caractériser la population des adhérents communistes et son évolution par rapport à 1979, date de la précédente enquête du même type [3] ?

On observe d'abord une forte concentration des adhérents dans les grandes agglomérations (plus de 100 000 habitants) et notamment celle de Paris. Cette concentration accompagne dans une certaine mesure la tendance générale de la population française mais l'accentue très sensiblement. S'agissant de la composition de la population communiste, le premier phénomène majeur est la féminisation du parti communiste. Le parti communiste est le parti le plus féminin, ou le plus féminisé, de France : plus que le parti socialiste, qui ne compte que 26,7 % de femmes dans ses effectifs, et plus que les Verts, qui comptent 30,5 % de femmes. Le parti communiste, en 1997, compte près de 40 % de femmes, ce qui est un peu plus qu'en 1979 (35 %). Cette féminisation, certes, persiste, mais il faut signaler qu'elle marque le pas. Au cours des toutes dernières années, les adhésions au parti sont marquées par une moindre féminisation. Celle-ci se ralentit donc, et je ne sais pas si ce phénomène est conjoncturel ou s'il est appelé à être durable.

Le deuxième des trois phénomènes majeurs qui marquent l'évolution de la population communiste est le très sensible vieillissement de l'effectif communiste, qui se répercutera nécessairement sur les perspectives d'évolution de l'influence du parti. En 1979, la moyenne d'âge des adhérents du parti était de 42 ans et 6 mois. En 1997 elle atteint 48 ans et 7 mois. L'âge moyen des adhérents communistes s'est donc élevé de 6 ans depuis 1979. Ce qui est, évidemment, tout à fait préoccupant pour la direction du parti. Ceci est à nuancer, cependant, par le fait qu'avec ses médiocres performances, le parti communiste n'est pas plus mal loti que les autres partis français et notamment que ses partenaires immédiats de la gauche plurielle, puisque les adhérents du parti socialiste ont une moyenne d'âge de 55 ans et 4 mois. De même, le parti communiste est à peine plus vieux que les Verts, qui ont en moyenne 47 ans et 1 mois : la différence n'est pas extrêmement sensible. Mais, au-delà du niveau même de l'âge, la tendance très sensible au vieillissement accéléré de la population communiste est un phénomène plus inquiétant.

Dernière caractéristique importante de cette population d'adhérents : sa composition sociale.

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ADHERENTS DU PCF EN 1979 ET 1997 : DISTRIBUTION SOCIO-PROFESSIONNELLE DES ACTIFS

% de la population âgée de 15 ans et plus   1979 1997 

 

Adhérents  PCF 

Population française 

Adhérents  PCF 

Population  française 

Agriculteurs exploitants   3.4 6.2 1.6  2.7 

Commerçants, artisans, industriels   5.3 7.4 3.2  6.6 

Prof. libérales, cadres supérieurs   4.9 7.7 11.3  12.5 

Prof. intermédiaires, cadres moyens   14.7 13.8 19.8  20.2 

Employés et pers. de service   25.4 28.5 32.9  30.2 

Ouvriers, salariés agricoles  46.5 36.4 31.3  27.7 

    100.0 100.0 100.0  100.0 

Les ouvriers restent légèrement sur-représentés, par rapport à leur poids dans la population française d'ensemble, dans le parti communiste où ils pèsent en 1997 pour 31,3 % de l'effectif. C'est un très fort recul par rapport à 1979 où ils pesaient pour 46,5 %. Ceci est évidemment à relier avec l'évolution de la population française dans son ensemble, mais avec une accentuation de la diminution du poids des ouvriers dans le parti communiste. Désormais les employés sont plus nombreux que les ouvriers dans la population communiste et ils sont même légèrement sur-représentés par rapport à leur poids dans la population française alors qu'ils étaient sous-représentés en 1979. Plus généralement, d'ailleurs, le recrutement du parti s'effectue plus facilement chez les salariés moyens et supérieurs que chez les ouvriers, la place des professions indépendantes étant, quant à elle, marginale. Les agriculteurs sont en voie de disparition, mais ce n'est pas spécifique au Parti communiste.

Plus généralement, on a un parti dans lequel les actifs pèsent sensiblement moins qu'en 1979.

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ACTIFS ET INACTIFS PARMI LES ADHERENTS DU PCF EN 1979 ET EN 1997

% de la population âgée de 15 ans et plus

Adhérents du PCF 1979

Population française 1982

Adhérents du PCF 1997

Population française 1998

Actifs ayant un emploi 69.1 49.9 52.0 47.7

Retraités 15.5 17.3 24.5 21.7

Autres inactifs et chômeurs

15.4 32.8 23.5 30.6

- 100.0 100.0 100.0 100.0

Le poids des actifs ayant un emploi dans le parti communiste en 1997 est de 52 % contre 69 % en 1979. Là encore, l'évolution de la population française n'explique pas tout. Le phénomène que connaît l'ensemble de la population est accentué . Par conséquent le parti comprend une forte proportion de retraités qui représentent maintenant environ un quart des adhérents. Les chômeurs eux aussi augmentent.

Pour résumer, en 1979, le parti communiste pouvait être défini comme un parti relativement jeune, un parti d'actifs caractérisé par le poids des ouvriers et par une féminisation limitée mais croissante. Tous ces caractères sont en voie d'atténuation, ou ont disparu. Cette évolution n'est pas extrêmement encourageante pour le dynamisme du parti communiste.

Enfin, l'ancienneté moyenne, la durée d'appartenance au parti communiste des adhérents actuels est d'un peu plus de dix-sept ans, et surtout il y a une très grande difficulté pour renouveler les effectifs, dont on peut prendre la mesure en comparant les distributions respectives des adhérents par périodes d'adhésions en 1979 et en 1997. Si on prend comme population de référence les adhérents qui ont moins de huit ans d'ancienneté dans le parti (qui ont adhéré au cours des huit années précédant l'enquête), ils représentent en 1979 59 % de l'effectif du parti ; en 1997, les adhérents des huit dernières années ne représentent plus que 39 % des adhérents. Les adhérents récents sont donc beaucoup moins nombreux qu'en 1979, ce qui indique une très grande difficulté à renouveler le parti. On retrouve des phénomènes analogues dans les pratiques militantes, notamment en ce qui concerne la lecture de L'Humanité. Plus ils sont jeunes et récemment entrés dans le parti, moins les communistes lisent L'Humanité. D'autre part, L'Humanité est plus lue par les adhérents appartenant aux catégories sociales moyennes ou supérieures que par ceux des catégories populaires, employés et ouvriers. Enfin, en termes de militantisme, environ 30 % des adhérents du parti peuvent être considérés comme n'étant pas militants. Ils déclarent consacrer moins d'une heure par mois à leur parti, alors que 20 % militent assez fortement en indiquant qu'ils consacrent plus de dix heures par mois au parti (déclaration probablement surestimée par rapport à l'ensemble des adhérents pour des raisons de définition de l'échantillon).

Sur le problème de la « mutation » , je voudrais d'abord en marquer quelques caractéristiques afin d'indiquer quels sont les étapes, le contenu, les ambitions affichées.

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L'évolution, exprimée par l'entreprise de mutation, relève du type d'évolution auquel Pascal Delwit donnait le numéro 4 dans sa classification, c'est-à-dire une tentative de rénovation en gardant le label communiste. C'est à l'évidence de cette catégorie-là que relève l'entreprise de mutation. Celle-ci trouve son origine dans le constat du déclin et de l'inadéquation du parti communiste et de son fonctionnement à l'évolution de la société française, dans le constat de la perte d'influence multiforme qu'on peut observer depuis les années 1980. Concrètement, elle démarre avec l'accession de Robert Hue à la tête du PCF en décembre 1994, au poste de secrétaire national.

L'objectif que Robert Hue donne à cette entreprise consiste à changer les comportements et la stratégie politique du parti communiste, tout en restant communiste, dit-il. Une grande part de la difficulté, de l'ambiguïté du propos est de savoir ce qu'il entend par là : faire autre chose que ce qu'était le parti communiste tout en « restant communiste ». Cette démarche va être entérinée, d'abord, en décembre 1996 par le 29e congrès du PCF à la Défense et va se traduire, dans les faits, par une très sensible prise de distance, qui était déjà amorcée antérieurement, avec le modèle soviétique. Cette prise de distance se transforme rapidement en dénonciation catégorique, Robert Hue utilisant récemment le terme de « monstruosités » pour qualifier certains des phénomènes qui ont caractérisé le régime soviétique et les régimes qui lui étaient liés. D'où un recentrage des références historiques et de l'écriture de l'histoire du parti sur les traditions nationales. On n'a jamais autant parlé de Jaurès dans le parti communiste que depuis quelques années. D'ailleurs, des réunions régulières, où se déroulent des débats entre communistes et « amis de L'Humanité » notamment, se tiennent au café du Croissant, et ce n'est évidemment pas un hasard.

Lors du congrès de Martigues (30e congrès du parti) en mars 2000, la décision a été prise de concrétiser cette entreprise de mutation en se dirigeant vers un « nouveau parti communiste ». On entre là dans une problématique qui présente des analogies avec celle de la « cosa » (« la chose »), comme disaient les Italiens, c'est-à-dire quelque chose qui n'est plus tout à fait l'ancien parti communiste et qui n'est pas encore…on ne sait pas quoi, d'ailleurs. C'est l'idée qu'il va falloir édifier un nouveau parti communiste, reconstruire, refonder un parti communiste. Ce sera l'un des objets du prochain congrès, annoncé pour le mois d'octobre 2001, où seront adoptés de nouveaux statuts et un projet dans le cadre duquel pourra se développer ensuite la candidature communiste à l'élection présidentielle.

Qu'implique cette mutation sur le plan idéologique? Elle continue à définir l'objectif du parti comme une lutte contre le capitalisme, contre le libéralisme, mais le terme a changé depuis quelques années. On ne parle plus d'abolition du capitalisme ni même de suppression mais de « dépassement », la notion restant à certains égards un peu floue. Sur le plan idéologique encore, l'accent est mis sur l'individu, la personne humaine, par opposition à l'accent traditionnellement mis sur « les masses » dans le discours et dans la démarche communiste traditionnelle. Il s'agit désormais de l'individu, de son épanouissement, de sa « souveraineté », du pouvoir dont il doit jouir et de l'égalité dont il doit bénéficier vis-à-vis de ses semblables, avec, évidemment, l'ambition de supprimer les inégalités, de lutter contre la priorité de l'argent qui domine notre société : voilà ce qui caractérise ce qu'on appelle maintenant « la visée communiste ».

La stratégie adoptée pour servir ce projet est, d'abord, la participation aux lieux de pouvoir, y compris au gouvernement, ce qui se passe actuellement dans le cadre de la gauche dite plurielle, puis, au-delà du niveau institutionnel, une stratégie de liens systématiques avec les non

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communistes et avec ceux que les dirigeants du PCF considèrent comme des communistes en puissance, des « communistes sans carte », qui sont regroupés assez souvent sous le vocable de « force communiste ». La « force communiste » est, pour les dirigeants du pc, constituée par l'ensemble de ceux qui sont susceptibles de partager les objectifs du parti communiste, de lutter contre le libéralisme, contre la mondialisation et de mener des luttes en commun avec les militants du parti. Les adhérents du parti, sont vivement encouragés à rencontrer, à retrouver ces non communistes, membres potentiels d'une force communiste dans des lieux qui peuvent être des « réseaux », ou encore ce que le parti communiste a essayé de constituer sous le vocable d' « espaces citoyens », pour des objectifs délimités, spécifiques : réseaux de jeunes, de femmes, de lutte contre l'insécurité, contre la toxicomanie etc…, qui, quelquefois, ne sont pas sans évoquer ce qu'on a connu à travers les coordinations. Toutefois, ces coordinations se développaient sur la base de luttes ponctuelles et généralement très visibles, prenant des formes explosives, alors que, là, il s'agirait plutôt d'un travail continu, de relations persistantes. La liste "Bouge l'Europe" aux élections européennes a illustré cette stratégie qui met au premier plan les relations avec les non communistes. Elle était constituée sur la base d'une double parité: hommes-femmes, mais aussi communistes-non communistes. La moitié des membres de cette liste n'appartenaient pas au parti communiste. Le congrès de Martigues, à certains égards, a prolongé cette démarche en faisant entrer directement à la direction du parti un certain nombre de personnalités, généralement dotées, soit d'une représentativité dans le mouvement social, soit d'une visibilité médiatique, qui n'étaient pas encore membres du parti une semaine auparavant. Cet accent mis sur les relations avec les non communistes entraîne des conséquences tout à fait importantes, qui peuvent être source de préoccupation, quant à l'organisation et l'appareil du parti.

Dernier point : l'organisation du parti communiste français. Le pcf a longtemps été un objet de dérision multiforme. Certains se rappellent l'époque où on mettait le c de pcf entre guillemets. C'était généralement le fait des gauchistes qui considéraient que le parti communiste n'avait de communiste que le nom. D'autres mettaient le f entre guillemets, principalement ceux qui trouvaient que le parti communiste, selon une formule de l'époque, n'était pas « à gauche », mais « à l'Est . Aujourd'hui, ne faudrait-il pas mettre le p entre guillemets ? S'agit-il toujours d'un parti ? La question ne manque pas forcément de pertinence. Le point de départ de l'évolution qui peut la susciter est l'abandon d'un mode de fonctionnement, celui du « centralisme démocratique » , évidemment lié à la référence soviétique, au modèle léniniste de parti, quasi militaire à bien des égards, impliquant un système de relations verticales et de discipline au sein du parti, excluant, notamment, l'expression des divergences à l'extérieur du parti et la constitution de toute tendance ou ébauche de tendance susceptible de s'organiser.

L'entreprise de mutation a débouché sur une réelle libération de l'expression interne et externe des membres du parti communiste. On observe maintenant une liberté de parole au sein du parti qui n'a rien à envier à celle qu'on trouve dans les autres partis. De ce point de vue, il y a un incontestable succès dans la libération de l'expression. Cela implique le risque, qui préexistait d'ailleurs à cette démarche, de la constitution de tendances organisées qui n'osent pas dire leur nom ou qui, quelquefois, le disent et qui se sont dotées d'organes d'expression spécifiques et ont tenu des réunions. Cela a même suscité des incidents, notamment au mois de janvier 2001, quand Robert Hue s'est plaint de ce qu'un certain nombre de militants et responsables du parti avaient tenu à Saint-Denis une réunion « convoquée dans des conditions clandestines », que certains ont qualifiée de « fractionnelle ».

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Il y a donc une certaine crise de l'appareil proprement dit, appareil qui a longtemps fait la force du parti communiste, en même temps qu'il contribuait à sa sclérose. Celui ci fonctionne mal. De nombreuses cellules dépérissent. En outre, les adhérents ont tendance à les délaisser au profit des modes de contacts extérieurs, encouragés par la direction du parti, avec les non communistes : réseaux, espaces citoyens etc.... La faiblesse matérielle du parti, notamment en matière financière, se traduit par une faiblesse administrative. Les fédérations, par exemple, ont des appareils qui, dans bien des cas, vivotent et éprouvent des difficultés à affronter les tâches d'administration du parti. Au niveau de l'appareil central, on assiste à une vaste entreprise de réduction des effectifs et de remise en ordre financière. Il s'agit alors de revivifier l'organisation même du parti, car il semble que les dirigeants aient pris conscience du fait, qu'à force de trop regarder vers l'extérieur, on négligeait ce qui se passait à l'intérieur. C'est un des objectifs assignés aux nouveaux statuts, qui doivent être soumis au prochain congrès. Actuellement, comme le dit Patrice Cohen-Seat, dirigeant du parti chargé de préparer le rapport de la commission de rénovation des statuts, l'organisation du parti est « dans un entre-deux préjudiciable ».

La définition de ce qu'est le rapport des adhérents à leur parti et celle du processus même de l'adhésion illustre cette crise. L'adhésion, acte formel extrêmement important pour tous les partis politiques et, en particulier, pour le parti communiste, s'effectuait traditionnellement par le biais de ce qu'on appelait « la reprise des cartes », puis « la remise des cartes » c'est-à-dire, annuellement, la réunion où les communistes donnaient ou renouvelaient leur adhésion en (re)prenant leur carte pour l'année qui commençait. Or, on assiste à un mode de remise des cartes pour la nouvelle année qui se fait de plus en plus par la poste, c'est-à-dire sans contact direct avec les adhérents. Il n'est pas absolument certain que cela garantisse la vitalité du fonctionnement du parti. En outre, fait extrêmement pittoresque sinon saugrenu, un adhérent du parti sera toujours considéré comme communiste tant qu'il n'aura pas manifesté explicitement qu'il ne l'est plus, même s'il ne reprend pas sa carte.

« Efficacité oblige : la carte 2001 sera envoyée par La Poste quand la possibilité d'aller plus vite pour la remettre n'existe pas.(…) Dans la foulée, on se dit qu'il n'y a aucune raison pour qu'un adhérent se perçoive adhérent du PCF le 31 décembre et qu'il n'en soit plus ainsi le 1er janvier, puisqu'il n'aurait pas sa nouvelle carte. On s'oriente donc vers le principe qu'un communiste est adhérent depuis sa date d'adhésion jusqu'au moment où il décide de ne plus l'être. »

Dominique Bègles, L'Humanité , 12 février 2001

On s'oriente vers le principe qu'un communiste est adhérent depuis sa date d'adhésion, qui peut remonter à quelques années, « jusqu'au moment où il décide de ne plus l'être ». Comment voit-on qu'il décide de ne plus l'être si on lui envoie sa carte et qu'il ne se manifeste pas ? On n'en sait rien. Cela présage quelques belles discussions sur l'évaluation des effectifs du parti dans les années à venir.

Quel regard les adhérents portent-ils sur cette mutation ? Ce regard est, dans l'ensemble, positif.

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En considérant le Parti communiste au cours des dernières années, avec laquelle de ces opinions êtes-vous le plus d’accord ?

 Nombre  % total  % valide

Le PCF a changé de façon positive, car il s’est modernisé 381  36.7  37.9

Le PCF a commencé à changer, mais pas assez 408  39.3  40.6

Le PCF n’a pas vraiment changé  30  2.9  3.0

Le PCF a changé de façon négative, car il perd une partie de son identité 185  17.8  18.4

                        Sans réponse  34  3.3  ‐

Total  1038  100  100

Les adhérents du parti, tels qu'on les a approchés dans notre enquête, ont une image plutôt positive de leur parti. Pour 3 % seulement de ceux qui se prononcent, il n'y a pas de véritable changement. Cette tendance est donc marginale. Pour 38 % le changement est positif mais ils n'en demandent guère plus ; pour 41 % le changement ne va pas assez loin, il est positif mais insuffisant ; et enfin 18 % le considèrent comme négatif car il remet en cause l'identité du parti. On peut donc estimer à un peu moins du cinquième des adhérents ceux qui sont réfractaires à l'entreprise de mutation telle qu'elle se développe. Il faut, à cet égard, se garder d'une interprétation trop rapide de ce refus de la mutation. Il ne s'agit pas d'une cohorte de vieux staliniens adhérents depuis plus de quarante ans. Ce n'est pas du tout cela. Il y a là des individus de toutes les générations, de toutes les périodes d'adhésion. C'est un phénomène beaucoup plus complexe que ce qu'on pourrait penser à première vue.

Pour conclure, que signifie et quel est l'avenir de cette mutation ? Est-ce que la perspective est celle d'une renaissance ou s'agit-il d'une simple fuite en avant ? Ceux d'entre nous qui ont eu l'occasion d'observer sur le terrain la vie du parti communiste, d'être au contact de militants communistes, ont pu observer une très grande inquiétude, en tout cas, au minimum, une incertitude, et très souvent un véritable désarroi chez les adhérents du parti, qui ne savent pas ce que va devenir celui-ci, où il va, quel va être son projet et comment il va fonctionner. Il y a une véritable crise d'identité. Comme toute crise, elle peut déboucher sur une reconstruction, mais elle peut aussi être fatale. Il est d'ailleurs inquiétant, pour l'avenir du parti, d'assister à la multiplication d'entreprises qui relèvent plus du coup médiatique, d'opérations spectaculaires que de l'élaboration d'un projet ou d'une politique soutenus et mus par une idée directrice perceptible et cohérente. Quelques exemples : la liste « Bouge l'Europe » qui a connu un échec, alors qu'elle affichait des personnalités tout à fait médiatiques ; la fameuse « soirée Prada » qui a consisté à confier les locaux de la place du colonel Fabien au couturier Prada pour une soirée privée, en octobre 2000 ; la fête techno organisée dans les mêmes locaux pour le quatre-vingtième anniversaire du parti communiste. On a le sentiment que le parti communiste court un peu après la visibilité médiatique, les événements spectaculaires, et que ce parti célèbre pour ses manifestants de choc, donne maintenant dans la

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manifestation chic. C'est aussi illustré par le fait que Pierre Bergé, pdg de Saint-Laurent, a été pressenti par certains, même si cela n'est pas allé très loin, pour être candidat aux élections municipales en tête de liste communiste. On attache en outre une importance discutable à ce qui ne constitue jamais que des épiphénomènes. Ainsi, on se félicite de la bonne image du parti auprès d'un certain nombre de personnalités, certes estimables, mais dont le poids politique est assez relatif comme Francis Cabrel, Patrick Bruel, Lio, Eddy Mitchell…Cela n'est pas, semble-t-il, le gage d'un approfondissement de l'influence communiste, et le résultat, c'est quand même qu'on a un parti dont l'image est extrêmement brouillée, y compris aux yeux de ses propres militants. L'image n'est pas catastrophique, mais c'est un parti qui ne fait même plus peur et on ne sait pas très bien ce qu'il est, ni a fortiori ce qu'il va être.

« Nous sommes passés d'un capital d'antipathie assez fort contre un PC bien identifié, à un capital sympathie non négligeable pour un PC flou, voire confus » Makan Rafatdjou, membre du Conseil national du PCF

Pour terminer, je citerai une phrase de Robert Hue qui déclarait, le 27 août 2000, à l'université d'été du parti à Port de Bouc : « Il n'est écrit nulle part qu'il doit y avoir nécessairement un parti communiste fort et influent dans la France du XXIe siècle. »

Pascal Perrineau . Merci, François Platone, de cette conclusion pleine d'optimisme pour le Parti communiste.

François Platone . Je n'ai pas eu le temps de développer les aspects optimistes mais je peux le faire. Cela ira vite.

Question à Monsieur Delwit. Evidemment, c'est difficile de synthétiser le statut des pc en Europe vu l'extrême diversité. En même temps, quand je vois les partis qui sont dans le créneau des 6 %, 12 %, à part le Portugal qui est vraiment un cas, les autres, Suède, Espagne, Grèce, Finlande et même, d'une certaine mesure, l'ex-RDA, n'y a-t-il pas dans l'explication de leur maintien une certaine orientation critique à l'égard du soviétisme à partir d'une certaine époque ? Le cas de la RDA est certes particulier même s'il y a eu quand même cette situation-là. D'autre part, sur l'exposé de M. Platone, je partage l'idée que le débat porte sur le communisme aujourd'hui, quid du communisme ? Mais il porte aussi beaucoup sur quid du parti ? Est-ce qu'il forme encore un parti (ce qui n'est pas forcément d'ailleurs une question propre au PCF) ? Une forte interrogation se pose sur aller vers un mouvement, des clubs. J'observe que, par exemple, le b.a ba d'un parti, est de participer aux élections. Or la participation aux élections est de moins en moins évidente. Par exemple, prenez les cantonales. Je ne sais pas où en est le dernier chiffre. La non participation du PC, depuis plusieurs mois maintenant, fut flagrante aux cantonales partielles. Les cantonales du week-end prochain connaîtront aussi des absences, ce qui n'est pas seulement dû à des faiblesses, parce que, traditionnellement, la participation est un point fort.

Pascal Delwit. Je suis dubitatif par rapport à l'idée qu'il y ait une relation entre les performances électorales dans les années 1990 et une vision critique ou une autocritique, en l'occurrence, à l'endroit de l'Union soviétique et de ce qu’ont été les démocraties populaires. Il n'y a pas que le Portugal. Le cas de la Grèce est vraiment intéressant de ce point de vue. En Grèce, le Parti communiste grec est passé par deux étapes. La première relevait de la tentative d'autocritique, de réflexion et de rapprochement avec l'ex-Parti communiste de l'intérieur : ils se sont présentés à une

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reprise aux élections ensemble. Puis le mouvement fut stoppé. Cette orientation était minoritaire et l'on est revenu à une position très orthodoxe en ignorant quasiment ce qui s'est passé en 1989. C'est cela qui est le plus marquant. Il n'y a même pas une réflexion, on fait comme si cela ne s'était pas passé. A la limite, on pourrait mettre le même texte qu'au début des années 1980 sauf qu'il n'y a plus les mots Union soviétique. Ce qui n'empêche que les performances électorales du Parti communiste grec ne soient ni bonnes ni mauvaises par rapport aux autres. Ou pour prendre un exemple inverse, c'est le cas des Espagnols. Ce parti, dans les années 1970, sous la houlette de Santiago Carrillo, a changé dans une perspective eurocommuniste et d'inscription dans le « communisme occidental ». Cette orientation n'a pas été mise en cause. Qu'observe-t-on ? Ce parti obtenait 9,6 % aux élections de 1993 et 10 % aux élections de 1996. Mais lors du scrutin national de 2000, il n'a capté que 5 % de l'électorat. Il a donc confronté à la perte de la moitié de ses électeurs (en réalité plus de la moitié de ses électeurs, puisque et j'embraie partiellement sur ce que vous disiez, l'abstention a augmenté à l'élection de 2000, en Espagne). On pourrait même aborder le cas de l'Italie puisque, la courbe électorale du Parti communiste italien et du PDS dans les années 1980 et 1990, est sensiblement inférieure à ce qu'obtenait le PCI dans les années 1960 et 1970. Je ne crois pas qu'il y ait de lien spécifique entre la critique et les performances électorales. Il me semble que c'est intervenu avant, c'est-à-dire dans les années 1980, où, dans la plupart des pays d'ailleurs, on observe une évolution de la courbe électorale relative à l'évolution de la courbe de sympathie à l'endroit de l'Union soviétique, en étant un peu schématique.

Depuis la chute du mur de Berlin certains se stabilisent, qu'ils soient orthodoxes ou néo-libertaires autour de 7 % à 12 % et le niveau élevé ou bas du parti me semble plus lié à des considérations d'ordre intérieur qu'à des considérations d'ordre extérieur. Le parti communiste au Portugal est plutôt dans une phase légèrement ascendante tandis que la Gauche unie en Espagne est plutôt dans une phase descendante et dans un rapport spécifique et complexe au Parti socialiste du système, je pense. Les partis marginaux l'étaient déjà à la fin des années 1980. Le cas belge est intéressant, puisqu'il perd sa représentation parlementaire en 1985. Le cas hollandais aurait été intéressant aussi. En fait, quand il proclame son autodissolution, il est quasi à la marge du système politique. Même chose pour les Luxembourgeois. Le Parti communiste luxembourgeois est un parti intéressant mais c'est un parti qui a perdu toute son influence. Or il avait une certaine influence dans les années 1980. Donc la marginalisation a été accélérée par la chute du mur de Berlin mais l'entrée en marginalité précédait la chute du mur de Berlin.

Question à Monsieur Platone. Sur le problème de la forme parti, l'éventuel dépassement de la forme parti comme mode d'action politique a été un des thèmes centraux de ceux qu'on a appelés et qu'on continue à appeler dans le parti les refondateurs. Ils ont d'ailleurs mis en cause ce qu'était le Parti communiste et, au-delà de l'exemple concret du PCF, les partis politiques tels qu'ils existent, avec une structure formelle, avec une polyvalence des objectifs, au profit de liens plus souples, plus diversifiés avec ceux des citoyens qui ne souhaitent pas s'engager de façon globale dans un mouvement structuré, qui souhaitent rester libres de leurs mouvements. Ceci était évidemment contemporain du développement de ce qu'on a appelé les mouvements sociaux où il y avait une capacité de mobilisation d'un certain nombre de citoyens qui répugnaient à se mobiliser lors des occasions institutionnelles telles que les élections ou dans des cadres tels que ceux des grandes organisations partisanes ou syndicales d'ailleurs. Le problème était un peu le même. Je ne suis pas absolument certain, mais là on entre un peu dans le débat d'opinion, qu'on ne soit pas là en présence de quelque chose que j'appelle la fuite en avant. L'existence d'une

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structure permanente et organisée s'est révélée être dans la majorité des cas et des partis un gage de résistance dans les périodes de basses eaux. Quand les mouvements sociaux ont le vent en poupe, il est positif d'être partie prenante dans un dynamisme éruptif, à certains égards, de la population et de participer à ces mouvements. Mais, souvent ces mouvements sont sans lendemain, d'où le rôle des partis organisés dont le caractère précisément est d'être organisé et d'être permanent. Je crois que les deux caractéristiques qui font l'avantage des structures partisanes par rapport aux structures éphémères ou par rapport aux structures à enjeu unique, à objectif unique, qu'il s'agisse de la lutte contre le racisme, contre le sexisme, contre l'homophobie, contre la mondialisation et cetera, l'avantage d'une structure polyvalente, est d'être la seule à prétendre pouvoir exercer le pouvoir tout simplement. Rappelons-nous, une des définitions classiques, qu'on apprend à Sciences Po, des partis politiques : c'est un rassemblement organisé dans le temps et dans l'espace et qui a pour objectif la prise du pouvoir en s'appuyant sur l'expression du peuple, sur la volonté populaire manifestée de façon démocratique. La volonté de prise du pouvoir stipule la capacité à articuler un projet relativement cohérent. Or qui va se charger de la mise en cohérence des diverses actions, aussi dynamiques soient-elles, aussi sympathiques soient-elles, qui caractérisent les divers mouvements sociaux et dans le cadre desquelles communistes et non communistes peuvent mener des luttes communes ? A certains égards, la formule de la belle époque stalinienne répondait à cette question. Il y a d'une part le parti et d'autre part les organisations de masse dans lesquelles les militants du parti jouent un rôle éminent, ce qui était une façon pudique de dire qu'ils les contrôlaient totalement. Grâce à cela on peut développer l'audience du parti, de ses objectifs et du mouvement vers une société qu'on dit être plus juste, communiste et cetera de concert sur certains points, sur certaines avancées avec d'autres qui ne sont pas tout à fait communistes ou en tout cas qui ne le sont pas de la même façon. Si on dépouille ce qu'a été la réalité de l'articulation parti mouvement de masse de son caractère artificiellement démocratique, qui ne l'était pas du tout à vrai dire, qu'est-ce qui va jouer le rôle de la mise en cohérence, le rôle que joue le parti dans ces activités multiples ? Je ne suis pas sûr que le renouvellement des concepts puisse se faire à l'infini. On est dans une logique de groupe de pression, dans une logique sectorielle. Mais pour gouverner, il faut se présenter devant le peuple avec quelque chose de relativement cohérent. Ainsi, qu'on appelle cela parti ou non, qui va s'en charger ? D'ailleurs, si on lit, et encore une fois je vous encourage à le faire, le rapport de Patrice Cohen-Seat au dernier comité national du parti du 27 janvier, il prend la mesure de la difficulté lorsqu'il distingue dans les nouveaux statuts deux modes d'activités des adhérents du parti ou deux lieux, d'activités communistes : un lieu où s'exerce ce qu'il appelle la souveraineté des adhérents du parti et qui sera alors l'appareil, la cellule, la section et un autre lieu où se décideront des avancées programmatiques, des actions à mener, des programmes, des projets. Il dissocie ce lieu de souveraineté du lieu de l'action politique susceptible de rassembler au-delà des rangs du parti. C'est a priori assez séduisant. Je demande à voir comment cela marche concrètement. Il y a un dernier point qui me paraît totalement passé sous silence et pour dire le fond de ma pensée extrêmement grave, compte tenu de ce qu'est la vocation traditionnelle des partis communistes et quasiment leur seule raison d'être. C'est ce qui relève dans une certaine mesure de ce que Georges Lavau appelait la fonction tribunicienne, c'est-à-dire la prise en charge et la promotion et la représentation des catégories sociales qui sont laissées sur le bord du chemin par le système politique et par le système économique. Ce n'est pas forcément une perspective misérabiliste. Mais cette fraction de la population ne bénéficie pas ou n'a pas le sentiment de bénéficier du système et, par conséquent, reste en marge, dans le meilleur des cas en s'abstenant, dans le pire des cas en rejoignant des forces anti-système qui peuvent être les plus dangereuses. J'ai passé sous silence la

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concurrence du Front national dans les années 1980, qui s'est construite en partie non pas sur les dépouilles électorales du Parti communiste mais sur son absence d'un certain nombre de terrains. Qui prend en charge cette population à laquelle les autres forces ne prêtent qu'une attention très modérée, très modeste ? Ainsi, l'espace politique pour le Parti communiste et son avenir dans le système politique français se situe là où la concurrence de la social-démocratie est la plus faible, c'est-à-dire dans la représentation de ces catégories, pas d'elles seules sûrement mais dans leur représentation. Dans le cadre de cette fonction tribunicienne mais qui ne se limite pas à cela, il y a le rôle d'ascenseur social que jouait le Parti communiste. La promotion d'un personnel politique, c'est un petit peu comme quand on veut faire entrer les lycéens des ZEP à Sciences Po, il faut aller les chercher là où ils sont. Or, dans les réseaux, dans les coordinations, dans les espaces citoyens, on retrouve des individus qui sont déjà pour une bonne part des militants ou qui ont un peu la fibre militante, qui ont du temps pour militer, qui ont la parole facile, c'est-à-dire ceux déjà socialisés à la politique. Or qui va jouer le rôle de socialisation, de promotion, de formation ? L''appareil de formation du Parti communiste est en totale déliquescence, les écoles du parti n'existent quasiment plus. Il existait une filière qui permettait à la fois de représenter mais aussi de former un personnel politique, mais elle est totalement laissée à l'écart par les filières de formation institutionnelles, éducation nationale et cetera et par les autres partis politiques. Je prétends que l'absence d'un parti politique organisé favorise cet abandon. Mais on peut en discuter.

Question : Je voudrais revenir sur le cas allemand, que je connais. J'aimerais savoir s'il y a un arrière-fond de ce que François Platone mentionnait par rapport à la fonction tribunicienne, s'il y a un profil régionaliste des partis communistes qui va au-delà du cas particulier allemand. Le PDS en Allemagne a un électorat assez hétéroclite avec des membres du sed allemand, des jeunes adhérents du parti et beaucoup de potentiel protestataire, de personnes qui se sentent délaissés, exclues socialement, politiquement par le processus économique mais aussi par la façon dont la réunification allemande a été faite. Je désirerais savoir si, dans cet objectif d'un mouvement régionaliste, des ressemblances existent entre les différents partis communistes en Europe qui vont au-delà de cette particularité allemande qui est bien sûr due à la réunification.

Réponse : Je crois qu'il n'y a évidemment aucun cas qui puisse s'assimiler à la situation du PDS dans les Länder orientaux et donc dans l'Allemagne d'aujourd'hui. Il y a parfois des circonstances mais on pourrait l'observer pour tous les partis d'ailleurs, où les partis sont de fait partiellement porteurs des intérêts d'une région ou de catégories sociales spécifiquement implantées dans une région. On peut prendre l'exemple du Portugal, qui est un pays avec une géographie électorale très typée avec une ligne de partage entre Lisbonne et Porto. Au Nord de la ligne de partage, le vote de centre droit domine et en deçà le vote de centre gauche est plutôt majoritaire. Le psp et le Parti communiste portugais reçoivent davantage d'audience en deçà de Lisbonne donc l'Alentejo ou Setubal, par exemple, ce qui est à relier aux conditions du développement paysan et industriel du Portugal. Le Parti communiste portugais reste fort, par exemple, dans cette région du Sud de Lisbonne mais sans les mêmes caractéristiques que le PDS en Allemagne et, en particulier, sans une certaine forme "d'interclassisme" observable dans l'électorat du PDS en Allemagne orientale. Au contraire, c'est plutôt lié à une structure sociale qui n'a pas beaucoup évolué. C'est partiellement le cas aussi pour l'Espagne mais moins. D'ailleurs, l'Espagne est aussi un pays avec une géographie électorale très typée entre le Nord, à l'exception de Barcelone, plutôt dominant pour le centre droit et le Sud plutôt favorable au centre gauche ou à gauche mais c'est moins marqué et en tout cas il n'y a pas cet aspect interclassisme. La même observation peut valoir pour certains partis

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scandinaves : l'Alliance de gauche en Finlande ou le Parti de la gauche en Suède. On assimile ces formations à des quasi partis verts. Mais il y a des partis verts en Suède et en Finlande. De plus, les électorats des partis verts sont plus interclassistes. Prenez le cas de la Hollande et de la Belgique. Ce sont les deux exemples les plus intéressants à étudier, puisqu'il s'agit des situations où les partis verts font leurs meilleures performances électorales – en Belgique, en 1999, les verts francophones ont fait 18 % dans leur espace politique et les verts néerlandophones 11 %. Comme souvent pour les partis verts, on observe parmi certaines franges de l'électorat écologiste un haut capital scolaire. En même temps, on peut aussi constater une percée dans certains anciens bastions sociaux-démocrates. Il y a une forme nuancée d'interclassisme. C'est davantage le cas pour le parti de la gauche en Suède que pour l'Alliance de gauche.

Question à Monsieur Platone : Que sait-on de ces 20 % réfractaires à la mutation ? Qui sont-ils, que veulent-ils ?

Réponse : Ils ne sont pas homogènes en termes de classe d'âge et en termes de période d'adhésion. Ce ne sont pas systématiquement des anciens adhérents. En revanche, ils sont relativement typés sociologiquement en termes de statut social. Les trois catégories que j'évoquais, ceux qui sont satisfaits, ceux qui veulent que cela aille plus loin et ceux qui sont réfractaires, se distinguent sur le plan sociologique. Ceux qui sont vraiment très typés désirent aller plus loin. Ils sont surtout jeunes, fort diplômés, occupent les statuts sociaux les plus élevés et ont adhéré récemment. Après il y a ceux qui sont satisfaits et que j'appellerais volontiers conformistes ou suivistes à certains égards, parce qu'ils sont assez légitimistes par rapport à la direction du parti. Ils suivent le mouvement, ils trouvent que ce n'est pas la peine d'en rajouter mais ils ne le contestent pas. Ce sont les plus prolétarisés, les catégories les plus modestes et les plus âgés. Les réfractaires sont plutôt du côté populaire, ouvriers, employés, peu du côté très diplômés et cetera mais encore une fois il n'y a pas de clivage de générations. Il y a un relatif clivage social, du côté des catégories populaires, il n'y a pas de clivage de générations. Ils se distinguent sur le plan des opinions par le fait que ce sont ceux qui ont la vision la plus critique et la plus pessimiste de tout, de la politique en général, du fonctionnement des institutions françaises, du parti lui-même. Ce sont ceux qui sont les plus critiques à l'égard des qualités qu'on peut prêter au parti. Est-ce que le parti est démocratique, usé, utile et cetera ? Ils se montrent très réservés, attachés aux invariants ou aux valeurs fondatrices de l'idéologie communiste qui, par ailleurs, sont très largement partagés par tout le monde : l'internationalisme, la lutte des classes, l'anti-impérialisme, la laïcité, qui n'est pas proprement communiste, tout le monde y est très attaché mais eux plus que les autres et notamment sur un point fondateur de l'identité communiste qui fait clivage à l'intérieur du parti, qui est le rôle dirigeant de la classe ouvrière. Le rôle dirigeant de la classe ouvrière n'est plus considéré comme actuel par la majorité des membres du parti. Or ceux qui sont réfractaires à l'évolution sont très attachés au rôle dirigeant de la classe ouvrière. Par ailleurs, un autre clivage s'exerce sur le fait de savoir si le Parti communiste français aujourd'hui est révolutionnaire ? Une majorité des adhérents pense que oui (de l'ordre de 55 contre 45), une petite majorité pense qu'il est révolutionnaire, ceux qui sont critiques pensent qu'il ne l'est pas. Visiblement ils pensent qu'il ne l'est pas et ils le regrettent. Enfin, ce sont ceux qui ont le jugement le plus favorable sur les régimes socialistes passés ou actuels. Donc du point de vue des opinions, il y a une certaine cohérence. Bernard Pudal a soulevé l'hypothèse intéressante, à vérifier, qu'il y aurait deux sous-populations dans ces réfractaires. Une sous-population qui serait effectivement de type anciens militants attachés aux formes traditionnelles, à la référence à l'URSS, au stalinisme pour parler vite et une population

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plus jeune, plus diversifiée, moins historiquement attachée à ce qu'était le parti mais qui s'opposerait à la ligne du parti sur des bases essentiellement idéologiques et révolutionnaires entre guillemets mais qui ne seraient pas nécessairement issues du moule de la révolution léniniste ou léninienne stalinienne telle qu'elle était conçue jusque dans les années 1960. Le jugement porté sur la Ligue communiste révolutionnaire peut aller dans ce sens. Dans l'enquête, on demandait aux adhérents de noter les autres partis politiques français. Les distributions sont assez attendues : une bonne image des autres partis de la gauche plurielle, relativement bonne image, parce qu'ils ne sont pas très indulgents quand même, une très mauvaise image des partis de droite. La Ligue communiste révolutionnaire entraîne une sorte de polarisation. Elle est le seul parti à présenter une distribution dans laquelle les notes les plus basses sont assez fortement représentées mais les notes les plus hautes aussi. Cela va dans le sens des deux sous-populations. Il y a à la fois des adhérents qui se réfèrent à la tradition antitrotskiste historique et d'autres adhérents qui, au contraire, ne sont pas touchés par cette tradition et qui voient dans la Ligue communiste révolutionnaire des gens non réformistes, qui ne sont pas des sociaux-démocrates déguisés et pour lesquels ils éprouvent une certaine sympathie. Cette population hétérogène, relativement typée idéologiquement ne l'est pas socialement.

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