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e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004 DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES LES ORGANISMES DE GESTION COLLECTIVE AU CAMEROUN Dr Christophe Seuna 1 Sommaire Introduction ...................................................................................................................................... 2 I. La constitution des organismes ................................................................................................. 4 A. Les conditions de fond ........................................................................................................ 4 B. Les conditions de forme ...................................................................................................... 9 II. Le fonctionnement des organismes ....................................................................................... 10 A. Les mécanismes de fonctionnement .................................................................................. 10 B. Le contrôle du fonctionnement .......................................................................................... 12 Conclusion...................................................................................................................................... 14 1 Chargé de l’enseignement du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), rapporteur de la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective, l’auteur du présent article a aussi été membre de la commission de rédaction de l’avant-projet de la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. U

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e. Bulletin du droit d’auteur juillet-septembre 2004

DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES

LES ORGANISMES DE GESTION COLLECTIVE AU CAMEROUN

Dr Christophe Seuna1

Sommaire

Introduction ......................................................................................................................................2

I. La constitution des organismes.................................................................................................4

A. Les conditions de fond ........................................................................................................4 B. Les conditions de forme ......................................................................................................9

II. Le fonctionnement des organismes .......................................................................................10

A. Les mécanismes de fonctionnement..................................................................................10 B. Le contrôle du fonctionnement..........................................................................................12

Conclusion......................................................................................................................................14

1 Chargé de l’enseignement du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies

à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), rapporteur de la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective, l’auteur du présent article a aussi été membre de la commission de rédaction de l’avant-projet de la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.

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Introduction En droit positif camerounais, le droit d’auteur est un ensemble de droits exclusifs sur les créations littéraires ou artistiques originales, alors que les droits voisins constituent des droits exclusifs octroyés aux auxiliaires de la création (artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, entreprises de communication audiovisuelle) sur leurs prestations que sont les interprétations, les vidéogrammes, les phonogrammes, les émissions de radiodiffusion2. Les droits ainsi octroyés peuvent être exercés par leurs titulaires respectifs. Mais est-il aussi possible de les mettre en œuvre par ce que la doctrine et les législateurs dénomment « sociétés de gestion »3, « sociétés de gestion collective », « sociétés d’auteurs »4 ou « de droit d’auteur »5, « sociétés de perception et de répartition »6, « organismes de gestion et de protection collective »7 ou « bureaux de droit d’auteur »8 ? Quel est, dans l’ordre juridique camerounais, le statut de ces organisations dont la mission est d’exercer les droits d’auteur et les droits voisins pour le compte des titulaires de ces droits ? Sous quel visage se présentent-elles ? Ce qui, en réalité, est en question, n’est rien moins qu’une technique juridique, qu’une modalité d’exercice au Cameroun des droits par des organisations dont l’importance ne cesse de croître dans l’environnement numérique. En effet, rares sont les titulaires de droits d’auteur ou de droits voisins qui peuvent gérer personnellement leurs droits, en négociant par exemple directement l’exécution sur scène d’une pièce de théâtre, l’édition d’un roman ou l’enregistrement d’une composition musicale. La majorité des titulaires, incapables de contrôler

2 Voir la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins. 3 Voir le « Titre 4 : Sociétés de gestion » de la loi helvétique du 9 octobre 1992 sur le droit

d’auteur et les droits voisins. 4 A. Schmidt, Les sociétés d’auteurs, S.A.C.E.M.-S.A.C.D., Contrats de représentation, Paris,

L.G.D.J., 1971; J.-L. Tournier, « L’avenir des sociétés d’auteur », Revue internationale du droit d’auteur (RIDA), n° 170, octobre 1996, p. 96; Th. Desurmont, « Réflexions sur le devenir de la gestion collective des droits d’auteur: ombres et lumières », in Mélanges, A. Françon, Paris, Dalloz, 1995, p. 98; U. Uchtenhagen, « La création des sociétés d’auteurs, expériences et réflexions », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, juin 1991, p. 135.

5 H. Cohen Jehoram, « Principes fondamentaux des sociétés de droit d’auteur », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, 1990, p. 224.

6 Ministère français de la Culture, « La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins en 1995 et 1996 par les sociétés de perception et de répartition des droits », Rapport présenté par la Sous-direction des affaires juridiques de la Direction des affaires générales, juin 1997; F. de Ridder, Droits d’auteurs, droits voisins dans l’audiovisuel, les sociétés de perception et de répartition, Paris, DIXIT, 1994.

7 Voir l’article 54 de la loi grecque du 4 mars 1993. 8 Ex. : Bureau béninois du droit d’auteur. Voir OMPI, Répertoire d’administrations nationales

du droit d’auteur, Genève, OMPI, 1999.

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toutes les utilisations des œuvres protégées, ont besoin d’une gestion par une ou plusieurs organisations qui peuvent prendre contact avec les usagers, négocier les contrats d’exploitation, percevoir et répartir les redevances et, le cas échéant, ester en justice. Ces organisations profitent aussi aux utilisateurs comme les organismes de radiodiffusion, qui ne peuvent, dans des délais raisonnables, obtenir des milliers de titulaires toutes les autorisations souhaitées. Les nouvelles technologies permettent de mettre à la disposition du public, par exemple sur l’Internet, un très grand nombre d’œuvres avec comme conséquence la multiplication des titulaires avec lesquels il est impossible de négocier individuellement9. Dans la quête d’une protection effective du droit d’auteur et des droits voisins, la question se pose moins de savoir si la gestion collective est nécessaire à l’ère numérique que de déterminer comment elle doit s’effectuer10. Tout se passe comme si la gestion collective était devenue le mode normal de mise en œuvre des droits. Mais, au-delà de ces considérations d’ordre pratique, le problème du statut des organisations de gestion collective au Cameroun touche aux principes juridiques qui gouvernent l’exercice collectif des droits, ainsi qu’à la nature juridique des pouvoirs et du contrôle de ces institutions.

A l’importante question de la gestion collective le législateur a donné une réponse qui s’inscrit dans l’histoire du droit de la propriété littéraire et artistique au Cameroun. Jusqu’à l’entrée en vigueur, au Cameroun, de la loi française du 11 mars 1957 sur la propriété littéraire et artistique11, la législation camerounaise n’avait pas spécialement régi ce mode d’exercice des droits12. C’est seulement depuis le 19 avril 1958 que la prise en compte spécifique des organisations de gestion par le législateur camerounais est devenue une donnée constante de l’ordre juridique camerounais, successivement à travers la loi de 1957, la loi du 26 novembre 198213 et les lois du 10 août 199014 et du 19 décembre 2000 relatives au droit d’auteur et aux

9 A. Lucas, « Nouvelles technologies et modes de gestion des droits », in L’avenir de la

propriété intellectuelle, Paris, Litec, 1993, p. 28; J.-L. Tournier, « La gestion collective répond aux nouveaux défis » in Dossiers de l’audiovisuel, n° 88, novembre-décembre 1999, p. 28; Th. Desurmont, op. cit., p. 100.

10 Ph. Gosset, « Quelle gestion collective des droits d’auteurs à l’ère du numérique ? » in Dossiers de l’audiovisuel, n° 97, mai - juin 2001, p. 66 ; D. Gervais, « Gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins au Canada: perspective internationale », Rapport du Ministère de la Culture du Canada, 2001, p. 53; N.-P. Boisseau, « La solution de l’avenir à l’avènement de l’Internet. La gestion collective du droit d’auteur », Le Journal du Barreau, vol. 30, n° 3, 15 février 1998, p. 1.

11 Loi rendue applicable au Cameroun par le règlement d’application du 19 avril 1958. 12 Voir les divers textes français rendus applicables au Cameroun par le décret du 29 octobre

1887: loi des 19-24 juillet 1793 relative aux droits de propriété des auteurs d’écrits en tout genre, des compositeurs de musique, des peintres et des dessinateurs, loi du 19 juillet 1791 relative aux spectacles, etc.

13 Texte qui vise dans des dispositions éparses « l’Organisme national du droit d’auteur ». 14 Texte qui, dans l’une de ses dispositions finales, vise « l’organisme professionnel de droit

d’auteur ». Voir pour l’étude de l’ensemble de la loi, Ch. Seuna, « La protection du logiciel

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droits voisins. La récente réforme camerounaise de la propriété littéraire et artistique n’a pas épargné la gestion collective. A travers tout un titre qui lui est consacré15, la loi du 19 décembre 2000 a opéré une refonte du statut de ce qu’elle dénomme « organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins».16 L’article 75 de la loi dispose : « Les titulaires du droit d’auteur ou des droits voisins peuvent, aux fins de l’exercice de leurs droits, créer des organismes de gestion collective ». Mais le législateur camerounais ne se contente pas de formuler expressément ainsi la possibilité de recourir aux organismes fiduciaires. Il règle les modalités de la gestion collective en déterminant leur fondement et leur mode de fonctionnement. C’est par l’examen de ces divers aspects de la gestion collective qu’il convient de prendre la mesure de la réforme du régime de ces structures.

I. La constitution des organismes Si la loi du 19 décembre 2000 pose le principe de la gestion collective, elle réglemente la création des organismes qui ont la charge d’une telle activité. Elle subordonne leur création à de nombreuses conditions prévues par la loi et son décret d’application du 1er novembre 2001. Ces conditions multiples peuvent cependant se regrouper en deux catégories : les conditions de fond et les exigences de forme.

A. Les conditions de fond Certaines conditions de fond touchent à la forme juridique des organismes de gestion collective. L’article 20 du décret d’application de la loi du 19 décembre pose le principe selon lequel les organismes de gestion collective doivent « adopter la forme d’une société civile ou d’une personne morale à but non lucratif ». En exigeant la première forme, le législateur interdit de constituer des organismes de gestion collective qui soient commerciaux par la forme, c’est-à-dire qui ont adopté la forme de société anonyme, de société à responsabilité limitée et de société en nom collectif ou en commandite simple17. En prescrivant la seconde forme, le législateur camerounais vise toute personne morale privée ou publique qui n’est pas constituée en vue de réaliser un profit en termes de bénéfice ou d’économie : association, établissement public administratif18, etc. L’option du législateur pour les deux formes juridiques19 peut se justifier non

par le droit d’auteur au Cameroun », Thèse de doctorat 3e cycle, Université de Yaoundé, 1991.

15 Titre V : De la gestion collective. 16 La gestion collective est exercée par la SACEM jusqu’au 22 septembre 1979, par la

SOCADRA (organisme pubic) du 22 septembre 1979 au 13 septembre 1990, par la SOCINADA (organisme privé) du 23 novembre 1990 au 6 juin 2002.

17 Voir l’art. 6 de l’Acte uniforme OHADA (Organisation pour l’harmonisation en Afrique du droit des affaires) relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique.

18 Un établissement public administratif est, en effet, une personne morale de droit public créée pour gérer « un service public sans caractère industriel ou commercial » (J. Rivéro, J. Waline, Droit administratif, Paris, Dalloz, 18e éd., 2000, p. 481), son but n’est pas lucratif, même si sa tâche a une incidence économique. Un organisme ne peut en revanche se constituer comme

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seulement par la gestion collective qui, par nature, exclut la spéculation, mais aussi par le souci de faciliter l’adhésion des organismes camerounais à certaines organisations internationales20. En visant les formes de société civile et de personne morale à but non lucratif, la loi a écarté les organismes de gestion collective sous la forme d’entreprise individuelle, c’est-à-dire d’entité sans personnalité juridique distincte de celles des personnes qui la composent. Le législateur s’exprime dans une formule dont la généralité autorise à affirmer que la loi s’attache à toute espèce de société civile et de personne morale à but non lucratif, que celles-ci soient publiques ou privées. A cet égard, la législation camerounaise tranche quelque peu avec de nombreuses législations africaines qui ont opté pour une gestion collective par des organisations publiques ou semi-publiques21. La législation camerounaise a posé des conditions relatives à l’objet-activité des organismes. Selon l’article 77 de la loi, ils peuvent accomplir « tout acte de gestion collective, telles l’autorisation d’exploitation des œuvres, la perception et la répartition des redevances, la défense judiciaire des droits. » La formule légale autorise les organismes à exercer non seulement la gestion collective stricto sensu (négociation des conditions d’exploitation des œuvres, octroi des autorisations d’exploitation, perception et répartition des redevances), mais aussi, à titre secondaire, des actions sociales et culturelles en faveur de ses membres (protection sociale, formation, etc.). La législation camerounaise permet donc à ces organismes d’assumer les missions collectives traditionnelles.

entreprise publique, personne morale de droit privé dont l’objet est essentiellement de produire des biens et services contre rémunération (A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, Paris, Armand Colin, 2002, p. 136), bien qu’elle soit chargée d’accomplir une activité d’intérêt général à caractère industriel ou commercial. Sont exclues les entreprises publiques que la loi du 19 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public ou parapublic dénomme sociétés à capital public (dont le capital est « intégralement détenu par l’Etat, une ou plusieurs collectivités territoriales décentralisées ou une ou plusieurs autres sociétés à capital public ») et sociétés d’économie mixte (dont le capital est « détenu partiellement d’une part, par l’Etat, les collectivités territoriales décentralisées ou les sociétés à capital public et d’autre part, par les personnes morales ou physiques de droit privé »).

19 Tous les organismes agréés ont adopté la forme de société civile : SOCILADRA (Société civile des droits de la littérature et des arts dramatiques, SOCIDRAP (Société civile des droits audiovisuels et photographiques), SOCADAP (Société civile de droit d’auteur et droits voisins des arts plastiques et graphiques), CMC (Cameroon Music Corporation).

20 Voir les principes de la CISAC (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et compositeurs) adoptés lors du 11e Congrès de Berlin en 1936 qui prescrivent « l’exclusion absolue, de la part de chaque société confédérée, de tout caractère commercial ou de spéculation, ainsi que de tout but directement ou essentiellement lucratif ».

21 S. Abada, « La gestion collective des droits d’auteur dans les pays en voie de développement », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, 1985, p. 280.

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Si le législateur camerounais permet d’adopter un objet large, il impose une gestion collective exercée par plusieurs organismes. Certes, les titulaires peuvent « créer des organismes de gestion collective ». Cependant, selon l’article 75, alinéa 2, « il ne peut être créé qu’un organisme par catégorie de droit d’auteur et de droits voisins », les catégories étant « déterminées par genre et par association nécessaire. » Le décret d’application prévoit les quatre catégories suivantes:

• Catégorie A: littérature, arts dramatique, dramatico-musical, chorégraphique et autres arts de même genre;

• Catégorie B: art musical; • Catégorie C: arts audiovisuel et photographique; • Catégorie D: arts graphique et plastique.

Ainsi, doivent se constituer quatre organismes qui sont chargés, chacun dans un domaine précis, de gérer à la fois le droit d’auteur et les droits voisins. Les répertoires, c’est-à-dire les ensembles d’œuvres, sont ventilés entre les organismes non par les organismes eux-mêmes, mais par le législateur qui détermine impérativement leur objet et leur compétence respectifs22. Le législateur camerounais n’admet donc pas d’organisme à vocation générale en matière de gestion collective. Comme toute personne morale, publique ou privée, les organismes sont soumis à une règle d’ordre qui réduit les sources possibles de conflit entre eux. Selon ce « principe de spécialité », la capacité ou la compétence des organismes est confinée aux buts pour lesquels ils ont été créés23. La spécialité de chaque organisme se mesure à l’aune d’une catégorie déterminée par la loi qui lui permet d’exercer toutes les activités qui se rattachent directement ou indirectement à la mission pour laquelle il a été institué. Comme nous l’avons déjà affirmé24, l’on est passé au Cameroun d’un système de monopole (un seul « organisme professionnel de droit d’auteur » selon la loi du 10 août 1990) à un système de pluralité d’organismes avec des spécialisations exclusives (un seul organisme par catégorie) et transversales (chaque organisme gère à la fois le droit d’auteur et les droits voisins)25. Ce nouveau système se distingue à la fois

22 Lire sur répartition des répertoires, P. Allaeys, « La ventilation des répertoires entre les

sociétés de gestion collective », Mémoire de DEA de la propriété littéraire, artistique et industrielle, Université Panthéon-Assas Paris II, année 2002-2003, p. 12.

23 Sur la spécialité, lire L. Constans, Le dualisme de la notion de personne morale administrative, Paris, Dalloz, 1966, p. 12.

24 Ch. Seuna, « La nouvelle loi camerounaise relative au droit d’auteur et aux droits voisins », RIDA, n° 192, avril 2002, p. 394 ; Introduction générale à la protection du droit d’auteur et des droits voisins au Cameroun, Communication au séminaire national sur la gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins à l’intention des responsables des organismes de gestion collective, organisé par le gouvernement de la République du Cameroun et l’OMPI, Yaoundé 19-23 juillet 2004.

25 Voir en ce sens, N. C. Domjié « Les organismes de gestion collective dans la loi n° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II, 2002, p. 15 et 16, qui parle d’une « spécialisation transversale » et d’une « spécialisation monopolistique ».

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d’un système d’organisme unique pour toutes les catégories de droits (système qui a la préférence de la plupart des législations africaines) et d’un système concurrentiel de coexistence d’organismes concurrents pour une catégorie de droits, adopté par des pays tels que les Etats-Unis d’Amérique, le Canada et le Brésil. Il présente de multiples avantages, notamment en termes de professionnalisme, de facilité et de sécurité dans l’octroi des autorisations et de réduction considérable des frais de gestion26. Ce sont ces avantages qui ont déterminé le choix du législateur camerounais en 2000, au moment où la gestion collective s’opérait quasi-exclusivement au profit de la catégorie des musiciens par l’unique organisme d’alors27. La loi du 19 décembre a édicté des exigences de fond relatives aux personnes qui peuvent être membres des organismes de gestion collective. Selon son article 77, ne peuvent être membres des ces organismes que les auteurs, les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les éditeurs et leurs ayants droit. Considérées d’abord comme des usagers, les entreprises de communication audiovisuelle ne peuvent s’affilier à aucun organisme de gestion collective, bien qu’elles soient titulaires de droits voisins sur leurs émissions. L’un des corollaires de la spécialité de la gestion collective est qu’il ne suffit pas d’appartenir à l’une de ces catégories de titulaires visées par l’article 77 : il faut également être titulaire de droit dans la catégorie sollicitée: art musical, arts audiovisuel et photographique, etc. C’est la condition posée par le décret d’application pour les membres fondateurs qui, comme le personnel dirigeant, doivent être à la fois compétents et de bonne moralité. Le législateur camerounais interdit les discriminations en exigeant que tout organisme de gestion collective soit « accessible à tout titulaire de droit d’auteur et de droits voisins dans la catégorie sollicitée28. » Il importe de préciser que les titulaires autres que les entreprises de communication audiovisuelle jouissent de la simple faculté d’adhérer aux organismes de gestion collective. Car, selon les termes mêmes de l’article 77, ils « peuvent être membres d’un organisme de gestion collective ». La loi camerounaise n’exige pas que les droits soient exercés exclusivement par l’intermédiaire d’un organisme de gestion collective. Les auteurs, les artistes-interprètes, les producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les éditeurs et leurs ayants droit peuvent les gérer personnellement. La gestion collective est libre et volontaire. Cependant ce principe de liberté n’est pas absolu. La législation camerounaise prévoit, dans certains cas, un droit à rémunération dont la gestion collective est obligatoire. Lorsqu’un phonogramme, c’est-à-dire une fixation de sons, est mis en circulation à des fins commerciales, sont libres sa communication directe dans un lieu public (dès lors qu’il n’est pas utilisé dans un spectacle), sa télédiffusion et sa distribution simultanée et intégrale par câble. Cependant, selon les articles 62 et 63 de la loi, les artistes-interprètes et les producteurs de phonogrammes ont droit à une rémunération fixée par l’organisme compétent en concertation avec les utilisateurs ou, à défaut d’accord, par une commission d’arbitrage. Cette rémunération est perçue et répartie entre

26 M. Ficsor, Gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins, Genève, OMPI, 1990. 27 La SOCINADA (Société civile nationale de droit d’auteur). 28 Art. 20 du décret d’application.

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eux par ledit organisme. Par ailleurs, la copie privée des vidéogrammes et phonogrammes de commerce et celle des œuvres imprimées sont libres, mais donnent lieu à des rémunérations29 déterminées par l’Etat, perçues et réparties par l’organisme de gestion collective compétent30. Selon une répartition homologuée par le Ministre de la Culture, les rémunérations pour copie privée sont gérées par la SOCILADRA (pour les œuvres imprimées), la CMC (pour les phonogrammes) et la SOCIDRAP (pour les vidéogrammes)31. Ces gestions collectives impératives sont-elles conformes aux conventions internationales ? La Convention de Berne32 contient des dispositions qui permettent de répondre à cette question de compatibilité. L’article 11 bis (2) dispose : « Il appartient aux législations des pays de l’Union de régler les conditions d’exercice des droits visés par l’alinéa (1) ci-dessus, mais ces conditions n’auront qu’un effet strictement limité au pays qui les aurait établies. Elles ne pourront en aucun cas porter atteinte au droit moral de l’auteur, ni au droit qui appartient à l’auteur d’obtenir une rémunération équitable fixée, à défaut d’accord amiable, par l’autorité compétente. » Selon l’article 13 (1) de la Convention « chaque pays de l’Union, peut, pour ce qui le concerne, établir des réserves et conditions relatives au droit exclusif de l’auteur d’une œuvre musicale et de l’auteur des paroles, dont l’enregistrement avec l’œuvre musicale a déjà été autorisé par ce dernier, d’autoriser l’enregistrement sonore de ladite œuvre musicale, avec, le cas échéant, les paroles; mais toutes réserves et conditions de cette nature n’auront qu’un effet strictement limité au pays qui les aurait établies et ne pourront en aucun cas porter atteinte au droit qui appartient à l’auteur d’obtenir une rémunération équitable fixée, à défaut d’accord amiable, par l’autorité compétente. » De ces deux dispositions qui, par des clauses dites de conformité, ont été intégrées à l’Accord sur les ADPIC33 et au Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur34, l’on peut déduire, en ce qui concerne le droit d’auteur, que la gestion collective obligatoire, condition d’exercice de droit35, peut être prescrite dans tous les cas de licence non volontaire, c’est-à-dire chaque fois qu’une œuvre littéraire ou artistique peut être librement exploitée par un tiers, mais moyennant

29 Au profit des auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes

et du fonds de soutien à la politique culturelle, pour les copies privées des phonogrammes et vidéogrammes de commerce ; des auteurs, des éditeurs et du fonds de soutien, pour les copies privées des œuvres imprimées.

30 Art. 69-74 de la loi du 19 décembre. 31 V. note n° 19. 32 Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1886). 33 Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Cf. art. 9 (1). 34 Art. 1 (4). 35 Voir en ce sens, M. Ficsor, « La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins à la

croisée des chemins: doit-elle rester volontaire, peut-elle être « étendue » ou rendue obligatoire? », e-Bulletin du droit d’auteur, octobre-décembre 2003, p. 4 ; S. v. Lewinski, « La gestion collective obligatoire des droits exclusifs et sa compatibilité avec le droit international et le droit communautaire du droit d’auteur » – Etude de cas, e-Bulletin du droit d’auteur, janvier-mars 2004, p. 5.

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paiement d’une rémunération équitable fixée par voie d’accord ou par une autorité compétente36. Le législateur camerounais s’est donc conformé aux normes internationales en imposant la gestion collective de la rémunération pour copie privée et pour l’utilisation des phonogrammes publiés à des fins de commerce. Car, dans tous ces cas, l’exploitation est libre mais payante37. La législation camerounaise, par ailleurs, exige que le siège social d’un organisme de gestion collective soit fixé sur le territoire camerounais38. Elle détermine aussi les formalités constitutives.

B. Les conditions de forme Quant aux formalités constitutives, la législation camerounaise ne s’est pas attachée - comme la législation portugaise39 - au système d’enregistrement ou de déclaration des organismes de gestion collective, principalement destiné à l’information des utilisateurs d’œuvres. Il a opté pour le système d’autorisation ou d’agrément administratif de ces institutions40. En effet, selon l’article 19 du décret d’application, « nul organisme ne peut exercer la gestion collective sans l’agrément du Ministre chargé de la culture ». Ainsi, en vertu d’une disposition spéciale à la gestion collective, et non de dispositions générales de droit privé ou public, la constitution des organismes de gestion collective est subordonnée à une autorisation non pas judiciaire, mais administrative. L’agrément est octroyé ou refusé à l’organisme qui en fait la demande, sur la base de considérations de fond et de forme : objet social, compétence et moralité des membres fondateurs, versement d’une somme au compte de soutien à la politique culturelle, etc. Quelle est la portée de cet acte administratif que constitue l’agrément ? Il n’est pas une condition d’existence légale des organismes de gestion collective. Même sans être agréé, un organisme peut exister juridiquement comme société civile ou personne morale à but non lucratif. Il suffit qu’il remplisse les conditions de constitution propres à ces deux catégories d’institutions. La naissance de sa personnalité morale ne dépend pas de l’agrément. Mais, s’il existe légalement sans l’intervention de l’agrément, l’organisme, selon l’article 19, ne peut exercer la gestion collective sans être agréé. L’agrément est une condition d’exercice de l’activité de gestion collective. L’on définit l’agrément en général comme un « acte administratif unilatéral

36 Voir en ce sens, M. Ficsor, loc. cit. 37 Voir sur ces cas de licence non volontaire, Ch. Seuna, « Limitations et exceptions dans les

législations des Etats d’Afrique ayant la langue française en partage », Etude réalisée pour l’UNESCO, 2003.

38 Art. 20 du décret d’application. 39 Lire sur la législation portugaise, P. Katzenberger, « Les divers systèmes du droit de contrôle

de la gestion collective de droits d’auteur dans les Etats européens », in La gestion collective du droit d’auteur en Europe, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 26.

40 B. Tricot, « L’agrément administratif des institutions privées », Dalloz, 1948, chronique p. 25.

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reconnaissant la contribution de personnes privées à la réalisation de l’intérêt général et leur conférant à ce titre des avantages ou des privilèges41 ». En réalité, il serait erroné de voir dans l’agrément des organismes de gestion collective une condition tendant à élargir leur capacité juridique ou à leur donner certains privilèges administratifs ou financiers42. Dans la législation camerounaise, l’agrément est une mesure de police administrative. C’est une simple autorisation instituée par le législateur camerounais pour contrôler à la fois la constitution et le fonctionnement des organismes. Ce fonctionnement n’échappe pas à la régulation.

II. Le fonctionnement des organismes Une fois agréés, les organismes de gestion collective peuvent exercer la gestion collective en jouant leur rôle d’intermédiaires entre les titulaires de droits et le public. Dans ce « rôle médiateur43 », ils opèrent selon les règles du droit commun, mais sont surtout soumis à des dispositions spéciales qui fixent le mécanisme de leur fonctionnement et en instituent le contrôle.

A. Les mécanismes de fonctionnement Le législateur camerounais ne prescrit point aux organismes de gestion collective de fonctionner suivant une organisation déterminée : assemblée générale, conseil d’administration, commissions consultatives, direction générale, etc. Chacun jouit de la liberté de déterminer sa structure et de s’organiser, mais dans les limites de la spécialité. Selon l’article 77, alinéa 2, de la loi « sauf convention contraire, l’acte d’affiliation à un organisme de gestion collective confère à celui-ci mandat de son membre pour accomplir tout acte de gestion collective ». En vertu de cette disposition, en règle générale, les organismes tiennent de leurs membres les pouvoirs les plus étendus pour exercer leurs droits. Cependant, ce principe comporte des limites. Tout d’abord les organismes ne peuvent exercer que les droits patrimoniaux tels que les droits de reproduction, de représentation, de distribution, de transformation et le droit de suite44. Les « attributs d’ordre moral » que constituent, selon la loi, les droits de divulgation, droit à la paternité, droit à l’intégrité, droit de repentir ou de retrait45 ne peuvent pas être couverts par ce mandat, compte tenu de leur caractère personnel. Ensuite, comme l’affirme la loi elle-même, les parties, c’est-à-dire les membres et les organismes, peuvent

41 A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, op. cit.,

p. 4. 42 Voir N.-C. Domjié « Les organismes de gestion collective dans la loi n° 200/11 du 19

décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », op. cit., p. 44, qui affirme que l’agrément confère des « avantages ou des privilèges ».

43 A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Paris, Litec, 1994, p. 554. 44 Cf. art. 15, 57, 59, 64, 65 de la loi. 45 Cf. art. 14 et 58 de la loi.

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convenir de limiter les mandats à certains actes de gestion collective, tels que l’autorisation et la répartition des redevances. Mais quelles sont la nature juridique et la portée des pouvoirs ainsi conférés aux organismes de gestion collective ? Agissent-ils en vertu d’un mandat qui leur confère le pouvoir d’exercer les droits au nom et pour le compte de leurs adhérents ? Agissent-ils plutôt en vertu d’une cession fiduciaire par laquelle ils exploitent pour le compte des adhérents-cédants, et non pour leur propre compte, les droits qui leur sont transférés ? Le pouvoir des organismes exclut-il l’exercice individuel des droits ? C’est le mandat qui a la préférence du législateur. Selon l’alinéa 2 de l’article 77, en principe, le pouvoir des organismes est un mandat. Il ne peut être interprété comme une cession que si les parties le stipulent. La cession peut ainsi renforcer la position des organismes de gestion collective en leur permettant notamment, en tant que cessionnaires, de bénéficier de l’action en contrefaçon46. Selon l’article 75 de la loi, le fait que les titulaires des droits aient autorisé un organisme de gestion collective à gérer leurs droits, par mandat ou par cession, ne porte pas préjudice à leurs faculté « d’exercer directement les droits qui leur sont reconnus ». Cette mesure permet aux titulaires de remédier aux abus de monopole lorsque, par exemple, un organisme refuse d’autoriser certaines exploitations sans raison valable.

L’alinéa 1 de l’article 78 prescrit que les organismes de gestion collective doivent tenir à la disposition de leurs membres le « répertoire des membres et de leurs œuvres ». Les redevances perçues par les organismes doivent être réparties entre leurs membres. La législation camerounaise règle les modalités de répartition de ces sommes. Elles doivent être versées dans un compte commun de dépôt spécial ouvert dans un établissement bancaire agréé47. Selon l’alinéa 2 de l’article 78, les organismes doivent les utiliser selon un barème déterminé par leurs textes fondamentaux (statuts, règlements généraux, etc.) et approuvé par le ministre chargé de la Culture. C’est ainsi qu’elles sont distribuées aux organismes selon des barèmes dits de « répartition intersociale » déterminés par ces derniers et homologués par le ministre48. La somme globale attribuée à chaque organisme à l’issue du partage intersocial est ensuite répartie à ses membres. La création du compte de dépôt spécial procède de la volonté de sécuriser les redevances perçues. Car, après la distribution de ces sommes aux organismes agréés, tout acte de mauvaise gestion ne produit des effets financiers qu’à l’égard de l’organisme qui en est responsable.

46 Voir sur la nature juridique des pouvoirs des organismes de gestion collective dans la

législation camerounaise, N.-C. Domjié, « Les organismes de gestion collective dans la loi n° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », op. cit., p. 59-65.

47 Art. 1er de la décision n° 004/038/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 relative à la sécurisation des fonds collectés au titre du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur.

48 Voir décision n° 004/036/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 portant homologation d’un barème de répartition intersociale des droits dus au titre du droit d’auteur et des droits voisins perçus auprès de certains usagers.

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Les organismes entretiennent des relations contractuelles avec les usagers, qui exploitent les œuvres de leurs répertoires. Les contrats d’exploitation peuvent être soit de nature générale, autorisant l’usager à utiliser l’ensemble de leurs répertoires, soit des autorisations délivrées au cas par cas, en contrepartie de redevances fixées selon un barème négocié sous la supervision de la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective et homologué49 par le ministre chargé de la Culture. Les organismes ne sont pas entièrement libres de fixer les tarifs. Car, si la loi ne détermine pas ceux-ci, elle fixe les règles de tarification. En principe, selon l’article 24 de la loi, les tarifs de droit d’auteur se calculent sous forme de pourcentage sur les recettes d’exploitation. Ils peuvent être forfaitaires dans certains cas: impossibilité de déterminer la base de la rémunération proportionnelle, caractère exorbitant des frais de contrôle, caractère accessoire de l’utilisation de l’œuvre par rapport à l’objet exploité. Les relations entre les organismes de gestion collective et les usagers sont, en principe, de nature contractuelle. Cependant, dans certains cas, les perceptions ne s’opèrent pas par contrat, mais en vertu de la loi. Il en est ainsi du droit de suite50 qui est un droit à une redevance dont le taux est fixé par le législateur51. Il en va de même pour les rémunérations pour copie privée qui sont obligatoirement perçues par les organismes et dont les montants sont fixés par le législateur. Que les relations soient contractuelles ou légales, chaque organisme effectue, pour les quatre organismes52, les perceptions auprès des usagers, selon une répartition « intersociale » de portefeuilles d’usagers. En effet, lorsqu'un usager exploite plusieurs types d'œuvres relevant des répertoires des quatre sociétés agréées ou de quelques-unes seulement d'entre elles, une seule est chargée de gérer le portefeuille pour l'ensemble. Par exemple, le portefeuille CRTV (organisme public de radio et télévision) est géré par la CMC alors que celui des cablô-opérateurs l’est par la SOCIDRAP. Si les organismes fonctionnent suivant ces mécanismes, ils n’exercent pas pour autant sans être contrôlés.

B. Le contrôle du fonctionnement

Les organismes de gestion collective sont soumis à un contrôle de fonctionnement qui, s’exerçant dans l’intérêt des titulaires et des utilisateurs des œuvres, peut s’expliquer par les

49 Commission créée par décision n° 004/017/MINCULT/CAB du 3 juin 2004. 50 Selon l’article 20 de la loi, c’est l’attribut d’ordre patrimonial du droit d’auteur en vertu

duquel l’auteur d’une œuvre graphique ou plastique perçoit une quote-part sur le prix de revente faite aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant.

51 L’article 3 du décret d’application fixe le montant à 5% du prix de revente de l’original d’une œuvre graphique ou plastique ou d’un manuscrit.

52 Voir décision n° 004/037/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 portant homologation d’un tableau d’affectation du porte-feuille usagers aux organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur.

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monopoles légaux dont jouissent les organisations et par la position de fiduciaire qu’elles assument en faveur des titulaires.

L’article 78 exige que les textes fondamentaux des organismes de gestion collective soient soumis à l’approbation du ministre chargé de la culture. Selon l’article 79 de la loi, les organismes de gestion collective communiquent au ministre chargé de la culture, spontanément ou à sa demande, leurs comptes annuels, les modifications des textes fondamentaux (statuts, règlements généraux, etc.), les conventions conclues avec des tiers, les décisions et bilans des assemblées générales, les bilans et comptes rendus du commissaire aux comptes, les noms des représentants. Le contrôle porte sur l’ensemble des activités de chaque organisme. L’article 22 dispose à cet égard que « lorsqu’un organisme contrevient à ses textes fondamentaux ou aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur », le ministre peut suspendre ou retirer l’agrément. Il exerce donc certainement un contrôle sur la légalité des décisions.

Quelle est l’étendue de ce pouvoir de contrôle que l’administration exerce sur les organismes ? La réponse dépend du type d’organisme. Le contrôle des personnes privées est limité à ce qui est prévu par la loi du 19 décembre 2000. Les pouvoirs publics n’ont pas le pouvoir de suspendre ou de révoquer les personnes ou les organes. Ils ne peuvent annuler les décisions des organismes ni se substituer à ces derniers. Ils peuvent seulement leur demander d’agir. En ce qui concerne les personnes publiques comme les établissements publics, au contrôle prévu par la loi du 19 décembre, s’ajoute le contrôle de tutelle propre aux personnes publiques53. Le contrôle des organismes porte alors à la fois sur les personnes et les décisions, sur la légalité et l’opportunité. Elle comporte, suivant les textes, les pouvoirs de révocation, d’annulation, de suspension ou de substitution. En fait de contrôle administratif, c’est la Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective qui, « au nom et pour le compte du Ministre Chargé de la Culture », assure le « contrôle général des Organismes de gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins et notamment le respect des normes en matière de perception et de répartition54. » Cette autorité administrative a été créée conformément notamment à l’article 79 de la loi, qui dispose que « le ministre chargé de la culture ou son représentant peut recueillir, sur pièces ou sur place les informations » sur les organismes de gestion collective. La commission recueille les informations. Elle ne prend pas de décisions. Elle se contente de proposer « des solutions aux problèmes constatés ainsi que des sanctions aux défaillances observées55. » Contrairement à certaines commissions administratives56, elle n’a pas la charge de l’agréation générale des tarifs des organismes. La décision d’homologation des barèmes, de suspension, de retrait ou de maintien d’un agrément incombe au ministre.

53 Voir la loi du 19 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des

entreprises du secteur public et parapublic. 54 Art. 3 de la décision du 3 juin portant création de la commission. 55 Art. 3 précité. 56 Par exemple, la Commission d’arbitrage fédérale de la Suisse.

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Le contrôle des organismes de gestion collective s’opère aussi à travers la médiation qui est assumée par la Commission permanente. En effet, elle organise et supervise les concertations et négociations entre les organismes et les usagers, « gère les conflits entre des organismes de gestion collective ou entre ces derniers et les usagers ; rapproche les parties en cas de désaccord et leur propose le cas échéant des solutions57 ». Alors que dans les pays où elles ont été instituées, les commissions d’arbitrage ou de médiation sont distinctes des autorités de contrôle, la commission camerounaise fait office à la fois de contrôleur et de médiateur. Dans ce double rôle, elle comprend des personnalités indépendantes et des représentants des organismes de gestion collective.

Conclusion L’examen du système de gestion collective mis en place par le droit positif camerounais nous a permis d’appréhender, au fil des développements, le statut des organismes de gestion collective au Cameroun à travers leurs modes de constitution et de fonctionnement. S’est progressivement affirmée l’idée de véritables institutions, c’est-à-dire d’organismes obéissant à un ensemble de dispositions spéciales comportant des concepts, des règles, des principes articulés autour d’un noyau commun, coordonnés par une seule finalité : la protection des titulaires de droit d’auteur et des droits voisins. Le législateur a imprimé une double physionomie à ces organisations dont l’importance capitale est avérée. D’un côté, le statut de ces institutions est classique à maints égards: missions, formes juridiques, organisations, etc. De l’autre, il est marqué au coin de l’originalité en ce qui concerne la ventilation des répertoires entre les organismes, les relations entre ces derniers, leur surveillance, etc. La législation camerounaise a subi l’influence des traditions juridiques en la matière tout en essayant d’adapter le droit de la gestion collective au contexte camerounais. Ainsi, le système camerounais innove sans être révolutionnaire. Quoi qu’il en soit, en matière de gestion collective, il n’a pas été légiféré à droit constant. Ce changement se comprend, qui s’inscrit dans le cadre général de la réforme du droit d’auteur et des droits voisins.

57 Art. 3 précité.

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DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES

LA LOI DE 2001 SUR LE DROIT D'AUTEUR MARQUE LE DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE POUR LA PROTECTION DU DROIT D'AUTEUR AU KENYA

Marisella Ouma*

SOMMAIRE

1. Introduction......................................................................................................................3 2. Administration du droit d'auteur et des droits voisins .....................................................4

2.1 Création du Kenya Copyright Board (Conseil kenyan du droit d'auteur)..............4 2.2 Composition et compétences du Kenya Copyright Board .....................................4 2.3 Recours...................................................................................................................4

3. Protection du droit d'auteur et des droits voisins .............................................................5 3.1 Œuvres pouvant prétendre à une protection au titre du droit d'auteur ...................5 3.2 Portée de la protection............................................................................................5 3.3 Durée de la protection............................................................................................5 3.4 Droits des auteurs...................................................................................................6

3.4.1 Droits patrimoniaux ...................................................................................6 3.4.2 Exceptions et limitations............................................................................6 3.4.3 Droits moraux ............................................................................................7

3.5 Titularité initiale.....................................................................................................7 3.6 Cession et licence...................................................................................................8

4. Atteinte au droit d'auteur..................................................................................................8 4.1 Dispositions anticontournement et systèmes électroniques d'information sur le

régime des droits ....................................................................................................8 4.2.1 Moyens de recours civils............................................................................8 4.2.2 Présomption de titularité du droit d'auteur.................................................9 4.2.3 Les ordonnances Anton Pillar....................................................................9

4.3 Délits et sanctions en cas d'atteinte au droit d'auteur (sanctions pénales) .............9 4.4 Homologation des œuvres protégées par le droit d'auteur .....................................9 4.5 Compétence des tribunaux...................................................................................10

5. Inspection (Partie V) ......................................................................................................10 6. Domaine public (Partie VI)............................................................................................10

* State Counsel, Section du droit d'auteur, Bureau du Procureur général (Office of the Attorney General).

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7. Administration collective du droit d'auteur et des droits voisins (Partie VII) ...............11 7.1 Enregistrement .....................................................................................................11

8. Dispositions diverses......................................................................................................12 8.1 Réglementation ....................................................................................................12 8.2 Expression du folklore .........................................................................................12 8.3 Œuvres créées avant l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur .12

9. Résumé et conclusion.....................................................................................................12

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1. Introduction

La première loi kenyane sur le droit d'auteur, qui figure au Chapitre 130 des Lois du Kenya, a été promulguée en 1966. Bien qu'elle ait été en vigueur pendant plus de 30 ans et malgré plusieurs révisions importantes1, son administration et son application ne suscitent pas de remarques particulières. Il est rare que des affaires d'atteinte au droit d'auteur aient été portées devant les tribunaux2. Il y a pourtant eu une affaire pour laquelle les poursuites ont abouti, le tribunal ayant accordé au plaignant, Microsoft, des dommages-intérêts pour atteinte au droit d'auteur3. L'absence de véritables infrastructures administratives et de mécanismes d'application de la loi a été considérée comme la principale cause de la situation dont est victime l'industrie du droit d'auteur pour ce qui est de sa protection.

En 2001, une nouvelle loi sur le droit d'auteur a été promulguée par le Parlement après toute une série de consultations entre le gouvernement, les différentes parties prenantes et les acteurs économiques. Cette loi, entrée en vigueur en février 2003, a abrogé la loi de 1966 sur le droit d'auteur. Si elle contient des dispositions de l'Accord sur les ADPIC4 et des traités de l'OMPI de 19965, elle prévoit également la mise en place d'une structure administrative et de mécanismes d'application plus efficaces.

La Loi de 2001 comprend huit parties. La Partie I contient l'interprétation et la définition des termes utilisés et, en particulier une nouvelle définition des œuvres littéraires qui inclut les programmes d'ordinateur ainsi que les tableaux et les compilations de données 6 . La Partie II contient des dispositions spécifiques sur les structures administratives dans le domaine du droit d'auteur et des droits voisins. La Partie III traite de la portée de la protection du droit d'auteur, des conditions d'attribution de la protection, de la durée de la protection et de la nature des droits sur les œuvres littéraires, musicales et artistiques ainsi que sur les enregistrements sonores, les émissions de radiodiffusion et les œuvres audiovisuelles. Elle prévoit des droits moraux mais aussi patrimoniaux. Les conséquences des atteintes au droit d'auteur sont énoncées à la Partie IV et la

1 Il y a eu trois amendements majeurs à la loi de 1966 sur le droit d'auteur. En 1975 a été introduite la protection

juridique des signaux porteurs de programmes transmis par satellite, en 1989 la protection des droits sur les enregistrements sonores et les interprétations et exécutions et en 1995, dernier amendement important, les programmes informatiques et les compilations de données originales ont été inclus dans la catégorie des œuvres littéraires et artistiques.

2 Dans aucune des 13 affaires portées devant les tribunaux en 2000 il n'a été statué en faveur des plaignants (par exemple R. contre Wilson Irungu CF 2433/2000, non publié). Plusieurs plaintes ont été rejetées pour des raisons techniques telles que l'absence de juridiction compétente (R. contre Lucy Wanjiru CF 2438/2000, non publié) ou le non-respect de critères officiels (v. Evelyn Mbai CF 2440/2000, non publié).

3 Microsoft contre Microskills (affaire civile n° 323 de 1999). Cette affaire a fait date au Kenya car les tribunaux ont ainsi explicitement apprécié l'importance de la protection du droit d'auteur. Malheureusement, Microsoft n'a pas perçu de dommages-intérêts, Microskills ayant entre-temps déposé son bilan.

4 Le Kenya est membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et est à ce titre lié par les dispositions de l'Accord sur Les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).

5 Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur (WCT) et Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les phonogrammes (WPPT). Bien que le Kenya n'ait pas encore ratifié ces deux traités, la loi de 2001 contient les principales dispositions de ces deux textes.

6 La section 2 de la Loi contient des définitions et des termes qui ne figuraient pas dans la loi abrogée, en particulier des mots et expressions qui sont apparus avec les progrès de la technologie numérique et de l'Internet.

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Partie V réglemente le contrôle de ces actes. La Partie VI contient des dispositions délimitant le domaine public. La Partie VII porte sur l'administration collective du droit d'auteur et des droits voisins et la dernière partie inclut des dispositions diverses.

2. Administration du droit d'auteur et des droits voisins

2.1 Création du Kenya Copyright Board (Conseil kenyan du droit d'auteur)

La section 3 de la Loi prévoit la création du Kenya Copyright Board en tant que personne morale7. Cette instance* est chargée de la gestion de tout ce qui concerne le droit d'auteur et les droits voisins au Kenya. Elle succède dans ses fonctions au Copyright Office8. Son objectif est d'assurer qu'un organisme public centralisé coordonne toute l'administration et l'application de la législation relative au droit d'auteur et aux droits voisins au Kenya. Ce changement a été jugé nécessaire parce que le Copyright Office n'était pas une structure efficace pour plusieurs raisons, y compris le manque de personnel9 et l'absence, dans la loi antérieure, de dispositions spécifiques relatives à l'administration du droit d'auteur et des droits voisins au Kenya.

2.2 Composition et compétences du Kenya Copyright Board

La section 6 précise que le Board est composé de 20 personnes au maximum nommées par les diverses organisations de droit d'auteur du pays, des fonctionnaires et des experts. Le Directeur exécutif est nommé par le Ministre, après consultation des membres. Les représentants du secteur privé doivent être désignés par leurs organisations respectives qui doivent elles-mêmes être représentatives de leur secteur d'activité. Ceci permet aux parties prenantes de participer activement à l'administration et à la défense de leurs droits.

Conformément à la section 7, le Board a le pouvoir de contrôler, de superviser et d'administrer ses avoirs, de collecter des fonds sous la forme de dons, dotations et placements, et de s'associer à d'autres organisations ayant des objectifs et des intérêts similaires au Kenya ou à l'étranger. Il nomme son Directeur exécutif et des adjoints qui sont chargés de l'administration quotidienne de ses activités10. Les pouvoirs du Board se limitent à ceux qui sont prévus par la Loi sur le droit d'auteur.

Le Copyright Board a été officiellement inauguré par le Procureur général (Attorney General) en juillet 2003. Actuellement, il constitue un secrétariat.

2.3 Recours

La Partie II de la Loi contient aussi des dispositions relatives à la gestion des comptes, au placement des fonds et à la rémunération des membres du Board. Ce dernier est responsable des

7 Cette instance peut poursuivre en justice et être poursuivie, elle est habilitée à acquérir des biens, à emprunter et

prêter des fonds et à s'acquitter de toute autre tâche définie par la loi ; c'est une personne morale. Il est important de noter qu'il existe des modèles analogues au Nigéria où une loi porte création de la Nigerian Copyright Commission (Commission nigériane pour le droit d'auteur).

* NdT : ci-après appelée le "Board". 8 La section 5 de la Loi définit les fonctions du Kenya Copyright Board. 9 Au Ghana, il existe aussi un bureau spécifiquement chargé du droit d'auteur qui, bien que dirigé par un

administrateur du droit d'auteur, relève toujours du Ministère de la culture. Il existe au Malawi, la Copyright Society of Malawi (COSOMA) qui s'occupe non seulement de l'administration générale du droit d'auteur et des droits voisins mais aussi de la gestion collective de ces droits.

10 Voir les sections 11 et 12 de la Loi.

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préjudices qu'il occasionne mais cette disposition ne s'applique qu'au Board en tant que personne morale et non pas à ses membres en tant qu'individus. En cas de désaccord avec une décision du Board, la partie lésée peut, dans un délai de 60 jours, déposer plainte auprès de l'autorité compétente créée en vertu des dispositions de la section 48 de la Loi. Cette section, qui prévoit le droit de faire appel de toute décision du Board, a été introduite principalement pour veiller à ce que ce dernier n'abuse pas de ses pouvoirs.

3. Protection du droit d'auteur et des droits voisins

3.1 Œuvres pouvant prétendre à une protection au titre du droit d'auteur

La section 22 de la Loi prévoit que les œuvres littéraires, artistiques et musicales ainsi que les œuvres audiovisuelles, les enregistrements sonores et les émissions de radiodiffusion peuvent être protégés par le droit d'auteur s'il s'agit d'œuvres originales exprimées sous une forme matérielle. L'originalité est présumée lorsqu'il a été établi qu'un effort suffisant a été fourni pour conférer à l'œuvre un caractère original11. La section 22 (4) est particulièrement intéressante car elle prévoit qu'une œuvre ne sera pas considérée comme ne pouvant bénéficier d’une protection par le droit d'auteur au seul motif que sa fabrication ou tout acte y relatif constitue une atteinte au droit d'auteur sur une autre œuvre12. Il importe donc de lire cette section à la lumière d'autres dispositions de la Loi. La jouissance du droit d'auteur n'est subordonnée à aucune formalité13 ; aussi, l'enregistrement de l'œuvre n'est pas une condition préalable à la titularité du droit d'auteur14. Le Kenya étant partie à la Convention universelle sur le droit d'auteur, il est conseillé de faire en sorte que les exemplaires de l'œuvre portent le symbole © accompagné du nom de l'auteur et de l'indication de l'année de publication, bien que ceci ne soit pas obligatoire15.

3.2 Portée de la protection

Le droit d'auteur subsiste pour toute œuvre dont l'auteur, ou au moins l'un des coauteurs, est ressortissant kenyan ou était domicilié ou résidait au Kenya lorsque l'œuvre a été créée16. La section 24 traite de la protection sous l'angle du pays d'origine de l'œuvre, sauf dans le cas des œuvres de radiodiffusion.

3.3 Durée de la protection

La durée de la protection au titre du droit d'auteur, telle qu'elle est définie à la section 23 (2), est exactement la même que celle prévue dans la loi précédente. Les droits sur les œuvres littéraires, musicales et artistiques sont protégés pendant toute la vie de l'auteur et 50 ans après sa mort. S'agissant des œuvres audiovisuelles, des enregistrements sonores et des émissions de 11 Ce critère s'applique aux œuvres littéraires, artistiques et musicales ; voir section 22 (3). 12 Une disposition analogue figure à la section 1 (4) de la Loi sur le droit d'auteur du Nigéria. Au Kenya, cette

disposition figurait déjà dans la Loi précédente. 13 En conformité avec l'article 5 (2) de la Convention de Berne. 14 Cette question fait toujours l'objet de débats car le sentiment général est que l'enregistrement du droit d'auteur

contribuerait à fournir un commencement de preuve de la titularité du droit, en particulier dans les cas où celle-ci est controversée. Avec la mise en place du dispositif de lutte contre le piratage (voir 4.4 ci-dessous), l'enregistrement, même volontaire, sera indispensable pour assurer la réussite du système.

15 L'article 3 de la Convention universelle sur le droit d'auteur prévoit ces dispositions et n'interdit pas l'accomplissement de formalités telles qu'enregistrement du droit d'auteur, dépôt de l'œuvre, certificats, etc. Il est important de noter que certains pays comme les États-Unis ou le Ghana exigent l'enregistrement de l'œuvre pour faciliter l'administration des droits bien qu'ils aient adhéré à la Convention de Berne.

16 À la section 23, on entend par "auteur" toute entité juridique ayant la personnalité morale au regard de la législation du Kenya.

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radiodiffusion, la durée de la protection est de 50 ans à compter de la date de publication, d'enregistrement ou de radiodiffusion de l'œuvre. Il convient de noter que même si la loi a été promulguée au moment où l'Union européenne et les États-Unis portaient la durée de la protection à 70 ans, c'est la durée de 50 ans qui a été retenue.

3.4 Droits des auteurs

La Loi contient des dispositions relatives aux droits moraux et patrimoniaux des auteurs, et il importe de noter que les droits moraux sont indépendants des droits patrimoniaux17.

3.4.1 Droits patrimoniaux

La section 26 dispose que les auteurs d'œuvres littéraires, musicales et artistiques jouissent du droit exclusif de contrôler la reproduction des œuvres, y compris les traductions et adaptations de l'œuvre originale sous quelque forme matérielle que ce soit18, la distribution au public par la vente, la location, l'importation ou tout autre arrangement commercial, ainsi que la communication de l'œuvre au public et sa radiodiffusion.

S'agissant des enregistrements sonores, la section 28 dispose que l'auteur a le droit exclusif de contrôler la reproduction directe ou indirecte de l'enregistrement sonore sous quelque forme matérielle que ce soit, la diffusion au public par la vente, le prêt, la location ou toute autre transaction commerciale analogue, l'importation au Kenya de l'enregistrement sonore et la communication de cet enregistrement au public.

Le propriétaire de l'émission de radiodiffusion a le droit exclusif de contrôler la fixation et la rediffusion ou la communication au public de l'ensemble ou d'une partie importante de l'œuvre sous sa forme originale ou sous une forme analogue19.

La Loi prévoit le droit exclusif des artistes interprètes ou exécutants de radiodiffuser et de communiquer leurs interprétations et exécutions au public, d'effectuer des fixations d'interprétations ou exécutions préalablement non fixées et d'autoriser la reproduction de fixations, ainsi que le droit d'autoriser la location commerciale (section 30).

3.4.2 Exceptions et limitations

La Loi prévoit certaines exceptions et limitations à l'exercice des droits exclusifs accordés aux auteurs et aux détenteurs de droits voisins. Celles-ci relèvent de la notion d'usage loyal20. La section 26 traite plutôt de l'utilisation d'une œuvre à des fins pédagogiques, de l'inclusion occasionnelle d'une œuvre dans une émission de radiodiffusion ou un film, de l'utilisation en public d'une œuvre à des fins non lucratives, de la radiodiffusion d'œuvres destinées à des activités pédagogiques systématiques, de l'utilisation des œuvres par les autorités publiques, les

17 À la section 2 de la Loi, l'"auteur" est défini par rapport à l'œuvre dont il est question. Ainsi, dans le cas d'une

œuvre littéraire, musicale ou artistique, l'auteur est la personne qui crée l'œuvre pour la première fois alors que dans le cas d'un enregistrement sonore, l'auteur est réputé être la personne qui a procédé au premier enregistrement.

18 La loi inclut dans la définition de la reproduction ses formes numériques, électroniques et éphémères ; voir section 2.

19 La section 2 semble contredire la section 29 de la nouvelle Loi car elle exclut la radiodiffusion de la définition de la communication au public. L'ancienne loi définissait la communication au public comme étant la représentation ou l'exécution en direct de toute présentation visuelle ou sonore.

20 Voir sections 28 (2) et 26 (a à k) où s'appliquent respectivement les exceptions a, f, l et g, et a, f, h et k.

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bibliothèques publiques et des centres de documentation non commerciaux ainsi que de l'utilisation d'une œuvre à des fins judiciaires à condition que le nom de l'auteur et la source soient mentionnés.

S'agissant des programmes d'ordinateur, le propriétaire légitime d'un tel programme peut accomplir les actes ci-après sans l'autorisation de l'auteur : effectuer des copies aux fins de corriger des erreurs, réaliser une copie de sauvegarde, utiliser la copie afin de tester l'exploitabilité du programme et pour toute autre fin non interdite par l'accord de licence. La section 26 (5) autorise la décompilation d'un programme. La Loi stipule clairement que toute copie réalisée en vertu des dispositions de cette section doit être détruite une fois que l'objectif a été atteint ou que le propriétaire cesse d'être le détenteur légal du programme.

La sous-section 3 prévoit la reproduction d'une seule copie d'un enregistrement sonore pour un usage loyal, et introduit une taxe sur les bandes magnétiques vierges payable par les importateurs ou fabricants de supports vierges aux producteurs de l'enregistrement sonore au point de vente initial au Kenya. Cette disposition existait déjà à la section 9 (4) du Chapitre 130, mais elle n'a jamais été appliquée parce que jusqu'en novembre 2003, les producteurs d'enregistrements sonores n'avaient pas d'organe représentatif pour l'administration collective de leurs droits21. Les dispositions de la nouvelle section prévoient que la taxe sur les bandes vierges est fixée dans le cadre de négociations entre les producteurs d'enregistrements sonores et les fabricants et importateurs de bandes magnétiques vierges. L'autorité compétente (Competent Authority) créée en vertu de la section 48 de la Loi est chargée du règlement des différends.

La reproduction commerciale sans versement d'une redevance aux producteurs d'enregistrements sonores est un délit pénal passible d'une amende maximum de 200.000 shillings kenyans (2.500 dollars des États-Unis) ou d'une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à quatre ans. Cette section prévoit des sanctions mais elle devrait aussi avoir un effet dissuasif.

3.4.3 Droits moraux

Outre les droits moraux de l'auteur tels qu'ils sont énoncés à la section 32 de la Loi, la section 30 (5) introduit des droits moraux pour l'artiste interprète ou exécutant, conformément aux dispositions du WPPT (WIPO Performances and Phonograms Treaty). Il s'agit notamment du droit d'être mentionné comme tel et du droit de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre modification de ces interprétations ou exécutions préjudiciables à sa réputation22. Les droits moraux existent indépendamment des droits patrimoniaux et sont inaliénables pendant toute la vie de l'auteur ; ils ne sont cessibles que par disposition testamentaire à la mort de l'auteur.

3.5 Titularité initiale

La titularité initiale du droit d'auteur appartient au créateur de l'œuvre. Toutefois, si l'œuvre a été créée par l'auteur dans le cadre de son emploi ou si l'auteur a créé l'œuvre sur commande, le droit d'auteur initial, sauf disposition contraire, appartient à l'employeur ou, respectivement à la personne qui a commandé l'œuvre. Si l'œuvre est créée dans le cadre d'un contrat passé avec l'État ou un organisme international, le droit d'auteur initial appartient à l'autorité commettante.

21 La Kenya Association of Music Producers a été créée en novembre 2003. Elle a notamment pour mission de

défendre les intérêts des producteurs d'enregistrements sonores, d'où l'intérêt pour eux de la taxe sur les bandes magnétiques vierges.

22 Voir Article 6 bis de la Convention de Berne.

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3.6 Cession et licence

Conformément à la section 33, le titulaire du droit d'auteur peut céder tout ou partie de ses droits patrimoniaux, les léguer ou accorder une licence autorisant leur utilisation. Les cessions et licences exclusives doivent être rédigées par écrit et être homologuées par le Kenya Copyright Board23. Elles sont contraignantes pour les ayants droit24. La section 33 (7) est nouvelle par rapport à l'ancienne Loi : elle vise à limiter la durée de la cession à trois ans si aucune durée n'a été expressément convenue dans l'accord25. Les droits et moyens de recours du preneur de licence ou de sous-licence exclusive sont énoncés à la section 34.

4. Atteinte au droit d'auteur

Il y a atteinte au droit d'auteur lorsqu'une personne autre que le titulaire du droit d'auteur, le cessionnaire ou le preneur de licence effectue ou fait effectuer un acte visé par le droit d'auteur sans l'autorisation du titulaire de ce droit. Sont visés les droits exclusifs sur les œuvres littéraires, artistiques et musicales (section 26), les droits exclusifs sur les enregistrements sonores (section 28) et les droits des organismes de radiodiffusion et des artistes interprètes ou exécutants (section 29).

4.1 Dispositions anticontournement et systèmes électroniques d'information sur le régime des droits

Avec l'apparition des nouvelles technologies, il a fallu inclure dans la Loi des dispositions relatives aux mesures de lutte contre le contournement26 et aux systèmes d'information sur le régime des droits27. D'après la section 35 (3), sont illégaux le contournement de toute mesure technique mise en place pour protéger l'œuvre, ainsi que la fabrication et la distribution de procédés de contournement, la suppression ou la modification de tout système d'information sur le régime des droits ainsi que la mise à disposition du public d'œuvres qui ont été obtenues par suppression du système électronique d'information sur le régime des droits.

4.2.1 Moyens de recours civils

Le titulaire des droits dispose de plusieurs voies pour faire cesser l'atteinte à ses droits :

• action en dommages-intérêts et injonctions ;

• remise des exemplaires contrefaits produits par le défendeur ;

• indemnisation calculée sur la base d'un montant raisonnable que le demandeur aurait perçu si le défendeur n'avait pas porté atteinte à ses droits.

En vertu de la section 35, le tribunal peut attribuer des dommages-intérêts supplémentaires s'il estime que sans cela, le demandeur n'obtiendrait pas une réparation véritable. Toutefois, s'il estime que le défendeur a porté atteinte aux droits de l'auteur mais qu'au moment de commettre la

23 L'homologation par le Kenya Copyright Board est une nouvelle disposition qui a été introduite pour assurer

l'authenticité de la cession car auparavant, les licences et cessions ne faisaient l'objet d'aucune vérification. 24 Section 33 (9). 25 Les paragraphes (7) à (10) de la section 33 sont nouveaux et spécifiques à la Loi kenyane sur le droit d'auteur. 26 Voir Article 18 du WPPT et Article 11 du WCT. Bien que le Kenya n'ait pas encore ratifié ces deux traités, la

Loi contient des dispositions issues de ces deux textes. 27 Article 19 du WPPT et Article 12 du WCT.

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contrefaçon il ne savait pas et n'avait pas de sérieux motifs de croire que l'œuvre en question était toujours protégée par le droit d'auteur, le tribunal n'ordonne pas le versement de dommages-intérêts28.

4.2.2 Présomption de titularité du droit d'auteur

La section 35 (8) traite de la présomption de titularité du droit d'auteur. Le droit d'auteur sur l'œuvre est présumé subsister si le défendeur n'en conteste pas l'existence et, lorsque ce droit est présumé ou reconnu, le demandeur, en cas d'action en justice, est présumé en être le titulaire si le défendeur ne conteste pas cette titularité.

4.2.3 Les ordonnances Anton Pillar

Les ordonnances Anton Pillar, moyen de recours civil utilisé dans le passé par les titulaires du droit d'auteur, ont été expressément incluses dans la nouvelle Loi29. Ceci permet au titulaire du droit d'auteur ayant des éléments de preuve qu'il a été porté atteinte à ses droits d'obtenir du tribunal qu'il ordonne une perquisition dans les locaux où se trouve le matériel ayant servi à la contrefaçon et sa confiscation pour éviter toute atteinte ultérieure et sauvegarder les preuves. Ce faisant, le tribunal prend une ordonnance unilatérale. Ce moyen de recours, bien que disponible pour des actions civiles, a rarement été utilisé en cas d'atteinte au droit d'auteur30.

4.3 Délits et sanctions en cas d'atteinte au droit d'auteur (sanctions pénales)

Les délits énoncés à la section 37 de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur sont notamment la vente, la location et la distribution d'exemplaires contrefaits, la fabrication d'exemplaires contrefaits pour la distribution, la vente ou la location, la reproduction à des fins commerciales et l'importation d'œuvres contrefaites, et la fabrication ou la possession d'un procédé connu pour reproduire des exemplaires contrefaits, à l'exception des cas où l'accusé peut prouver qu'il a agi de bonne foi. Quiconque réalise ou organise la représentation ou l'exécution publique d'une œuvre protégée sans le consentement de l'auteur est coupable d'un délit passible d'une amende pouvant atteindre 800.000 shillings kenyans (10.000 dollars) ou d'une peine d'emprisonnement de 10 ans au maximum, ou des deux. Il s'agit là d'une amélioration importante par rapport aux sanctions prévues par la Loi qui a été abrogée, mais vu le grand nombre d'atteintes au droit d'auteur et les conséquences de la piraterie pour les titulaires du droit d'auteur, ces sanctions devraient être encore plus lourdes et dissuasives. Le montant des amendes et la nature des voies de recours civils devraient être proportionnés à l'ampleur des dommages causés par l'atteinte au droit d'auteur.

4.4 Homologation des œuvres protégées par le droit d'auteur

L'homologation des œuvres protégées par le droit d'auteur a été introduite par la section 36 à laquelle il est prévu que tous les enregistrements sonores et œuvres audiovisuelles sont censés intégrer un dispositif contre le piratage de nature à faciliter l'identification des exemplaires légaux. Il incombe au Copyright Board et à la Kenya Revenue Authorithy d'assurer l'administration de ce dispositif. La Loi considère comme un délit la vente, l'offre de vente ou la distribution d'enregistrements sonores et d'œuvres audiovisuelles dépourvus du dispositif de protection contre le piratage. Les fabricants et producteurs d'enregistrements sonores et d'œuvres audiovisuelles doivent s'adresser à la Kenya Revenue Authorithy pour obtenir ce dispositif. Plusieurs commentateurs ont 28 Ces dispositions ne s'appliquent que dans le cadre de la section 35. 29 L'Article 50 de l'Accord sur les ADPIC prévoit des mesures provisoires, en particulier dans les cas où le fait de

ne pas faire cesser immédiatement la contrefaçon est de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur. 30 En réalité, ces ordonnances ont été utilisées par Microsoft au Kenya (Microsoft contre Microskills, non publié).

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remis en question cette disposition31. Pourtant, cette section prévoit un moyen d'assurer que les droits des auteurs sont effectivement protégés. Elle n'introduit pas de formalité à effectuer pour jouir de ces droits, elle ne fait que renforcer l'application du droit d'auteur.

4.5 Compétence des tribunaux

Il ne peut être porté plainte pour atteinte au droit d'auteur que dans les trois ans qui suivent l'atteinte alléguée et seulement devant le tribunal du Resident Magistrate's Court ou devant la High Court. Les amendes fixées par le tribunal seront versées pour moitié au Kenya Copyright Board et pour moitié au Trésor public de la République du Kenya. Cette section existait déjà dans la Loi sur le droit d'auteur qui a été abrogée mais les plaintes en la matière étaient très souvent déposées auprès de tribunaux qui n'avaient pas compétence pour les juger. Par conséquent, même si le magistrat se prononçait en faveur du plaignant, les demandes étaient rejetées sur des points de procédure32.

5. Inspection (Partie V)

Comme prévu à la section 3, le Kenya Copyright Board a pour mission de faire respecter le droit d'auteur et les droits voisins au Kenya. La Partie V de la Loi traite des inspecteurs nommés par le Kenya Copyright Board pour assurer l'administration et l'application du droit d'auteur et des droits voisins au Kenya.

Ces inspecteurs sont nommés par le Kenya Copyright Board et sont habilités à faire des perquisitions dans les cas où l'on a des raisons valables de penser que des locaux sont utilisés à des fins contraires aux dispositions de la Loi sur le droit d'auteur. La section 42 accorde aux forces de police et aux inspecteurs le droit d'arrêter toute personne dont on a des raisons légitimes de soupçonner qu'elle a violé les dispositions de cette loi.

La section 43 autorise le Procureur général, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, à nommer des procureurs chargés d’engager des poursuites dans des affaires d'atteinte au droit d'auteur. Dans ce contexte, le Board est considéré comme une autorité publique. Les inspecteurs ne sont pas personnellement responsables de tout acte commis de bonne foi dans l'exercice de leurs fonctions en vertu des dispositions de cette loi.

6. Domaine public (Partie VI)

Il y a trois catégories d'œuvres qui appartiennent au domaine public conformément aux dispositions de la section 45 de la Loi. Il s'agit notamment :

• des œuvres dont la durée de protection a expiré ;

• des œuvres sur lesquelles les auteurs ont renoncé à leurs droits ; 31 C'est une des questions qui a été soulevée par les États-Unis d'Amérique lorsque le Kenya a fait l'objet de

l'examen des ADPIC par l'OMC en 2001. Les États-Unis craignaient principalement que cette disposition ne soit pas conforme à l'Article 5 (2) de la Convention de Berne et, par voie de conséquence, à l'Article 9 de l'Accord sur les ADPIC.

32 Affaires non publiées : R contre Christine Mwangi (CF 2436/2000), R contre David Gachecho (CF 2429/2000), R contre Lucy Wanjiru Murithi (CF 2435/2000). Ces plaintes ont été déposées devant des juridictions subsidiaires, la Loi stipulant pourtant qu'elles ne pouvaient l'être que devant le Resident Magistrate's Court ou la High Court. Les défendeurs étaient accusés d'atteinte au droit d'auteur sur des œuvres musicales, conformément à la section 35 de la Loi de 1966 sur le droit d'auteur. Dans ces trois affaires, bien que l'accusation ait intenté des poursuites à première vue légitimes, le tribunal a statué qu'il n'était pas compétent.

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• des œuvres étrangères qui ne bénéficient pas de la protection du droit d'auteur au Kenya. Il s'agit principalement d'œuvres de pays n'ayant pas adhéré à des conventions sur le droit d'auteur auxquelles le Kenya est partie ou d'œuvres qui ne bénéficient pas de la protection du droit d'auteur dans leur pays d'origine.

Les œuvres qui sont tombées dans le domaine public peuvent être utilisées sans restriction, sous réserve du paiement d'un droit spécifique au Ministère chargé du droit d'auteur et des droits voisins au Kenya.

7. Administration collective du droit d'auteur et des droits voisins (Partie VII)

Conformément à la Partie VII de la Loi, les sociétés de gestion collective sont placées sous la supervision du Kenya Copyright Board. Auparavant, la Loi sur le droit d'auteur ne contenait aucune disposition à cet égard et les sociétés de perception avaient pour mandat de percevoir et de distribuer les redevances des membres de la société de gestion collective.

7.1 Enregistrement

La section 46 (1) prévoit qu'une société de gestion collective ne peut fonctionner que si elle dispose d'un certificat d'enregistrement auprès du Kenya Copyright Board. C'est à lui que doivent être présentées les demandes et versées les cotisations statutaires. Une fois la demande approuvée, le Board procède à l'enregistrement de la société de gestion collective. Une seule société de perception est enregistrée pour la gestion collective du droit d'auteur sur une catégorie d'œuvres particulières.

Avant l'enregistrement, le Board n'approuve la demande d'une société de gestion collective que si celle-ci remplit les conditions énoncées à la section 46 (2). La Loi ayant été promulguée après la constitution de certaines sociétés de perception33, la section 46 (7) prévoit un enregistrement provisoire d'une durée de six mois qui peut être prolongée par le Ministre chargé du droit d'auteur et des droits voisins34. Le Board peut, conformément à la section 46 (9), annuler l'enregistrement d'une société s'il estime que celle-ci n'agit pas conformément aux objectifs pour lesquels elle a été créée, à savoir la collecte et la distribution des redevances pour ses membres, ou qu'elle a refusé de se conformer aux dispositions de la Loi sur le droit d'auteur.

Le Procureur général35 est habilité à nommer une autorité compétente en vertu des dispositions de la section 47 de la Loi. Cet organe est compétent pour traiter de diverses questions ayant trait à la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins. Le nombre de membres de l'autorité compétente est compris entre trois et cinq personnes au maximum, dont un avocat qualifié ayant au moins sept années d'expérience, ou un haut fonctionnaire judiciaire. L'autorité compétente propose un mécanisme de recours contre les décisions du Board ou contre la pratique d'octroi de licences des sociétés de perception.

33 La Loi est entrée en vigueur en février 2003 mais la Music Copyright Society of Kenya avait été constituée en

1984, la Society of Performing Artists en septembre 2000 et la Reprographic Rights Society existait déjà avant l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi.

34 Le Copyright Board a été officiellement inauguré en juillet 2003, et ses membres ont été nommés publiquement en mai 2003, soit trois mois après l'entrée en vigueur de la Loi.

35 Le Procureur général est actuellement le ministre chargé du droit d'auteur et des droits voisins au Kenya.

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8. Dispositions diverses

8.1 Réglementation

Le Procureur général peut prendre toutes réglementations de nature à assurer un environnement propice à l'administration et à l'application de la Loi.

8.2 Expression du folklore

Le Procureur général définit les modalités régissant l'utilisation commerciale du folklore. En revanche, l'usage des œuvres du folklore par une entité publique nationale ou à des fins non commerciales n'est pas soumis à l'autorisation du Procureur général. Les réglementations applicables aux expressions du folklore non pas encore été élaborées. Pour l'instant, il n'existe pas de cadre prévu à cet effet.

8.3 Œuvres créées avant l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur

Toutes les oeuvres qui étaient protégées en vertu du Chapitre 130 des Lois du Kenya et dont la durée de protection n'avait pas expiré à l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur bénéficient de la protection de la nouvelle Loi. Celle-ci ne concerne pas les contrats ou accords conclus avant son entrée en vigueur.

De fait, la section 52 abroge la partie du Chapitre 130 des Lois du Kenya relative à la Loi sur le droit d'auteur.

9. Résumé et conclusion

La Loi de 2001 sur le droit d'auteur contient diverses dispositions de conventions et traités internationaux récents tels que l'Accord sur les ADPIC, le WPPT et le WCT. Les principales caractéristiques de la nouvelle Loi sur le droit d'auteur sont les suivantes :

• création d'un organe administratif, le Kenya Copyright Board, qui reprend les fonctions du Copyright Office au département du Registrar General ;

• mise en place d'un dispositif de protection contre le piratage ;

• enregistrement et supervision des sociétés de gestion collective au Kenya ;

• nomination de procureurs et d'inspecteurs qui traitent des atteintes au droit d'auteur et contribuent à faire respecter les droits que la Loi protège ;

• aggravation des sanctions pénales et introduction spécifique des ordonnances Anton Pillar conformément aux dispositions de la Partie III de l'Accord sur les ADPIC. Les amendes infligées en cas d'atteinte au droit d'auteur devraient toutefois être plus dissuasives. Les voies de recours devraient notamment inclure la saisie et la destruction des biens et dispositifs contrefaits ;

• protection des systèmes de gestion des droits et mise en place de mesures de protection techniques.

La Loi de 2001 sur le droit d'auteur constitue assurément un pas dans la bonne direction. Néanmoins on ne pourra juger de sa réussite que si elle est effectivement appliquée ; une bonne loi sans dispositif d'application approprié n'a pas d'utilité pour ceux qu'elle est censée protéger. Outre cette nouvelle loi, il est nécessaire que le Kenya dispose de mécanismes puissants de lutte contre le piratage, que la population soit bien informée des questions de droit d'auteur et de droits voisins,

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que les sociétés de gestion collective soient puissantes et efficaces et qu'il existe une infrastructure administrative fonctionnelle36.

La section 22 (4) est particulièrement intéressante en ce sens qu’une œuvre ne pourra pas être considérée comme se voir refuser la protection du droit d’auteur si le seul motif invoqué est que sa fabrication ou tout acte y relatif constitue une atteinte au droit d'auteur sur une autre œuvre

36 Bien que le Board ait été officiellement créé en juillet de la même année, il n'a pas encore commencé à

fonctionner. En attendant, c'est le Copyright Office qui remplit ses fonctions.

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DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES

JURISPRUDENCE

CANADA

Cour suprême du Canada

Droit d’auteur – Demande que les fournisseurs de services Internet soient contraints au versement de redevances – Antémémoire – Extraterritorialité de la Loi canadienne sur le droit d’auteur

La Loi sur le droit d’auteur peut s’appliquer chaque fois qu'une télécommunication a un lien réel et substantiel avec le Canada et pas uniquement lorsqu'une communication Internet provient d'un serveur hôte se trouvant au Canada.

L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit d'auteur dispose que le participant à une télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication nécessaires » n'est pas réputé en être l'auteur. L'intermédiaire Internet qui ne se livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'al. 2.4 (1) (b).

La « mise en antémémoire » est dictée par la nécessité d'offrir un service plus rapide et plus économique. Elle ne devrait pas constituer une violation du droit d'auteur lorsqu'elle a lieu uniquement pour de telles raisons techniques et bénéficie donc de la protection prévue à l'al. 2.4(1) (b).

Décision de la Cour suprême du Canada, 30 juin 2004 (Extraits tirés du résumé de la décision de la Cour suprême du Canada)

Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique c. Association canadienne des fournisseurs Internet.

Référence neutre : 2004 CSC 45.

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Faits :

La défenderesse, la SOCAN, est une société de gestion Canadienne qui gère les droits d’auteur sur les œuvres musicales de ses membres canadiens et des membres étrangers de sociétés homologues. Elle veut percevoir des redevances auprès des fournisseurs de services Internet situés au Canada parce que, selon elle, ils violeraient le droit exclusif conféré par la loi au titulaire du droit d'auteur de communiquer l’œuvre au public par télécommunication et d'autoriser une telle communication. Les appelantes représentent une vaste coalition de fournisseurs canadiens de services Internet. Elles font valoir qu'elles ne « communiquent » pas d’œuvres musicales ni n'« autorisent » leur communication puisqu'elles ne sont que des agents et ne réglementent pas le contenu des communications Internet qu'elles transmettent.

En 1988, le Parlement a ajouté à la Loi sur le droit d'auteur la disposition antérieure à l'actuel al. 2.4 (1) (b) prévoyant que la personne qui ne fait que fournir « à un tiers les moyens de télécommunication nécessaires pour que celui-ci effectue [une communication] » n'est pas elle-même partie à une communication illicite.

Décision :

1. L’application de la Loi canadienne sur le droit d’auteur

[...] Il y a télécommunication lors de la transmission de l’œuvre musicale du serveur hôte à l'utilisateur final. La communication Internet qui franchit une ou plusieurs frontières nationales « se produit » dans plus d'un pays, soit à tout le moins dans le pays de transmission et dans le pays de réception. Point n'est besoin qu'une communication provienne d'un serveur situé au Canada pour qu'elle se produise au Canada. [...] Conclure en sens contraire irait non seulement à l'encontre du sens ordinaire des mots, mais aurait de graves conséquences dans d'autres domaines d'application de la loi à l'Internet.

L'applicabilité de la Loi canadienne sur le droit d'auteur à une communication à laquelle participent des ressortissants d'autres pays dépend de l'existence entre le Canada et la communication d'un lien suffisant pour que le Canada applique ses dispositions conformément aux principes d'ordre et d'équité.

[...] En ce qui concerne l'Internet, le facteur de rattachement pertinent est le situs du fournisseur de contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l'utilisateur final. L'importance à accorder à l'un d'eux en particulier varie selon les circonstances de l'affaire et la nature du litige. La conclusion selon laquelle le Canada pourrait exercer sa compétence en matière de droits d'auteur à l'égard tant des transmissions effectuées sur son territoire national que de celles provenant de l'étranger est conforme non seulement à notre droit général, mais aussi aux pratiques nationales et internationales en la matière.

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2. « Communication » au sens de l’article 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit d’auteur

[...] L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi sur le droit d'auteur dispose que le participant à une télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication nécessaires » n'est pas réputé en être l'auteur. Cette disposition n'est pas une échappatoire, mais un élément important de l'équilibre établi par le régime législatif en cause. Il faut interpréter les termes qu'elle emploie dans leur sens ordinaire et grammatical, selon le contexte. Dans le contexte considéré, un moyen est « nécessaire » s'il est raisonnablement utile et approprié pour l'obtention des avantages que sont une économie et une efficacité accrues. Les « moyens » englobent tous les logiciels de connexion, les services assurant la connectivité, les installations et services offrant l'hébergement sans lesquels la communication n'aurait pas lieu. L'intermédiaire Internet qui ne se livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'alinéa 2.4 (1) (b). Ce qui caractérise entre autres un tel « agent » c'est l'ignorance du contenu attentatoire et l'impossibilité (tant sur le plan technique que financier) de surveiller la quantité énorme de fichiers circulant sur l'Internet.

3. Est-ce que la « mise en antémémoire » constitue une autorisation de la violation de droit d’auteur ?

[...] L'antémémoire n'a aucune incidence sur le contenu et, au vu de l'al. 2.4 (1) (b) de la Loi, elle ne devrait avoir aucun effet juridique sur la communication intervenant entre le fournisseur de contenu et l'utilisateur final.

Le fait qu'un fournisseur de services Internet sache que quelqu'un pourrait violer le droit d'auteur grâce à une technologie sans incidence sur le contenu n'équivaut pas nécessairement à autoriser cette violation, car il faut démontrer que l'intéressé a approuvé, sanctionné, permis, favorisé ou encouragé le comportement illicite. L'omission de retirer un contenu illicite après avoir été avisé de sa présence peut, dans certains cas, être considérée comme une « autorisation ». Celle-ci peut parfois être inférée, mais tout dépend des faits.

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DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES

Une charte d’engagement

pour la musique en ligne en France

La piraterie des œuvres musicales sur Internet étant de plus en plus répandue, plusieurs acteurs de l’industrie musicale tentent de mettre en place des mesures et des outils pour enrayer le problème. Cependant, la lutte contre la piraterie des œuvres musicales ne peut se faire sans la sensibilisation et la participation de l’ensemble de la population, des fournisseurs d’accès Internet, des entreprises privées et bien sûr des autorités publiques.

Dans ce but, la France s’est donc dotée, le 28 juillet dernier, d’une charte

d’engagement pour le développement de l’offre légale de musique en ligne, de la propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique*. Cette entente, parrainée par le gouvernement français, comporte un certain nombre de clauses visant les fournisseurs d’accès, les ayants droit, les producteurs et les plates-formes de distribution en ligne qui, ensemble, s’engagent à collaborer avec les pouvoirs publics pour mener à bien la lutte contre la piraterie sur Internet, promouvoir des actions de prévention et de sensibilisation, mais également améliorer l’offre légale.

Outre les campagnes de sensibilisation, les fournisseurs d’accès Internet devront

notamment mettre en œuvre immédiatement les décisions judiciaires prises en application de la loi, veiller à supprimer, sur les portails dont ils sont éditeurs, les liens hypertextes et les référencements vers des sites violant les droits de propriété intellectuelle des ayants droit et également référencer, sur leurs portails, uniquement les offres légales de musique en ligne.

De leur côté, les ayants droit signataires de la Charte s’engagent à accroître

rapidement l’offre licite de musique en ligne au consommateur et à développer la mise à disposition, dans des conditions financières, transparentes et non discriminatoires, de l’intégralité des contenus numérisés et disponibles, à l’ensemble des plates-formes. Les ayants droit s’engagent également, avant la fin de l’année 2004, à intenter des actions civiles et pénales ciblées à l’encontre de pirates et donner à ces actions la visibilité

* Voir le texte de la charte sur le site du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.

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nécessaire pour atteindre l’objectif de sensibilisation voulu par les signataires de la charte.

Par ailleurs, en vertu de la Charte, les producteurs se doivent de participer, en

fonction de leurs possibilités et dans le cadre d’une offre la plus diversifiée possible, à l’augmentation du catalogue de titres musicaux disponibles en ligne, étant précisé que l’objectif à atteindre par toutes les parties concernées est de doubler le nombre de titres, soit directement, soit indirectement, avant la fin de l’année 2004. Les plates-formes devront notamment initier des négociations, dès septembre, pour aboutir avant la fin de l’année 2004 à des partenariats commerciaux dynamiques entre les producteurs, les plates-formes elles-mêmes et les fournisseurs d’accès à Internet visant entre autres à accroître les efforts publicitaires sur Internet, développer des offres promotionnelles en ligne, accélérer la numérisation tout en développant des promotions croisées entre les supports physiques et les offres en ligne.

Les signataires de la Charte devront, de plus organiser, conjointement avec les

pouvoirs publics, des campagnes de sensibilisation des jeunes, faire de la lutte contre la piraterie sur Internet une priorité de l’action politique, policière et judiciaire, étudier et promouvoir des actions de prévention et de sensibilisation en direction des entreprises et des administrations tout en maintenant un environnement sécurisé pour les contenus.

La France est le premier pays à disposer d’une charte entre fournisseurs d’accès et

professionnels de la musique pour lutter contre le piratage. Il sera donc intéressant de regarder les répercussions de cette charte et de voir si d’autres pays vont lui emboîter le pas et suivre son exemple.

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ACTIVITES DE L’UNESCO

Avant-projet de Convention sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques

Suite à l’adoption en novembre 2001, par la 31e session de la Conférence générale, de la Déclaration universelle de l’UNESCO sur la diversité culturelle, la 32e session de la Conférence générale de l’UNESCO a confié au Directeur général le mandat de soumettre à sa prochaine session, en octobre 2005, un rapport préliminaire et un avant-projet de convention internationale sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques.

C’est dans ce cadre que se sont tenues à l’UNESCO plusieurs réunions d’experts dont la première tâche fut d’entamer une réflexion préliminaire pour mener éventuellement à la rédaction d’un canevas d’avant-projet. La première réunion du groupe d’experts s’est tenue le 17 décembre 2003. Elle visait cinq axes majeurs de la future convention: ses objectifs; la définition et le champ d’application de la protection de la diversité culturelle et des expressions artistiques; les relations de la future convention avec d’autres instruments internationaux, en particulier l’Accord général sur le commerce des services (AGCS) et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC); les mécanismes de la coopération et l’assistance internationale; et enfin les mécanismes de suivi devant servir de base à son application.

Aux termes de la deuxième réunion d’experts ayant débuté le 30 mars 2004 et de la troisième réunion ayant eu lieu en mai dernier, les experts ont complété la rédaction du canevas d’avant projet qui aborde tant les objectifs de la Convention que ses mécanismes de mise en œuvre et d’application.

Lors de la troisième et dernière réunion d’experts de la première phase du projet, les objectifs et le champ d’application de la Convention n’ont pas été modifiés, contrairement aux deux précédentes réunions. Cependant, les définitions ont fait l’objet d’ajustement, notamment en ce qui concerne le terme « expressions culturelles » que les experts ont jugé plus opportun pour couvrir les contenus culturels et d’expressions artistiques. Les droits et obligations des Etats partie ont été enrichis et précisés, tant à l’échelle nationale qu’internationale. Le texte propose également des mécanismes de coopération de même que des outils de mise en œuvre, tel qu’un Observatoire de la

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diversité culturelle qui aurait pour mission de collecter, analyser et diffuser toute information pertinente sur la diversité des expressions culturelles, ainsi que de constituer une banque de données des bonnes pratiques pour la protection et la promotion de celle-ci. Les mécanismes de suivi et de règlement des différends ont été affinés.

C’est donc au terme de cette première étape qu’a pu débuter la deuxième phase du projet : celle des réunions d’experts gouvernementaux. La première réunion d’experts gouvernementaux sur l’avant-projet de Convention sur la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques s’est tenue du 20 au 24 septembre. Elle a rassemblé environ 600 participants représentant 132 Etats membres, 9 organisations intergouvernementales et 20 organisations non gouvernementales.

La discussion sur les objectifs de la convention a d’abord fait ressortir l’attachement de nombreux États à la reconnaissance de la spécificité des biens et des services culturels, c’est-à-dire leur double nature à la fois économique et culturelle. Aussi, plusieurs intervenants ont souhaité ajouter à la liste des objectifs le respect du droit des États d’adopter des mesures relatives à la promotion et à la protection de la diversité des expressions culturelles. De même, plusieurs ont souhaité que la Cohésion sociale, la Préservation de la diversité linguistique, l’Éducation et le Développement fassent partie de la liste des objectifs. Sur la substance, les intervenants ont manifesté un appui à l’égard du respect des droits de l’Homme. Enfin, la discussion a été menée sur le champ d’application de la Convention ainsi que sur une révision de l’architecture institutionnelle des organes de suivi de la Convention.

Un groupe de rédaction composé de 24 membres a été constitué à l’issue de la réunion, qui devra se réunir en décembre afin de proposer, sur la base des commentaires présentés par les Etats membres et attendus pour le 15 novembre au plus tard, un nouveau texte d’avant-projet à soumettre à la prochaine session de la réunion intergouvernementale, prévue du 31 janvier au 12 février 2005.

Une ou deux autres réunions d’experts gouvernementaux se tiendront au cours du premier semestre de 2005, à l’issue desquelles le Directeur général soumettra aux Etats membres un rapport préliminaire, accompagné d’un avant-projet de convention, en vue de son examen lors de la 33e session de la Conférence générale de l’UNESCO qui aura lieu en octobre 2005.

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SELECTION D’OUVRAGES

The Economics of Copyright. Edité par Wendy J. Gordon et Richard Watt. Edward Elgar Publishing, Cheltenham, UK, 2003, 206 pp. Cet ouvrage contient une sélection des études les plus intéressantes présentées au Congrès annuel de la SERCI qui s’est tenu à Madrid (Espagne) en 2002. La SERCI (Society for Economic Research on Copyright Issues) [Société pour la recherche économique en matière de droits d’auteur], a été créée en 2001. Son objectif principal est de servir de plate-forme académique pour lancer et approfondir le débat scientifique sur le droit d’auteur, d’un point de vue économique, en vue d’améliorer l’efficacité de la gestion des droits d’auteur. L’ouvrage est composé de 10 chapitres dans lesquelles les études ont été regroupées autour de 4 thèmes principaux. Les trois premiers chapitres sont consacrés à l’aspect économique du droit d’auteur en général et plus particulièrement, à l’analyse de l’impact des nouvelles technologies sur cet aspect économique d’un point de vue historique, par comparaison avec les effets des avancées technologiques survenues dans les années 70 et 80. Le deuxième thème, est consacré, dans les chapitres 4 à 6, aux relations contractuelles entre les créateurs et les distributeurs. Partant du principe que la protection du droit d’auteur est une conditio sine qua non pour la stimulation de la créativité et un instrument fondamental de la politique culturelle, les auteurs analysent ici les différentes façons d’augmenter les revenus des créateurs. Ces chapitres présentent également une étude intéressante sur les nouveaux défis auxquels doit faire face l’industrie musicale, dans le « monde après Napster ». La troisième partie analyse les questions juridiques relatives au droit d’auteur en s’appuyant sur des théories économiques. Les chapitres 7 et 8 abordent notamment les contradictions entre le droit de la concurrence et le droit d’auteur. Les deux derniers chapitres traitent de la question importante de la gestion collective du droit d’auteur. Faisant référence à de nombreux ouvrages et tenant compte des derniers développements en matière de droits d’auteur, les auteurs de ce livre proposent des solutions s’inspirant de la théorie économique. C’est un ouvrage complexe et intéressant, tant pour les juristes que pour les économistes, qui permet une meilleure compréhension du droit d’auteur dans ses aspects économiques.