LES NOUVEAUX DÉFIS DES MARCHÉS · les marchés se tiennent en grande majorité une fois par...

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CGAcontact - N°116 Septembre / Octobre 2016 8 GROS PLAN par Nasser NEGROUCHE LES NOUVEAUX DÉFIS DES MARCHÉS ! Les commerçants non sédentaires se mobilisent pour s’adapter à l’arrivée de nouveaux concurrents et pérenniser leur modèle économique. D es couleurs, de la fraîcheur et de la bonne humeur ! C’est la recette gagnante des quelques 8 000 marchés, couverts ou de plein air, qui déploient leurs étals chatoyants dans environ 6 000 communes de France. Pour le plus grand bonheur des consommateurs qui en apprécient les charmes multiples. « Pour moi, c’est un rituel sacré ! Le marché, ce n’est pas seulement un lieu d’achat, mais un moment d’évasion, une sorte de flânerie que je ne raterai pour rien au monde. En plus, on y fait de bonnes affaires », confie Joëlle, 39 ans, assistante de gestion dans un cabinet d’assurances à deux pas de Grenoble. Pour Ramdane, 52 ans, ouvrier dans le bâtiment, le marché parisien de Ménilmontant, dans le 20 ème arrondissement, est au cœur de la E n zone urbaine ou rurale, les commer- çants non sédentaires tirent profit des mêmes atouts stratégiques : une offre de proximité, des produits frais et de qualité, des prix compétitifs, une convivialité sans équivalent. Selon une étude de l’INSEE menée en 2005, les marchés se tiennent en grande majorité une fois par semaine (76%). Les marchés de moins de 25 emplacements – petits marchés – représentent 62% des marchés français ; ceux possédant entre 26 et 60 emplacements en constituent 31%. PANIER MOYEN EN BAISSE vie du quartier. « Ici, en plus de trouver de bons fruits et légumes, on retrouve les voisins, les amis et même des proches… C’est un lieu de rencontre et d’échange. On prend le temps de parler, de prendre des nouvelles des uns et des autres… ». Cette fonction sociale des marchés, souvent négligée dans les analyses, est pourtant l’un des points forts de ces espaces mar- chands pas comme les autres. « C’est vrai que l’humain est omni- présent sur les marchés. Il ne faut pas oublier que c’est la forme origi- nelle du commerce ! Ici, on revient aux racines de la vente et de la rela- tion humaine…Personnellement, je trouve toujours une solution par le dialogue et l’écoute », sourit Jean-Patrick, placier sur les marchés de Normandie depuis une vingtaine d’années. Toujours selon cette même source, 30% des ménages se rendent sur les marchés et 12% s’y approvisionnent au moins deux fois au cours d’une semaine. Près d’un client sur deux a plus de 60 ans, alors que seulement 4% de la clientèle a moins de 30 ans. Les habitants de l’agglomération parisienne font plus volontiers leurs courses sur les marchés que ceux des villes moyennes. Une baisse de la fréquentation de la clientèle (surtout en semaine), associée à une réduction de la diversité de l’offre, souvent liée aux difficultés de transmission de l’entreprise (notamment pour certains métiers de bouche, éléments moteurs des marchés) expliquent pour partie le repli de l’activité du commerce de détail alimen- taire sur éventaires et marchés. « Aujourd’hui, les marchés alimentaires voient leur fréquentation augmenter, mais leur panier moyen diminuer en raison de la conjoncture économique. Il y a encore dix ans, les dépenses alimentaires et dépenses courantes, celles qui se font en bas de chez soi, pouvaient représenter près de 60% du budget des familles contre 45% environ actuellement. Cette baisse s’est faite notam- ment au profit du poste culture/loisirs », nuance cependant Christine Alba, spécia- liste en programmation d’équipements commerciaux, dans une interview accor- dée au blog pap.fr

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GROS PLAN

par Nasser NEGROUCHE

LES NOUVEAUX DÉFIS DES MARCHÉS !Les commerçants non sédentaires se mobilisent pour s’adapter à l’arrivée de nouveaux concurrents et pérenniser leur modèle économique.

Des couleurs, de la fraîcheur et de la bonne humeur  ! C’est la recette gagnante des quelques 8 000 marchés, couverts ou de

plein air, qui déploient leurs étals chatoyants dans environ 6 000 communes de France. Pour le plus grand bonheur des consommateurs qui en apprécient les charmes multiples. « Pour moi, c’est un rituel sacré ! Le marché, ce n’est pas seulement un lieu d’achat, mais un moment d’évasion, une sorte de flânerie que je ne raterai pour rien au monde. En plus, on y fait de bonnes affaires », confie Joëlle, 39 ans, assistante de gestion dans un cabinet d’assurances à deux pas de Grenoble. Pour Ramdane, 52 ans, ouvrier dans le bâtiment, le marché parisien de Ménilmontant, dans le 20ème arrondissement, est au cœur de la

En zone urbaine ou rurale, les commer-çants non sédentaires tirent profit des

mêmes atouts  stratégiques : une offre de proximité, des produits frais et de qualité, des prix compétitifs, une convivialité sans équivalent. Selon une étude de l’INSEE menée en 2005, les marchés se tiennent en grande majorité une fois par semaine (76%). Les marchés de moins de 25 emplacements – petits marchés – représentent 62% des marchés français ; ceux possédant entre 26 et 60 emplacements en constituent 31%.

PANIER MOYEN EN BAISSE

vie du quartier. « Ici, en plus de trouver de bons fruits et légumes, on retrouve les voisins, les amis et même des proches… C’est un lieu de rencontre et d’échange. On prend le temps de parler, de prendre des nouvelles des uns et des autres… ». Cette fonction sociale des marchés, souvent négligée dans les analyses, est pourtant l’un des points forts de ces espaces mar-chands pas comme les autres. «  C’est vrai que l’humain est omni-présent sur les marchés. Il ne faut pas oublier que c’est la forme origi-nelle du commerce ! Ici, on revient aux racines de la vente et de la rela-tion humaine…Personnellement, je trouve toujours une solution par le dialogue et l’écoute », sourit Jean-Patrick, placier sur les marchés de Normandie depuis une vingtaine d’années.

Toujours selon cette même source, 30% des ménages se rendent sur les marchés et 12% s’y approvisionnent au moins deux fois au cours d’une semaine. Près d’un client sur deux a plus de 60 ans, alors que seulement 4% de la clientèle a moins de 30 ans. Les habitants de l’agglomération parisienne font plus volontiers leurs courses sur les marchés que ceux des villes moyennes. Une baisse de la fréquentation de la clientèle (surtout en semaine), associée à une réduction de la diversité de l’offre, souvent liée aux difficultés de transmission de l’entreprise (notamment pour certains métiers de bouche, éléments moteurs des marchés) expliquent pour partie le repli de

l’activité du commerce de détail alimen-taire sur éventaires et marchés. « Aujourd’hui, les marchés alimentaires voient leur fréquentation augmenter, mais leur panier moyen diminuer en raison de la conjoncture économique. Il y a encore dix ans, les dépenses alimentaires et dépenses courantes, celles qui se font en bas de chez soi, pouvaient représenter près de 60% du budget des familles contre 45% environ actuellement. Cette baisse s’est faite notam- ment au profit du poste culture/loisirs  », nuance cependant Christine Alba, spécia-liste en programmation d’équipements commerciaux, dans une interview accor-dée au blog pap.fr

Page 2: LES NOUVEAUX DÉFIS DES MARCHÉS · les marchés se tiennent en grande majorité une fois par semaine (76%). Les marchés de moins de 25 emplacements – petits marchés – représentent

CGAcontact - N°116 Septembre / Octobre 2016

GROS PLAN

Innovation, concurrence, transmission  : les commerçants des marchés sont aujour-

d’hui confrontés à de nouveaux défis. Pour les assurer du soutien de l’Etat, Carole Delga, alors Secrétaire d’Etat chargée du Commerce, de l’artisanat, de la consomma-tion et de l’économie sociale et solidaire, avait présenté, fin 2014, une « Charte pour le développement des marchés de France ». Cette feuille de route, signée, à l’époque, avec Marylise Lebranchu, Ministre de la Décentralisation et de la fonction publi- que l’Association des maires de France, Monique Rubin, Présidente de la Fédération nationale des syndicats des commerçants

CONCURRENCE ET TRANSMISSION

ACHATS ALIMENTAIRES : LES FEMMES PRÉFÈRENT LES MARCHÉS

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des marchés de France (FNSCMF), vise à sécuriser et pérenniser l’activité des marchés. Le document prévoit notam-ment une consultation préalable des organisations professionnelles du secteur avant tout projet de création, suppression ou transfert d’un marché. Il favorise aussi le dialogue entre l’ensemble des acteurs et opérateurs des marchés (communes et commerçants principalement).Plus concrètement, le texte cherche à préserver l’équilibre entre l’offre alimen- taire et non alimentaire et veut garan-tir une concurrence loyale entre les com merçants des marchés (particulièrement ceux ayant opté pour le régime de l’auto- entrepreneur) et certaines pratiques para- commerciales ou même de nouveaux acteurs non sédentaires comme les food trucks, les magasins éphémères…

Quel qu’en soit le genre, 15% des dépenses alimentaires des per-

sonnes seules se font dans des commerces de proximité (boulangerie, bouche-rie, épicerie fine...) et 7% dans des pe-tites surfaces d’alimentation générale et de produits surgelés. Mais la majeure partie des produits alimentaires (sept sur dix) sont achetés en grandes sur-faces (hypermarchés, supermarchés, magasins populaires et maxi-discount). C’est une étude de l’INSEE (mai 2008)

Source : Insee Première n° 1194 (mai 2008) : « La consommation alimen-taire des hommes et femmes vivant seuls ».

LES CHIFFRES CLÉS DE LA PROFESSION

Chiffre d’affaires du secteur : 4,8 Mds€Nombre d’entreprises  : 50 000 (pour l’ensemble du commerce non séden-taire)Nombre de salariés : 20 000Nombre de marchés : 8 000 implantés dans 6 000 communes

Source : Insee, Crocis, FNSCMF

sur la consommation alimentaire des personnes vivant seules qui le démontre. La principale différence dans ce domaine entre hommes et femmes se situe dans la fréquentation des marchés  : les femmes y achètent 4% de leurs aliments, contre seu-lement 2% pour les hommes. En outre, les produits achetés dans chacun de ces lieux ne sont pas les mêmes. Les femmes achè-tent le plus souvent les boissons en grandes surfaces , tandis que les hommes y achètent plus fréquemment poisson, viande, fruits

et légumes, produits que les femmes sont justement plus nombreuses à se procurer sur les marchés. Les femmes achètent ainsi, par exemple, 13% de leurs fruits et 11% de leurs légumes sur des marchés, contre 8% des fruits et 6% des légumes achetés pour les hommes. Ces écarts persistent lorsqu’on se limite aux personnes seules d’âge actif et ils ne tiennent donc pas à l’âge plus éle-vé en moyenne des individus vivant seuls.

Autre point sensible  : la question de la transmission. La loi sur l’artisanat, le commerce et les TPE a institué un «  droit de présentation  » qui facilite et sécurise désormais la transmission. Le titulaire d’une autorisation d’occupation dans une halle ou un marché peut présenter au maire son successeur en cas de cession de son fonds. En cas de décès, d’incapacité ou de retraite le droit de présentation est transmis aux ayants droits qui peuvent en faire usage au bénéfice de l’un d’eux, dans un délai de six mois ; à défaut, le droit de présentation est caduc. La transmission d’un fonds de commerce exploité sur le domaine public (hors domaine public naturel) sera égale-ment facilitée.