Les Merveilles du monde ou Les Secrets de l'histoire...

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Les Merveilles du monde ou Les Secrets de l' histoire naturelle et autres acquisitions récentes du temps du roi René Exposition du 21 décembre 2017 au 3 février 2018 municipale d’Angers

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Les Merveilles du monde ou Les Secrets de l' histoire naturelle et autres acquisitions récentes du temps du roi René

Exposition du 21 décembre 2017 au 3 février 2018

municipale d’Angers

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Les Merveilles du monde ou Les Secrets de l' histoire naturelleMaître de Marguerite d’Orléans, 1430-1450. 1. Île de Mélos (parchemin ; 77 x 156 mm). Au revers, fragment du chapitre sur la Macédoine. 2. Médie (parchemin ; 77 x 160 mm). Au revers, fragment du chapitre sur Médie.

Provenance : Jacques Bacri, antiquaire, collectionneur et historien de l’art (1911–1965) ; puis un fils de Jacques Bacri ; vente Sotheby’s, Bacri frères Antiquaires, Paris - Collection Jacques Bacri, Paris, 30 mars 2017, lot 19 ; Galeries Les Enluminures (Chicago, Paris, New-York) ; Angers, bibl. mun., rés. ms. 2850 (juillet 2017).

Bibliographie : E. König, Les Heures de Marguerite d'Orléans, Paris, 1991 ; Les merveilles du monde ou Les secrets de l' histoire naturelle, éd. Anne-Caroline Beaugendre, Arcueil, 1996 ; E. König, « Le livre des secrets d’histoire naturelle », Splendeur de l'enluminure. Le roi René et les livres, dir. M.-É. Gautier, Angers, Arles, 2009, notice 35, p. 324-325.

Depuis 2013, la bibliothèque municipale d’Angers a enrichi ses collections de neuf pièces du temps du roi René (1434-1480), réalisées en Anjou ou à destination d’Angevins. Outre un livre d’heures, un bréviaire et un incunable, six feuillets survivants de manuscrits malheureusement dépecés ont rejoint les fonds patrimoniaux. Pour ne pas encourager les pratiques spéculatives de démembrement des livres médiévaux, acquérir des fragments découpés est peu ordinaire en bibliothèque publique. Aussi est-ce plus souvent par des legs ou dons de collections privées que ces œuvres intègrent les collections publiques. Les bibliothèques n’interviennent sur le marché qu’avec la certitude que le dépeçage est ancien et qu’il s’agit désormais de sauver une œuvre, dans l’espoir d’éviter sa complète disparition ou de favoriser sa restauration. Tous ces récents achats ont bénéficié de l’indispensable soutien du Fonds régional d’acquisition des bibliothèques des Pays-de-la-Loire (FRAB). Les deux feuillets enluminés d’un manuscrit perdu des Merveilles du Monde ou Secrets de l'histoire naturelle ont également été acquis en juillet 2017 avec l’aide d’Angers Musées Vivants. Cette exposition est présentée en guise de chaleureux remerciements à cette association, mécène désormais régulier de la bibliothèque.

Mélos, peint par le Maître de Marguerite d'Orléans. Angers, bibl. mun., rés. ms. 2850. © Ville d'Angers.

Médie, peint par le Maître de Marguerite d'Orléans. Angers, bibl. mun., rés. ms. 2850. © Ville d'Angers.

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Avant l’apparition sur le marché de l’art en mars 2017 des deux fragments désormais angevins, seuls quatre exemplaires manuscrits de ce livre étaient connus. Le plus ancien a été copié pour un certain Maître Renaud, marchand de Bourges en 1428, possible fournisseur de la cour du « roi de Bourges », Charles vii. Conservé à Paris, à la Bibliothèque nationale de France (fr. 1377-1379), il a été enluminé, d’après Eberhard König, par le Maître de Marguerite d’Orléans. Deux autres exemplaires ont été réalisés vers 1460 en Anjou, par le Maître du Boccace de Genève, peintre qui a longuement travaillé pour le roi René. L’un de ces deux volumes, conservé à New-York à la Pierpont Morgan Library (ms. M. 461) et orné des armes d’Anjou sur deux miniatures, a dû être peint pour le roi René ou un membre de sa famille. L’autre, dépouillé d’une trentaine de ses enluminures, reste en mains privées, dans la collection Charnacé, après être passé par celles du Rennais Jean Brégerault au xviiie siècle, de Gélis-Didot et du comte Paul Durrieu (1855-1925). Le Maître du Boccace de Genève reproduit assez fidèlement dans ces deux livres les compositions du Maître de Marguerite d’Orléans, ne lui apportant que de menues variantes, héraldiques dans le premier, plus narratives et anecdotiques dans le second, notamment dans la scène de Médie où il ajoute une planche pour permettre aux deux fuyards d'embarquer dans la nef. Un quatrième volume plus tardif copié sans doute pour Charles, comte d’Angoulême, dans les années 1480, reçut du peintre Robinet Testard un cycle iconographique largement renouvelé.

Ces quatre exemplaires comportent tous encore les miniatures de Mélos et Médie qui figurent sur les deux fragments de la collection Bacri aujourd’hui à Angers. Ceux-ci font donc découvrir l’existence d’un cinquième exemplaire perdu dont ils nous conservent la majeure partie d'un même feuillet. Dans l’ordre chronologique, ce livre démembré devait être le second. Il doit dater des années 1430-1450. La copie, fautive par endroits, est d'une main différente de celle du manuscrit de la BnF. Mais les peintures, attribuées à l'atelier angevin du Maître de Jouvenel lors de la vente de mars 2017, sont du même peintre que celui du premier manuscrit, le Maître de Marguerite d’Orléans. Pour peindre ce second manuscrit des Merveilles du monde, ce dernier reprend fidèlement, par un quasi décalque, ses compositions précédentes, mais dans une technique plus picturale où le trait du dessin est sensiblement moins prononcé. Son art diffère ici nettement des peintures aux couleurs brillantes comme l’émail qu’il affectionne dans les livres d’heures où il intervient, et plus nettement encore de la palette si distincte du Maître du Boccace de Genève. Ses dessins rehaussés à l'aquarelle s’insèrent, sans encadrement, dans toute la largeur du texte. Ciels et mers sont peints en dégradé. À mesure qu’il descend vers la ligne d’horizon ou vers le premier plan, le peintre eff leure à peine le parchemin de très fins filets de peinture et le laisse de plus en plus en réserve. Des rehauts bleus aquarellés s’enroulent en boucles pour figurer les vagues et les courants marins. Cependant, sur les feuillets d’Angers, il enrichit

Les deux miniatures acquises cet été avec le mécénat d’Angers Musées Vivants revêtent au premier regard un caractère de merveilleux. Une étiquette au dos de leur cadre précisait lors de leur vente qu’il pouvait s’agir de « scènes issues de la Divine comédie ». Ce sont en réalité deux peintures successives d’une compilation encyclopédique intitulée Les Merveilles du monde ou Les Secrets de l' histoire naturelle, une œuvre composée en français probablement dans le premier quart du xve siècle. Ces fragments ont été plus précisément découpés sur une même page de la première partie de ce traité, organisée en dictionnaire alphabétique de cinquante-six pays, peuples ou provinces du monde, d’« Affricque » à « Ululande », où chaque article est orné d'une miniature.

L’auteur, resté anonyme, compile divers récits antiques, souvent mythologiques, princi-palement de Pline l’Ancien et de Solin. Les auteurs médiévaux lui sont de peu d’usage. S’il a pu s’inspirer discrètement de sommes universitaires du xiiie siècle, comme celles de Gossuin de Metz, de Vincent de Beauvais ou de Brunet Latin, il s’inscrit aussi dans l’esprit des Otia imperialia (Divertissements pour un empereur) de Gervais de Tilbury. Il cite Odoric de Pordenone (1286-1331), un missionnaire franciscain parti jusqu’en Inde, à Bornéo et Java. Mais les autres témoins récents de voyages en Orient lui sont inconnus. Il néglige ainsi les démentis apportés aux légendes de son récit. Son intention est surtout d’édifier son lecteur afin que, par la connaissance des merveilles accomplies par Dieu sur terre, il tourne son âme vers son créateur. Par son texte autant que par la richesse narrative de son illustration, ce livre très original vise à l’agréable récréation et élévation de lecteurs cultivés, marchands ou collectionneurs de cabinets de curiosité tels qu’ont pu l’être ses premiers lecteurs.

Composition initiale du feuillet découpé

Recto Verso

Fin du chapitre sur Mélos :

Une ligne de texte

Fin du chapitre sur la Macédoine :

Une ligne de texte

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le dégradé du ciel de subtils filets bleu-vert, tandis qu’il rehausse la mer de bancs de petits points gouachés qu’il avait réservés dans le premier manuscrit de 1428 à l’évocation des sablons et bancs de sable du chapitre « Isle » et aux glaces dérivant au large de l’Irlande (BnF, fr. 1378, fol. 21-21v).

Bien en accord avec l'esprit de l'auteur, le Maître de Marguerite d'Orléans déploie avec verve un style très narratif, attaché aux détails. Pour évoquer la prospérité de Mélos (ou Milos, Milo) qui « est de toutes les autres ysles de la mer la plus ronde, (…) est moult fertille et plantureuse et habondant en tous biens (…) et moult bien peuplée », le peintre campe plusieurs places fortes tandis que deux groupes d'hommes déambulent en devisant paisiblement par les chemins, vignes et champs de blé.

Le tableau de la Médie, près de la Perse, fourmille de détails particulièrement expressifs. On y voit un « arbre qui est moult merveilleux et est tout couvert de espines pointues et si porte une pomme qui est meilleur et plus odorant que nulle autre pomme, et a ceste pomme grant vertu contre tout venin. (…) En tout temps, il est touzjours chargié de pommes quant on a osté une pomme de dessus, tantost il en revient une autre ». Le fruit de cet arbre est, selon Pline, excellent pour avoir bonne haleine. L'auteur et le peintre abordent ensuite « certaines grans cavernes dont l'entree est faicte a la façon d'une porte ». Elles ont été creusées en longues galeries de huit lieues de long sur cinq pieds de large. Les hommes y passent confortablement l'hiver, mais les fuient l'été en raison des serpents et autres bêtes venimeuses qui s'y trouvent. Paraît ensuite la montagne de Cassius en Médie Séleucie, si haute qu'en son sommet,

Article Isle dans l'exemplaire de Bourges peint par le Maître de Marguerite d'Orléans, 1428 (Paris, BnF, fr. 1378, fol. 21). © BnF.

Mélos et Médie dans l'exemplaire de Bourges peint par le Maître de Marguerite d'Orléans, 1428 (Paris, BnF, fr. 1378, fol. 29). © BnF.

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la nuit ne dure jamais plus de quatre heures, car on y perçoit très loin le jour qu'il fait en d'autres contrées. La suite de l'article vantant les qualités des pierres précieuses de Médie est plus complexe à figurer. L'artiste y parvient pourtant parfaitement. Le navire qui part au large évoque la sagada, pierre « tres joieusement verdoiant » qui remonte naturellement des fonds marins et ne peut se récolter que sur les coques des nefs. Il n'est pas jusqu'à la glossapetra qui ne soit représentée ; cette pierre en forme de langue d'homme, tombe du ciel à la fin de chaque cycle lunaire. Selon les magiciens, les lunatiques doivent éviter son contact au risque de raviver « leurs maladies et passions colliques ».

On ignore où et pour qui fut réalisé ce second exemplaire des Merveilles du monde ou Secrets de l' histoire naturelle. Le parcours du Maître de Marguerite d'Orléans reconstitué par Eberhard König reste complexe. Très marqué par l'art du maître parisien de Bou-cicaut, il pourrait avoir reçu ses premières commandes à la cour du jeune Charles vii à Bourges. Il dut exercer un temps à Rennes où il réalise vers 1430 son chef-d'œuvre, les Heures de la duchesse de Bretagne Marguerite d'Orléans (Paris, Bnf, lat. 1156 B). Un séjour à Poitiers vers 1440-1450 semble également établi. Mais l'inf luence profonde de

certains manuscrits présents à Angers dès les années 1420 comme les Belles heures du duc de Berry (New York Metropolitan Museum, Cloisters) ou les Heures de Jeanne Bessonnelle, épouse de Macé Beauveau (Paris, BnF, lat. 1161) atteste ses liens précoces avec l'Anjou, liens qui se renouvelèrent peut-être à la fin de sa carrière lors de sa collaboration tardive avec le Maître d'Arthur iii de Richemont ou lors de la transmission des modèles de ses Merveilles du monde au Maître du Boccace de Genève. Les deux feuillets acquis par Angers dont le dessin est encore fidèlement repris dans l'exemplaire peint aux armes d'Anjou, offrent de nouveaux et stimulants jalons pour reconstituer la carrière et le succès de cet artiste.

Mélos et Médie dans l'exemplaire aux armes d’Anjou peint par le Maître du Boccace de Genève. New-York, Pierpont Morgan Library, ms. M. 461, fol. 57v. © Pierpont Morgan Library.

Mélos et Médie dans l'exemplaire de l'ancienne collection Paul Durrieu, peint par le Maître du Boccace de Genève. Cliché Jean Porcher. © BnF. Tous droits réservés.

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Suffrages des saints provenant des Heures de Jean d'Anjou, duc de CalabreMaître de Jean de Calabre, ca. 1450. 1. Saint Georges (parchemin ; 90 x 65 mm). 2. Saint Julien de Brioude (parchemin ; 90 x 65 mm). 3. Saint Michel terrassant le démon (parchemin ; 90 x 65 mm).

Provenance : Jean d'Anjou, duc de Calabre (1426-1470) ; vente Thierry de Maigret, Tableaux anciens. Orfèvrerie, meubles et objets d'art des xviie, xviiie et xixe siècles, Paris, Drouot, 6 juin 2012, lot 134 ; Galerie Julie Maillard, Paris ; François Avril (juillet 2012) ; Angers, bibl. mun., rés. ms. 2850 (juillet 2013).

Bibliographie : M.-É. Gautier, « Les Heures de Jean de Calabre », Splendeur de l ’enlu-minure. Le roi René et les livres, Angers, Arles, 2009, p. 372-375 ; id., « Une acquisition récente : les feuillets inédits des Heures de Jean d’Anjou », Les Dossiers de l ’art, n° 213, 2013, p. 84-85 ; id., « Nouvelles acquisitions patrimoniales de la bibliothèque municipale d’Angers (2012-2015) », Archives d’Anjou, mélanges d’histoire et d’archéologie angevines, n° 18, 2015, p. 153-154.

À l’été 2012, François Avril a reconnu et signalé à la bibliothèque municipale d’Angers trois belles pages de suffrages adressés à des saints patrons des chevaliers, saint Georges, saint Michel et saint Julien de Brioude, peintes par le Maître de Jean de Calabre. Ce peintre

anonyme formé dans l'Ouest n'est connu que par un seul manuscrit, le livre d’heures – en mains privées – réalisé vers 1450 pour le fils aîné du roi René, Jean d'Anjou, duc de Calabre (1426-1470). Les dimensions de ces feuillets, leur mise en page, les rubriques des prières en bleu et en français assurent qu’ils proviennent de ce livre d'heures dont onze feuillets manquaient déjà lors d’une vente en 1882. Ces enluminures jusqu’alors inédites confirment les remarquables qualités de miniaturiste de leur peintre, son sens de la mise en scène et son goût de l’anecdote qu’illustre notamment la fréquence de ses petits singes joueurs au milieu des marges à motif végétal.

Le saint Michel, en vol, chassant d’une épée un démon qu’il saisit encore par un membre pourrait avoir été inspiré par le panneau de bois marouflé de la Chute des anges rebelles d’un suiveur de Simone Martini, conservé au Louvre.

Saint Georges. Heures de Jean de Calabre. © Ville d'Angers.

Saint Julien de Brioude. Heures de Jean de Calabre. © Ville d'Angers.

Saint Michel. Heures de Jean de Calabre. © Ville d'Angers.

Verso des feuillets précédents. Heures de Jean de Calabre. © Ville d'Angers.

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Fragment du Codex Justiniani de Pierre de LavalLettrines par le Maître du retable Beaussant, ca. 1480-1490. Parchemin, 248 x 197 mm.

Provenance : Pierre de Laval (1442-1493) ; à Laval en 1793 ; Alex Brunet ; Angers, bibl. mun., rés. ms. 2351 (juillet 2013).

Bibliographie : F. Avril, « Anjou, Maître du Cœur d'amour épris BnF, Fr. 24399 (dit aussi Maître du retable Beaussant) », Les enluminures du Louvre, Moyen-Âge et Renaissance, Paris, 2011, p. 201-205 ; M.-É. Gautier, « Nouvelles acquisitions patrimoniales de la bibliothèque municipale d’Angers (2012-2015) », Archives d’Anjou, mélanges d’histoire et d’archéologie angevines, n° 18, 2015, p. 155.

Ce feuillet provient du livre vi du Code de Justinien copié et enluminé pour Pierre de Laval (1442-1493), archevêque de Reims, abbé de Saint-Aubin et Saint-Nicolas d'Angers, beau-frère du roi René. Les miniatures et lettrines sont dues au Maître du retable Beaussant, peintre et enlumineur qui semble avoir fait toute sa carrière en Anjou. Cinq autres fragments de ce manuscrit réputé détruit à Laval en 1793 étaient jusqu’à présent connus. Trois enluminures découpées sont conservées au Louvre. Cent-vingt-cinq

feuillets entiers sont dispersés en deux collections privées. Le feuillet d’Angers, orné d’une vingtaine de lettrines non historiées, est le seul en collection publique. Il rejoint trois beaux volumes de droit canon aux armes de Pierre de Laval provenant du fonds de l’abbaye Saint-Aubin (rés. mss. 378, 385, 392) et permet de mieux apprécier les dimen-sions inhabituellement petites de ce Code de Justinien.

Guy de Montrochen, Manipulus curatorum, imprimé à Angers, le 19 septembre 1477194 fol., papier, petit in-4°.

Provenance : J. M. J. Chauvel, xviiie ou xixe siècle ; Dr. Paul Thoby, Nantes (1886-1969) ; vendu par ce dernier en 1966 à Jean-Émile Rossignol, libraire, Paris ; Gabriel Rossignol ; Angers, bibl. mun., rés. B 50400 (mars 2015).

Bibliographie : M.-É. Gautier, « Nouvelles acquisitions patrimoniales de la bibliothèque municipale d’Angers (2012-2015) », Archives d’Anjou, mélanges d’histoire et d’archéologie angevines, n° 18, 2015, p. 152-153.

Le Manipulus curatorum, imprimé à Angers le 19 septembre 1477 par Jean de La Tour et Jean Morel, est, après la Rhétorique de Cicéron publiée par les mêmes le 5 février précédent, le deuxième incunable précisément daté sorti de presses angevines. La Tour et Morel ont également publié, peut-être précédemment dès 1476, Les Coutumes d'Anjou et de Maine (Angers, bibl. mun., Rés. SJ 380), premières coutumes imprimées en France. Leur installation à Angers, certainement due à l’attrait du marché qu’offrait l’université, fait de la capitale de l’Anjou la quatrième ville d’implantation d’une imprimerie en France, après Paris (1470), Lyon (1473) et Toulouse (1475).Cette édition du Manipulus curatorum, célèbre manuel pastoral à l’usage des curés et prêtres de paroisse, largement diffusé dans toute l’Europe jusqu’à la parution du catéchisme du Concile de Trente, n’était jusqu’à présent connue que par trois autres exemplaires (Paris, BnF, Réserve, D 8880 ; Château-Gontier, bibl. mun., 11498 ; Vienne, ÖNB, Ink. 12.G.4), tous incomplets à l'inverse de celui d’Angers. Celui-ci est relié avec deux traités du dominicain Hugues de Saint-Cher (1190 ?-1263), l’Expositio missae seu Speculum ecclesie et le Speculum sacerdotum sortis des mêmes presses à la même époque.

Manipulus curatorum. Colophon daté. © François Baglin / Musées d'Angers.

Codex Justiniani de Pierre de Laval. © Ville d'Angers.

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Livre d'heures en français et latin, attesté en Anjou aux xviie et xviiie sièclesVal de Loire, ca. 1450-1460. 64 fol., 111 miniatures ; reliure estampée à chaud, médaillons centraux à la plaque présentant l’Annonciation et la Crucifixion, écoin-çons azurés à la plaque et semis de f leurons au petit fer (fin xvie ou début xviie s.) ; parchemin, 175 x 130 mm.

Provenance : Pascal Marchais, Angers ; Marguerite Fremond, fille de Marie Marchais, épouse de Henry Louis de Derry Jacopiere, Craon ; Frère Prégent, Craon, 1795 ; vente Maîtres Lavoissière et Gueilhers, La Rochelle, 12 mars 2016, lot 200 ; Angers, bibl. mun., rés. ms. 2849 (mars 2016).

Ce livre d’heures, lacunaire de plusieurs cahiers, quoique sorti d’un atelier de second rang, ne manque pas d’ambition dans sa composition. Parmi les textes qui le composent, se trouvent les petites heures de sainte Catherine ainsi que celles de sainte Madeleine, une longue Vie de sainte Marguerite en octosyllabes français rimés, alors très largement répan-dues, mais aussi une longue prière à sainte Barbe de plus de 23 quatrains décasyllabiques en français à rimes croisées qui semble, pour l’instant, inédite. Seules quatre grandes peintures subsistent. Sur l’une d’elles, la première destinataire du livre est représentée en prière devant sainte Madeleine. Les armes de France et du Dauphiné ajoutées en marge de cette page évoquent-elles sa proximité avec le service de Charles vii ou du futur Louis xi ? La scène de saint Christophe faisant traverser un f leuve à l’Enfant Jésus, guidé par la lanterne d’un ermite est alors très populaire en Anjou, tant dans l’enluminure que dans la peinture murale ou le vitrail. Une éducation de la Vierge par sainte Anne et le martyre de saint Sébastien subsistent également. Toutes les marges latérales des autres

Breviarium AndegavenseAngers, ca. 1450-1500. 460 fol. ; reliure estampée à froid sur ais de bois ; parchemin, 172 x 130 mm.

Provenance : Guillaume Rivière de la Haye (fin XVe s.) ; Pierre Esmeriau, curé de Notre-Dame de La Chaussée, canton de Loudun (diocèse d’Angers d’Ancien Régime), 1584 - ap. 1612 ; vente Binoche et Giquello, Beaux livres anciens, Paris, Drouot, 8 décembre 2017, lot 38 ; Angers, bibl. mun., rés. ms. 2851.

La bibliothèque d’Angers ne possédait encore aucun bréviaire médiéval complet à l’usage du diocèse d’Angers, les exemplaires déjà présents étant incomplets ou adaptés à différentes abbayes. Ce fort volume tout dernièrement acquis rassemble les lectures de tous les offices de l’année liturgique, notamment du sanctoral qui contient nombre de fêtes ou octaves propres au diocèse d’Angers. Enrichi d’un psautier férial et de nombreuses bénédictions, ce volume est parfaitement approprié au clergé séculier du diocèse. L’ajout sur un cahier écrit d’une autre main de l’office de la Visitation, introduit tardivement dans le diocèse à la date du 2 juillet, devrait contribuer à affiner la datation du manuscrit. Les dernières pages de garde comportent un fragment de la Vie de saint Maurille.

pages, peintes de bandes à motifs végétaux, accueillent des médaillons présentant des saints aux attributs peu personnalisés où l’on ne peut guère reconnaître que saint Louis (fol. 28) et saint Adrien (fol. 44v). Quoique d’une facture picturale assez rustique, ces enluminures peuvent être rattachées à la production du Val de Loire vers 1450-1460.

Suffrage à saint Christophe. © Ville d'Angers.

Suffrage à sainte Madeleine. © Ville d'Angers.

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Bibliothèque municipale d’AngersMédiathèque Toussaint

Rédaction : Marc-Edouard GautierConception graphique : Olivier Guillemain

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