Les mariages internationaux en corée du sud
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Les mariages internationaux en Corée
du Sud.Albane Léonard
Directeur de mémoire : Mme ChabalCo-directeur de mémoire : Mme Travert
Pôle International de Management, Master 1 Master Management International,parcours Echanges internationaux, option Echanges avec l’Asie
Faculté des Affaires Internationales, Université du Havre2011
Table des matières
Table des matières.............................................................................................................2
Index des tableaux.............................................................................................................3
Avant propos......................................................................................................................4
Introduction.......................................................................................................................6
Historique du mariage international en Corée du Sud.......................................................8
De 1953 au début des années 1990, les prémices du mariage international en Corée..8
La décennie 1990 ou l’apogée du mariage sino-coréen ..............................................12
Les années 2000 et le boom des agences matrimoniales.............................................17
Quel degré d’intégration pour les épouses étrangères ?.................................................22
Couple binational, couple en danger ?.........................................................................22
La difficile intégration à la société coréenne................................................................26
Le rapport aux institutions et aux services qu’elles proposent....................................30
Enjeux et solutions pour une meilleure intégration.........................................................33
Enjeux liés à la bonne intégration des épouses étrangères..........................................34
Les réponses gouvernementales aux problèmes d’intégration....................................37
Les initiatives individuelles à destination des familles internationales.........................40
Conclusion .......................................................................................................................43
Annexes.........................................................................................................................................45
Bibliographie ...................................................................................................................48
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Index des tableaux
Tableau 1: Ratio homme/femme selon l'âge et le milieu de résidence.............................14Tableau 2: Nombre de mariages internationaux 1991-2008.............................................16Tableau 3: Evolution du nombre d'épouses étrangères, 1991-2008..................................20Tableau 4: Niveau d'éducation des hommes selon le pays d'origine de leur femme.........24Tableau 5: Age des femmes selon leur pays d'origine......................................................25Tableau 6: Age des hommes selon le pays d'origine de leur épouse.................................25Tableau 7: Niveau d'éducation des femmes selon leur pays d'origine..............................28Tableau 8: Emploi des épouses étrangères selon leur pays d'origine................................29Tableau 9: Pourcentage d’utilisation des programmes de soutien aux couples internationaux..................................................................................................................31Tableau 10: Pourcentage de cas d'avortement..................................................................34Tableau 11: Raisons de l'avortement................................................................................35
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Avant propos
Ayant passé un an en Corée, j’ai eu la chance de pouvoir vivre une
multitude d’expériences qui ont aiguisé ma curiosité à propos du fonctionnement
de la société de ce pays. Parmi toutes ces expériences celle qui m’a le plus marqué
a été que pour la première fois de ma vie j’ai été une « étrangère ». J’avais certes
été une touriste dans plusieurs pays auparavant, mais cela ne m’avait jamais
marqué dans la mesure où c’était une situation temporaire et que je me considérais
moi-même comme une touriste. Quand je suis allée en Corée, les choses étaient
différentes. J’étais partie seule, avec l’envie de découvrir ce pays qui m’attirait et
persuadée que mon intégration ne serait qu’une question de semaines, d’un mois
ou deux tout au plus. Une fois sur place, j’ai vite déchanté. Que ce soit à
l’université où sur les listes d’élèves seuls mon prénom et la mention « étrangère »
étaient inscrits, dans la rue où certaines personnes me montraient du doigt en
s’écriant « oh une étrangère », ou même parmi mes camarades pour qui j’étais
toujours « l’amie étrangère », j’ai compris que l’étiquette « étrangère » me collait
à la peau et qu’il serait difficile de m’en débarrasser.
Quand le temps du choix des sujets de mémoire est arrivé, c’est donc tout
naturellement que je me suis tournée vers un sujet traitant de l’intégration des
étrangers en Corée. Ce thème étant trop large, je l’ai restreint en choisissant
d’étudier le mariage international et l’intégration des conjoints étrangers. Le
travail n’a pas été facile dans la mesure où le développement du mariage
international est un phénomène récent en Corée. Il y n’y a donc encore que peu de
documents – livres, thèses, articles, etc- traitant de ce sujet, et il est difficile de
prendre du recul par rapport à ce phénomène. De plus la majorité de ces
documents sont rédigés en coréen, ce qui a été le principal problème lors de mes
recherches. En effet il existe des rapports ministériels et des études assez
complètes sur ce sujet, mais ne maîtrisant pas la langue j’ai souvent été obligée de
me contenter d’extraits en anglais, ou d’autres rapports moins étoffés, en anglais
eux aussi.
4
Par ailleurs, lorsque j’ai commencé ce travail j’avais dans l’idée
d’interviewer quelques couples bi-nationaux, ce qui s’est révélé finalement
difficile dans la mesure où ils sont très discrets et que là encore la barrière de la
langue existait. J’ai donc renoncé à ce projet et ai préféré utiliser des interviews
réalisées par des journalistes ou des professeurs d’université que j’ai trouvées dans
différentes publications. Un peu déçue au début par la tournure qu’ont pris mes
recherches, j’ai finalement réalisé que cette solution me permettait d’avoir un
panel plus élargi et donc plus objectif que ce que j’aurai pu trouver par moi-
même. J’ai néanmoins eu l’occasion de discuter avec quelques couples franco-
coréens ou américano-coréens, mais cela n’a pas directement aidé à la rédaction
de mon mémoire dans la mesure où les couples de ce genre sont extrêmement
minoritaires en Corée et que leur expérience diffère radicalement de celle de la
majorité des couples bi-nationaux.
Enfin je voudrais remercier les personnes qui ont contribué, d’une manière
où d’une autre à la réalisation de ce projet, en particulier Mr Yang qui m’a aidé à
dans mes recherches dans les publications en coréen.
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Introduction
L’homogénéité ethnique et culturelle, que l’on peut définir comme étant la
présence d’une seule ethnie et culture au sein d’un groupe d’individus donné, est
une notion chère au peuple Coréen et qui semble encore bien le caractériser
aujourd’hui. En effet au premier abord le nombre d’étrangers présents en Corée
parait insignifiant et il est encore fréquent de passer plusieurs jours sans
apparemment croiser d’étrangers dans les lieux publics. Cependant lorsqu’on
s’attarde sur le sujet on s’aperçoit qu’en fait le nombre d’étrangers présents sur le
territoire, bien que relativement faible par rapport à celui des autres pays de
l’OCDE, est supérieur à ce que l’on pourrait croire. Selon un article du Chosun
Ilbo paru en 20071, la Corée compte maintenant plus d’un million d’étrangers sur
son territoire, dont 724 967 présents avec un visa d’une durée supérieure à 90
jours, soit environ 18 fois plus qu’en 1980 où ils n’étaient que 40 519. Cela
montre donc que le pays tend à s’ouvrir de manière constante sur l’extérieur en
accueillant sur son territoire des personnes de pays et cultures différentes.
Cependant cette transformation fulgurante soulève la question de
l’intégration des étrangers à la population coréenne, accepter les étrangers sur un
territoire est une chose, les intégrer à la population originelle en est une autre. Ce
problème étant assez large du fait de la variété des raisons de migration et des
circonstances de celle-ci, il était nécessaire de se concentrer sur une catégorie de
migrants précise. En effet, il est difficile d’étudier de la même manière
l’intégration d’un soldat américain et celle d’un ouvrier pakistanais, dans la
mesure où ils ne sont pas du tout confrontés aux mêmes situations dans leur vie
quotidienne et qu’ils n’ont pas non plus le même degré d’interaction avec les
Coréens.
Ce mémoire est donc centré sur la question du mariage international et de
la place qui est accordée au conjoint étranger au sein de la famille et plus
généralement de la société coréenne. Ce choix se justifie dans la mesure où, d’une
part, de plus en plus d’étrangers décident de se marier avec un citoyen coréen et
1 http://english.chosun.com/site/data/html_dir/2007/08/27/2007082761012.html
6
de résider en Corée du Sud, et d’autre part, ces couples et leur descendance
fragilisent l’homogénéité ethnique et culturelle du pays. L’étude se fonde
principalement sur les recherches d’un certain nombre de sociologues coréens et
américains dont les publications traitent, généralement, d’un point précis de la
question des mariages internationaux en Corée, comme du fonctionnement des
agences matrimoniales à portée internationale2 ou de l’implication de l’Etat coréen
et des gouvernements locaux dans la formation et le suivi des mariages
internationaux3. Un rapport4 publié en 2010 par le Ministry of Gender Equality
and Family (여성가족부) traitant des familles multiculturelles ainsi qu’une étude
menée par le professeur Seol5 auprès de 945 familles, en 2005 ont servi de base
pour les sources statistiques. La méthode utilisée pour ce mémoire consiste donc à
dégager les informations principales de ces différentes publications et à les
illustrer grâce à des exemples précis tirés d’articles de journaux, notamment, afin
d’évaluer la situation actuelle des conjoints étrangers et de leur famille et
d’étudier leurs perspectives d’avenir.
Pour cela le mémoire est divisé en trois axes majeurs. Le premier consiste
en une description de l’évolution de la nature du mariage international en Corée
depuis la fin de la Guerre de Corée, en mettant en avant les raisons, aussi bien
politiques qu’économiques et sociales, qui ont entraîné cette évolution. Le second
axe est lui consacré aux problèmes liés à cette modification de la nature du
mariage international, que les problèmes viennent du conjoint étranger ou coréen.
Enfin, le dernier axe souligne les enjeux qui découlent de ces mariages
internationaux et de leur mauvaise gestion ainsi que les réponses apportées par les
différents gouvernements concernés et les individus eux même.
2 SEOL Donghoon, “International Matchmaking Agencies in Korea and Their Regulation Policies”, Asia Culture Forum 20063 LEE Hyekyung, “International Marriage and the State in South Korea” in Citizenship Studies, janvier 20084 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 20105 SEOL Donghoon, Foreign Wives’ Life in Korea:Focusing on the Policy of Welfare and Health, 2005
7
Historique du mariage international en Corée du Sud
Selon la légende, le roi Kim Suro, fondateur du royaume de Geumgwan
Gaya au second siècle après Jésus Christ6, a pris pour épouse une princesse
indienne. Pourtant, pendant les siècles qui ont suivi, on recense très peu de
mariages internationaux et il n’y a pas eu de tradition « diplomatique » qui
consistait, comme au sein des familles royales européennes, à marier les
descendants royaux de deux pays afin de renforcer les liens entre les deux
royaumes concernés. A l’exception de quelques mariages d’amour légendaires,
comme celui du roi Kim Suro, ou celui du prince Hodong7, le mariage avec des
étrangers n’a pas été populaire en Corée jusqu’à une période récente. On peut
expliquer cela par deux raisons principales, la première tenant de la volonté
historique du peuple coréen et de son gouvernement de préserver l’homogénéité
ethnique et culturelle du pays, et la seconde tenant justement du fait qu’à part
quelques cas bien spécifiques, la majorité des unions entre un étranger et un
Coréen ont eu lieu en temps de guerre, quand le pays était envahi, ce qui ne
véhicule pas une image positive du mariage international. Les choses ont
commencé à changer à partir de la fin de la guerre de Corée. On distingue donc
trois périodes, la première allant de la fin de la guerre jusqu’au début des années
1990, la seconde couvrant les années 1990 et enfin la troisième commençant au
début des années 2000 jusqu’à aujourd’hui.
De 1953 au début des années 1990, les prémices du mariage
international en Corée
La première période étudiée débute donc avec la fin de la guerre de Corée
et le mariage entre soldats américains et femmes coréennes. Au sortir de la guerre
6 Encyclopédie Nate : http://100.nate.com/dicsearch/pentry.html?s=B&i=119393&=427 Le prince Hodong était le fils du roi Deamushin de Koguryo au 1er siècle après JC. Lors d’un voyage dans le pays voisin de Nangnang, ennemi de Koguryo, il tomba amoureux de la princesse et se maria. Quelques années après son père lui demanda d’organiser avec l’aide de sa femme le sabotage du tambour magique qui servait à prévenir Nangnang des attaques ennemies, ce qu’il fit. Lorsque le roi de Nangnang s’aperçu de la trahison il tua sa fille, mais cela n’empêcha pas la victoire de Koguryo.
8
les troupes américaines ne sont pas toutes retournées aux États-Unis. Au contraire,
elles se sont installées dans différentes bases aux quatre coins du pays, participant
à la reconstruction et à la formation de l’armée nationale coréenne. Bien que
rejetées par une certaine partie de la population aux sentiments nationalistes, les
bases américaines ont attiré les Coréens dans la mesure où elles proposaient du
travail, chose non négligeable dans un pays qui, en 1953, était totalement détruit
et avait un niveau de développement comparable à celui de l’Ethiopie.
C’est cet aspect de la présence américaine qui a permis le rapprochement
entre les soldats et leurs futures épouses. En effet, comme l’explique le professeur
Shin dans un article de l’International Journal of Korean studies 8, beaucoup de
femmes se sont soudainement retrouvées seules ou responsables du soutien
financier de la famille, puisque beaucoup d’hommes –traditionnellement
responsables- étaient morts, mutilés ou portés disparus à cause de la guerre. La
présence des bases américaines a donc facilité l’accès au travail d’un grand
nombre de femmes issues de milieux ruraux ou ouvriers. En effet, non seulement
les bases américaines offraient du travail aux femmes coréennes, mais les soldats
américains étant à l’époque plus riches que le reste de la population coréenne, une
sorte de synergie se créait autour des bases facilitant ainsi le développement des
petits commerces, notamment des bars et des restaurants, à proximité des quartiers
américains. Bien que peu payés, ces emplois offraient de nombreux avantages,
notamment le fait d’avoir accès au dollar et à des produits détaxés, entre autres
choses.
Cependant ces emplois étaient extrêmement mal vus par le reste de la
population. Le statut social d’une travailleuse de « GI towns » était plus ou moins
égal à celui d’un esclave. Cela s’explique par deux raisons. La première est que
traditionnellement une femme doit limiter au maximum ses contacts avec les
individus de sexe masculin, membres de la famille exceptés, or dans le cas des
travailleuses des « GI towns » le contact avec des hommes, étrangers, était
permanent. La seconde raison est que parallèlement au commerce traditionnel, le
8 SHIN Euihang, "Effects of the Korean War on Social Structures of the Republic of Korea", in International Journal of Korean studies, Spring/Summer 2001, p144
9
commerce du sexe s’est développé autour des bases américaines, causant donc un
phénomène d’assimilation : les jeunes femmes travaillant autour de la base
avaient, aux yeux des autres habitants, aussi peu de vertu que les prostituées, et ce
quelque soit leur véritable emploi. Ces deux raisons ont eu pour effet d’apporter le
déshonneur sur la famille quand il y en avait une, et de réduire les chances pour
ces femmes de trouver un mari.
Tout cela combiné fait que les soldats américains sont devenus pour ces
femmes coréennes esseulées et plus ou moins déshonorées un moyen de se marier,
de construire une famille, et d’échapper à la pauvreté puisque les soldats
américains rentraient au pays une fois leur service terminé. Du côté des soldats
américains, beaucoup ont d’abord vu les Coréennes comme des compagnes
temporaires, des partenaires sexuelles. Cependant il s’est avéré pour un certain
nombre de soldats américains non mariés qu’elles pourraient faire de bonnes
épouses. En effet elles ne posaient pas beaucoup de questions à propos de la
famille de soldats, et étaient, du fait de leur éducation très confucéenne, dociles.
Le mariage entre Coréennes et soldats américains est donc devenu assez répandu.
Entre 1941 et 1980, 45 551 femmes coréennes ont été admises sur le territoire
américain en tant qu’épouse de citoyen des États-Unis9. Cette pratique a continué
après les années 1980 et on estime à environ un millier le nombre de mariages
entre Coréennes et soldats américains10 célébrés chaque année. Cependant les
couples quittent généralement la Corée assez rapidement, à la fin du service du
mari.
Les mariages entre soldats américains et femmes coréennes ont donc été
les premiers mariages internationaux signifiants en Corée du Sud, cependant, il
est difficile d’évaluer leur impact sur la société coréenne ainsi que le niveau
d’intégration du conjoint étranger dans la mesure où les couples ne vivent pas,
dans leur majorité, sur le territoire coréen.
A partir des années 1980 c’est un autre type de mariages internationaux
qui s’est développé, cependant cette fois ci les unions ne se sont pas faites 9 SHIN Euihang, "Effects of the Korean War on Social Structures of the Republic of Korea", in International Journal of Korean studies, Spring/Summer 2001, p14710 Ibid, p50
10
spontanément comme cela est le cas pour les mariages entre Coréennes et soldats
américains. Au contraire, les mariages des années 1980 ont été l’initiative d’un
homme, Moon Sunmyung, le chef de l’Église de l’Unification.
L’Église de l’Unification est un mouvement religieux fondé en 1954 en
Corée du Sud par le révérend Moon Sunmyung. Le mouvement s’est rapidement
développé en Corée du Sud, puis à l’étranger, notamment au Japon et aux États-
Unis grâce à l’envoi de missionnaires. Parmi les préceptes prêchés par le
révérend, l’amour interracial et le pardon des erreurs du passé11 ont conduit à la
deuxième vague de mariages internationaux en Corée du Sud. En effet, à partir
des années 1980 le révérend Moon, déjà connu pour ses célébrations de mariage
en masse, commença à organiser la rencontre, par l’intermédiaire de l’Église, de
Japonais et Coréens par à des fins matrimoniales. Le point culminant de ce projet
est le mariage de masse en 1988 de 2500 couples nippo-coréens à Séoul. Dans la
majorité des cas les couples sont composés d’un homme coréen et d’une femme
japonaise, tous les deux de niveau social et d’âge équivalents. Le but officiel de
l’opération est de promouvoir la paix entre deux pays au passé conflictuel et
douloureux. Selon un site consacré au révérend Moon12,
Le Japon et la Corée ont un long et douloureux passé de nations ennemies et ces
couples ont ouvert la voie à une nouvelle manière de résoudre un conflit vieux comme le
temps en gagnant le cœur de chacun d’entre eux, de leurs beaux parents et de leur
famille étendue, en étant des modèles pour l’avenir d’un monde en paix.
Ce modèle de mariage à des fins idéologiques a connu son apogée dans les
années 1980 et s’est étendu à d’autres pays, principalement à la Thaïlande et aux
Philippines dans les années 2000. Cependant leur nombre reste relativement
limité dans la mesure où ce type de mariage ne concerne qu’un groupe religieux
précis et minoritaire, aussi bien en Corée qu’au Japon.
Pendant les quarante années qui suivirent la Guerre de Corée, le pays a
donc connu l’apparition d’un nouveau type de mariage unissant un citoyen coréen
à un citoyen étranger. Pourtant, du fait de leur nombre limité et du manque
11 http://www.reverendsunmyungmoon.org/works_family.html12 Ibid
11
d’information sur le sujet, il est difficile d’étudier en profondeur l’intégration des
étrangers et les conséquences pour le pays. Ce n’est qu’à partir des années 1990
que le phénomène va se généraliser et devenir une préoccupation
gouvernementale.
La décennie 1990 ou l’apogée du mariage sino-coréen
A partir du début des années 1990 un problème social de taille a
commencé à se faire sentir dans une société où le mariage est une étape
déterminante de la vie d’un individu : de nombreux jeunes hommes des milieux
ruraux n’arrivaient plus à trouver de femmes pour se marier. En effet, dans
certaines zones rurales on compte en 1990 plus de 187 hommes pour 100 femmes
pour la classe d’âge 20-24 ans, pour les classes d’âges suivantes, le ratio
homme/femme est certes moins élevé, mais toujours supérieur au taux naturel
(voir Tableau 1).
12
Tableau 1 : Ratio homme/femme selon l'âge et le milieu de résidence 13 14 .
Eup Myeon1960 106.50 100.49 101.63 110.231970 106.06 92.81 104.94 125.801980 104.12 89.49 109.72 151.611990 109.15 96.55 124.37 187.702000 111.44 105.84 122.66 161.821960 92.00 83.10 87.47 97.311970 99.04 99.63 93.04 99.571980 99.98 98.00 97.87 108.051990 99.46 96.49 99.23 123.152000 100.87 98.46 98.61 130.721960 87.68 85.96 85.12 89.051970 102.25 109.05 100.82 95.701980 105.53 105.79 106.15 104.441990 103.77 102.70 107.09 109.432000 102.13 100.61 102.80 117.601960 94.29 99.54 93.50 91.721970 97.44 103.77 98.59 91.861980 102.83 107.34 103.66 92.401990 106.13 105.72 111.55 105.602000 102.32 100.16 112.65 114.21
Age 20-24
Age 25-29
Age 34-39
Age 30-34
RuralAge Année Total Urbain
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il est en constante aggravation par
rapport aux décennies précédentes pour trois raisons. La première est que le
déficit d’hommes causé par la guerre de Corée s’est résorbé. Ensuite, les couples
coréens ont traditionnellement préféré avoir des garçons car ils restent avec la
famille une fois mariés, ce qui n’est pas le cas de la fille qui va avec sa belle
famille. Cette remarque est d’autant plus vraie dans les familles d’agriculteurs où
le travail de la terre est considéré comme un travail d’homme. De plus les
avancées de la médecine ont permis aux familles de connaître le sexe de l’enfant
avant la naissance, engendrant des avortements sélectifs, ce qui a creusé le déficit
de femmes. Enfin la dernière raison est d’ordre économique, le travail se faisant
rare dans les campagnes, beaucoup de jeunes femmes ont profité du
13 SEOL Donghoon, "Women Marriage Immigrants in Korea: Immigration Process and Adaptation", 2005, p3614 Eup : Villages ruraux, Myeon : Petites villes
13
développement économique pour trouver du travail dans les industries puis dans
les services, quittant ainsi le milieu rural et se mariant en ville.
Pour résoudre ce problème le gouvernement lança une politique
d’ouverture, la « Getting Rural Bachelors Married »15 qui consistait à encourager
– par des aides financières notamment- le mariage des célibataires de campagne
avec des jeunes femmes étrangères. Cette politique a pris toute son ampleur à
partir de 1992 quand le gouvernement coréen rétablit officiellement les relations
diplomatiques avec la Chine. Le nombre mariages entre femmes chinoises et
hommes coréens passa alors de 106 en 1991 à 9 271 en 1996, soit une
augmentation de plus de 8600% en cinq ans16. De ce fait, le schéma de base du
mariage international en Corée changea, le nombre de couples homme coréen /
femme étrangère mariés en 1995 étant de 10 365 contre 3 129 mariages entre
femme coréenne et homme étranger. Ce nouveau schéma s’est installé
durablement dans les années qui ont suivi et, depuis 1995, chaque année on
célèbre environ trois fois plus de mariages Coréen/étrangère que de mariages
Corénne/étranger (Tableau 2).
15 KIM Hyunmee, "The State and Migrant Women: Diverging Hopes in the Making of "Multicultural Families" in Contemporary Korea", 2007, p10116 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 2010, p62
14
Tableau 2 : Nombre de mariages internationaux 1991-2008 17
Nombre % Nombre % Nombre % Nombre %1991 416 872 411 770 98.8% 5 102 1.2% 0 663 13.0% 4 439 87.0%1992 419 774 414 240 98.7% 5 534 1.3% 2 057 37.2% 3 477 62.8%1993 402 593 396 048 98.4% 6 545 1.6% 3 109 47.5% 3 436 52.5%1994 393 121 386 505 98.3% 6 616 1.7% 3 072 46.4% 3 544 53.6%1995 398 484 384 990 96.6% 13 494 3.4% 10 365 76.8% 3 129 23.2%1996 434 911 418 965 96.3% 15 946 3.7% 12 647 79.3% 3 229 20.2%1997 388 591 376 143 96.8% 12 448 3.2% 9 266 74.4% 3 182 25.6%1998 375 616 363 428 96.8% 12 188 3.2% 8 054 66.1% 4 134 33.9%1999 362 673 352 103 97.1% 10 570 2.9% 5 775 54.6% 4 795 45.4%2000 332 090 320 485 96.5% 11 605 3.5% 6 945 59.8% 4 660 40.2%2001 318 407 303 884 95.4% 14 523 4.6% 9 684 66.7% 4 839 33.3%2002 304 877 289 675 95.0% 15 202 5.0% 10 698 70.4% 4 504 29.6%2003 302 503 277 727 91.8% 24 776 8.2% 18 751 75.7% 6 025 24.3%2004 308 598 273 958 88.8% 34 640 11.2% 25 105 72.5% 9 535 27.5%2005 314 304 271 948 86.5% 42 356 13.5% 30 719 72.5% 11 637 27.5%2006 330 634 291 875 88.3% 38 759 11.7% 29 665 76.5% 9 094 23.5%2007 343 559 305 999 89.1% 37 560 10.9% 28 580 76.1% 8 980 23.9%2008 327 715 291 511 89.0% 36 204 11.0% 28 163 77.8% 8 041 22.2%
Epoux étrangersNombre total de
mariagesAnnée
Mariages coréensMariages
binationauxEpouses
étrangères
17 Ibid, p33-34
15
Le début des années 1990 a donc marqué un tournant dans la conception
du mariage international en Corée dans la mesure où il devenait accessible aux
hommes et où il était encouragé par le gouvernement. En ce qui concerne la
nationalité des épouses, le choix s’est imposé naturellement. En effet afin de
préserver l’homogénéité ethnique et culturelle du pays et de la famille, beaucoup
d’hommes ont choisi de se marier à des Chinoises et principalement des Chinoises
d’origine coréenne, les Joseonjok. Pour un Coréen, se marier à une Chinoise
d’origine coréenne présentait trois avantages notables. D’abord dans beaucoup de
cas la rencontre peut se faire par l’intermédiaire des réseaux familiaux et d’amis,
en effet la majorité des Coréens ayant immigrés en Chine a gardé des liens très
forts avec leur famille en Corée, ce qui facilite le rapprochement des célibataires
des deux pays. De plus, la vie de couple est facilitée par le fait que beaucoup de
Joseonjok maitrisent la langue coréenne et ont reçu une éducation coréenne. Les
problèmes de la barrière linguistique et des incompréhensions d’origine culturelle
ne se posent donc plus. Enfin, en ce qui concerne l’intégration au reste de la
société, elle est également plus facile dans le cas d’un mariage avec une
Joseonjok. Puisqu'elles sont physiquement très ressemblantes aux Coréennes, les
discriminations dues à la différence physique sont limitées, aussi bien pour le
couple que pour sa descendance.
Les motivations des femmes étaient plutôt d’ordre économique. Les
Chinoises d’origine coréenne se mariant à des Coréens venaient en général de
milieux modestes et un mariage en Corée était vu comme une bonne opportunité
d’améliorer leurs conditions de vie. Un autre élément qui a joué un rôle
d’accélérateur du nombre de mariages entre Joseonjok et Coréens est la politique
d’immigration du gouvernement. Dans le cadre de la politique visant à marier les
hommes des campagnes, la Corée à ouvert ses portes en grand aux mariées
Joseonjok, leur offrant même deux « invitations » destinées à faire venir deux
membres de leur famille en Corée. En revanche, en ce qui concerne les Joseonjok
désireux de venir travailler en Corée, il était très difficile d’obtenir des visa, la
Corée fermant ses portes aux travailleurs Joseonjok non-qualifiés en répression de
nombreux abus ayant eu lieu dans les années 1980 quand les Joseonjok allaient
rendre visite à leur famille et restaient ensuite pour travailler au-delà des
16
conditions prévues par le visa. La manière la plus simple d’entrer en Corée pour
une femme Joseonjok était donc de se marier à un Coréen.
Cependant, cette situation n’a pas duré. Le gouvernement s’est rapidement
aperçu que le mariage n’était souvent qu’un prétexte pour venir en Corée et que
beaucoup de femmes quittaient le domicile conjugal une fois indépendantes
financièrement. Par ailleurs, il s’est avéré que beaucoup de femmes étaient
impliquées dans un trafic des invitations. Au lieu d’en faire profiter leur famille,
elles les vendaient en Chine. En conséquence, en 1996, les gouvernements coréen
et chinois ont signé un mémorandum complexifiant la procédure du mariage entre
Chinoises et Coréens. La conséquence directe de ce mémorandum est une chute
du nombre de mariages entre Chinoises et Coréens de 9 271 en 1996 à 3 566 en
200018.
Les années 2000 et le boom des agences matrimoniales.
Encouragé par les politiques gouvernementales comme moyen de résoudre
un problème social national, le déficit du nombre de femmes dans les campagnes,
le mariage international a connu une véritable impulsion dans les années 1990. Sa
popularité a continué de croître dans les années 2000 bénéficiant du soudain
développement des agences matrimoniales à portée internationale.
Les agences matrimoniales ne sont pas un phénomène nouveau en Corée,
cependant jusqu’aux années 1990 elles se limitaient aux rencontres nationales. A
partir des années 1990 certaines agences ont commencé à s’ouvrir sur les
mariages internationaux, principalement avec la Chine. Cependant comme
beaucoup de mariages étaient arrangés par l’entourage des célibataires, leur portée
était encore restreinte. A partir des années 2000, pour répondre à la demande
croissante de femmes étrangères, les agences matrimoniales ont commencé à
étendre leurs services à de nouveaux pays, principalement en Asie du Sud-Est et
dans d’anciennes républiques soviétiques.
18 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 2010, p36
17
Le nombre d’intermédiaires entre l’homme et sa future épouse varie selon
les agences matrimoniales, pourtant un modèle de base19 se dégage :
Homme coréen – Agence matrimoniale en Corée - Agence matrimoniale étrangère
locale – Recruteur – Femme étrangère
En Corée, l’homme va contacter une agence matrimoniale qu’il va
informer de ses préférences en matière de future épouse. Dans le pays cible, des
jeunes femmes auront préalablement été recrutées et leur « fiche profil » aura été
communiquée à différentes agences matrimoniales locales indépendantes. Les
agences matrimoniales coréennes et locales sont en contact et partagent leurs
informations afin que l’agence matrimoniale coréenne puisse proposer un certain
nombre d’épouses potentielles à ses clients. A l’étranger, les agences
matrimoniales qui proposent des mariages avec des Coréens sont souvent de
petites structures gérées par des immigrants Coréens. Cela facilite la liaison et
évite le recours à des traducteurs indépendants.
En ce qui concerne le processus de rencontre à proprement parler, une fois
inscrit à l’agence matrimoniale coréenne l’homme va avoir la possibilité
d’effectuer un voyage dans le pays qu’il aura choisi, afin de trouver une femme.
Le voyage dure quelques jours pendant lesquels l’homme va rencontrer un
rencontrer un certain nombre de femmes, faire son choix, rencontrer les parents de
sa future femme et finalement se marier. L’étape du mariage est indispensable
pour pouvoir faire venir la femme en Corée. Le mari repart seul en Corée où il
doit effectuer les formalités nécessaire à l’obtention d’un visa pour sa femme.
Cela dure en général trois mois pendant lesquels la femme reste dans son pays et
apprend le coréen.
Ce système de rencontre s’est rapidement popularisé en Corée, notamment
du fait que les gouvernements locaux favorisent cette pratique en distribuant des
subventions aux célibataires répondant à certains critères. Selon une étude de Kim
19 SEOL Donghoon, “International Matchmaking Agencies in Korea and Their Regulation Policies”, Asia Culture Forum 2006, p3
18
Hyunmee20, les célibataires âgés de 35 à 50 ans et travaillant dans les domaines de
la pêche et de l’agriculture peuvent demander des aides allant de 3 à 8 millions de
wons pour trouver une femme à l’étranger. Cette politique de subventions rend
donc accessible le mariage international aux célibataires coréens les plus
défavorisés.
On constatealors (tableau 3) une forte diversification des pays d’origine
des épouses à partir du début des années 2000. En effet, si les Chinoises
représentaient 72% des épouses étrangères en 2001, en 2008 elles ne représentent
plus que 46,3%. Leurs principales concurrentes sont les Vietnamiennes qui
commencent à se marier aux Coréens à partir de l’an 2000 et qui en 2008
représentent 29,4 % des nouvelles épouses étrangères. D’autres pays, non-
représentés dans les années 1990, fournissent aussi des épouses aux Coréens,
rendant le mariage international de plus en plus diversifié.
20 KIM Hyunmee, "The State and Migrant Women: Diverging Hopes in the Making of "Multicultural Families" in Contemporary Korea", in Korea Journal Hiver 2007, p110
19
Tableau 3 : Evolution du nombre d'épouses étrangères, 1991-2008 21
Pays 1991 1996 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008
Nombre 106 9 271 3 566 6 977 7 023 13 347 18 489 20 582 14 566 14 484 13 203% 16.0% 73.3% 51.3% 72.0% 65.6% 71.2% 73.6% 67.0% 49.1% 50.7% 46.9%Evolution 8646.2% 3264.2% -24.7% 0.7% 90.0% 38.5% 11.3% -29.2% -0.6% -8.8%Nombre 77 134 474 1 402 2 461 5 822 10 128 6 610 8 282% 0.0% 0.0% 1.1% 1.4% 4.4% 7.5% 9.8% 19.0% 34.1% 23.1% 29.4%Evolution 74.0% 253.7% 195.8% 75.5% 136.6% 74.0% -34.7% 25.3%Nombre 224 2 370 819 701 690 844 809 883 1 045 1 206 1 162% 33.8% 18.7% 11.8% 7.2% 6.4% 4.5% 3.2% 2.9% 3.5% 4.2% 4.1%Evolution 958.0% -65.4% -14.4% -1.6% 22.3% -4.1% 9.1% 18.3% 15.4% -3.6%Nombre 1 174 502 838 928 947 980 1 117 1 497 1 857% 0.0% 0.0% 16.9% 5.2% 7.8% 4.9% 3.8% 3.2% 3.8% 5.2% 6.6%Evolution -57.2% 66.9% 10.7% 2.0% 3.5% 14.0% 34.0% 24.0%Nombre 2 19 72 157 394 1 804 659% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.0% 0.1% 0.3% 0.5% 1.3% 6.3% 2.3%Evolution 278.9% 118.1% 151.0% 357.9% -63.5%Nombre 64 118 194 320 504 561 594 745 521% 0.0% 0.0% 0.9% 1.2% 1.8% 1.7% 2.0% 1.8% 2.0% 2.6% 1.8%Evolution 84.4% 64.4% 64.9% 57.5% 11.3% 5.9% 25.4% -30.1%Nombre 240 182 327 345 324 266 271 524 633% 0.0% 0.0% 3.5% 1.9% 3.1% 1.8% 1.3% 0.9% 0.9% 1.8% 2.2%Evolution -24.2% 79.7% 5.5% -6.1% -17.9% 1.9% 93.4% 20.8%Nombre 43 66 183 328 247 332 314 351 492% 0.0% 0.0% 0.6% 0.7% 1.7% 1.7% 1.0% 1.1% 1.1% 1.2% 1.7%Evolution 53.5% 177.3% 79.2% -24.7% 34.4% -5.4% 11.8% 40.2%Nombre 333 1006 962 1 002 969 1 218 1 252 1 136 1 236 1 359 1 354% 50.2% 8.0% 13.9% 10.3% 9.1% 6.5% 5.0% 3.7% 4.2% 4.8% 4.8%Evolution 202.1% -4.4% 4.2% -3.3% 25.7% 2.8% -9.3% 8.8% 10.0% -0.4%Nombre 663 12 647 6 945 9 684 10 698 18 751 25 105 30 719 29 685 28 580 28 163% 100.0% 100.0% 0.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0% 100.0%
Thailande
Ouzbékistan
Autre
Total
Chine
Vietnam
Japon
Philippines
Cambodge
Mongolie
Intéressons nous maintenant aux raisons de la popularité des
Vietnamiennes. Lorsqu’ils se marient à des étrangères les Coréens recherchent
principalement des femmes obéissantes qui pourraient s’occuper de leurs parents
et qui, physiquement, ressemblent à des Coréennes22. Venant d’un pays où
l’empreinte confucéenne est assez forte, les Vietnamiennes font donc partie des
favorites des célibataires coréens, qui croient « acheter des femmes jeunes et
obéissantes »23. Du côté des Vietnamiennes, si le mariage avec des hommes
coréens est intéressant, c’est pour deux raisons. La première est d’ordre
économique, le Vietnam étant un pays économiquement moins développé que la
21 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 2010, p3622 LEE Hyekyung, "Family Migration Issues in North-East Asia", IOM 2010 World Migration Report, p923 KIM Kyounghee, "Change and Challenge of Korean Family in the Era of Globalization: Centering Transnational Families",2005, p177
20
Corée, on trouve beaucoup de candidates au mariage international dans les
milieux ruraux ou dans les quartiers urbains défavorisés. C’est un moyen
d’améliorer ses conditions de vies, mais aussi celles du reste de la famille dans la
mesure où, dans la majorité des cas, les époux envoient chaque mois une petite
pension à la famille de leur femme. La seconde raison est, elle, d’ordre culturel.
Ces dernières années la culture populaire coréenne –séries télévisées, films,
musique- est devenue extrêmement populaire en Asie et particulièrement au
Vietnam. Cela a permis de véhiculer auprès des jeunes filles une image très
positive de la Corée, et des hommes coréens. Une jeune vietnamienne, sur le point
de se marier à un Coréen, disait en 2007 au New York Times24 :
« Pour être honnête, je ne sais pas grand-chose à propos de la Corée à
part ce que j’ai vu à la télévision […] Mais les paysages coréens sont beaux. Les
hommes coréens paraissent sophistiqués et tendres. Ils ont l’air d’être
responsables et de vivre en harmonie avec les membres de leur famille et leurs
collègues. »
Le mariage international en Corée du Sud a donc connu des débuts timides
des années 1950 aux années 1990 dans la mesure où il était associé à la présence
militaire étrangère sur le territoire et à un groupe religieux sectaire. Il s’est ensuite
rapidement développé dans les années 1990 et 2000 grâce aux politiques
gouvernementales visant à marier les célibataires des campagnes et à l’influence
de la « Vague coréenne » dans les pays voisins. Par ailleurs, au-delà de cette
vague de mariages entre Coréens et femmes de pays moins avancés
économiquement parlant, on trouve aussi en Corée de plus en plus de couples
mixtes dont la rencontre s’est faite naturellement grâce à l’ouverture du pays.
Tous modes de rencontre confondus, le mariage international représente
aujourd’hui plus de 10% des mariages célébrés chaque année en Corée25. La
question de l’intégration du conjoint étranger est donc plus que jamais d’actualité.
24 http://www.nytimes.com/2007/02/21/world/asia/21iht-brides.4670360.html?pagewanted=325 http://coree.aujourdhuilemonde.com/un-mariage-sur-dix-est-international-en-coree
21
Quel degré d’intégration pour les épouses étrangères ?
Cette seconde partie traite donc du niveau d’intégration des conjoints
étrangers, et plus spécifiquement de celui des femmes qui ont immigré pour des
raisons matrimoniales. Les autres conjoints, cadres occidentaux et travailleurs
d’Asie du sud immigrés entre autres, existent mais sont proportionnellement peu
représentatifs et présentent des profils trop différents les uns des autres pour
pouvoir en tirer une étude significative au cours de ce mémoire. Cependant
beaucoup de problèmes soulevés dans cette partie sont également des problèmes
qui touchent ces époux exclus des statistiques. Quelle que soit l’origine du
conjoint étranger, le défi de l’intégration se pose à trois niveaux différents. Au
sein du couple d’abord et de la famille, où les questions de la communication et de
la vie commune sont primordiales. Au sein de la société en général ensuite, où la
perception par les autres et l’accès au travail sont autant de points délicats. Et
enfin au niveau de l’interaction avec les institutions et les services qu’elles
proposent, où la méconnaissance du système est un problème récurrent.
Couple binational, couple en danger ?
Le premier défi d’intégration pour une jeune épouse étrangère réside dans
les relations qu’elle va entretenir avec son époux et avec la famille de celui-ci. En
effet, comme cela a été expliqué dans la première partie, la plupart des jeunes
épouses ne connaissent que très peu de choses au sujet de leur mari et n’ont pas eu
l’occasion de le fréquenter et d’apprendre à le connaître avant le mariage. Au-delà
des différences culturelles communes à tous les couples binationaux, la majorité
des étrangères mariées à des coréens doit faire face à la découverte du mari et ce
alors qu’elles sont dans une position de faiblesse, car loin de chez elles et de leur
famille.
La découverte du mari est donc une étape décisive dans la construction de
ces couples binationaux et dans le processus d’intégration de l’épouse. Cette étape
22
est d’autant plus décisive pour les couples qui se rencontrent par l’intermédiaire
des agences matrimoniales, ils n’ont en effet passé que quelques jours ensemble
avant le mariage, puis, une fois la cérémonie effectuée, les couples restent
plusieurs mois sans se voir, le temps que les démarches administratives
nécessaires à l’entrée de l’épouse étrangère sur le territoire coréen soient
effectuées. L’arrivée en Corée et dans la maison du mari est souvent loin de ce
que s’étaient imaginé les jeunes femmes. En effet, beaucoup d’agences tendent à
présenter les hommes coréens comme des hommes attractifs, gentils, ayant une
bonne situation financière, de façon à motiver les prétendantes. Cette image est
d’autant plus ancrée dans l’esprit des jeunes femmes qu’elle correspond à l’image
véhiculée par les séries télévisées coréennes diffusées dans les pays d’Asie. La
réalité est tout autre. Dans la majorité des cas, les étrangères - à l’exception des
Japonaises qui se marient par l’intermédiaire d’un organisme religieux et dont le
mari n’a pas forcément été rejeté par les Coréennes avant de se tourner vers le
mariage international - se marient à des Coréens au niveau d’éducation qui
dépasse rarement le collège ou le lycée (tableau 4). Or, dans un pays comme la
Corée où l’accent est donné sur l’éducation, l’absence de diplôme universitaire
empêche d’accéder à des postes à responsabilité ou de rejoindre les grands
groupes qui payent le mieux. Selon l’étude du professeur Seol, en 2005 le revenu
mensuel moyen des couples binationaux étaient légèrement inférieur à 1 500 000
wons, soit environ 1000 euros26. Les étrangères épousent donc souvent des
hommes peu éduqués qui gagnent plutôt mal leur vie, et se voient contraintes dans
plus de 50% des cas27 de vivre avec des revenus inférieurs au revenu minimum
nécessaire pour vivre –ce revenu minimum nécessaire pour vivre est évalué
officiellement par l’État coréen. Cette situation est loin de celle qui leur avait été
décrite par les agences matrimoniales ou autres intermédiaires.
26 SEOL Donghoon, "Foreign Wives’ Life in Korea:Focusing on the Policy of Welfare and Health", 2005, p1427 Ibid, p15
23
Tableau 4 : Niveau d'éducation des hommes selon le pays d'origine de leur femme.
Nombre % Nombre % Nombre % Nombre % Nombre %
Pas d'éducation / Ecole primaire
650 9.4% 11 8.2% 17 2.5% 59 11.8%
Collège / Lycée 5401 78.5% 96 71.6% 354 51.3% 379 75.6%
Université ou supérieur 828 12.0% 27 20.1% 319 46.2% 63 12.6% 2 100.0%
Ensemble 6879 100.0% 134 100.0% 690 100.0% 501 100.0% 2 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire
964 6.9% 624 6.3% 6 0.6% 76 6.9% 25 6.5%
Collège / Lycée 10719 76.6% 8131 81.9% 327 33.5% 748 68.2% 287 74.7%Université ou supérieur 2318 16.6% 1172 11.8% 643 65.9% 273 24.9% 72 18.8%Ensemble 14001 100.0% 9927 100.0% 976 100.0% 1097 100.0% 384 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire 918 6.5% 279 4.3% 11 1.0% 79 5.4% 103 5.7%
Collège / Lycée 10473 74.7% 5411 82.6% 431 37.8% 1015 69.4% 1421 79.3%Université ou supérieur 2636 18.8% 860 13.1% 697 61.2% 368 25.2% 268 15.0%Ensemble 14027 100.0% 6550 100.0% 1139 100.0% 1462 100.0% 1792 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire 801 6.2% 292 3.6% 6 0.5% 89 4.9% 52 8.0%
Collège / Lycée 9045 70.4% 6577 81.2% 355 31.9% 1220 66.7% 496 76.2%Université ou supérieur 2997 23.3% 1233 15.2% 752 67.6% 521 28.5% 103 15.8%Ensemble 12843 100.0% 8102 100.0% 1113 100.0% 1830 100.0% 651 100.0%
2001
Chine Vietman Japon Philippines Cambodge
2006
2007
2008
De plus, outre la situation économique et sociale des futurs maris, les
agences cachent ou améliorent aussi la personnalité réelle du mari. Loin de
l’image de prince charmant que l’on leur a donnée, il s’avère qu’un certain
nombre de candidats au mariage international sont des hommes violents,
alcooliques, handicapés ou instables28. Il est difficile pour les jeunes femmes de se
rendre compte de ces différents aspects avant de se marier. En effet, lors du
processus de rencontre, elles ne choisissent pas l’homme, c’est l’homme qui les
choisit parmi un certain nombre d’autres candidates. Elles acceptent ensuite de se
marier avec lui, avec pour seules références celles données par l’agence –ou
l’intermédiaire- et l’homme lui-même, références qui s’avèrent différentes de la
réalité dans 20% des cas, 44% dans le cas des agences matrimoniales29. Ce n’est
donc qu’une fois en Corée qu’elles peuvent faire pleinement connaissance et
découvrent les aspects cachés de la personnalité de leur mari.
Au-delà du problème de la méconnaissance de leur mari et de sa situation
économique, les jeunes épouses étrangères, Joseonjok mises à part, doivent
également faire face à la barrière de la langue. En effet, bien que la majorité
28 http://www.nytimes.com/2005/06/23/world/asia/23iht-brides.html?_r=1&pagewanted=229 SEOL Donghoon, "Foreign Wives’ Life in Korea:Focusing on the Policy of Welfare and Health", 2005, p7
24
d’entre elles suive des cours de coréen entre le mariage dans leur pays d’origine et
leur arrivée en Corée, elles ne maîtrisent pas suffisamment la langue à leur arrivée
dans le pays et leur mari n’a généralement aucune connaissance de leur langue
maternelle. Cela engendre de graves problèmes de communication quelque soit la
personnalité et la situation économique de deux époux.
Par ailleurs, la différence d’âge entre les deux époux ne facilite pas la
communication. En effet les hommes en moyenne plus âgés que leur femme de 12
ans (chiffres de 2008 tableaux 5 et 6). Ce chiffre change selon l’origine de
l’épouse et pour les Cambodgiennes par exemple, plus de 18 ans séparent les deux
époux. Cette grande différence d’âge en faveur de l’époux place la femme dans
une situation d’infériorité dans la mesure où culturellement les plus jeunes doivent
respect et obéissance aux plus âgés. Dans les cas où le mari est conservateur, ce
qui est fréquent en Corée chez les hommes d’une quarantaine d’années et peu
éduqués, l’échange entre les deux parties est donc rendu difficile et la volonté de
l’homme s’impose sur celle de la femme.
Tableau 5 : Age des femmes selon leur pays d'origine 30 .
Pays d'origine 2001 2006 2007 2008
Chine 31,5 34,2 33,3 32,5Vietnam 26,0 21,4 22,2 22,2Japon 30,1 31,7 32,2 32,3Philippines 27,7 24,5 24,5 24,1Cambodge 21,5 20,9 21,6 21,8Ensemble 31,0 28,8 29,1 28,2
30 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 2010,
p40
25
Tableau 6 : Age des hommes selon le pays d'origine de leur épouse 31 .
Pays d'origine de l'épouse
1991 1996 2001 2006 2007 2008
Chine 30,99 37,82 39,73 42,46 42,32 41,67Vietnam - - 36,65 39,14 39,25 39,44Japon 31,29 32,60 32,53 32,66 33,17 33,11Philippines - - 35,41 38,85 39,25 38,93Cambodge - - 35,00 39,30 40,10 40,40Ensemble 31 37 38,82 40,66 40,76 40,31
Dans certains cas, un autre facteur vient compliquer les relations entre les
deux époux. Il s’agit de la présence des parents du mari dans le domicile conjugal.
En effet, parmi les hommes mariés à des femmes étrangères, beaucoup -14% dans
les zones urbaines et 45% dans les zones rurales32- vivent au quotidien avec leurs
parents. Dans la majorité des cas, il incombe à l’épouse de s’occuper de ses
beaux-parents, beaux-parents qui la traitent souvent plus comme une domestique
que comme un membre de la famille du fait de ses origines étrangères, de ses
difficultés à maîtriser le coréen et de son jeune âge –une femme de 40 ans, même
mère de plusieurs enfants, est considérée comme jeune par ses beaux parents, et
donc leur devant respect et obéissance .
L’adaptation à la vie conjugale et à la vie au sein de la belle famille est
donc difficile pour les femmes étrangères mariées à des coréens. En effet, sur tous
les plans évoqués précédemment elles sont en position de faiblesse, notamment du
fait de la méconnaissance de la situation du mari avant le mariage et de la langue,
mais aussi du fait de leur âge et de leur statut d’étrangère. Ces difficultés sont
pour certains couples insurmontables, comme l’attestent de nombreux cas de
divorces (11 692 en 200933). Aux cas de divorces s’ajoutent les fugues des
épouses qui quittent leurs maris, de fréquentes tentatives de suicide, et plus
récemment la tentative de meurtre dont a fait l’objet la mère d’un homme marié à
une jeune Vietnamienne. Malgré cela, environ 57% des épouses étrangères se
déclarent satisfaites de leur situation34.
31 Ibid, p4932 LEE Hyekyung, “International Marriage and the State in South Korea” in Citizenship Studies, janvier 2008, p833 http://www.koreatimes.co.kr/www/news/nation/2011/01/117_80051.html34 http://www.koreaherald.com/national/Detail.jsp?newsMLId=20100318000135
26
La difficile intégration à la société coréenne.
La société Coréenne est une société encore très attachées aux valeurs
traditionnelles et notamment à la notion de communauté. Chaque Coréen
appartient à différents cercles de tailles différentes, mais tous très solides et où la
solidarité entre membres est primordiale. Parmi ces cercles qui font partie
intégrante de la vie des Coréens on trouve la famille, l’école et l’entreprise, entre
autres. Au dessus de tous ces cercles, celui commun à tous les Coréens, le pays,
« notre pays » comme ils l’appellent communément. S’il est possible d’avoir des
amis hors de son cercle, il est en revanche quasiment impossible de s’intégrer à un
cercle quand on ne partage pas les mêmes caractéristiques que les membres (par
exemple avoir étudié à telle ou telle université). A fortiori, pour les épouses
étrangères, s’intégrer à la communauté Coréenne est donc extrêmement délicat.
Les barrières à l’intégration sont nombres pour les épouses étrangères
d’origine non coréenne. La première est la différence physique, facteur de
discriminations au quotidien et frein à l’intégration dans la mesure où il est
évident que la personne n’appartient pas au même cercle. Par exemple à l’école
les mères étrangères auront plus de risques d’être maintenues à l’écart du groupe
des autres mères qu’une mère coréenne. De plus les Coréens tendent à assumer
que les étrangers ne parlent pas leur langue, ainsi, beaucoup d’entre eux n’iront
pas vers la personne étrangère, non pas par volonté délibérée de laisser cette
personne à l’écart, mais plutôt par peur de se trouver dans une situation
embarrassante du fait de problèmes de communication liés à la langue.
Ce phénomène est renforcé dans la mesure où, effectivement, pour les
femmes non-Joseonjok, le problème de la langue est important, surtout dans les
premiers mois, voire premières années après leur arrivée. En effet la majorité de
ces femmes ont arrêté leurs études avant l’université –en 2008 84% des Chinoises,
96,2% des Vietnamiennes et 54,5% des Philippines (tableau 7) – et à l’exception
des Joseonjok qui parlent coréen et de certaines Philippines qui parlent anglais,
27
beaucoup ne parlent que leur langue maternelle, rendant ainsi la communication
difficile avec les Coréens qu’elles côtoient au quotidien.
Tableau 7 : Niveau d'éducation des femmes selon leur pays d'origine 35
Nombre % Nombre % Nombre % Nombre % Nombre %Pas d'éducation / Ecole primaire
472 6.9% 0.0% 7 1.0% 4 0.8%
Collège / Lycée 5784 84.6% 102 79.1% 330 48.0% 208 42.1%Université ou supérieur 582 8.5% 27 20.9% 351 51.0% 282 57.1% 2 100.0%Ensemble 6838 100.0% 129 100.0% 688 100.0% 494 100.0% 2 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire
878 6.4% 431 4.5% 3 0.3% 18 1.7% 29 7.8%
Collège / Lycée 11396 83.7% 8976 93.0% 324 33.7% 617 57.2% 335 89.6%Université ou supérieur 1342 9.9% 248 2.6% 635 66.0% 444 41.1% 10 2.7%Ensemble 13616 100.0% 9655 100.0% 962 100.0% 1079 100.0% 374 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire
811 6.0% 226 3.6% 7 0.6% 26 1.8% 111 6.4%
Collège / Lycée 11254 83.1% 5952 93.7% 407 36.3% 854 59.7% 1602 92.2%Université ou supérieur 1476 10.9% 172 2.7% 706 63.0% 550 38.5% 25 1.4%Ensemble 13541 100.0% 6350 100.0% 1120 100.0% 1430 100.0% 1738 100.0%Pas d'éducation / Ecole primaire
741 6.0% 264 3.4% 0.0% 13 0.7% 39 6.4%
Collège / Lycée 9672 78.5% 7167 92.8% 325 29.6% 951 53.8% 560 91.4%Université ou supérieur 1914 15.5% 294 3.8% 774 70.4% 805 45.5% 14 2.3%Ensemble 12327 100.0% 7725 100.0% 1099 100.0% 1769 100.0% 613 100.0%
2008
Chine Philippines Cambodge
2001
2006
2007
Vietman Japon
Enfin, la majorité des épouses d’origine étrangère a un contact limité avec
le monde extérieur. Dans beaucoup de cas les épouses étrangères ont été choisies
pour s’occuper de la maison, des parents, et fournir une progéniture à leurs époux.
Elles sont donc majoritairement cantonnées aux activités d’intérieur, et même si le
taux d’emploi évolue positivement depuis 2001, la majorité d’entre elles (environ
78% des mariées de 2008) ne travaille pas. Cette tendance est notamment
remarquable chez les Vietnamiennes et les Philippines qui présentent
respectivement des taux d’inactivité de 85,4% et 81,9% en 2008 (tableau 8). En
revanche les Japonaises, qui elles ont un niveau d’éducation plus élevé (tableau 7)
sont elles plus indépendantes –environ 48% d’entre elles travaillent en 2008. Les
Chinoises ont, elles aussi, plus de facilité à s’intégrer par le travail car elles
bénéficient du soutient de leurs pairs qui forment une communauté assez soudée.
35 Ministry of Gender Equality and Family, 다문화가족의 해체 문제와 정책과제, 2010, p41-42
28
Tableau 8 : Emploi des épouses étrangères selon leur pays d'origine 36 .
Nombre % Nombre % Nombre % Nombre % Nombre % Nombre %Cadre 90 1.3% 7 5.5% 48 7.1% 17 3.4% 0.0% 162 2.0%Employée de bureau 209 3.1% 5 3.9% 99 14.7% 19 3.8% 0.0% 332 4.1%Vente / services 135 2.0% 5 3.9% 40 5.9% 12 2.4% 0.0% 192 2.4%
Agriculture/pêche 77 1.1% 3 2.3% 3 0.4% 6 1.2% 0.0% 89 1.1%Ouvrière 24 0.4% 8 6.3% 2 0.3% 5 1.0% 0.0% 39 0.5%Travail manuel simple 21 0.3% 7 5.5% 2 0.3% 3 0.6% 0.0% 33 0.4%Inactif 6167 91.7% 93 72.7% 481 71.3% 433 87.5% 2 100.0% 7176 89.4%Ensemble 6723 100.0% 128 100.0% 675 100.0% 495 100.0% 2 100.0% 8023 100.0%
Cadre 194 1.5% 7 0.1% 82 8.7% 40 3.8% 3 0.8% 326 1.3%Employée de bureau 832 6.3% 187 2.0% 192 20.4% 76 7.3% 15 4.0% 1302 5.2%Vente / services 678 5.1% 90 0.9% 67 7.1% 29 2.8% 45 12.0% 909 3.6%
Agriculture/pêche 214 1.6% 981 10.3% 1 0.1% 9 0.9% 99 26.4% 1304 5.2%Ouvrière 101 0.8% 43 0.5% 8 0.9% 12 1.2% 4 1.1% 168 0.7%Travail manuel simple 140 1.1% 34 0.4% 3 0.3% 12 1.2% 7 1.9% 196 0.8%Inactif 11146 83.8% 8184 85.9% 588 62.5% 862 82.9% 202 53.9% 20982 83.3%Ensemble 13305 100.0% 9526 100.0% 941 100.0% 1040 100.0% 375 100.0% 25187 100.0%
Cadre 252 1.9% 27 0.4% 93 8.6% 54 3.9% 3 0.2% 429 1.8%Employée de bureau 1022 7.8% 167 2.7% 244 22.6% 99 7.2% 33 1.9% 1565 6.7%Vente / services 759 5.8% 65 1.0% 89 8.2% 60 4.4% 201 11.6% 1174 5.0%
Agriculture/pêche 193 1.5% 457 7.3% 2 0.2% 9 0.7% 416 24.0% 1077 4.6%Ouvrière 130 1.0% 42 0.7% 10 0.9% 14 1.0% 11 0.6% 207 0.9%Travail manuel simple 162 1.2% 28 0.4% 3 0.3% 8 0.6% 16 0.9% 217 0.9%Inactif 10578 80.8% 5454 87.4% 638 59.1% 1126 82.2% 1051 60.7% 18847 80.1%Ensemble 13096 100.0% 6240 100.0% 1079 100.0% 1370 100.0% 1731 100.0% 23516 100.0%
Cadre 346 2.9% 46 0.6% 137 12.9% 78 4.6% 3 0.5% 610 2.6%Employée de bureau 937 7.7% 177 2.3% 269 25.4% 124 7.4% 17 2.7% 1524 6.6%Vente / services 913 7.5% 121 1.6% 90 8.5% 70 4.2% 75 12.0% 1269 5.5%
Agriculture/pêche 252 2.1% 645 8.4% 0.0% 8 0.5% 99 15.9% 1004 4.3%Ouvrière 165 1.4% 79 1.0% 10 0.9% 14 0.8% 7 1.1% 275 1.2%Travail manuel simple 189 1.6% 52 0.7% 1 0.1% 10 0.6% 7 1.1% 259 1.1%Inactif 9315 76.9% 6530 85.4% 552 52.1% 1379 81.9% 416 66.7% 18192 78.6%Ensemble 12117 100.0% 7650 100.0% 1059 100.0% 1683 100.0% 624 100.0% 23133 100.0%
2006
2007
2008
EnsembleChine Vietnam Japon Philippines Camboge
2001
L’intégration des épouses étrangères consiste donc en un processus long et
compliqué. Face à cela, toutes les épouses ne sont pas égales : selon leur origine
et leur niveau d’études, entre autres, elles doivent faire face à des situations
différentes. L’endroit où elles habitent, la personnalité du mari, de la belle famille
et l’appartenance à un groupe religieux sont d’autres éléments qui influent
également sur la facilité d’intégration pour les épouses. Un mari qui retient sa
femme prisonnière et garde ses papiers pour qu’elle ne s’enfuie pas n’aidera pas
autant à l’intégration de sa femme qu’un mari attentionné qui présentera sa femme
aux femmes de ses amis et à sa famille. De même, une femme accompagnant son
mari à l’église, par exemple, aura plus d’occasions de rencontrer d’autres
36 Ibid, p44
29
personnes et son intégration sera facilitée dans la mesure où elle appartiendra à un
cercle. Cependant ces comportements varient sensiblement d’un couple à l’autre
et il est donc difficile d’en tirer une règle générale.
Le rapport aux institutions et aux services qu’elles proposent.
Le dernier élément permettant d’évaluer le niveau d’intégration des
conjointes étrangères est leur rapport aux instituions et leur facilité d’accès aux
services proposés par ces institutions, notamment les services de santé et les
services de conseil. Cette partie sera principalement fondée sur l’étude réalisée en
2005 sous la direction du professeur Seol auprès de 945 couples binationaux37.
Comme il a été montré dans les parties précédentes, beaucoup de couples
binationaux sont dans une situation précaire. A ce titre, ils peuvent bénéficier, au
même titre que les couples coréens en situation précaire, de services mis en place
par l’État afin d’améliorer leurs conditions de vie. Selon l’étude du professeur
Seol il ressort cependant que la majorité de ces couples n’ont pas effectué les
démarches nécessaires à l’inscription sur les listes de bénéficiaires de ces aides.
En ce qui concerne l’aide financière qu’offre l’assistance publique comme
complément de revenu pour les ménages dont le revenu est inférieur au coût
minimum de la vie, tel qu’il a été estimé officiellement, seuls 10,2% des ménages
interrogés déclaraient en être bénéficiaire (tableau 9). Or dans la même étude, plus
de 50% des ménages interrogés ont déclaré avoir des revenus inférieurs à ce coût
minimum de la vie. La mauvaise utilisation des services proposés ne se limite pas
à l’assistance publique. En effet, de nombreuses formations et services de conseils
sont aussi mis en place par les municipalités, les régions et autres institutions.
Cependant, là encore, seule une petite minorité de femmes et de couples
bénéficient de ces services.
37 SEOL Donghoon, "Foreign Wives’ Life in Korea:Focusing on the Policy of Welfare and Health", 2005
30
Tableau 9 : Pourcentage d’utilisation des programmes de soutien aux couples
internationaux 38
Oui Non Oui Non Oui NonAssistance publique (support financier)
10,2 89,8 3,9 96,1 16,7 83,3
Assistance médicale 11,6 88,4 7,3 92,7 16,2 83,8
Assistance matérielle (nourriture, vêtements,etc.)
7,2 92,8 2,9 97,1 11,8 88,2
Service d'aide à la personne (ménage, repassage, etc.)
5,9 94,1 3,6 96,4 8,4 91,6
Service de livraison de repas
16,3 83,7 9,9 90,1 23,3 76,7
Service relatif au logement (réparations, peinture, etc.)
12,0 88,0 4,5 95,2 19,7 80,3
Conseil pour l'emploi, formations
12,9 87,1 7,2 92,8 18,8 81,2
Service d'aide (psychologue, etc.)
9,7 90,3 8,1 91,9 11,5 88,5
Service d'aide pour l'alcool et autres drogues
4,4 95,6 1,6 98,4 7,4 92,6
Service d'aide pour les violences domestiques
7,5 92,5 6,6 93,4 8,4 91,6
Cours de compréhension du couple/relations familiales
8,6 91,4 2,4 97,6 15,0 85,0
Formation aux techniques parentales
8,5 91,5 3,0 97,0 14,3 85,7
Formation à l'adaptation culturelle
22,4 77,6 7,6 92,4 36,6 63,4
Autres étrangèresChinoises d'origine coréenne
Total
Le problème de l’utilisation de la sécurité sociale, non illustré dans le
tableau 9, est également un problème récurent chez les femmes étrangères mariées
à des Coréens. Selon l’étude du professeur Seol, il ressort que 22% des femmes
paient la totalité de leur frais médicaux, ce pourcentage est plus élevé (30%
environ) chez les étrangères qui ne sont pas des Chinoises d’origine coréenne39.
En ce qui concerne l’utilisation des centres médicaux gratuits, seul 10% des
femmes interrogées en bénéficient. Il ressort ainsi de cette étude qu’en totalité
30% des femmes ne sont pas couvertes par le système de sécurité social officiel.
En conséquence il est fréquent que les épouses étrangères doivent se passer de
soins faute de moyens. Au total 18% des femmes ayant répondu au sondage
38 Ibid, p1639 Ibid, p17
31
déclarent avoir connu cette expérience, les épouses non-Joseonjok étant les plus
touchées.
La raison principale à cette mauvaise utilisation du système d’aide sociale
et de santé est la mauvaise connaissance des aides proposées et de leur
fonctionnement. En effet, pour bénéficier de ces aides il faut effectuer soi-même
la démarche de l’inscription auprès du service concerné. Il est donc nécessaire
d’avoir une bonne connaissance des offres d’aides disponibles ainsi que des
services qui les proposent et de la procédure à suivre pour s’inscrire. Dans de
nombreux cas les femmes ignorent simplement l’existence de tels services. Dans
d’autre cas, en particulier celui de la sécurité sociale, les femmes en ont une image
déformée. En effet, beaucoup d’entre elles croient que ce service est réservé aux
Coréens et que les étrangers en sont exclus. De ce fait elles n’entament pas les
démarches nécessaires à l’inscription et se retrouvent exclue d’un service auquel
elles auraient pourtant droit. Dans d’autres cas, comme celui du revenu
complémentaire de l’assistance publique, la nationalité est effectivement une
barrière à l’obtention de l’aide et après avoir rempli les dossiers nécessaire
beaucoup de familles, bien que pauvres, ne sont pas considérées comme éligibles.
Enfin l’intégration par la naturalisation est restée un problème jusqu’à
2010. En effet jusqu’à cette date la nationalité coréenne était exclusive, c'est-à-
dire que si un étranger souhaitait se faire naturaliser, il devait rejeter sa nationalité
d’origine. De ce fait la majorité des épouses étrangères ne se sont pas fait
naturaliser. Outre les difficultés supplémentaires pour obtenir certaines aides
sociales, cette situation entraînait également une certaine dépendance vis-à-vis du
mari de qui dépend le renouvellement de leur visa.
Les rapports aux institutions et aux aides sociales sont donc compliqués
pour les femmes étrangères du fait de leur mauvaise connaissance du système et
de leur statut d’étrangères. Ces deux éléments limitent sensiblement les aides que
pourraient recevoir les familles et les mettent donc dans une situation où
l’intégration au système n’est partielle, voire inexistante dans certains cas.
Comme pour ce qui concerne l’intégration au sein du couple et de la société, ces
éléments dépendent toutefois de l’origine du conjoint étranger. Parmi les épouses
32
arrivées en Corée par mariage arrangé, les Chinoises, notamment Joseonjok, sont
celles qui s’intègrent le plus facilement bénéficiant du soutien leur communauté.
Les Vietnamiennes, Philippines et autres ressortissantes des pays d’Asie du Sud,
sont elles plus dépendantes de leur mari et mettent plus de temps à s’intégrer. En
ce qui concerne les couples qui se sont rencontrés naturellement et dont le
conjoint étranger vient de pays occidentaux, la question n’a pas été traitée dans
cette partie mais on peut dire que l’intégration est plus facile dans la mesure où ils
sont généralement plus éduqués et évoluent dans des milieux plus aisés. Ils ne
sont donc pas confrontés aux mêmes problèmes et ont l’avantage de connaître leur
conjoint avant le mariage.
Enjeux et solutions pour une meilleure intégration
Face au nombre croissant de mariages internationaux et aux enjeux que
représentent une intégration réussie pour les épouses étrangères et leur famille, le
gouvernement coréen a commencé à prendre des mesures destinées à favoriser
l’adaptation de ces épouses étrangères à la société coréenne. L’étude menée par le
professeur Seol en 2005, réalisée sur demande du Ministry of Health and Welfare
a été la première à souligner les problèmes d’intégration et les difficiles conditions
de vie des épouses étrangère. Cette étude a servi de point de départ à une certaine
remise en cause du système existant en 2005. En conséquence, même si certaines
mesures prises depuis 2005 peuvent bénéficier à tous les couples binationaux
quelque soit le sexe et le pays d’origine du conjoint étranger, la majorité est quand
même principalement, voire exclusivement, destinée aux couples dont l’épouse est
étrangère et est arrivée en Corée dans le cadre d’une migration pour mariage.
Cette partie consiste donc à définir dans un premier temps les enjeux liés à
l’intégration des épouses étrangères et de leur famille avant de voir quelles ont été
les mesures mises en œuvre pour faciliter cette intégration.
33
Enjeux liés à la bonne intégration des épouses étrangères.
Avant toute chose, il convient de rappeler que la raison de cette rapide
augmentation du nombre de mariages entre homme coréen et femme étrangère –
originaire d’un pays moins développé que la Corée- est principalement due à
diverses politiques nationales ou locales dont le but est de marier les célibataires
des régions rurales qui ne peuvent pas trouver d’épouse coréenne. Cette
intervention de l’Etat dans la sphère privée s’est faite, non pas pour augmenter le
bien être des citoyens, mais à des fins nationalistes. En facilitant le mariage avec
des étrangères, l’Etat coréen cherche principalement à protéger des régions qui se
dépeuplent et des secteurs d’activité qui n’attirent plus les étudiants. Le principal
enjeu d’une bonne intégration des épouses étrangères est donc la réussite de ce
projet gouvernemental. En effet, cette politique ne peut donc être un succès que si
les épouses étrangères s’intègrent à leur environnement et font des enfants.
Dans le cas où l’intégration ne se fait pas de manière concluante, l’une des
conséquences peut être l’absence de désir d’avoir des enfants pour les couples
binationaux. Un des outils pour mesurer cette absence de désir d’avoir des enfants
est le taux d’avortement et l’étude des raisons pour lesquelles l’avortement a été
pratiqué. Les tableaux suivants, extraits de l’étude de 2005 menée par le
professeur Seol montre que l’avortement est un acte assez répandu chez les
couples binationaux dans la mesure où 20,2 % des répondants on déclaré avoir
déjà eu recours à l’avortement (tableau 10). Les couples sino-coréens vivant en
milieu urbain sont les plus touchés par ce phénomène. Cependant le taux
d’avortement n’est pas négligeable non plus dans les couples dont l’épouse est
d’une autre origine. Et bien que les couples ruraux, ceux visés par les politiques
du gouvernement, soient les moins enclins à avorter, 14% d’entre eux répondent
avoir déjà eu recours à ce procédé.
34
Tableau 10 : Pourcentage de cas d'avortement 40
Chinoises d'origine coréenne
Autres étrangères
Chinoises d'origine coréenne
Autres étrangères
825 324 288 75 138Oui (%) 20,2 22,2 21,1 19,1 14,0Non (%) 79,8 77,8 78,9 80,9 86,0
(Unité: personnes, pourcentage)Milieu ruralMilieu urbain
Total
En ce qui concerne les causes de ces avortements, l’avortement spontané
est la raison principale. Cependant, si l’on s’intéresse aux couples vivant dans les
milieux ruraux et dont l’épouse n’est pas d’origine coréenne, on s’aperçoit que la
seconde raison d’avorter est la peur d’avoir un enfant métisse (tableau 11). Ce
phénomène est d'autant plus alarmant qu'il sous entend que le choix d’avorter
dépend directement de la mauvaise intégration des étrangers à la société coréenne
et de la peur qu’ont les parents ont pour leurs futurs enfants du fait de leurs
origines étrangères. On peut relativiser ce fait en soulignant que sur la totalité des
avortements pratiqués chez les couples binationaux cela ne représente qu’une
petite proportion. Cependant, en mesurant l’avortement, on ne prend en compte
que les cas où la femme est déjà tombée enceinte. Il est fort probable que de
nombreux couples partagent la même peur mais que grâce à l’utilisation de
moyens de contraception ou pour des raisons religieuses où autres, ils n’aillent pas
jusqu’à avorter.
40 Ibid, p20
35
Tableau 11 : Raisons de l'avortement 41
Chinoises d'origine coréenne
Autres étrangères
Chinoises d'origine coréenne
Autres étrangères
198 94 64 14 26
Avortement spontané
29,0 25,8 31,3 48,2 24,7
Choix du mari 4,3 3,8 4,7 0,0 7,2
Choix de la famille
1,6 1,9 0,0 0,0 4,9
Pas le bon moment
21,0 19,1 29,0 7,2 15,5
Déjà trop d'enfants
2,8 1,4 5,9 3,6 0,0
Peur d'avoir un enfant métisse
3,4 1,9 0,0 0,0 18,6
Raisons de santé 5,9 6,0 3,2 26,6 1,0
Fœtus déformé 5,6 6,4 3,2 7,2 7,6
Autres raisons 26,5 33,6 22,7 7,2 20,5
Total 100,0 100,0 100,0 100,0 100,0
(Unité: personnes, pourcentage)
Total
Milieu urbain Milieu rural
On remarque aussi qu’au sein de ces mêmes couples vivant en milieu
rural, la décision d’avorter a été prise dans plus de 12% des cas par le mari ou la
belle famille (tableau 11). Cela donne une idée de la place qu’est celle de l’épouse
étrangère au sein de son couple et de sa belle famille.
Les couples ruraux, principalement concernés par les politiques
gouvernementales, sont donc ceux pour qui l’avortement est le plus influencé par
les mauvaises conditions d’intégration de la femme étrangère au sein de sa famille
et de la société coréenne. Il est donc indispensable que leur intégration soit
facilitée pour ne pas freiner la réussite des politiques visant à re-dynamiser les
régions rurales par l’augmentation du nombre de naissance.
L’autre enjeu principal de l’intégration des épouses étrangères et du bon
déroulement du mariage international dans sa globalité est la poursuite de ce
phénomène. En effet le système de mariage par l’intermédiaire des agences
matrimoniales commence à être remis en cause, aussi bien par certaines
41 Ibid, p20
36
associations en Corée que dans les pays d’origine des épouses, comme le Vietnam
et le Cambodge. Le mauvais traitement des femmes, qui ont plus tendance à être
traitées comme de la marchandise que comme des êtres humains, ainsi que leurs
difficultés à s’intégrer dans leur pays d’accueil sont les principales raisons de cette
remise en cause du système.
Le point d’orgue de cette contestation a été la décision de l’Etat
cambodgien d’interdire, à partir de Mars 2010 et pour une durée indéterminée, les
mariages entre Cambodgiennes et ressortissants coréens qui se feront par
l’intermédiaire des agences matrimoniales. Cette décision a été prise suite à
l’arrestation d’une entremetteuse qui avait aligné 25 jeunes mariées potentielles
pour un célibataire coréen venu spécialement dans le but de se marier. L’État
cambodgien a justifié cette mesure par le non respect des hommes coréens de
l’obligation de passer un mois complet au Cambodge avant de se marier –la
majorité des tours de sélection d’une mariée durent en effet moins d’une
semaine42.
Afin d’éviter que de telles mesures soient prises dans d’autres pays,
notamment au Vietnam d’où viennent la majorité des épouses étrangères des
célibataires des milieux ruraux, il est donc nécessaire que des régulations plus
strictes soient prises en ce qui concerne le marché du mariage à l’étranger.
Les réponses gouvernementales aux problèmes d’intégration
Pour répondre à ces problèmes l’État coréen a progressivement mis en
place des mesures destinées à favoriser l’intégration des épouses étrangères à leur
environnement. L’objectif principal est donc de favoriser l’intégration de
l’épouse étrangère en lui donnant les moyens de comprendre la culture coréenne
et de s’y adapter. En 2006, une réunion nationale a eu lieu entre le président de
l’époque Roh Moohyun et quatorze branches des différentes administrations
gouvernementales. A l’issue de cette réunion le « Grand Plan » est entré en
42 http://english.chosun.com/site/data/html_dir/2010/03/22/2010032200462.html
37
vigueur et un nouveau ministère, le Ministry of Gender Equality and Family
(MGEF) a été créé. Ce ministère a pour rôle de coordonner les différentes
politiques touchant les couples binationaux et leurs enfants. La mission de ce
nouveau ministère se divise en sept parties.
La première consiste en une régulation des agences matrimoniales et la
protection des futures épouses avant leur entrée en Corée. La transparence des
pratiques des agences matrimoniales, notamment au niveau des informations sur
le mari données aux futures épouses, ainsi que la prévention des atteintes aux
droits de l’homme sont les priorités définies par le « Grand Plan » en matière de
régulation des agences matrimoniales.
La seconde partie consiste à soutenir les victimes de violence domestiques.
Jusqu’à l’instauration de cette mesure il était facile pour les maris d’établir une
sorte de chantage à la carte de séjour43, notamment en cas de séparation.
Désormais en cas de divorce les épouses étrangères peuvent rester sur le territoire
si elles prouvent que la séparation est liée à une faute du mari. Elles ne sont plus
considérées comme sans-papiers jusqu’à ce que la cour rende ses conclusions.
Parallèlement à cela, un système de refuges et de service téléphonique ont été mis
en place pour les femmes battues.
Le troisième point du « Grand Plan » consiste à l’aide à l’installation et à
l’adaptation pour les épouses récemment arrivées. Dans les faits cela consiste
principalement à la mise en place de formations culturelles et linguistiques aussi
bien dans le cadre de cours classique que par l’intermédiaire de la télévision et
notamment de l’EBS (Educational Broadcasting System). Dans certains quartiers
des programmes de tutorat sont aussi mis en place, et les jeunes mariées sont
confiées à des familles du quartier pour faciliter leur intégration.
La quatrième politique est elle consacrée à l’intégration des enfants de ces
couples binationaux et vise à les protéger des discriminations. Pour cela il est
43 Pour obtenir le visa destiné aux époux étrangers (Residency Visa, F2), visa qui doit être renouvelé régulièrement, la personne doit non seulement prouver son mariage avec un ressortissant Coréen, mais elle doit également être soutenue par son époux lors de sa demande de visa –soutient écrit et signé.
38
prévu que des changements soient apportés dans les livres scolaires quant aux
contenus qui impliquent une certaine discrimination raciale. Des programmes
destinés spécialement aux enfants des familles binationales vont également être
mis en place.
La cinquième étape consiste à améliorer l’accès des épouses étrangères au
système de sécurité sociale. Ainsi, depuis le 1er janvier 2007, les femmes
étrangères mariées à des coréens pauvres et ayant des enfants en bas âge peuvent
recevoir les aides de base prévues par l’Etat telles le revenu complémentaire et
l’accès gratuit aux soins. Pour les femmes répondant à ces critères, la question de
la nationalité ne se pose plus puisque ces services leur sont accessibles sans
qu’elles se fassent naturaliser.
La sixième politique est une politique de grande ampleur dans la mesure
où son objectif est de faire prendre conscience au peuple coréen de l’importance
de devenir une société multiculturelle. Dans les faits, des campagnes publicitaires
ont été menées pour montrer que de plus en plus de couples comportaient un
membre étranger. Les expressions « biracial » et « mixed blood » jusqu’à lors
communément employés même dans les textes du gouvernement, sont désormais
jugée comme impliquant une certaine discrimination raciale et ont été remplacés
par d’autres plus politiquement corrects.
La septième et dernière mesure du « Grand Plan » consiste étudier
d’avantage les familles binationales et à prendre les mesures nécessaires pour
faire en sorte que le nombre de familles exclues des programmes d’aide diminue.
Par exemple le MGEF disposait en août 2006 de 21 centres destiné à l’aide aux
familles internationales. En moins de six mois 30 nouveaux centres ont été créés à
travers le pays afin de servir plus de personnes.44
De plus à l’initiative de certaines municipalités, les candidats au mariage
international par l’intermédiaire des agences matrimoniales doivent à présent
effectuer une courte formation théorique sur le mariage international, la façon de
44 LEE Hyekyung, “International Marriage and the State in South Korea” in Citizenship Studies, janvier 2008, p18
39
traiter sa femme et de mener à bien la vie de couple. Ces formations sont gratuites
et souvent obligatoires pour les hommes qui reçoivent une aide financière de la
ville ou de la région pour payer les frais d’agence et de voyage dans le pays de
leur épouse.
Enfin l’une des mesures les plus symboliques a été prise en mai 2010, il
s’agit d’une révision du Code de la Nationalité. Cette modification, applicable
depuis le 1er janvier 2011 constitue une avancée considérable pour les épouses
étrangères et leurs enfants. Jusqu’à la modification de cette loi, la nationalité
coréenne relevait du droit du sang et était exclusive, l’étranger marié à un Coréen
pouvait donc devenir Coréen –après deux ans de résidence dans le pays- à la
condition de se défaire de sa nationalité d’origine. Les enfants des couples
binationaux avaient eux la double nationalité jusqu’à leur majorité. A cette date ils
devaient renoncer à l’une des deux nationalités. Depuis le 1er janvier 2011, les
époux étrangers de ressortissants coréens ont la possibilité de demander la
nationalité coréenne sans renoncer à leur nationalité d’origine, à condition de ne
jamais se prévaloir de cette dernière sur le territoire coréen. Il en est de même
pour les enfants des couples binationaux qui n’ont plus à choisir lors de leur
majorité.
Les initiatives individuelles à destination des familles internationales.
Au-delà des mesures prises par l’Etat coréen pour faciliter l’intégration des
épouses étrangères et des enfants des couples binationaux, de nombreuses
initiatives individuelles ont également œuvré dans le même sens.
Grâce à la facilité d’accès à internet, de nombreuses épouses étrangères ont
créé leur blog sur la toile. Dans ces blogs elles font part de leurs conditions de vie,
des difficultés d’intégration, débattent de la situation des mariées étrangères en
général et surtout dispensent des conseils destinés aux nouvelles arrivées. Ces
blogs sont ainsi un moyen efficace de faire connaître les services
gouvernementaux au sein des communautés d’expatriés et ainsi d’en faciliter
40
l’accès des épouses étrangères lorsqu’elles ne maîtrisent pas la langue ou que leur
mari n’est pas assez informé. Le blog Surviving Korea45, écrit en anglais par une
femme originaire des Philippines et mère d’un enfant, est un bon exemple du
genre d’informations que s’échangent les épouses étrangères. A travers ses
expériences personnelles, cette femme informe régulièrement se compatriotes et
les autres épouses étrangères des nouveautés en matière de services ou de
législation.
Une autre Philippine fait parler d’elle en Corée. Il s’agit de Jasmine Lee,
mariée en 1995 à un marin coréen qu’elle avait rencontré un an et demi
auparavant alors qu’il était en escale dans sa ville natale alors qu’elle était encore
étudiante. Arrivée sur le territoire coréen l’année de son mariage, elle a du faire
face au rejet de sa belle famille qui ne comprenait pas pourquoi leur fils s’était
marié à une étrangère. Devenue mère peu de temps après le mariage elle a passé
les dix premières années de sa vie en Corée à s’occuper de sa famille. Connue
pour avoir participé au programme télévisé « Love in Asia » qui suit des familles
internationales dans leur quotidien, elle a également donné des cours de coréen en
tagalog à la télévision sur la chaîne EBS. Aujourd’hui elle est membre de
l’association Waterdrop - association fondée par des épouses étrangères pour aider
leurs pairs à s’intégrer - et donne régulièrement des conférences sur le sujet des
familles internationales et s’attache à démontrer l’importance que d’intégrer ces
familles à la société coréenne. Elle a notamment participé au G20 en Novembre
2010 et est régulièrement consultée par le gouvernement sur les questions liées au
mariage international.
Parmi ces personnes qui contribuent à faire entendre la voix des familles
multinationales en Corée, le footballeur Hines Ward est sans doute celui qui a
réalisé la plus grosse performance médiatique. Né à Séoul d’un père afro-
américain et d’une mère coréenne, il a passé sa vie aux États-Unis. En 2006, grâce
à la victoire de son équipe au Superbowl, il est devenu le premier Coréen-
américain à remporter cette compétition, étendant ainsi sa célébrité à son pays
natal. Cette année là, il retourna en Corée pour la première fois depuis le départ de
45 http://www.chersurvivingkorea.blogspot.com/
41
ses parents. Son arrivée fut très remarquée et il profita de son statut pour soulever
la question de l’intégration des enfants nés de parents de deux nationalités en
Corée. Il choisit d’encourager le débat et la réforme politique, et son action fut
l’un des facteurs ayant poussé à la création du « Grand Plan » en 2006. Avant son
retour aux États-Unis il créa aussi la fondation qui porte son nom et dont le but est
d’œuvrer à l’intégration des enfants binationaux en Corée.
Ces trois cas d’initiatives individuelles ne sont que des exemples parmi
tant d’autres. Que ce soit à travers des associations caritatives, des programmes au
sein de groupes religieux, ou en faisant du bénévolat dans les services
gouvernementaux destinés aux étrangers, l’implication des femmes étrangères
dans l’amélioration des conditions de vie de leurs semblables est grandissante. En
effet la solidarité entres membres d’une même communauté est un facteur décisif
de l’intégration des épouses étrangères et contribue bien souvent à sortir ces
femmes et leurs enfants de la solitude et à les aider à surmonter les difficultés
qu’ils peuvent rencontrer au quotidien en leur donnant des conseils tirés
d’expériences vécues.
42
Conclusion
Phénomène relativement récent en Corée, le mariage international s’est
fortement développé à partir des années 1990 pour répondre à un problème
social : le déficit de femmes dans les campagnes. Encouragé par des politiques
gouvernementales, le développement des réseaux d’agences matrimoniales, ajouté
à l’attrait économique généré par la Corée dans les pays voisins, le mariage
international a pris un aspect commercial où le Coréen se retrouve en position
d’acheteur et l’étrangère tient lieu de produit.
Ces pratiques, souvent peu respectueuses de la dignité humaine et peu
soucieuses des conditions de réussite d’un mariage heureux, la méconnaissance de
la langue coréenne par les épouses étrangères, ainsi que la réticence de la société
coréenne à l’accueil des étrangers, constituent autant de barrières à l’intégration
des épouses étrangères.
Depuis 2005 environ, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer ces
abus. De ce fait, progressivement, le Gouvernement coréen met en œuvre des
mesures visant à réguler le marché du mariage international et à favoriser
l’intégration des épouses étrangères à leur nouvel environnement. En outre, les
étrangères mariées aux Coréens s’organisent aussi en communautés soudées où
règne l’entraide.
Si aujourd’hui le mariage international est un phénomène connu des
Coréens, il n’en demeure pas moins une exception palliative à connotation
négative. Les hommes ayant recours aux agences matrimoniales sont souvent
considérés avec mépris car n’ayant pas réussi à épouser une Coréenne. De plus,
les Coréens se mariant avec une étrangère rencontrée naturellement doivent eux
aussi affronter les critiques d’une population qui ne comprend pas que l’on puisse
délibérément se marier à un étranger.
Cette situation a-t-elle vocation à perdurer ?
Il est fort probable que dans les années à venir le mariage international
parvienne progressivement à être reconnu comme une situation respectable : la
43
Corée s’ouvre, les Coréens voyagent, les étrangers sont de plus en plus nombreux
à venir étudier ou travailler en Corée, ainsi des couples binationaux se forment de
plus en plus fréquemment en dehors des réseaux d’agences matrimoniales,
améliorant l’image du mariage international en Corée.
En parallèle à l’intégration des épouses étrangères, le principal challenge
en la matière pour la Corée sera donc, à l’avenir, de percevoir le mariage
international comme un élément porteur d’opportunités pour le pays. Il faudra
donc réussir à passer du mariage international au mariage multiculturel, où la
culture étrangère est valorisée au même titre que la culture coréenne.
44
Annexes
Publicités d’agence matrimoniale
Publicité vantant les qualités des épouses Vietnamiennes : leur ressemblance avec
les Coréennes, leur beauté, leur jeune âge, leur bonne odeur…
Publicité déclarant que les Vietnamiennes ne s’enfuient jamais.
45
Campagne gouvernementale pour l’intégration des épouses étrangères
Publicité montrant l’intégration des épouses étrangères à la société coréenne
affichée à la station de métro de la gare de Séoul en 2011.
Note de synthèse concernant les modifications du code de la nationalité coréen.
46
Extrait de la note de synthèse publiée par l’ambassade de France en Corée.
L’original de la note de synthèse ainsi que la version en langue anglaise du texte
de loi sont disponibles sur le site de l’ambassade de France en Corée :
http://www.ambafrance-kr.org/spip.php?article1108
« 2) Révision du 4 mai 2010 : introduction de la possibilité de conserver deux
Nationalités
2.a. Cas des étrangers qui acquièrent ou sont réintégrés dans la nationalité
coréenne
La révision du code de la nationalité introduit à l’article 10 la possibilité d’être
binational, pour les catégories de personnes suivantes, à la condition qu’elles
prêtent serment par écrit de ne pas se prévaloir de leur autre nationalité
lorsqu’elles évoluent sur le territoire coréen. Ce serment doit être prêté dans
l’année qui suit l’obtention de la nationalité coréenne. Il est reçu uniquement en
Corée, dans les bureaux des services de l’Immigration.
Catégories de personnes concernées :
- Les étrangers ayant acquis la nationalité coréenne à raison du mariage et de la
résidence en Corée ;[…]
2.b. Cas des enfants binationaux
Les enfants de couples mixtes auront désormais la possibilité de conserver les
nationalités de leurs deux parents. En effet les articles 12 et 13 du code de la
nationalité prévoient qu’une personne ayant acquis plusieurs nationalités avant
l’âge de 20 ans peut, au choix :
- comme avant la réforme, renoncer à son autre nationalité avant d’atteindre
l’âge de 22 ans,
- ou bien, avant l’âge de 22 ans, déclarer son intention de choisir la nationalité
coréenne auprès du ministère de la Justice, après avoir prêté serment de ne pas se
prévaloir de son autre nationalité en territoire coréen.
=> le fait d’exprimer ce choix de faire primer la nationalité coréenne dispense
l’intéressé de renoncer à son autre nationalité. »
47
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