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LES MARGES DE UARMORIQUE A L'AGE DU FER Archéologie et Histoire : culture matérielle et sources écrites Actes du XXI[" colloque de l'Association Française pour I'Etude de I'Age du Fer sous la direction de Bernard Mandy et Anne de Saulce Revue Archéologique de l'Ouest Supplément no10

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Page 1: LES MARGES DE UARMORIQUE A L'AGE DU FER · Revue archéologique de l'Ouest, supplément nolü, 2003, p.37-42. CONTDfiES ARGIEOLOGIQIJES EI' RESTES CARPOLOGISJES ASSOCIES A DES DEPOTS

LES MARGES DE UARMORIQUE A L'AGE DU FER

Archéologie et Histoire : culture matérielle et sources écrites

Actes du XXI[" colloque de l'Association Française pour I'Etude de I'Age du Fer

sous la direction de Bernard Mandy et Anne de Saulce

Revue Archéologique de l'OuestSupplément no10

Page 2: LES MARGES DE UARMORIQUE A L'AGE DU FER · Revue archéologique de l'Ouest, supplément nolü, 2003, p.37-42. CONTDfiES ARGIEOLOGIQIJES EI' RESTES CARPOLOGISJES ASSOCIES A DES DEPOTS

Revue archéologique de l'Ouest, supplément nolü, 2003, p. 37-42.

CONTDfiES ARGIEOLOGIQIJES EI' RESTES CARPOLOGISJESASSOCIES A DES DEPOTS MONETAIRES ARMORICAINS

Katherine GRUEL*, Véronique MATTERNE** et Anne VILI-ARD'F*{<

Résumé : La plupart des monnaies armoricaines gauloises sont trouvées en dépôts et les contextes sont rarement accessi-bles aux chercheurs. Dans le meilleur des cas, un petit sondage est effectué à l'emplacement même de la découverte et serévèle négatif. Pourtant la prospection élargie de la zone de découverte montre que ces trésors sont souvent proches d'uneenceinte, d'un sanctuaire mais à l'extérieur de ceux-ci comme à Liffré, Rannée, Mordelles. [æs monnaies sont souventdans un contenant organique ou céramique, dont l'étude est négligê. Enfin, la corrosion métallique piège des résidusvégétaux (Liffré, Jersey) dont l'examen et la datation peuvent éclairer le contexte environnemental. L intérêt archéolo-gique poûentiel de ces indices montre qu'ils mériteraient un emegistrement plus rigoureux avant tout nettoyage.

Abstmct : Most gallic armorican coins have been discovered in reserve collection and îhe archaeological context is rarelygiven 1o people studying this kind of material. In the best case, a rninor digging is done in the very place where the coinshave beenfound and is proved to be sterile. Howeve\ awider excavation reveals that those tredsures are commonly buriedclose to an enclosure or a sanctuary, but outside the ditches, for example at Liffré, Rannée, Mordelles. The coins are ofienled to deposit in a baskct or a poiaery whose study is neglected. Plnnt remains can also become fossilized in menllicoryds due to corrosion (Liffré, Jersey). The sndy and the dating of those remains can reflcct the ewimnmental contextof the find. The archaeological value of those evilences could lead a their carreful examination before any cleaning ofthe objects.

Mots-clés : Monnaies, Armorique, trésor, carpologie, contexte archéologique, environnement.

Key-words : Coins, Annoric, treasure, paleoethnobotany, archaeological context, enÿironment.

La découverte récente de nouveaux dépôts monétaires

celtiques dans l'ouest de la France et les premières obser-

vations qui ont pu être effectuées montrent l'intérêt que

pourrait avoir une réelle fouille des trésors, ce qui arrivetrop rarement en raison des conditions même de découverte.

On s'aperçoit en effet que beaucoup d'informationssont irrémédiablement perdues dans l'heure, les jours,

les semaines qui suivent la mise au jour, souvent parignorance ou désintérêt, parfois par excès de curiosité oude cupidité. A partir des nombreux trésors armoricainsconnus et à la lumière des derniers " exhumés ", se pose

toute une série de questions qui sont autant d'orientationsde recherche. Pourquoi une telle concentration de dépôtsmonétaires dans l'ouest armoricain ? Quelles sont les

conditions, les causes et les conséquences de ces enfouis-sements ? Existe-t-il des similitudes entre eux ?

I1 s'agitpour la plupart de trouvailles anciennes dont onconnaît au mieux la provenance approximative, la compo-sition, parfois les circonstances de découverte, rarement

les contextes archéologiques précis. Or ces dépôts moné-taires annoricains généralement homogènes représententune masse de plusieurs milliers de pièces (plus de 20 000pour la série coriosolite), inégalée dans les autres régionsde Gaule. En revanche, on s'étonne de l'absence quasitotale de pièces trouvées dans les habitats récemmentfouillés dans l'Ouest, en particulier sur un site cofilmePaule (Côtes-d'Armor). Il faut sans doute relativiser cette

apparente dichotomie : d'une part, les Armoricains n'uti-lisent pas de potins, dont la faible valeur favorise la pertesur les sites des autres régions ; d'autre pafi, on ne connaîtpas les conditions d'enfouissement de la plupart de ces

trésors. On a longtemps supposé qu'il fallait les lier à lagueffe des Gaules : ceci est probablement vrai pour unepartie d'entre eux, en particulier pour les Coriosolites.

Les trouvailles les plus récentes comme celles de Liffréet Rannée en Ille-et-Vilaine, et Mellac dans le Finistère,posent la question du statut des sites à proximité desquelselles ont été faites.

* UMR 8546 CNR§-EN§ 45 rue d'Ubtt,75005 PARIS.** CRAVO-INMP Nord-Picardie, IIMR 7041 ArScAn, équipe de prolohistoire européenne, 2l rue des Cordeliers, 60200 COApÈCt'lO.**<:*S.R.A. Bretagne - U.M.R.6566,6 rue du Chapitre, 35044 RENNES.

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38 K.Grælet al.

- D'une part, Rannée et Liffré sont des enclos limitéspar un système talus-fossé non défensif, parmi les plusvastes connus dans l'ouest de la France.

Le trésor de Rannée (Fischer, 1985) a été découvert àégale distance d'un grand habitat de 2,5 hectares à l'évo-lution complexe - sur lequel on a trouvé des traces d'ac-tivités métallurgiques, en particulier de 1'or (creuset),parallèlement au stockage de denrées agricoles en silo(fig. 1 ; Meuret, 1993) - et d'une enceinte polygonaledont le niveau d'arasement n'a pas permis de déterminerla fonction (Meuret et aI.,1992). Les deux enceintes sontoccupées essentiellement à La Tène C et D, la gaadeenceinte perdurantjusqu'au début du IIe siècle après J.-C.

Quant au trésor de Litrré (fig. 2), il était enterré àl'extérieur d'une vaste enceinte d'environ 4 hectares,considérée jusqu'alors comme médiévale en raison de laprésence d'un manoir et d'une tour en son centre. Levase contenant les monnaies avait été déposé dans unepetite fosse à 2 m du bord externe du fossé. Sa formehaute à épaulement arrondi et bord rentrant est attribuableà La Tène D. Un décapage d'une trentaine de mètrescarrés autour de la fosse d'enfouissement du trésor etune grande tranchée de sondage à travers le site ont étéréalisés. Malgré sa rareté - 4 tessons de La Tène C ouD dans le fossé et le talus - le mobilier atteste une occu-pation des lieux à cette période ; en revanche, aucunmobilier n'a été mis au jour dans les structures (kous de

poteaux, fosses, tranchée-palissade...) à f intérieur del'enceinte. Seuls les résultats des analyses en courspar le dosage du raC pourront dater 7a fondation et1'occupation de cette enceinte, soit de la fin de l'Agedu Fer soit du Moyen Age.

- D'autre part, à Mellac (Finistère), en 1978, un petittrésor a été mis aujour dans un tronçon de fossé, profondd'7,20 m, appartenant certainement à un enclos (Galliou,1989, p. 245). Les tessons d'une écuelle à profil enS et fine cannelure labiale, attribuable à La Tène C2,semblent provenir du même contexte (Clément, lgTS);toutefois, en l'absence de corrosion métallique sur saparoi interne, ce vase ne peut avoir servi de réceptacleau dépôt monétaire. Un sondage très ponctuel, réalisé àquelques mètres de la découverte dans ce même fossé,a cependant permis de mettre au jour des fragments devases de La Tène D, des tessons d'amphores Dressel1A et un mobilier en fer comprenant une petite faucilleà soie plate, un ciseau à douille, deux anneaux en fer,un crochet et un fragment de gros rivet. Bien que lesdonnées de terrain soient très limitées, la présence dece trésor et d'une concentration de mobilier (amphoreset outils), inhabituelle dans les fermes de cette périodefouillées en Bretagne, pose la question de la fonction dusite (Clément, 1980).

- Par ailleurs, même s'il est difflcile de localiser avecprécision le lieu de découverte du trésor d'Amanlis(Il1e-et-Vilaine), les photographies aériennes ont révélédans cette zone plusieurs grandes enceintes. Enfin,quelques késors ont été trouvés sur ou à proximitéimmédiate d'éperons barrés comme Rozel (Jersey),Vieux-Vy sur Couesnon (Ille-et-Vilaine) ou Jullouville-Carolles (Manche). Ces sites, un peu exceptionnels parleur taille ou leur usage, sont les seuls types de site endehors des sanctuaires (Gruel, à paraître) à être associés àdes trésors.

L'enfouissement à l'extérieur de l'enceinte et lesactivités repérées sur celle de Rannée conduisent àréserver, dans l'état actuel de la documentation, touteinterprétation religieuse. Alors, faut-il voir dans cesenfouissements, des caches de réserves monétaires effec-tuées par les propriétaires des enceintes à l'extérieur decelles-ci pour protéger une partie de leur richesse en casde pillage, ou pour toute autre raison ? On peut se poserla question même s'il est prématuré d'y apporter uneréponse définitive. Cependant, ce lien trésor-ferme aris-tocratique nuancerait la première impression que donnentles fouilles - celle d'une économie absolument pas moné-tarisée - mais renforcerait l'idée que les échanges moné-taires restent limités à l'élite : celle-ci contrôlerait certainséchanges ou services de forte valeur dans lesquels inter-viendrait la monnaie. L étude de ces késors se place dansle cadre des problématiques actuelles sur le rôle de cesgrandes fermes indigènes où viwait une certaine aristo-cratie terrienne (Buchsenschttz, 1999).

Cependant si l'environnement de ces enfouissementsparaît exceptionnel, les conditions même de ceux-cisemblent très ordinaires. Les contextes stratigraphiquessont généralement très fugaces. Le récipient contenant lesmonnaies a été placé dans un trou creusé en pleine terresans aucun aménagement spécifique sauf éventuellement

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EnceiDte quadriiatérale

Enceintê polygonaie

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Eerrier Nal ^ '-.'-

Fig. 1 : Plan de l'enceinte de Rannée (Meuret, 1993, p. 141).

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Contextes archéologiques et restes carpologiques associés à des dépôts monétaires armoricains

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Fig. 2 : Plan de 1'encefurte de Liffré

quelques pierres de calage ; parfois quelques dalles plates

scellent l'ensemble. Tout lien stratigraphique est détruitdans le cas de découvertes fortuites, lors de la quête des

monnaies restantes. Les rares fouilles effectuées ensuiteà l'emplacement de celles-ci ont été très décevantes. ATrébry et à Liffré, le trésor était enterré dans une petitefosse à peine plus importante que 1e vase, sans aména-gement visible dans le substrat. A Rannée, le niveau

d'occupation de La Tène D, mis en évidence lors de

la fouille des abords du trésor, n'a pas liwé d'élémentpermettant de mieux caractériser le contexte de dépo-sition des monnaies. Cependant, un rapide inventairebibliographique a permis de recenserune trentaine de lotsmonétaires contenus dans un vase ou mêlés à des débris

céramiques : 6 dans le Finistère (Carantec, La Feuillée,Kersaint-Plabennec, Plogofï, Plonéourn-Lanvem,Mellac), 5 dans les Côtes-d'Armor (Saint-Denoual, Saint-

Solain, Trébry Perros-Guirec, Plusquellec-en-Callac), 5

en Ille-et-Vilaine (Saint-Jacques-de-la-Lande, Pipriac,Roz-Landrieux, Rannée, Liffré), I dans le Morbihan(Quiberon), 2 en Loire-Atlantique (Gorges, Rezé), 2

en Maine-et-Loire (Challain-la-Potherie, l'Hotellerie-de-Flée), 1 dans la Sarthe (OisseauJe-Petit), 3 dans

la Manche (Avranches, Montmartin-en-Graignes, le

Val-Saint-Père), 3 dans le Calvados (Castillon, Saint-

Cosme-de-Fresné, Saint-Pierre-sur-Dives), 3 à Jersey

(Saint-Hélier, Trinity, La Marquanderie), I à Sark. Seuls,

les trésors de Sark et de Saint-Hélier étaient contenusdans un vase métallique ; dans tous les autres cas, ils'agit, semble-t-il, de céramique commune utilitaire, très

ordinaire, difficile à dater précisément, sorte de jattede forme haute à col assez ouvert comme à Trébry ou

vase haut à bord rentrant comme à Liffré, favorable au

stockage des pièces. Le progrès des études de cérami-ques locales aurait pu affiner ces généralités, et les trésors

fournir quelques éléments de datation mais, dans laplupart des cas, contenus et contenants ont été dissociés,

et tout lien entre vase et pièces est perdu.

Lorsqu'il s'agit de pièces à base de cuivre, c'est-à-dire pour les monnaies armoricaines essentiellement de

billon, ce mode de stockage en milieu confiné dans unvase a favorisé l'agrégation des pièces entre elles parla corrosion. Le découvreur se trouve alors devant unemasse compacte solidifiée par ces oxydes. Ces gangues

sont très rarement examinées car le but premier est de

désolidariser les pièces pour en pemettre l'étude ou lavente. Pourtant, il est évident que se trouvent piégés

dans ces produits de corrosion tous les débris qui ont

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été déposés dans le pot avec les pièces. La conservationde restes végétaux par des oxydes métalliques a quel-quefois été observée sur la vaisselle ou les bandagesde roues de chars funéraires comme à Hochdorf. Nouspouvons témoigner que c'était le cas pour le trésor de

la Marquanderie (Jersey 9) car nous avons trouvé desrestes d'herbacés sur les quelques pièces qui n'avaientpas été nettoyées, mais malheureusement trop dégradéspour êtres identifiés.

A l'examen du matériel monétaire de Liffré, il estapparu que la corrosion des surfaces métalliques avaitfossilisé de nombreux fragments végétaux qui se trou-vaient directement au contact des monnaies (fig. 3). Étantdonné la présence d'un contenant céramique, l'associa-tion entre les restes végétaux et les pièces est certaine. Letrésor a fait l'objet d'une tentative de restauration de lapart de f inventeur. Les gangues d'oxydes ont en partieété éliminées. La totalité du matériel a été examinée eties croûtes épargnées par I'hydrolyse ont été isolées. Unecentaine de ces amalgames de monnaies et de fragmentsvégétaux a été étudiée sous loupe binoculaire.

Fig. 3 : Monnaies du trésor de Liffré (cliché H. Paitier, INRAP).

Des fragments de tiges et d'enveloppes ont été observésà la surface de toutes les pièces ; la plupart étaientbien conservés (fig. 4). Les monnaies semblent avoir étérecouvertes de débris végétaux sur toute la hauteur dela poterie. Plusieurs centaines de fragments ont pu êtreidentifiées. Il s'agit essentiellement de bases de glumesde céréales (fig. 5).Une quinzaine de bases d'épillet, cinqfragments de rachis, une dizaine de caryopses (ou grains)ont également été trouvés, ainsi qu'une semence d'ad-ventice de la famille des Polygonacées. Plusieurs espècesont été identiflées, en utilisant les critères décrits parS. Jacomet (Jacomet et al., 7989, p. 325), G. Hillman(Hillman et al., 1996) ainsi qu'en comparant le matérielarchéologique et moderne, ce dernier issu d'une collec-tion de référence.

L'abondance des bases de glumes indique la prédo-minance d'un blé vêtu. La grande majorité de celles-ci,quatre bases d'épillets complètes et six autres probablessont attribuables à l'épeautrc (Triticum spelta), enréférence aux critères suivants :

- la grande robustesse des branches et leur écartement ;

- la présence de nerfs saillants, alors que les deux;r :s !.a:rt peu apparentes ;

- la présence sur les bases d'épillets d'un entre-noeuddu segment de rachis supérieuq tlpe de déhiscence carac-téristique de l'épeautre ;

- la présence de deux grains par épillet.

Quatre bases de glumes (plus deux confer) et une dontle grain a été conservé à f intérieur de l'épillet évoquentune autre espèce de blé vêtu, l'engrain (Triticum cf.monococcum):

- elles sont beaucoup plus graciles que lesprécédentes ;

- les branches montantes sont parallèles ou faiblementécartées ;

- l'épillet ne renferme qu'un grain.En outre, unblé nu est également attesté. Trois segments

de rachis, dont un particulièrement bien conservé,possèdent des contours convexes qui attestent la présence

d'un blé hexaploïde de type froment (Triticum aestivum).Deux autres segments de rachis sont plus proches dugenre Hordeum, qui désigne l'orge : par rapport auxentre-næuds de blé, ceux-ci sont plus évasés vers le

Fig. 4 : Résidu de décorticage pris dans la corrosion (photo Aubert,Arc'Antique).

épillel

arête J

glme

base dépillet

Fig. 5 : Les différentes pièces végétales composant un épillet de blévêtu. Bases de glumes et bases d'épillet ont été identilées dans lescorrosions des billons de Liffré.

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41Contextes archéologiques et restes carpologiques associés à des dépôts monétailes armoricains

sommet et leurs contours sont légèrement concaves. Surl'un des deux entre-næuds, les liserés qui bordent lesegment sont bien visibles.

Etant donné leurs faibles proportions, l'engrain, lefioment et l'orge doivent être considérés comme desplantes intrusives au sein d'un lot essentiellementconstitué de balle d'épeautre. A l'époque gauloise enFrance septentrionale, I'engrain apparaît coiltme unedenrée secondaire sw 44 sites étudiés même si, occa-sionnellement, il peut atteindre des pourcentages relati-vement élevés au sein de cultures d'épeautre. Les étudescarpologiques montrent que la zone de culture privilé-giée de la céréale, pour la période de La Tène, se situe ausud-ouest de l'Allemagne et au nord-ouest de la Suisseet se prolonge dans la partie nord-orientale de la France.L'épeautre est néanmoins affesté sur le site La Tène C2 de

Thaon, dans la plaine de Caen (San Juanet a1.,1999).Parailleurs, la céréale est peu représentée dans les régionsdu centre-nord. En Angleterre, la culture de 1'épeautre se

concentre à I'Age du Fer dans le sud du pays (Marinval,1989). L'ensemble de Liffré apporte donc des informa-tions complémentaires sur 1'exploitation de cette céréale etson éyolution (fig. 6).

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Fig. 6 : Carte de répartition des attestations d'épeautre de La Tène C2 àLa Tène D2 en Gaule Septentrionale. Les grands cercles désignent lessites où la céréale est dominante.

Les restes étudiés évoquent un résidu de décorticage dugrain, en raison du nombre élevé de bases de glumes etde fragments de glumelles au détriment d'autres compo-santes. L'épeautre, comme les autres céréales d'hiver, se

récolte en juin-juillet dans nos régions. Le produit de larécolte, durant la fin du second Age du Fer, est fréquem-ment stocké à la suite d'un premier battage-vamagesous forme d'épillets (Matteme, 2001). Le décorticage,qui sépare le grain des enveloppes, peut être différé de

plusieurs mois. Les résidus de décorticage du grain sontgénéralement brûlés ou utilisés comme fourrage. Il nefaut donc pas les considérer comme une indication fiablede la saison d'enfouissement du trésor. L'adjonction de

balle de céréale à des monnaies entreposées dans unecéramique cofilmune est nécessairement intentionnelle.Elle a pu être motivée par la volonté de protéger lespièces ou de les dissimuler. Un épais matelas de balleréduit le contact avec l'air et absorbe l'humidité excéden-taire, formant ainsi une protection contre la corrosion.Cet usage est loin d'être exceptionnel même s'ilest trop rarement étudié. Ainsi, l'étude du trésor de

Neftenbach, près de Zurich, a montré que des panicules de

millet commun accompagnaient des monnaies romainesdéposées dans un vase (Klee, 1993). Ces associationsmonnaies-résidus végétaux ou parfois micro-faune méri-teraient à notre sens une attention plus grande car ellesfoumissent des éléments datés riches d'enseignement.

Cette étude du trésor de Liffré, à peine ébauchée,tout çomme celle du trésor des Sablons, près du Mans(Sarthe), relance la recherche sur les monnayages arrno-ricains. Il pose une fois de plus le problème de l'usagemonétaire en Gaule et des particularités régionales.L'Armorique se distingue par cette opposition entrede nombreux enfouissements monétaires volontaires,drainant une masse considérable de monnaies et trèspeu de pièces perdues isolément sur les sites d'habitats(ruraux ?) et même de sanctuaires. Cependant, la docu-mentation peut évoluer et des sites comme Ouessant,Angers, Carhaix ou d'autres... peuvent encore apporterbien des surprises.

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