Les gauches en France depuis 1945 - Canopé...

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Les gauches en France depuis 1945 Mathias Bernard Professeur d’histoire contemporaine, Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand Éric Bonhomme Professeur de chaire supérieure en histoire, Bordeaux Marie Devertu, Xavier Lacarce, Christophe Léon, Valéri Mambetov Professeurs d’histoire-géographie, académie de Bordeaux HISTOIRE DE NOTRE TEMPS

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Les gauches en France depuis 1945

Mathias BernardProfesseur d’histoire contemporaine,Université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand

Éric BonhommeProfesseur de chaire supérieure en histoire, Bordeaux

Marie Devertu, Xavier Lacarce, Christophe Léon, Valéri MambetovProfesseurs d’histoire-géographie, académie de Bordeaux

h i s t o i r e d e n o t r e t e m p s

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première partie

LES GAUCHES EN FRANCE DEPUIS 1945

Introduction ……………………………………………………………………… 13Prologue : les gauches à la Libération ………………………………………… 21

Les gauches en guerre froide (1947-1958)L’implantation du communisme ……………………………………………… 311. Les bases politiques …………………………………………………………… 312. Un discours de combat ………………………………………………………… 373. Une culture communiste ……………………………………………………… 43Les contradictions de la gauche non communiste ………………………… 491. Les gouvernements de la Troisième force (1947-1951) …………………… 492. Des expériences gouvernementales inachevées …………………………… 553. Les difficultés croissantes des partis de la gauche gouvernementale …… 64

Les gauches dans L'opposition (1958-1981)La lente reconstruction de la gauche (1958-1972) ………………………… 731. Le renouvellement partiel de la gauche démocratique et socialiste ……… 732. L’aggiornamento tardif du communisme français ………………………… 853. Une nouvelle extrême gauche ………………………………………………… 89L’Union de la gauche : dynamiques, résistances, ruptures ……………… 971. De l’union à la désunion ……………………………………………………… 972. Les contradictions communistes ……………………………………………… 1013. La dynamique socialiste ……………………………………………………… 107

Les gauches à L'épreuve du pouvoir (depuis 1981)Les « années Mitterrand » (1981-1995) ……………………………………… 1151. Le « changement » et ses limites (1981-1983) ……………………………… 1152. La conversion au socialisme gestionnaire …………………………………… 1243. Les difficultés politiques ……………………………………………………… 136Les gauches à l’heure de la crise identitaire ………………………………… 1431. La montée du courant altermondialiste ……………………………………… 1432. La difficile rénovation socialiste ……………………………………………… 1503. Être de gauche au xxie siècle ………………………………………………… 157

Conclusion ………………………………………………………………………… 163

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deuxième partie

ÉTUDES DOCUMENTAIRESLes études documentaires présentées dans cette deuxième partie sont disponibles sur le CD-rom, au format PDF.

Prologue …………………………………………………………………………… 169► Le socialisme selon Léon Blum : du socialisme idéologique au socialisme

d’action► Maurice Thorez et le pouvoir au lendemain de la Seconde Guerre mondiale► L’établissement de l’État-providence

L’implantation du communisme (1947-1958) ………………………… 172► Le PCF, un parti « pas comme les autres »► Jules Moch « dissèque » le PCF► Les grèves de 1947► La gauche contre l’Alliance atlantique► Les intellectuels communistes français et l’URSS à la mort de Staline► Les intellectuels face au « socialisme réel »

Les contradictions de la gauche non communiste (1947-1958) … 175► L’instabilité de la IVe République► Jeune député, vieille politique► La gauche et la question coloniale► Pierre Mendès France : la paix en Indochine► Les socialistes et la construction européenne

La lente reconstruction de la gauche (1958-1972) …………………… 178► Mitterrand, alternative à de Gaulle► Mai 1968, le baptême de l’extrême gauche► Un PC débordé ?► Les élections comme supercherie► Le tournant du congrès d’Épinay► Le PSU et le congrès d’Épinay► Allende, un modèle pour le PS ?

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L’Union de la gauche : dynamiques, résistances, ruptures ……… 181► Le Programme commun► Regards communistes sur le Programme commun► Le XXIIe congrès du PCF, socialisme et liberté► La « nouvelle philosophie » : le socialisme condamné aux « poubelles de

l’histoire »► Le congrès de Nantes : « Changer la vie »► Le congrès de Metz ou les courants contraires► 1981 : le programme du changement► François Mitterrand, du candidat au président► Mitterrand et ses réseaux

Les « années Mitterrand » (1981-1995) ………………………………… 185► L’abolition de la peine de mort► Choisir un Premier ministre► Laurent Fabius et la modernisation du socialisme français► Le moment Rocard► L’appel de Mexico► La crise des euromissiles► La relance de la construction européenne dans les années 1980► Victoire politique, défaite intellectuelle : le cri d’alarme de Max Gallo► Mitterrand et les people► Le rendez-vous manqué de la gauche et du syndicalisme► Les « artistes-providence »► La montée du FN, entre débat idéologique et mobilisation populaire► La cohabitation vue par Chirac► La cohabitation vue par Mitterrand► Des scandales politiques mortels

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Les gauches à l’heure de la crise identitaire …………………………… 191► Les grèves de décembre 1995► Le temps de travail à la fin du xxe siècle► La démocratie dans la rue► Une gauche critique face au traité constitutionnel► Ségolène Royal, image du renouveau socialiste ?► Le congrès de Reims : la rénovation manquée du PS► La décroissance, seul moyen de sauver la planète ?► L’écologie politique, une redéfinition de la gauche ?

Annexes …………………………………………………………………………… 195► 1946, la gauche au pouvoir ?► Les différentes législatures de la IVe et de la Ve République► Le Parti socialiste, l’émergence et l’affirmation d’un parti majeur

de la gauche► Effritement ou recomposition de la gauche ?

Table des sigles …………………………………………………………………… 197

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PREMIÈRE PARTIE

LES GAUCHES EN FRANCEDEPUIS 1945

Mathias BernardProfesseur d’histoire contemporaineUniversité Blaise Pascal, Clermont-Ferrand

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Introduction

S i le clivage droite-gauche structure la vie politique en France depuis la Révolution française, il ne recouvre pas, au fil des

décennies, les mêmes réalités et n’a pas forcément la même vigueur. Au cours du xixe siècle, c’est le rapport à la Révolution puis la question des institutions et du régime qui divisent les familles poli-tiques : être de gauche, c’est défendre l’héritage révolutionnaire et, plus précisément, la République. L’avènement de la iiie République, dans les années 1870, marque la victoire de la gauche républicaine sur les droites dynastiques (légitimiste, orléaniste, bonapartiste). La droite devient alors républicaine ; d’autres questions désormais la séparent de la gauche : la place de l’Église dans la vie politique, la « question sociale », la défense de la nation… L’opposition entre droite et gauche ne repose plus forcément sur des choix fonda-mentaux, alors que chacun de ces deux camps se divise en forces politiques parfois antagonistes. À plusieurs reprises, pendant l’en-tre-deux-guerres, une partie de la gauche participe au gouvernement avec le centre droit, tandis qu’une autre fraction reste dans l’oppo-sition. La gauche perd alors la position hégémonique acquise à la fin du xixe siècle : en 1919, 1926, 1934 et enfin en 1940, c’est bien la droite qui exerce le pouvoir…

Malgré le traumatisme national créé par la Seconde Guerre mondiale et l’expérience de l’État français, le système politique fran-çais de la seconde moitié du xxe siècle s’inscrit dans la continuité des évolutions précédentes. Divisée en deux grandes sensibilités, l’une démocratique et réformiste, l’autre socialiste et révolutionnaire, la gauche se situe plus souvent dans l’opposition que dans la majorité gouvernementale. Elle exerce réellement le pouvoir pendant une vingtaine d’années (1944-1947, 1956-1958, 1981-1986, 1988-1993, 1997-2002), auxquelles il faut ajouter les périodes, assez complexes, de la « troisième force » (1947-1951) et du mendésisme (1954-1955).

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introduction

Pendant des périodes souvent longues (entre 1958 et 1971, et depuis 2002), elle est affaiblie par de multiples remises en cause (idéologi-ques, stratégiques et politiques) qui accréditent parfois l’hypothèse d’une disparition ou d’une reconfiguration totale de ce pôle de la vie politique française. Au-delà des aléas de la conjoncture, la gauche a le plus souvent été politiquement minoritaire (lors des élections et dans les Assemblées), alors même que ses idées et ses valeurs sem-blaient largement partagées par l’opinion publique et étaient même récupérées, au moins en partie, par le pouvoir de droite : « France de gauche vote à droite », constatait une équipe de politistes à la fin des années 19701. À partir d’une historiographie aujourd’hui assez largement renouvelée2, le présent ouvrage cherchera à comprendre cet apparent paradoxe. C’est dans cette perspective que l’évolution des hommes et des partis de gauche depuis 1944 sera étudiée, en pri-vilégiant deux thématiques : la division de la gauche et son rapport difficile au pouvoir.

La division des gauches françaises est, comme celle des droi-tes, le produit de l’histoire — mais d’une histoire récente. C’est en effet dans les deux premières décennies du xxe siècle que s’orga-nise une tripartition de la gauche en France autour de trois grands partis politiques : le Parti radical, le Parti socialiste-SFIO (Section française de l’Internationale ouvrière), le Parti communiste-SFIC

notes

1 Jacques Capdevielle et al., France de gauche, vote à droite, Presses de la FNSP, 1981.

2 L’ouvrage de Jean Touchard (La gauche en France depuis 1900, Seuil, 1977), complété pour la période postérieure à 1968 par Michel Winock, a longtemps été la seule synthèse historique disponible. Cette lacune a été comblée par Jean-Jacques Becker et Gilles Candar (dir.), Histoire des gauches en France, 2 vol., La Découverte, 2004. De même, l’historiographie des principaux partis de gauche a été récemment renouvelée : voir, par exemple, pour le PS, Alain Bergougnioux et Gérard Grunberg, Les socialistes français et le pouvoir. L’ambition et le remords, Fayard, 2005 et, pour le PC, Stéphane Courtois et Marc Lazar, Histoire du Parti communiste français, coll. « Thémis », PUF, 2002.

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(Section française de l’Internationale communiste). Constitué dès l’été 1901 à partir des réseaux multiples déployés par le radicalisme depuis les débuts de la IIIe République (comités politiques, asso-ciations laïques, franc-maçonnerie…), le Parti radical reprend la tradition et le programme de la gauche démocratique française : la défense des libertés publiques et des droits du citoyen, un attache-ment à la laïcité étroitement lié à un anticléricalisme combattant, une sensibilité à la question sociale tempérée par le respect du libéralisme économique et des lois du marché. Avec d’autres for-mations de centre gauche, le Parti radical participe à la plupart des gouvernements qui se succèdent jusqu’en 1940. En dépit d’une certaine érosion de son électorat et du recentrage de son discours, sensible dans les années 1930, il bénéficie d’une forte implanta-tion en province et compte sur la fidélité de nombreux élus.

La SFIO a été créée quelques années après le Parti radical, en 1905. Regroupant sous l’autorité de Jean Jaurès les différentes tendances du socialisme — qui a émergé en France dans les années 1880 — elle tient un discours social marqué par les thèses marxistes tout en s’inscrivant dans la tradition démocratique de la gauche chère à son principal leader. Ce compromis, qui masque mal la coexistence de deux tendances au sein du socialisme français (l’une plus réformiste et ouverte à la collaboration avec le radicalisme, l’autre révolutionnaire et intransigeante), vole en éclats pendant la Grande Guerre. Et, lors du congrès tenu par la SFIO à Tours en décembre 1920, une majorité de socialistes quitte la « vieille maison », gardée par Léon Blum, pour créer un Parti communiste qui adhère à la IIIe Internationale. La SFIO ne modifie pas pour autant son discours. Elle reste fidèle au marxisme et à l’idée révo-lutionnaire, mais elle sépare les deux temps de l’action politique : le temps court, où prévaut un certain pragmatisme ; le temps long, qui doit permettre l’avènement du socialisme. Bénéficiant d’un nombre croissant d’élus et de militants impliqués dans différents réseaux associatifs et syndicaux, la SFIO devient, dans les années

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introduction

1930, le principal parti de la gauche française et l’héritier de la tradition démocratique et sociale.

Quant au Parti communiste, il connaît lui aussi une certaine évolution au cours de l’entre-deux-guerres, selon les impulsions don-nées par le Komintern. Jusqu’en 1934, il cherche à préparer une révolution prolétarienne et internationale, en diffusant une culture de parti spécifique (discipline, organisation méthodique selon le modèle bolchevique, préparation à la clandestinité), en multipliant les relais dans le monde ouvrier (via la centrale syndicale CGTU) et en adoptant un discours de combat. Le PC conteste le libéralisme bourgeois, dans sa dimension politique (la démocratie parlemen-taire), économique et sociale (le capitalisme). Cette tactique « classe contre classe », qui le conduit à refuser tout accommodement avec les autres forces de gauche (y compris les socialistes, qualifiés de « so-ciaux-traîtres »), est assez brutalement abandonnée à partir de 1934, au nom de l’antifascisme. Le PCF s’ouvre alors aux autres forces de gauche (dans le cadre du « Rassemblement populaire »), recentre son discours et… gagne de nouveaux électeurs et adhérents. Mais les évolutions de la politique de l’URSS (notamment la conclusion du pacte germano-soviétique, en août 1939) annulent en grande partie les effets de cette ouverture.

Ce n’est donc que sous le Front populaire, en 1936, que ces trois grandes forces politiques ont réussi à dépasser leurs divisions. Et encore… Tous les élus du Parti radical n’ont pas accepté de former une coalition avec des communistes qui combattent une partie du modèle auquel ils sont attachés (le parlementarisme, le libéralisme économique). Et les communistes, qui n’ont pas souhaité participer au ministère Blum, prennent très rapidement leurs distances à l’égard d’une politique gouvernementale qu’ils jugent trop frileuse en ma-tière sociale ou sur les grandes questions internationales : la politique française de non-intervention dans la guerre d’Espagne divise rapi-dement la gauche. L’expérience du Front populaire met en relief un phénomène qui se reproduira sous les IVe et Ve Républiques : si les

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partis de gauche parviennent à s’unir lorsqu’ils combattent un gouver-nement de droite, ils n’ont pas la même manière d’envisager l’exercice du pouvoir.

La périodisation adoptée dans cet ouvrage prend en compte cet-te réalité. Après un prologue examinant la situation exceptionnelle léguée par la Seconde Guerre mondiale, la première partie étudie « les gauches en guerre froide », de 1947 à 1958 : alors que les com-munistes mettent à nouveau en pratique une stratégie d’opposition frontale à un régime politique qu’ils ont pourtant contribué à éta-blir, socialistes et plus encore radicaux assument les difficultés de l’action gouvernementale, aux côtés des centristes et de la droite mo-dérée. La deuxième partie se concentre sur la période située entre le retour de de Gaulle (juin 1958) et l’élection de François Mitterrand à la présidence de la République (mai 1981) : les gauches se retrou-vent alors dans l’opposition, et ce qui les rassemble l’emporte sur ce qui les sépare. L’exercice du pouvoir, sur lequel s’ouvre une troi-sième partie qui nous conduit de 1981 jusqu’à nos jours, provoque à nouveau dissensions et divisions. La gauche au pouvoir ne perd-elle pas son identité ? C’est bien là l’un des principaux enjeux des débats qui divisent aujourd’hui la gauche française…

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DEUXIÈME PARTIE

ÉTUDES DOCUMENTAIRES

Sous la direction pédagogiqued’Éric BonhommeProfesseur de chaire supérieure en histoire, Bordeaux

Marie DevertuXavier LacarceChristophe LéonValéri MambetovProfesseurs d’histoire-géographie, académie de Bordeaux

Les études documentaires sont organisées selon le plan de la première partie. Elles sont disponibles sur le CD-rom au format PDF. Chaque étude propose un ou plusieurs documents présentés dans leur contexte historique. Des exploitations pédagogiques sont proposées en ligne : http://crdp-ac.bordeaux.fr/hnt

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5. Les « années Mitterrand » (1981-1995)

► L’abolition de la peine de mortRobert Badinter, ministre de la Justice, discours à l’Assemblée nationale, 17 septembre 1981

► Choisir un Premier ministreCharles Salzmann, note du 12 avril 1984

► Laurent Fabius et la modernisation du socialisme françaisLaurent Fabius, discours de politique générale à l’Assemblée nationale, 24 juillet 1984

► Le moment RocardLoi 88-1088 du 1er décembre 1988 relative au revenu minimum d’insertionCommuniqué du Premier ministre à propos de l’avenir de la Nouvelle-Calédonie, 26 juin 1988

► L’appel de MexicoFrançois Mitterrand, président de la République, discours dit de Cancun, Mexico, 20 octobre 1981

► La crise des euromissilesHubert Védrine, Les Mondes de François Mitterrand. À l’Élysée, 1981-1995, 1996

► La relance de la construction européenne dans les années 1980Jacques Delors, déclaration sur les orientations de la Commission des communautés européennes, Parlement européen, Strasbourg, 17 janvier 1989

► Victoire politique, défaite intellectuelle : le cri d’alarme de Max GalloMax Gallo, porte-parole du gouvernement, Le Monde, 26 juillet 1983

► Mitterrand et les peopleRémy Rieffel, La tribu des clercs. Les intellectuels sous la Ve République, 1993

► Le rendez-vous manqué de la gauche et du syndicalisme

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Études documentaires

La comptabilité des syndiqués en France, 1906-2006Jean Paul Fitoussi, Pierre Rosanvallon, Le nouvel âge des inégalités, 1996Pierre Rosanvallon, Le peuple introuvable, histoire de la représentation démocratique en France, 1998

► Les « artistes-providence »Photographie : Coluche et l’affiche des Restaurants du cœurColuche, déclaration sur Europe 1, 26 septembre 1985« amendement Coluche », 23 décembre 1988

► La montée du FN, entre débat idéologique et mobilisation populaireLes résultats du Front national aux élections législatives de 1981 et 1986Yves Lacoste, Contre les anti-tiers-mondistes et certains tiers-mondistes, 1985

► La cohabitation vue par ChiracJacques Chirac, Premier ministre, déclaration télédiffusée, 20 mars 1986Dessin de Plantu, Le Monde, 17-18 mars 2002

► La cohabitation vue par MitterrandFrançois Mitterrand, président de la République, message au Parlement, 8 avril 1986

► Des scandales politiques mortels« Bérégovoy ou le piège de l’argent », Le Canard enchaîné, 6 août 2008

L e 10 mai 1981 est un grand jour pour la gauche française : François Mitterrand, à la tête d’une coalition socialo-commu-

niste, devient président de la République française, suscitant un énorme espoir pour le peuple de gauche — et un véritable effroi à droite. Lorsque le président, en une habile mise en scène, se rend au Panthéon pour rendre hommage aux grands hommes qui y repo-sent, il inscrit son action dans une glorieuse histoire qu’il entend parachever. Pour ce faire, il a désigné Pierre Mauroy comme Premier ministre ; celui-ci a formé un gouvernement dans lequel prennent place quatre ministres communistes. L’ambition réformiste est forte,

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les « années mitterrand » (1981-1995)

conformément aux 110 propositions sur lesquelles l’Union de la gauche a été élue : le temps paraît venu de « changer la vie ». D’où un très important train de mesures, qui vont des vieilles recettes de la gauche en matière économique (les nationalisations) et sociale (réduction de la durée hebdomadaire du travail qui passe de 40 à 39 heures, retraite abaissée à 60 ans, 5e semaine de congés payés) à de grandes mesures symboliques telle l’abolition de la peine de mort ; ajoutons-y les lois Defferre qui organisent la décentralisa-tion et pléthore d’innovations en matière de libertés et d’aides à la culture (prix unique du livre, fête de la musique ou autorisation des radios libres). Dans un monde qui reste figé par la guerre froide et où les Anglo-saxons optent pour l’ultra-libéralisme cher à Reagan et Thatcher, la France déroute. Malgré de grands discours sur le Tiers-monde comme à Cancun où Mitterrand, comme il l’a finalement fait en matière institutionnelle, revêt des habits gaulliens, la France passée à gauche reste bien ancrée dans le camp occidental auquel l’affaire des euromissiles montre son attachement indéfectible.

Mais, l’état de grâce n’a qu’un temps et, passé le lyrisme du début, les Français attendent des résultats sur le chômage qui gan-grène la France. Or très vite, force est de constater que les mesures fort coûteuses du gouvernement de Pierre Mauroy n’apportent nul remède. À contre-courant des politiques menées par les principaux partenaires de la France, elles sont même particulièrement coûteu-ses, au point que Mitterrand doit imposer en 1983 le tournant de la rigueur, provoquant la colère des communistes et d’une frange non négligeable du Parti socialiste : l’idéologie plie devant le réel.S’invente alors peu à peu une gauche gestionnaire dont le pragmatisme est supposé s’incarner dans le Premier ministre à partir de 1984, le jeune Laurent Fabius. L’énarque moderniste prend le relais d’une gauche « historique » que bien des Français désapprouvent (près d’un million de personnes a manifesté pour défendre l’école privée en 1984) et qui, pour certains, se jettent dans les bras d’une extrême droite en plein renouveau. De fait,

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Études documentaires

surfant sur les frustrations nées de la crise, le Front national de Jean-Marie Le Pen, révélé à Dreux, devient l’épouvantail autour duquel le monde politique français peine à se positionner. Y a-t-il lieu de vraiment s’inquiéter d’une menace jugée « fasciste » ? Doit-on négliger tous les thèmes portés par le FN au motif qu’ils émanent d’un tel mouvement ? Faut-il jouer de cette montée de l’extrême droite pour empêcher la droite classique d’élargir son électorat, quitte à gonfler, par des lois électorales ad hoc, la représentativité de Le Pen et ses amis ? Peut-on même en profiter, grâce à un anti-racisme toujours bien porté (et relayé par des mouvements de jeunes tels SOS racisme), pour masquer l’échec socio-économique de la gauche et relancer la cause sur un mode moralo-sociétal ?

En 1986 en tout cas, c’est la droite qui gagne les élections légis-latives. Jacques Chirac, fraîchement converti au libéralisme, devient Premier ministre de la première cohabitation. Nouveauté institu-tionnelle en effet : la France de 1986 à 1988 est co-dirigée par un président de gauche et un gouvernement de droite, qui mène l’es-sentiel de la politique, à l’exception des affaires étrangères, domaine plus ou moins réservé du chef de l’État. De cette phase singulière, Mitterrand sera le grand gagnant, avec une image modifiée, de la stature acquise d’homme d’État à celle, inattendue, d’idole de la jeunesse branchée. Il gagne les élections présidentielles de 1988. Dé-cidément, « tonton ne laisse pas béton ». Et la gauche elle-même ?

Le second mandat mitterrandien est de fait difficile. Les problè-mes de la France demeurent, malgré des gouvernements divers, de Michel Rocard (1988-91) à Édith Cresson, première femme à accé-der à de telles fonctions (brièvement : 1991-92) ; le pays paraît dépas-sé par un monde en mutation rapide. Le mur de Berlin est tombé contre toute attente en novembre 1989, le communisme s’est écroulé avec une rapidité inouïe mettant fin soudainement à la guerre froi-de qui structurait la vie internationale depuis la Deuxième Guerre mondiale, et l’Allemagne se réunifie à la hâte. Mitterrand, qui avait relancé la construction européenne au milieu des années 1980 (Acte

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les « années mitterrand » (1981-1995)

unique de 1986) avec son complice Helmut Kohl et le relais efficace de Jacques Delors à Bruxelles, voit l’axe franco-allemand déséquili-bré par la nouvelle Allemagne, agrandie et à nouveau tournée vers l’Est. L’Europe, qui se rêvait en paradis post-historique, pacifié par le marché et les droits de l’homme, s’embrase d’ailleurs en Yougoslavie sans que la France — pas plus d’ailleurs que ses voisins — ne parvien-ne à adopter une position claire et efficace. La France hésite quant à sa place dans « le nouvel ordre mondial » cher à George Bush ? Elle peut bien prétendre, à l’appui de sa participation, que la première guerre du Golfe voit le triomphe du multilatéralisme incarné par l’ONU : il ne s’agit que de l’ébauche d’un monde unipolaire sous la férule états-unienne.

Mais ce sont surtout les affaires internes qui ternissent les der-nières années de François Mitterrand : les scandales politico-finan-ciers se multiplient jusqu’au suicide mystérieux de Pierre Bérégovoy, ancien premier ministre. Les révélations sur le passé vichyste du chef de l’État et sa double vie ternissent son image, même si elles renfor-cent son côté romanesque. Le personnage fascine certes, mais son pouvoir se délite au sein d’une gauche déboussolée, où le PC n’en finit pas de perdre des adhérents. En 1993 à nouveau, les législatives sont défavorables à une gauche déchirée (les débats autour du souve-rainisme cher à Jean-Pierre Chevènement ont été sévères à l’occasion de l’adoption du Traité de Maastricht) et Mitterrand doit concéder une nouvelle cohabitation, avec Édouard Balladur cette fois comme Premier ministre issu de la droite.La longue expérience de la gauche de gouvernement laisse finalement un pays perplexe, qui ne croit plus guère au salut par le politique, englué dans des difficultés sociales et notamment dans un chômage de masse. Dans un monde en pleine effervescence, la France paraît écartelée entre repli frileux (du fondamentalisme républicain à la xénophobie du FN) et ouverture sur l’extérieur, jusqu’à la fuite en avant (de la construction européenne comme succédané à la fin des idéologies à l’éloge du métissage que le Bicentenaire de la Révolution

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Études documentaires

française avait candidement célébré en 1989). Pendant ce temps, le monde bouge : les États-Unis sont au faîte de leur puissance, des grandes puissances pauvres (Chine, Inde) se réveillent, les identités religieuses et nationalistes (de la Yougoslavie au Moyen-Orient) font un retour tonitruant. Ainsi va une mondialisation face à laquelle Mitterrand laisse la France bien désemparée en 1995.

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Jacques Chirac, déclaration sur Antenne 2, 20 mars 1986

Le peuple français a fait son choix, il a élu une nouvelle majorité à l’Assemblée nationale et par là-même il a approuvé une nouvelle politique pour notre pays. Le président de la République m’a proposé d’exercer la fonction de Premier ministre. Au cours de notre entretien, nous avons évoqué ce que de-vraient être les modalités de fonctionnement des pouvoirs publics dans une situation nouvelle sous la Ve République mais prévue dans notre Constitution et qu’il convient donc d’assumer. La France doit être gouvernée, elle doit l’être dans la clarté et dans l’efficacité. Tout d’abord les règles de notre Constitution et la volonté du peuple français doivent être respectées. Les prérogatives et les compétences du président de la République telles qu’elles sont définies dans la Constitution sont intangibles. Le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, détermine et conduit la politique de la nation en vertu de l’article 20 de notre Constitution. En conséquence, les principes qui, pour mettre en œuvre la politique choisie par le peuple français, guideront l’action du gouvernement et plus généralement celle des pouvoirs publics, seront les suivants : le gouvernement dispose de tous les moyens qui lui sont reconnus par la Constitu-tion pour conduire son action, qu’il s’agisse des mesures réglementaires ou des décisions de toute natu-re, individuelles ou générales qui lui apparaîtront nécessaires pour la mise en œuvre de sa politique. En particulier, afin de réaliser dans les meilleurs délais le redressement du pays et de garantir une meilleure efficacité de notre institution, deux lois d’habilitation seront, dans le mois qui vient, soumises au Par-lement pour autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance. La première concernera les mesures économiques et sociales relatives au redressement de la situation économique, à la participation des travailleurs ainsi qu’à la privatisation des sociétés nationalisées du secteur concurrentiel ; mesures qui permettront de retrouver une expansion plus forte et donc de développer l’emploi. Une deuxième loi d’habilitation permettra au gouvernement de rétablir les règles du scrutin majoritaire pour les élections à l’Assemblée nationale. Les mesures prévues par ces textes seront très précisément énoncées. Les autres réformes seront présentées au Parlement, qui se réunira le 2 avril. En cas de nécessité, une session ex-traordinaire permettra de mener à bien le travail législatif engagé. Ces principes d’action guideront en toute clarté l’action des pouvoirs publics. Ainsi le gouvernement que j’ai l’honneur de diriger pourra-t-il disposer de toute la latitude nécessaire pour, avec l’appui de sa majorité parlementaire, appliquer une politique de redressement social et économique, renforcer les libertés du citoyen, restaurer la sécurité des personnes et des biens, et permettre à la France de jouer pleinement son rôle dans le monde, tout ceci dans le total respect des engagements pris par la majorité devant le pays. Les Français doivent com-prendre que le moment est venu de faire taire les divisions au lendemain du grand débat qui vient de se clore. Ils doivent se rassembler dans un esprit d’ouverture et de tolérance mutuelle pour mener à bien l’indispensable renouveau de notre pays.

L’appel de Mexico

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La cohabitation vue par Chirac

Dessin publié avec l’aimable autorisation de Plantu © Plantu, Le Monde, 17-18 mars 2002

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Le 20 mars 1986, Jacques Chirac nommé Premier ministre présente les objectifs de la cohabita-tion.

Suite aux élections législatives du 16 mars 1986 et à la victoire de la coalition RPR/UDF, François Mit-terrand doit nommer Jacques Chirac Premier minis-tre. Prévue par la Constitution, cette période n’en est pas moins inédite et annonce un certain nombre de tensions. Jacques Chirac intervient le 20 mars 1986 sur Antenne 2. Il entend légiférer par ordon-nance notamment en ce qui concerne la privatisation des entreprises nationalisées précédemment par les gouvernements socialistes. Cette directive n’est pas du goût de François Mitterrand qui le fait savoir dans son discours au Parlement du 8 avril 1986. Le prési-dent qui ne compte ni rester « inerte » ni exercer une « présidence au rabais » exerce une pression réelle. Il peut à tout moment dissoudre l’Assemblée nationale. Cette épée de Damoclès suspendue à son bon vouloir n’en écarte pas moins le terme légal de cette coha-bitation, l’échéance électorale des présidentielles de 1988 où les deux représentants de l’exécutif vont se retrouver face à face.Aussi, François Mitterrand pendant deux ans va se positionner en défenseur des acquis sociaux et va adresser des messages forts en direction de l’opinion publique. Refusant de poser pour la traditionnelle photo du premier Conseil des ministres, il apparaît souvent seul contre tous. Il se fait l’écho et l’arbitre des citoyens en désapprouvant la suppression de la

loi sur l’autorisation administrative de licenciement (14 mai 1986) ; il déclare être « sur la même lon-gueur d’onde » que les lycéens et les étudiants qui refusent le projet de réforme de l’enseignement su-périeur (novembre-décembre 1986). La cohabitation, qui devient une « campagne électorale permanen-te », est souvent qualifiée d’« hyper conflictuelle ». François Mitterrand l’instrumentalise afin de repartir à la conquête de son électorat, rendant à Jacques Chirac la tâche ardue.La troisième cohabitation, de 1997 à 2002, inverse les rôles, et c’est au tour de Jacques Chirac de nom-mer un Premier ministre socialiste, Lionel Jospin. Dissolution surprise, cohabitation surprise. Voulant conforter sa majorité et l’unifier avant les échéan-ces électorales européennes et la mise en place de l’euro, Jacques Chirac se retrouve en difficulté devant le vote populaire. Se retranchant lui aussi derrière une attitude tribunicienne, il n’hésite pas toutefois à qualifier cette cohabitation de « constructive ».Cette situation a entraîné de nombreuses caricatures du dessinateur satirique Plantu. Le 17 mars 2002, à l’occasion d’une nouvelle période de cohabitation, parait dans Le Monde un dessin représentant Jacques Chirac, cette fois président et son Premier ministre socialiste, Lionel Jospin, quelque peu handicapés par leurs positions communes.

Contexte

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