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Les expériences de loisirs sportifs chez les personnesâgées de plus de 50 ans : microcosme révélateur desrapports sociauxLilian Pichota

a Université Marc Bloch de StrasbourgPublished online: 03 Jul 2013.

To cite this article: Lilian Pichot (2002) Les expériences de loisirs sportifs chez les personnes âgées de plus de50 ans : microcosme révélateur des rapports sociaux, Loisir et Société / Society and Leisure, 25:2, 329-349, DOI:10.1080/07053436.2002.10707592

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Tiré de : Loisir et société / Society and Leisure, vol. 25, no 2, Sherry L. Dupuis (dir.).

LES EXPÉRIENCES DE LOISIRS SPORTIFSCHEZ LES PERSONNES

ÂGÉES DE PLUS DE 50 ANS :MICROCOSME RÉVÉLATEUR

DES RAPPORTS SOCIAUX

Lilian PICHOT

Université Marc Bloch de Strasbourg

Toute tentative visant à définir une vision globale de la société et de l’ensemble desrapports sociaux et économiques reste partielle tant cette dernière s’est fragmentéeet n’obéit pas à une croissance continue et harmonieuse. Il en est ainsi des pratiquesculturelles, en particulier des loisirs sportifs. Plus encore, une famille de loisirscontient des divisions, des disparités qui ne permettent pas de soutenir la thèse del’homogénéisation des types de pratiques sportives ou des propriétés des groupesde sportifs s’y adonnant. Les « seniors1 » et les personnes chenues n’échappent pasà cette diversité des pratiques de loisirs les concernant et les caractérisant.

Cette catégorie de la population à laquelle il est accordé beaucoup d’attentionfait l’objet de nombreux travaux portant principalement sur leur représentationdémographique2 (Dirn et Mendras, 1984 ; Dinh, 1994 ; Dirn, 1998 ; INSEE, 1999),également sur l’évolution de leurs opinions et de leurs comportements depuis20 ans (Berthuit, Chokrane et Hatchuel, 1999 ; Rochefort, 2000), sur leurs pratiquesculturelles (Donnat, 1998), sur leurs activités touristiques (Kovacshazy, 1998) etsur leur relations aux associations (Fourel et Volatier, 1993 ; Hatchuel et Loisel,1998). Plus rares sont les analyses traitant de leurs activités de loisirs sportifs. Toutau plus pouvons-nous extraire des enquêtes sur les pratiques et les pratiquantssportifs des résultats relatifs aux catégories d’âge des « seniors » (Irlinger, Louveauet Métoudi, 1987 ; Mignon et Truchot, 2001). En fait, contre toute vision unique,ces pratiquants s’adonnent à leurs activités sous de multiples modalités. En cela,plus que de se démarquer du reste de la population, ils reproduisent quelques

Loisir et société / Society and LeisureVolume 25, numéro 2, automne 2002, p. 329-349 • © Presses de l’Université du Québec

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tendances lourdes des pratiques sportives, la personnalisation des activités,l’écologisation des pratiques et la recherche de nouveaux cadres spatiaux d’exer-cice physique, leur hybridation, leur « mise en forme aventureuse » (Pociello,2000). Mais derrière ces invariants, le sens de l’engagement sportif des « seniors »reste à interpréter. Les loisirs sportifs constituent différentes manières de donnerune signification à son existence selon les profils socioprofessionnels de cettepopulation hétérogène et selon les espaces sportifs investis. L’individuation, lebesoin relationnel, la sociabilité issue de l’appartenance à de petits groupes formelset informels, le don de soi, un rapport singulier au temps non programmé, uneforme d’indétermination dans l’activité physique sont constitutifs, à des degrésvariables, de l’identité individuelle et collective des « seniors ».

Ce travail s’appuie principalement sur les enquêtes nationales menées parle CREDOC, l’INSEE, l’INSEP et locales (Pichot, 1998 ; Bessy, 2000) en Francequi intègrent des données relatives aux conditions des loisirs sportifs chez les« seniors ». Il repose sur des investigations locales quantitatives et qualitativesmenées en Alsace3 sur les pratiquants, les modalités de leurs pratiques et leursconsommations de biens et de services sportifs (achats de vêtements et de matérielsportifs, cours et leçons dans le cadre d’une activité, lectures sportives notamment).Nous avons conduit une série d’entretiens semi-directifs complémentaires avecdes personnes actives et retraitées s’adonnant à des activités diverses, dont certainsoccupent des responsabilités associatives. À partir de plusieurs indicateurs (lanature des pratiques sportives actuelles et les conditions de ces expériences spor-tives ; le vécu sportif en termes de pratiquant et éventuellement de dirigeant ;l’intérêt pour l’actualité sportive ; les motivations pour la pratique et les raisonsde l’engagement dans une pratique, les dépenses consacrées à sa pratique, l’histoiresportive familiale), cette investigation qualitative a permis d’élucider les significa-tions du sport et les rapports pluriels qui se font jour chez les « seniors ».

Des cultures sportives plurielles

Les relations que les « seniors » entretiennent avec les activités physiques de loisirssont multiples. Si, parmi cette population des plus de 50 ans, on enregistre les effetsde génération de sous-catégories (les quinquagénaires, les sexagénaires et lesseptuagénaires), c’est-à-dire de la catégorie d’âge, on constate aussi des différencesliées aux propriétés sociales et culturelles.

L’hétérogénéité de la catégorie des « seniors »et de leurs aspirations pour le loisir sportif

Si les prévisions démographiques s’accordent sur l’idée que ce groupe représen-tera un tiers de la population vers 2025, il convient plus finement de repérer troistranches d’âges qui ont des incidences sur les types de loisirs et les motivations

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qui y sont associées. Une première génération, les 50-59 ans, désigne les personnesen phase terminale de vie active ; les 60-69 ans peuvent être assimilés aux « jeunesretraités », même si certains parmi eux devront poursuivre leur carrière profession-nelle pour s’assurer d’une retraite suffisamment confortable ; enfin, les 70 ans etplus correspondent aux « vétérans ». En somme, ce segment de population« recouvre « trois générations culturelles » d’hommes et de femmes dont la plusancienne a pu naître autour de la première guerre mondiale, la deuxième avec lefront populaire, la troisième à la libération et dont les plus âgés peuvent être lesparents des plus jeunes » (Kovacshazy, 1998, p. 49). Par conséquent, les « seniors »comprennent une masse d’individus, atteints de manière variable par le vieillis-sement et donc plus ou moins mobiles et autonomes, qui présentent des différencesde comportement de consommation en raison de leur âge, de leur génération etdes milieux sociaux dans lesquels ils ont évolué.

Les pratiques sportives des « seniors » répondent à une diversité de moti-vations. À l’instar des modes de consommation touristiques (Kovacshazy, 1998),l’analyse de contenu thématique des entretiens semi-directifs menés avec despersonnes actives mais en retraite professionnelle met en évidence des engage-ments sportifs de type affectif orientés vers une pratique familiale et entre amisou proches ; d’autres, de type thérapeutique à visée de bien-être corporel et moral ;d’autres encore, de type hédoniste pour « se faire plaisir ».

Témoignages et motivations pour le loisir sportif

« Alors l’activité physique par elle-même, j’y éprouve du plaisir, dans le sportcollectif d’abord (le basket, le rugby, le football) puis ensuite à travers la coursed’orientation. Mais j’ai toujours privilégié l’équipe. Mon grand plaisir, c’était defaire des courses en équipe en course d’orientation. J’ai toujours privilégié legroupe […] J’ai toujours été beaucoup plus motivé par une course par équipes.J’ai pris beaucoup de plaisir dans le sport collectif, c’est clair […] Bon j’ai d’autreshobbies mais disons le sport, c’est le bien-être corporel, c’est une question d’équi-libre. » – Henri B., 53 ans.

« J’ai toujours aimé le sport, j’ai suivi mes gamins dans les associations sportives,je faisais du VTT, je courais avec mon frère et des copains de temps en temps […]et puis j’ai été malade, pas grave mais bien secoué, alors j’ai intensifié ma pratique,je faisais plus attention à mon alimentation, j’ai perdu du poids, j’ai enchaîné lescourses, les semi-marathons, et même quelques marathons, je ne peux plus mepasser de courir trop longtemps, je me sens bien. » – François P., 51 ans.

« Moi, j’adore courir le soir, faire mon footing à 10 h le soir au parc de l’Orangerieune à deux fois par semaine pour entretenir la forme. Je touche à plusieurs sports,je suis curieux et cela permet d’entretenir la condition physique sans se lasser »– Joseph T., 60 ans.

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Pour appréhender les ressorts de l’action sportive chez les « seniors », l’étudelocale réalisée par Bessy (2000)4 au sein d’une commune de la banlieue borde-laise est instructive des logiques de pratiques. Considérant les pratiques sportivesauto-organisées, l’auteur relève les principes qui président aux sports d’entretiensans pour autant pouvoir dégager des « tendances » dominantes. Compte tenudes propriétés physiques de cette catégorie d’âge, de leur degré de mobilité, cesont des logiques de proximité et / ou de déplacement, des logiques d’intimité,d’entretien du corps, de détente et de convivialité qui les conduisent à s’adonnerprincipalement à la natation, au jogging et au vélo (Bessy, 2000, p. 152).

Une évolution significative des « seniors »en matière de sociabilité associative

Comme le monde associatif propose une représentation de la population françaisede plus en plus proche de la réalité démographique et sociale du pays, il estintéressant de se pencher sur les caractéristiques de l’engagement associatifdes « seniors. »

Depuis 20 ans, l’enquête Conditions de vie et aspirations des Français(CREDOC) permet de suivre les taux d’adhésion de la population à un certainnombre d’associations : associations sportives, culturelles ou de loisirs, confession-nelles, syndicales, de défense de l’environnement et de parents d’élèves. À la findes années 1970, 38 % des Français adhéraient à au moins une de ces associations.Vingt ans plus tard, la proportion a légèrement augmenté, passant à 42 % (Berthuitet al., 1999). En fait, ce sont les « seniors » – et eux seuls – qui démontrent uneparticipation associative la plus intense avec le temps et cela d’autant plus qu’ils sontplus âgés. Ainsi, chez les quinquagénaires, le taux d’adhésion à une association estpassé de 33 % à 44 % (11 points). Chez les sexagénaires, l’augmentation atteint les14 points et chez les individus âgés de plus de 70 ans, elle est de 18 points (ibid.)

Cette participation accrue dans les associations traduit une double évolutiondes attentes de ce groupe de population : d’une part, une volonté de participationaccrue dans des activités d’échange et de convivialité, loin du « militantisme » desannées 1970 ; d’autre part, une volonté de relations non formelles ne passant pas obli-gatoirement par la fréquentation régulière de lieux dédiés à des activités particulières.Le principe d’échanges de convivialité, non formalisés, semble ici prévaloir.

Le poids du statut social

Depuis 20 ans, quelle que soit l’activité pratiquée, la participation augmente sensi-blement avec le niveau de diplôme. Ce phénomène est encore plus marqué en cequi concerne les associations sportives ou culturelles : la proportion des diplômésdu supérieur qui en font partie est deux à trois fois supérieure à celle des adhérentsnon diplômés5.

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D’une façon plus générale, les taux d’adhésion sont plus élevés dans lesmilieux favorisés : c’est parmi les cadres et les personnes disposant de revenusélevés que la participation à une, voire à plusieurs associations, est la plus impor-tante. À l’inverse, la pénétration du monde associatif est moindre chez les ouvriers,les employés et les femmes, surtout chez les femmes au foyer. La tendance desmoins favorisés à adopter une attitude générale de repli trouve ici une nouvelleillustration.

TABLEAU 1

Évolution de la composition du public des associations en expansion

Associations sportives Associations culturelles,de loisirs

1979-1980 1996-1997 1979-1980 1996-1997

Catégorie socialeIndépendant 9,1 6,5 6,0 4,4Cadre 21,0 28,5 19,7 23,8Employé 14,8 15,4 13,2 10,0Ouvrier 24,9 16,1 12,4 10,4Retraité 7,6 12,8 22,9 32,8Femme au foyer 10,6 15,4 15,3 12,8

ÂgeMoins de 40 ans 68,0 53,0 51,0 35,840 ans et plus 32,0 47,0 48,4 64,2

Revenu mensueldu foyerMoins de 6000 F 11,5 9,0 19,1 14,46000 à 9999 F 23,8 17,3 23,8 21,110 000 à 14 999 F 21,6 26,6 19,8 19,215 000 et plus 27,2 36,9 20,6 33,8

Champ : personnes âgées de 18 ans et plus.

Lire : En 1979-1980, 32 % des personnes déclarant participer à une association sportive étaient âgéesde 40 ans et plus, contre 47 % dix-sept ans plus tard.

Source : CREDOC, Enquêtes Conditions de vie et aspirations des Français, 1998.

La progression quantitative des « seniors » au sein des associations depuis20 ans n’est pas indépendante d’une plus grande représentation du public féminin.On assiste en effet à une réduction relative de l’écart entre les sexes.

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TABLEAU 2

Taux de participation des hommes et des femmesà une association sportive

en % 1979-1980 1988-1989 1996-1997

Hommes 21 24 25Femmes 10 14 16

Champ : personnes âgées de 18 ans et plus.

Lire : 16 % des femmes déclarent adhérer à une association sportive en 1996-1997, contre 10 % en1979-1980.

Source : CREDOC, Enquêtes Conditions de vie et aspirations des Français, 1998.

Au regard de l’adhésion à une association sportive en fonction de l’âge, cesont les catégories d’âge 50-59 ans et 60-69 ans qui enregistrent les évolutions lesplus importantes de 1979 à 1998, respectivement + 10 et + 8 points.

TABLEAU 3

Taux d’adhésion à une association sportive en fonction de l’âge

en % 1979-1980 1997-1998 Évolution 1979-1998

Moins de 30 ans 22 26 + 430-39 ans 22 24 + 240-49 ans 16 23 + 750-59 ans 9 19 + 1060-69 ans 6 14 + 870 ans et plus 3 7 + 4Ensemble 15 20 + 5

Source : CREDOC, Enquêtes Conditions de vie et aspirations des Français, 1998.

La différenciation sociale modérée des pratiques des « seniors »

L’enquête de l’INSEP de 1987 portant sur les pratiques sportives avait révélé queplus d’une personne sur deux âgée de plus de 60 ans déclarait avoir une activitéphysique en 1985 alors que moins d’une personne sur dix dans la même tranched’âge disait faire du sport en 1967. Près de 10 ans plus tard, l’enquête du CREDOC(Pouquet et Moati, 1994) précise que le taux de pratique sportive des 50-65 ansest de 61 %. L’enquête Pratiques sportives 2000 indique une corrélation entre lapratique occasionnelle et l’avancée en âge, sans pour autant que l’on puisseaffirmer que cette modalité de pratique soit un trait caractéristique des pratiquants« seniors ». S’il en est besoin, l’engagement associatif de ces derniers est condi-tionné par une pratique hebdomadaire et régulière au cours de l’année. Duret (2001,p. 27) rappelle, à partir de cette enquête, que « plus d’un Français sur deux fait de

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la marche, près de la moitié d’entre eux s’adonnent à la baignade ou à la natation,plus d’un tiers fait du vélo ». Les « seniors » qui recherchent des activités physiquesà moindre intensité sont surreprésentés dans ce type de pratiques.

Si, comme le mentionnent les auteurs de l’enquête MJS (Mignon et Truchot,2001), les usages distinctifs et symboliques de certaines activités « n’empêchentnullement les pratiquants issus de milieux aisés de faire du vélo, d’aimer la gym-nastique, d’aller courir et de jouer aux boules » (Duret, 2001, p. 28), les pratiquantsapportent néanmoins avec eux des formes de culture préalables qui ont une certaineaffinité avec les valeurs du sport investi (Defrance, 1997). Même s’ils partagentune série de traits culturels construits à partir du corps, des espaces, des rythmeset des organisations, les pratiquants sportifs se différencient sous d’autres rapports.En effet, « les facteurs qui font varier les expériences et les formes de culture quis’y élaborent, tiennent aux propriétés de chaque sport, mais aussi aux formes deculture que les pratiquants apportent avec eux » (Defrance, 2000). Les millionsde sportifs n’ont en commun que l’engagement corporel et le vocable pour lesdésigner de sportifs, mais cet ensemble renferme des divisions.

Les résultats d’une enquête locale menée à Strasbourg (Pichot, 1998)6

sur des personnes à mobilité réduite résidant dans des structures d’accueil oùsont proposées des activités physiques douces, comme la gymnastique d’entretien,montrent notamment une forte corrélation entre le fait de s’adonner à ce type d’exer-cice et l’élévation du niveau de diplôme. De plus, les personnes ayant vécu en villeet aux origines citadines sont plus enclines à se prêter à ces activités récréatives queles « seniors » issus des milieux ruraux. C’est dire que des différences de rapport àla pratique subsistent malgré une relative homogénéité des ressources économiquesde cette population prise en charge dans ces structures d’accompagnement.

L’élargissement de la définition des pratiques sportives depuis 1970 inclutdes activités physiques variées, et par là contribue à renforcer l’hétérogénéité del’ensemble et les contrastes existant en son sein non seulement entre les groupessociaux, mais aussi entre les membres d’un même groupe :

Dans un même sport plusieurs manières de pratiquer coexistent et s’accom-pagnent de façons différentes d’apprécier la pratique et d’interpréter sasignification […] Alors que l’espace des sports révèle une grande variétéd’activités, de styles, de pratiques sportives et de significations qui leur sontattribués, chaque sport se présente lui aussi comme un microcosme écarteléentre des modalités de pratiques divergentes, des spécialités distinctes et desvaleurs opposées (Defrance, 1997, p. 55).

Les différences de consommation de biens sportifs chez les « seniors »

Des différences sensibles de consommation sont repérables par âge, sexe et caté-gorie socioprofessionnelle (Salles, 2002)7. De manière générale, les 50-65 ans sont« plus sensibles aux conseils des vendeurs et des éducateurs sportifs. Ils accordent

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plus d’importance à la qualité technique, à la marque, à la sécurité et au confortdes produits ; ils achètent davantage en magasins traditionnels et se déclarentglobalement plus satisfaits que les autres » (Salles, 2002, p. 222).

Précisément au sein de cette catégorie d’âge, on observe des différencesselon le type de produit visé (skis, raquettes, bicyclettes). Les 50-65 ans achètentdes skis davantage pour « se faire plaisir car ils n’en ont pas spécialement besoin »que les autres tranches d’âge. Pour l’achat de skis, ils s’appuient sur les informa-tions reçues par les vendeurs, notamment les femmes. Leur choix est étroitementlié aux conseils de techniciens, d’éducateurs sportifs et de proches. Ils achètenten général dans un magasin de sport traditionnel et leur premier critère desatisfaction est la solidité du produit.

En ce qui concerne les raquettes, les attributs du choix portent sur la qualitétechnique, la matière, la marque (notamment chez les hommes), la sécurité du produit(notamment chez les femmes). Les conseils d’amis, de proches sont aussi décisifsdans cette tranche d’âge. Le premier critère de satisfaction déclaré est le confort.

Pour les bicyclettes, les informations en provenance des éducateurs sportifssont primordiales et constituent un critère de choix. Les conseils d’amis et leconfort du produit (en particulier chez les femmes) sont les principaux attributsdu choix de consommation. Les performances techniques sont désignées commele principal critère de satisfaction.

Les « seniors » âgés de 50 à 65 ans sont particulièrement exigeants. Prenanten considération les informations et les conseils des éducateurs sportifs, des amiset des vendeurs, ils accordent de l’importance aux qualités techniques, à la sécuritéet au confort du produit ainsi qu’à la marque. S’engageant dans une pratiqued’entretien physique, ils sont sensibles à la sécurité et au confort des produits, ilsrecherchent des garanties. Ces comportements rendent compte de la recherchede sécurisation des « seniors » (Rochefort, 1996).

Les consommations de biens sportifs chez cette population impliquent uneconsommation de relations. L’échange, l’interaction sociale paraissent indispen-sables dans la phase de recueil d’informations précédant la décision d’achat.Les associations sportives auxquelles adhèrent les « seniors », les conditions dela pratique sportive et les manières de vivre leurs activités contribuent à façonnerleur identité.

Les loisirs sportifs ou la distanciationpar rapport au temps contraint

Si les loisirs sportifs des « seniors » sont socialement et culturellement marqués,on ne saurait s’en limiter à cette lecture. Les significations attachées à l’actionsportive récréative renvoient à d’autres considérations intimement liées à la culture

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des personnes sans pour autant que celle-ci nous permette de décoder les raisonsprofondes qui animent les sportifs. En utilisant le concept de « forme de pratiquesportive » (Camy, 1991), les expériences sportives, révélatrices des significationsattribuées aux interactions socialisantes entre individus (Simmel, 1981), sont àanalyser sous plusieurs rapports : à l’espace, au temps, à l’autre, au corps, au sport(Chantelat, Fodimbi et Camy, 1996).

Temporalité phénoménologique et processus d’individuation

« Le monde du loisir est […] un monde de l’événement, un monde où un événementchasse l’autre – parfois différent, mais parfois paradoxalement identique » (Yonnet,1999, p. 288). Il y a ici une dimension consommatoire du plaisir éprouvé dans untemps non programmé, dans l’instant. Nous sommes éloignés de ces pratiques àprétention culturelle par lesquelles certaines fractions sociales se distingueraientà distance et se désolidariseraient d’autres. Le loisir assure et ré-assure le liensocial, il tente de produire de la cohésion sociale, il engendre des communautésd’appartenance secondaires. Il favorise la perception du lien social en ce sens queles individus sentent qu’ils font partie d’un tout uni et non divisé.

Loin d’être interprété comme une réaction à la logique de l’individuationmais, au contraire, le reflétant, le loisir résiste à la dissolution du lien social etcontribue à l’intériorisation du « nous », de l’expérience collective partagée(Callède, 1985). Les loisirs sportifs peuvent être assimilés à des pratiques « auto-référentes ». Celles-ci agrègent des personnes animées d’une pulsion égalitaire,autant semblables que dissemblables, et réunies non pas pour s’affronter (Yonnet,1998). Les loisirs prennent sens sous des formes non sérieuses ou ludiques et endes lieux où prévalent les émotions partagées (Simmel, 1981).

Paroles d’un adepte de la marche d’orientation

« On fait non pas de la course d’orientation mais de la marche. Mon épouse prendl’air avec nous, c’est une ambiance très familiale, c’est super. C’est la famille, onest dans la nature, on sort le pique-nique, tout le monde discute avec tout le mondede 7 à 77 ans, on a même une personne de plus de 80 ans avec nous. La marched’orientation, ça fait découvrir les régions et puis ça fait travailler le cerveau, onréfléchit, on doit choisir… » – Fernand S., 58 ans.

Le concept d’individuation rend compte de cette évolution historique versune plus grande autonomie de l’individu et souligne les potentialités ouvertes àcette autonomie par les technologies de l’information et la transformation desrapports sociaux. La vogue des sports individuels, l’attention portée au corps,l’idéologie du travail à domicile sont des réalités qui renforcent la perceptionindividualiste de la personne.

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Les pratiques auto-organisées chez les « seniors », à l’instar de celles ana-lysées pour la jeunesse (Chantelat et al., 1996), se définissent par un tempsphénoménologique privilégiant la spontanéité des comportements, le plaisir pris« ici et maintenant ». Maffesoli (1988, p. 159) affirme que « l’accentuation duquotidien n’est pas un rétrécissement narcissique, une frilosité individualiste, maisbien un recentrement sur quelque chose de proche, une manière de vivre au présentet collectivement l’angoisse du temps qui passe ». Cette idée paraît bien appropriéeà la situation des « seniors » pour qui « l’essentiel de la vie est derrière eux » pourreprendre une formule classiquement avancée, qui masque les espoirs les animantet minimise l’importance de leur place et de leurs pratiques. Les pratiques des« seniors », au même titre que les loisirs sportifs des autres générations et doncpas de manière spécifique, révèlent des initiatives personnelles, des libertésd’action individuelle qui peuvent être appréhendées sous le signe de relationssociales spontanées et authentiques.

Il existe aussi des pratiques intergénérationnelles où jeunes et plus âgés secôtoient, se socialisent mutuellement. Des pratiques comme la marche, le vélo, leVTT ou même des pratiques masculinisées comme la pêche, les sports de boules etla chasse font se rencontrer des générations d’âge diverses. Il est intéressantd’observer la diversité des comportements face à la publicité et aux modalités de lagrande distribution qui tendent à normaliser les modes de vie et à sérier les individus.Face à la normalisation des modes de vie et à l’homogénéisation recherchée desconduites humaines par les acteurs économiques, les « seniors », ou tout du moinsune partie d’entre eux, semblent s’inscrire dans des logiques du sentiment et de lasensibilité. La quête de sens est éloignée du modèle du gagneur (Gorz, 1988) pources personnes qui n’attendent pas de salut de l’extériorité, de la société, mais quiplacent leurs espoirs dans leur propre responsabilisation de leurs pratiques.

L’individuation des pratiques sportives traduit une société individualistemais de masse, démocratique mais hiérarchique. Distincte de l’individualisme oud’un repli sur soi généralisé des individus dans la société, l’individuation mani-feste une conscience élargie d’appartenance. Au sein de groupes et à travers despratiques, l’individu cherche un sens à son existence. En d’autres termes, « le reculdes formes de contrôle social laisse apparaître de nouveaux espaces d’expressionlibre et permet le développement d’activités plus autonomes et plus spontanées »(Augustin, 1995, p. 35).

L’existence individuelle dans et par le groupe

L’exercice physique assure une fonction de socialisation, de maintien de cohésionsociale entre les membres d’une organisation ou les personnes réunies en un mêmelieu, de solidarité intergroupale, à une période de la vie postprofessionnelle oùtendent à se dissoudre les relations sociales. C’est le maintien ou la redéfinitionde l’identité sociale qui se joue à travers ce processus de socialisation par le sport.

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Les rassemblements des « seniors » dans des groupements associatifs sontà rapprocher des moments de traditions et des rituels participant à l’intégrationculturelle des membres. Le renforcement de la cohésion et de l’identité du groupeconforte le participant dans son sentiment et sa fierté d’appartenir à un ensemblesignifiant.

Ces modes de pratique associatifs ont ceci de particulier qu’ils ne sont pasa priori instrumentalisés. Les associations sportives de « seniors » ne sont pasanimées par des personnes qui, au moment de leur création, auraient des viséespolitiques, idéologiques, voire économiques. Certes, après un temps de recon-naissance par les acteurs politiques locaux essentiellement, ces groupementsconstituent des cibles de séduction pour les élus enjoints de composer avec cetélectorat potentiel.

Les « seniors » sont en quête d’un mode de vivre participatif au sein de grou-pements, comme des associations, qui permettent non seulement de structurer unepartie de leur vie individuelle, mais aussi de penser les relations sociales au seind’une collectivité. Ces groupements sont à même de jouer le rôle des « corpsintermédiaires » (Durkheim, 1969 ; 1973), producteurs de culture spécifique etsusceptibles de susciter des vocations. En d’autres termes, cette collectivitédynamique présente un caractère régulier, stable dans le temps et apparaît sous laforme sociale normale de « façons de faire, de penser, de sentir qui s’imposent auxindividus ».

Dans le cadre de structures moins formelles, les pratiques sportivesdéveloppées par les « seniors » et auxquelles ils aspirent se rapprochent des jeuxtraditionnels décrits par Dunning et Sheard (1979). En effet, une organisationinformelle implicite à une structure sociale locale, la définition et l’auto-applicationde règles simples orchestrées par le groupe lui-même, la faible différenciation desrôles, le contrôle informel des participants, la subordination de l’identité indivi-duelle à celle du groupe semblent régir les conditions des pratiques sportives des« seniors ». La pratique hebdomadaire et les rituels instaurés prennent un statut defête et participent en quelque sorte au processus de patrimonialisation de l’activité.

L’émergence et l’expression de nouvelles formes de sociabilité sportivereposent sur une éthique de la conversation, sur un état d’esprit de recompositionsociale et de « l’agir collectif ». Ces nouvelles formes de sociabilité ouverteexprimant des solidarités s’observent dans les rapports à l’espace, au temps et àl’autre des « seniors », à la manière dont sont analysés les processus de socialisationdes jeunes dans les sports de rue (Duret et Augustini, 1993) sans pour autant qu’ilsoit possible de les transférer de façon identique aux « seniors ». L’accomplis-sement individuel dans la pratique passe par une solidarité fusionnelle assurantun sentiment de sécurité au sein du groupe et par lui. Les manifestations de cesengagements sportifs expriment une socialisation de type « communautaire ». Lesengagements sont principalement passionnels, émotionnels. La coutume et l’intérêt

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structurent les échanges et les solidarités, l’ordre légitime correspond à la croyancedans un leader charismatique, l’esprit communautaire est prédominant (Weber,1967 [1920]).

Un rapport à l’autre singulier

Les cadres de la pratique et les sportifs sont différents selon les activités et leursmodalités. Il y a lieu par exemple de distinguer le senior optimisateur ou calcula-teur, vigilant, qui rationalise ses pratiques et dont la liberté et l’activisme sontdépendants de contraintes, du senior « entrepreneur » privilégiant l’apport humainde sa pratique, minimisant ainsi les freins temporels et matériels. Dans le premiercas de figure, on imagine le « senior » s’adonnant à un entraînement physiqueindividualisé assuré par un professeur de remise en forme ; dans le second scéna-rio, le « senior » s’accomplit dans une sortie sportive, une promenade en forêt, unebalade à vélo entre amis. Ici, la satisfaction née de la pratique est étroitement liéeà la permanence de l’échange, pas nécessairement verbal d’ailleurs, et de laconfiance qui structurent l’identité individuelle et collective. De la sorte, le loisirsportif est un moment de plaisir toutes les fois que le « pratiquant loisir » éprouvele sentiment du devoir accompli dans l’acte de donner de sa personne et dansl’acceptation du don par autrui, sans nécessairement attendre de sa part unecontrepartie. Le témoignage de ce senior se dispense de commentaire : « J’ai amenébeaucoup de jeunes à l’activité physique et ma plus grande fierté, c’est celle-là,oui, c’est observer que les jeunes s’épanouissent, prennent du plaisir dansl’activité, c’est énorme. »

D’une certaine manière, le salut identitaire provient de l’acceptation et del’adhésion à un tout uni mais pourtant composé de personnes différentes. Sans uneattitude affective, empathique et d’écoute envers l’autre, une curiosité pourl’extérieur, ce qui n’est pas moi, il paraît difficile de se réaliser dans l’expériencerécréative.

Cultiver son existence dans l’expérience aux autres

« Je crois que dans le loisir sportif en groupe, il y a de l’échange, de la communi-cation, ce qui n’existe pas forcément ou ce qui peut manquer pendant la vie. Ladiscussion, le dialogue, c’est essentiel […] pourquoi les autres disent cela à unmoment donné ? En fait, ils ont sûrement des bonnes raisons. C’est l’apprentissagede la tolérance à l’égard de ceux qui ne pensent pas toujours comme nous, sans quel’on s’en rende compte. » – Jean-Marc S., 62 ans.

« Les lieux où on cultive le narcissisme, ça va bien 5 minutes, mais c’est intellec-tuellement « léger ». Je n’ai jamais appris autant des autres, de l’être humain quedans des endroits au contraire marqués par la diversité des genres. Sur le planhumain, c’est enrichissant, on doit s’intéresser aux autres. » – René F., 66 ans.

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Affranchi des convenances sociales, c’est le sentiment d’incomplétude, laconviction que le pouvoir d’expression passe par la relation à un autre en partiesemblable mais pourtant différent par quelques caractères essentiels qui construisentnotre identité.

Rapport au sport et invaliditédu déterminisme sportif intergénérationnel

La logique d’accomplissement à l’œuvre se traduit par des engagements non pro-grammés. Elle réfute la thèse du déterminisme sportif intergénérationnel commeexplication de la passion sportive. Pour cette génération de personnes, le vécusportif n’est pas à rapprocher d’un habitus sportif familial hérité. L’atavisme sportifest loin d’être confirmé, comme l’illustrent les témoignages suivants.

L’absence d’atavisme sportif

« Mes parents avaient une ferme dans la campagne profonde du Gers. Il n’y avaitpas d’infrastructures pour le sport. Et le basket, c’est l’instituteur du village quis’en occupait et comme il fallait au moins cinq garçons pour faire une équipe, jeme suis engagé comme ça, je devais être cadet à l’époque. C’était « l’instit » quinous emmenait dans sa « bagneule » partout où on jouait. Mes parents eux faisaientdu sport à la ferme. Ils avaient l’esprit sportif, mais ils n’étaient pas sportifs. Enfait, je suis le seul sportif de la famille, mon frère et ma sœur n’en ont jamais fait.J’ai accroché à cela, à 12-13 ans l’été il y avait le vélo, on jouait au Tour de Franceentre gamins... » – Gilbert G., 57 ans.

« Quand vous commencez un sport, vous ne savez pas tout ce que la pratique peutet va vous apporter, c’est seulement 20, 30 ans après que l’on s’en rend compte […]Ce que j’ai fait dans le sport, ce que je continue de faire, je ne le dois qu’à moi-même, mes parents ne pouvaient pas m’aider dans les années 1950, vous savez noussommes une famille de sept enfants et j’ai seulement un jeune frère qui a fait aussidu sport, qui était handballeur et qui est devenu dirigeant, mais les autres non. »– Hubert F., 61 ans.

Ces propos peuvent donner lieu à plusieurs interprétations. Il est probableque l’activité sportive à l’âge adulte ait joué un rôle compensatoire par rapport àdes conditions d’existence peu propices à l’exercice sportif. Le caractère nonhéréditaire du sport est lié aussi à la génération des ascendants, nés pour certainsavant le Front populaire, pour d’autres avant la Seconde Guerre mondiale, bref, àune période de l’histoire où les infrastructures de loisirs ne connaissent pas l’étatde développement de la période de consommation de masse des années 1960.

Certains « seniors » présentent un vécu sportif significatif d’un rapport ausport compétitif, même si aujourd’hui ils se consacrent à des activités d’exercicecorporel visant l’entretien physique et une « bonne santé ».

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L’accomplissement est davantage à relier au sentiment d’autoréalisation desoi dans un espace choisi, non contraint, en rupture avec la sphère du travail quela personne âgée tente d’effacer. Les « seniors » apprécient se laisser aller à dessentiments, à des manières d’agir et d’être, libérées de contraintes venues del’extérieur. Le sentiment de vivre des instants révélateurs de valeurs auxquelleson adhère, mais trop longtemps enfouies sous le joug de rythmes de vie program-més par les structures socioéconomiques, apparaît comme une vertu libératriceet identitaire. Tout au long de la vie, le fait de s’accommoder des contraintesextérieures impose une intériorisation créatrice de tensions intérieures (Elias,1969). L’interaction sociale devient une nécessité, le moyen d’extérioriser del’intériorité inhibitoire.

Relégation du temps « marchandise »,culture immatérielle et existence corporelle

Pour le moins, les « seniors » ne peuvent être assimilés à un groupe mû de manièrehomogène par une « rage de gagner ». On se demande ce qu’ils auraient à gagnerdans la mesure où la reconnaissance de l’autre n’est pas fondée sur la légitimitéde la production sportive. Force est de constater que le développement socio-économique de la société, pourtant profitable aux « seniors » pourvu d’un niveaude vie supérieur à la moyenne des actifs, ne constitue pas un modèle culturel deréférence à cette catégorie. Le profit matériel, financier, la consommation osten-tatoire ne sont pas plus honorables et plus respectables que toute activité créatricede valeur. Le temps libre des « seniors », et ce d’autant plus qu’il s’agit des inactifsretraités, impose une certaine représentation de leur statut et de leurs activités deloisirs et, par suite, une certaine organisation de la réalité sociale qui se matérialisepar exemple par une offre professionnelle de services proposés à ce public. Ledéveloppement d’une économie des services de type immatériel offerts aux

Rapports au sport

« J’ai pratiqué pendant plus de 40 ans la marche athlétique. J’ai été championd’Alsace junior. J’ai le record du nombre de participations du Tour d’Alsace,300 km en 4 jours, j’ai au total une quinzaine de participations. À 18-20 ans,j’ai fait 2 à 3 saisons de handball en régional dans le club de Neudorf. J’ai pra-tiqué simultanément à la même période l’haltérophilie en compétition régionalepar équipe, la musculation jusqu’à 23-24 ans. Ensuite, j’ai fait des activitésmarginales comme la course à pied simplement pour entretenir la conditionphysique. » – Claude R., 65 ans.

« J’ai touché à tout, de la pétanque au rugby, toujours très omnisports. Au début,c’était dans un cadre compétitif et puis, maintenant, c’est plus relax. J’ai toujoursété intéressé par le sport et l’activité physique, l’esprit d’équipe, les jeunes… »– Henri B., 53 ans.

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« seniors » semble prévaloir d’un temps libre défini en réaction à un « tempsmarchandise » (Sue, 1985). En fait, tout se passe comme si la quête de l’intempo-ralité guidait et réglait l’activité des « seniors ». Or, trop conscients de l’impor-tance du temps, ils sont en réalité confrontés à des temporalités multiples etsubordonnées. Même s’ils tentent de domestiquer des phases temporelles libéréesdes pesanteurs sociales et économiques, ils ne peuvent pas annuler l’ordre desévénements soumis à l’ordonnancement des temps sociaux.

Ils semblent en tout cas rechercher un espace temps agréable à vivre reléguantune raison centrale au profit d’un esprit tolérant la singularité de chacun. Les« seniors », dans leur diversité de pratiques, créent des réseaux de solidarité ouvertsoù circulent des informations, où ont lieu des échanges qui reconstituent une tramesociale. Il est question essentiellement ici de cette identité de relation d’un « nous »,non pas celle qui serait fabriquée dans une logique de confrontation et d’exclusiondes autres, mais celle qui est tissée dans une « commutation » généralisée avec lesautres (Guillaume, 1996). La contagion semble être au principe des réalisationssportives des « seniors » : fondée sur le contact, sur le voisinage, sur les liensdomestiques, elle s’applique aux échanges de la socialité ordinaire (Guillaume,1989).

Le droit aux plaisirs se manifeste par l’exercice corporel indépendammentd’un ordre matériel et technologique (Quéré, 1996). Les marcheurs et promeneurssemblent s’inscrire dans cet état d’esprit. Si l’attraction des lieux, le goût pour lanature, la faune ou la flore renvoient à une histoire personnelle, une enfance, lesouvenir de rencontres, de moments précis, c’est aussi parce que :

[…] la marche introduit à la sensation du monde, elle en est une expériencepleine laissant à l’homme l’initiative […] on marche pour rien, pour le plaisirde goûter le temps qui passe […] la marche implique un état d’esprit, unehumilité heureuse devant le monde, une indifférence à la technique et auxmoyens modernes de déplacement ou, du moins, un sens de la relativité deschoses. Elle anime un souci de l’élémentaire, une jouissance sans hâte dutemps (Le Breton, 2000, p. 18-19).

La marche où la liberté d’être soi-même

« Avec mon épouse, nous faisons partie du club du 3ème âge de Marlenheim, on yretrouve des amis et d’autres personnes, même plus jeunes, qui viennent pourmarcher et prendre du plaisir. Quand nous marchons en forêt, c’est agréable depouvoir s’arrêter, observer les arbres, apercevoir un écureuil, ramasser les cham-pignons, sentir les odeurs, se poser, boire un coup, raconter des histoires drôles,parfois des bêtises […] on ne se prend pas au sérieux, et il n’est pas question defaire une marche en courant comme au Club Vosgien, alors ça pas question, c’estpas notre truc. Nous, on se laisse aller à nos envies, à nos sensations, c’est simple,c’est du plaisir. » – Marcel S., 63 ans.

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La marche ou la promenade sont ainsi l’expression d’une avancée sociale,d’un sentiment de liberté, d’indépendance salutaire (Rauch, 1997).

Conclusion

Si les espaces et les temps de loisirs sont si significatifs du sens de l’existence des« seniors », cela tient en partie à la tension croissante avec le besoin permanentde définir son identité. Les loisirs sportifs des « seniors » comme terrain d’accom-plissement identitaire n’expriment jamais aussi bien leurs besoins relationnels, leplus souvent inavoués. Les pratiques de loisirs sportifs prennent sens pour les« seniors » parce qu’elles rendent visible et sensible à tous et à chacun la nécessitéd’un lien pensé aux autres, d’interactions sociales.

Les expériences sportives montrent que les nécessaires régulations socialess’obtiennent à partir d’un temps choisi. L’espace social prend de la valeur dès lorsque les relations s’émancipent des conduites réglées par l’économique considérécomme une fin en soi.

Le loisir sportif est consubstantiel du lien social, sa fonction est la réassu-rance du lien social (Yonnet, 1999). Il réunit les conditions de la cohésion groupaleet d’une solidarité sociale. Sous ces expériences d’activités récréatives, l’existencene passe pas nécessairement par le « donné à voir ». La densité des relationssociales ne se construit pas non plus sur l’imposition de normes et de devoirsréglementés. Leur stabilité est due aux activités coutumières dans lesquelless’expriment des passions modérées et une juste et légitime organisation décidéede façon consensuelle. Tel un hologramme, les pratiques sportives des « seniors »produisent un effet de loupe. C’est dire si leurs formes d’engagement révèlent destraits caractéristiques des loisirs dans notre société. Ce microcosme représentatifde notre société ne doit pourtant pas nous faire oublier les effets « écran » de larhétorique publicitaire accompagnant cette catégorie de population. L’imagerie del’activisme incluant l’idée de devoir être actif, touchant l’ensemble de la société,y compris les « vieux » qui ne sont pas vieux puisqu’ils sont des « seniors » va-t-elle perdurer (Chantelat, 2001 ; Parant, 1998) ? En d’autres termes et contre toutoptimisme aveuglant, rien ne nous permet d’affirmer que l’épanouissement pourles « seniors » passe exclusivement par l’activisme sportif, ni d’assurer que lesentiment de plénitude pour les pratiquants sportifs d’aujourd’hui passera néces-sairement demain par ce même activisme.

NOTES

1. Pour désigner les personnes âgées de 50 ans et plus, les personnes chenues, on notela référence implicite à une catégorie d’âge des activités sportives : les seniors. Cevocable indique la pratique à l’âge adulte, teintée par là de l’idée de compétitivité et

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d’activisme, par différence à la catégorie d’âge succédant à celle de seniors, à savoirles vétérans. On enregistre ici un effet marketing des stratégies de présentation d’unecatégorie d’âge considérée comme une cible commerciale fructueuse et privilégiéepar les professionnels du champ économique. Par commodité d’écriture, nous utilise-rons dans cet article ce vocable entre guillemets pour désigner les personnes âgées de50 ans et plus, regroupant des quinquagénaires, des sexagénaires et des septuagénaires,bref, les personnes « du troisième âge » pour reprendre une expression courante.

2. D’après le dernier recensement, le poids des moins de 20 ans dans la populationdiminue légèrement et, à l’opposé, le poids des 60 ans et plus continue de progresser :depuis 1990, la part des moins de 20 ans dans la population a baissé de près de 2 points,alors que celle des plus de 60 ans est en hausse de 1,4 point. Le poids des plusde 60 ans va augmenter plus brutalement dès 2005, avec l’arrivée à l’âge de 60 ansdes premières générations de baby-boomers. Si les personnes âgées de 60 ans et plusne représentaient que 13 % de la population au début du siècle et 16 % dans les années1950, elles en constituent désormais 20 %. Les prévisions à l’horizon 2020 anticipentune accélération de cette évolution et tablent sur un chiffre de 27 % (Dinh, 1994 ;INSEE, 1999).

3. Il s’agit d’enquêtes qui ont été réalisées à Strasbourg, dans la communauté urbainede Strasbourg principalement. L. Pichot, dir. (1998), « Les pratiques sportives des« seniors ». Le cas de personnes dépendantes séjournant en structure d’accueil àStrasbourg », rapport de recherche non publié, Laboratoire APS et Sciences Sociales,Strasbourg. Il s’agit d’une enquête par questionnaire réalisée en 1998 auprès d’unéchantillon de 100 personnes dépendantes, âgées de 55 ans et plus, résidant dans desstructures d’accueil privées dans Strasbourg.

4. L’enquête est réalisée à Blanquefort, l’une des 27 communes qui composent laCommunauté urbaine de Bordeaux. Aux portes du Médoc, la commune se situeà 10 km au nord-ouest du centre de Bordeaux. C’est une commune peuplée de maisonsindividuelles et de quartiers résidentiels et très peu de grands ensembles de type HLMsont présents. L’auteur analyse les modalités et les logiques de pratiques auto-organisées de l’ensemble de la population.

5. La discrimination par le diplôme est également plus sensible chez les personnes parti-cipant à plusieurs types d’associations : 9 % des Français non diplômés pratiquent deuxactivités ou plus, contre 33 % des diplômés du supérieur.

6. Voir note 3.

7. Les résultats sont issus d’une enquête commandée par la FIFAS et le ministère del’Industrie, réalisée par téléphone en octobre 1994 auprès d’un échantillon de 1010individus âgés de 14 à 65 ans représentatifs de la population française.

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Lilian PICHOTLes expériences de loisirs sportifs chez les personnes âgées de plus de 50 ans :microcosme révélateur des rapports sociaux

RÉSUMÉ

Fort de la croissance de son poids démographique, le segment de population despersonnes âgées constitue une des préoccupations de notre société. Considérés parles spécialistes du marketing comme des publics consommateurs de loisirs, les« seniors » présentent des expériences diverses de pratique sportive contribuant àleur affirmation identitaire.

Les activités de loisirs sportifs sont interprétées globalement comme l’expres-sion du processus d’individuation, de la personnalisation des pratiques et de leursmodes d’appropriation, et les « seniors » semblent confirmer cette tendance.

Les données quantitatives et qualitatives relatives à la pratique sportive chezles seniors mettent en évidence une diversité des engagements sportifs et des modesde consommation. Nous tenterons ainsi d’interpréter ces caractéristiques enmontrant comment ces loisirs sportifs contribuent à la définition de l’identitéindividuelle et collective des seniors.

Lilian PICHOTRecreational sports as experienced by the over-fifties : an instructivemicrocosm of social relationships

ABSTRACT

With the demographics firmly on its side, the more elderly segment of the popu-lation has become a matter of concerned interest to our society at large. Consid-ered by marketing specialists as recreational activity consumers, these « seniors »enjoy a wide range of sports experiences that contribute to the affirmation of theirindividual identity.

Recreational sports activities are widely seen as the expression of a processof individuation, of personalization of activities and of the way in which these areappropriated, a process that appears to be confirmed by these seniors.

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Both quantitative and qualitative data concerning the practice of sports byseniors bring out the wide range of the sporting activities they undertake and theforms of consumerism they engender. We shall attempt here to interpret thesecharacteristics by showing how these recreational sports activities contribute todefining the individual and collective identity of seniors.

Lilian PICHOTLas experiencias de diversiones deportivas en las personas mayores de más de50 años : microcosmo revelador de las relaciones sociales

RESUMEN

A pesar de su crecimiento demográfico, el segmento de la población de las personasmayores constituye una de las preocupaciones de nuestra sociedad. Consideradopor los especialistas en mercadotecnia como un sector consumidor de actividadesdel ocio, los « seniors » presentan experiencias diversas de prácticas deportivas quecontribuyen a la afirmación de su identificación.

Las actividades de diversiones deportivas son interpretadas generalmentecomo la expresión del proceso de individuación, de la personalización de lasprácticas y de sus modos de apropiación y los « seniors » parecen confirmar estatendencia.

Los datos cuantitativos y cualitativos relativos a la práctica deportiva de losseniors ponen en evidencia una diversidad de los compromisos deportivos y delos modos de consumo. Nosotros intentaremos así de interpretar estascaracterísticas, mostrando la manera en que estas actividades de ocio deportivascontribuyen a la definición de la identidad individual y colectiva de los seniors.

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