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LES ETABLISSEMENTS JUIFS A DIJON AU DÉBUT DU XIV« SIÈCLE par M. l'abbé Jean MAIULIEH L'histoire de la nation juive à Dijon fut esquissée d'abord par l'abbé Chenevet *, que presque tous les érudits du xix e siècle, sauf .J. Siinonnet, n'ont guère fait que copier 2 . Au début de ce siècle, Léon Gauthier a donné une étude, détaillée qui, malheureusement, n'a jamais été publiée complètement :i . Jl semble qu'il faille distinguer deux époques dans cette histoire : avant 130(5 et après 1315. La première période commencerait en 1196, date la ville de Dijon reçut du duc Hugues III le privilège de libre attrait des juifs 4 . Selon toute vraisemblance, la ville en comptait auparavant ; cependant, à notre connaissance du moins, nul document dijonnais ne mentionne de juifs avant cette date, dette période se terminerait au vendredi 22 juillet 1306, « furent pris li juis dou doucliaume de Bourgoiine », par ordonnance du duc Robert II, agissant sous la pression de Philippe IV le Bel 5 . Le xm e siècle fut pour eux, en Bourgogne, Une période relativement calme B , excepté sous la régence d'Alix de Vergy (1218-1229). 1. Abbé CIIEXKVIÏT, Mémoire sur l'établissement ries Juifs en Bourgogne, dans Atmanach de. lu province de liourgogne, 17715. p. 102, reproduit dans Coin- TKPKK. Description du duché de liourgogne, 2'' éd., t. I. p. 442-440. 2. .). SIMONNKT, Juifs et Lombards, dans Métn. de l'A cuti, de m/on, 18(>5, p. 145-272. C.I.KMKNT-.IANIN, Notice sur la communauté Israélite de. Dijon, Dijon, 1879. A. LF.VY, Les juifs du duché de liourgogne au Moyen Age. L. de GOUVKKNAIX, De l'état des juifs en liourgogne, lors de leur expulsion du duché en l'an 1306, dans Mémoires de la Société d'Études d'Anallon, I8(il. 3. Léon CIAUIHII'.U. Les juifs dans les deux Bourgognes-, publ. en partie seule- ment dans la Hevuc des éludes juives, 100-1, t. XLVUI, p. 208-229 el XLlX, p. 1-17 et 24-l-2(Sl, repris dans les Mémoires de la Soc. d'émululion du Jura, !)'• série, .'i'" vol. : 191 I, p. 55-233, incomplet de la lin des pièces justificatives, et de la table. .Sur les juifs de Maçon, voir (i. .) I:\NTON. Les juifs en Maçonnais (A/l/i. de l'Académie, de Mdcon, ,'5«- série, t. XX, 1 91 (i-1 91 7, p. 3<>!>- 10l>) et sur ceux de Ohalon, L. AKMAND-CAM.Ivr. Inscriptions funéraires /aines du Moyen Age trouvées à Chalon (Mém. de la Soc. d'hisl. el d'arch. de CJxdon. t. XXX IV, fasc. 2, l()5(i-li)57, p. H8-80) ; comme à Dijon, les sépultures retrouvées sont des xiir' et x i v siècles. I. .1. GAHNIKK, Charles de communes, 1, p. 27, u" xix. 5. Arcli. de la Cote-d'Or, 15 10112. 15 10413, H 10414. li. Ë, PHTIT, DUCS de liourgogne, IV. n» 1722. CJ. le testament de Robert II (1302) : « Je vuel que, si je n'ay moillor consoil. que H juis démoliraient en ma

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LES ETABLISSEMENTS JUIFS A DIJON

AU DÉBUT DU XIV« SIÈCLE

par M. l'abbé Jean MAIULIEH

L'histoire de la nation juive à Dijon fut esquissée d'abord parl'abbé Chenevet *, que presque tous les érudits du xix e siècle, sauf.J. Siinonnet, n'ont guère fait que copier2. Au début de ce siècle,Léon Gauthier a donné une étude, détaillée qui, malheureusement,n'a jamais été publiée complètement:i.

Jl semble qu'il faille distinguer deux époques dans cette histoire :avant 130(5 et après 1315. La première période commencerait en1196, date où la ville de Dijon reçut du duc Hugues III le privilègede libre attrait des juifs 4. Selon toute vraisemblance, la ville encomptait auparavant ; cependant, à notre connaissance du moins,nul document dijonnais ne mentionne de juifs avant cette date,dette période se terminerait au vendredi 22 juillet 1306, où « furentpris li juis dou doucliaume de Bourgoiine », par ordonnance du ducRobert II, agissant sous la pression de Philippe IV le Bel 5. Lex m e siècle fut pour eux, en Bourgogne, Une période relativementcalme B, excepté sous la régence d'Alix de Vergy (1218-1229).

1. Abbé CIIEXKVIÏT, Mémoire sur l'établissement ries Juifs en Bourgogne,dans Atmanach de. lu province de liourgogne, 17715. p. 102, reproduit dans Coin-TKPKK. Description du duché de liourgogne, 2'' éd., t. I. p. 442-440.

2. .). SIMONNKT, Juifs et Lombards, dans Métn. de l'A cuti, de m/on, 18(>5,p. 145-272. C.I.KMKNT-.IANIN, Notice sur la communauté Israélite de. Dijon,Dijon, 1879. A. LF.VY, Les juifs du duché de liourgogne au Moyen Age.L. de GOUVKKNAIX, De l'état des juifs en liourgogne, lors de leur expulsion duduché en l'an 1306, dans Mémoires de la Société d'Études d'Anallon, I8(il.

3. Léon CIAUIHII'.U. Les juifs dans les deux Bourgognes-, publ. en partie seule-ment dans la Hevuc des éludes juives, 100-1, t. XLVUI, p. 208-229 el XLlX,p. 1-17 et 24-l-2(Sl, repris dans les Mémoires de la Soc. d'émululion du Jura,!)'• série, .'i'" vol. : 191 I, p . 55-233, incomple t de la lin des pièces jus t i f ica t ives ,et de la tab le . .Sur les juifs de Maçon, voir (i. .) I : \ N T O N . Les juifs en Maçonnais(A/l/i. de l'Académie, de Mdcon, ,'5«- série, t. X X , 1 91 (i-1 91 7, p. 3<>!>- 10l>) et sur ceuxde Ohalon, L. AKMAND-CAM.Ivr. Inscriptions funéraires /aines du Moyen Agetrouvées à Chalon (Mém. de la Soc. d'hisl. el d'arch. de CJxdon. t. XXX IV, fasc. 2,l()5(i-li)57, p. H8-80) ; comme à Dijon, les sépultures retrouvées sont des xiir ' etx i v siècles.

I. .1. GAHNIKK, Charles de communes, 1, p. 27, u" xix.5. Arcli. de la Cote-d'Or, 15 10112. 15 10413, H 10414.li. Ë, PHTIT, DUCS de liourgogne, IV. n» 1722. CJ. le testament de Robert II

(1302) : « Je vuel que, si je n'ay moillor consoil. que H juis démoliraient en ma

172 .IKAN M A Kl Ll Kit

La proscription de 1300 s'accompagna de la confiscation et dela vente des domaines juifs. Les proscrits n'allèrent pas bien loin :tout au plus mirent-ils la Saône entre eux et le roi de France.Ils rentrèrent en 1315, sous Louis X le Hutin 1. Ceux que l'on re-trouve alors à Dijon sont les mêmes qui ont quitté la ville neuf ansplus tôt ; tout d'abord ils s'installèrent comme ils purent, mais,semble-t-il, ils rachetèrent en peu de temps la plus grande partiede leurs biens-fonds antérieurs.

Laissant ici de côté l'histoire de la «juerie» dijonnaise au coursdu xive siècle, nous ne tenterons que de localiser les biens juifsavant l'expulsion de 1306, et de. rechercher la destination que fitle duc Robert de certains d'entre eux.

Pour la recherche des établissements juifs à Dijon, au début duxive siècle, nous possédons un guide très sûr : c'est l'« Inventairedes héritaiges des juyfs de Diion et principalement de lour mai-sons ». rédigé à la suite de l'ordonnance ducale ; il est actuelle-ment conservé aux Archives départementales de la Côte-d'Or 2.

Le quartier habité par les juifs, la «juerie» est parfaitementdélimité et il est unique. Plus tard, on distinguera deux quartiers :la «petite juerie», qui est identique à celle de 130(5 et la «grandejuerie», rue Billion actuelle. La «juerie» du début du xive siècle,celle du xm e siècle donc, est la « Rue des .Juifs », devenue la ruePiron. Elle commence, dès que le Suzon est franchi (nos 21-23),par une masure : « cinc chambres assises sux Suson, tauxxeesXL livres », autrement dit, cinq logements sous un même toit, àl'ouest de la rivière. Depuis le pont de Suzon jusqu'à la rue Saint-Jean (place Bossuet), les maisons, de part et d'autre de la rue(Piron) appartiennent aux juifs. Ce sont : une maison avec cellier,c'est-à-dire avec une remise au rez-de-chaussée, puis la demeuredu rabbin qui voisine avec la « granz maisons de lescole des juifs »,sise au fond d'une cour, séparée de la rue par des « chambres ».A côté de l'école subsiste l'emplacement de la synagogue, du« cébat » (sabbat) ; elle est ruinée en 130(5, sans que nous connaissionsla raison de cette ruine. Les jurés de la ville estiment à 250 livresson emplacement, « ansamble lou bois et la pierre, et la maisenotedevant ». Une maison, « qui fut Anxelin » sépare la synagogue de labâtisse qui fait le coin de la rue des Juifs et de la rue Saint-Jean ; cettedernière est ainsi désignée : « la maison qui fuit Justot, assise anrue Saint-Jehan, ansamble les chambres qui saillent an la rue des

terre principalement por umanitc, et qu'ils marchandent léaulment sans usure,et vivent de lor labours » (l)oni PI.ANC.IIKH, Histoire de Bourgogne, 11. pr., p. 11 .'•$)•

1. E. Pii-riT, op. cil., VU, p. 2:5.2. Arch. de la Côte-d'Or, M 10413.

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Juyfs ». Puis, ayant tourné rue. Saint-Jean, les jurés notent encette rue deux maisons juives continués à celle de l'eu Justot,après quoi, il reviennent rue des Juifs.

Une question se pose : quel est le côté de la rue des Juifs qui ajusqu'ici été visité? Aucun élément, dans le texte de l'Inventairene permet de le préciser. Cependant, il semble, au vu des plansparcellaires, qu'il s'agisse du côté nord, et que le retour dans la rueSaint-Jean se lasse en direction du Coin du Miroir.

Revenant sur leurs pas, dans la rue des Juifs, les jurés vont in-ventorier les biens sis de l'autre côté de la rue, donc, du côté sud,en partant de la rue Saint-Jean. Ils y trouvent d'abord un « treul »,un pressoir, qu'ils évaluent à cinq cents livres, puis la très impor-tante maison du grand trafiquant et marchand de biens, Jasuotde Montbard. Derrière l'établissement se trouvent les étables.Enfin une dernière maison termine l'inventaire de la rue. Quelquesautres juifs habitaient en dehors de la « juerie ». Chauderon le Juifrésidait en face de la Chapelle-au-Riehe, donc rue Berbisey, surle côté sud de la rue Yictor-Dumay. Rien ne permet de localisersix autres maisons ; l'une d'elle doit se trouver le long du Suzon ;c'est « la saule Jasuot et la grange de coste, la place devant et lipreax sux Suson ».

Or en partant de la Chapelle-au-Riehe, le Suzon suit la rue duManège pour gagner la place du Morimond. La «saule Jasuot »et son préau ne peuvent donc être que dans l'emplacement entrela, rue Herbisey et le cours du Suzon, donc à l'ouest de cette rue.Quelques maisons juives la suivaient ; enfin une masure leur appar-tient, qui est sise « devers la maladière », probablement la mala-dière de l'Ouche.

L'établissement juif le mieux connu jusqu'ici est le cimetière.Tous les auteurs dijonnais s'accordent à le placer rue Buffon,et les plus récents lui assignent l'emplacement du couvent desUrsulines, devenu caserne, puis cité administrative Dampierre1.La rue Buffon s'est appelée la Grande Juiverie, et Clément Janinvoulait que ce quartier juif comprît «toute la rue Buffon, où ilsavaient une synagogue, une maîtrise et un cimetière » 2. C'estbeaucoup à la fois, et la rue ne leur appartenait pas en son entierpuisque trois communautés religieuses, l'abbaye de la Bussière 3,les Bénédictines de Larrey 4 et l'abbaye de Saint-Étienne 5 y possé-

1. K. I ' K T I T , op. cil., V i l , p . 23 : E . I - 'YOT, Dijon, son passe p . ,'}8(>.2. C I . K M I S N T - . J A N I X , op. cil., p . 2 1.

li. A I T I I . d e la C ô t e - d ' O r , 12 II 125 ( a c t e de 12( i l ) .I. C i tée Revue tins Éludes juives. V I I . ISS.'S, p . 281 ( a c l e d e s e p t e m b r e 1201).f>. I.. UHHTIIOUMF.AU, CluMex de Sainl-Etienne de. Dijon (1260-1290), p. NU.

» :};") (acte de juillet 12(50).

171 JKAN MAHILIliH

liaient une, ou plusieurs maisons ; le curé et les prêtres de Saint-Michel y habitent, comme une foule d'autres personnes, connuesou non, mais certainement chrétiennes : Hugues de Magny (-sur-Tille), Eudes de Saumaise, Mathieu Bayvier, Agnelotte la Chalotte,d'autres encore 1. 11 n'y avait là ni synagogue, ni écoles ; nous lesavons trouvées ailleurs. Les biens juifs de ce quartier qui figurentà l'Inventaire consistent uniquement en :

« une maison aissise devent lou cemetiere des juifs, contenanz. V.chambres, ansamble les appartenances et est tauxee. c. livresfoibles,

« une autre maison essise après la dicte maison tauxee iiijxx livresfoibles ».

Ce sont là deux maisons de peu d'importance. Enfin s'y trouve«le cemetares des diz juyfs et les chambres appartenauz auditcymetiere, tauxé iiijc livres ».

Quel est l'emplacement de ce cimetière ? En 1215, Robert deFoigney, huilier, et Belle, son épouse, donnent aux cisterciens de laBussière leur maison de la rue des Pautets (rue Buffon), sise, avecson meix, entre la maison de la Bussière et la maison des Juifs, lemeix joignant à l'arrière le meix des juifs » 2. Nous savons que lamaison de la Hussière occupait le n° 27 de la rue Buffon et vrai-semblablement les numéros antérieurs.

En 1331, pour éteindre une dette, le duc Eudes IV donne à laBussière une partie du cimetière des juifs de Dijon : «les religieuxet leur église auront dudit cimetière, par devers leur maison, droitla dernière colonotte de la maisenote ou l'on souloit ensevelir lesjuifs, par devers Saint-Père jusques es murs de la ville » 3. Le cime-tière juif était donc au midi de la maison de la Bussière ; et il fautvoir ce cimetière dans le « meix des juifs » qui était à l'arrière de lamaison cistercienne, comme il ressort de l'acte de donation deRobert de Foigney, et d'une pièce concernant les fortificationsde Dijon 4. Cette assertion est confirmée par la découverte5,rue Berlier, à hauteur de la rue .lacotot, de trente-huit tombesà 1 m. 75 de profondeur, à l'extérieur des murs de la ville, recons-truits après 1361 sur une partie du meix de la Bussière. Ce sontlà certainement des tombes juives.

Ce cimetière, qui avait été clos d'un mur, fut confisqué par leduc en 1306. Après leur retour, en 1315, les juifs se feront inhumer

1. Cf. n" 11, 12, 13. - Hugues de Maigne, 12 II 121 (début du xin» siècle).2. Arcli. de la Côte-d'Or, 12 H 12-1.3. Ibid.I. Ibid.

5. Voir plus haut, p. (i.'i.

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loin de Dijon, au pied de Gevrey-Chambertin ; c'est du moins cequ'affirme Courtépée l.

C'est de ce cimetière d'entre les rues Billion et Berlier que pro-viennent les nombreuses stèles funéraires juives qui sont conservéesà Dijon. Trente-huit, retrouvées au siècle dernier sont conservéesau Musée archéologique ; quinze autres appartiennent à des par-ticuliers 2. Seules, jusqu'ici, les stèles du Musée archéologique ontattiré l'attention des érudits :! : elles ont une forme conique ou rec-tangulaire ; leur sommet est parfois taillé en pointe ; la face qui areçu l'inscription est polie, les autres sont demeurées brutes. Cespierres étaient placées debout, enfoncées à moitié en terre.

Des archéologues locaux les ont datées de l'époque romaineparce que plusieurs d'entre elles furent découvertes dans le murdu castrum ; d'autres leur ont assigné le viie ou le v m e siècle, defaçon gratuite. Le rabbin Gerson, beaucoup plus au l'ait de l'histoirejuive, estimait 4 que « ces pierres funéraires appartiennent pro-bablement à une époque plus récente, entre le x e et le xive siècle »,et il appuyait son assertion sur la l'orme des noms qu'elles révèlent :« Iviète, Merona, I lanna, Bona, llia, Flora, Siona, Nappecha »,qui ne sont usités qu'au Moyen Age, du x e au xive siècle, environ.Iviete se retrouve au xie siècle et en 1292 à Paris, Merona et Hannaà Paris, au xui e siècle. Des noms tels que ceux de Rabbi Meir,Rabbi Simlia pourraient bien être ceux du Rabbi Meir de Bour-gogne, cité dans le Rituel de Bourgogne et du Rabbi Simha, auteurde ce Rituel (vers 1260 '?) ; on pourrait multiplier les exemples.

En dernière ligne de son étude, Gerson suppose que ces stèlessont « probablement postérieures au xn e siècle ». Schwab 5 tra-vaillant d'après Gerson, les attribue aux xu e -xm e siècles, « fautede dates plus précises ». Elles sont, en tout cas, antérieures à 1306,date de confiscation du cimetière, et la plupart d'entre elles, pro-bablement postérieure à 1196, date où la ville de Dijon reçoit ledroit de libre attrait des juifs, et qui marque le développementimportant de leur communauté.

Les stèles conservées au Musée archéologique furent trouvéesen quatre points différents.

1. 2° éd., II, p. 2()2.2. Quinze stèles de la collection liuudot sont demeurées encastrées dans

les murs de su maison (rue du Vieux-Collège, n" 7). Deux fragments nous ontété signalés par M. le Maire de Fontainc-lès-Dijon.

',\. Catalogue itu Musée archéologique du dé parlement de la Côle-d'Or, noa 1237-1260. — .1. B A U D O T , Observations sur un passage, de M. Millin, p. 1 10-1 li).

4. M. GHIISON, Les pierres tumiiluircs hébraïques de Dijon, dans Revue desÉtudes inities, V I , 1882, p . 222-22!) .

5. SCIIWAH, Inscriptions hébraïques en France, du vu1' au xve siècle, dansHulletin du Comité des Travaux historiques. Archéologie, 181)7, p. 18(1.

17(i JEAN MAltlLltilt

1° L'archéologue Baudot l'aîné note dans ses Observations surun passage de M Min 1, qu'en démolissant la Sainte-Chapelle, vers18()(), on trouva dans son sous-sol des fondations d'édifices dedifférents âges : « On y voyait des lambeaux de murs antiques,d'autres du Moyen Age et des modernes qui se croisaient en toussens ». Il est plus explicite dans un article anonyme du Journalde Carion 2 : « Actuellement la Sainte-Chapelle a subi le sort de toutce qui existe. Nous avons vu dans les fouilles de ses fondationsles restes d'un temple de construction romaine, les débris d'uneenceinte de construction celtique, quoique faite depuis la conquêtedes romains ; un autre édifice élevé après la destruction de cetemple et cet édifice lui-même détruit par un incendie (...1137...) ;une portion des murs de l'ancien castrum... les restes d'un moulind'une construction postérieure à cet édifice ; les débris enfouisde la chapelle que le duc Hugues III fit bâtir dans le xui° sièclesur les ruines de laquelle fut élevée celle que nous venons de voirdisparaître ». On remarqua surtout les substructions d'un « templeou forum ». Cet édifice avait la forme d'un carré long se prolon-geant sous les bâtiments du Palais Impérial... Presque au milieude l'extrémité orientale de cet édifice antique, on voyait les restesd'une enceinte carrée de quarante pieds de large et quarante-cinqde longueur dans œuvre ; les murs de cette enceinte avaient dix-huitpouces d'épaisseur et de leur maçonnerie on tira des pierres funé-raires sur lesquelles on lit des inscriptions en langue hébraïque,sans ponctuation, ainsi qu'on en avait tiré au-dessus des litagesdes moellons dans le massif de la portion de l'enceinte du castrumqui passait en ce lieu... Cette enceinte (carrée) avait pour pave-ment un lit de mortier imprégné de traces d'incendie» 3.

Tout cela serait bien vague si on ne bénéficiait des observationsde D. Roget de Belloguet 4 qui note que cette enceinte carrée setrouvait à peu près sous l'emplacement du théâtre, et qui préciseque ce n'est pas sous les murs de la Sainte-Chapelle que furenttrouvées les stèles juives, mais dans les murs de l'enceinte carrée.

Antérieur de plus de vingt ans aux précisions de Roget de Bello-guet, le, rapport à l'Académie de Dijon sur les fouilles exécutées aumois de juillet 1819 dans lu rue des Singes, à Dijon, de Xavier Girault,donne la même localisation 5 :

« Dans des excavations faites pour les fondations de la nouvellesalle de spectacles, sur l'emplacement nord du Castrum Dwionense,

1. D i j o n , 1808, p. 112.2. Journal de la Cdle-d'Or, 7 décembre 180(1..'i. liAUDO'l", op. cil., p. ll.'i.I. Origines dijonhaises, p. 1-10.ô. Mémoires de l'Académie de Dijon, séance publique 1820, p. evi

LUS KTAlSLtSSKMIÎNTS JUIFS A DIJON 177

l'on trouve des tronçons de colonnes près d'un ancien cours d'eautrès reconnaissais, des débris de moulins, des pierres chargéesd'inscriptions hébraïques... ».

Le rapprochement de ces textes permet de situer ainsi les décou-vertes de stèles juives :

— dans le mur du castruin, entre la rue Lamonnoye et la placede la Sainte-Chapelle ; ces stèles servaient de revêtement,

— dans les suhstructions d'un édifice de 45 X 10 pieds, sis, nonpas à l'emplacement de la Sainte-Chapelle, mais à l'extrémitéorientale de son transept et en dehors d'elle. Là, les tombes juivesétaient placées entre les fondations et la superstructure formée degros moellons de pierre blanche. Aucune tombe n'a été trouvéedans les fondations de l'église ; Koget de Belloguet l'affirme expres-sément. L'emplacement où on les découvrit était celui des anciensbâtiments claustraux. Or, à l'extrémité orientale du transeptse trouvait le cloître des chanoines, qui, dans sa construction duxvme siècle mesurait 19 m. 50 du nord au sud et 14 m. 75 de l'està l'ouest1. On remarquera que 14 m. 75 représentent 45 pieds.Nous proposons donc de voir dans l'enceinte carré de 40 x 45pieds, soit le cloître du xive siècle, soit la base d'une constructionqui a fait place ensuite au cloître.

2° Sept stèles furent trouvées en 1850 en creusant les fondationsde l'aile orientale du Palais des États 2. Cette aile abrite aujour-d'hui le musée.On mit au jour une partie des murs du castrum et,à l'angle, presque sous la tour de Bar, une agglomération considé-rable de blocs de pierre blanche sculptés, identiques à ceux trouvésdans les fondations creusées pour la construction de la salle despectacles ; ces blocs sont d'origine gallo-romaine. On y trouvaune pièce d'argent d'Henri V , une plaque de plomb portant un Smajuscule chargé d'une croix avec une inscription illisible et lessept stèles juives.

3° Vers 1840, quatre stèles furent trouvées dans la cave de lamaison Theurot, à l'emplacement de l'ancien hôpital Saint-Fiacre.Elles furent brisées par les ouvriers qui y creusaient un puits. Onsait que cet hôpital l'ut édifié vers 1340 par le chapitre de la Sainte-Chapelle pour loger les pèlerins venus vénérer une relique de saintFiacre, conservée en leur église 3.

4° Une stèle découverte rue Longepierre, dans la muraille ducaslrtim, en démolissant les vieillies maisons qui s'y appuyaient,

1. Arch. mun ie , (le Dijon, Pluns, S 1.

2. Mém. de l'Académie de Dijon, I I I , p. i . xvu i .

'.i. HooiiT m: BKI.I.OGUKT, op. cil., p. 1 13, note 1.

178 LES ÉTABL1SS1ÎMKNTS .JUIFS A Ul.ION

en 1954. Cette maison était une ancienne demeure canoniale, duchapitre de la vSainte-Chapelle l.

Les quatre points où nous pouvons localiser les trouvailles destèles funéraires juives sont des lieux ou des édifices qui appar-tenaient au chapitre de la Sainte-Chapelle. Nous sommes en droitde supposer que ce chapitre a reçu du duc Eudes IV en 1306 leprivilège de se servir du cimetière juif comme carrière de pierre àbâtir, et qu'il en a abondamment profité pour édifier son cloître,un édifice joint à l'église, des maisons canoniales ou de rapport 2.Nous ne possédons aucun acte qui puisse nous en assurer, maiscela nous semble la seule hypothèse plausible qui explique l'em-ploi des stèles dans les seuls édifices dépendant de. la chapelle duduc.

1. Mémoires de. hi Commission, v. plus haut, p. IIS et 120.2. Ces pierres ont été Uni tôt utilisées directement, tantôt substituées dans

les fondations du caslrum à des pierres romaines estimées de meilleure qualitéet récupérées.