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1 Médoc, Territoire d’avant-garde LES ENJEUX DU DEVELOPPEMENT DURABLE EN MEDOC Cécile MIGLIORE Sciences Po Bordeaux – 4 e année Remerciements et Avant-propos

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Médoc,

Territoire d’avant-garde

LES ENJEUX DU DEVELOPPEMENT

DURABLE EN MEDOC

Cécile MIGLIORE Sciences Po Bordeaux – 4

e année

Remerciements et Avant-propos

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Remerciements et Avant-propos J’adresse d’abord mes remerciements à Michel Favory pour m’avoir soumis ce thème de travail qui s’est révélé passionnant.

Je remercie également toutes les personnes que j’ai rencontrées, qui se sont intéressées à mon travail et ont pris le temps de répondre à mes questions, avec une mention particulière pour le Pays Médoc, dont les études ont constitué une solide base de travail. Tout en essayant de les interroger, j’ai essayé de m’inscrire dans leur continuité.

Au final, cette étude ne se veut pas prétentieuse : elle a vocation à susciter le

débat et est avant tout une invitation à l’action. Elle présente aussi l’intérêt d’un raisonnement à l’échelle du territoire médocain : en effet, au cours de cette étude, il est apparu que les acteurs du Médoc n’avaient pas toujours une vision globale de ce territoire, tout au moins ils le regardent avec les lunettes de la commune ou de la communauté de communes à laquelle ils appartiennent. Ce travail présente donc cet avantage d’offrir une vision du Médoc à son échelle propre.

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SOMMAIRE

INTRODUCTION GENERALE……………………………………………………………………...7

I. DES BESOINS ELEMENTAIRES A SATISFAIRE…………………………….......................16

A. Un constat : des situations sociodémographiques contrastées……………………16

1. Renouvellement des familles et vieillissement démographique…………………….16

2. Des disparités socioéconomiques marquées………………………………………...19

3. « La dangereuse dynamique de l’exclusion »……………………………………....21

B. L’emploi et la tentation du système D………………………………………………...22

1. Les caractéristiques de l’emploi en Médoc…………………………………………22

2. Les orientations à prendre……………………………………………………….…24

C. Le logement : une offre à adapter...........……………………………………………....25

D. Une offre de services à renforcer……………………………………………………...27

E. Un déficit d’offre culturelle sur le territoire…………………………………………27

II. UN ENVIRONNEMENT PRESERVE MAIS FRAGILE : FAIRE FACE AUX

CONTRAINTES GEOGRAPHIQUES…………………………………………………………....29

A. Un milieu naturel exceptionnel mais fragile………………………………………..…29

1. Une biodiversité remarquable qui fait l’objet de mesures de protection

environnementale abondantes…………………………………………………………………29

2. La gestion des zones humides : un enjeu écologique et économique………………33

B. L’eau et la forêt : des ressources naturelles à gérer…………………………….……...34

1. L’eau omniprésente.………………………………………………………………..34

2. Une forêt multifonctionnelle.......…………………………………………………..36

C. Un territoire peu pollué, mais une vigilance à conserver…………………………….37

1. La qualité de l’eau………………………………………………………………….37

2. La qualité de l’air………………………………………………………...…………38

3. Les déchets en période de haute saison touristique………………………………...38

D. Des risques naturels à maîtriser…………………………………………………………39

1. Le risque d’inondation……………………………………………………………..39

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2. Le risque d’incendie………………………………………………………...............40

3. Anticiper l’érosion marine et l’avancée dunaire : une question de choix………….41

4. Le risque de subsidence………………………………………………………….…43

E. Prendre le contrôle de l’étalement urbain…………………………………………..43

1. Les dynamiques en cours…………………………………………………………43

2. Les stratégies de contrôle identifiées…………………………………………..….46

F. Le Médoc face au changement climatique……………………………………………47

1. Comment se manifeste ou risque de se manifester le changement climatique en

Médoc ?...................................................................................................................................................48 2. Quel rôle le Médoc peut-il jouer dans la lutte globale contre le changement

climatique ?.............................................................................................................................................49

III. UNE ECONOMIE FORTEMENT ANCREE DANS SON ENVIRONNEMENT : UNE

DYNAMIQUE A CONFORTER ET AMPLIFIER……………………………………………….52

A. Un constat : une économie « trop » résidentielle……………………………..…….52

B. Un potentiel d’activités résidentielles à exploiter de manière raisonnée………54

1. Le tourisme : un large potentiel que les Médocains veulent exploiter………..........54

2. Les services à la personne : un gisement d’emplois important……………….........58

C. Le bois, le vin, l’agroalimentaire : des activités traditionnelles à maintenir et

renforcer………………………………………………………………………………………………58

1. La filière bois : les atouts d’un système localisé de production à

exploiter…...........................................................................................................................59

2. La filière vins : le défi de l’appropriation des enjeux du développement

soutenable…………………………………………………………………………………63

3. L’agroalimentaire : un potentiel à ré exploiter……….………………………...…..67

D. Cap sur les activités productives innovantes………………………………………..67

1. Renforcer la filière matériaux composites……………………………………….....67

2. Les énergies renouvelables : produire le matériel………………………………......67

3. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication

(NTIC)....................................................................................................……………………...68

E. Le « désenclavement du territoire » : vrai ou faux problème ?.................................68

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IV. GOUVERNER LE DEVELOPPEMENT SOUTENABLE DU TERRITOIRE

MEDOCAIN : LE DEFI DE LA COOPERATION……………………………………………….71

A. Les défis de la coopération inter acteurs…………………………………………….71

1. Un lobbying prégnant…………………………………………………………………..71

2. La quasi-absence de dialogue entre monde économique et monde politique…………...73

B. Les défis de la coopération interinstitutionnelle…………………………..………74

CONCLUSION………………………………………………………………………………………77

Liste des abréviations………………………………………………………………………………..79

Liste des personnes interrogées………………………………………………………………….....80

REFERENCES………………………………………………………………………………………...82

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Introduction générale

Le Médoc, une presqu’île rurale à forte personnalité Le Médoc est ce territoire délimité par l’océan Atlantique à l’ouest, l’estuaire de la Gironde à l’est et par une frontière plus arbitraire au Sud, une ligne imaginaire allant de Bordeaux au Porge, en passant par Arès et les marais de Bruges. On parle aussi souvent de la Jalle pour signifier les portes du Médoc. Le terme « Médoc » vient du latin « meduli litus », dont la signification est incertaine : le terme désignerait la situation géographique du territoire, à savoir « entre les deux bords » (océan et estuaire), ou bien le peuple qui s’y serait installé au premier âge du fer, les Médulles. Depuis 2003, le Médoc correspond à un « Pays », entité administrative qui, au sens de la loi d'orientation pour l'Aménagement et le Développement Durable du territoire (loi Voynet) du 25 juin 1999, « est un espace caractérisé par une cohésion géographique, culturelle, économique ou sociale au sein duquel les collectivités locales et leurs groupements s'organisent pour élaborer des activités économiques, sociales, culturelles et associatives. ». Ce territoire de 2410 km², soit à peu près le quart du département de la Gironde, est composé de : - cinquante-sept communes ; - six EPCI, qui portent des logiques différentes : Cœur de Médoc et Centre Médoc sont des communautés de communes de « projet », Médoc Estuaire et Médulienne sont des communautés de commune de « services » et Lacs Médocains et la Pointe du Médoc des CDC à stratégie communale (développement économique essentiellement basé sur le tourisme) ; - cinq cantons ruraux (Castelnau, Lesparre, Pauillac, Saint Laurent et Saint Vivien) et un canton urbain (Blanquefort). Selon le dernier recensement de l’INSEE, en incluant les habitants du canton de Blanquefort, le Médoc compte 133 231 habitants, soit 7,96% de plus qu’il y a dix ans. Si l’on exclut ce dernier, on compte 88 774 habitants. La densité y est alors de 37,9 habitants au km².

Ainsi délimité, le Médoc connaît un décalage entre le monde le plus rural, et le

Médoc le plus proche de la périphérie bordelaise, certaines villes faisant même partie de la Communauté Urbaine de Bordeaux (Blanquefort, Eysines et Parempuyre). Ainsi, bien que le Médoc corresponde à un espace géographique évident, sa réalité cache une diversité paysagère et des disparités sociales, économiques et

démographiques.

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Des espaces divers

En termes géographiques et d’aménagement du territoire, il faut distinguer le Médoc le plus rural du Médoc périurbain. Cette distinction est illustrée par le fait que 40% de la population du Pays Médoc se concentrent au sud, sur 15% du territoire environ. En terme de paysage, on distingue souvent quatre Médoc : le Médoc de l’estuaire et des vignes, le Médoc des marais et des mattes, le Médoc des pins et de la Lande et le Médoc de l’océan et des dunes.

∂∂∂∂ Le Médoc de l’estuaire et des vignes

Le vignoble médocain s’étend sur une succession de croupes graveleuses de 5 à 8 km de largeur, de Blanquefort à Talais. Entre deux eaux, l’océan et l’estuaire, cet espace bénéficie d’un microclimat propice à la viticulture. La nature du sol et du sous-sol est aussi le secret de ses vins internationalement connus. La vigne offre un paysage « jardiné » et rigoureux, totalement anthropique, accentué par les châteaux viticoles et autres grands domaines.

∂∂∂∂ Le Médoc des marais et des mattes

Cette finis terra est le Médoc des zones humides. L’eau y est présente plus que

partout ailleurs. La Pointe du Médoc est caractérisée par un paysage plat, uniforme, typique et identitaire de ce que l’on appelle le bas Médoc. Dès 1633, ont démarré la conquête, l’assainissement et la mise en valeur de ces zones humides par l’homme, en l’occurrence par une main d’œuvre hollandaise et flamande, spécialiste de l’aménagement des polders. Après avoir drainé et aménagé les marais et les palus intérieurs, les mattes et les atterrissements estuariens ont été aménagés par des endiguements successifs. Aujourd’hui, les zones humides sont valorisées par l’agriculture, l’élevage, l’exploitation du jonc voire l’aquaculture et les marais salants. Ils sont aussi parfois des zones exclusives de chasse.

∂∂∂∂ Le Médoc des pins et de la Lande

La région forestière médocaine, essentiellement composée de pins maritimes, est localisée sur le plateau sableux. Bien que ce soit une espèce autochtone, dont on sait la présence en Médoc depuis la plus haute antiquité, la culture du pin est avant tout le fruit du travail de l’homme. Introduit à grande échelle sous Napoléon III, le pin a joué en Médoc un rôle essentiel dans l’assainissement de la Lande. Aujourd’hui, la forêt est un pivot de l’économie locale et reste un élément clé du système climatique local, de la gestion des eaux en particulier.

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∂∂∂∂ Le Médoc de l’océan et des dunes

La façade Atlantique médocaine, qui s’étend sur une longueur de 90 km, du Porge au Verdon, est dessinée par de larges plages de sables fins, un cordon dunaire bordier et une succession de dunes boisées qui s’étend vers l’intérieur des terres. C’est le Médoc des stations balnéaires, Soulac pour la plus ancienne. Ses aménagements touristiques ont été menés dans les années 1970 avec la Mission Interministérielle pour l’Aménagement de la Côte Atlantique (MIACA).

Un territoire singulier

Au-delà de ces différences géographiques, le Médoc présente une certaine unité et unicité. Tout d’abord, la présence de l’eau est une constante sur le territoire médocain. Cette présence a modelé les activités des hommes, les a contraint mais les a également rapprochés de la nature. Aussi le Médoc est-il avant tout une histoire, une langue (le gascon), une identité et une culture, liée à l’insularité et l’enclavement du territoire, qui génère un esprit d’indépendance, et liée à cette proximité avec la nature. Le constat figurant dans la Charte de territoire du Pays Médoc est ainsi très pertinent : « La singularité du Médoc provient de l’omniprésence de la nature, qui

ordonne autant qu’elle est gérée ». Aujourd’hui, la culture médocaine se manifeste par un souci de défense du territoire et de révolte quand c’est nécessaire. Ces dernières années, la contestation a effectivement su se faire entendre et les Médocains ont su se rassembler dès lors que leur environnement était menacé. Le rejet massif des projets de grand contournement et du terminal méthanier au Verdon en sont bien l’illustration.

La constitution du Pays Médoc, avec son objectif de renforcer l’identité médocaine, contribue à développer cette unité du territoire. La mise en place d’un Parc Naturel Régional à l’échelle du Médoc prendra tout autant cette orientation.

L’objet de l’étude : un diagnostic des enjeux du développement soutenable en Médoc pour un projet de territoire

Pourquoi un développement « soutenable » ?

L’objet de la présente étude est de réfléchir aux enjeux du développement du Médoc, développement que l’on souhaitera « soutenable », ou « durable », comme le dit l’expression la plus communément utilisée. Certains observateurs remarquent que parler de « développement durable » est une redondance, le développement désignant par définition un processus lent et de long terme. Pourtant, le développement « soutenable » désigne un processus bien plus précis.

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D’une part, il renvoie à la prise de conscience écologique provoquée par un constat : le climat change à un rythme anormal et ce sont les activités humaines du XXe siècle qui en sont la cause. D’autre part, le développement soutenable renvoie à un paradigme de pensée. Il possède ses propres concepts maîtres de l’intelligibilité et renvoie ainsi à une manière spécifique de penser les problèmes. En l’occurrence, le développement soutenable est un paradigme qui rend logique le fait qu’il faille penser les problématiques économiques, sociales et environnementales de manière systémique (Huybens et Villeneuve, 2004). En outre, parler de développement soutenable plutôt que de simple développement c’est viser déjà des objectifs précis : - la préservation de l’environnement : il s’agit de maintenir les systèmes qui entretiennent la vie ; - l’efficacité économique : il s’agit de répondre aux besoins matériels des populations ; - la cohésion sociale et l’équité entre les personnes, les communautés, les peuples et les générations : il s’agit d’assurer une répartition équitable des avantages résultant de projets communs. Enfin, le développement soutenable, lorsqu’il est une politique, renvoie à un mode de gouvernement bien spécifique, organisé autour de la concertation et la coopération de et entre tous les acteurs. On peut ainsi définir quatre caractéristiques de la prise de décision dans le cadre d’une politique de développement soutenable :

- des décisions « glocales » : l’intégration de l’action locale dans une perspective globale ;

- des décisions multi-acteurs : une gouvernance incluant l’ensemble des parties prenantes ;

- des décisions multicritères : l’articulation de plusieurs disciplines ; - des décisions démocratiques : pour une démocratisation du processus de

prise de décision (Huybens et Villeneuve, 2004).

Ainsi, pour caractériser les piliers du développement soutenable, on peut définir l’intégrité écologique comme une condition, l’efficacité économique comme un moyen, la gouvernance comme une méthode et le développement humain et social comme une fin. Le principal enjeu d’une politique de développement soutenable est en somme la nécessité de faire des dimensions sociales et écologiques le socle du développement. Le cas échéant, et l’on peut le constater de manière empirique, les politiques environnementales ont un effet redistributif défavorable.

Le Médoc : un échelon pertinent Le territoire est un échelon pertinent pour étudier les enjeux et mettre en

œuvre une politique de développement soutenable. En effet, les responsabilités

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sont plus faciles à établir, les actions plus commodes à contrôler, les interdépendances entre acteurs plus aisées à prendre en compte et les inégalités sociales et écologiques sont plus facilement identifiables (Theys, 2002). Le Médoc est bien à ce titre et au regard de ce que nous venons de dire, un « territoire » et penser le développement soutenable à son échelle est pertinent. C’est d’ailleurs pourquoi le Médoc est un « Pays ». La loi Voynet de 1999 en fait une structure ayant pour vocation de porter un projet de développement, durable, pour le territoire. Le Pays est fondé sur une charte de développement, qui définit la stratégie du territoire en terme de développement socioéconomique, de gestion de l’espace et d’organisation des services à un horizon minimal de dix ans et formalise les engagements des acteurs concernés. Notons d’ailleurs que le Médoc est aussi l’objet d’un projet de territoire et donc d’un projet de développement soutenable dans le cadre des études de faisabilité et d’opportunité d’un Parc Naturel Régional.

La notion de « résilience » est intéressante pour spécifier la synthèse d’objectifs

à viser dans le cadre d’un projet de territoire. Elle peut se définir comme la « capacité

à surmonter les perturbations, les catastrophes et les crises par une mobilisation des

ressources vives et une réorganisation interne qui préservent les valeurs essentielles du

territoire ». Un territoire qui se veut résilient doit ainsi viser une meilleure réactivité et adaptabilité des règles du jeu, développer des relations de coopération plus que de concurrence, et investir dans le développement scientifique et technologique.

Comment se pose la problématique du développement territorial soutenable aujourd’hui en Médoc ?

Cette étude s’inscrit dans une démarche de diagnostic de territoire. Il s’agit donc de cerner les particularités et les dynamiques du Médoc, afin d’éviter de lui imposer des principes abstraits. Il s’agit également d’étudier simultanément les contextes social, économique et environnemental, ainsi que les acteurs et leurs logiques (convergences/divergences, synergies/antagonismes). Cette démarche a permis de

voir comment pouvait se poser la problématique du développement soutenable

aujourd’hui en Médoc.

Des phénomènes corrélés : une croissance démographique forte et un étalement urbain incontrôlé

Le Médoc connaît depuis quelques années une double contrainte : une

croissance démographique forte et un phénomène d’étalement urbain. Il s’agit là de pressions nouvelles qui surviennent sur un territoire qui ne s’y attendait pas et qui sont une conséquence directe de l’influence de l’aire métropolitaine bordelaise. Il s’agit donc de contraintes exogènes.

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Entre 1999 et 2007, la population médocaine a augmenté en moyenne de 1,6%

par an, soit à un rythme supérieur à la moyenne girondine, qui est de 1,10%. On compte 11 000 habitants de plus qu’en 1999, ce qui correspond à 8,2% des gains démographiques de la Gironde. Notons que le tout de cette augmentation est lié au

solde migratoire. Les perspectives d’accueil porteraient la population à hauteur de 100 000 habitants d’ici 2010-2012.

L’étalement urbain est la forme que prend la croissance démographique du

Médoc. Le rapport intitulé « Etalement urbain en Europe » (novembre 2006), établi par l’Agence Européenne pour l’Environnement, définit l’étalement urbain comme la forme moderne de l’expansion ou de la croissance des villes. Le processus se manifeste par l’apparition et le développement de zones résidentielles discontinues, dispersées, à l’intérieur de zones à finalité agricole situées autour et à proximité des villes. Il se déroule de manière non planifiée, anarchique. L’étalement urbain est donc bien ce qui traduit la croissance démographique du Médoc. Selon l’analyse de l’A’Urba, l’agence d’urbanisme de la métropole bordelaise, le Médoc participe fortement au dynamisme de la Gironde : le territoire a vu son parc augmenter de 35 000 logements entre 1982 et 2005, ce qui correspond à 16,7% de la production girondine et cette croissance est supérieure à la moyenne départementale depuis les années 1970. Quelques chiffres permettent de rendre compte dans quelle mesure le phénomène est corrélé avec l’expansion de l’agglomération bordelaise : un tiers de l’activité de construction des résidences principales est alimenté par des ménages issus de la CUB, avec des taux jusqu’à 47% pour les communautés de commune Médoc Estuaire et La Médulienne. Un autre aspect est à soulever pour qualifier le processus d’étalement urbain : la taille moyenne des logements (terrains inclus). Ainsi, 78,8% des logements construits correspondent à des logements individuels d’une taille moyenne de 1345 m².

Etalement urbain et développement soutenable

L’étalement urbain n’est pas seulement une question d’urbanisme et d’aménagement du territoire. En ayant des conséquences tant sociales, qu’économiques et environnementales, ce phénomène est en lui-même une

problématique de développement soutenable. C’est dans ces termes que se posera donc la problématique de cette étude.

L’étalement urbain a en effet un impact écologique lourd : dégradation du paysage, mitage des sols, érosion des terres mitoyennes, pollution des eaux de ruissellement, dégradation des systèmes hydrologiques… L’étalement urbain porte également atteinte à la biodiversité et a un coût énergétique significatif lié notamment à l’accroissement des déplacements induit. L’ensemble de ces phénomènes constitue un coût pour la qualité de vie et pour la santé des hommes,

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principalement à cause de la dégradation de la qualité de l’air et de la pollution sonore. L’étalement urbain a par ailleurs un coût financier, tant pour les ménages que pour la collectivité. D’une part, les économies que certains ménages font en investissant dans un logement moins cher sont souvent perdues par la dépense générée en terme de transport (carburant et véhicule). D’autre part, l’étalement représente des surcoûts pour la collectivité qui sont liés à la nécessité de financer les infrastructures urbaines élémentaires (équipements en réseau...). La nouvelle population est par ailleurs en attente de services : accueils pour la petite enfance, commerces, médecins, offre culturelle...

Ainsi, le Médoc subit toutes les contraintes liées à l’étalement urbain. Au niveau environnemental, elles sont d’autant plus visibles que les milieux naturels de la presqu’île sont fragiles. Le phénomène est notamment en concurrence directe avec la forêt pour les choix d’occupation des sols. Par ailleurs, l’offre de services se révèle inadaptée aux nouveaux besoins. Par exemple, il n’y a pas de crèche sur la CDC de la Pointe du Médoc, alors que le besoin se fait fortement sentir. Or, la CDC n’a pas les moyens de financer la construction d’une crèche. Quand on sait que le budget des CDC provient de la taxe professionnelle, on comprend qu’il y a un autre problème : une insuffisance d’entreprises sur le territoire (d’où la part importante de Médocains travaillant sur la CUB). Compte tenu des demandes des populations et des nouvelles stratégies d’aménagement du territoire plus tournées vers la densification urbaine, l’heure semble être en Médoc à la prise en main de cette pression démographique et à cet étalement urbain et à l’anticipation des nouveaux besoins. Faire du Médoc un espace

multifonctionnel - travailler, consommer, habiter, se divertir -, tout en préservant

l’environnement, telle serait la nécessité globale pour ce territoire.

Il s’agirait par la même occasion de survivre face à la métropole, de ne pas seulement subir les contraintes de son influence mais aussi savoir en tirer partie, en bénéficier. Le Médoc ne peut pas être un simple espace rural annexé. En conséquence, élaborer une stratégie de développement économique semble indispensable.

Cependant, cette mutation devra être conduite dans un cadre complexe. Le

Médoc est en effet caractérisé par des freins structurels, qui sont sans doute en train de s’estomper aujourd’hui, mais qui ont marqué ces dernières décennies : certains élus sont peu familiarisés au raisonnement économique, montrent une frilosité face au changement et peuvent être sous la pression de groupes d’intérêt divers (viticulteurs, sylviculteurs, propriétaires…). L’enclavement du Médoc, souvent dénoncé par les non Médocains alors qu’il est quelque peu inhérent au caractère insulaire du territoire, est une autre faiblesse. Il est vrai que l’ensemble des communes du Médoc ont des distances à Bordeaux supérieure à 30 minutes et pour plus de la moitié d’entre elles, cette distance est supérieure à 1 heure. La presqu’île

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souffre par ailleurs d’un certain mépris de la part des instances bordelaises, basé sur des caricatures et autres vieux fantasmes sur la population médocaine. Cela peut paraître futile pour ceux qui le pratiquent, mais ce mépris empêche le Médoc de représenter une entité de négociation sérieuse et crédible, notamment face aux instances administratives départementales, régionales ou nationales1.

Dans le cadre cette étude, la question centrale se pose donc en ces termes : au

regard des contraintes exogènes de l’étalement urbain et des contraintes

endogènes au territoire, à quels enjeux le Médoc doit-il faire face dans le cadre

d’une stratégie de développement soutenable ?

Le défi de cette étude est de raisonner de manière systémique, constructiviste, à savoir penser économie, social et environnement de manière simultanée. Par ailleurs, les quelques propositions d’action avancées doivent répondre à la double nécessité d’une gestion intégrée du territoire et d’une vision de long terme.

Nous partirons d’une analyse des besoins de la population médocaine. La première partie est donc consacrée à la définition de la finalité souhaitable d’un projet de développement soutenable pour le Médoc. Cette analyse nous amènera à constater que le Médoc connaît de fortes disparités socioéconomiques et que des poches de précarité et d’exclusion pèsent sur le territoire. Les besoins apparaîtront avant tout en terme d’emplois pérennes.

En deuxième partie, nous étudierons les contraintes que subit et que fait subir l’environnement médocain sur la population, pour identifier les risques qui pèsent sur la presqu’île. Il s’agira ainsi de définir les conditions à respecter dans la mise en œuvre d’une stratégie de développement soutenable.

Le troisième temps est consacré à une analyse de l’économie médocaine, des défis qui lui incombent et de son potentiel. Dans la prise en compte de l’étalement urbain et de la croissance démographique par les institutions publiques, un impératif est apparu comme tel : celui d’implanter des activités économiques sur le territoire. Cela doit répondre à deux nécessités : créer des emplois locaux pour réduire les déplacements et fournir, à travers la taxe professionnelle2, des ressources aux communautés de communes afin qu’elles puissent financer une nouvelle offre de services. On concevra les stratégies proposées comme les moyens d’atteindre les objectifs définis en première partie.

Enfin, la méthode d’action fait l’objet d’une réflexion en quatrième partie. Nous partirons du constat que le Médoc est habité par des groupes sociologiques, géographiques ou professionnels aux intérêts divergents, ce qui est un frein aux 1 Pour preuve : les fonctionnaires plaisantent sur le fait qu’être muté en Médoc est une punition. 2 On partira du principe que si la taxe professionnelle disparaît, elle sera de toute façon remplacée par un autre impôt sur les entreprises (ou alors c’est la mort des collectivités territoriales ?).

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démarches de coopération. Cependant, l’entente sera nécessaire pour que l’entité Médoc soit crédible de l’extérieur. Nous verrons donc comment cette représentation peut être assurée.

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I. Des besoins élémentaires à satisfaire

L’analyse des besoins de la population médocaine part de la prise en compte des dynamiques démographiques en cours (évolution, structure des âges...) afin de définir les enjeux présents et anticiper l’avenir. S’il est un premier constat à faire, c’est que l’intensité et la nature des besoins ne se font pas sentir de manière uniforme sur l’ensemble du Médoc. Le sud Médoc est attractif, jeune, actif et occupé. Le nord Médoc concentre les phénomènes de précarité et de population vieillissante. La zone centrale, composée de profils variés, est attractive mais on observe une permanence de fragilités sociales. Il semble ainsi que ces contrastes se conjuguent avec le degré d’insularité du Médoc. _____________________________________________________

A. Des constats : des situations sociodémographiques contrastées

1. Renouvellement des familles et vieillissement démographique

Comme il a été dit en introduction, le Médoc connaît une croissance

démographique relativement forte par rapport à la tendance girondine. Le schéma ci-dessous fait montre de ces évolutions. On observe en particulier que, selon des estimations, le rythme de croissance annuel de la population tendra à augmenter d’ici les deux prochaines années.

Figure 1 : Evolution de la population et perspectives d’accueil

Source : Pays Médoc

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~ Une contribution majoritairement portée par le sud Médoc ~

Toutefois, la forte croissance démographique du Médoc est un phénomène

inégal. Les communautés de communes du sud Médoc, les plus sensibles à l’influence de l’agglomération bordelaise, connaissent les taux de croissance démographique les plus élevés. Cette zone fait ainsi figure de bassin de desserrement de la CUB. Le tableau et la carte ci-dessous révèlent les disparités de rythme d’évolution entre le nord et le sud, entre les communautés de communes, voire entre les communes.

Figure 2 : Taux de croissance

démographique entre 1999 et 2007,

par CDC

Source : Pays Médoc

Figure 3 : Evolution de la population

1999-2007

Source : Pays Médoc

La façade atlantique connaît la plus forte croissance, notamment les villes de

Brach, Saumos et Le Porge qui bénéficient à la fois d’un cadre de vie préservé et de la proximité avec l’agglomération bordelaise, où se concentre l’emploi. Lacanau et Carcans sont dans la même dynamique. Ainsi, la CDC des Lacs Médocains a connu un taux de croissance démographique de 3,4% entre 1999 et 2007. Au cours de la même période, la CDC Médullienne, du fait de sa proximité avec l’agglomération bordelaise a connu une augmentation de sa population de 3%. Le Médoc viticole estuarien voit en revanche sa population diminuer d’année en année, en incombe à l’inconstructibilité des terrains AOC. A cela s’ajoute le fait que la population qui y demeure est vieillissante. Le solde démographique s’avère donc négatif pour

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certaines communes comme Saint-Yzans-de-Médoc (- 15, 05 %), Saint-Julien-Beychevelle (- 7,66%) et Saint Christoly-Médoc (- 6,99%) ; tandis que d’autres échappent à ce phénomène (Margaux, Soussans, Cantenac) car leurs espaces boisés sont devenus peu à peu constructibles.

~ Une population vieillissante ~

En 2006, en Médoc, environ 15% de la population avait plus de 60 ans, et 9.5% avait plus de 75 ans. D’après les chiffres de 1999, selon l’INSEE, le nombre de personnes âgées de 75 ans ou plus augmentera de 12% entre 2010 et 2020.

Figure 4 : Population par grandes tranches d’âge

La vitalité démographique est cependant contrastée sur le territoire. Le sud Médoc, qui accueille de nouvelles familles, est plutôt sur une dynamique de rajeunissement, tandis que le nord est dans une dynamique de vieillissement, à l’image de la tendance nationale, mais plus que la moyenne du Pays. La tendance s’est-elle peut être inversée depuis mais, en 1999, dans les communes de la Pointe du Médoc, on comptait 1 jeune de moins de 20 ans pour 2 personnes âgées de 60 ans et plus, soit un indice jeunesse deux fois plus faible que celui du Pays Médoc et du département de la Gironde. A cela s’ajoute l’arrivée sur le territoire d’une population retraitée dès lors que les résidences secondaires se font résidences principales (ce qui est relativement fréquent).

Ces dynamiques démographiques comportent donc des enjeux en terme

d’offre de soins, de services et d’aménités urbaines.

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2. Des disparités socioéconomiques marquées

Il es à noter tout d’abord que le revenu net moyen imposable par foyer fiscal en Médoc est, en 2006, de 18 709 euros soit environ 11% inférieur à la moyenne

aquitaine.

La carte ci-dessous fait apparaître les disparités en terme de revenu et leur évolution. On observe ainsi que le niveau de vie est le plus élevé dans les villes les plus proches de l’agglomération bordelaise, en particulier dans celles du sud de la communauté de commune Médoc Estuaire. A l’inverse, la Pointe du Médoc affiche les données les plus basses. La tendance qui semble la plus néfaste concerne les communes de l’estuaire, qui affichent des baisses du revenu net moyen imposable entre 2003 et 2005.

Figure 5 - Source : Pays Médoc

La carte qui suit est encore plus significative. Elle révèle un taux de

pénétration du RMI d’autant plus élevé que l’on va vers le nord du territoire. Ainsi, en Pointe du Médoc et en Cœur de Médoc, environ 5% de la population est allocataire du revenu minimum d’insertion, mais moins de 2% de la population est dans ce cas dans les communes les plus au Sud.

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Figure 6 : Taux de bénéficiaires du RMI pour 100 habitants par CDC

Source : Pays Médoc

L’analyse de la structure des prestations sociales versées aux Médocains indique une plus grande présence des familles au sud et une plus large proportion de bénéficiaires de minima sociaux au nord.

Figure 7 :

Structure des prestations

sociales par CDC

Source : Pays Médoc

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Enfin, les données CAF 2004 montrent que 29% des allocataires de la CAF ont des ressources inférieures au seuil de pauvreté, soit un taux supérieur à la moyenne girondine. Les CDC Cœur de Médoc et Pointe du Médoc affichent des taux encore plus élevés : 40% chacune.

Figure 8 : Données CAF 2004

Source : Pays Médoc

3. « La dangereuse dynamique de l’exclusion »

C’est ainsi que la Charte de territoire du Pays Médoc nomme certaines

situations sociales que l’on rencontre sur la presqu’île. Les acteurs des secteurs sanitaires et sociaux et de la réinsertion décrivent des tendances cumulatives de problèmes sanitaires lourds, de logements insalubres et de comportements addictifs, d’incapacité à gérer l’économie domestique (surendettement) voire d’illettrisme (dont l’ampleur n’est pas mesurée), le tout aggravé par une absence de mobilité physique du territoire. La Charte donne ainsi une illustration : « Sur la zone

d’éducation de Pauillac-Lesparre, plus de 50 % des enfants sont issus de milieux défavorisés.

Une frange de cette population scolaire (10 à 20 %) est constituée d’enfants vivant dans des

conditions entraînant une réelle difficulté d’apprendre, un décrochage et une baisse du niveau

de performance. A côté de cette incapacité à apprendre, ces enfants développent des troubles

du comportement et de la conduite. Pour cette minorité d’élèves en perdition, le Médoc n’offre

pas de solution. » L’existence de telles situations sociales nuit à l’image du Médoc. C’est certainement par la présence de services sociaux et sanitaires de proximité qu’elles seront éradiquées.

~ La croissance démographique liée à la venue de nouvelles familles, le

vieillissement de la population, des situations de grave précarité, souvent structurelles, sont des phénomènes qui indiquent l’existence de besoins élémentaires : des emplois pérennes, des logements décents, des services sanitaires de proximité et une offre culturelle digne de ce nom.

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B. L’emploi et la tentation du système D

1. Les caractéristiques de l’emploi en Médoc

~ Un faible niveau d’emploi ~

Tout d’abord, le Médoc souffre d’un faible niveau d’emploi. Le nombre d’emploi par habitant est de 1 sur 8 pour le Médoc, contre 1 sur 6 en Gironde, hors CUB. On note ainsi que 58% des entreprises ont moins de deux salariés. Par ailleurs, le taux de création d’entreprise est supérieur à la moyenne départementale, mais la tendance est à la création d’entreprises de services, donc de plus petite taille. De plus, compte tenu de la forte croissance démographique, il y a découplage entre l’augmentation du nombre d’emplois créés et le nombre de nouveaux arrivants sur le territoire. Ainsi, la part des actifs ayant leur emploi sur l’aire urbaine de Bordeaux est supérieure à 40% pour tout le sud du Médoc.

Figure 9 : Part des actifs des communes travaillant au sein de l’aire urbaine de

Bordeaux

Source : Pays Médoc

Ce faible niveau d’emploi se traduit par une faible richesse sur le territoire : la

moyenne de la taxe professionnelle en Médoc (689 euros/habitant) est inférieure de

33% à la moyenne de la Gironde hors CUB.

~ Un chômage relativement élevé ~

Le taux de chômage en Médoc est toujours supérieur à la moyenne

départementale voire régionale. Il varie globalement avec les tendances nationales.

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Au dernier trimestre 2008, le taux de chômage était de 9,9% en Médoc3 contre 7,7% en Aquitaine.

Figure 10 : Demandeurs d’emploi en fin de mois (DEFM) selon le sexe et l’âge Source : INSEE

Figure 11 : Evolution du taux de chômage trimestriel - Zone de comparaison : Aquitaine Source : INSEE

~ La structure de l’emploi du territoire n’est pas uniforme ~

A l’échelle du Médoc, l’agriculture représente à peu près le quart de l’emploi, soit 4 400 emplois dont 3 600 salariés CDI et 12 000 saisonniers (63% des emplois salariés dans l’agriculture sont donc saisonniers ou intermittents). Les secteurs secondaire et tertiaire représentent quant à eux 50% de l’emploi, le dernier quart étant représenté par les emplois de la fonction publique. Environ 20% des emplois

3 Zone d’emploi Bordeaux-Médoc, qui correspond au périmètre du Pays Médoc, sans les villes de Ludon, Le Pian et Macau.

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sont issus du BTP, de l’industrie et de l’artisanat de production, 15% du commerce4, et 15% des services5.

Les entreprises sont présentes de manière équilibrée sur l’ensemble du territoire, mais la répartition en secteur d’activité n’est pas uniforme. Ainsi, sur la CDC de la Pointe du Médoc, 52% des emplois sont dans le secteur des services, 25% dans le commerce et 23% dans l’industrie ; mais sur la CDC Médullienne, l’industrie compte 59% de l’emploi, le commerce 20% et les services 21%.

L’analyse de la structure de l’emploi fait donc apparaître une corrélation entre

le niveau de précarité et la nature des emplois offerts. Ainsi, dans la zone nord du Médoc, de nombreuses personnes travaillent en tant que saisonniers, soit dans la viticulture soit dans le tourisme (ou bien les deux). La saisonnalité de l’emploi est parfois un mode de vie, conforté par le travail au noir et le RMI.

~ Peu d’actifs formés ~

En Médoc, 40,4% des actifs ne possèdent pas de diplôme. L’offre de formation sur le territoire est faible. Les problématiques de l’éloignement et du logement constituent des freins pour suivre des formations sur Bordeaux, mais aussi les jeunes favorisent souvent des études courtes afin de rester près de chez eux. On note aussi la difficulté pour trouver des entreprises d’accueil pour les formations en apprentissage.

Toutes ces fragilités sont exacerbées par l’insuffisante présence et

organisation des structures d’insertion sur le territoire.

2. Les orientations à prendre

~ Développer des activités créatrices d’emplois non saisonniers ~

Il apparaît nécessaire d’encourager l’implantation d’activités créatrices

d’emplois pérennes, et ce pour pallier à trois faiblesses : - fournir des emplois aux nouveaux arrivants ; - faire que la précarité ne soit plus un « mode de vie » ; - créer de la ressource pour les collectivités publiques, afin qu’elles puissent

financer des services et équipements.

~ Augmenter l’offre de formation ~

Cette nécessité a été perçue par les acteurs du territoire et plusieurs projets sont en cours. Il y a ainsi sur la CDC Cœur de Médoc le projet d’acheter un bâtiment qui deviendrait un pôle de formation de proximité. Les formations à implanter

doivent correspondre aux secteurs économiques qui ont le plus gros potentiel sur le territoire (nous le verrons en troisième partie) : le médical et paramédical, le BTP, 4 Commerce de gros, entreprises multi rayons, commerce alimentaire et commerce non alimentaire. 5 Cafés – hôtels – restaurants, activités financières immobilières, services à caractère personnel, autres services à caractère commercial.

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les énergies nouvelles, les matériaux composites, le tourisme, les nouvelles technologies de l’information et de la communication. De plus, il faudrait recenser toutes les entreprises dont les gestionnaires partiront en retraite dans les prochaines années et qui risquent de ne pas trouver de repreneurs : des formations à la reprise d’entreprise pourraient donc être également pertinentes.

~ Revaloriser certains métiers ~

Enfin, certains métiers à fort potentiel souffrent d’un désintérêt de la part des jeunes, en particulier le BTP et le travail de la vigne, et mériteraient d’être revalorisés. En effet, en Médoc, « finir à la vigne » revient presque à avoir raté sa vie professionnelle. Or, il paraît paradoxal de constater des taux de chômage élevés et de voir certains exploitants devoir faire appel à de la main d’œuvre étrangère pour effectuer certaines tâches. Les travaux de la vigne étant effectivement particulièrement durs physiquement, la revalorisation devrait passer par un effort de la part des châteaux afin de réorganiser le travail et réduire sa pénibilité. La limite à cela est bien sûr que l’amélioration des conditions de travail a un coût que tous les exploitants viticoles ne sont pas forcément aptes à supporter. Subventionner les emplois viticoles plutôt que les allocations chômage serait peut-être une solution à étudier.

C. Le logement : une offre à adapter

La construction de logements a augmenté rapidement ces dernières années.

Bien qu’en Médoc le coût du foncier soit inférieur à celui de la CUB ou du Bassin d’Arcachon, la forte augmentation des constructions individuelles et des surfaces consommées fait pression sur ce coût, d’autant plus qu’une part importante des constructions est destinée aux résidences secondaires. Par ailleurs, le foncier disponible est limité, compte tenu des zones humides non constructibles, de la forêt de production, des exploitations viticoles et des zones inondables. Ainsi, si le rythme actuel de constructions nouvelles persiste, il n’y aura peut-être plus de logement disponible dans moins de trois à cinq ans. La solution se trouve en partie dans la réhabilitation des nombreux logements vacants que l’on trouve en Médoc, mais leur remise sur le marché demandera un investissement important car la grande majorité d’entre eux est en mauvais état.

Par ailleurs, l’offre en terme de logements locatifs est inadaptée. Notons qu’en

2005, le Médoc comptait 19% de locataires privés et 4% de locataires publics seulement. Ces dernières années ont été marquées par un nombre important de constructions de type « Robien » ou « Besson », incompatibles avec les ressources des ménages (7 à 8 euros/m²). Or, en Médoc, 70% des ménages sont éligibles au plafond

de revenus du parc HLM ou du parc privé conventionné. Il est donc nécessaire de relancer la production de logements sociaux.

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Cependant, d’après une étude menée sur les politiques locales de l’habitat en Médoc, les élus politiques sont peu sensibilisés à cette question : « Ils ont longtemps été

hostiles au développement de la population médocaine de peur d’accueillir tous les ménages

fragiles de la CUB ». Aujourd’hui, en nord Médoc particulièrement, qui connaît une précarité marquée, le logement social est mal perçu au nom de la mixité sociale. Ce déficit d’offre adaptée a favorisé les affaires des « marchands de sommeil » : on estime ainsi à 12% la part du logement locatif privé potentiellement insalubre. Les secteurs de Pauillac et Lesparre sont particulièrement touchés par cette question des logements indignes. Notons que les logements indignes concernent également les propriétaires occupants.

En outre, il n’existe pas en Médoc de structures d’accueil ou d’hébergement

d’urgence pour les sans-abri. Pour le moment, le plan d’action renforcé en direction des sans-abri de la Gironde prévoit de créer 42 places sur la CDC Centre Médoc.

Enfin, le schéma ci-dessous indique les stratégies adoptées par le Pays Médoc

pour les problématiques de logement :

Figure 12 : Les stratégies proposées par le Pays Médoc

Source : Pays Médoc

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D. Une offre de services à renforcer Jeunes en difficulté, personnes âgées, chômeurs de longue durée… sont autant de personnes que les services publics ont pour mission de prendre en charge.

Le nord et le sud du Médoc sont encore inégaux face à l’offre de services de

santé. La zone Sud trouve des réponses sur place ou bien à proximité, au sein de l’agglomération bordelaise. Le nord est dépendant de cette dernière. Face à cela, les communautés de communes ont décidé d’ouvrir des maisons de santé pluridisciplinaires.

Selon une étude sur l’offre de services de santé menée par le Pays Médoc, en

l’absence de réponses organisées et stratégiques, deux secteurs médicaux poseront des difficultés à l’avenir. D’une part, au regard de ce qui a été dit sur le vieillissement de la population et la présence de nombreux retraités, il faudra faire face à des besoins conséquents en terme de soins gériatriques (soins de suite et réadaptation, maintien à domicile…). D’autre part, ce sont les soins psychologiques et

psychiatriques qui devront faire l’objet d’une offre plus dense. Il serait également nécessaire de remettre en place les visites médicales à l’école :

elles étaient un bon moyen de détecter tôt les problématiques sanitaires. Par ailleurs, la polyclinique de Lesparre souffre d’une mauvaise image et ainsi

d’une certaine désaffection de la part des Médocains, dont beaucoup préfèrent aller se faire soigner à Bordeaux. Pourtant, rien ne justifie vraiment ce manque de confiance. Il semble donc indispensable d’attirer sur place médecins, spécialistes et

chirurgiens, et faire en sorte que les médecins libéraux valorisent mieux cette clinique. Notons qu’avec le plan Hôpitaux 2012, la clinique mutualiste va bénéficier d’un crédit de six millions d’euros, avec lesquels sont prévues des créations de lits. Il est enfin à souligner que l’organisation des services de secours pose problème, du fait de la lenteur de ses interventions.

E. Un déficit d’offre culturelle sur le territoire.

Le Médoc bénéficie d’une offre culturelle relativement réduite (seulement deux cinémas à l’année et trois centres culturels), et en plus mal répartie. La Pointe du Médoc est ainsi quasiment dépourvue de ce type d’offre.

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Figure 13 : Cinémas, musique, bibliothèques et équipements culturels Source : Pays Médoc

Par ailleurs, il est nécessaire de rééquilibrer les zones d’accès au Haut Débit.

C’est la mission que devrait accomplir Gironde Numérique.

Conclusion : la finalité du projet de développement soutenable pour le Médoc

� Des emplois locaux et stables pour tous � Une offre de logement adaptée à la demande � Une santé correctement prise en charge pour tous, � Une offre de divertissements attractifs et équitablement répartie sur le

territoire … … tels sont les principaux besoins de la population médocaine et les objectifs à

viser pour la presqu’île dans le cadre d’un projet de développement soutenable.

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II. Un environnement préservé mais fragile :

faire face aux contraintes géographiques. En Médoc, la nature est dite sauvage et préservée, mais cette impression cache le fait que tout espace en Médoc est le fruit de l’intervention de l’homme. Les conditions proprement naturelles du Médoc, notamment du fait de l’omniprésence de l’eau, ne lui ont pas laissé le choix. Ainsi, sur la presqu’île, on ne commence pas un projet sans avoir pris au préalable la contrainte environnementale. Les principales contraintes qui pèsent sur l’environnement en Médoc sont, nous le verrons, les impacts de l’activité touristique, la pollution agricole, la gestion quantitative de l’eau et, globalement, les risques probablement liés au changement climatique. ___________________________________________________________

A. Un milieu naturel exceptionnel mais fragile

Les zones humides, la diversité géographique et la biodiversité font la richesse naturelle du Médoc. La prise de conscience de l’importance de leur gestion est réelle mais l’action l’est parfois moins.

1. Une biodiversité remarquable qui fait l’objet de mesures de protection

environnementale abondantes

La richesse patrimoniale floristique et faunistique et ses milieux font l’objet d’inventaires et/ou de protection.

a) Des inventaires : les bases d’une politique de protection

A la suite des directives européennes « Oiseaux » (1979) et « Habitats» (1992), le ministère français de l’Environnement a mis en place des inventaires scientifiques : les ZNIEFF (Zones Naturelles d’Intérêt Ecologiques Faunistiques et Floristiques) et les ZICO (Zones d’Importance pour la Conservation des Oiseaux). Ce sont des outils d’identification et de connaissance scientifique, qui ne sont pas des mesures de protection réglementaire et qui n’ont pas de portée juridique.

Les ZNIEFF constituent le principal inventaire national du patrimoine

naturel. La démarche consiste à identifier et à décrire des secteurs présentant de fortes capacités biologiques et un bon état de conservation. On distingue les ZNIEFF de type 1, qui caractérisent les zones de superficie limitée les plus riches et les plus sensibles et qui présentent un intérêt biologique et écologique remarquable, et les

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ZNIEFF de type 2 qui correspondent à de grands ensembles naturels aux potentialités biologiques importantes. En Médoc, les ZNIEFF 1 couvrent plus de 10 000 ha. On trouve ainsi classés les marais de la Perge et du Gua, les marais de Lespaut, le réservoir à poissons du Verdon, la Pointe à Oiseaux, l’Etang de la Barreyre, les dunes boisées de la Pointe de Grave, les plateaux rocheux du phare de Cordouan, les marais du Logit, les marais de Palu de Molua, l’étang de Cousseau et les marais de Talaris et de Montaut, le palu de By, le marais de Lafite et Beychevelle6… Les ZNIEFF 2 concernent un peu plus de 90 000 ha. Elles concernent les vasières, les roselières, les jonçaies de la rive gauche de l’estuaire, l’ensemble des marais du bas Médoc, des dunes littorales du Verdon au Porge et des marais d’arrière-dune du littoral atlantique.

Les ZNIEFF Les ZPS

Figure 14 - Source : Site de l’INPN

La directive « Oiseaux », qui a pour objectif la conservation à long terme des

espèces d’oiseaux sauvages de l’Union européenne, est à l’origine de la définition de Zones de Protection Spéciales (ZPS). Il y ainsi en Médoc la ZPS de l’Etang de

Cousseau (qui est d’ailleurs classée en réserve naturelle) et la ZPS des zones

humides du nord-ouest médocain.

Les ZICO, qui recensent les sites d’intérêt majeur hébergeant des effectifs

d’oiseaux sauvages jugés d’importance communautaire, sont l’outil français pour décliner les objectifs de la directive « Oiseaux » (elles s’inscrivent dans le même cadre que les ZPS qui sont, elles, définies au niveau européen). On recense cinq ZICO en Médoc : 6 La liste exhaustive se trouve sur le site de l’Inventaire National du Patrimoine Naturel (INPN).

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• La ZICO des marais du nord Médoc (22 250 ha), valorisée pour son estuaire, ses vasières, ses marais d’eau douce et d’eau saumâtre, ses prairies humides, ses cultures avec bocages, ses vignes et zones de friche et pour ses espèces classées en nidification (la Cigogne blanche, le Milan noir, le Bussard cendré, l’Echasse blanche, le Martin-pêcheur, la Pipit rousseline, la Pie-grièche à tête rousse) et ses espèces classées en hivernage (la Grande Aigrette, le Tadorne de Belon et l’Avocette).

• La ZICO de la Pointe de Grave, valorisée pour sa forêt mixte, ses dunes boisées et ses dépressions d’arrière-dune.

• La ZICO de l’estuaire de la Gironde, valorisée pour ses nombreux oiseaux nicheurs.

• La ZICO de la côte médocaine, valorisée pour ses dunes boisées et dépressions humides.

• La ZICO des marais de Blanquefort. Ces inventaires sont, d’une part, la base de la mise en œuvre de mesures

réglementaires de protection et, d’autre part, ils peuvent être soumis au Code de l’Urbanisme et être pris en compte par la Loi Littoral. Cependant, ils sont souvent

vécus comme des contraintes et semblent souvent refusés ou contournés par les

élus.

b) Le réseau Natura 2000

Le réseau Natura 2000, issu d’une directive européenne, assure le recensement et la délimitation de sites d’intérêt communautaire pouvant bénéficier de mesures particulières pour contribuer au maintien, à la protection et à la gestion d’habitats

naturels. Les sites appartenant au réseau Natura 2000 le sont soit au titre de ZPS (voir ci-dessus) soit au titre de Sites (ou proposition de sites) d’Importance Communautaire (SIC ou pSIC). Les sites classés dans le réseau Natura 2000 peuvent entraîner un gel foncier qui s’accompagne de compensations financières et d’indemnisations. Les terrains ne sont alors pas urbanisables mais les activités telles que l’écotourisme, l’agritourisme et les formes d’agriculture extensive sont autorisées.

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Figure 15 : Les Sites d’Importance Communautaire

Source : Site de l’INPN

Les zones Natura 2000 sont un outil intéressant dans la mesure où ils

permettent un aménagement concerté. Cependant, les premières tentatives de délimitation de sites ont échoué, faute de compréhension entre les porteurs du projet et les Médocains, les chasseurs en particulier. Aujourd’hui, les rares zones Natura 2000 sont une réussite (le marais de Soussans par exemple).

c) Les mesures de protection réglementaires et foncières

Les véritables mesures de protection sont en réalité en nombre plus limité.

Elles sont mises en œuvre sur les zones les plus menacées voire soumises à des risques irréversibles.

Les « sites inscrits » et les « sites classés » consistent en des mesures

spécifiques de protection du patrimoine naturel. Les sites inscrits relèvent d’arrêtés ministériels, tandis que les sites classés sont instaurés par décrets au Conseil d’Etat. Même si une partie importante du littoral océanique est soumise à ces niveaux de protection, ces sites sont globalement peu nombreux.

L’acquisition foncière est un autre moyen de protection. Cette politique a été

impulsée par le Conservatoire du Littoral et des Rivages Lacustres en partenariat avec le Conseil Général, qui en devient le gestionnaire. Le Conservatoire du Littoral a ainsi acquis les sites de l’Amélie, des dunes de Grave, de la dune de Vensac, des mattes de Paladon, de l’étang de Cousseau, de Sainte Hélène (à Carcans) et de Vire-Vieille (Lacanau). Les propriétés sont inaliénables et les terrains inconstructibles.

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Ce sont des espaces mis en valeur et ouverts au public. De plus, le Conseil Général dispose de Zones de Préemption des Espaces Naturels Sensibles (ZPENS) qu’elle gère et ouvre au public. L’Etat est par ailleurs propriétaire et gestionnaire du domaine dunaire côtier et de la forêt attenante.

Enfin, la loi Littoral protège ses Espaces Naturels Remarquables (ENR). Cette

loi d’aménagement et d’urbanisme, qui s’applique aux communes riveraines des océans, mers, étangs salés et plans d’eau naturels de plus de 1000 hectares, délimite des espaces remarquables où toute forme de construction est interdite. Le choix de ces espaces est basé sur les inventaires que nous avons évoqués plus haut.

2. La gestion des zones humides : un enjeu écologique et économique

En Médoc, les zones humides occupent 10% de la superficie du territoire,

soit 18 000 hectares. On distingue les palus des mattes : les palus sont les marais intérieurs les plus anciennement aménagés, tandis que les mattes sont les basses terres estuariennes humides aménagées. Elles sont essentiellement situées au nord, sous la forme de marais maritimes et d’anciens marais salants. Il y a deux successions de zones humides : le long du fleuve et le long du cordon dunaire (lacs et étangs), qui sont reliées par un réseau de jalles7, de crastes et de fossés.

Les zones humides remplissent des fonctions économiques, à travers leur rôle

dans l’aménagement de l’espace rural (Genovesio, 2006), mais aussi parce qu’elles sont un support possible d’activités pédagogiques, récréatives et touristiques. L’association Curuma valorise bien ces diverses fonctions, en contribuant à développer l’aquaculture, et en organisant des découvertes pédagogiques des marais sur la Pointe du Médoc.

Mais les zones humides remplissent surtout des fonctions écologiques

cruciales. Elles sont tout d’abord caractérisées par une grande diversité floristique

et faunistique, elles sont des espaces de biodiversité particulièrement recherchés par les oiseaux migrateurs. Elles servent de zones tampons face à des pollutions diffuses et notamment de filtre pour les nappes phréatiques artificielles. Elles sont aussi au

cœur de l’équilibre hydraulique du territoire. Ainsi, elles sont à la fois des zones d’expansion des crues, des bassins de rétention et des réceptacles des eaux des bassins versants. Elles jouent donc un rôle dans la régulation des niveaux d’eau et

des débits qu’il est indispensable de contrôler pour prévenir les inondations.

Après les avoir aménagées (XVIIe, XVIIIe siècles), les hommes ont mis en place des cultures céréalières (seigle, orge, maïs).Jusque dans les années 1950, ces zones étaient occupées par des activités agricoles qui permettaient des les entretenir et

7 Terme gascon signifiant « cours d’eau ».

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d’assurer les systèmes de drainage. Depuis, la déprise agricole et l’intensification

des pratiques les a fragilisées et appauvries. Faute d’entretien, la fonction hydraulique des zones humides est moins bien assurée : les crastes et réseaux de drainage sont envahis par la végétation, voire envasés, ce qui est un frein à l’écoulement des eaux et favorise donc leur stagnation et l’inondation des basses terres intérieures. Compte tenu des fonctions écologiques de ces zones humides, la gestion et l’entretien des digues et des systèmes de drainage doit faire l’objet d’une gestion concertée.

Notons toutefois que leur pérennité est en partie assurée par les activités

traditionnelles qui persistent sur ces milieux, en l’occurrence la chasse. La fédération départementale des chasseurs de la Gironde, en publiant un document intitulé « Le Médoc des zones humides » a su démontrer les bienfaits de leur mode de gestion empirique et non planifiée dans la préservation des zones humides et de la biodiversité. Ainsi, les chasseurs sont aujourd’hui propriétaires du tiers des zones humides.

B. L’eau et la forêt : des ressources naturelles à gérer

1. L’eau omniprésente

L’eau est l’élément le plus abondant en Médoc : elle structure le territoire et a aussi façonné les pratiques des hommes. Conditionnant le développement de la presqu’île, elle doit être gérée comme une contrainte.

Le Médoc est concerné par le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) du bassin Adour – Garonne. Ce document fixe les orientations générales d’une gestion équilibrée de la ressource en eau. Il est décliné au niveau local par un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SAGE) qui fixe des objectifs de mise en valeur qualitative et quantitative des ressources en eau et des écosystèmes aquatiques, des objectifs d’utilisation et de protection, en évaluant les moyens financiers nécessaires à la mise en œuvre de ces objectifs. Ces documents ont un caractère juridique et sont à prendre en compte dans les décisions publiques, notamment en terme d’urbanisme et d’aménagement du territoire. Le Médoc est concerné par trois SAGEs : les Lacs Médocains, l’Estuaire et milieux associés, les nappes profondes.

a) L’eau des zones humides et lacustres Un SAGE a été réalisé par le SIAEBVELG (Syndicat Intercommunal

d'Aménagement des Eaux du Bassin Versant des Etangs du Littoral Girondin) pour les Lacs Médocains et approuvé en octobre 2007. Son diagnostic révèle une bonne qualité générale du bassin versant et l’absence de pollution majeure, mais cet espace

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est fragilisé par une forte fréquentation touristique (activités mal gérées du nautisme et de certains loisirs) et par la présence d’une agriculture intensive en amont du bassin versant du Lac de Carcans - Hourtin. Ainsi, plusieurs points noirs sont à soulever : • Une eutrophisation8 avancée des lacs : les lacs médocains sont définis comme des "eaux résiduaires urbaines", donc des zones sensibles à l'eutrophisation. Ce phénomène est lié à la présence de phosphore qui favorise le développement du phytoplancton, des cyanobactéries et des plantes invasives. L’azote est aussi présent dans les sédiments et contribue à cette dégradation. • La disparition de zones humides suite à la création de réseaux de drainage et de canaux de jonctions et la régression de certaines zones humides non entretenues ou déconnectées du réseau hydraulique. • Une forte présence d'espèces végétales (Jussie, Lagarosiphon et Egeria) et animales (écrevisse rouge de Louisiane, tortue de Floride, Perche Soleil, poisson chat et silure) invasives • Des prélèvements excessifs de civelles à l’aval du Canal du Porge. • Un étiage9 sévère du Canal du Porge (dans sa partie aval). • Un approfondissement des crastes. • Un ensablement de l’exutoire du canal de Porge-Lège.

Un Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux, porté par le SMIDDEST, est en cours d’élaboration pour l’Estuaire de la Gironde et les milieux associés, à savoir l’estran et les vasières, les lagunes, les marais estuariens et les cours d’eau affluant à l’estuaire. Son diagnostic insiste notamment sur la gestion des zones humides, dont nous avons explicité les enjeux plus haut.

b) Les nappes profondes et l’eau potable

En Médoc, l’eau potable provient de la nappe profonde de l’Eocène, dont les réserves sont considérables. Cependant, depuis plusieurs dizaines d’années, les

prélèvements sont supérieurs à la capacité de renouvellement de cette nappe. On observe une surconsommation d’eau à cause d’activités industrielles et agricoles (la maïsiculture est très consommatrice en eau) à partir notamment de puits illégaux (Debailleul, 2000). Si un tel rythme de prélèvement est maintenu, des risques

d’intrusion d’eaux saumâtres salées sont à prévoir (Genovesio, 2006). En effet, la perte de volume dans les nappes se trouve compensée par une intrusion d’eau saline depuis l’estuaire. Mais d’un autre côté, il faut maintenir un certain rythme de pompage sur cette nappe : sinon, le risque est que les eaux se voient contaminées par aspiration du domaine minéralisé vers les secteurs sains. C’est donc la pérennité de la ressource en eau potable qui serait menacée. La question se pose donc de savoir

8 Apport exagéré de substances nutritives qui augmente la production d’algues et de plantes aquatiques provocant la modification et la dégradation du milieu aquatique. 9 Débit d’eau exceptionnellement faible.

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s’il ne faudrait pas faire le choix de consacrer l’utilisation de cette réserve aquifère

aux besoins domestiques.

Par ailleurs, certains réseaux d’eau potable apparaissent sous-dimensionnés au regard de la population présente sur le territoire en période estivale, qui se multiplie alors par 10 ou par 30. Les communes sont obligées d’utiliser des forages supplémentaires. Les surconsommations touristiques menacent ainsi les

ressources en eau pour les années à venir. De plus, cette surexploitation de l’eau dégrade sa qualité, et ce pour plusieurs raisons :

- du fait de la profondeur actuelle d’exploitation de la nappe, c’est la tranche la plus minéralisée qui est en train d’être pompée. Ainsi, même après décantation et filtrage, l’eau est parfois impropre à la consommation ;

- l’absence d’entretien et la non-utilisation de certains réseaux de distribution hors saison touristique favorisent la décantation des eaux dans les canalisations et le foisonnement des bactéries.

2. Une forêt multifonctionnelle

Originellement, le Médoc est peu boisé, sa forêt est présente aux alentours des cours d’eau, elle est mixte et dominée par les feuillus. Aujourd’hui, la forêt couvre environ 55% du territoire du Médoc. Le massif est partagé entre forêt privée à 70% et forêt publique à 30% environ. C’est un espace de production caractérisé par la monoculture du pin. La forêt de pin maritime couvre 135 000 hectares, soit 87 % du massif.

Figure 16 : Les types forestiers en Médoc

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L’inventaire forestier national compte quatre régions forestières : le Plateau landais 1, le Plateau landais 2, les Dunes littorales et les Vallées et Coteaux viticoles. Sur les rivages des lacs, et le long des cours d’eau, les feuillus sont présents, des chênes pour l’essentiel.

Outre l’aspect ressource, cette forêt joue un rôle important de protection

contre l’avancée des dunes (les fonctions écologiques de la forêt sont plus amplement décrites au II-B-1-a).

Mais cette forêt multifonctionnelle subit de fortes pressions touristiques. En

périphérie des bourgs et des stations balnéaires, la forêt recule face à l’étalement urbain. Près de l’océan, elle est aussi le lieu d’implantation de résidences secondaires. La proximité des routes, des parkings ou encore des campings dégrade l’écologie du massif forestier. L’impact est d’autant plus sévère que les sentiers et les stationnements sont sauvages (Genovesio, 2006) : dégradation de la végétation au sol, mutilation des arbres, piétinement des jeunes pouces... La pression touristique accroît également le risque d’incendie (voir ci-après). Au total, le massif forestier est

fragilisé par sa sur-fréquentation et apparaît comme inapte à succomber au

tourisme de masse.

C. Un territoire peu pollué, mais une vigilance à conserver

1. La qualité de l’eau

~ Eaux de baignade ~

Hormis les catastrophes exceptionnelles de l’Erika (1999) et du Prestige (2003), les eaux de baignade sont globalement conformes aux seuils de qualité. La principale atteinte à leur qualité réside dans les problèmes d’assainissement qui apparaissent avec la fréquentation touristique et le surconsommation d’eau induite. En effet, les

stations d’épuration sont sous-dimensionnées par rapport au volume à traiter en période estivale. La saturation se traduit alors par des rejets d’eau polluée (nitrate, potassium) dans le milieu naturel. De plus, certains quartiers ou campings ne sont pas reliés au réseau d’assainissement.

Dans les lacs, on relève une pollution liée au désherbage chimique et à la

présence d’hydrocarbures liée notamment aux activités nautiques.

~ Les nappes superficielles ~

Les nappes superficielles sont vulnérables aux pollutions d’origines

domestique et agricole, en l’occurrence aux nitrates, phosphates et pesticides. Cette pollution peut se transmettre aux nappes plus profondes. Les rejets d’effluents de vinification, les décharges sauvages, le trempage et le traitement du bois, les dispositifs d’épuration défaillants ou obsolètes constituent les principales sources de pollution des nappes superficielles.

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~ L’estuaire et les milieux associés ~

L’estuaire de la Gironde est réputé être l’estuaire le moins pollué d’Europe. Pour autant, il y a une pollution importante qui vient de l’amont, des deux bassins versants que sont la Garonne et la Dordogne. Il est ainsi le réceptacle de polluants émanant de centrales nucléaires, des activités viticoles, des cultures intensives, des activités minières, urbaines et touristiques. On relève plus particulièrement la

présence de cadmium issu des terrils de Decazeville, un métal lourd, sous-produit

du zinc, dont les effets sur la santé humaine sont reconnus. A cela s’ajoute la constante augmentation de la température des eaux de l’estuaire.

En Médoc, les industries agroalimentaires, soit majoritairement la

viticulture, représentent 98% des pollutions organiques. En effet, les effluents vinicoles sont 10 fois plus chargés que les effluents urbains. En raison du coût des équipements, la part des effluents traités est proportionnelle à la taille des exploitations : les effluents des petites exploitations sont souvent versés directement dans les fossés.

Les données de l’Agence de l’Eau Adour Garonne montrent également des apports notables de substances toxiques, notamment de métaux, en aval de

Bordeaux, liés au développement du tissu industriel et artisanal. Les industries mécaniques et de traitement de surface sont responsables de 57% des rejets de matières inhibitrices et de métaux lourds ; les industries de commerce et services, chimie et parachimie, et les industries du bois et du papier représentent également des pressions non négligeables.

2. La qualité de l’air

L’air est globalement peu pollué. On observe toutefois quelques pics d’oxyde

d’azote, de benzène et d’ozone en période estivale. Sa qualité pourrait être améliorée par une meilleure maîtrise des déplacements et de l’étalement urbain. Par ailleurs, on trouve dans l’air des molécules de produits phytosanitaires, en particulier en période d’épandage. Ces produits, issus de la viticulture, sylviculture ou agriculture, sont transportés vers les milieux urbains les plus proches par les masses d’air. Il serait ainsi nécessaire d’améliorer les connaissances sur la

dispersion de ces produits dans l’air et ainsi que leurs effets sur les écosystèmes et l’homme.

3. Les déchets en période de haute saison touristique

Sur le territoire géré par le SMICOTOM (Syndicat Médocain Intercommunal pour la Collecte et le Traitement des Ordures Ménagères, qui possède des compétences en matière de collecte et de traitement) et sur le littoral en particulier, le

tourisme a un lourd impact sur la gestion des déchets. Les plages subissent d’abord

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un échouage massif de macro-déchets (divers plastiques, polyéthylènes, thermodurcissables, verre…). Six tonnes de déchets s’échoueraient par kilomètre de

côte chaque année. Ces déchets dégradent la qualité paysagère des stations qui est la base leur attractivité. Par ailleurs, il n’existe pas d’entente intercommunale pour leur ramassage et pas de filière adaptée pour valoriser ces déchets.

De plus, l’activité touristique occasionne des masses importantes de déchets

ménagers. Bien que le territoire soit à caractère rural, les ratios sont relativement élevés (aux alentours de 780 kg/an /habitant). Notons que 49% des déchets traités par le SMICOTOM sont recyclés.

Enfin, les déchets des chantiers du bâtiment et des travaux publics

représentent des quantités élevées, dont le traitement ne relève pas des intercommunalités mais de ceux qui les produisent. Or, leur élimination est mal adaptée ou inexistante. Il serait utile que les élus médocains prévoient des réserves foncières pour mettre en place des structures de traitement de ces déchets.

D. Des risques naturels à maîtriser.

1. Le risque d’inondation

En Médoc, le risque d’inondation a été maîtrisé par la constitution de polders gérés par l’agriculture, mais aussi par l’implantation des pins maritimes. Aujourd’hui, trois facteurs sont susceptibles d’aggraver le risque d’inondation :

- le réchauffement climatique et la montée des eaux induite ; - le risque de multiplication des tempêtes : en abattant les arbres, le risque

d’inondation s’accroît car les pins jouent un rôle de régulation des niveaux d’eau ;

- le mauvais entretien des digues. Comme expliqué plus haut, le système

hydraulique du territoire n’a jamais été modifié depuis sa création et connaît des dysfonctionnements faute d’entretien. Les digues sont aussi érodées par le temps et les éléments naturels, voire par des ragondins pour certaines digues estuariennes. D’autres menacent ainsi de rupture prochaine, ce qui engendrerait l’inondation de la Pointe du Médoc (qui est donc à ce titre l’espace médocain le plus menacé par ce risque d’inondation). La gestion des digues incombe aujourd’hui à divers syndicats de gestion et autres structures anciennes, mais on relève une « incohérence dans l’action

concrète [qui] génère un défaut récurrent d’entretien des digues et des berges » (Genovesio, 2006). Il serait nécessaire de les réorganiser.

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Figure 17 : Communes exposées au risque d’inondation

Source : site de la Préfecture de la Gironde

Il existe des Plans de Prévention des Risques d’Inondation (PPRI) qui identifient les secteurs les plus à risque. Ils s’imposent aux documents d’urbanisme et déterminent les droits d’occupation des sols. Un point noir est à soulever dans la conception par l’Etat des PPRI : ces derniers ont été établis sans prendre en compte les effets des marées, du vent et de la houle qui déterminent les risques de crues. Par ailleurs, derrière ces plans se cache l’enjeu de la définition des zones d’expansion des crues : la politique foncière tend à sacrifier, à travers un gel foncier, des zones naturelles à proximité de l’estuaire pour devenir des zones privilégiées d’expansion des crues. Il est à noter que ces décisions peuvent être perçues comme imposées

par la place bordelaise, pour protéger celle-ci au détriment de certains espaces du

Médoc.

2. Maîtriser le risque d’incendie

Le Médoc, tout comme l’ensemble de la région Aquitaine, est classé en zone à

haut risque d’incendies de forêt par un règlement européen. Les enjeux liés au risque d’incendie concernent aussi bien la forêt de production elle-même que la population, les habitations, les campings, les industries et les réseaux.

Les pins maritimes sont effectivement des essences hautement inflammables, et le sont d’autant plus que les boisements sont jeunes. Mais plusieurs facteurs aggravent ce risque. En premier lieu, c’est l’urbanisation et l’ensemble des activités

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anthropiques, ainsi les occupations touristiques du territoire forestier, qui multiplient le risque de départ de feu. Près de 60% des incendies se localisent à proximité des lotissements. La maladresse ou la malveillance des touristes en période estivale en sont aussi la cause, additionné à une faible hygrométrie et à des températures élevées. En second lieu, le risque d’incendie est accru à la suite de

tempête. En effet, de nombreux chablis10 ne peuvent pas être dégagés et, une fois desséchés, ils amplifient la propagation des feux et ralentissent l’intervention des secours.

La carte ci-dessous indique les niveaux de risque identifiés pour les communes

du Médoc. Ils ont été calculés en fonction : - des aléas : probabilité d’éclosion (fonction de l’inflammabilité des sous-bois et

des activités anthropiques) et probabilité de propagation (fonction de la combustibilité des massifs) ;

- des enjeux de biens, de personnes et d’activité et des enjeux environnementaux et de patrimoine ;

- de la défendabilité (fonction de l’accessibilité depuis les centres de secours et de l’alimentation en eau).

Figure 18 : Risque de feu de forêt Gironde

Source : Atlas feu de forêt Gironde

3. Anticiper l’érosion marine et l’avancée dunaire : une question de choix

Comme tout le littoral aquitain, la côte médocaine subit l’érosion marine et le

recul de son trait de côte vers l’intérieur des terres. Les témoins de ce phénomène sont les blockhaus de la deuxième guerre mondiale, construits par l’armée allemande sur la dune bordière, qui se trouvent aujourd’hui complètement immergés en marée

10Arbres morts couchés.

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haute. Le recul du littoral aquitain apparaît comme un phénomène naturel, ancien, inéluctable : il « s’inscrit dans le contexte général de la remontée flandrienne qui débuta il y

a 18 000 ans » (Salomon, 1997). Il est lié à un déficit du bilan sédimentaire des plages et s’accompagne de l’élévation du niveau de la mer (Genovesio, 2006).

Les tempêtes et les installations au plus près du rivage ont aggravé le phénomène érosif. Aussi le phénomène s’accélère-t-il depuis quelques années. Le recul du trait de côte est de l’ampleur de 0,5 à 0,6 mètre en moyenne par an sur la côte médocaine, mais il touche plus la Pointe du Médoc, avec un taux annuel de recul de 1 à 2 mètres par an.

Ce phénomène n’est devenu un danger qu’à partir du moment où l’homme s’est installé sur le littoral. L’érosion marine menace, à moyen ou long terme, les infrastructures touristiques et les aménagements urbains situés à proximité du rivage. Le risque inhérent à l’érosion marine est donc la perte de l’outil touristique. Face à cela, trois comportements sont possibles : résister, en finançant des ouvrages de défense permettant de temporiser et de limiter l’impact du phénomène ; laisser-faire ou organiser un repli. Pendant un temps, les communes ont favorisé le choix de la résistance : plusieurs ouvrages de défense ont été réalisés de type enrochement, brises-lames (des casiers destinés à piéger les sables en transit), perrés (revêtement de pierres), épis. Mais ces aménagements sont très onéreux (en entretien et restauration), leur efficacité n’est qu’éphémère et ils altèrent l’hydrodynamique littorale et aggravent l’érosion marine en amont et en aval.

Pour les zones les plus urbanisées et touristiques, à plus grands enjeux économiques, la tendance est donc à l’utilisation de nouvelles techniques, plus douces, comme le rechargement artificiel des plages (ce qui, en corrigeant le déficit sédimentaire, enraye l’érosion à sa source). Pour le reste, les scientifiques et l’Observatoire de la côte aquitaine préconisent le repli organisé, à travers l’acquisition à l’amiable de biens situés en zone de risque imminent et la fixation de zones non constructibles.

Ce sont là des choix qui se trouvent entre les mains des décideurs politiques communaux. Mais l’enjeu s’inscrit dans une dimension globale et doit faire l’objet d’une politique territoriale. Ainsi, « le défi consiste à associer à la réflexion les potentialités

de l’arrière-pays » (Genovesio, 2006).

Parallèlement au recul du trait de côté, on observe une déstabilisation du

cordon dunaire vers l’intérieur des terres. Ce phénomène s’explique par les solidarités transversales naturelles qui lient la plage sous-marine, la plage et la dune. C’est donc une menace pour les infrastructures touristiques implantées à l’arrière de ces dunes.

Il est à noter que le secteur des Huttes connaît un rétrécissement rapide de son

cordon dunaire, ce qui constitue à plus ou moins long terme, si le cordon venait à se briser, un risque pour les marais du bas Médoc à l’arrière d’un envahissement par

la mer.

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4. Le risque de subsidence

Le risque de subsidence, aussi désigné sous les termes « retrait-gonflement des argiles », désigne des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation. Ce phénomène caractérise en particulier les sols d’assise argileuse ayant la propriété de changer de volume en fonction de leur capacité d’absorption : comme des éponges, ils se gonflent en s’humidifiant et se rétractent en période de sécheresse. Ce phénomène est accentué par la présence d’arbres, car les racines précipitent le mouvement. Les risques sont des dommages importants sur les constructions : fissures, affaissement de dallage, rupture de canalisations enterrées…

Avensan, Blanquefort, Eysines, Grayan-et-l’Hôpital, Listrac, Le Pian, Saint Seurin de Cadourne, Salaunes et Valeyrac sont les communes de la presqu’île concernées par ce risque.

E. Prendre le contrôle de l’étalement urbain

Comme il a été spécifié en introduction, l’étalement urbain est un enjeu de développement durable, ainsi d’aménagement du territoire. Voyons plus en détail les caractéristiques de ce phénomène. 1. Les dynamiques en cours

Tout d’abord, le tableau ci-dessous permet de mesurer l’influence de la CUB sur l’étalement urbain. Sur les CDC du sud Médoc, près de la moitié des nouvelles constructions sont issues de personnes vivant sur la CUB. Le chiffre est d’un tiers pour le Pays Médoc.

Figure 19 : Origine des permis de construire des résidences principales de particuliers

entre 1999 et 2006

Source : A’Urba

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Figure 20 : Impact du desserrement bordelais depuis 1999

Source : Pays Médoc

Par ailleurs, compte tenu de la diversité des espaces médocains, l’étalement urbain se manifeste de manière hétérogène (figure 20). Le sud Médoc, à savoir les communes de La Médulienne et les communes du sud de Médoc Estuaire, est fortement satellisé par l’agglomération de Bordeaux. En terme d’emploi, de consommation et de divertissement, ces villes « fonctionnent » avec l’agglomération. Jusqu’en 1999, le rythme de construction résidentielle était élevé (2,5% par an) sur la première couronne de l’agglomération bordelaise, au sud d’une ligne Saint Aubin – Arsac – Macau. Depuis, l’accélération observée, dans des proportions moindres (2% par an), se porte essentiellement sur la deuxième

couronne, au sud d’une ligne Saumos – Sainte Hélène – Castelnau - Avensan – Arcins, et sur la façade estuarienne. De Lacanau à Grayan-et-l’Hôpital, le développement résidentiel est principalement axé sur les résidences secondaires. Il s’agit donc d’un phénomène de balnéarisation. Hourtin, Grayan et Lacanau restent les villes les plus dynamiques, mais, après avoir été particulièrement intense entre 1982 et 1999 (3,5% par an), ce développement est en légère perte de vitesse depuis 1999. Lacanau est elle-même dans une situation encore plus particulière : du fait de sa proximité avec Bordeaux, le phénomène de balnéarisation est conjugué à un développement d’un bassin d’emploi, ce qui en fait une commune particulièrement attractive. Le nord Médoc, de Saint Estèphe au Verdon, avec une faible (voire négative) croissance démographique, ne connaît pas ce phénomène d’étalement urbain, bien

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que la construction résidentielle soit en légère hausse depuis 1999 à proximité des polarités existantes. Une toute autre dynamique s’opère en parallèle : l’extension de centres

urbains en Médoc. Ainsi, depuis 1999, le développement de la construction s’est intensifié à Lesparre (1,9% par an), Prignac (3,2%), Saint Laurent (2,04%) et Soulac-sur-Mer (2,05%). Il s’agit là de polarités économiques en progressive expansion. Le schéma ci-dessous illustre bien les dynamiques à l’œuvre sur le territoire médocain :

Figure 21 : Dynamiques à l’œuvre sur le territoire médocain

Source : A’Urba

Plusieurs éléments expliquent l’étalement urbain. Une des principales motivations des personnes est le coût élevé du logement urbain en centre ville, d’autant plus que la demande de logement y est forte. Par ailleurs, il y a le désir de vivre dans un cadre préservé, éloigné du stress et de la pollution de la ville, et à proximité de la campagne, avec en parallèle la possibilité de s’offrir un logement individuel avec jardin. Le phénomène est facilité par le développement des modes de transports qui permettent de faire le déplacement domicile – travail mais aussi vers les services spécifiques qu’offrent les centres villes.

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Comme nous l’avons spécifié en introduction, l’étalement urbain a un impact

écologique lourd. Au-delà de la dégradation du paysage, l’étalement urbain correspond à un mitage des sols, le sol étant une ressource non renouvelable et le mitage un phénomène quasi irréversible. L’artificialisation des sols nuit à l’infiltration des eaux de pluie et favorise le ruissellement, donc l’érosion des terres mitoyennes. L’eau de ruissellement est en plus polluée par diverses poussières, issues de métaux lourds notamment. L’eau reversée dans les cours d’eau dégrade alors les systèmes hydrologiques. En modifiant les caractéristiques du sol et de l’eau, l’étalement urbain perturbe les interactions entre les nappes phréatiques et la surface. Le sol tend également à perdre sa fonction de puit à carbone.

L’étalement urbain porte par ailleurs atteinte à la biodiversité. Une des explications réside dans le morcellement de l’habitat, qui constitue une barrière contre le flux des gènes entre les différentes populations d’une même espèce, et qui peut donc nuire à la diversité génétique.

L’étalement urbain a enfin un coût énergétique significatif. Ce coût est lié d’une part à l’accroissement des déplacements induit qui entraîne une hausse des émissions de CO² dans l’atmosphère. Notons ainsi que plus de 40 % des actifs du sud Médoc ont leur emploi sur l’aire urbaine bordelaise, ce qui équivaut à des migrations pendulaires longues et relativement denses. D’autre part, la consommation d’énergie augmente à cause de la plus grande difficulté à chauffer et à isoler des logements de faible densité. Il a ainsi été prouvé que moins un espace était dense en habitations, plus la consommation énergétique était importante.

2. Les stratégies de contrôle identifiées

Face aux effets néfastes de l’étalement urbain, l’Europe préconise de nouvelles

stratégies d’aménagement du territoire basées sur la densification urbaine. Il s’agit de concentrer les habitations autour des pôles existants, de réduire la taille moyenne des parcelles de logements et de faire en sorte que les bassins de vie offrent emplois, commerces, services et divertissements.

~ Maîtriser la périurbanisation autour de l’agglomération bordelaise ~

Le Médoc périurbain constitue un intermédiaire entre l’espace urbain bordelais et l’espace rural médocain. Il apparaît nécessaire de l’articuler au mieux entre ces deux espaces. Un document produit par la DDE en décembre 2006 donne des orientations à suivre : - urbaniser en continuité des tissus existants en privilégiant les secteurs desservis par les transports collectifs et ceux proches des polarités existantes ; - conforter et densifier les polarités existantes ; - préserver les coupures vertes existantes qui jouent un rôle dans la structuration et la lisibilité du secteur.

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~ Maîtriser l’urbanisation des stations balnéaires ~ L’enjeu est de préserver le paysage qui fait l’attrait des stations balnéaires.

L’A’Urba préconise de préserver la trame urbaine de ce secteur (les stations balnéaires, les stations lacustres et les bourgs historiques) et de conforter les coupures vertes naturelles entre ces différentes entités mais aussi entre les différentes communes. ~ En bordure d’estuaire ~

En bordure d’estuaire, l’A’Urba recommande de ne pas permettre l’amorce de nouvelles poches d’urbanisation mais plutôt de conforter les zones urbaines existantes et de maintenir les coupures naturelles entre les poches d’urbanisation existantes le long des routes historiques. Il s’agit de conserver le caractère rural des communes et de préserver la structure urbaine sous forme de chapelet. ~ Dans le secteur forestier ~ Dans le Médoc forestier, l’A’Urba préconise de greffer en priorité les nouvelles urbanisations sur les tissus existants et liés aux centres bourgs où se concentre l’offre commerciale et de services et de limiter ou interdire les constructions en hameaux isolés pour ne pas amorcer des urbanisations nouvelles. L’agence recommande enfin de protéger les lisières forestières pour créer un cadre pérenne à l’urbanisation.

F. Le Médoc face au changement climatique

La question du changement climatique et de ses impacts éventuels n’est pas une question abordée concrètement par les élus. Raison en est certainement à l’incertitude des connaissances des effets du changement climatique, et même de sa manifestation : en Médoc, en Aquitaine, en France, le changement climatique sera-t-il un réchauffement ou un refroidissement ? Un groupe de scientifiques défend l’idée qu’en Europe, le changement climatique sera un refroidissement climatique, conséquence de la disparition du Gulf Stream suite à la fonte des glaciers. Notre climat serait alors similaire à celui du Canada, situé à la même latitude.

Cependant, l’hypothèse privilégiée est celle d’un réchauffement. On considère et prévoit ainsi que les températures devraient augmenter de 0,3°C par décennie.

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1. Comment se manifeste ou risque de se manifester le changement climatique en

Médoc ?

a) Les impacts physiques

~ La montée des eaux ~

Selon les prévisions, le niveau océanique augmenterait de 2 à 3 mm par an dans le futur proche, soit une augmentation de 10 cm d’ici 2040. Sans que l’on soit certain de l’ampleur de la montée du niveau de l’océan, on connaît les risques induits :

- le risque de submersibilité des digues de protection, - l’augmentation du taux de salinité dans l’estuaire, - l’augmentation de la vulnérabilité des marais. L’enjeu est d’étudier la vulnérabilité de chaque marais, de réexaminer les plans de

gestion des ouvrages et de gestion des niveaux d’eau et d’anticiper l’évolution potentielle des phénomènes d’érosion ou de sédimentation pour les ouvrages de défense.

Quoi qu’il en soit la spécificité de la Pointe du Médoc, avec ses zones humides, fait que l’augmentation du niveau de l’océan renverrait ce territoire sous l’eau, comme plusieurs siècles auparavant. La carte ci-dessous préfigure les zones les plus vulnérables :

Figure 22 : Les zones à risque d’inondation sur l’estuaire de la Gironde

Source : Plan Climat Energie de la Gironde – Livre Vert

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~ Une biodiversité altérée ~

Au niveau de l’estuaire, le réchauffement climatique agit directement sur la température des eaux, et ainsi sur la biodiversité aquatique. On observe déjà la raréfaction ou la disparition de certaines espèces comme l’éperlan, la grande alose ou encore le saumon sauvage. On note également chez certains oiseaux une modification des périodes de migrations qui traduit des perturbations dans l’environnement.

~ L’accélération de l’érosion marine ~

Le réchauffement climatique est identifié comme un facteur aggravant du phénomène de recul du trait de côte et de l’avancée dunaire, d’autant plus s’il engendre une multiplication des tempêtes. b) Les impacts économiques

Il est possible que le réchauffement climatique altère les performances

économiques de la filière viticole. Les risques encourus sont expliqués plus loin (III-C-2)

Par ailleurs, l’attractivité touristique du Médoc risque fort d’être affectée. La montée des eaux et l’érosion marine engendrent une modification des paysages qui font l’attractivité et la renommée des stations balnéaires médocaines. De plus, l’augmentation de la fréquence des vagues de chaleur pourrait inciter les touristes allemands ou hollandais, particulièrement nombreux sur la Côte d’Argent, à changer de destination touristique. Sur l’agriculture en général, une tension risque d’apparaître entre des besoins

alimentaires accrus et la multiplication des mauvaises récoltes due à des conditions climatiques défavorables. 2. Quel rôle le Médoc peut-il jouer dans la lutte globale contre le changement

climatique ?

~ Limiter les émissions de gaz à effet de serre ~ Une première nécessité est de prendre le contrôle du phénomène d’étalement

urbain, dont nous avons décrit les conséquences environnementales plus haut. Les orientations à prendre sont donc certainement la densification urbaine, la réduction de la taille moyenne des terrains, l’augmentation de l’offre d’emploi sur le territoire pour éviter les mouvements pendulaires et le renforcement des polarités existantes pour la concentration de l’offre de services. ~ Développer les transports en commun ~

Il s’agit de trouver des alternatives à l’utilisation de la voiture particulière, dont on sait qu’elle est une des premières sources d’émission de gaz à effet de serre. Il serait donc nécessaire de renforcer le réseau de transports en commun. Par ailleurs,

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il faut gérer les modes de déplacement des touristes et revoir la pertinence des parkings au plus près de la plage et en sous-bois. Le développement d’un réseau de pistes cyclables serait à ce titre pertinent.

~ Exploiter le potentiel de la presqu’île en énergie renouvelable ~

Deux aspects caractérisent la consommation d’énergie sur le territoire médocain. D’une part, par rapport au caractère rural du Médoc, la consommation moyenne est relativement élevée, en incombe aux pics atteints en période estivale. D’autre part, le Médoc n’est pas énergétiquement indépendant, ce qui s’est avéré un sérieux handicap lors des dernières tempêtes (plusieurs jours, voire semaines, passés sans électricité). Face à cela, et dans le cadre des nouvelles orientations de la politique énergétique, le Médoc présente quatre atouts essentiels pour développer les

énergies renouvelables: l’eau, le vent, le soleil et la forêt.

La presqu’île a déjà fait l’objet de plusieurs projets de parcs éoliens. Plusieurs d’entre eux n’ont pas abouti, à cause notamment de réticences quant au bruit généré ou quant à l’aspect visuel, mais surtout de la part des chasseurs ou de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO) qui comparaient les pâles à des « hachoirs à oiseaux ». Mais, le potentiel du Médoc en énergie éolienne intéresse aujourd’hui plus qu’il y a quelques années car les technologies sont plus adaptées aux spécificités de la côte

aquitaine, qui, globalement, n’a pas un gisement aussi intéressant que les autres régions (moindre constance du vent). Certains projets sont donc déjà bien avancés, comme à Naujac-sur-Mer où un le projet d’un parc de 8 éoliennes a déjà été approuvé par 80% de la population naujacaise. Par ailleurs, selon l’ADEME Aquitaine, une surface horizontale en Gironde présente un potentiel énergétique de 1329 kWh/m²/an. C’est un potentiel à exploiter à travers la mise en place de panneaux photovoltaïques, sur des zones consacrées à cet effet ou bien sur les toits des habitations ou des bâtiments publics. Il y a à Naujac-sur-Mer un projet de parc photovoltaïque sur un massif forestier communal de 800 ha. La commune s’est engagée à reboiser les 100 hectares de forêt qui seraient détruits. Ce parc créerait une trentaine d’emplois, pas hautement qualifiés, et génèrerait des retombées fiscales à hauteur de 210 000 euros à l’année pour la location du terrain. De plus, le Médoc présente un gros potentiel pour développer l’énergie issue de la biomasse : elle a du bois, des déchets et sous-produits agricoles, des déchets issus de l’industrie de la transformation du bois, des déchets industriels et ménagers dont une partie est biodégradable. Toutefois, actuellement, le bois lui-même est déjà consacré à l’industrie et au bois d’œuvre ; la biomasse est donc soit un débouché nouveau pour la sylviculture, soit une concurrence dangereuse pour l’industrie du bois. Les déchets issus de l’industrie du bois sont par contre une ressource sûre pour la biomasse. Ainsi, une chaufferie bois existe à la polyclinique de Lesparre et des projets de développement de ce type d’énergie sont en cours d’étude à Naujac et Hourtin.

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Enfin, le Médoc et son long linéaire côtier possèdent un sérieux potentiel pour développer l’énergie issue des vagues ou des marées. Ce sont les technologies qui restent à perfectionner pour mettre en place des constructions de type hydroliennes, bouées ou colonnes oscillantes.

Conclusion : les conditions d’un projet de développement soutenable Au final, on peut distinguer trois grands enjeux environnementaux, qui ne sont pas forcément indépendants les uns des autres : ���� Le changement climatique, l’économie du Médoc étant fortement tributaire de

son environnement ;

���� La gestion des zones humides et des conséquences de l’érosion marine, avec le

risque que la Pointe du Médoc retrouve sa configuration première, sous l’eau ;

���� La gestion de l’impact environnemental du tourisme.

Ainsi, au vu des fragilités environnementales spécifiées dans cette partie et des grands enjeux que nous venons de citer, une stratégie de développement soutenable devra prendre en compte ces contraintes : elles seront les « conditions » à respecter dans la mise en œuvre de tout projet. Une des qualités du Médoc est que la préservation de l’environnement n’est pas perçue comme un frein au développement économique : au contraire, aux yeux de nombre de Médocains, il faut miser sur les atouts naturels du territoire pour attirer les entreprises. C’est ce que nous allons voir dans la partie suivante.

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III. Une économie fortement ancrée dans son

environnement : une dynamique à conforter et

amplifier.

Dans cette partie, nous nous appuierons sur l’analyse de Laurent Davezies de la notion de sphère d’économie résidentielle. Nous constaterons que l’économie médocaine est trop basée sur cette sphère, « trop » dans la mesure où, nous le verrons, un tel développement économique est difficilement soutenable. La stratégie économique du Médoc doit donc viser au moins trois orientations :

- surfer de manière raisonnée sur la vague du développement résidentiel ;

- maintenir et appuyer les activités productives traditionnelles ; - jouer la carte de l’innovation, dans l’industrie verte en particulier.

Ces orientations sont à prendre dans un même esprit, celui de la valorisation des atouts du territoire, car il s’agit bien d’être dans une dynamique de localisation et de relocalisation de l’économie. Au regard de cela, nous verrons comment la problématique de l’enclavement du territoire peut être abordée. ___________________________________________________

A. Un constat : une économie trop résidentielle

A l’image de l’économie aquitaine, l’économie du Médoc est caractérisée par la prédominance de la sphère résidentielle sur la sphère productive. Cette typologie, développée par Laurent Davezies11, distingue les emplois des activités engagées dans une compétition nationale et internationale dont la dynamique dépend de la compétitivité des productions du territoire en question (c’est la sphère productive), et les emplois des activités marchandes destinées à la population présente sur le territoire et donc tributaires du lieu de dépense des ménages (c’est la sphère résidentielle). En termes statistiques, la première sphère comprend l’essentiel des secteurs primaire et secondaire (hors artisanat destiné à la clientèle locale), l’énergie, les transports de marchandises, les services aux entreprises, une part des activités immobilières et le commerce de gros. La deuxième sphère compte essentiellement le commerce de détail, les transports de voyageurs, les services à la personne, la santé, l’action sociale non publique, la construction, les activités financières et l’autre partie des activités immobilières. Cette sphère économique peut donc être alimentée par des ménages qui travaillent ou ont travaillé dans une autre région (propriétaires de résidences secondaires, touristes, retraités). Laurent Davezies distingue une troisième sphère : la sphère publique, qui ne recouvre donc que les activités non marchandes

11 Economiste, professeur à l’université Paris-Val de Marne, spécialiste des questions de développement territorial.

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assumées par les trois fonctions publiques. Cette distinction met en exergue la disjonction relative qu’il existe entre l’économie et le « social », une disjonction d’autant plus prégnante que la sphère productive est dominante sur un territoire. En d’autres termes, il y a disjonction entre les lieux de production et les lieux de consommation, sous la forme d’un transfert de revenus des régions les plus productives vers les régions les moins productives. Ainsi, en Médoc, 52,4% des

effectifs salariés appartiennent à la sphère résidentielle (la moyenne aquitaine étant de 42,1%), contre 21,2% dans la sphère productive et 26,3% dans la sphère publique12. Ces chiffres sont à relativiser car la filière bois, la filière viti-vini et le BTP, qui constituent une part importante de l’économie du Médoc présentent les mêmes caractéristiques que les emplois de l’économie résidentielle : ils sont ancrés sur le territoire et non délocalisables.

Toutefois, ces chiffres rendent bien compte de la dynamique économique sur

laquelle surfe le Médoc et permettent de s’interroger sur la viabilité d’un développement économique basé sur la sphère résidentielle. D’après l’analyse de Laurent Davezies, l’économie résidentielle présente plusieurs avantages mais n’est

pas à proprement parler la base d’une stratégie de développement soutenable. D’une part, en captant des revenus perçus ailleurs, les activités résidentielles contribuent à la croissance locale. De plus, ces activités étant moins tributaires de la concurrence mondiale, leur santé dépend des conditions locales, donc de critères plus stables (la qualité de vie par exemple). C’est donc une chance pour les territoires en retard par rapport à leur base productive, et dont l’attractivité liée au cadre de vie est importante. Mais d’autre part, cinq limites apparaissent devant le développement résidentiel. Premièrement, il est constaté de manière empirique que les rémunérations brutes moyennes, en équivalent temps plein, sont inférieures de 25,6% dans la sphère résidentielle par rapport à la sphère productive13. Cet écart s’explique par la moindre productivité des emplois des activités résidentielles. En conséquence, la capacité d’entraînement de ces dernières est limitée (moins de gains de productivité signifie moindre croissance locale, donc moindre augmentation des revenus distribués et ainsi de la demande dérivée). Par ailleurs, dans la mesure où la santé de l’économie résidentielle dépend des revenus perçus ailleurs, elle est tributaire d’une part de l’économie productive d’autres territoires et d’autre part de la capacité de financement des transferts sociaux. En outre, l’expansion cumulative de l’économie résidentielle présente deux risques liés à un effet de congestion. Le premier est un risque environnemental (risque de dégradation du climat, risque de crise énergétique et donc de hausse du coût des transports) susceptible de faire fuir les populations. Le second est un risque d’augmentation du prix de l’immobilier concomitant à la baisse de la qualité de vie. Enfin, l’économie résidentielle peut avoir des effets d’éviction quant à l’implantation d’activités productives : hostilité des

12 D’après les données CLAP INSEE au 31/12/2005. 13 Calcul réalisé pour l’Aquitaine sur le seul champ salarié de la base CLAP (système informatif « Connaissance locale de l’appareil productif » de l’INSEE).

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résidants à l’implantation d’activités bruyantes, ou polluantes ou dégradant le paysage et départ des jeunes actifs les plus qualifiés (les emplois de la sphère résidentielle l’étant potentiellement moins).

Le risque d’un développement économique basé sur la sphère résidentielle est donc bien lié au fait de tout miser là-dessus et de ne pas fournir d’effort pour renforcer les activités productives. La stratégie économique du Médoc devrait donc se baser sur un développement raisonné du secteur résidentiel, le maintien et l’appui des activités productives traditionnelles et la multiplication des activités innovantes.

B. Un potentiel d’activités résidentielles à exploiter de manière raisonnée Il y a en Médoc de sérieux débouchés en terme de services à la personne,

d’action sociale, de tourisme. Mais il doit être question d’exploitation « raisonnée » car il faut prendre en compte les limites de l’économie résidentielle évoquées plus haut et, pour le tourisme en particulier, il faut être conscient qu’un tourisme de qualité et un tourisme vert ne sont pas à même de fournir la même manne financière qu’un tourisme de masse.

1. Le tourisme : un large potentiel que les Médocains veulent exploiter

Avec un chiffre d’affaire de 250 millions d’euros par an, le tourisme est la deuxième activité économique du Médoc après la filière vin et génère l’équivalent de 6000 emplois équivalents temps plein. Le Médoc est aussi la deuxième destination touristique de la Gironde et risque de devenir un espace stratégique si le Bassin d’Arcachon venait à saturer. Mais la concentration spatio-temporelle des touristes sur le littoral médocain a exercé une pression telle sur cet espace sensible qu’il s’en trouve fragilisé et, à long terme, l’érosion du littoral est susceptible de remettre en cause le tourisme balnéaire. Ainsi apparaît la nécessité d’adopter une stratégie de développement soutenable du tourisme. La charte de territoire du Pays Médoc met en avant trois caractéristiques (en l’occurrence des faiblesses) du tourisme presque îlien : un déséquilibre littoral/intérieur, une forte saisonnalité et une clientèle de passage. Il faut donc miser sur les atouts du Médoc autres que balnéaires. L’idée est bien sûr de faire du tourisme une activité dynamisant l’économie locale tout en protégeant sa source, à savoir sa richesse naturelle, et qui implique la population locale.

a) Des opportunités encore mal exploitées

~ L’œnotourisme ~

L’œnotourisme en Médoc - comme dans tout le Bordelais – est peu développé. Les rares initiatives prises dans ce domaine par des viticulteurs sont souvent critiquées par d’autres professionnels de la branche. Pourtant, l’œnotourisme présente un sérieux atout pour le Médoc : sa pratique n’est pas cantonnée à la saison

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estivale et permettrait donc de prolonger la saison touristique. Inversement, le Médoc connaît un sérieux atout pour l’œnotourisme : c’est le vignoble le plus réputé du Bordelais et il est fort de châteaux de renommée prestigieuse, attractifs pour les touristes.

Ainsi, la RD2 gagnerait à devenir un véritable axe touristique, un peu à

l’image de la Route des Vins en Bourgogne, avec la différence que la route des châteaux en Médoc n’est pas une route de passage obligé, elle donc a cet avantage d’être un axe exclusivement ancré dans les vignobles médocains. Tout d’abord, l’on pourrait mieux communiquer sur l’appellation « Route des Châteaux » et l’indiquer en amont et en aval de l’estuaire, dès la sortie de Bordeaux et sur la Pointe de Grave, pour les personnes qui arrivent de Royan par le bac. On le voit bien à l’échelle nationale, ce concept de « Route des Châteaux » ou « Route des Vins » est considéré comme le vecteur essentiel de l’organisation de l’offre œnotouristique. Il serait aussi nécessaire de proposer une meilleure signalisation pour indiquer les villes, les châteaux, les points de vue et les activités proposées par chaque structure. Les villages traversés pourraient devenir eux-mêmes acteurs de cet œnotourisme en invitant le visiteur à s’arrêter et à consommer sur place. Il est étonnant en effet de voir si peu (ou pas) de cafés, bars, brasseries et autres restaurants. La RD2 est relativement longue et peu de choses, sinon rien, sont proposées pour s’offrir une halte agréable. De même, sur place, peu d’annonces invitent à passer un véritable séjour dans les vignobles. L’offre en terme d’hôtellerie est peu visible. Renforcer la coopération entre professionnels du tourisme et professionnels du vin semblerait ainsi utile pour que l’œnotourisme monte en puissance. C’est une orientation prise depuis 2005, au travers d’une démarche territoriale qui essaie de développer un réseau de prestataires touristiques (viticulteurs, hébergeurs, restaurateurs, cavistes, etc.) et de promouvoir l’offre (à travers l'édition d'un guide, la mise en ligne de sites Internet…).

~ Un déficit d’offre hôtelière ~

De manière générale en Médoc, il manque des structures d’hôtellerie de moyenne classe. Ainsi, entre 2005 et 2009 les hôtels 0 étoile et 4 étoiles et Luxe ont augmenté de 90% et 40% respectivement, contre de légères augmentations pour les chambres d’hôtels et emplacements de camping à 1 ou 3 étoiles, voire une baisse pour les 2 étoiles. Avec une clientèle plutôt populaire sur le littoral et une clientèle plutôt aisée sur la façade estuarienne, le Médoc gagnerait ainsi à accueillir une

population intermédiaire.

L’hôtellerie est sans doute aussi ce qu’il manque à proximité du port de plaisance du Verdon. « Port Médoc » n’a ainsi pas eu l’effet d’entraînement espéré pour développer le tourisme.

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b) Développer une stratégie d’attractivité innovante basée sur la qualité

Comme le souligne Pierre Vitte14, miser sur le tourisme pour le développement local d’un territoire rural présente certaines limites. Bien souvent, en l’absence d’une véritable tradition touristique, il manque aux habitants locaux un esprit d’entreprise pour proposer des produits touristiques. L’offre aura alors tendance à s’insérer dans des cadres politico - administratifs rigides, dans un mode de développement piloté de l’extérieur, et sur une stratégie banale, même si l’on souhaite mettre en avant les spécificités locales. En conséquence, on mise souvent plus sur des produits et des labels que sur la valorisation du territoire, et de l’environnement qui sert de base. La stratégie touristique du Médoc ne doit donc pas tomber dans ce travers et se montrer innovante.

~ Des atouts pour un tourisme vert ~

Avec son environnement préservé et ses sites présentant de nombreux intérêts écologiques, le Médoc pourrait miser sur le développement d’un « tourisme vert »,

c’est-à-dire un tourisme dont les activités sont tournées vers la découverte de la nature, qui cherchent à sensibiliser au souci de préservation du patrimoine

écologique et peuvent contribuer elles-mêmes à cette préservation. Aujourd’hui, les démarches qui pourraient être assimilées à du tourisme vert sont

portées par des structures publiques ou des associations. Ainsi, l’association Curuma cherche à sensibiliser à la nécessité de préserver les marais maritimes de la Pointe du Médoc. Elle organise notamment des balades commentées dans les marais du Logit, du Conseiller, de Neyran et sur la dune Saint Nicolas, afin de faire découvrir l’histoire de la faune et de la flore locales. Le programme « Grand public » du Conseil général organise quant à lui la découverte de la lagune de Contaut. A Soulac-sur-Mer, des visites - découvertes du milieu dunaire sont organisées. L’association Meduli Nature organise également des « sorties nature » (découverte des marais d’Arcins, du Cordon dunaire…) et mène des actions d’éducation à l’environnement (initiation à la gestion des déchets, au nettoyage des plages...). Mais des professionnels du tourisme pourraient également s’appuyer sur ce qui fait la richesse naturelle du Médoc, à savoir tout ce qui tourne autour de l’eau (zones humides, marais, étangs, lacs, îles estuariennes…) et la biodiversité exceptionnelle à observer pour développer des produits touristiques. L’avantage d’un tel tourisme est qu’il ne limite pas la venue de visiteurs à une seule saison (par exemple, l’observation des oiseaux migrateurs n’est possible qu’en automne et en hiver).

Le concept de sentier d'interprétation est à ce titre intéressant. Il s’agit

d’aménager des sentiers qui, grâce à un plan d'interprétation, donnent à voir et comprendre le milieu naturel dans lequel on se trouve, ce qui sensibilise voire

14 Docteur en géographie, spécialiste du tourisme, chercheur à l’université Blaise Pascal, Clermont-Ferrand II.

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éduque aux enjeux de sa préservation. Associés à des équipements attractifs, les sentiers d’interprétation sont susceptibles de générer une richesse économique sur un territoire. De plus, ce concept peut avoir des vertus sociales dès lors que la construction du plan d'interprétation est menée en mobilisant conjointement des aînés, enfants ou encore des associations locales.

Ainsi, le Pays Médoc travaille sur un plan de développement du tourisme vert et

le SMIDDEST sur un tourisme vert estuarien. La limite aujourd’hui est que la

demande pour un tel tourisme est très faible. Il s’agirait donc de savoir faire du tourisme vert susceptible d’attirer un large public.

~ Le tourisme d’affaire ~

Toujours dans ce souci de développer un tourisme de qualité, le tourisme

d’affaire semble constituer un autre débouché touristique pour le Médoc. Aujourd’hui, les initiatives dans ce domaine sont d’origine privée (châteaux, hôtels ou villages de vacances) et il n’existe pas de plan de développement territorial de ce tourisme, faute notamment d’équipement public ayant cette fonction.

~ Pour un tourisme durable : des démarches à officialiser ~

Le « tourisme durable » correspond, selon l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT), à un tourisme qui « satisfait les besoins actuels des touristes et des régions d’accueil

tout en protégeant et en améliorant les perspectives pour l’avenir. Il est vu comme menant à

la gestion de toutes les ressources de telle sorte que les besoins économiques, sociaux et

esthétiques puissent être satisfaits tout en maintenant l’intégrité culturelle, les processus

écologiques essentiels, la diversité biologique et le systèmes vivants ». En Médoc comme ailleurs, peu de démarches sont officialisées pour inciter les professionnels du tourisme à valider des critères de « durabilité ». Par exemple, les structures publiques n’ont pas adopté la Charte mondiale du Tourisme durable élaborée par plusieurs organismes internationaux, dont l’UNESCO et l’OMT, et ne semblent pas diffuser les critères et donne les outils pour les atteindre. Le Conseil général de la Gironde est certes en train d’élaborer un Agenda 21 du tourisme girondin : il faudra que celui-ci intègre en totalité les critères du tourisme durable et trouve des leviers afin d’inciter tous les acteurs du tourisme à leur respect.

En attendant, il pourrait être intéressant que le Médoc mise son attractivité sur

une démarche de tourisme durable. Par exemple, l’Union Touristique du Médoc (UTM) pourrait être la structure pilote d’une telle politique et le Médoc pourrait se prévaloir d’être une des premières régions touristiques à s’inscrire dans cet esprit.

c) Attention, le tourisme n’est pas la panacée

Le tourisme est certes source de richesse, mais il n’est pas le levier essentiel d’un développement local. D’une part, comme cela est expliqué en introduction de cette partie, le tourisme appartient à la sphère résidentielle, et l’économie

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résidentielle n’est pas la panacée. Les moyens de l’action publique étant limités, il semble plus pertinent de les verser au travers d’une politique volontariste pour développer la sphère productive. D’autre part, il faut prendre en compte la nature intrinsèquement précaire des emplois touristiques. Certains Médocains se contentent de la saisonnalité en travaillant en saison touristique et en étant bénéficiaires des allocations chômage le reste de l’année. Rallonger la saison touristique est à ce titre une orientation à prendre. Toutefois, ce mode de vie n’est pas à valoriser, d’où la nécessité d’avoir des offres d’emploi alternatives.

2. Les services à la personne : un gisement d’emplois important.

Au regard du vieillissement de la population et du renouvellement des familles, le secteur des services à la personne bénéficie et bénéficiera d’importants débouchés, en particulier pour les services aux personnes âgées (aides soignantes, auxiliaires de vie, ménage, infirmières libérales…), et pour les services tournés vers la petite enfance (assistantes maternelles, aides à domicile…) ; d’où la nécessité de développer des formations médicales et paramédicales sur le territoire. Il faut toutefois noter que ce type d’emploi est sensiblement moins pérenne et moins rémunérant que la moyenne.

C. Le bois, le vin, l’agroalimentaire : des activités traditionnelles à maintenir et renforcer.

La filière bois et la filière vins sont traditionnellement les deux principales activités productives du Médoc. Au regard de ce qui vient d’être dit sur le risque d’un développement de l’économie résidentielle, ces deux activités doivent être maintenues. Cependant, dans une perspective de développement soutenable local et global, ces filières ont deux nécessaires adaptations à conduire :

- la nécessaire adaptation aux contraintes environnementales. - la nécessaire adaptation aux nouveaux paramètres du marché.

L’agriculture et l’élevage sont quant à eux à revaloriser, car des potentiels restent inexploités.

1. La filière bois : les atouts d’un système localisé de production à exploiter.

a) La sylviculture face à la préservation de l’environnement

~ La forêt est un élément clé du système climatique local et global ~

Le pin maritime est une espèce autochtone, dont on sait la présence en Médoc depuis la plus haute antiquité. Cette forêt antique était fréquemment endommagée par des évènements naturels. En l’an 580, un tremblement de terre a déclenché le phénomène d’affaissement du nord Médoc dans la mer et l’arrivée de vents violents

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a entraîné l’amoncellement de sables sur les terres fertiles. A partir du XVe siècle a émergé le souci de rétablir le manteau forestier ancien, dont on avait compris le rôle

dans la lutte contre l’invasion des sables. Au fil des siècles, on a compris également le rôle de la forêt dans le processus d’assainissement de la lande. La forêt joue un rôle de pompe naturelle qui maintient constamment la nappe d’eau à une certaine distance du sol et évite le risque d’ennoiement. Ainsi, la forêt joue en Médoc un véritable rôle d’organisation et de maintien du territoire. Le tempête de 1999 a été l’occasion de voir son rôle dans le maintien de l’équilibre entre la terre et l’eau : elle a fait apparaître les problèmes récurrents du Médoc de ruissellement et de fixation des sols et les zones les plus dévastées ont alors été les premières victimes de la montée des eaux.

En conséquence, la forêt doit faire l’objet d’une attention particulière dans les choix d’aménagement du territoire. Selon Christian Pinaudeau, secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest, les élus ne mesurent pas suffisamment l’ampleur du rôle que joue la forêt dans le maintien (et pas seulement la protection) de l’environnement. La forêt est en effet en concurrence directe avec le phénomène d’urbanisation, qui lui est néfaste pour deux raisons : d’une part, il lui prend de la place ; d’autre part le nombre de départs de feu est proportionnel aux migrations, elles-mêmes grandissantes avec le processus d’urbanisation. Le phénomène d’étalement urbain rentre donc directement en contradiction avec la nécessité de préserver le massif forestier médocain. Tous les choix en terme d’urbanisme et d’aménagement du territoire devront prendre cet enjeu en ligne de compte.

Enfin, il n’est pas nécessaire de revenir sur les bienfaits de la forêt au niveau

environnemental global, tant dans la préservation de la biodiversité que dans l’absorption du dioxyde de carbone : rappelons ainsi simplement qu’1 tonne de

bois stocke 1 tonne de CO².

~ Son exploitation se doit d’être moins agressive ~

Les outils et les techniques de la sylviculture sont parfois considérés comme trop violents pour l’environnement. Ainsi, le CIBA (le Conseil Interprofessionnel des Bois d’Aquitaine) et le comité PEFC (programme de reconnaissance des certifications forestières) Aquitaine diffusent un référentiel technique régional, un document opérationnel, un code de pratiques destiné à définir l’engagement individuel des acteurs qui souhaitent adhérer à une démarche de gestion durable des forêts. Il s’adresse tant aux sylviculteurs, qu’aux entreprises de travaux sylvicoles et d’exploitations forestières. Il serait nécessaire de trouver un levier afin d’inciter

tous les professionnels du bois à s’inscrire dans cette démarche.

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b) La filière bois face à des enjeux économiques

~ La forêt est un élément clé de l’économie locale ~

La forêt de production occupe 55% de la superficie de la presqu’île. Elle joue un véritable rôle dans l’aménagement de l’espace rural. Aujourd’hui, le pin maritime fournit du bois d’œuvre (emballages, palettes de manutention, parquet, lambris…) et du bois d’industrie (pâte à papier). Au total, l’activité de la filière bois génère environ 800 emplois directs et de nombreux emplois indirects. La forêt constitue ainsi un élément clé de l’économie locale, d’où la nécessité de chercher à renforcer la filière. ~ La sylviculture doit faire face au risque de tempête ~

Comme on l’a dit, la forêt est à la fois un élément clé du système climatique local et de l’économie locale. La vulnérabilité de celle-ci face aux tempêtes ne doit pas être traitée avec fatalisme, mais il faut trouver des pistes pour la réduire.

Le coût d’une tempête En sinistrant près de 60% du massif médocain, soit 80 000 hectares (dont

50 000 étaient à reconstituer), la tempête de 1999 a véritablement ébranlé les sylviculteurs de la région. Au regard de ces dégâts, la tempête de 2009 a moins été destructrice. Le sud Médoc est la partie la plus touchée, notamment les communes de Listrac-Médoc, Le Temple et Saint Aubin de Médoc, dont 40 à 60% des pins maritimes ont été décimés.

Figure 23 : Tempête Klaus - Taux moyen de dégâts par commune

Source : CRPF Aquitaine

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Les tempêtes ont des coûts environnementaux, économiques et sociaux. Une

tempête perturbe les cycles du carbone, de l’eau et perturbe la biodiversité. Quand les arbres sont à terre, la forêt quitte son statut de puit à carbone pour en devenir une source d’émission. Outre l’aggravation de l’effet de serre causé par les dégâts d’une tempête sur le massif forestier, le risque d’inondation augmente, d’autant plus que le Médoc est un territoire humide. Quant à la biodiversité, la tempête est vue comme une perturbation au sens écologique du terme, à savoir que son impact n’est pas forcément considéré comme négatif. En effet, l’éclaircissement et l’humidité vont favoriser la prolifération de certaines plantes susceptibles d’en concurrencer d’autres et de gêner les nouveaux semis. La faune change également : on a observé un phénomène d’explosion de la population de cervidés, mais aussi le risque d’attaques d’insectes tels que les scolytes15. Par ailleurs, un tel évènement aggrave le risque d’incendie.

Au niveau socio-économique, les tempêtes sont de véritables coups durs pour les

sylviculteurs. Avec la tempête de 1999, l’équivalent de dix années de récolte a été abattu. Il faut savoir qu’en Médoc la pluriactivité est moins répandue qu’ailleurs et la sylviculture y est une profession. Les conséquences sont donc plus graves pour les sylviculteurs médocains. Outre le coût moral, l’impact économique d’une tempête pour le sylviculteur est le résultat de plusieurs phénomènes :

- la perte de valeur marchande du bois sinistré (d’autant plus élevé pour le pin maritime que celui-ci se conserve difficilement pour le bois d’œuvre de qualité) ;

- la perte de valeur d’avenir des peuplements ; - les surcoûts de restaurations ; - les dégâts potentiels différés (incendies, attaques d’insectes…) ; - la perte de valeur d’avenir des peuplements épargnés (un coût

relativement plus faible cependant). Le coût économique est également subi par l’industrie du bois, au travers de divers phénomènes :

- une baisse relative de la qualité du bois ; - les difficultés de stockage et de transport du bois ; - des risques de trou de production dans les mois ou les années qui suivent ; - le coût du carburant lié à l’allongement des distances de transport.

Il faut noter enfin qu’à la différence de la tempête Martin, la tempête Klaus est intervenue dans un contexte de crise économique qui ne favorise pas l’écoulement du bois.

15 Insectes xylophages de l’ordre des coléoptères.

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Des pistes pour réduire la vulnérabilité de l’activité face aux tempêtes Deux tempêtes étant intervenues en moins de dix ans, la question se pose de

savoir si ce type d’évènement climatique reste exceptionnel ou tend à se

régulariser. Le discours scientifique affirme aujourd’hui que même si la fréquence des tempêtes a augmenté depuis une quarantaine d’années, cette tendance n’est pas confirmée au niveau du siècle. Cette fréquence serait même similaire à celle de la fin du XIXe siècle. Pour tenter de prévoir les probabilités de tempête dans les années à venir, l’on se demande également si une corrélation peut être établie avec le phénomène de changement climatique, mais en l’état actuel des connaissances, la science manque d’un recul statistique pour établir quelconque lien entre les deux phénomènes. Dans tous les cas, il est nécessaire de s’interroger sur la vulnérabilité de la forêt et de la filière bois face aux tempêtes et essayer de la réduire. Plusieurs pistes de réflexion existent.

Elles concernent d’une part la technique sylvicole. Tout d’abord, on convient

que la vulnérabilité accrue de la forêt française aux tempêtes vient en partie de l'évolution des objectifs qui lui sont fixés en terme de productivité. Une des pistes souvent évoquées pour réduire la vulnérabilité de l’activité sylvicole face aux aléas climatiques est la diversification des essences. Seulement, en l’état actuel des choses, il n’y a pas d’essence qui pousse mieux (en terme de rapidité et de vigueur) que le pin maritime en Médoc. On trouve quelques essences dont la culture est possible seulement par îlots de terre : ainsi, le pin taeda offre un potentiel de production prometteur sur quelques espaces du Sud Gironde. Ses atouts sont ses bonnes performances de croissance, sa rectitude et sa très bonne tenue au vent (en particulier dans le jeune âge), mais il exige une qualité des stations particulière, surtout pendant la période d’installation. Ainsi, trois facteurs sont à considérer avant tout projet de reboisement en pin taeda : l’humidité du sol (le sol doit être bien humide et bien assaini, sa texture doit être drainante, et la surface ne doit pas se situer à proximité d’un plancher imperméable) ; la fertilité du sol doit être élevée ; la profondeur du sol doit être supérieure à 1 mètre (pour améliorer la productivité et le système racinaire). Le pin taeda n’est donc pas une essence d’avenir pour les landes sèches, les landes humides non assainies, les sols superficiels mouilleux ou secs, les sols à forte teneur en argile ou les sols calcaires. Le robinier est une autre essence qui fait l’objet d’attentions. Son principal atout est de n’avoir pas besoin de traitements pour une utilisation extérieure et son défaut est son caractère invasif.

D’autre part, afin de réduire le coût financier d’une tempête pour les

sylviculteurs et encourager cette activité, le système assurantiel serait à améliorer. Les sylviculteurs se plaignent ainsi d’une insuffisance de garanties et d’un coût prohibitif depuis 1999. De plus, pour faire face aux risques intrinsèques à la sylviculture, il faut maintenir et encourager la polyculture.

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Il faut enfin optimiser la réaction de l’appareil institutionnel face au risque

de tempête. Il s’agirait d’améliorer la procédure préétablie pour la mise en œuvre de mesures d’urgence en cas de tempête violente, mais aussi de maintenir des zones de stockage et des capacités de transport du bois pour l’exploitation des chablis.

~ L’industrie du bois doit s’adapter aux nouveaux paramètres du marché ~

Pour se pérenniser, l’industrie du bois doit s’adapter aux nouveaux paramètres du marché. Avec le développement des énergies renouvelables et des éco-constructions, deux débouchés s’élargissent : la construction-bois et le bois-

énergie. Des recherches sont en cours pour étudier le potentiel de la forêt médocaine dans ce domaine.

2. La filière vins : le défi de l’appropriation des enjeux du développement

soutenable.

La filière vin est la première activité du Médoc, tant au travers de son chiffre d’affaire (850 millions d’euros), que du nombre d’emplois générés et de son rayonnement mondial. On compte 4 400 salariés permanents dont 1533 viticulteurs. Environ 6% du territoire sont consacrés à la vigne. La production affiche environ 840 000 hl par an, dont plus de 67% en AOC Médoc et Haut-Médoc.

a) La filière vin face à la nécessité de préserver l’environnement

~ Le lourd bilan écologique de l’activité ~

L’impact de la filière vin sur l’environnement se décline sous trois angles : l’utilisation des produits phytosanitaires, l’utilisation d’herbicides et le rejet de gaz carboniques. Sur ce dernier point, le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) a fait élaborer le bilan carbone de la filière des vins de Bordeaux. Sur la base de données de 2007, les émissions totales de la filière s’élèvent à 203 000 tonnes

équivalents carbone :

> Près de la moitié de ces émissions (49%) sont liées aux matériaux entrants, le verre des bouteilles en particulier.

> Le deuxième poste est occupé par le fret, à savoir le transport du vin et des fournitures (18,2% des émissions).

> L’énergie constitue le troisième poste, avec 14,8 % des émissions, les deux tiers étant liés à la viticulture (l’utilisation du fioul pour les tracteurs) et le tiers à l’œnologie.

> En quatrième lieu vient le poste « déplacements de personnes » (11.3%), sachant que la moitié des émissions est liée à l’œnotourisme (il faut donc aussi prendre en compte les retombées économiques positives de cette activité pour le territoire).

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~ Les mesures de contrôle actuelles ~

Face à ce lourd impact écologique, des efforts, voire des révolutions, dans le mode de production sont à mener.

Il s’agit tout d’abord de réduire le bilan carbone de la filière. Le CIVB a pris conscience de ces questions et semble être dans une stratégie d’anticipation des contraintes qui risquent de lui être imposées par la réglementation pour réduire l’impact environnemental de la viticulture. Il a ainsi mis en place un « Plan Climat Vins de Bordeaux 2020 » avec comme objectif de réduire les émissions de gaz à effet de serre de 20%, et de 75 % d’ici 2050. A côté de cela, d’autres objectifs ont été fixés : réduire la consommation d’eau et d’énergie de 20% et utiliser 20% d’énergies renouvelables. Le CIVB diffuse auprès des professionnels de la vigne et du vin des conseils pour réduire ces différentes consommations, au travers notamment des « Cahiers techniques du CIVB » et du site www.bordeauxprof.com. La viticulture doit par ailleurs trouver une alternative à l’utilisation actuelle d’herbicides et de parvenir à une utilisation raisonnée des produits phytosanitaires. A ce titre, le plan Ecophyto 2018, mis en place à la suite du Grenelle de l’environnement, a pour objectif une diminution de moitié de l’utilisation des produits phytosanitaires en France et vise à réduire l’impact des produits qui s’avèreraient indispensables pour se prémunir des parasites, des mauvaises herbes et des maladies. Partant du constat que près de la moitié de la consommation totale de produits phytosanitaires en France est utilisée pour la vigne, une révolution est à mener dans les techniques viticoles pour atteindre ces objectifs.

Il faut chercher enfin à valoriser les effluents, les déchets et les produits de biomasse inutilisés. Le travail d’ADIVALOR est sur ce point intéressant : il s’agit d’une structure opérationnelle qui organise la collecte des déchets issus des produits phytosanitaires en France, en ainsi que tout ou partie de l'élimination de ces déchets (en l’occurrence les emballages vides de produits phytosanitaires ou les produits non utilisés).

Mais pour atteindre ces objectifs, il sera sans doute utile de prévoir des mesures plus incitatives, comme par exemple inscrire des critères environnementaux dans le cahier des charges des viticulteurs.

~ Une limite : la viabilité économique de la filière. Un enjeu : la recherche ~

A court terme, une marge d’amélioration du bilan écologique de la filière viti-vini est possible à moindre coût, mais à long terme, et pour consentir l’ensemble des efforts nécessaires au regard de l’environnement, la viabilité économique de la filière vin est remise en question. En effet, en l’état actuel des connaissances scientifiques et des moyens dont les professionnels disposent, il n’est pas possible de produire, avec les mêmes prestations, un vin intégralement biologique. La contrainte sur l’utilisation des produits phytosanitaires peut donc à un certain degré s’avérer néfaste pour la pérennité économique de la filière qui subit la concurrence de vins dont la production est moins coûteuse (vins de pays où la main d’œuvre est meilleur

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marché) et n’exige pas une aussi grande utilisation des produits phytosanitaires (conditions climatiques plus favorables). Dans tous les cas, pour rester compétitif, il semble nécessaire que les règles de production ne soient pas seulement imposées au niveau national, ni européen, mais bien harmonisées au niveau mondial, au travers de l’Organisme International de la Vigne. Face à cela, pour qu’une politique de développement durable ne soit pas qu’un compromis a minima entre le respect de l’environnement et le maintien de l’activité, on compte sur la recherche pour trouver les solutions d’adaptation. L’Institut Scientifique de la Vigne et du Vin (ISVV), organisme dépendant de l’INRA, axe ses recherches sur la thématique de la viticulture durable. La première orientation de recherche vise l’optimisation des pratiques culturales pour maintenir une viticulture durable en validant de nouveaux moyens pour la prévention des maladies de la souche, en validant des protections phytosanitaires efficaces mais raisonnées et des méthodes biologiques, biotechniques ou génétiques (mais l’éventualité de travailler sur des vignes génétiquement modifiées pose un problème d’acceptation sociétale). La seconde orientation est l’amélioration des procédés de culture respectueux de l'environnement (pour le traitement des effluents viticoles et vinicoles par exemple) et le développement de la connaissance des caractéristiques et de la qualité des sols.

b) Les inquiétudes face aux conséquences du changement climatique sur les

vins

Qu’il soit un refroidissement ou un réchauffement, le changement climatique aura un impact sur toutes les activités culturales, et sur la vigne en particulier. Nous partons de l’hypothèse que le changement climatique sera un réchauffement (puisque c’est sur cette hypothèse que se basent la plupart des études) pour en voir les conséquences sur le vin.

La vigne a un besoin en froid que l’on évalue à une dizaine de jours à 5° - 10°C

et elle a un besoin de chaleur pour l’éclosion des bourgeons et la floraison. Si les températures sont globalement plus douces, le réchauffement climatique a pour conséquence de reculer la date de satisfaction des besoins en froid (retard des levées de dormance) et d’avancer celle des besoins en chaleur (avancée de la floraison). Ce dérèglement accroît le risque de survenue de gel printanier au moment de la floraison, évènement particulièrement néfaste pour la vigne (destruction des bourgeons et apparition de maladies). L’augmentation des températures favorise aussi le développement des adventices (« mauvaises » herbes), ce qui posera avec encore plus d’acuité la question du désherbage. Si une trop grosse sécheresse a lieu en parallèle, on notera un ralentissement du stockage des sucres pour la maturation des raisins, ce qui a un impact sur la typicité des vins. Quant au rayonnement, qui impacte sur l’arôme des vins, on ne sait pas encore comment ils évolueront et donc quelles seront les conséquences. Une autre incertitude existe quant à l’impact du

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réchauffement sur les maladies : d’une part, il favorise l’apparition de nouvelles maladies mais d’autre part, il permet à la vigne de s’inhiber contre d’autres (le mildiou par exemple). Finalement, passé un certain seuil, le réchauffement climatique aura à court terme un impact sur la qualité et la typicité du vin, voire à long terme engendrera un déplacement des productions. Ainsi, une augmentation de 1 à 2 degré peut encore être gérable, mais passés les 3 degrés, la pérennité d’une exploitation exige des investissements lourds en matériel (systèmes d’irrigation au goutte à goutte pour la vigne, techniques à membrane pour la vinification...).

c) La notion d’équité dans le fonctionnement de la filière : des questions qui

fâchent aux tabous

La logique du développement durable conduit à se demander si le

fonctionnement de la filière vin, au travers de la répartition des richesses générées, est juste et équitable. Deux questions se posent : les exploitants font-ils le nécessaire pour employer de la main d’œuvre locale en offrant des conditions de travail convenables et la fiscalité appliquée à la viticulture est-elle juste? Le deuxième volet de cette question est posé ici.

~ Une fiscalité juste ? ~

Se déplacer tout au long de l’estuaire et traverser les vignobles et les communes amène à constater un décalage entre la richesse de certains châteaux et la modestie de certaines communes. Une partie de la raison en est que les exploitations viticoles ne versent pas de taxe professionnelle aux communes auxquelles elles appartiennent, dans la mesure où la filière dépend de la fiscalité agricole et que les agriculteurs sont dispensés de payer une partie de cette taxe. Les propriétés ne participent aux ressources des collectivités territoriales que par le biais de la taxe sur le foncier bâti et non bâti, dont l’assiette repose sur des valeurs cadastrales non réévaluées depuis près d’une quarantaine d’années. A cela s’ajoute le fait que les communes en AOC ne peuvent attirer de nouvelles populations (leur croissance démographique est ainsi souvent négative (voir figure 3)).

Plusieurs questions se posent alors. D’une part, au regard du manque de moyens dont souffrent certaines communes, ne serait-il pas plus juste qu’elles puissent bénéficier d’une partie de la richesse gagnée par les plus grands châteaux ? Cela paraîtrait d’autant plus juste que la viticulture peut être coûteuse pour la collectivité : par exemple, il y existe une distance réglementaire entre les vignes et la voirie que les viticulteurs ne respectent pas et le passage des engins agricoles occasionne une dégradation de la voirie, qui coûte directement à la collectivité (donc au contribuable). D’autre part, le vin est-il un produit agricole comme un autre ? On classe la viticulture dans les activités agricoles, mais, pour les plus grands châteaux, une bonne partie de l’activité est industrielle et commerciale.

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Dès lors, plusieurs pistes de réflexion existent, notamment quant à la pertinence de la fiscalité agricole aujourd’hui : peut-être pourrait-on être amené à différencier les produits agricoles selon leur valeur ajoutée ?

3. L’agroalimentaire : un potentiel à ré exploiter

Au regard de ce qui a été dit sur le rôle de l’agriculture extensive dans le maintien et l’entretien des zones humides, il apparaît nécessaire de réinvestir les

terres le long de l’estuaire pour la production agricole. Dans un intérêt plus économique, il serait intéressant de valoriser la production bovine médocaine, le Médoc étant le premier producteur de bovins en Gironde (25 à 30 % de la production du département), à travers la création d’un label ou d’une marque « Médoc ». Par ailleurs, l’aquaculture gagnerait à se (re)développer. Elle est aujourd’hui pratiquée dans des bassins à l’aval des chenaux, notamment dans le marais du Conseiller. Des marais salants s’orientent par exemple vers la production de crevettes impériales et de gambas (c’est d’ailleurs l’activité que l’association Curuma contribue à développer sur la Pointe du Médoc). On songe aussi à produire des naissains pour le bassin d’Arcachon. On note que la relance de l’aquaculture a été défendue dans le cadre du Grenelle de la Mer.

D. Cap sur les activités productives innovantes

A défaut de vouloir recevoir sur son territoire des activités industrielles traditionnelles, le Médoc souhaite et peut miser sur l’innovation. Il y est d’autant plus disposé qu’il possède déjà des entreprises innovantes. Il s’agirait là d’un bon levier pour polir l’image de marque du Médoc.

1. Renforcer la filière matériaux composites

Le Médoc comporte plusieurs sites spécialisés dans les matériaux composites.

L’entreprise Epsilon Composite en est le fer de lance. Il serait intéressant de fonder un « cluster », c’est-à-dire de regrouper sur le même bassin d’emploi les entreprises de la filière matériaux composites, afin de créer des externalités positives de réseau. Les activités nautiques constituent un important débouché pour cette filière.

2. Les énergies renouvelables : produire le matériel

Le Médoc pourrait s’appuyer sur ses zones à vocation industrielle pour développer des activités spécialisées dans la fabrication de machines destinées à produire des énergies renouvelables. Ainsi, on pense aux sites des zones industrialo portuaires du Verdon et de Pauillac mais aussi de l’usine FORD à Blanquefort pour implanter des sites de construction de pièces d’éoliennes.

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Cette idée pose la question du devenir de l’avant-port du Verdon. Ce site, qui

bénéficie de nombreux atouts et d’installations industrielles (2 postes à quai, 12,50 mètres de tirant d’eau, 2 portiques à conteneurs, 100 000 m² de terre-pleins, un hangar de 12 000 m² pour le stockage ou le conditionnement des marchandises), mais ressemble plus aujourd’hui à une friche industrielle. Aux yeux de certains Verdonnais, la situation de l’avant-port du Verdon est liée à un manque de volonté politique et au choix de favoriser d’autres ports (La Rochelle en particulier). Ainsi, il devrait faire l’objet d’une vraie stratégie de développement, basée sur le trafic de conteneurs par exemple. Pour le valoriser, certains proposent de faire une ligne de fret en parallèle à la ligne voyageurs. Il apparaîtrait également utile de faire la portion de voie ferrée de 4,5 km reliant la gare à l’avant-port.

3. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)

Parce que l’enclavement du Médoc est à terme incompressible (sauf si on saigne le territoire par la construction d’une autoroute, mais ce n’est pas l’esprit d’un développement soutenable), il est un secteur où les distances n’existent pas : celui des nouvelles technologies de l’information et de la communication. A titre d’exemple, à Soulac-sur-Mer, Marilyne Minault est la fondatrice et gérante d’Imagine Editions et d’Imagine Assistance, entreprises de conception de logiciels et plateforme téléphonique pour les médecins et les centres de santé. Aujourd’hui, Imagine Editions comprend un soixante d’employés et compte grossir jusqu’à 150 ou 200 personnes d’ici quelques années.

E. Le « désenclavement du territoire » : vrai ou faux problème ?

La question du développement économique du Médoc est souvent mise en

parallèle avec celle de son enclavement. De manière générale, l’offre en terme d’infrastructures de transport est tournée vers la métropole bordelaise. L’axe principal est la RD 1215, il relie Bordeaux au Verdon. La RD 2 dessert les communes de l’estuaire, la RD 3 passe par les communes du littoral et la RD 6 relie les communes sur un axe qui part de l’agglomération bordelaise et qui arrive jusqu’à Lacanau. En Médoc, certains disent que le territoire ne pourra pas se développer tant qu’il sera isolé. D’autres pensent qu’il faut d’abord que des entreprises s’installent pour que le besoin de désenclavement se fasse plus prégnant et que les collectivités territoriales puissent financer de nouvelles infrastructures. D’autres enfin voient la question de l’enclavement comme un faux problème, prenant à témoin des entreprises comme Epsilon Composite qui se portent très bien ainsi. Au regard de ce que nous venons de dire sur les secteurs économiques les plus stratégiques pour un développement soutenable du Médoc, et des enjeux environnementaux globaux, tracer une autoroute en lieu et place de la RD 1215 serait un non-sens. Mais

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effectivement, des aménagements sont souhaitables pour faciliter et favoriser le transport de personnes et de marchandises : la RD 1215 doit être aménagée de

manière à multiplier les sections de dépassement (2x2 voies) et de contournement

des villes.

Il faut surtout renforcer considérablement le réseau de transports en

commun. L’offre de transports en commun est composée d’une voie ferrée SNCF de Bordeaux au Verdon et d’un service de bus Trans-Gironde. Comme la carte ci-dessous l’illustre, l’offre de bus et l’offre de train structure une mobilité seulement tournée vers Bordeaux :

Figure 24 : Le réseau de transports en commun en Médoc

Source : Pays Médoc

Face à cette offre, plusieurs besoins apparaissent. Tout d’abord, il semble que

les itinéraires et les horaires du réseau Trans-Gironde sont mal adaptés aux besoins de la population. Il faudrait donc mener une étude des besoins pour refondre le fonctionnement de ces bus. De plus, l’offre bus n’est pas coordonnée avec les

principales gares, à savoir Lesparre, Pauillac et Macau, afin d’offrir des itinéraires de rabattement. Par ailleurs, il faudrait structurer une offre Est/Ouest et Ouest/Est. Enfin, le coût de ces transports ne cesse d’augmenter et est trop élevé au regard de

certains usagers.

Pour ce qui est de la desserte ferroviaire, dont l’axe ferroviaire se trouve excentré par rapport à l’ensemble de la presqu’île, elle se doit de devenir plus

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attractive pour les usagers. Doubler la voie ferrée permettrait éventuellement de proposer des passages plus fréquents. Par ailleurs, l’idée a été évoquée de faire de Macau, sur la ligne Le Verdon-Bordeaux, un site multimodal avec un parc relais de stationnement.

Conclusion : Une économie locale et localisée dynamique pour une croissance riche en emploi au service d’un développement soutenable

Au total, le développement économique du Médoc peut se baser sur le principe que ce sont les petites gouttes qui font les grandes rivières. Renforcer ses propres atouts, ne pas tout miser sur le tourisme et chercher l’innovation sont les grandes orientations à adopter.

La mise en œuvre de cette stratégie devra faire face à un défi : celui de la coopération entre les acteurs. Ses enjeux en sont l’objet dans la dernière partie.

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IV. Gouverner le développement soutenable du

territoire médocain : le défi de la coopération

Il est intéressant de noter qu’en Médoc le développement durable et le respect des traditions sont portés par deux langages a priori différents mais dotés au final des mêmes valeurs. La récente réconciliation des chasseurs avec les écologistes médocains le prouve. Dans le cadre d’un projet de développement soutenable, la

communication apparaît donc comme essentielle pour montrer que les aspirations

de fond de chacun ne sont pas antinomiques.

Deux autres caractéristiques médocaines font que le dialogue et la coopération sont indispensables pour réussir tout projet. Pendant longtemps, on accusait les Médocains d’être contradictoires dans leurs aspirations : d’un côté, ils se plaignaient du statut quo ; de l’autre, ils manifestaient une hostilité face aux propositions de changement. Ainsi, un certain nombre de projets, d’origine publique ou privée, n’ont pas vu le jour faute d’acceptation commune. Ce souci de défense a permis au territoire d’éviter certains projets qui étaient effectivement mauvais pour lui, mais peut-être est-il passé à côté d’autres qui auraient pu lui être bénéfiques. D’autre part, on ne peut nier que des intérêts divergents, et dont la défense est bien organisée, peuvent s’entrechoquer en Médoc, soit parce qu’ils sont catégoriels, soit parce que la représentation que se font les personnes du territoire diverge, soit parce que certains raisonnent à long terme quand d’autres sont dans le court terme. Le défi du développement soutenable est donc de faire en sorte que ces acteurs se concertent et

qu’ils coopèrent dans la mise en place de projets, car on n’adhère intelligemment à

un projet que si l’on a le sentiment que c’est en partie le nôtre. Soulignons que « coopérer » n’est pas qu’un vœu pieux de politiste, « toujours proclamé, jamais pratiqué ». La coopération n’est certes pas dans la culture française, mais cela n’est pas pour autant une fatalité -- encore faut-il en saisir l’urgente nécessité.

La question générale à se poser est donc : comment favoriser la coopération entre des acteurs défendant des intérêts divergents, ayant différentes perceptions du temps et différentes représentations de l’espace ? La question est large, et la réponse complexe. Comme l’ensemble de cette étude, qui n’a pas vocation à donner des réponses mais à expliciter les enjeux, nous n’évoquerons ici que les principaux points d’achoppement pour la mise en place d’une gouvernance du développement soutenable. _______________________________________________________

A. Les défis de la coopération inter acteurs 1. Un lobbying prégnant

Plusieurs groupes d’intérêt sont identifiables en Médoc.

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Le premier, et le plus évident, est bel et bien celui que l’on peut appeler le lobby viticole. Certains Médocains voient d’ailleurs le monde du vin comme un microcosme, basé en Médoc, mais qui ne vit pas dans et avec le territoire. Ce phénomène est accentué par la disparition de la culture patrimoniale des châteaux, les propriétaires étant maintenant souvent des grands groupes économiques. Le deuxième est sans doute celui des propriétaires de résidences secondaires ou retraités, qui sont venus s’installer en Médoc pour le cadre de vie et qui ne souhaitent pas voir celui-ci dégradé. Ils ont tendance à avoir des comportements nimbystes16. Ceux-là sont sans doute les plus hostiles à l’implantation d’activités industrielles, même de petite taille, susceptibles de générer des nuisances sonores ou olfactives. Parmi ces personnes, on trouve des procéduriers, des personnes qui ont le temps et l’argent pour entamer des procédures visant à faire fermer des usines ou empêcher leur implantation. Par exemple, à Naujac-sur-Mer en 2006, quinze personnes d’une unité de conditionnement de carottes ont dû être licenciées suite aux plaintes d’un riverain concernant des nuisances sonores supérieures de quatre décibels au seuil autorisé. La construction d’un mur anti-bruit d’un coût de 30 500 euros avait été insuffisante. Les chasseurs forment un troisième groupe d’intérêt. Leurs revendications concernent plutôt la défense des zones de chasse et des dates d’ouverture. Ils ont pu dans le passé être en conflit ouvert avec des démarches de type Natura 2000, mais la tension venait plus d’un manque de compréhension des objectifs portés par le réseau que par de véritables désaccords de fond. Aujourd’hui, les chasseurs ont moins de points d’achoppement avec les écologistes qu’avec les sylviculteurs. Ces derniers constituent le dernier groupe d’intérêt que nous pouvons citer ici. Leur souci est la conservation des forêts, qui sont en concurrence avec l’urbanisation ou encore l’obtention de subventions en cas de tempêtes. Ils sont souvent en désaccord avec les chasseurs, ces derniers prônant une diversification des essences et des pratiques culturales moins agressives afin de favoriser la biodiversité. La défense des intérêts de ces groupes est plus ou moins organisée et tous ne sont pas en contradiction les uns avec les autres. Cependant, leurs divergences apparaissent à l’occasion de tout projet global. Pour faire coopérer ces groupes, il semblerait nécessaire que chacun développe une attache au territoire et que chacun ait les mêmes souhaits pour lui. Mais entre ceux qui veulent que leurs enfants puissent rester vivre et travailler en Médoc, ceux qui ne veulent pas voir de changement au risque de le dénaturer et ceux qui vivent « à côté », la coopération apparaît comme un véritable défi.

16 NIMBY : « not in my backyard ». Comportement de défense de ses intérêts particuliers consistant à réagir quand des projets concernent son propre territoire et à vouloir le voir se développer ailleurs.

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2. La quasi-absence de dialogue entre monde économique et monde politique

Les entrepreneurs du Médoc dénoncent l’absence ou la mauvaise qualité du dialogue avec les élus politiques. Chacun a des préjugés vis-à-vis de l’autre et il n’y a pas de co-construction de projets. Les entrepreneurs et les associations reprochent à nombre d’élus politiques d’être frileux face au changement. Or, le changement, s’il est expliqué et valorisé, a toutes les chances d’être accepté. Pour Martine Noverraz, il s’agit là d’un obstacle culturel. Pourtant, la question de l’implantation d’activités économiques est intrinsèquement liée aux problématiques de l’aménagement du territoire. Travailler avec les entreprises semble donc essentiel pour d’une part définir des stratégies de développement et d’autre part pour faciliter l’acceptabilité des projets. Pour Vincent Vignon, chargé de projet pour la société Valorem, afin de maximiser les chances pour un projet d’aboutir, il faut gagner l’acceptabilité locale. Il ne faut pas arriver sur le territoire avec un projet déjà ficelé, mais il faut le dessiner en collaboration avec les acteurs du territoire. Aussi, les entreprises se doivent-elles de comprendre les décisionnaires du secteur et les ancrages locaux sont-ils essentiels. C’est dans cet esprit que s’est inscrite la démarche de Valorem pour le projet d’implantation d’un parc éolien à Naujac-sur-Mer. Valorem a proposé ce projet en 2006. Des études préliminaires ont d’abord été menées afin de valider les qualités du site pour accueillir un parc éolien. Ensuite, les acteurs locaux ont été invités à des Ateliers Techniques de Concertation. L’A.T.C. était présidé par M. Dufourd, le maire de Naujac et étaient présents des maires, des représentants du Conseil régional, de la préfecture, de la communauté de commune, de l’association Vive la Forêt, de le Fédération des Chasseurs de Gironde, de l’ACCA de Naujac, des Verts, de la LPO, de la SEPANSO et autres ingénieurs, paysagistes ou ornithologues présents au titre d’experts. Le but était d’avoir une approche territoriale et une concertation la plus large possible. Le premier A.T.C. a permis de présenter la société Valorem à l’ensemble des participants ainsi que sa méthode de développement de projet éolien, mais également d’établir les règles de participation et le déroulement des prochains A.T.C. Ceux-ci ont porté sur différentes thématiques, telles que l’acoustique, le potentiel en vent, la faune, la flore et le paysage. Des experts ont exposé aux participants les enjeux et les contraintes du site d’étude. Une visite d’un parc éolien a également été organisée en Vendée, et a permis de constater la faible nuisance sonore des éoliennes. Le quatrième l’A.T.C. a permis à tous les participants de pouvoir participer à la finalisation du projet à travers la définition de différentes variantes d’implantation et le choix de l’une d’entre elles. Après chaque réunion de l’A.T.C., un document intitulé « Eol’Info » a été distribué dans les boîtes aux lettres des Naujacais afin de dresser un compte-rendu des échanges. Aussi, tout au long du développement du projet, Valorem se met à disposition des riverains pour une information régulière.

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B. Les défis de la coopération interinstitutionnelle Comme le stipule pertinemment la Charte de Territoire du Pays, le Médoc doit être « une force de proposition en capacité de négocier ». Pour cela, il faut d’abord que le Médoc soit capable de parler d’une seule voix, et donc de prendre des décisions communes. C’est donc une première difficulté au regard de ce que nous venons de dire sur les divergences entre les différents acteurs du territoire. Il faut ensuite que l’entité Médoc pèse sur les scènes régionale et nationale pour que ses intérêts soient pris en compte et qu’il soit à même de les défendre. Face à la recomposition possible de l’architecture politique et administrative des territoires selon les préconisations du rapport Balladur sur la réforme des collectivités territoriales, c’est l’occasion de se demander comment le Médoc peut devenir une force de proposition en capacité de

négocier. Un des revers de la décentralisation est certainement la sectorisation et le manque de coordination des politiques publiques, et donc d’efficacité de l’action publique à l’échelle du territoire. Le Médoc a aussi vécu la décentralisation comme un abandon de la part de l’Etat. C’est peut-être un ressenti commun à tous les territoires ruraux mais, pour le Médoc en tout cas, l’action de l’Etat a souvent été perçue soit comme inexistante soit comme imposante et inadaptée aux aspirations des Médocains. La proposition n°8 du comité Balladur traite de la création par la loi de « métropoles », collectivités locales à statut particulier exerçant des compétences communales et sociales (certaines de celles aujourd’hui dévolues aux départements). Si ces métropoles sont effectivement mises en place, le périmètre de la métropole bordelaise absorberait certainement les villes de Ludon-Médoc, Le Pian-Médoc, Macau, Arsac, voire Salaunes, Avensan, Labarde, Cantenac, Margaux et Soussans. Bien sûr, l’intégration de ces villes dans la métropole bordelaise sera l’objet de débat. Certaines villes devront choisir un camp et il n’est pas sûr que la notion de cohérence territoriale prime face à des enjeux plus purement politiques. Dans tous les cas, la métropole bordelaise pèsera lourd face aux territoires ruraux. Il y a le risque qu’un regard urbain soit sans cesse privilégié et que les territoires les plus ruraux soient encore plus laissés pour compte, d’où encore la nécessité pour le Médoc de se constituer en entité solide et évidente. La seule instance représentative du territoire médocain est, on l’a dit en introduction, le syndicat mixte du Pays Médoc. La particularité de cette institution par rapport aux autres structures administratives françaises est son ouverture aux milieux socio-économiques. En jouant un rôle fédérateur, le Pays encourage les démarches de concertation et de coordination et tente d’approcher les enjeux de manière transversale. Dans le cadre du conseil de développement, « il s’agit de susciter

l’expression de la diversité des opinions pour les prendre en compte au mieux, tout en

explicitant, à mesure, la complexité des contraintes (politiques, techniques, financières…) au

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sein desquelles débattent les décideurs publics pour garantir l’intérêt général17 ». Le Pays, avec sa charte de territoire et son conseil de développement, apparaît donc à même de susciter la coopération des acteurs au niveau du territoire. Cependant, le Pays n’a pas de compétence pour l’action. Il souffre alors d’un certain discrédit de la part des élus, qui l’accusent de n’être qu’un organisme cantonné au discours et dont l’utilité est peu visible. Faute n’est peut-être pas au Pays lui-même, mais à l’absence d’une certaine courroie de transmission pour faire en sorte que les préconisations des études soient mises en musique par les différentes communautés de commune. Aussi la proposition n°6 du comité Balladur stipule-t-elle que « la plupart des pays ont été des structures de préfiguration des groupements de

communes. Ils ont, pour l’essentiel, rempli leur office. » Les Pays ont donc vocation à mourir. En conséquence, il faut trouver des alternatives possibles pour assurer la représentation du Médoc. Une réponse se trouve au niveau des intercommunalités, que le rapport du comité Balladur met en avant. En Médoc, la carte de l’intercommunalité semble avoir été dessinée en forte corrélation avec des rivalités ou des amitiés politiques. Les espaces définis ne sont donc pas forcément cohérents. La réforme des collectivités territoriales peut être l’occasion de refondre cette carte. Plusieurs scenarii semblent possibles : • Un regroupement « vertical » : entrée des villes de Médoc Estuaire (hors celles

inclues dans la métropole) dans la CDC Cœur de Médoc ; regroupement des CDC Cœur de Médoc, Centre Médoc, La Médullienne (un SCOT commun à ces trois entités est d’ailleurs en cours) ; fusion de la CDC de la Pointe du Médoc et des Lacs Médocains, avec intégration de la ville du Porge, voire Saumos et Le Temple du fait de leur proximité avec l’océan.

• Un regroupement « horizontal » : entrée des villes de Médoc Estuaire (hors celles inclues dans la métropole) dans la CDC Cœur de Médoc ; fusion des CDC Cœur de Médoc et Pointe du Médoc ; fusion des CDC Centre Médoc et Médullienne ; intégration de la ville du Porge, voire Saumos et Le Temple du fait de leur proximité avec l’océan, dans la CDC des Lacs Médocains.

• Une refonte du Médoc en une seule intercommunalité voire circonscription infra-

départementale. Dans le cadre de la proposition n°2 du comité Balladur, ces circonscriptions remplaceraient les cantons et serviraient de base pour l’élection des conseillers départementaux et régionaux. Leur périmètre sera établi de manière à ce que « l’identité des territoires continue à être prise en compte à l’échelon

départemental et le soit mieux qu’elle ne l’est aujourd’hui à l’échelon régional18 ».

17 Site de l’APFP (Association de Promotion et de Fédération des Pays). 18 Extrait du rapport du comité pour la réforme des collectivités locales.

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Ce dernier scénario semble être l’option idéale pour peser au mieux sur la scène

régionale et nationale. Cependant, les chances pour que toutes les communes du Médoc acceptent de se regrouper ainsi semblent minces. Dans un tel cadre, il faudrait composer avec les différentes perceptions du territoire qu’ont les Médocains du Nord et les Médocains du Sud.

Conclusion : pour réussir le projet de développement soutenable � Faire travailler ensemble des personnes d’horizons divers � Trouver un mode de représentation permettant d’être une entité solide face aux autres territoires

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Conclusion

Le ton de conclusion de cette étude se veut résolument optimiste pour parer au scepticisme ambiant de la place bordelaise quant au poumon vert de la Gironde, la presqu’île du Médoc.

La première caractéristique qui est évoquée lorsque l’on aborde le sujet du Médoc est son enclavement. Mais la diffusion de l’Internet et le brassage effectif des populations concomitant à la croissance démographique et à l’étalement urbain sont autant de phénomènes qui atténuent sérieusement cet aspect. De plus, les personnes qui viennent de l’extérieur apportent de nouvelles idées, bousculent parfois les traditions, ce qui ne peut être que bénéfique. Par ailleurs, ce qui faisait défaut au Médoc, à savoir une stratégie commune de développement économique, est déjà en germes et ne manquera pas de voir le jour.

Henri Sabarot (maire de Carcans et président de la Fédération de Chasse de la Gironde) est l’auteur d’une phrase qui décrit excellemment la situation du Médoc : « Il a peut-être raté les rendez-vous du XXe siècle pour mieux réussir les rendez-vous

du XXIe ». C’est exactement ce qui ressort de cette étude : au regard du contenu de la notion de modernité du XXe siècle, le Médoc s’est certes retrouvé en queue de wagon sur la scène girondine. Mais au regard du contenu de la notion de modernité du XXIe, celui de la remise en cause du mode de développement de l’après-guerre et celui du développement soutenable, le Médoc est mieux paré que d’autres territoires face aux nouveaux défis, car il a tout simplement moins de dégâts à réparer. De plus, les faiblesses du territoire face à l’enjeu global du changement climatique ne sont pas plus graves qu’ailleurs. Au contraire, le Médoc semble mieux préparé pour y faire face, dans la mesure où l’homme est depuis longtemps dans une forme de « symbiose » avec la nature : cette culture-là n’est donc pas à acquérir, elle est déjà profondément ancrée dans l’identité médocaine.

D’autres aspects de cette identité seront en parallèle des freins, comme

l’absence de culture de la coopération. Aujourd’hui, les peuples qui affichent le mieux cette aptitude au dialogue et au compromis, les Finlandais par exemple, sont des peuples dont l’Histoire ne leur a pas donné d’autre choix que d’ « opérer ensemble ». Mais face à l’urgence écologique, les acteurs n’auront sans doute pas d’autre choix que de coopérer. Au final, à tous les points de vue, le projet de parc naturel régional se veut

une formidable aubaine pour le territoire : sa mise en place sera en effet l’occasion de faire discuter les acteurs de l’ensemble du territoire, de faire des choix ; ce sera l’occasion d’adopter des positions communes, de définir un projet de territoire et

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de le mettre en œuvre. Ce sera aussi une source de financements à la clé si le travail est bien fait.

Pour finir, des remarques doivent être faites quant à l’existence de limites

incombant aux politiques de développement durable. Dans la pratique aujourd’hui, elles ont tendance à être un compromis entre des objectifs sociaux, environnementaux et économiques, avec un des trois volets plus marqué selon la sensibilité des élus politiques. Il faut donc travailler à systématiser ces trois domaines. Par ailleurs, pour les élus et les agents publics, concilier des réalités

immédiates avec des objectifs de long terme est un exercice complexe qu’il reste à ancrer dans les cultures, les pensées et les pratiques. Il y a enfin une tension entre

l’urgence de l’action et le manque de connaissances scientifiques sur les politiques de développement soutenable. Cette incertitude se trouve être le plus important frein à l’action.

Ainsi, être doté d’une stratégie de développement territorial soutenable est

essentiel, mais pour être efficace, c’est l’ensemble des politiques publiques qu’il faut réinterroger, dans leur conception, leur interaction, leur mise en œuvre. Au-delà de cela, c’est la formation intellectuelle des générations futures qu’il faut concevoir à nouveau, au nom d’une transversalité propre au schéma de pensée du développement soutenable car, comme l’a écrit Einstein, « aucun problème ne peut être

résolu sans changer l’état d’esprit qui l’a engendré.»

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Liste des abréviations ADEME : Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie. ACCA : Association Communale de Chasse Agréée AOC : Appellation d’Origine Contrôlée CDC : Communauté de Communes CIVB : Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux CUB : Communauté Urbaine de Bordeaux EPCI : Etablissement public de coopération intercommunale LPO : Ligue de Protection des Oiseaux MIACA : Mission interministérielle d’aménagement de la côte aquitaine OMT : Organisation Mondiale du Tourisme PNR : Parc Naturel Régional PPRI : Plan de Prévention des Risques d’Inondation RMI : Revenu Minimum d’Insertion SEPANSO : Société pour l'Étude, la Protection et l'Aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest SMIDDEST : Syndicat Mixte pour le Développement Durable de l’Estuaire de la Gironde SIAEBVELG : Syndicat Intercommunal d'Aménagement des Eaux du Bassin Versant des Etangs du Littoral Girondin. SIC/pSIC : Sites (ou proposition de sites) d’Importance Communautaire ZICO : Zones d’Importance pour la Conservation des Oiseaux ZNIEFF : Zones Naturelles d’Intérêt Ecologiques Faunistiques et Floristiques ZPS : Zones de Protection Spéciales

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Liste des personnes interrogées Gérard BARBE, adjoint au maire du Verdon, chargé du développement économique et du développement durable. Benjamin BARDINEAU, directeur de cabinet de Xavier PINTAT (sénateur- maire de Soulac-sur-Mer), et ancien attaché parlementaire de Jean-François REGERE (député du Médoc de 2002 à 2007). Thierry BARON, chef d’entreprise (AC2F). Michel BAUMET, attaché parlementaire de Gérard César, conseiller municipal de Blanquefort. Frédéric BOUDEAU, DGS de la CDC de la Pointe du Médoc. Laurent CADUSSEAU, président du club des entrepreneurs du Médoc, président du conseil de développement du Pays Médoc, chef d’entreprise (Coverplant). Jean-Jacques CORSAN, conseiller régional du Médoc. Hélène DOUET, ancienne assistante parlementaire de Jean-François REGERE (député du Médoc de 2002 à 2007). Jean-Bernard DUFOURD, maire de Naujac-sur-Mer, président du SMICOTOM. Francis ETOURNEAUD, directeur de l’office de défense et de gestion (ODG) Médoc – Haut Médoc. Patrick FAUCHER, chargé de mission à la délégation du développement durable de la mairie de Bordeaux. Marc FRANCOIS, DGS de la mairie de Lacanau. Pascale GOT, députée du Médoc. Auriane LABATUT, directrice générale adjointe de la CDC Médoc Estuaire. Patrick LAPOUYADE, directeur de l’association Curuma. Gérard LARRUE, conseiller forestier à la Chambre d’Agriculture de Gironde, animateur du GPF Médoc. René MARTIN, président du Pavillon de la Mutualité.

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Didier MAU, maire du Pian, vice-président de la CDC Médoc Estuaire. Nicolas MONSEIGNE, chargé de mission « Tourisme » du Pays Médoc. Martine NOVERRAZ, directrice du Pays Médoc. Christian PINAUDEAU, secrétaire général du syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest. Marilyne MINAULT, présidente de l’association des entrepreneurs de la Pointe du Médoc, chef d’entreprise (Imagine Editions). Dominique ROY, président de l’Union Touristique du Médoc et de l’office de tourisme de Lacanau. Isabelle ROY, consultante tourisme (HQT Conseil). Jean-Paul SANDRAZ, président du conseil de surveillance du Grand Port Maritime de Bordeaux. Stéphane SAUBUSSE, président des Verts Gironde, leader de l’opposition à la mairie du Pian, professeur de mathématiques au lycée de Pauillac. Urbain SEBIE, maire de Queyrac. Louis-Julien SOURD, ancien président de la commission particulière du débat public pour le projet de terminal méthanier au Verdon. Joan TARIS, président du MoDem Gironde, conseiller municipal à la mairie de Blanquefort, ex-candidat aux élections législatives dans la circonscription du Médoc. Jésus VEIGA, directeur de la Fédération de Chasse de la Gironde. Vincent VIGNON, chargé de projet chez VALOREM, responsable du projet de parc éolien et de parc photovoltaïque à Naujac-sur-Mer. Dominique VINCENT, conseiller général du canton du Bouscat.

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