Les Echos 051009 Total Mauvaise Image

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Tous droits réservés - Les Echos 2009 5/10/2009 P.9 L'ENQUÊTE LE GROUPE SOUFFRE D’UNE MAUVAISE IMAGE AUPRÈS DES FRANÇAIS Total, le dur chemin de la rédemption Dix ans après la catastrophe de l’« Erika », dont le procès en appel s’ouvre aujourd’hui à Paris, le géant pétrolier ne s’est toujours pas réconcilié avec l’opinion française. Pour redorer son image, il assure vouloir mettre en œuvre une nouvelle stratégie de communication. En s’impliquant davantage sur les thèmes de société et l’environnement. P rofits, pollueur, « Erika ». Faites le test vous-mê- mes… Ce sont les mots qui reviennent le plus souvent lorsqu’on demande à son entourage d’associer trois mots à celui de Total. Les deux qui suivent sont AZF et Birmanie. L’expérience n’a rien de scientifique. Elle révèle et confirme simplement l’image dé- testable renvoyée, en France, par le groupe pétrolier. Dix ans après le naufrage de l’« Erika », Total continue de payer cette faute originelle au prix fort. Et se prépare encore à des semaines difficiles, alors que s’ouvre à Paris le procès en appel de la catastrophe. Le point d’orgue d’une année éprouvante pour les nerfs et la réputation du pétrolier tricolore, entre le procès AZF, une poignée d’accidents industriels, une poussée de fièvre birmane, une polémique autour de ses superprofits (13,9 milliards d’euros pour 2008), une autre autour des restructurations annoncées dans le raffi- nage et la pétrochimie (avec à la clef plus de 550 postes supprimés)… Cela fait beau- coup pour une seule entreprise. Et on ne s’étonnera pas que Total se fasse massacrer dans toutes les enquêtes d’opinion publique. Depuis quelques années, la direction du groupe commande régulièrement à la Sofres des études qualité pour prendre le pouls de la population française. Début 2009, miracle : après une période de rela- tive accalmie sur le front médiatique, le sondage de la mi-janvier révélait qu’une petite majorité de Français (53 %) avait plutôt une bonne opinion sur Total. Le répit sera de courte durée. Dès le mois suivant, dans la foulée des résultats finan- ciers et du procès AZF, ce pourcentage tombe à 36 %. 53 % des personnes interro- gées déclarent alors avoir une mauvaise image de Total. Le désamour culminera en mars (60 % d’opinions négatives), en pleine polémique sur les suppressions de postes. Un peu plus tard, le groupe pétro- lier apparaîtra seulement à la 66 e place du Global Reputation Index, le palmarès des entreprises préférées des Français, établi par BVA. Mais 100 e et bon dernier sur le seul critère de l’image… « Erika » ou la faute originelle A ce niveau de rejet, la méthode Coué régulièrement appliquée en interne ne suf- fit plus. C’est entendu : la réputation de Total est bien meilleure à l’étranger, excel- lente sur les marchés financiers ; les Fran- çais sont d’indécrottables râleurs, pour qui les performances économiques ne veulent rien dire, et ne connaissant rien au monde pétrolier ; enfin, quoi qu’on en dise, les problèmes d’image n’ont jamais empêché les automobilistes de faire le plein dans les stations maison… « Mais ce genre de dis- cours fataliste n’est qu’un paravent, s’agace un communicant. Il sert seulement à cacher un grand désarroi, une forme de renonce- ment. » La nouveauté, c’est que, au sein du groupe, on semble enfin conscient du pro- blème. Et décidé à le régler. La semaine passée, le sujet figurait à l’ordre du jour du comité exécutif, qui s’est penché sur la nouvelle stratégie de communication à mettre en œuvre. Pour le directeur général, Christophe de Margerie, l’image de Total doit en effet devenir « un des axes straté- giques du groupe ». Une posture qui mar- que une rupture très nette avec le passé. Pour beaucoup, les racines du mal re- montent évidemment à l’« Erika », et plus exactement aux dix jours qui ont suivi le naufrage. Dix jours, c’est le temps qu’ont mis l’entreprise et son PDG de l’époque, Thierry Desmarest, pour prendre la me- sure de la catastrophe et réagir. « Au même moment, les équipes d’EDF occupaient le terrain médiatique et se mobilisaient jour et nuit pour réparer le réseau électrique dé- vasté par la tempête de 1999, se souvient un responsable du groupe. Nous, nous en étions encore à nous interroger sur la teneur du premier communiqué. La messe était dite. » Et le fossé avec les Français profon- dément creusé. Dix ans après, l’entreprise n’a pas réussi à le combler, « car l’opinion publique attend toujours un acte fort, dé- munication. « Le secteur pétrolier s’est bâti sur la puissance et les rapports de force, rappelle-t-il. Par nature, il est peu sensible à son image, ce que symbolise assez bien un groupe comme Exxon, avec son côté rou- leau compresseur. » Ajoutez à cela la prédo- minance d’ingénieurs plus ou moins for- matés, habitués depuis toujours à travailler dans la rigueur et à qui vous ne ferez ja- mais comprendre l’irrationalité de l’opi- nion publique, d’un emballement média- tique… Le résultat est un dialogue de sourds qui n’a que trop duré. Mais comment remonter la pente ? Comment retisser un semblant de lien avec la population française ? « Total a aujourd’hui la chance d’avoir à sa tête un fabuleux homme de dialogue, note un fa- milier du groupe. Sur le plan de la commu- nication, on peut même dire qu’il a plu- sieurs longueurs d’avance sur le reste de la boîte. C’est donc l’homme de la situation. A condition qu’il entraîne l’entreprise derrière lui… » Sincérité et vérité A condition, surtout, « d’éviter les emmer- dements », prévient un communicant : « Une grande mesure symbolique ou un changement de langage, c’est bien, mais To- tal doit d’abord s’efforcer d’éliminer le ha- sard industriel, qui n’est pas tolérable pour la première entreprise de France. Il y a trop d’intelligence, trop de R&D dans cette mai- son, pour qu’on accepte les accidents indus- triels comme une fatalité. » A l’avenir, tous ceux qui s’intéressent à cette probléma- tique d’image le disent : Total devra faire beaucoup plus d’efforts en matière de sé- curité, comme sur le plan environnemen- tal, et se doter d’un code éthique encore plus rigoureux, pour se mettre enfin à l’abri des aléas. Le vrai travail de reconquête, lui, requiert du doigté et de la patience : « Total doit se fixer des objectifs réalistes, s’efforcer de deve- nir une entreprise comme les autres. L’in- flexion ne peut se faire qu’en douceur, avec cohérence, en choisissant une ou deux lignes de force, pas plus », conseille Gaël Sliman, directeur général adjoint de BVA. En l’oc- currence, le sondage réalisé au printemps dernier par cet institut avait pointé deux handicaps à surmonter : en premier lieu, « la crédibilité de l’entreprise, sa capacité à être sincère et à dire la vérité » ; ainsi que son « implication dans le social et le déve- loppement durable ». On touche là deux puissants leviers, susceptibles de faire évo- luer la façon dont Total est perçu par le grand public. « La bataille de l’opinion française peut être gagnée, veut croire un proche du groupe. Total n’est plus seulement un pétro- lier, il faut le faire savoir. L’évolution des métiers est un facteur d’évolution de l’image en soi, pour sortir de la mythologie du pé- trole et de son cortège d’images négatives. » En d’autres termes, la compagnie doit dé- sormais tenir un discours permanent sur le sociétal, l’environnement, tout en assu- mant son cœur de métier, en éclairant au passage le bénéfice qu’en retire la collecti- vité : « D’une façon ou d’une autre, résume un expert de la com, il s’agit de substituer dans les esprits le montant des investisse- ments réalisés chaque année au chiffre my- thique des profits. » Mais, attention : der- rière ce nouveau discours, Total a un devoir de preuve. Et « la barre est haute, prévient Muriel Humbertjean, directeur général adjoint de TNS Sofres, car, pour marquer les esprits, la promesse devra être proportionnelle à sa taille… » Tous ces conseils, certains continuent de les balayer d’un revers de main chez Total. Mais ils sont de moins en nombreux. Au plus haut niveau de l’entreprise, même s’ils ne le disent pas publiquement, bon nombre de cadres souhaitent réconcilier le groupe avec les Français. Christophe de Margerie, lui, sait qu’il joue très gros sur ce sujet, mais ne peut plus reculer. « L’image, explique-t-il, est un investissement lourd et de long terme, comme un investissement pétrolier. Ce ne sera pas facile. Ce n’est pas gagné, mais je suis convaincu que nous pou- vons y arriver. Il faudra au moins de cinq à six ans pour qu’on reconnaisse que les choses ont changé et, je l’espère, pour qu’on se fasse accepter. Je n’ai pas dit aimer…» PASCAL POGAM Décembre 1999 : naufrage de l’« Erika ». Chaque poussée de fièvre médiatique se traduit par une dégradation de l’image de Total dans l’opinion publique. Depuis quatre ans, des sommets d’impopularité sont ainsi atteints en février, au moment de la présentation des comptes de l’entreprise. CASTELLI / ANDIA.FR Total : de fréquents pics d’impopularité Personnes interrogées ayant une mauvaise image globale de Total, en % idé / Source : TNS Sofres fév. 2005 mars 05 mai 05 fév. 06 mars 07 mai 07 sept. 07 janv. 08 février 08 avr. 08 sept. 08 janv. 09 mars 09 avr. 09 22 49 26 30 57 43 28 50 40 47 56 44 44 51 59 45 33 44 46 53 60 52 6 13 20 mars 08 5 12 février 09 5 12 19 27 Septembre 2001 : explosion de l’usine AZF, à Toulouse. MAXPPP crypte un consultant. Vis-à-vis de Total, il n’y a aucune indulgence, car le groupe n’a exprimé aucun regret, aucune excuse, aucune explication… » Une analyse partagée par de nombreux spécialistes de la communication de crise : « Les gens reconnaissent la possibilité de la faute, explique l’un d’eux, à condition qu’on en tire les enseignements et qu’on respecte ces trois règles de base : com- passion, transparence, action. Au moment de l’“ Erika ” , Total a eu tout faux de ce point de vue-là. A tort ou à raison, les Français y ont vu du mépris. Il le paie encore aujourd’hui… » Le mépris. Encore un mot qui revient souvent à propos de Total. Un communi- cant qui connaît bien la maison préfère parler d’une indifférence « quasi géné- tique » pour tout ce qui touche à la com- PHOTOPQR/PARIS NORMANDIE Mars 2009 : annonce d’une restructuration, avec 555 suppressions de postes en France. AFP Février 2009 : Christophe de Margerie annonce les plus gros profits de l’histoire de Total. Quatre moments qui ont entaché la réputation de l’entreprise

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5/10/2009P.9L'ENQUÊTE

LE GROUPE SOUFFRE D’UNE MAUVAISE IMAGE AUPRÈS DES FRANÇAIS

Total, le dur cheminde la rédemption

Dix ans après la catastrophe de l’« Erika », dont le procès en appel s’ouvre aujourd’hui à Paris, le géant pétrolierne s’est toujours pas réconcilié avec l’opinion française. Pour redorer son image, il assure vouloir mettre en œuvreune nouvelle stratégie de communication. En s’impliquant davantage sur les thèmes de société et l’environnement.

Profits, pollueur, « Erika ».Faites le test vous-mê-mes… Ce sont les mots quireviennent le plus souventlorsqu’on demande à sonentourage d’associer troismots à celui de Total. Les

deux qui suivent sont AZF et Birmanie.L’expérience n’a rien de scientifique. Ellerévèle et confirme simplement l’image dé-testable renvoyée, en France, par le groupepétrolier. Dix ans après le naufrage del’« Erika », Total continue de payer cettefaute originelle au prix fort. Et se prépareencore à des semaines difficiles, alors ques’ouvre à Paris le procès en appel de lacatastrophe. Le point d’orgue d’une annéeéprouvante pour les nerfs et la réputationdu pétrolier tricolore, entre le procès AZF,une poignée d’accidents industriels, unepoussée de fièvre birmane, une polémiqueautour de ses superprofits (13,9 milliardsd’euros pour 2008), une autre autour desrestructurations annoncées dans le raffi-nage et la pétrochimie (avec à la clef plusde 550 postes supprimés)… Cela fait beau-coup pour une seule entreprise. Et on nes’étonnera pas que Total se fasse massacrerdans toutes les enquêtes d’opinionpublique.

Depuis quelques années, la direction dugroupe commande régulièrement à laSofres des études qualité pour prendre lepouls de la population française. Début2009, miracle : après une période de rela-tive accalmie sur le front médiatique, lesondage de la mi-janvier révélait qu’unepetite majorité de Français (53 %) avaitplutôt une bonne opinion sur Total. Lerépit sera de courte durée. Dès le moissuivant, dans la foulée des résultats finan-ciers et du procès AZF, ce pourcentagetombe à 36 %. 53 % des personnes interro-gées déclarent alors avoir une mauvaiseimage de Total. Le désamour culminera enmars (60 % d’opinions négatives), enpleine polémique sur les suppressions depostes. Un peu plus tard, le groupe pétro-lier apparaîtra seulement à la 66e place duGlobal Reputation Index, le palmarès desentreprises préférées des Français, établipar BVA. Mais 100e et bon dernier sur leseul critère de l’image…

« Erika » ou la faute originelleA ce niveau de rejet, la méthode Couérégulièrement appliquée en interne ne suf-fit plus. C’est entendu : la réputation deTotal est bien meilleure à l’étranger, excel-lente sur les marchés financiers ; les Fran-çais sont d’indécrottables râleurs, pour quiles performances économiques ne veulentrien dire, et ne connaissant rien au mondepétrolier ; enfin, quoi qu’on en dise, lesproblèmes d’image n’ont jamais empêchéles automobilistes de faire le plein dans lesstations maison… « Mais ce genre de dis-cours fataliste n’est qu’un paravent, s’agaceun communicant. Il sert seulement à cacherun grand désarroi, une forme de renonce-ment. » La nouveauté, c’est que, au sein dugroupe, on semble enfin conscient du pro-blème. Et décidé à le régler. La semainepassée, le sujet figurait à l’ordre du jour ducomité exécutif, qui s’est penché sur lanouvelle stratégie de communication àmettre en œuvre. Pour le directeur général,Christophe de Margerie, l’image de Totaldoit en effet devenir « un des axes straté-giques du groupe ». Une posture qui mar-que une rupture très nette avec le passé.

Pour beaucoup, les racines du mal re-montent évidemment à l’« Erika », et plusexactement aux dix jours qui ont suivi lenaufrage. Dix jours, c’est le temps qu’ontmis l’entreprise et son PDG de l’époque,Thierry Desmarest, pour prendre la me-sure de la catastrophe et réagir. « Au mêmemoment, les équipes d’EDF occupaient leterrain médiatique et se mobilisaient jour etnuit pour réparer le réseau électrique dé-vasté par la tempête de 1999, se souvient unresponsable du groupe. Nous, nous enétions encore à nous interroger sur la teneurdu premier communiqué. La messe étaitdite. » Et le fossé avec les Français profon-dément creusé. Dix ans après, l’entreprisen’a pas réussi à le combler, « car l’opinionpublique attend toujours un acte fort, dé-

munication. « Le secteur pétrolier s’est bâtisur la puissance et les rapports de force,rappelle-t-il. Par nature, il est peu sensible àson image, ce que symbolise assez bien ungroupe comme Exxon, avec son côté rou-leau compresseur. » Ajoutez à cela la prédo-minance d’ingénieurs plus ou moins for-matés, habitués depuis toujours à travaillerdans la rigueur et à qui vous ne ferez ja-mais comprendre l’irrationalité de l’opi-nion publique, d’un emballement média-tique… Le résultat est un dialogue desourds qui n’a que trop duré.

Mais comment remonter la pente ?Comment retisser un semblant de lienavec la population française ? « Total aaujourd’hui la chance d’avoir à sa tête unfabuleux homme de dialogue, note un fa-milier du groupe. Sur le plan de la commu-nication, on peut même dire qu’il a plu-

sieurs longueurs d’avance sur le reste de laboîte. C’est donc l’homme de la situation. Acondition qu’il entraîne l’entreprise derrièrelui… »

Sincérité et véritéA condition, surtout, « d’éviter les emmer-dements », prévient un communicant :« Une grande mesure symbolique ou unchangement de langage, c’est bien, mais To-tal doit d’abord s’efforcer d’éliminer le ha-sard industriel, qui n’est pas tolérable pourla première entreprise de France. Il y a tropd’intelligence, trop de R&D dans cette mai-son, pour qu’on accepte les accidents indus-triels comme une fatalité. » A l’avenir, tousceux qui s’intéressent à cette probléma-tique d’image le disent : Total devra fairebeaucoup plus d’efforts en matière de sé-curité, comme sur le plan environnemen-tal, et se doter d’un code éthique encoreplus rigoureux, pour se mettre enfin à l’abrides aléas.

Le vrai travail de reconquête, lui, requiertdu doigté et de la patience : « Total doit sefixer des objectifs réalistes, s’efforcer de deve-nir une entreprise comme les autres. L’in-flexion ne peut se faire qu’en douceur, aveccohérence, en choisissant une ou deux lignesde force, pas plus », conseille Gaël Sliman,directeur général adjoint de BVA. En l’oc-currence, le sondage réalisé au printempsdernier par cet institut avait pointé deuxhandicaps à surmonter : en premier lieu,« la crédibilité de l’entreprise, sa capacité àêtre sincère et à dire la vérité » ; ainsi queson « implication dans le social et le déve-loppement durable ». On touche là deuxpuissants leviers, susceptibles de faire évo-luer la façon dont Total est perçu par legrand public.

« La bataille de l’opinion française peutêtre gagnée, veut croire un proche dugroupe. Total n’est plus seulement un pétro-lier, il faut le faire savoir. L’évolution desmétiers est un facteur d’évolution de l’imageen soi, pour sortir de la mythologie du pé-trole et de son cortège d’images négatives. »En d’autres termes, la compagnie doit dé-sormais tenir un discours permanent sur lesociétal, l’environnement, tout en assu-mant son cœur de métier, en éclairant aupassage le bénéfice qu’en retire la collecti-vité : « D’une façon ou d’une autre, résumeun expert de la com, il s’agit de substituerdans les esprits le montant des investisse-ments réalisés chaque année au chiffre my-thique des profits. » Mais, attention : der-rière ce nouveau discours, Total a undevoir de preuve. Et « la barre est haute,prévient Muriel Humbertjean, directeurgénéral adjoint de TNS Sofres, car, pourmarquer les esprits, la promesse devra êtreproportionnelle à sa taille… »

Tous ces conseils, certains continuent deles balayer d’un revers de main chez Total.Mais ils sont de moins en nombreux. Auplus haut niveau de l’entreprise, même s’ilsne le disent pas publiquement, bonnombre de cadres souhaitent réconcilier legroupe avec les Français. Christophe deMargerie, lui, sait qu’il joue très gros sur cesujet, mais ne peut plus reculer. « L’image,explique-t-il, est un investissement lourd etde long terme, comme un investissementpétrolier. Ce ne sera pas facile. Ce n’est pasgagné, mais je suis convaincu que nous pou-vons y arriver. Il faudra au moins de cinq àsix ans pour qu’on reconnaisse que leschoses ont changé et, je l’espère, pour qu’onse fasse accepter. Je n’ai pas dit aimer… »

PASCAL POGAM

Décembre 1999 : naufrage de l’« Erika ».

Chaque poussée de fièvre médiatique se traduit par une dégradation de l’image de Totaldans l’opinion publique. Depuis quatre ans, des sommets d’impopularité sont ainsiatteints en février, au moment de la présentation des comptes de l’entreprise.

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Total : de fréquents pics d’impopularité Personnes interrogées ayant une mauvaise image globale de Total, en %

idé / Source : TNS Sofres

fév.2005

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Septembre 2001 : explosion de l’usine AZF, à Toulouse.

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crypte un consultant. Vis-à-vis de Total, iln’y a aucune indulgence, car le groupe n’aexprimé aucun regret, aucune excuse,aucune explication… »

Une analyse partagée par de nombreuxspécialistes de la communication de crise :« Les gens reconnaissent la possibilité de lafaute, explique l’un d’eux, à conditionqu’on en tire les enseignements et qu’onrespecte ces trois règles de base : com-passion, transparence, action. Au momentde l’“ Erika ”, Total a eu tout faux de ce pointde vue-là. A tort ou à raison, les Français yont vu du mépris. Il le paie encoreaujourd’hui… »

Le mépris. Encore un mot qui revientsouvent à propos de Total. Un communi-cant qui connaît bien la maison préfèreparler d’une indifférence « quasi géné-tique » pour tout ce qui touche à la com-

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Mars 2009 : annonce d’une restructuration, avec 555 suppressions de postes en France.

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Février 2009 : Christophe de Margerie annonce les plus gros profits de l’histoire de Total.

Quatre moments qui ont entaché la réputation de l’entreprise