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Pratiques en Ophtalmologie • septembre 2016 • vol. 10 • numéro 90 1191 DOSSIER > 3/ Forme et rayons : utiliser le laser excimer pour remodeler la cornée � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 120 Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus Déjà parues dans le numéro 89, les deux premières parties du dossier : > 1/ Presbytie, effets optiques et stratégies de correction Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus > 2/ Aberration sphérique : du flou à la compensation de la presbytie Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus Q uels sont les principes sur lesquels reposent les traitements actuels de la presbytie par laser excimer ? C’est à cette question que nous souhaitons apporter une réponse par le biais de la rédaction de ce dossier, car nous croyons fermement que l’optimisation des résultats des chirurgies suppose une bonne compréhension de leur fonctionnement et de leur paramétrage. Les deux premiers articles d’une série de quatre ont été publiés dans le numéro précédent de Pratiques en Ophtalmologie, en juin dernier, où nous avons passé en revue les différentes stra- tégies chirurgicales de compensation de la pres- bytie, reposant sur des principes mécaniques, binoculaires ou optiques (1). Parmi ces derniers, la modification des propriétés de réfraction de la cornée et la maîtrise de son aberration sphérique (en lien direct avec la profondeur de focalisation de l’œil) (2) sont les leviers utilisés lors du remo- delage cornéen par laser excimer. Toutefois, avant de s’intéresser à leur application au traitement de la presbytie, il est nécessaire de comprendre comment l’ablation excimer est réalisée. Pour cela, ce troisième article va suivre le plan suivant : après avoir rappelé comment il est pos- sible d’utiliser la réfraction de la lumière pour corriger une amétropie, nous décrirons la cornée à l’aide d’un modèle mathématique elliptique en analysant l’influence de ses paramètres descrip- teurs sur sa forme et ses propriétés optiques. C’est en effet sur un tel modèle que reposent la plupart des traitements ablatifs utilisés de nos jours, bien que seront aussi évoqués les trai- tements s’appuyant sur les mesures issues de l’aberrométrie ou de la topographie. Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus Centre laser Victor Hugo, Paris presbytie et laser excimer Les dessous d’une chirurgie de surface (suite) 1. Hagège A, Casadessus O. Presbytie, effets optiques et stratégies de correction. Pratiques en Ophtalmo- logie 2016 ; 10 : 90-98. 2. Hagège A, Casadessus O. Aberration sphérique : du flou à la compensation de la presbytie. Pratiques en Ophtalmologie 2016 ; 10 : 99-106. Bibliographie

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DOSSIER

> 3/ Forme et rayons : utiliser le laser excimer pour remodeler la cornée � � � � � � � � � � � � � � � � � � � P� 120 Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus

Déjà parues dans le numéro 89, les deux premières parties du dossier :

> 1/ Presbytie, effets optiques et stratégies de correction Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus

> 2/ Aberration sphérique : du flou à la compensation de la presbytie Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus

Q uels sont les principes sur lesquels reposent les traitements actuels de la presbytie par laser excimer ? C’est à

cette question que nous souhaitons apporter une réponse par le biais de la rédaction de ce dossier, car nous croyons fermement que l’optimisation des résultats des chirurgies suppose une bonne compréhension de leur fonctionnement et de leur paramétrage.Les deux premiers articles d’une série de quatre ont été publiés dans le numéro précédent de Pratiques en Ophtalmologie, en juin dernier, où nous avons passé en revue les différentes stra-tégies chirurgicales de compensation de la pres-bytie, reposant sur des principes mécaniques, binoculaires ou optiques (1). Parmi ces derniers, la modification des propriétés de réfraction de la cornée et la maîtrise de son aberration sphérique (en lien direct avec la profondeur de focalisation de l’œil) (2) sont les leviers utilisés lors du remo-delage cornéen par laser excimer. Toutefois, avant de s’intéresser à leur application au traitement de la presbytie, il est nécessaire de comprendre comment l’ablation excimer est réalisée.

Pour cela, ce troisième article va suivre le plan suivant : après avoir rappelé comment il est pos-sible d’utiliser la réfraction de la lumière pour corriger une amétropie, nous décrirons la cornée à l’aide d’un modèle mathématique elliptique en analysant l’influence de ses paramètres descrip-teurs sur sa forme et ses propriétés optiques. C’est en effet sur un tel modèle que reposent la plupart des traitements ablatifs utilisés de nos jours, bien que seront aussi évoqués les trai-tements s’appuyant sur les mesures issues de l’aberrométrie ou de la topographie.

Dr Alain Hagège, Olivier Casadessus Centre laser Victor Hugo, Paris

presbytie et laser excimer Les dessous d’une chirurgie de surface

(suite)

1. Hagège A, Casadessus O. Presbytie, effets optiques et stratégies de correction. Pratiques en Ophtalmo-logie 2016 ; 10 : 90-98.2. Hagège A, Casadessus O. Aberration sphérique : du flou à la compensation de la presbytie. Pratiques en Ophtalmologie 2016 ; 10 : 99-106.

Bibliographie

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*Chirurgien ophtalmologiste, Centre laser Victor Hugo, Paris**Ingénieur optique, Centre laser Victor Hugo, Paris

est décrite par les lois dites de Snell-Descartes (Fig. 1).

Reprenons l’exemple du verre d’eau pour illustrer la signification de ces équations, en supposant que l’on pointe un faisceau laser en direction de la surface de l’eau (cette surface est un dioptre sépa-rant l’air et l’eau). Si le laser est pointé perpendiculairement à ce

FIGURE 1 – Schéma de principe des lois de Snell-Descartes lorsqu’un rayon lumineux rencontre un dioptre plan.

3/ Forme et rayons Utiliser le laser excimer pour remodeler la cornée

IntroductionLa cornée est la fenêtre externe de l’œil et joue un double rôle optique essentiel : d’une part, assurer la transmission de la lumière dans le globe ocu-laire grâce à sa transparence, et d’autre part participer à la formation des images du monde extérieur sur la rétine – de concert avec le cristallin – grâce à son pouvoir réfractif. C’est à cette dernière propriété que nous allons nous intéresser dans ce troisième article, en soulignant comment la forme de la cornée et la modification de celle-ci à l’aide du laser exci-mer va permettre de changer la trajectoire des rayons lumineux la traversant.

Dr Alain Hagège*, Olivier Casadessus**

INTRODUCTION À LA CHIRURGIE RÉFRACTIVE CORNÉENNE : DE SNELL-DESCARTES À MUNNERLYNLorsqu’un rayon lumineux se pro-page dans un milieu d’indice de réfraction homogène, sa trajec-toire suit une ligne droite. Cepen-dant, si le rayon passe dans un milieu d’indice de réfraction diffé-rent, on observe alors un change-

ment brusque de trajectoire : c’est le célèbre effet du crayon “cassé” lorsque l’extrémité de ce dernier est immergée dans de l’eau. Cet effet est causé par le phénomène de réfraction qui décrit la déviation d’un rayon lumineux lorsqu’il tra-verse un dioptre (un dioptre étant le nom donné à la surface séparant deux milieux d’indices de réfrac-tion différents), et cette déviation

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FIGURE 2 – Illustration des lois de la réfraction avec un verre d’eau. A. Inci-dence normale. B. Incidence oblique, réflexion et réfraction. C. Effet d’une modification de la pente locale du dioptre sur la réfraction (le rayon réfléchi est volontairement omis). D. Effet de l’indice de réfraction sur la déviation du rayon réfracté (le rayon réfléchi est volontairement omis).

dioptre, on n’observe aucune dé-viation (Fig. 2A). En revanche, à me-sure que l’on change la direction du faisceau, on observe (Fig. 2B) :- l’apparition d’un faisceau réfléchi dans l’air, dont la direction de pro-pagation est symétrique à celle du faisceau incident ;- l’apparition d’un faisceau réfrac-té dans l’eau, dont la direction de propagation dépend à la fois des indices de réfraction de l’air et de l’eau, mais aussi de l’angle formé par le faisceau incident et la nor-male au dioptre.La proportion d’énergie se répar-tissant entre les deux faisceaux, réfléchi et réfracté, se calcule à partir des indices de réfraction des milieux de part et d’autre du dioptre. Dans notre exemple du verre d’eau, on obtient des taux de respectivement 15 et 85 %1. Nous ne nous intéresserons par la suite qu’au rayon réfracté, ignorant le rayon réfléchi qui correspond en pratique à la perception d’un reflet en surface du dioptre.

Pour un faisceau incident de di-rection donnée rencontrant un dioptre, quels sont les leviers en-visageables pour agir sur la direc-tion du rayon réfracté ? La loi de Snell-Descartes fait inter-venir l’angle formé par ce faisceau incident et la normale au dioptre. Par conséquent, si la pente du dioptre est modifiée localement au point d’intersection avec le rayon lumineux, la déviation sera aussi modifiée : c’est ce que l’on observe si l’on remue l’eau dans le verre, avec la vision du faisceau réfracté qui suit la déformation des ondula-tions à la surface de l’eau (Fig. 2C).

1. En toute rigueur, ces taux devraient aussi tenir compte de l’angle d’incidence des rayons, mais nous ignorons cela ici par souci de simplification du propos.

Les profils des surfaces des verres ou lentilles correcteurs sont ainsi calculés, de façon à modifier le tra-jet des rayons lumineux réfractés dans l’œil pour qu’ils convergent correctement sur la rétine. Et c’est bien sûr sur ce principe que repose aussi le remodelage cornéen à vi-sée réfractive, comme nous le ver-rons plus en détail par la suite.Une autre façon de procéder consiste à modifier l’indice des milieux séparés par le dioptre. Par exemple, si du sucre est dilué de façon homogène dans l’eau,

l’indice de réfraction dans le verre va augmenter et le rayon réfracté va changer de direction (Fig. 2D). C’est en jouant ainsi sur l’indice de réfraction des matériaux uti-lisés que les fabricants de verres ophtalmiques parviennent à les amincir tout en conservant leur capacité de déviation des rayons lumineux. C’est aussi sur ce prin-cipe que repose la procédure IRIS, en cours de développement, visant à modifier l’indice de réfraction du stroma cornéen pour corriger les amétropies (1).

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La déviation des rayons lumi-neux dépend donc de la forme du dioptre qu’ils traversent. Dès lors, il est possible de faire converger ces rayons à l’aide d’un dioptre sphérique par exemple. La puis-sance optique d’un tel dioptre est d’ailleurs liée à son rayon de courbure (Fig. 3) : aplatir un dioptre (en augmentant le rayon de cour-bure) permettra de diminuer sa puissance optique, tandis que le cambrer (en diminuant le rayon de courbure) augmentera cette puis-sance2.

D’abord appliquée au façonnage des verres pour la correction des amétropies sphériques (il suffira de faire varier la courbure selon différents méridiens pour traiter un astigmatisme), cette relation est aussi à la base des traitements réfractifs visant à modifier la forme de la cornée. Des premières expé-rimentations menées par Wraclaw Szuniewicz dans les années  1940 (2) au kératomileusis introduit par Barraquer (3) ou aux incisions in-trastromales (kératotomie) initiées par Fyodorov, toutes ces techniques reposent sur une déformation adé-quate des surfaces de la cornée pour modifier son pouvoir optique. De même en est-il pour les chirur-gies actuelles utilisant le laser pour la remodeler, qu’il s’agisse de la toute récente technique du SMILE (Small Incision Lenticule Extraction) au laser femtoseconde ou bien encore de la photokératectomie ré-fractive (PKR) ou du kératomileusis in situ par laser (LASIK) à l’aide du laser excimer.Ce dernier, tel qu’utilisé en ophtal-

2. Il est important de noter que cette rela-tion a été obtenue en utilisant l’approxi-mation dite paraxiale, c’est-à-dire en ne tenant compte que des rayons traversant le dioptre à proximité de son axe optique.

mologie3, repose sur un mélange gazeux d’argon et de fluor per-mettant l’obtention d’impulsions nanosecondes d’une radiation lumineuse dans l’ultraviolet, à la longueur d’onde de 193  nm. La lumière émise par ce laser inter-agit avec la cornée en produisant une disruption locale du tissu sans propagation hors de la zone irra-diée. Trokel en a déduit la possibi-lité d’utiliser le laser excimer pour ablater la cornée (5), dans le but de réaliser des incisions (cepen-dant les résultats se sont montrés décevants comparativement à l’uti-lisation classique du couteau) ou de remodeler localement le tissu cornéen. Une fois démontrée l’ab-sence de cicatrice après ablation, l’utilisation de ce laser est alors devenue celle qui est encore en pratique de nos jours, à savoir la suppression de lenticules réfractifs dans la zone optiquement active de la cornée. C’est Charles Munnerlyn

3. D’autres lasers excimer utilisent des mélanges gaz/halogènes autres que ArF, émettant des radiations de longueur d’onde différente de 193 nm et dont l’interaction avec la cornée est moins favorable. Par ailleurs, nous invitons le lecteur intéressé par le développement du laser excimer en chirurgie réfractive à lire la revue rédigée à l’occasion des 25 ans de son utilisation en ophtalmologie (4).

qui mit en équations le premier la forme des lenticules à ablater en fonction de l’amétropie à corriger, en calculant le volume à retirer entre deux dioptres de puissances réfractives différentes (et donc de rayons de courbure différents) (6).

Affiner les caractéristiques de la découpe de la cornée pour en maî-triser le comportement optique né-cessite toutefois une modélisation de ses surfaces. C’est ce à quoi le paragraphe suivant sera consacré, avant d’aborder la question des pro-fils d’ablation eux-mêmes.

DÉCRIRE LA CORNÉE : FORME ET OPTIQUE DU DIOPTRE ELLIPTIQUEBien que la structure et les proprié-tés à l’échelle microscopique de la cornée soient complexes et encore mal comprises (7), il est possible de la décrire à l’échelle macroscopique comme un milieu d’indice de réfrac-tion moyen de 1,376, séparé de l’air (indice de réfraction égal à 1) par sa face antérieure et de l’humeur aqueuse (indice de 1,336) par sa face postérieure. Le laser excimer étant une chirurgie de surface, nous nous intéresserons par la suite à la seule face antérieure de la cornée,

FIGURE 3 – Réfraction par un dioptre elliptique : calcul de la distance focale et de la puissance d’un dioptre de rayon de courbure r.

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dont il a été montré qu’une coupe méridienne peut être raisonnable-ment approchée dans sa partie cen-trale par une ellipse4 (9).

■■ PARAMÈTRES DESCRIPTEURS DU DIOPTRE CORNÉEN ELLIPTIQUEL’ellipse est une figure géomé-trique faisant partie de la famille des sections coniques, décrites mathématiquement par une équa-tion unique, dite formule de Baker (10). Il s’agit d’une équation du second ordre, permettant de dé-crire la courbe obtenue à l’aide de deux paramètres indépendants  : le rayon de courbure apical r0 et le facteur d’asphéricité5 Q. Le premier de ces paramètres, r0, va fixer la taille de la courbe, tandis que la valeur du facteur Q va défi-nir sa forme (Fig. 4).

L’ellipse est l’une de ces variantes géométriques, correspondant à un facteur d’asphéricité stricte-ment supérieur à - 1. Outre cela, si Q est négatif, l’ellipse est dite prolate, c’est-à-dire que l’ellipse est orientée selon son grand axe. Si Q est nul, alors les deux axes de l’ellipse sont égaux : il s’agit d’un cercle. Si Q est positif, l’ellipse est alors dite oblate, en étant orientée

4. La cornée est bien entendu un objet en trois dimensions. Elle devra alors être approchée par une forme ellipsotorique pour prendre en compte l’astigmatisme cornéen (8). Par souci de simplification, nous restreignons toutefois notre propos à une modélisation en deux dimensions de la cornée. Pour en déduire le compor-tement en 3D, il suffira de modifier les paramètres de l’ellipse en fonction du méridien étudié.5. D’autres paramètres sont parfois utili-sés en lieu et place du facteur d’asphéri-cité Q, comme l’excentricité généralement notée e. Ces différentes notations font référence à des grandeurs équivalentes et facilement déductibles les unes des autres au moyen de relations mathématiques simples (11).

FIGURE 4 – Équation de Baker d’une section conique et allure des courbes obtenues lorsqu’on fait varier la valeur du facteur d’asphéricité Q pour un rayon de courbure apical r0 donné.

FIGURE 5 – Influence du facteur d’asphéricité sur la forme de l’ellipse et calcul de Q en fonction de la longueur des axes. Le rayon de courbure apical est le même pour les trois cas présentés ici (cercle de rayon r0 représenté par des pointillés oranges dans les cas des ellipses oblate et prolate).

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selon son axe le plus petit. Q est d’ailleurs calculable à partir des longueurs des deux axes de l’el-lipse (Fig. 5).

Chez l’homme, les valeurs moyennes de ces paramètres pour le dioptre antérieur cornéen sont de respectivement 7,76  mm pour r0 (12) et de - 0,27 pour Q (13) (la cornée humaine est ainsi généra-lement prolate).

Pour comprendre comment l’un et l’autre des paramètres  r0 et Q influencent la forme du dioptre el-liptique, on peut les appréhender de la façon suivante  : r0 apparaît être le rayon du cercle approchant au mieux l’ellipse en son apex (d’où le nom de rayon de cour-bure apical), tandis que Q permet de décrire comment la forme de l’ellipse dévie de celle du cercle apical, en présentant une cour-bure plus ou moins accentuée à mesure que l’on s’éloigne de son apex. Il est d’ailleurs possible de calculer localement le rayon de courbure (sagittal) en tout point de l’ellipse et de le relier aux valeurs de Q et de r0 (Fig. 6A).

Pour résumer, la valeur de r0 va fixer la taille de l’ellipse et son allure globale à l’apex, l’ellipse se dilatant lorsque r0 augmente ou au contraire se contractant si r0 dimi-nue. La valeur de Q va quant à elle conditionner le comportement des bords du dioptre elliptique, avec un repliement de ceux-ci d’autant plus rapide que la valeur du fac-teur d’asphéricité est importante : pour un même rayon apical  r0, une ellipse prolate (Q  <  0) voit ses bords relevés par rapport au cercle de rayon  r0, tandis que les bords d’une ellipse oblate (Q > 0) sont plus abaissés (Fig. 6B).

■■ DÉVIATION DES RAYONS LUMINEUX PAR LE DIOPTRE ELLIPTIQUENous l’avons rappelé dans la pre-mière partie de cet article, la forme d’un dioptre conditionne la dévia-tion des rayons lumineux le traver-sant. Ainsi en sera-t-il de même pour le dioptre elliptique, et l’objet de ce paragraphe est de décrire l’influence des paramètres r0 et Q vus précédemment sur le compor-tement optique du dioptre. Dans la suite, nous étudierons la réfraction

des rayons émis par une source de lumière placée “à l’infini” : ces rayons sont donc tous parallèles à l’axe optique, qui est l’axe de l’el-lipse passant par son apex.

Le rayon de courbure apical r0 définit la forme du cercle appro-chant au mieux le dioptre en son apex, il va donc conditionner la convergence des rayons les plus centraux et la position du foyer paraxial. À la position de ce foyer est associée une puis-sance optique, dite paraxiale puisque ne concernant que les rayons proches de l’axe optique, et inversement proportionnelle à la valeur de r0. Pour augmenter ou diminuer la puissance optique (paraxiale) du dioptre, on cher-chera respectivement à diminuer le rayon de courbure apical (cam-brure accentuée à l’apex) ou à l’augmenter (aplatissement cen-tral relatif).

Tandis que les rayons centraux sont influencés par r0, les rayons périphériques seront quant à eux sensibles à la valeur du facteur d’asphéricité Q. On le rappelle,

FIGURE 6 – Asphéricité et courbure locale. A. Calcul d’un rayon de courbure local à une distance yS de l’apex. B. Signe du facteur d’asphéricité Q et déformation des bords de l’ellipse relativement au cercle apical.

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FIGURE 7 – Tracé de rayons et observation de leur convergence à proximité du meilleur foyer pour trois dioptres elliptiques de rayon de courbure apical r0 = 7,76 mm et d’asphéricités de - 0,25, - 0,5 et - 0,75. La lumière se propage du haut vers le bas. Les échelles sont les mêmes pour les trois figures, et sont aussi indiquées les positions des foyers paraxiaux et marginaux, définissant l’aberration sphérique (A.S.) introduite dans chaque cas.

le dioptre en son centre ou en sa périphérie, traduit la présence d’aberration sphérique, et l’on observe donc que celle-ci varie en fonction de la valeur du fac-teur d’asphéricité Q. L’aberration sphérique est positive lorsque Q = - 0,25, presque nulle lorsque Q = - 0,5 et devient négative pour Q = - 0,75.On peut en effet montrer le lien numérique entre asphéricité du dioptre elliptique et aberration sphérique en effectuant un calcul de chemins optiques (Fig. 8). Il est intéressant de remarquer la forte influence de la taille de pupille sur la valeur de l’aberration. On note-ra enfin que l’aberration s’annule pour une valeur particulière de Q, qui ne dépend que des indices des réfractions de part et d’autre du dioptre ! Dans le cas du dioptre antérieur cornéen, on calcule ain-si qu’un facteur d’asphéricité égal à - 0,528 permet de n’engendrer aucune aberration sphérique.

Nous venons de le voir, la cornée peut être approchée par une el-lipse dont la forme et le compor-tement optique sont entièrement paramétrables par deux facteurs distincts. Le rayon de courbure apical r0 permettra de décrire la cornée en son centre et condition-nera la position du foyer paraxial, tandis que le facteur d’asphéricité Q déterminera l’allure des bords du dioptre et la convergence des rayons marginaux autour du foyer paraxial. Modifier ces paramètres par une ablation adéquate per-mettra donc de jouer à la fois sur le pouvoir optique de la cornée (et donc de l’œil), mais aussi sur son aberration sphérique.

REMODELER LA CORNÉE : LES PROFILS D’ABLATION DU LASER EXCIMERNous savons maintenant décrire la cornée à l’aide du modèle el-

Q décrit la cambrure du dioptre en périphérie, ou autrement dit, l’évolution de la courbure locale à mesure que l’on s’éloigne de l’apex. Pour illustrer cela, ob-servons comment les rayons convergent après traversée de trois dioptres elliptiques diffé-rents, séparant l’air de la cornée (indices de réfraction respectifs de 1 et 1,376), ayant tous le même rayon de courbure apical fixé à r0  = 7,76  mm, mais présentant des valeurs de Q de - 0,25, - 0,5 et -  0,75 (Fig.  7). On remarque tout d’abord que le foyer paraxial est le même dans chacun des trois cas, le rayon de courbure apical étant identique. Ces différents dioptres se distinguent par la convergence des rayons périphériques, qui vont converger avant, à proximité et en arrière de ce foyer paraxial selon la valeur de Q. Comme vu dans le deuxième article de ce dossier (14), la différence de convergence des rayons, selon qu’ils traversent

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FIGURE 8 – Détermination de l’aberration sphérique (coefficient de Zernike C[4,0]) d’un dioptre elliptique. À gauche, schéma de calcul de chemins optiques pour arriver à l’expression de l’aberration en fonction des paramètres de l’ellipse et de la taille de la pupille d’entrée. À droite, courbes des valeurs de l’aberration sphérique d’un dioptre elliptique de rayon de courbure apical égal à 7,76 mm et de facteur d’asphéricité variable pour différentes tailles de pupille.

FIGURE 9 – Expression de l’élévation en un point d’une cornée elliptique à partir de la formule de Baker et illustration du volume d’ablation obtenu par différenciation des profils pré et post-chirurgie.

liptique. Comment alors l’utiliser pour calculer un profil d’ablation et quelles sont les autres possi-bilités de remodelage existantes ?

■■ DE L’ABLATION D’UN LENTICULE ELLIPTIQUE…Pour commencer, supposons que nous connaissions la forme que nous voulons donner à la cornée après ablation. Sa forme initiale étant aussi connue, nous sommes en mesure de donner les valeurs du rayon de courbure apical et du facteur d’asphéricité de la cornée avant et après traitement par le la-ser. En utilisant la forme inversée de l’équation de Baker, il est pos-sible de calculer les profils d’élé-vation pré et postopératoire. Le volume à ablater correspond alors simplement à la différence entre ces deux profils d’élévation (Fig. 9).

Cherchons maintenant à obtenir les profils d’ablation pour des corrections d’amétropies sphé-riques, en préservant le facteur d’asphéricité Q initial de la cornée (Qfinal = Qinitial). Le rayon de courbure final à atteindre se calcule en uti-

lisant la formule de la puissance optique paraxiale (Fig.  3), à l’aide de la valeur D de l’amétropie à corriger (on prendra toutefois soin de calculer cette valeur dans le plan cornéen !). Comme atten-du, la correction d’une myopie conduira à l’obtention d’un rayon de courbure final plus grand que sa valeur initiale (la diminution de la courbure se traduisant par un aplatissement), alors qu’une hypermétropie se traitera en

augmentant le rayon de courbure (diminution de la courbure api-cale et cambrure accrue). Tandis que dans ce dernier cas la super-position des deux profils à l’apex donne immédiatement le volume de tissu à ablater (Fig. 10A), le trai-tement d’une myopie requiert une étape supplémentaire : après avoir défini une taille de zone optique de traitement, il faut en effet translater le profil cornéen final vers le bas jusqu’à ce que les

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FIGURE 10 – Ablation lors d’une modification du rayon de courbure apical r0 sans changement du facteur d’asphéricité Q. A. Profils cornéens pré et postopératoires et profil d’ablation pour une correction hypermétropique. B. Profils cornéens pré et postopératoires et profil d’ablation pour une correction myopique. Contrairement au cas hypermétropique, une ablation fidèle au profil myopique calculé ne sera possible que si l’on creuse d’une quantité e0 au centre (quantité calcu-lée de façon à ce que les profils d’élévation coïncident en bordure de la zone optique).

bords des profils initial et final se superposent en limite de la zone optique pour que l’ablation soit possible (Fig. 10B). Cette condition aux limites permet de calculer la distance à creuser au centre de la cornée, et l’on obtient finalement l’équation du profil d’ablation. On retrouve alors classiquement qu’il est nécessaire d’ablater plus en profondeur au centre de la cornée lors de la correction d’une myopie, tandis que le traitement de l’hypermétropie implique une ablation plus importante en péri-phérie.

Supposons maintenant que l’on ne veuille pas modifier le rayon de courbure apical de la cornée, mais simplement agir sur la valeur de l’aberration sphérique en chan-geant le facteur d’asphéricité Q. La valeur finale de Q se calculera à l’aide de la formule de la figure 8,

et l’on peut ensuite appliquer le même raisonnement que celui mené dans le paragraphe précé-dent pour connaître l’allure des profils d’ablation. Si l’on cherche à augmenter l’aberration sphérique du dioptre cornéen, on va vouloir augmenter la valeur de son facteur d’asphé-ricité (on pourra parler d’oblatisa-tion). Le profil cornéen final sera donc relativement plus oblate que le profil initial, signifiant que ses bords seront plus incurvés. Comme dans le cas du traitement de l’hypermétropie, superposer les apex des profils initial et final permet d’obtenir l’ablation direc-tement (Fig.  11A). En revanche, si l’on cherche à diminuer l’aberra-tion sphérique cornéenne en dimi-nuant Q (prolatisation), le profil final aura des bords plus relevés que le profil initial, empêchant l’ablation si l’on ne creuse pas

au centre de la cornée. Comme pour la myopie, il faudra calculer l’épaisseur centrale à ablater pour que les profils initial et final se su-perposent en bordure d’une zone optique préalablement définie (Fig.  11B). En définitive, on oblati-sera une cornée en creusant plus en périphérie, tandis qu’une pro-latisation demandera une ablation plus importante au centre.

En comparant les quatre profils d’ablation précédemment décrits (myopie, hypermétropie, oblati-sation, prolatisation), on remar-quera comment la courbure au centre de la cornée est relative-ment peu altérée lorsque l’on ne modifie que le facteur d’asphéri-cité (un profil d’ablation plat re-venant à ne pas modifier le rayon de courbure), contrairement aux cas où le rayon de courbure est modifié.

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DOSSIER

128 Pratiques en Ophtalmologie • septembre 2016 • vol. 10 • numéro 903

■■ … AUX PROFILS ABERRO-OPTIMISÉS, ABERRO-GUIDÉS ET TOPO-GUIDÉSNous venons de voir l’allure des profils d’ablation obtenus lorsqu’on utilise la description elliptique du dioptre cornéen. On constatera que l’on retrouve les profils tels qu’ini-tialement développés par Munner-lyn si l’on ignore le facteur d’asphé-ricité dans les équations obtenues (Q = 0). Les équations telles que nous venons de les décrire en sont une variante plus complète, per-mettant aussi le contrôle de l’as-phéricité de la cornée, et donc de son aberration sphérique.

Notons que les aberrations (au sens large du terme, c’est-à-dire autant l’aberration sphérique que la réfraction sphérocylindrique expri-mée sous forme de défocus et d’as-tigmatismes vertical et horizontal)

peuvent aussi être exprimées à l’aide des polynômes de Zernike6. On peut alors créer des profils permettant de compenser une va-leur prédéfinie d’aberration sphé-rique (obtenue empiriquement, par exemple) pour une correction d’amétropie donnée (15). On qualifie ces profils d’aberro-optimisés.

Par extension, on peut vouloir trai-ter totalement les aberrations pré-sentes dans l’œil. Chose impos-sible aux prémices de la chirurgie réfractive par laser excimer, le développement technologique adéquat (16) des lasers (eye-trac-king, flying-spot, diminution des

6. Nous illustrerons d’ailleurs dans le quatrième et dernier article de ce dossier la similitude entre les profils d’ablation reposant sur le modèle elliptique et des ablations exprimées à l’aide de ces polynômes.

tailles des spots et des fréquences de tirs…) et des aberromètres a permis d’envisager l’obtention de profils d’ablation reposant sur des cartes aberrométriques (17)  : ces profils sont dits aberro-guidés.

Enfin, plutôt que d’utiliser une modélisation approchée du profil cornéen, pourquoi ne pas utiliser sa vraie topographie pour le calcul des profils d’ablation ? Alternatives intéressantes aux autres traite-ments, notamment dans le cas de cornées atypiques et permettant un lissage des profils irréguliers, les traitements topo-guidés font une apparition progressive sur les différentes stations réfractives du marché, bien qu’une réflexion au cas par cas selon les patients à traiter paraisse plus appropriée qu’une utilisation systématique de ces profils (18).

FIGURE 11 – Ablation lors d’une modification du facteur d’asphéricité Q sans changement du rayon de courbure apical r0. A. Profils cornéens pré et postopératoires et profil d’ablation pour une augmentation de l’aberration sphérique (vers des valeurs positives) induite par le dioptre antérieur cornéen : il faut oblatiser la cornée, ce qui revient à “baisser” les bords du profil. B. Profils cornéens pré et postopératoires et profil d’ablation pour une diminution (vers des valeurs négatives) de l’aberration sphérique induite par le dioptre antérieur cornéen : il faut prolatiser la cornée, ce qui revient à “relever les bords” du profil. Pour rendre l’ablation prolatisante possible, il faut alors creuser au centre d’une quan-tité e0 (calculée de façon à ce que les profils d’élévation coïncident en bordure de la zone optique).

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Presbytie et laser excimer : les dessous d’une chirurgie de surface

Pratiques en Ophtalmologie • septembre 2016 • vol. 10 • numéro 90 1291

« LA CORNÉE N’EST PAS UN MORCEAU DE PLASTIQUE » (19) : L’ABLATION CORNÉENNE EN PRATIQUENous avons donc présenté les dif-férents profils ablatifs utilisables à l’heure actuelle par le chirurgien pour le traitement réfractif de ses patients. Toutefois, nous avons considéré jusqu’à présent la cor-née comme un matériau inerte en ne basant l’élaboration des profils d’ablation que sur des considéra-tions optiques et en supposant un comportement statique du tissu cornéen après la réalisation d’une ablation parfaite. Ce n’est évidem-ment pas le cas dans la réalité (20)…

Remarquons tout d’abord que les équations établies précédem-ment ne concernaient que la zone optique du traitement, laissant de côté les problématiques de dis-continuités entre les zones trai-tées et laissées indemnes du tissu cornéen. Le profil d’ablation devra aussi inclure une zone de tran-sition périphérique, zone dont la forme sera optimisée pour assurer une jonction transitoire douce et optiquement favorable (21-23). À noter que le design de ces zones de transition pourra impacter l’épais-seur maximale de tissu à ablater.

Par ailleurs, bien que dès les pre-mières années d’utilisation du laser excimer les acuités obtenues furent généralement très bonnes, voire excellentes, de nombreux patients souffraient d’effets visuels indésirables, en particulier symp-tomatiques, de l’introduction d’une importante aberration sphérique par le traitement ablatif. Les efforts menés pour contrer cela ont porté sur le design des zones transi-toires dont nous venons de parler,

mais aussi sur d’autres facteurs que nous allons évoquer, menant à l’élaboration des profils aberro-optimisés disponibles de nos jours.Les premiers profils d’ablation reposaient sur les équations de Munnerlyn qui, rappelons-le, ignoraient l’asphéricité cornéenne dans leur formulation. Il est pos-sible de montrer que cette omis-sion impacte l’asphéricité post-opératoire de telle façon qu’un traitement myopique engendrera en théorie un profil postopératoire plus prolate que le profil initial (24) alors qu’un profil plus oblate est généralement observé, ce qui a suscité de nombreux travaux de modélisation pour comprendre cet apparent “paradoxe” (25-27).

Les algorithmes d’ablation actuels reposent pour la plupart sur l’uti-lisation de nomogrammes per-mettant d’optimiser le rayon de courbure ou l’asphéricité postopé-ratoire en fonction de l’amplitude du défaut sphérique à corriger. Des approches plus théoriques ont aussi été développées, tentant de modéliser les différents facteurs physiques ou biomécaniques pou-

vant conduire à un affinement de l’ablation finale  : l’influence de la variation de la taille du spot laser en fonction de l’éloignement au centre du profil et de la kératométrie de la cornée traitée (28-30), les effets topographiques de la réépithélisa-tion après ablation (31), la prise en compte de la réhydratation du tissu exposé à l’air libre ou de celle du stroma en fonction de l’épaisseur de découpe ou de l’âge (32-34), ou bien encore l’influence de la découpe du capot cornéen (35) ou de l’épaisseur ablatée sur l’issue réfractive du trai-tement (36)…Enfin, n’oublions pas aussi les problématiques liées à l’optimisa-tion du centrage des procédures (vertex ou pupille ?) (37, 38), ainsi que l’influence des autres dioptres de l’œil, qu’il s’agisse de la cornée postérieure (39) ou du cristallin7, conduisant très certainement dans un futur proche à l’avène-

7. Rappelons en effet que les aberrations causées par ces dioptres dépendent non seulement de leur forme, mais aussi de l’incidence et de la hauteur des rayons les traversant, paramètres tous deux modifiés après remodelage de la face antérieure de la cornée !

> Le remodelage par laser excimer de la cornée consiste à contrôler la réfraction des rayons lumineux la traversant pour corriger une amétropie.

> On peut décrire la forme de la cornée à l’aide d’une ellipse. Cette ellipse est définie à l’aide du rayon de courbure apical r0 et du facteur d’asphéricité Q.

> r0 et Q impactent différemment les propriétés optiques de la cornée. Le rayon de courbure apical positionne son foyer (paraxial), tandis que le facteur d’asphéricité impacte la quantité d’aberration sphérique qu’elle engendre.

> De nombreux algorithmes d’ablation s’appuient sur la description ellip-tique de la cornée comme base de calcul du remodelage à effectuer.

À retenir

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Bibliographie

ment de modèles oculaires indivi-dualisés par ray-tracing (40) pour tenir compte de l’ensemble de ces paramètres.

CONCLUSIONAu travers de cet article, nous avons rappelé comment la forme

de la cornée, envisagée comme un dioptre elliptique, pouvait influencer son comportement optique. Une ablation adéquate par laser excimer pourra dès lors permettre de modifier ce com-portement, ce que nous mettrons en application dans le cadre des traitements presbytes dans le

quatrième et dernier article de ce dossier. ■

✖ Les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts.

Mots-clés Cornée, Réfraction, Dioptre elliptique, Rayon de courbure, Asphéricité, Abla-tion, Laser excimer

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