Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

32
1 Les critères des décisions de délocalisation vers les pays émergents : une approche empirique Fabienne FEL, ESCP Europe Eric GRIETTE, ESDES et Centre de Recherche Magellan IAE de Lyon Résumé : L’objet de notre recherche est d’analyser les critères pris en compte lors des décisions de délocalisation vers les pays émergents. L’analyse de la littérature montre l’existence de deux approches : la première, financière, met l’accent sur la rentabilité des investissements, tandis que la seconde traite des aspects stratégiques et managériaux des opérations de délocalisation. Nous avons donc choisi une approche globale, visant à déterminer la part respective des critères stratégiques, managériaux et financiers dans les décisions de délocalisation. Pour ce faire, nous avons réalisé une étude qualitative auprès de seize entreprises européennes ayant délocalisé tout ou partie de leurs opérations vers des pays émergents. Nos résultats montrent que les décisions de délocalisation reposent avant tout sur des choix stratégiques de croissance ou de réduction des coûts, et que les outils financiers sont ensuite utilisés de façon incontournable pour valider la rentabilité de l’opération. Nous montrons également que les entreprises s’efforcent d’analyser les risques afférant aux opérations de délocalisation et de s’en prémunir, et qu’en particulier, loin de conduire à une dégradation des performances de la supply chain, les opérations de délocalisation de la production industrielle permettent d’obtenir une meilleure adéquation de la supply chain aux attentes des clients. Mots-clés : stratégie ; délocalisations ; pays émergents ; risques ; évaluation financière ; supply chain

Transcript of Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

Page 1: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

1

Les critères des décisions de délocalisation vers les pays émergents : une approche empirique

Fabienne FEL, ESCP Europe

Eric GRIETTE, ESDES et Centre de Recherche Magellan IAE de Lyon

Résumé :

L’objet de notre recherche est d’analyser les critères pris en compte lors des décisions de

délocalisation vers les pays émergents. L’analyse de la littérature montre l’existence de deux

approches : la première, financière, met l’accent sur la rentabilité des investissements, tandis

que la seconde traite des aspects stratégiques et managériaux des opérations de

délocalisation. Nous avons donc choisi une approche globale, visant à déterminer la part

respective des critères stratégiques, managériaux et financiers dans les décisions de

délocalisation. Pour ce faire, nous avons réalisé une étude qualitative auprès de seize

entreprises européennes ayant délocalisé tout ou partie de leurs opérations vers des pays

émergents. Nos résultats montrent que les décisions de délocalisation reposent avant tout sur

des choix stratégiques de croissance ou de réduction des coûts, et que les outils financiers

sont ensuite utilisés de façon incontournable pour valider la rentabilité de l’opération. Nous

montrons également que les entreprises s’efforcent d’analyser les risques afférant aux

opérations de délocalisation et de s’en prémunir, et qu’en particulier, loin de conduire à une

dégradation des performances de la supply chain, les opérations de délocalisation de la

production industrielle permettent d’obtenir une meilleure adéquation de la supply chain aux

attentes des clients.

Mots-clés : stratégie ; délocalisations ; pays émergents ; risques ; évaluation financière ;

supply chain

Page 2: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

2

INTRODUCTION

Depuis le début des années quatre-vingts, de nombreuses entreprises occidentales ont choisi

de délocaliser leurs usines ou leurs approvisionnements vers des pays à bas coût de main

d’œuvre afin de réduire leurs coûts, dans une démarche de verticalisation (Lemaire, 2010 );

d’autres entreprises, attirées par l’importance de la demande potentielle dans les pays

émergents à forte croissance, délocalisent en vue de produire au plus près des marchés

locaux, dans une stratégie d’horizontalisation (Lemaire, 2010). Cependant, des articles

récents (Kinkel et Maloca, 2009) soulignent le nombre important d’échecs des tentatives de

délocalisation, conduisant dans un certain nombre de cas à des relocalisations : les risques

relatifs aux « distances physiques et mentales », comme le manque de réactivité de la supply

chain, ou l’importance des différences culturelles, seraient très largement sous-estimés.

Etant donnés les risques liés aux opérations de délocalisation, il nous a semblé opportun de

nous interroger sur les critères pris en compte lors des décisions de délocalisation. En effet, la

littérature montre l’existence de deux approches radicalement différentes : d’une part, la

littérature financière se focalise sur l’analyse de la rentabilité des opérations de délocalisation,

et met l’accent sur les modes d’entrée ; d’autre part, la littérature stratégique et managériale,

très abondante, met l’accent sur les enjeux et les risques stratégiques et opérationnels de ces

mêmes opérations.

L’originalité de notre approche tient donc à une approche globale des critères, tant

stratégiques et managériaux que financiers, pris en considération par les entreprises non

seulement dans la décision de délocaliser leur production, mais aussi dans le choix du pays de

délocalisation. S’agissant de la nécessité de comprendre un processus complexe, nous avons

choisi de réaliser une recherche qualitative, et avons interviewé des dirigeants d’entreprises

européennes impliqués dans ces décisions.

Page 3: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

3

Nous nous proposons dans un premier temps, après avoir défini le sens que nous donnons au

concept de « délocalisation », de présenter les éléments théoriques qui ont servi de cadre à

notre recherche : nous aborderons tout d’abord les opportunités et les risques des opérations

de délocalisation, avant de présenter les critères, tant financiers, que non financiers, de

décision. Nous présenterons dans une seconde partie notre méthodologie de recherche ainsi

que les études de cas réalisées, et tenterons enfin de dégager nos principales conclusions dans

une troisième partie.

Les déterminants des opérations de délocalisation

Le terme « délocalisation » (offshoring) ne fait pas l’objet d’une définition unanime dans la

littérature (Jahns and al., 2006): si certains auteurs n’en donnent pas une définition précise,

d’autres en revanche en limitent le périmètre aux opérations nécessitant un investissement

local, ce qui exclut les achats depuis les pays à bas coûts. Nous retiendrons la définition

donnée par Kinkel et Maloca (2009), qui définissent la délocalisation des capacités de

production comme la relocalisation de ces capacités à l’étranger, les unités de production

pouvant appartenir à la maison-mère ou à des fournisseurs extérieurs.

Avantages potentiels des opérations de délocalisation

De nombreuses études s’intéressent aux motivations des opérations de délocalisation, en

particulier vers les pays à bas coût de main d’œuvre (Farell, 2004, 2005). Ces études sont pour

certaines relativement anciennes (Vernon, 1966; Dunning, 1980, 1988), et analysent les

raisons pour lesquelles les entreprises s’internationalisent, ainsi que les déterminants du mode

d’entrée dans le pays (cf. le célèbre paradigme éclectique OLI : Dunning, 1988). Centrées sur

les coûts, ces recherches ont montré les avantages des délocalisations vers les pays à bas coûts

Page 4: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

4

de main d’œuvre, en introduisant une segmentation entre les activités à forte intensité

capitalistique et celles à forte intensité de main d’œuvre ; dans la mesure où la différence

entre pays porte surtout sur les coûts de main d’œuvre, ces auteurs concluent que la

délocalisation est plus intéressante pour les activités à forte intensité de main d’œuvre que

pour celles à forte intensité capitalistique.

Ainsi, on délocalise souvent pour réduire les coûts (Chan & al., 1995), particulièrement pour

les industries ou service à forte intensité de main d’œuvre, comme expliqué précédemment, ce

qui nécessite des investissements locaux. De plus, les économies à réaliser ne proviennent pas

seulement de la diminution des coûts de production, mais parfois de la réduction des coûts

logistiques. En effet, lorsque l’objectif de l’opération de délocalisation est de vendre sur les

marchés locaux, le rapprochement des sites de production des lieux de consommation réduit

les distances et en conséquence les coûts de transport.

La seconde vague de littérature, plus récente (MacCarthy and al, 2003 ; Lemaire, 2003 ; Aron

and Singh, 2005; Doh, 2005 ; Farell, 2004, 2005), fait ressortir les autres avantages

stratégiques liés aux délocalisations, comme l’accès à de nouveaux marchés en forte

croissance à un moment où les marchés occidentaux, très concurrentiels, n’offrent plus de

perspective de développement important. Certaines recherches soulignent également

l’élargissement du périmètre concerné par les délocalisations : alors que seules des opérations

de production étaient délocalisées par de grandes firmes multinationales au démarrage, les

délocalisations sont aujourd’hui le fait de PME également. En parallèle, nombre d’opérations

de services à forte intensité de main d’œuvre (centre de R&D, call-centers, production et

maintenance informatiques,…) sont désormais délocalisées vers des pays émergents, au

même titre que les opérations industrielles.

Page 5: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

5

Pourtant, en analysant sur 10 ans les motifs de délocalisations des entreprises allemandes,

Kinkel and Maloca (2009) concluent que le premier motif reste celui de la réduction des coûts

de personnel : selon ces auteurs, la volonté d’accroître les capacités de production,

l’ouverture de nouveaux marchés, ou encore les incitations fiscales ne constituent que des

motifs secondaires.

Les risques liés aux délocalisations

La littérature souligne les risques liés aux délocalisations. Selon Farrell (2006), les risques, ou

les critères à étudier avant toute stratégie de délocalisation, recoupent la typologie suivante :

- Les coûts

- Coûts du travail :

Une faible productivité locale ou un niveau de qualité insuffisant génèrent des dépenses

imprévues (Berger, 2006), qui augmentent le prix de production. Selon Knudsen and

Servais (Knudsen and Servais, 2007), le principal risque lié aux délocalisations est celui

d’une qualité médiocre du produit final. Pour Kinkel and Maloca (2009), la prévention de

ces risques induit des coûts supplémentaires liés aux procédures de coordination et de

contrôle de la qualité.

− Coûts logistiques :

Chopra et Sodhi (Chopra et Sohdi, 2004) proposent une typologie des risques liés à la

supply chain, répartis en neuf catégories dont les ruptures, les retards, les stocks et les

arrêts de production. Or les délocalisations, lorsqu’elles n’ont pas pour objectif

l’approvisionnement des marchés locaux, entrainent un allongement de la chaine

logistique, allogement dû aux réimportations. S’intéressant aux conséquences des

Page 6: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

6

délocalisations vers les pays émergents, certaines études empiriques insistent sur les

risques de rupture dans la chaîne logistique, ou de retards dans la livraison des produits,

qui génèrent des perturbations en production, ainsi que des pertes de chiffre d’affaires

(Moatti, 2009). Weber et al. (Weber et al., 2010) considèrent que le démarrage d’un

projet de sourcing depuis les pays émergents est la phase la plus critique en termes de

surcoûts, en raison de problèmes initiaux de non qualité, ainsi que des difficultés liées à

la barrière de la langue et à la communication interculturelle. Enfin, des temps de

transport importants peuvent aussi induire des ruptures de stocks, obligeant les

entreprises à augmenter par précaution leurs stocks, ce qui induit des coûts

supplémentaires. Selon Jahns and al. (2009), l’internationalisation de la production

conduit à des dégâts considérables lorsque la chaine logistique n’est pas maîtrisée.

- l’existence d’une main d’œuvre locale qualifiée, tant pour les ouvriers, que pour les cadres

(Fillis, 2001)

- La qualité des infrastructures :

• En premier lieu, les marchandises fabriquées localement doivent pouvoir être

transportées de façon efficace et à un prix raisonnable, ce que seules de bonnes

infrastructures de transport permettent.

• Par ailleurs, la coordination entre les usines étrangères locales et le siège

nécessite de nombreux déplacement de cadres et de dirigeants occidentaux.

Une localisation des unités de production à proximité des aéroports

internationaux permet des gains de temps et réduit les coûts.

- Le potentiel de marché : Sethi et al (Sethi et al., 2002) ont montré que les investissements

américains se portent maintenant davantage sur les pays à population importante, c’est-à-dire

Page 7: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

7

les pays avec un marché potentiel important. Cependant, le marché potentiel peut être

surestimé, si l’objectif de la délocalisation est de vendre sur le marché.

− Le profil de risque-pays. Il inclut les risques de déstabilisation géopolitique liés aux

catastrophes naturelles et au contexte politique ainsi que ceux liés à la protection de la

propriété intellectuelle.

− L‘environnement des affaires, qui comprend les soutiens du gouvernement, le climat des

affaires et la culture locale.

Les critères des décisions de délocalisation

Critères financiers

L’approche financière permet d’estimer la rentabilité d’une opération de délocalisation. De

façon liminaire, il nous semble important de préciser que se pose la question de la perception

des coûts par les décideurs. Pour Eriksson et al. (Eriksson and al, 1997), la capacité à prévoir

les coûts dépend de l’expérience internationale de l’entreprise ; Selon Ellis (2000), les

décisions d’implantation sont plus influencées par les relations personnelles que par la

recherche systématique de données, car il est difficile de collecter des données complètes et

fiables sur des pays lointains mal connus ou inconnus. Ces précisions permettent de nuancer

l’utilisation des outils financiers que nous décrivons ci-dessous.

- Les critères financiers des projets d’investissement

S’agissant d’un investissement (création d’une unité de production – « Greenfield

investment » - ou rachat d’une entité existante), le cadre théorique d’évaluation d’un projet

fait référence à des paramètres classiques :

Page 8: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

8

- coût du capital ou taux d’actualisation du projet,

- estimation des cash-flows futurs et actualisation de ceux-ci,

- calcul de la valeur actualisée nette.

Avant même de prendre en compte la littérature liée à la spécificité de l’évaluation de projet

dans le cadre des pays émergents, il convient de souligner les difficultés et limites de

l’évaluation de projet dans le cadre domestique.

Dans une étude récente, Pablo Fernandez et Andrada Bilan (2007) présentent des sources

d’erreurs fréquentes dans l’évaluation des projets :

- utilisation peu réaliste d’un taux d’intérêt historique sans risque, d’un beta et d’une

prime de marché historiques,

- erreur dans le calcul du taux d‘actualisation,

- erreur dans le calcul, ou dans la prévision des cash-flows (sur estimation, difficulté de

prendre en compte la saisonnalité...),

- erreur dans le calcul de la valeur résiduelle du projet d’investissement (difficulté de

calculer le taux de croissance de l’EBITDA…).

Transposer ce cadre d’analyse aux investissements dans les pays émergents rend plus

complexe encore ce calcul de rentabilité. La question se pose en particulier de savoir si l’on

doit prendre en compte une prime de risque supplémentaire dans les approches classiques

d’évaluation (Damodaran, 2003). Franck Bancel et Thomas Perrotin (2004) soulignent la

difficulté d’appréhender ces risques (incertitude sur la prévision des cash flows futurs, risque

politique ou risque systémique…). Selon Damodaran (2003), le risque pays doit être

explicitement inclus dans l’évaluation du projet. La question est alors de savoir si l’on doit y

Page 9: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

9

inclure une prime de risque supplémentaire, et dans l’affirmative, si cette prime doit être

globale ou différenciée en fonction des pays.

S’agissant d’un investissement, le calcul de la valeur actualisée net du projet (VAN) est l’outil

de référence. Une somme de cash-flows supérieure à l’investissement initial entrainera une

VAN positive ; le projet sera alors considéré comme rentable (Eiteman, 2009). Mais comme

nous l’avons évoqué ci-dessus, l’évaluation d’un projet peut s’effectuer de différentes façons,

tout choix comportant une part de subjectivité. De ce choix, des erreurs éventuelles

concernant les calculs des cash flows anticipés, peuvent découler des VAN différentes,

entraînant la validation ou le rejet du projet.

- Les critères financiers des projets d’achats

S’agissant d’un acte d’achat, et non d’un investissement, les critères financiers à prendre en

compte reposent sur le calcul du Total Cost of Ownership (TCO), défini en 1993 par Ellram et

Sidfert (Ellram et Silferd, 1993) : le TCO intègre l’ensemble des coûts d’achat, d’usage et de

maintenance du produit acheté durant sa durée de vie. En pratique, le calcul du TCO pose

cependant un certain nombre de problèmes, en raison de la difficulté à définir les informations

pertinentes pour son estimation, informations qui n’apparaissent généralement pas de façon

claire dans les systèmes de contrôle de gestion utilisés par les entreprises : ainsi, la répartition

des coûts indirects selon les activités administratives de la fonction achat, voire même selon

les produits achetés, est souvent sujette à caution (Roztocki et Weistroffer, 2004) ; la charge

de travail nécessaire au calcul du TCO fait d’ailleurs dire à Ellram et Maltz (Ellram et Maltz,

1995) qu’il s’agit d’une analyse à réserver aux décisions importantes, dans lesquelles nous

pouvons inclure les décisions de délocaliser les approvisionnements.

Page 10: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

10

Critères non financiers & risques

Comme évoqué précédemment, une délocalisation de la production repose sur des

opportunités mais également sur la prise en compte des risques pour éviter l’échec du projet

(Lewin and Peeters, 2006). Or, il est toujours difficile d’évaluer des risques, comme le

soulignent plusieurs études concluant que les managers ne prennent pas suffisamment en

compte ces risques dans les choix entre pays (Van Eenemaam and Brouthers, 1996; Kinkel,

2004). Par ailleurs, les recherches portant sur les comportements d’imitation des sociétés

mettent en avant des comportements d’imitation liés à deux raisons principales : d’une part les

« pionniers » sont considérés comme détenteurs d’un niveau d’information supérieur, et,

d’autre part, les entreprises cherchent à maintenir un certain équilibre concurrentiel en imitant

les autres (Lieberman & Asaba, 2006). Ainsi, la localisation semble influencée davantage par

l’environnement institutionnel et culturel que par une évaluation objective des risques : par

conséquent, certaines entreprises ne réalisent pas tous les bénéfices prévus des délocalisations

(Song and al, 2007), même s’il semble que les entreprises ayant une longue expérience des

délocalisations soient plus à même d’apprécier les risques.

Méthodologie

Notre recherche interroge les stratégies, parfois complexes, des entreprises. La volonté de les

comprendre en profondeur, nous a conduit à privilégier une approche qualitative pour

répondre à nos interrogations. Afin de comprendre les déterminants des décisions

d’internationalisation, la part des critères financiers et non-financiers dans le processus

décisionnel des délocalisations, ainsi qu’une éventuelle sous-estimation des risques associés à

ces stratégies (et en particulier des risques liés à la supply chain), nous avons effectué 16

Page 11: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

11

entretiens auprès de dirigeants d’entreprises européennes de tailles différentes, ayant

délocalisé tout ou partie de leurs opérations.

L’objet de nos interrogations étant d’analyser les critères ayant conduit à une décision

spécifique de délocalisation, nous avons à chaque fois interrogé nos interlocuteurs sur une

expérience particulière, même si de nombreuses sociétés de notre échantillon sont des

entreprises multinationales avec de multiples expériences d’internationalisation : en effet, les

firmes multinationales connaissent souvent une fragmentation importante de leurs activités,

localisées dans différentes régions » (Colovic et Mayrhofer, 2008).

Les données recueillies proviennent d’entretiens semi-directifs d’une durée comprise entre

une et deux heures, le plus souvent dans l’entreprise mère, avec les cadres de l’entreprise

directement en charge des stratégies de délocalisation. Les questions portaient sur les critères

financiers et non financiers des processus de décision, sur le poids relatif de ces différents

critères dans le choix des pays, sur la prise en compte des risques liés à l’opération de

délocalisation analysée, ainsi que sur les retours d’expérience de cette opération. Aux

informations recueillies dans ces entretiens, se sont ajoutées les informations secondaires,

disponibles dans les rapports d’activités des entreprises, ainsi que dans les médias. Les

annexes 1 et 2 détaillent les données recueillies auprès des entreprises de notre échantillon,

dont les noms, à l’exception de Viadeo, ont été masqués pour des raisons de confidentialité.

Notre échantillon a été constitué de façon à rassembler tant des entreprises qui ont choisi de

délocaliser tout ou partie de leur production ou de leurs approvisionnements industriels

(Glassex, Matériaux, Equipementier, Métallica, Chimica, Textilhom, Distribricolage,

Touttextile, Cosmetics), que des sociétés qui ont délocalisé des opérations de services

(Service Engineering de Glassex, Viadeo, Software, SSII-1, SSII-2, Formalearning,

Pharmaceutics). Nous avons également pris soin d’inclure au sein de cet échantillon des

Page 12: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

12

entreprises ayant choisi des niveaux différents d’implication dans les pays émergents : ainsi,

12 entreprises ont réellement investi dans le pays étudié, alors que 4 y réalisent simplement

des achats. Il est cependant à noter qu’il est parfois difficile d’établir une frontière claire entre

« achats » et « investissements », dans la mesure où plusieurs entreprises parmi celles qui

achètent dans un pays émergent ont établi sur place un bureau d’achats pour se rapprocher des

fournisseurs locaux, ce qui implique le recrutement d’acheteurs ainsi que l’installation de

bureaux. Nous avons donc considéré comme « acheteuses » les sociétés dont l’investissement

local est très réduit en proportion de l’ensemble des opérations réalisées dans le pays de

délocalisation.

La plupart des sociétés de notre échantillon sont de grandes entreprises multinationales, à

l’exception de Viadeo, Formalearning, et, dans une moindre mesure, de Cosmetics. Quatorze

entreprises ont leur siège mondial en France, les deux autres sont des sociétés européennes

(Métallica, Formalearning) basées respectivement aux Pays-Bas et en Belgique. A l’exception

de Formalearning, toutes ces entreprises ont commencé depuis plusieurs années ou dizaines

d’années à délocaliser leur production vers des pays à bas coûts de production, et possèdent

pour certaines de nombreuses unités à l’étranger, comme le montre la différence entre les

effectifs français et les effectifs mondiaux.

Nous avons enfin cherché à inclure dans l’échantillon des entreprises ayant délocalisé vers des

pays différents : trois expériences concernent des délocalisations en Chine, et une en Russie.

Les douze autres cas concernent des délocalisations vers l’Inde : cette disproportion

s’explique essentiellement par la part des délocalisations de services, en particulier dans le

secteur informatique, au sein de notre échantillon, et par le rôle majeur des acteurs indiens

dans ce secteur.

Page 13: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

13

Les déterminants des décisions de délocalisation

A première lecture, il apparaît qu’ un peu moins de la moitié des répondants mettent en avant

la recherche de coûts réduits, la raison la plus fréquemment citée étant la recherche de relais

de croissance (cf. tableau n°1) : neuf de nos interlocuteurs ont choisi de se tourner vers des

pays offrant un potentiel de marché important, soit spontanément, soit à la demande de clients

déjà implantés dans le pays concerné, et qui souhaitaient un approvisionnement ou un service

local.

Une analyse plus fine de nos résultats montre cependant que ces réponses sont à nuancer en

fonction du degré d’investissement de l’entreprise dans le pays : ainsi, les quatre entreprises

qui ne réalisent que des achats (en Inde) ont choisi de s’approvisionner à l’étranger pour des

raisons de coût avant tout, même si le choix du pays parmi l’ensemble des pays émergents

tient également à d’autres facteurs, comme le savoir-faire indien dans les domaines textile

(Touttextile) ou informatique (Pharmaceutics), ou encore comme la sécurisation des

approvisionnements : l’entreprise Cosmetics, qui achète en Inde des pots en verre nécessaires

au conditionnement des produits de beauté en France, s’est tournée vers ce marché en raison

de la saturation des entreprises verrières européennes.

Inversement, parmi les 12 entreprises qui ont choisi d’investir dans un pays émergent, 10

affirment l’avoir fait pour accéder à de nouveaux marchés : la décision a été prise, soit

uniquement par décision stratégique des dirigeants, soit également suite à la demande de

clients importants déjà établis dans les pays émergents, qui souhaitaient être approvisionnés

localement avec des produits de meilleure qualité que les produits présents sur les marchés

locaux (Métallica, Equipementier, Chimica), l’importation de ces mêmes produits depuis

l’Europe étant rendue difficile par leur caractère pondéreux ou fragile. Dans le cas de

Software, qui produit des produits de « middle-ware » adaptés à des applications spécifiques,

Page 14: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

14

les clients clés demandaient à ce que les équipes de développement soit localisées près des

sites d’utilisation des logiciels.

Au-delà de la recherche de marchés porteurs, certaines entreprises mettent aussi en avant la

recherche de l’avantage au pionnier sur les nouveaux marchés : ainsi Chimica vient d’ouvrir

une nouvelle usine en Chine pour renforcer sa position de leader sur ce marché ; Glassex a

choisi d’implanter ses premières lignes asiatiques de production en Inde plutôt qu’en Chine,

en raison de la moindre saturation du marché, qui lui assure une meilleure part de marché.

Au total, parmi ces 12 « investisseurs », seules les deux SSII mettent en avant la nécessaire

réduction des coûts dans un secteur où l’Inde est devenue le premier prestataire mondial. Les

préoccupations de marché sont cependant présentes pour SSII-2, même s’il s’agit davantage

d’une volonté défensive qu’offensive : « nous nous sommes implantés en Inde pour réduire

nos coûts de production, et, ce faisant, rester compétitifs sur les marchés occidentaux à

l’heure où les entreprises indiennes viennent prospecter les sociétés occidentales en leur

proposant de faibles coûts de réalisation et la garantie d’une bonne qualité de service, des

représentants indiens étant basés en France pour assurer la relation entre le client et l’équipe

indienne de développement ». Le dernier cas, celui du service Engineering de Glassex, est

quant à lui particulier : Glassex a certes choisi pour des raisons d’économies de développer

son bureau d’engineering en créant une nouvelle entité en Inde, au lieu de développer la

structure existante en France. Cela étant, ce choix était en droite ligne avec la stratégie

d’horizontalisation internationale du groupe, qui avait conduit à l’ouverture de lignes de

production dans ce même pays une dizaine d’années auparavant pour conquérir le marché

local. La branche indienne du bureau d’engineering a d’ailleurs été localisée au cœur du site

de production.

Page 15: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

15

Au final, il semble donc que les entreprises désireuses de réduire leurs coûts au travers de

délocalisations se contentent d’acheter des produits ou des services dans les pays émergents,

alors que celles qui se montrent prêtes à investir fortement sont avant tout à la recherche de

nouveaux marchés à forte croissance.

L’utilisation des critères financiers

Nos résultats montrent globalement qu’aucune stratégie de délocalisation ne peut être

construite sans un calcul de rentabilité préalable, mais font cependant ressortir plusieurs

spécificités (cf. tableau n°2), quant :

• à la nature de la stratégie de délocalisation,

• à la méthodologie de calcul retenue,

• au secteur d’activité de l’entreprise,

• au degré de fiabilité accordée par l’entreprise aux prévisions chiffrées, utilisées dans

les calculs.

Dans notre étude, quatre entreprises achètent directement une partie de leurs marchandises ou

de leurs services auprès d’entreprises de pays émergents. Elles font toutes référence à un

calcul de TCO, réalisé avant d’entériner la décision de délocaliser les approvisionnements :

ainsi, au-delà des coûts d’achat, les responsables ont pris en compte les surcoûts de transport

et de stocks supplémentaires destinés à compenser la moindre réactivité de la supply chain

(Distribricolage, Toutextil). Le responsable de Pharmaceutics, en revanche, souligne les

limites de ce calcul, qui n’intègre pas les coûts de dysfonctionnement de la maintenance

informatique pour les utilisateurs industriels, coûts par nature difficiles à estimer, non plus

que le temps passé par les services informatiques du siège à communiquer avec l’équipe

informatique du fournisseur indien de prestations.

Page 16: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

16

Les douze autres entreprises de l’échantillon sont des investisseurs. Six appartiennent au

monde de l’industrie ; qu’il s’agisse, ou non, de gros investissements, ces six entreprises font

explicitement appel à la VAN. Des entretiens, il ressort que les méthodologies sont bien

rôdées, et utilisées par la direction du plan, la direction financière et la direction générale.

Beaucoup d’entreprises utilisent des prévisions de cash flows sur dix ans, avec assurance ; La

société Matériaux prend même en compte des prévisions de cash flows sur vingt ans.

Les calculs de Van font l’objet de méthodologies sophistiquées. Mais on note de sensibles

différences entre entreprises, différences qui recoupent les approches critiques développées

dans notre revue de littérature. Si beaucoup de sociétés choisissent d’ajuster les taux

d’actualisation dans le calcul de la VAN, à partir d’une prime de risque liée à la spécificité

d’un pays émergent, l’entreprise Matériaux utilise un taux d’actualisation unique – certes

plus élevé - pour l’ensemble du monde.

L’entreprise Chimica, travaille également à partir de cash flows estimés sur dix ans, mais le

« pay-back » ou délai de récupération et le TRI sont considérés comme des critères

financiers essentiels, bien avant le calcul de la VAN, qui est ici jugée comme trop dépendante

de la valeur résiduelle, alors que cette valeur est trop incertaine sur les marchés émergents. On

retrouve ici les critiques de Pablo Fernandez et Andrada Bilan (2007), quant aux méthodes

d’évaluation des projets. De plus, la WACC (coût moyen pondéré du capital) est révisée

trimestriellement, au lieu d’une référence habituellement annuelle.

Enfin, les responsables de Chemica insistent sur les deux étapes fondamentales du processus

de décision :

• 1ere étape : approche économique qualitative à partir de critères hiérarchisés

(insécurité politique, risque lié au juridique, risques opérationnels : étude de sensibilité

à partir d’un cas de base). Cette étape est jugée décisive.

Page 17: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

17

• 2ème étape : validation financière (VAN) de l’étape 1.

Notons que ces deux étapes, avec des variantes, se vérifient pour les six investisseurs

industriels de l’échantillon, ce qui signifie que les calculs financiers sont globalement utilisés

pour vérifier la pertinence économique d’une décision de délocalisation prise essentiellement

sur d’autres critères -telle la volonté stratégique de pénétrer un nouveau marché dans les six

cas que nous venons d’évoquer-, et après vérification de l’acceptabilité du niveau de risque.

Le secteur d’activité de l’entreprise joue également un rôle dans l’évaluation financière

utilisée. Ainsi, pour les sociétés de services de notre échantillon (SSII1, SSII2, Software,

Viadeo, Formalearning et Glassex Engineering), l’utilisation de la VAN semble peu

opérationnelle. Seule l’entreprise Viadeo y a fait réellement appel pour vérifier la pertinence

du rachat du leader indien du secteur. Le dirigeant de Software indique clairement que « la

VAN n’a pas été pour nous le critère déterminant de notre entrée sur le marché indien ; nous

avons en fait essentiellement cherché à répondre à la demande de nos clients occidentaux

déjà délocalisés ». Formalearning, qui souhaitait accélérer son développement en Chine, a

étudié la possibilité d’une joint-venture avec son partenaire chinois. Dans ses calculs de VAN,

Formalearning s’est heurtée à la difficulté d’estimer son chiffre d’affaires

potentiel (incertitude totale sur le nombre d’universités ou d’entreprises potentiellement

clientes), rendant cette approche totalement inutilisable : suivant le scénario retenu, les

prévisions passent en effet d’un résultat extrêmement optimiste à celui d’une faillite en dix-

huit mois ! Enfin, les deux SSII ainsi que le bureau d’engineering de Glassex ont privilégié

une approche plus succincte par les coûts salariaux, en comparant les salaires et la

productivité attendue des ingénieurs français d’une part, et indiens d’autre part : dans les deux

premiers cas, des structures locales existaient déjà en Inde, travaillant pour les clients anglo-

saxons de ces deux groupes. Les premiers projets français incluant une délocalisation partielle

Page 18: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

18

du développement n’ont donc nécessité que le recrutement local d’ingénieurs informatiques

indiens ; de la même façon, Glassex engineering, qui a choisi de renforcer son bureau

d’études par le recrutement d’ingénieurs indiens, les a localisés dans des bureaux au sein de

son unité indienne, et n’a pris en compte que le différentiel entre les coûts salariaux.

En conclusion, le calcul de rentabilité préalable (VAN ou TCO) constitue une étape

incontournable du processus de décision, dans une stratégie de délocalisation. Concernant les

investissements, les calculs financiers semblent plus poussés dans les entreprises industrielles,

où les investissements en capital sont importants, que dans le secteur des services. Cependant,

dans tous les cas, ces calculs n’interviennent qu’après une analyse qualitative du marché, en

confortation d’une décision stratégique de délocalisation vers un pays donné.

La prise en compte des risques liés aux décisions de délocalisation

Le tableau n°3 montre que, dans la très grande majorité des cas, les responsables ont anticipé

une partie des risques liés à la délocalisation : s’agissant des entreprises industrielles, les

risques anticipés concernent essentiellement les performances des usines, tant en termes de

productivité que de qualité. Les entreprises de service ont quant à elle anticipé des difficultés

de communication dans un contexte multiculturel, même si les préoccupations de productivité

ne sont pas totalement absentes.

Les mesures prises pour anticiper les risques identifiés semblent varier, de par leur

importance, avec le montant des capitaux engagés dans l’opération : ainsi, les entreprises

industrielles de notre échantillon qui ont investi à l’étranger n’ont pas hésité à envoyer sur

place des managers occidentaux expatriés, pour des périodes parfois relativement longues (un

Page 19: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

19

an chez Métallica, plusieurs années chez Matériaux ou Equipementier) ; les entreprises de

services se sont contentées de missions plus courtes (de quelques jours à quelques semaines),

et ont également mis en place des formations en France pour les managers ou informaticiens

étrangers.

Notre tableau, qui distingue les « mesures anticipées » des « mesures correctives » (entre

parenthèses) souligne néanmoins que tous les problèmes n’avaient pas été anticipés, en

particulier dans les entreprises où l’investissement local a été faible ; certains problèmes

restent par ailleurs sans solution à ce jour, comme le fort turn-over observé dans les

entreprises informatiques indiennes, qui rend difficile le travail à long terme avec les mêmes

interlocuteurs, les informaticiens indiens étant extrêmement sollicités sur un marché du travail

très tendu.

En revanche, la quasi-totalité des responsables interrogés ont mis en avant le fait que les

difficultés sont apparues essentiellement pendant la phase de lancement du projet, en accord

avec Weber et al (Weber et al., 2010) : c’est bien dans cette première période que sont

apparus les problèmes de non-qualité (Matériaux, Equipementier, Métallica, SSII1, SSII2,

Cosmetics) et les problèmes de communication interculturelle (pour l’ensemble de nos

répondants). En effet, les entreprises de notre échantillon semblent pour la plupart avoir

surmonté ces difficultés initiales : à l’exception des filiales de Matériaux, Equipementiers et

Chimica, les autres unités délocalisées étudiées ne comptent plus un seul manager occidental.

L’entreprise Formalearning, qui a actuellement suspendu son projet d’internationalisation vers

la Chine, en raison du risque que fait peser sur ses dirigeants l’éventualité de problèmes

juridiques ou pénaux (pour lesquels ils seraient engagés sur leurs biens propres), a elle aussi

mesuré les risques encourus avant de se lancer dans cette opération.

Page 20: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

20

En conclusion, si nos interlocuteurs sont unanimes pour souligner les difficultés d’une

opération de délocalisation, qui comporte toujours une part d’imprévus, ils ne remettent en

aucun cas en cause la pertinence des délocalisations étudiées : certains reconnaissent certes

que les marges réalisées au démarrage n’ont pas toujours été à la hauteur des attentes, mais

tous considèrent les opérations analysées comme des succès très largement bénéficiaires.

L’impact des délocalisations sur les performances de la supply chain

Afin d’analyser l’impact des décisions de délocalisation sur la performance de la supply

chain, nous avons exclu de l’échantillon les entreprises qui ont délocalisé des opérations de

service, et réduit nos observations aux 9 entreprises qui ont délocalisé des opérations de

production industrielle (cf. tableau n°4). Sachant que l’impact de la délocalisation sur la

supply chain globale n’est pas le même selon que les entreprises réimportent en Europe ou

vendent localement les produits fabriqués dans les pays émergents, nous analyserons

séparément les résultats pour les entreprises « investisseuses » et les entreprises acheteuses ».

- L’impact des délocalisations sur les coûts de la supply chain

En termes de coûts, l’ensemble des entreprises qui ont délocalisé tout ou partie de leur

production industrielle constatent une baisse des coûts : pour Toutextile, Distribricolage et

Cosmetics, qui importent des produits depuis l’Inde, la baisse des coûts est liée à la baisse des

coûts d’achat, et la délocalisation est considérée comme intéressante malgré l’augmentation

des coûts logistiques ; les coûts de transport ont naturellement augmenté dans les trois cas, et

Distribricolage a dû mettre en place un stock avancé en France, représentant pour certains

articles l’équivalent de six mois de consommation, afin d’éviter les ruptures en magasin. Cela

étant, il s’agit d’articles peu chers et peu volumineux, dont le coût de stockage n’est par

Page 21: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

21

conséquent pas excessif. Les directeurs des Achats de ces entreprises, dont nous avons vu

qu’ils s’étaient appuyés sur des calculs de TCO, confirment donc qu’il est moindre que celui

de produits similaires qui seraient fabriqués en Europe.

Les autres entreprises qui, contrairement aux trois précédentes, sont engagées dans des

stratégies d’horizontalisation et commercialisent localement leurs produits, enregistrent quant

à elles le double bénéfice de faibles coûts de production d’une part, et de coûts logistiques

réduits d’autre part, les sites de production étant situés à proximité des lieux de

consommation. De plus, dans un certain nombre de cas (Glassex, Matériaux, Equipementier,

Métallica, Chimica), la distribution dans les pays émergents de produits lourds et difficiles à

transporter n’aurait pu se faire sans implantation locale de la production.

Par conséquent, l’ensemble des entreprises de notre échantillons confirment que la

délocalisation de leurs opérations de production leur a bien permis d’obtenir une réduction

globale de leurs coûts.

- L’impact des délocalisations sur la réactivité de la supply chain

Comme évoqué précédemment, l’ouverture d’unités de production a conduit à la mise en

place d’une supply chain simplifiée pour les entreprises engagées dans une stratégie

d’horizontalisation: comme évoqué précédemment, les produits fabriqués par Glassex,

Matériaux, Equipementier et Chimica sont particulièrement pondéreux et coûteux à

transporter, et ne peuvent être que produits sur place ; les boîtes métalliques réalisées par

Métallica se révèlent fragiles lors des transports, et ne peuvent supporter des distances

supérieures à 200 ou 300 kilomètres, ce qui a conduit l’entreprise à ouvrir deux usines en

Russie : la première est implantée près de Moscou, à proximité des clients qui conditionnent

des produits secs, la seconde au sud du pays, dans les régions agricoles où sont conditionnés

les légumes en conserve. Enfin, Textilhom fournit ses magasins implantés en Inde à partir de

Page 22: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

22

l’usine de son partenaire indien, ce qui lui permet de bénéficier de livraisons relativement

rapides. En revanche, le directeur de projet se plaint de la faible réactivité de l’usine : « nous

ne représentons qu’une faible part de la production de l’usine qui nous fournit, et nos

commandes passent souvent après celles de clients plus importants, ce qui entraîne dans

certains cas des ruptures ».

Parmi les entreprises «acheteuses », le choix de s’approvisionner dans un pays lointain a

réduit, de façon prévisible, la réactivité de la supply chain : selon le directeur des Achats de

Touttextile, « le parc industriel des usines textiles indiennes est assez vétuste, ce qui entraîne

des pannes, et par conséquents, des retards. Par ailleurs, les Indiens ne fabriquent que des

vêtements d’été, ce qui implique un pic saisonnier très important, et là encore, des retards de

livraison ».En accord avec ce dernier quant à la longueur du cycle d’approvisionnement pour

les produits sourcés en Inde (il s’écoule entre 120 et 150 jours entre la passation de la

commande et la réception de la marchandise en France), le Directeur des Achats de

Distribricolage souligne l’incertitude liée à la date de réception, « tant en raison de la

difficulté des usines à tenir un planning que de l’incertitude sur les temps de transport, le

transfert de marchandises d’un état indien à un autre étant soumis à des formalités

douanières qui peuvent être longues ».

Seule l’entreprise Cosmetics semble avoir amélioré sa réactivité en délocalisant en Inde la

production des pots de verre utilisés pour le conditionnement en France de ses produits de

beauté : « depuis la crise de 2008, les industriels verriers occidentaux n’ont pas investi dans

de nouveaux fours; le marché indien du verre étant moins saturé que les marchés

occidentaux, nous avons gagné davantage sur les délais d’engagement des commandes en

fabrication que nous n’avons perdu sur l’allongement des délais de livraison ».

Page 23: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

23

En conclusion, il semble que l’ensemble des entreprises industrielles de notre échantillon

aient amélioré les performances de leur supply chain, au sens proposé par Fisher

(Fisher, 1997), qui considère que la supply chain ne regroupe pas simplement des fonctions de

nature physique, mais également une fonction de médiation envers le marché : en effet, les

entreprises engagées dans des stratégies d’horizontalisation ont pu, au travers de leurs

nouvelles implantations à l’étranger, toucher des marchés qu’elles n’auraient pu conquérir

depuis des implantations occidentales, et se rapprocher de la demande locale, avec des coûts

réduits et une réactivité améliorée ; Distribricolage et Cosmetics, entreprises « acheteuses »

engagées dans des stratégies de verticalisation, ont amélioré leur supply chain en la rendant

plus efficiente, c’est-à-dire en réduisant les coûts globaux pour des produits qu’il nous est

possible de caractériser comme fonctionnels. Enfin, Touttextile, qui distribue des produits de

mode, dont certains sont plutôt fonctionnels (jeans, par exemple), et d’autres plus innovants

au sens de Fisher, a certes dégradé la réactivité de sa supply chain, mais a pu se tourner vers

des fournisseurs indiens susceptibles de concevoir et produire des vêtements avec un know-

how difficile à trouver désormais dans les pays occidentaux.

Conclusion

A l’issue de notre recherche, où nous avons analysé des décisions spécifiques, nous avons

donc montré que ce sont essentiellement des motifs stratégiques, tels que la recherche de

nouveaux marchés ou de coûts réduits, qui ont guidé les entreprises de notre échantillon dans

le choix du pays lors de leur décision de délocalisation ; les calculs financiers (VAN ou TCO)

ont certes été utilisés, mais toujours dans une phase ultérieure, pour valider la rentabilité de

ces opérations. Nous avons également montré que, même si la totalité des risques liés aux

opérations de délocalisation ne peuvent naturellement être pris en compte, les entreprises

Page 24: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

24

cherchent à s’en prémunir ; en particulier, les risques évoqués dans la littérature, soulignant la

possibilité d’une dégradation de la supply chain en lien avec les opérations de délocalisation,

ne se sont pas matérialisés au sein des entreprises interrogées, qui ont au contraire amélioré

leurs performances en termes de supply chain.

Ces résultats, basés sur un échantillon de seize entreprises, ne peuvent être généralisés à

l’ensemble des entreprises, ce qui constitue une première limite de notre recherche. Par

ailleurs, la très forte représentation d’entreprises multinationales au sein de notre panel induit

potentiellement un biais quant à la réalité de la prise en compte des risques liés aux

délocalisations, les grandes entreprises disposant de méthodes d’estimation des risques mieux

rôdées que les petites sociétés, ce qui représente une deuxième limite. Enfin, la très forte

proportion, au sein de notre panel, d’entreprises engagées dans des stratégies

d’horizontalisation, pour lesquelles les délocalisations représentent une simplification de la

supply chain, nous conduit peut-être à sous-estimer la dégradation de la supply chain pour les

entreprises acheteuses, en particulier celles qui achètent dans les pays émergents des produits

innovants au sens donné par Fisher, ce qui constitue une troisième limite à notre étude.

Nos prochaines recherches viseront donc à tenter de généraliser ces résultats, par le biais

d’une étude quantitative auprès d’un panel constitué d’un nombre représentatif d’entreprises

de toutes tailles, engagées aussi bien dans des stratégies de verticalisation que dans des

stratégies d’horizontalisation.

Références bibliographiques

Almunovich G, (2005), “ Firms Need to Increase Offshore Presence: Deloitte”, Money Management Executive, November 28, p 3

Aron, R., Singh J., (2005), “Getting offshore right”, Harvard Business Review, 83, pp.135-147

Page 25: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

25

Bancel F. et Penotin T. (2004), Le coût du capital dans les pays émergents'', Working Paper, p.1-26

Berger S., (2006), Made in Monde, Seuil, Paris

Bock, S., (2008), “Supporting offshoring and nearshoring decisions for mass customization manufacturing processes”, European Journal of Operational Research, Volume 184 (2) , pp.490-508

Chan, S.H., Gau, G.W., Wang, K., (1995), “Stock Market Reaction to Capital Investment Decisions: Evidence from Business Relocations”, Journal of Financial and Quantitative Analysis (30), pp.81–100.

Chopra S. and Sodhi M., (2004)« Managing Risk to Avoid Supply Chain Breakdown », MIT Sloan Management Review, vol.46, p 53-62, 2004

Colovic A. Mayrofer U. (2008), « Les stratégies de localisation des firmes multinationales : une analyse du secteur automobile », Revue Française de Gestion, n°184, p 151-165,

Damodaran, A., (2003), “ Country risk and company exposure : Theory and Practice “, Journal of applied finance, fall / winter, p. 63-76

Doh, J., (2005), “Offshore outsourcing: implications for international business and strategic management : theory and practice”, Journal of Management Studies 42, 695–704

Dunning, J.H.(1980) “Towards an eclectic theory of international production: some empirical tests”, Journal of International Business Studies 11 (1), 9–31.

Dunning, J.H.(1988), “The eclectic paradigm of international production: a restatement and some possible extensions”, Journal of International Business Studies 19 (1), 1–31.

Eiteman, D., Moffett, M., Stonehill, A.,(2009), Fundamentals of Multinational Finance, p. 532, Pearson

Ellram, L., Maltz, A.B., (1995), « The use of total cost of ownership concepts to model the outsourcing decision”, International Journal of Logistics Management 6 (2), 55–66.

Ellram, L.M., Siferd, S.P., (1993), « Purchasing: the cornerstone of the total cost of ownership concept”, Journal of Business Logistics, 14, 163–184.

Eriksson, K, Johanson J, Majkgard A. and Sharma, D.D, (1997), “Experiential knowledge and cost in the internationalization process”, Journal of International Business Studies, 00472506, 2nd Quarter, Vol. 28, Issue 2

Farrell, D., (2004), “Beyond offshoring : assess your company’s global potential”, Harvard Business Review 82 (12), pp.82-90.

Farrell, D., (2005), “Offshoring : value creation through economic change”, Journal of Management Studies, 42, pp.675-683

Farrell, (2006), “Smarter offshoring”, Harvard Business Review, June, pp.84-92

Fernandez, P, Bilan, A., (2007), « 110 common errors in company valuations », Working Paper, n° 714,

Fillis, I.,(2001), “Small firm internationalization: an investigative survey and future research directions”, Management Decision 39 (9), 767–783.

Page 26: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

26

Fisher, Marshall L., (1997), “What Is the Right Supply Chain for Your Product?” Harvard Business Review, 00178012, Mar/Apr, Vol. 75, Issue 2

Globokar T. (1994), “Gérer en Slovénie ou les difficultés de la communication interculturelle”, Les amis de l’Ecole de Paris, october

Henisz, W.J., Delios, A., (2001), “Uncertainty, imitation, and plant location: Japanese Multinational Corporations, 1990–1996”. Administrative Science Quarterly 46 (3), 443–475

Jahns,C., Hartmann E., Bals L., (2006), “Offshoring : dimensions and diffusion of a new business concept”, Journal of Purchasing and Supply Management (12) 3, pp.218-231

Jahns,C., Hartmann E., Försti K., (2009),”International networking : the hidden success factor”, Supply Chain Management Review, January/February, p.44-49

Kinkel, S. (Ed.), (2004), Location planning as a success factor, New York

Kinkel S., Maloca S., (2009), “Drivers and antecedents of manufacturing offshoring and backshoring – a German perspective, Journal of purchasing and Supply Management, (15), pp.154-165

Lemaire J-P.,(2010) « Pays émergents : les investisseurs au pied du mur, L’Expansion Management Review, n° 137, Juin, p.36-45

Lewin, A.Y., Peeters, C., (2006), “Offshoring work: business hype or the onset of fundamental transformation?” Long Range Planning 39, 221–239

Knudsen, M.P.,Servais,P.,(2007), “Analyzing internationalization configurationsof SME’s: the purchaser’s perspective”, Journal of Purchasing and Supply Management 13(2),137–151.

Moatti V., (2009), “ Sourcing : gare aux surcoûts des pays à bas coûts », L’Expansion Management Review, juin, n° 133, pp.28-33

Pennings E., Sleuwaegen L., (2000), “International relocation: firm and industry determinants”, Economics Letters (67), pp.179–186

Roztocki, N., Weistroffer, H.R., (2004). « Using activity-based costing for evaluating information technology related investments in emerging economies: a frame-work”. In: Proceedings of the 10th American Conference on Information Systems, New York, pp. 642–645

Schoenherr T., Rao Tumala V.M., Harrison T.P., (2009), “Assessing supply chain risks with the analytic hierarchy process : Providing decision support to the offshoring decision by a US manufacturing company”, Journal of Purchasing & Supply Management, 14, pp.100-111

Solnick B., McLeavey D., (2009), Global Investments, 6th edition, Pearson, Boston

Van Eenemaam, F., Brouthers, K., (1996), “Global relocation: high hopes and big risks!”, Long Range Planning 29 (1), 84–93.

Vernon, R., (1966), “International investment and international trade in the product cycle”, Quarterly Journal of Economics, 80 (2), 190–207

Weber M., Hiete M., Lauer L. and Rentz O., (2010), “Low cost country sourcing and its effects on the total cost of ownership structure for a medical devices manufacturer”, Journal of Purchasing & Supply Management, vol 16 (2010) p.4-16

Page 27: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

27

Entreprises Recherche de nouveaux marchés

Recherche de coûts réduits

Motivations secondaires (le cas échéant)

Acheteurs

Distribricolage Toutextile Cosmetics

Pharmaceutics

Distribricolage Toutextile Cosmetics

Pharmaceutics

-Savoir-faire indien dans le domaine textile (Toutextile) ou informatique (Pharmaceutics) - Sécurisation des approvisionnements par appel à un marché non saturé (Cosmetics)

Investisseurs

Glassex Glassex Engineering

Matériaux Equipementier

Métallica Chimica

Textilhom Viadeo

Software SSII-1 SSII-2

Formalearning

Glassex Matériaux

Equipementier Métallica Chimica

Textilhom Viadeo

Software Formalearning

(dont les 5 entreprises industrielles ayant délocalisé des productions pondéreuses et difficiles à transporter)

SSII-1 SSII-2

Glassex Engineering

(délocalisation de services informatiques ou R&D)

-Savoir-faire indien dans le domaine informatique pour les entreprises qui recherchent des coûts réduits (SSII-1, SSII-2)

Tableau n°1 : Synthèse des motivations des délocalisations

Page 28: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

28

Tableau n°2 : Synthèse des outils financiers utilisés

Activités Type de calcul de rentabilité

Acheteurs Industrie & Service

Toute décision de délocalisation de la production fait l’objet d’un calcul de type TCO (Total Cost of Ownership) La seule entreprise (Pharmaceutics) qui achète une prestation de service n’a pu intégrer au calcul le coût de non-qualité lié à la dégradation de la qualité de service pour les utilisateurs de maintenance informatique

Investisseurs Industrie (6 entreprises)

*Le calcul de la valeur actualisée nette du projet (VAN) est un pré-requis fondamental à toute décision d’investissement. Bien que constituant un critère très important, une VAN positive ne constitue pas un critère obligatoire pour la mise en œuvre du projet. *Des différences importantes apparaissent dans la méthodologie de calcul :

- périodes de temps variables retenues dans la prise en compte du calcul des cash flows, - unicité, ou non, du taux d’actualisation.

*Choix du mode d’entrée : opposition entre « Greenfield Investment » & rachat d’entreprise locale.

Service (6 entreprises)

*Le calcul de la VAN présente ici peu d’intérêt (l’investissement initial étant très faible par rapport aux projets industriels) ; on raisonne essentiellement en comparant les coûts salariaux horaires entre le pays d’origine et le pays émergent. * Une petite entreprise (Formalearning) explique être dans l‘incapacité de prévoir ses cashflows. *Seule une entreprise (Viadeo) utilise ici le calcul de la valeur actualisée nette du projet (VAN)

Page 29: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

29

Tableau n°3 : Risques et mesures anticipés

Entreprise Secteur Risques anticipés Mesures préventives (correctrices) Opportunités / risques non anticipés

Glassex Mat. pour l’automobile et le bât

Infrastructure routière insuffisante en Inde

Envoi d’expatriés en Inde

Glassex / Engineer.

Bureau d’études de l’entreprise ci-dessus

Problèmes de communication inter-culturelle Réticences de l’équipe française

Nomination d’un responsable local issu de l’usine française en Inde (Responsabilisation des managers locaux)

Turn-over indien

Matériaux Matériaux pour le bâtiment

Faible productivité, problèmes de non-qualité Infrastructure routière insuffisante

Envoi d’expatriés en Inde pour plusieurs années

Equipementier Equipementier automobile

Faible productivité, problèmes de non-qualité

Envoi d’expatriés en Chine pour plusieurs années

Métallica Boîtes métalliques Faible productivité, problèmes de non-qualité

Envoi de trois expatriés en Russie -1 an en double sur les postes stratégiques

Chimica Produits chimiques Faible productivité Envoi d’expatriés en Chine Textilhom Textile (recherche d’autres fournisseurs locaux

que celui du partenaire) Retards de production et de livraison

Viadeo Service informatique Pbs de communication interculturelle (Envoi temporaire d’un expatrié en Inde) Software Software Pbs de communication interculturelle Turn-over indien SSII-1 SSII Pbs de communication interculturelle (Envoi temporaire d’un expatrié en Inde) Productivité surestimée

Turn-over indien SSII-2 SSII Pbs de communication interculturelle

Sécurité des données Données conservées sur le territoire européen, ordinateurs bridés

Formalearning Logiciels de formation

Responsabilité civile et criminelle (Suspension provisoire du projet)

Distribricolage Distribution spécialisée

Pbs de communication interculturelle Contrat avec un agent exclusif en Inde

Touttextile Textile (Bureau d’achats local) Cosmetics Cosmétique Problèmes de non-qualité (Définition d’un plan de progrès,

création d’une « université du verre ») Amélioration de la réactivité

Pharmaceutics Produits pharmaceutiques

Pbs de communication interculturelle Nécessité d’un représentant du fournisseur en France

Formation de l’équipe indienne en France Contrats de droit français

Coûts cachés : web calls, déplacements, baisse de la demande de support

Page 30: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

30

Tableau n°4 : conséquences des délocalisations industrielles sur les performances de la supply chain

Entreprise Secteur Type d’internationalisation

Effets positifs sur la supply chain Effets négatifs sur la supply chain

Glassex Mat. pour l’automobile et le bâtiment

Horizontalisation

Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire

Matériaux Matériaux pour le bâtiment

Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire

Equipementier Equipementier automobile

Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire

Métallica Boîtes métalliques

Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire

Chimica Produits chimiques

Horizontalisation Réduction des coûts, Amélioration de la réactivité Implantation locale nécessaire

Textilhom Textile Horizontalisation Réduction des coûts, Implantation locale nécessaire

Ruptures

Distribricolage Distribution spécialisée

Verticalisation Réduction des coûts Réduction de la réactivité Augmentation des stocks

Touttextile Textile Verticalisation Réduction des coûts Meilleur know-how des fournisseurs

Réduction de la réactivité Ruptures

Cosmetics Cosmétique Verticalisation Réduction des coûts Amélioration de la réactivité (en production)

Page 31: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

31

Annexe 1 : composition de l’échantillon et motivations des délocalisations

Entreprise Secteur Effectif France

Effectif mondial

Stratégie internat.

Mode d’entrée Pays Motivation1 Motivation2 (éventuellement)

Glassex Mat. pour l’automobile et le bâtiment

7.000 30.000 Invest. Implantation d’usines Inde Marché

Glassex / Service engineering

Bureau d’études de l’entreprise ci-dessus

12 20 Invest. Implantation d’une partie du BE

Inde Coûts (en liaison avec la stratégie internationale)

Matériaux Matériaux pour le bâtiment 8.000 80.000 Invest. Implantation d’usines Inde Marché Equipementier Equipementier automobile 30.000 120.000 Invest. Implantation d’usines Chine Marché Demande clients Métallica Boîtes métalliques 600 7.000 Invest. Implantation d’usines Russie Marché Demande clients Chimica Produits chimiques 3.000 15.000 Invest. Implantation d’usines Chine Marché Demande clients Textilhom Textile 1500 3.000 Invest. Implantation magasins et

achats locaux Inde Marché

Viadeo Service informatique 100 200 Invest. Ouverture de site web Inde Marché Software Développement de software 8.000 13.000 Invest. Création filiale Inde Demande

clients Coûts

SSII-1 SSII 15.000 50.000 Invest. Création filiale Inde Coûts Savoir-faire

SSII-2 SSII 20.000 100.000 Invest. Création filiale Inde Coûts Préservation de la compétitivité sur les marchés occidentaux

Formalearning Logiciels de formation 7 10 Invest. Joint-venture Chine Marché Distribricolage Distribution spécialisée 8.000 8.000 Achats Achat de produits finis Inde Coûts Touttextile Textile 3.000 4.000 Achats Achat de produits finis Inde Coûts Savoir-faire Cosmetics Cosmétique 6.000 15.000 Achats Achat d’articles de

conditionnement Inde Coûts Accès aux

matières 1ères Pharmaceutics Produits pharmaceutiques 2.500 6.000 Achats Achat de maintenance et

de développement SI Inde Coûts Savoir-faire

Page 32: Les critères des décisions de délocalisation vers les pays ...

32

Annexe 2 : Outils financiers utilisés

Entreprise Straté-gie

Approche financière

Limites des outils financiers

Glassex Invest. VAN • Véritables études économiques réalisées par la Direction du Plan ; • Outils financiers rodés

Glassex /Engin.

Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et indiens

Matériaux Invest. VAN • Etude qualitative préalable validée par les outils financiers • Cash flows anticipés sur 20 ans • WACC unique

Equipementier Invest. VAN • Outils de prévision rodés, Cash flows anticipés sur 10 ans • WACC spécifiques (prime de risque)

Métallica Invest. VAN • Etude qualitative préalable validée par les outils financiers conduisant au choix du lieu d’implantations et au choix de mode d’entrée

• L’entreprise a ainsi préféré le rachat d’une entreprise à un «grenfield » ; elle a également privilégié un joint venture au sud de la Russie en fonction de ces calculs de rentabilité

Chimica Invest. VAN • Etude qualitative préalable, validée par les outils financiers (il existe une procédure générale pour la sélection des investissements)

• Cash flows actualisés sur 10 ans ; difficulté à estimer la valeur résiduelle, trop incertaine sur les pays émergents • Le critère n° 1 est le pay-back (délai de récupération), puis le TRI et enfin la VAN car ce critère dépend de la

valeur résiduelle, laquelle est trop incertaine sur les marchés émergents ; le WACC est révisé trimestriellement. Textilhom Invest. VAN Viadeo Invest. VAN • Etude qualitative préalable, validée par les outils financiers Software Invest. VAN • Critère non déterminant

• Van utilisée a postériori pour vérifier une certaine orthodoxie financière SSII-1 Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et étrangers SSII-2 Invest. Coûts salariaux • Calculs succincts fondés sur une comparaison salariale entre ingénieurs français et étrangers Formalearning Invest. VAN

inutilisable • Le chiffrage des dépenses ne pose pas de problème ; en revanche la prévision du C.A. s’avère trop difficile. On

passe d’une VAN positive à une VAN négative, selon les hypothèses (VAN inutilisable) Distribricolage Achats TCO Touttextile Achats TCO Cosmetics Achats TCO Pharmaceutics Achats TCO Impossibilité de chiffrage de la dégradation de la qualité de service aux utilisateurs