Les coulisses de la leçon

Le peuplement de l’Océanie avant l’arrivée des Européens L’étude de documents s’intègre au thème 4 du programme d’histoire et de géographie du programme de seconde, adapté à la Polynésie française, selon le B.O spécial N°4 du 12 juillet 2012 : Il s’agit du thème introductif du programme d’histoire : « Le peuplement de la Terre (7 h) [en remplacement de] : Les Européens dans le peuplement de la Terre 4h]La place des populations de l’Europe et de l’Océanie [ajout] dans le peuplement de la Terre » Trois études de documents sont à aborder : - « Les populations de l’Europe dans les grandes phases de la croissance de la population mondiale et du peuplement de la Terre, de l’Antiquité au XIXème siècle

- Le peuplement de l’Océanie avant l’arrivée des Européens [ajout]

- L’émigration d’Européens vers d’autres continents, au cours du XIXème siècle : une étude au choix d’une émigration de ce type. Cette étude sera choisie de préférence dans l’espace océanien (Australie ou Nouvelle-Zélande) »

1-Contexte historique et géographique

L’Océanie, un « continent » d’îles, ne répond pas à la définition de continent (vaste étendue de terre entourée d’océans).

Le découpage régional (Micronésie, Polynésie, Mélanésie) est une construction intellectuelle européenne mouvante au XIXème siècle ( Malte-Brun (1812-1813), Domeny de Rienzi (1831), Dumont d’Urville (1832)) qui fabrique des espaces cloisonnés et édulcore la continuité civilisationnelle de l’ensemble des populations océaniennes ( fortes parentés linguistiques, religieuses, sociales… qui unissent les Océaniens). On peut ajouter que les critères retenus, soit géomorphologiques soit ethniques, sont subjectifs.

La faiblesse des sources historiques handicape la reconstitution d’une trame chronologique indiscutable : civilisations orales, et archéologie limitée par un matériau relativement rare et putrescible.

Si les grands mouvements de population comme les invasions des Goths et des Huns en Europe (Vème siècle ap. JC) ou les expéditions des Vikings dans l’Atlantique nord (X-XIème siècle) constituent des évènements notables, le mouvement migratoire le plus important de cette période est à localiser aux antipodes, en Océanie où les Austronésiens vont peupler le plus grand océan du monde en parcourant des milliers de kilomètres à bord d’embarcations fiables et avec des techniques de navigation éprouvées.

« Nous ignorons jusqu’où ce peuple a pu porter ses colonies, mais (…) s’il n’est pas le plus nombreux de la terre, c’est certainement de loin celui qui s’est répandu sur la plus grande surface. »

James Cook, relations de voyage autour du monde

Deux grandes étapes, faisant référence à des périodes de l’histoire de l’homme très distantes, expliquent le peuplement de l’Océanie : la première, qui date de plusieurs dizaines de milliers d’années touche l’Australie (Sahul) et l’Océanie proche ; la seconde, vers l’Océanie lointaine, qui débute il y a environ 3500 ans est marquée par la formidable aventure maritime des Austronésiens qui les portera jusqu’ à l’île de Pâques ou la Nouvelle-Zélande.

Enfin, la possibilité d’échanges avec l’Amérique, accréditée par la présence de la patate douce (tubercule amérindien) doit être nuancée : si la thèse de Thor Heyerdal (expédition du Kon Tiki pour prouver l’origine péruvienne des Polynésiens) est aujourd’hui erronée, on peut s’interroger sur deux hypothèses : soit les Polynésiens ont ramené une plante qu’ils savaient cultiver au contraire du maïs, par exemple ; soit, il peut s’agir un transport accidentel par les courants marins.

2- Présentation de l’étude de documents : A- La mise en œuvre explicitée

Le volume horaire consacré à l’étude est d’une heure, et ne doit pas dépasser 1 heure et 30 minutes, trace écrite et synthèse comprises. Le corpus documentaire rassemble des documents divers : textes, cartes, illustrations… Les élèves de seconde ont, pour la plupart, des acquis sur la localisation et le bornage chronologique de cette séquence qui est abordée au primaire puis au collège. La contextualisation est donc rapide. B- La démarche explicitée L’étude de documents permet d’activer les compétences du programme de seconde : - maitriser les repères chronologiques et spatiaux - identifier, lire et comprendre un document - confronter deux documents de nature différente - rédiger un court texte qui répond au sujet

3- Exploitation du corpus documentaire A- Quelques propositions de réponses pour l’étude de documents Questions : 1- a- Chine du sud, Taïwan et syncrétisme avec les populations de Papouasie Nouvelle-Guinée, des îles Salomon et de l’archipel Bismark b- Deux vagues : le peuplement du Sunda et Sahul entre 60000 et 50000 ans avant notre ère ; puis le départ des Austronésiens de Taïwan qui lance la conquête de l’océan Pacifique. On attend quelques dates fondamentales et que l’élève souligne l’incertitude des temporalités. (ex : -50000 Sahul ; -1300 Océanie proche ; -900 Océanie lointaine (Samoa, Tonga) ; 500( ?) ,800 , 1200 ,1250 triangle polynésien) c- La céramique lapita est un marqueur qui permet de suivre et de dater (par exemple, au carbone 14) la colonisation progressive des îles de l’Océanie. Sa fabrication cesse du fait de différenciations culturelles (ex : changement d’habitudes culinaires, le four creusé en terre supplantant les aliments bouillis dans les céramiques). 2- a- Les pirogues doubles, à voile, de 20 à 30 mètres sont des embarcations fiables. Les techniques de navigation sont empiriques : connaissance des étoiles (Avei’a : le « chemin » d’étoiles), des courants marins, des vents (ex : toerau, maramu) ; observations des oiseaux (éloignement plus ou moins prononcé d’une île selon les espèces d’oiseaux qui pêchent en mer, et qui pour certaines, regagnent l’île à la nuit tombée, indiquant le cap à suivre), des nuages (couleur et densité différente autour des îles qu’au dessus des océans), houle (connaissance des houles dominantes, et lecture des vagues « de retour » qui font écho après avoir frappé un obstacle insulaire). Ainsi les îles sont visibles dans un rayon de 30 miles marins (55,6 km) permettant d’accroître par de larges rayons les « cibles » insulaires à atteindre. Certains navigateurs (îles Marshall) ont confectionné des cartes prenant en compte vents et courants dominants.

b- Les distances à parcourir sont de véritables défis (parfois des milliers de kilomètres !) et l’isolement entraîne un appauvrissement de la biodiversité (plus on se déplace vers l’est plus les îles sont petites et éloignées les unes des autres). Ces hommes ont surmonté ces obstacles grâce à leurs techniques de navigation, mais aussi en apportant avec eux plantes et animaux nécessaires à la survie du voyage et à l’implantation de la colonie. 3- a- Il existe des réseaux d’alliance se concrétisant par des appartenances privilégiées à des marae internationaux comme ceux de Taputapuatea et Vaiotaha. (quelques exemples d’îles en réseau sont attendus). b- On peut expliquer ces différences par des intérêts stratégiques liés à des rivalités familiales, ou des prétentions divines hégémoniques. NB : Ce corrigé comporte de nombreuses précisions non attendues de la part de l’élève. Rédiger : Dans quelle mesure les migrations océaniennes à travers l’immense océan Pacifique participent-elles au peuplement de la terre ? Cette leçon devrait être réalisée en début d’année scolaire. On peut donc raisonnablement exiger une quinzaine de lignes. Ressources supplémentaires : La navigation traditionnelle aux étoiles

Le peuplement de l’Océanie avant l’arrivée des Européens Document 1: Document 2 : Migrations et différenciation culturelle Le très ancien peuplement de l’Australie : Malgré des doutes (dates, itinéraires), il est aujourd’hui accepté que l’homo sapiens traverse la mer séparant Sunda de Sahul il y a 50000 à 60000 ans (...) profitant de la baisse du niveau des mers liée à la glaciation Würm.(...)Avec la remontée des eaux; il y a 10000 ans, les sociétés se différencient. Alors que les peuples aborigènes d’Australie gardent un mode de vie nomade (chasseurs- cueilleurs), dans les îles de l’archipel Bismark et de Nouvelle-Guinée, les Papous développent, il y a 8000 ans, une riche horticulture et l’élevage du porc.

L’aventure maritime des Austronésiens :

Ces Austronésiens originaires de Chine du sud dont la culture semble se mettre en place à Taïwan au IV

ème millénaire av - JC, voyagent vers le sud à partir du IIème millénaire av-JC. Ils occupent les Philippines

et Bornéo, puis se dirigent grâce à leur maîtrise de la navigation, vers l’Océanie. Dans les îles de

Papouasie Nouvelle-Guinée et les Salomon, ils trouvent des populations papoues anciennement installées.

Dans l’archipel Bismark apparaît une forme de céramique (le lapita) qui servira de marqueur pour suivre

leur progression rapide vers l’est entre 1300 av-JC et leur arrivée 400 ans plus tard aux Samoa et Tonga. Durant cette période les Austronésiens génèrent des cellules de peuplement dans les îles du Vanuatu, de Nouvelle-Calédonie, de Fidji, de Wallis-et-Futuna.

L’émergence de cultures différenciées : (...) il y a environ 3000 ans, (...) les cultures océaniennes se différencient et la poterie lapita cesse d’être fabriquée. À l’est, autour des îles Samoa et Tonga émerge la culture ancestrale polynésienne. La période de relance des migrations et la chronologie du peuplement des archipels des îles Australes, Marquises et de la Société restent floues faute de découvertes archéologiques suffisantes. (...) Des échanges avec l’Amérique sont possibles, mais la présence de la patate douce (tubercule américain) dans l’est polynésien qui accrédite cette théorie peut aussi être expliquée par un transport accidentel de végétaux par les courants marins.

Source: Atlas de l’Océanie, 2011

Document 3 : une pirogue double Document 4: Céramique lapita

Source : http://rainbowoman2.unblog.fr/le-monde-polynesien-te-ao-maohi/

Source : Terres et civilisations polynésiennes, 1987

Document 5 : La colonisation de l’Océanie éloignée

Document 6:

En fait, la colonisation humaine de l’Océanie éloignée constituait un défi car, outre les distances à franchir, l’homme(...) dut élaborer une véritable stratégie de peuplement des îles en raison de leur isolement (obstacle à la colonisation végétale et faunistique)(...) ils durent aussi emporter avec eux les animaux (cochons, chiens, poulets) et les végétaux (taro, igname, bananiers...) qui leur étaient indispensables.

Source: Tereraa, voyages et peuplement des îles du Pacifique, Eric Conte, 1995

Document 7: Document 8 : Des techniques de navigation

remarquables :

La connaissance des étoiles, des courants marins et des vents était précieuse et pouvait déboucher, comme dans les îles Marshall, sur la confection de véritables cartes marines. L’observation des oiseaux marins, des nuages et de la houle permettait de repérer des terres avant de les voir physiquement et ainsi de penser la plupart des archipels comme des espaces continus.

Source: Atlas de l’Océanie, 2011

Document 10 :

Document 9 : Îles et alliances

(...) les marae de Bora-Bora et de Raiatea sont au cœur de réseaux d’alliance reliant les îles de Polynésie

éloignée(...) Le marae de Taputapuatea (à Raiatea) consacré à Oro, dieu de la Guerre, est au cœur d’un

vaste réseau insulaire liant Raiatea à Tahiti, les îles Cook, la Nouvelle Zélande, Rotuma...(...) Une tradition polynésienne fait de Raiatea (Hawaiki) la terre originelle des Maoris(...) D’autres récits font du marae Vaiotaha de Bora-Bora, consacré au dieu Taaroa, l’un des quatre marae fondamental de Polynésie. Derrière ces récits divergents, se jouent des concurrences pour le pouvoir entre les familles et les dieux et les territoires auxquelles elles sont liées.

Source: Atlas de l’Océanie, 2011

Exploitation du corpus documentaire

Questions: 1- Documents 1, 2, 4: a- Quelles sont les origines géographiques et culturelles des Océaniens ? b- Décrivez les principales étapes du mouvement migratoire océanien. c- En quoi la céramique lapita est-elle un élément important pour les archéologues ? Pourquoi sa fabrication cesse-t-elle? d- Quelles sont les hypothèses qui expliquent la présence de la patate douce en Polynésie ? 2- Documents 3, 5, 6, 7,8: a- Quelles embarcations et quelles techniques de navigation permettent la circulation des hommes dans l’océan Pacifique ?

b- Quels sont les obstacles à la colonisation de l’Océanie éloignée? Comment les surmontent-ils ?

3- Documents 9 et 10: a- Quels types de contacts entretiennent les colonies «mères» et les colonies «filles»? b- Comment expliquer les divergences entre les récits et les réseaux ? Rédiger : Dans quelle mesure les migrations océaniennes à travers l’immense océan Pacifique participent-elles au peuplement de la terre ? Après avoir rappelé les origines des fondements culturels océaniens, vous expliquerez les modalités de la colonisation ; puis les étapes de la conquête de nouveaux territoires qui restent interconnectés.