Les Communautés et la trame verte et...

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Les Communautés et la trame verte et bleue

Synthèse de la journée

Les Communautés et la trame verte et bleue

Synthèse de la journée

4 Les communautés et la trame verte et bleue 5

La trame verte et bleue dans les documents d’urbanisme ��37Les corridors écologiques dans le droit français �� 37

La complexité du concept scientifique du corridor �� 38Continuités et discontinuités juridiques �� 38Conclusion �� 39

Echanges avec la salle �� 40

La TVB dans l’urbanisme communautaire : de l’inscription spatiale à la définition de modes de gestion �� 42

Des arbitrages au quotidien �� 43Conclusion ��44

La TVB dans les documents d’urbanisme et sa mise en œuvre dans des opérations d’aménagement ��45

SCOT et TVB ��45Exemple de traduction des orientations TVB du SCOT dans le PLU de Cappellebrouck ��46La mise en œuvre du SCOT : le corridor biologique de la Colme �� 50

Echanges avec la salle ��50

La trame verte et bleue : enjeux locaux et acceptabilité ��53L’enjeu de la traduction des orientations nationales aux échelles régionale et locale ��53

L’engagement des agriculteurs dans la mise en œuvre de la TVB ��54

L’expérimentation des PNR de la région PACA �� 56

Une prise de conscience nécessaire de la valeur économique de la biodiversité ��57


Conclusion ��62

Sigles ��63

Sommaire

Accueil �� 6

Allocution d’ouverture ��7

La trame verte et bleue dans les territoires : enjeux et perspectives �� 10

Apports de l’écologie du paysage à la notion de TVB ��10Définition �� 10Les motivations de l’écologie du paysage ��11Le modèle de référence��11La fragmentation des habitats�� 12Conclusion �� 12

La TVB et le projet de loi Grenelle 2 ��14Les menaces sur la biodiversité �� 14Un contexte préexistant sur les continuités écologiques �� 14Apports du Grenelle �� 14Le projet de loi ��15Elaboration régionale et locale : méthode et outils �� 16Le Schéma régional de cohérence écologique �� 16Les arguments de la prise en compte de la TVB au plan local �� 16Perspectives et chantiers ��17


La trame verte et bleue, pour une continuité écologique de l’Europe au local �� 22

Articulation et complémentarité entre les échelles européenne, nationale, régionale et locale ��22

Conventions internationales et européennes �� 22Quelques définitions �� 22Des exemples européens ��23Les aménagements de restauration de connectivité �� 25

La TVB en Rhône-Alpes : de la cartographie régionale aux projets opérationnels locaux ��25

La politique régionale de 2006 �� 25Echelle régionale : la cartographie des réseaux écologiques de Rhône-Alpes �� 26Echelle locale �� 28Conclusion �� 30

Pertinence de l’intercommunalité pour une continuité écologique locale ��30

La TVB en Bourgogne, entre schéma régional et développements locaux ��32Une mosaïque de paysages �� 32L’étude de la TVB �� 32Le suivi et la gouvernance ��33La déclinaison locale ��33



Allocution d’ouverture

Sylvie LE CALVEZNous avons le plaisir d’accueillir Monsieur Paul Raoult, sénateur du Nord, pilote du Comité opérationnel trame verte et bleue (COMOP TVB) du Grenelle de l’environne-ment� Il est par ailleurs maire de la ville du Quesnoy et premier vice-président de la Com-munauté de communes du Quercitain�

Paul RAOULTSénateur du Nord, Président du Comité opérationnel trame verte et bleue (COMOP TVB) du Grenelle de l’environnement

Le travail sur le Grenelle de l’environnement a débuté le 15 juillet 2007 avec l’idée selon laquelle il fallait mobiliser les acteurs sur le thème de l’environnement, en y incluant surtout les forces vives (représentants syndicaux, professionnels, Chambres de commerce, Chambres d’agriculture, associations écologiques, etc�)� Initialement, la réflexion n’intégrait que très peu d’élus. Ce n’est d’ailleurs pas en tant qu’élu que j’ai été désigné pour être le pilote d’un COMOP, mais en tant que vice-président de la Fédération des parcs naturels régionaux� En septembre 2007, une consultation publique a été organisée� Un certain nombre d’idées fortes ont ainsi été rassemblées et ont abouti en octobre 2007 à la définition de 34 COMOP. Le COMOP TVB est le seul COMOP dont la mission a duré plus de deux ans� Théoriquement, elle est arrivée à échéance en avril 2010 – trois rapports ont été remis récemment au ministre de l’Ecologie – mais une nouvelle réunion a déjà été prévue au mois de septembre 2010� Le travail du COMOP TVB a rassemblé une cinquantaine de personnes au cours de près de quinze réunions� Le COMOP a essayé d’élaborer les guides méthodologiques TVB, des documents qui ont dans le même temps alimenté le travail législatif relatif au Grenelle 1 et au Grenelle 2� Le Grenelle 1 a été adopté en juillet 2009 à la quasi-unanimité� L’adoption du Grenelle 2 a tardé pour des raisons diverses : étudié à l’automne 2009 par le Sénat, il a été approuvé par l’Assemblée nationale le 11 mai 2010 et passera en Commission mixte paritaire (CMP) le 16 juin 2010. Le Grenelle 2 n’est donc toujours pas officiellement promulgué, même s’il a parfois été appliqué par anticipation�

Le COMOP a étudié les possibilités de mise en œuvre des engagements du Grenelle (nature en ville, zones humides, bandes enherbées, restauration des continuités éco-logiques, etc�)� Sur les trois guides méthodologiques, le premier porte sur les enjeux nationaux et transfrontaliers relatifs à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques� Le deuxième concerne la prise en compte des orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques pour les grandes infrastructures linéaires de l’Etat et des établissements publics. Enfin, le troisième présente les choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques�

Accueil

Jean-Claude LAGRANGEPrésident de la Communauté urbaine Creusot-Montceau

En 2007, les Communautés urbaines signaient la « Charte des Communautés urbaines engagées pour un développement durable », un document dans lequel apparaissait déjà l’objectif de préservation des corridors écologiques�

La Communauté urbaine Creusot-Montceau a quant à elle définitivement approuvé son Agenda 21 qui a été reconnu par le ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la Mer (MEEDDM)� Je salue à ce titre le travail qu’ont réalisé les collaborateurs du service du développement durable de la Communauté urbaine, et en particulier Patrice Notteghem, à l’origine de l’organisation de cette journée� L’Agenda 21 de la Communauté urbaine Creusot-Montceau rend nécessaire l’intégration de la Trame verte et bleue (TVB) dans les documents d’urbanisme� Cet effort de la Communauté urbaine s’inscrit en outre dans une logique régionale. L’ensemble des collectivités doit s’engager pour que le puzzle des schémas régionaux et nationaux soit le plus complet possible� Je souhaite que nous travaillions à l’élaboration de schémas cohérents, et que les populations et nos partenaires soient conscients des enjeux de la mise en œuvre de la TVB. Le travail sera long, difficile, mais passionnant.

Je vous souhaite une bonne journée de travail au Creusot� Je remercie les organisateurs de cet événement et la Ville du Creusot qui nous accueille�

Sylvie LE CALVEZJournaliste « Village magazine », animatrice

Bonjour et bienvenue à tous� Au cours de cette journée, vous entendrez de nombreux intervenants autour de quatre temps de réflexion : les enjeux de la mise en œuvre de la TVB ; l’articulation entre les échelons européen, national, régional et local ; la traduction de la TVB dans les documents d’urbanisme ; les modalités et les difficultés de sa mise en œuvre� Nous attendons de vous que vous témoigniez de votre expérience de la TVB, jusqu’aux difficultés que vous avez rencontrées.


cause les projets d’aménagements linéaires, et de réfléchir à l’étalement urbain et à la problématique de consommation de l’espace. Il est difficile pour un élu de défendre cette politique, face à un électorat dont le rêve est de se construire une maison individuelle� Les exemples de difficultés sont nombreux, mais la difficulté majeure réside dans le fait que toutes les communes de France ne sont pas encore dotées d’un PLU et que tous les secteurs géographiques ne disposent pas de SCOT. Sans incitation financière forte pour que l’ensemble des territoires français se couvre au moins de SCOT, la politique TVB risque de ne pas être mise en œuvre de façon suffisamment cohérente pour pouvoir porter ses fruits�

Enfin, je m’interroge sur la notion d’opposabilité des documents d’urbanisme, un sujet dont nous avons beaucoup discuté au sein du COMOP et au Parlement� Entre la conformité, la compatibilité et la prise en compte de la TVB, c’est ce dernier terme, le plus faible juridiquement, qui a été retenu� L’opposabilité est reconnue pour les équipements linéaires et uniquement pour cela� La prise en compte de la TVB dans les projets d’aména gément sera-t-elle suffisante pour la mettre en œuvre sur le territoire ?

Le travail du COMOP TVB s’est révélé passionnant� Le dialogue entre les acteurs venus d’horizons divers a été franc et loyal� Nous avons eu la volonté de trouver un consensus, ou plutôt un compromis dans un souci d’efficacité et de pragmatisme. Le COMOP a bien tenu compte du fait que les élus devraient localement convaincre leur population et les acteurs économiques présents sur leur territoire� Aujourd’hui, il convient de populariser le concept de TVB, de le faire accepter par les élus et de le mettre en œuvre sur le ter-ritoire� La valeur économique de la biodiversité est essentielle� La biodiversité est un capital nécessaire à la vie économique de nos territoires�

Deux objectifs principaux se déclinent� La biodiversité est en fort déclin� Depuis une trentaine d’années, les efforts de préservation ont été importants mais ils n’ont concerné que la biodiversité remarquable� L’idée du Grenelle est d’introduire la biodiversité ordinaire dans nos réflexions globales sur l’aménagement de l’espace. La diversité de la faune et de la flore, même la plus banale, fera l’objet de nos travaux. De plus, il faudra faire en sorte de limiter la fragmentation des habitats� Par exemple, les milliers de kilomètres de lignes TGV fragmentent les habitats naturels, contribuant insidieu sement à la diminution de la biodiversité� Ce travail devra également tenir compte du type de milieux (ouverts, forestiers, semi-ouverts, littoraux, aquatiques, etc�)�

La réflexion sur la TVB prédétermine l’aménagement du territoire. Nous devons réfléchir à la mise en œuvre d’une infrastructure écologique, avant même d’engager la réflexion sur un aménagement de l’espace quel qu’il soit puisqu’un aménagement interfère nécessairement avec la biodiversité ambiante�

La question du pilotage de la mise en œuvre de la TVB s’est posée� Pendant plus de deux ans, le COMOP TVB s’est interrogé sur le rôle que pouvait jouer l’Etat� L’Etat définira les orientations nationales de la mise en œuvre de la TVB, afin que tous les territoires partagent un langage commun� Il est indispensable, surtout en matière environnementale, de donner une définition nationale de cette politique. Cela étant, et malgré l’avis de départementalistes convaincus, il a été décidé que les Régions seraient au cœur de la mise en œuvre de la TVB d’où l’idée de créer le Schéma régional de cohérence écologique (SRCE)�

Quid de l’eau et du rôle des Agences de l’eau, pour une bonne cohérence entre la trame bleue et la trame verte ? Cette question de l’articulation entre la mise en œuvre de la trame verte et de la trame bleue ne sera pas facile à résoudre, d’autant que les comi-tés de bassin ont créé les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) et les Schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE), qui arrivent à échéance� Il n’est pas question de les remettre en cause, sous prétexte de l’arrivée de la politique nationale TVB� Pour assurer une bonne coordination, il reviendra aux Régions d’organiser le dialogue avec les Agences de l’eau�

Il est évident que la réflexion sur la TVB se traduira par le rôle décisif des Plans locaux d’urbanisme (PLU) et des Schémas de cohérence territoriale (SCOT)� J’ai tendance à penser que les exigences relatives à la TVB s’inscriront davantage dans les SCOT� La loi leur confère d’ailleurs un rôle décisif dans la prise en compte de la TVB�

La TVB est donc un concept nouveau qui doit encore être intégré par les élus� Vis-à-vis de ces derniers, il convient de développer une pédagogie très importante� La mise en œuvre de la TVB est une réflexion de fond qui doit déterminer l’action des élus en matière d’aménagement de l’espace� En cela, la politique n’est pas facile à faire adopter� L’idée de la TVB bouscule les habitudes et les priorités des élus� Cela suppose de remettre en


donc de travailler à différentes échelles pour appréhender l’ensemble des facteurs qui contrôlent l’hétérogénéité de ces systèmes� L’intégration de cette hétérogénéité a été une sorte de révolution pour l’écologie, car elle a permis de comprendre différents types de processus� Les outils qui seront mobilisés pour la mise en œuvre de la TVB relèvent notamment de l’analyse spatiale� Sont également utilisés des indices qui permettent de donner une valeur à chaque élément du paysage pour mieux « croiser » les différents types de paysages avec les processus écologiques�

Les motivations de l’écologie du paysage

L’écologie du paysage permet de travailler à des échelles différentes de celles sur lesquelles travaillait l’écologie� Les échelles en question aident à mieux percevoir les enjeux environnementaux� C’est au niveau du paysage que l’on peut mieux étudier ce qui relève de l’aménagement du territoire. Jusqu’à présent, il était difficile de s’appuyer sur toutes les avancées en écologie pour passer à la gestion de la biodiversité et à l’aménagement du territoire. En effet, l’étude détaillée d’un écosystème donné ne permet pas de prévoir un plan d’aménagement de l’espace� L’écosystème doit être mis en perspective de tout un ensemble d’écosystèmes, le paysage�

Le modèle de référenceLa référence de base en écologie du paysage est le modèle tache-corridor-matrice, repris de la biogéographie des îles et adapté� Dans ce modèle, la tache constitue l’élément dominant et celui qui revêt le plus d’intérêt sur le plan écologique� Le corridor est un élément linéaire qui relie les différentes taches. La matrice est l’élément dominant du paysage. Elle peut être neutre et ne pas avoir d’effet sur les taches et les corridors, ou hostile, dans la mesure où les processus écologiques qui se produisent dans les taches et les corridors ne peuvent pas se produire dans la matrice� Par exemple, la matrice peut correspondre à un champ ; les taches seront les lambeaux de forêt ; et les corridors seront les systèmes de haies qui relient ces lambeaux de forêts�

La matriceLa matrice a souvent tendance à être englobée en un seul et même élément, alors qu’elle est bien souvent particulièrement hétérogène� Elle peut aussi avoir un intérêt écologique ou non et être parfois hostile à tout processus écologique� Il est donc très délicat de l’englober dans un seul et même élément� Certains éléments de la matrice peuvent même permettre une certaine continuité écologique, une vertu qui n’est pas réservée aux corridors� En outre, suivant les ambiances (forestière, agricole, urbaine, etc�), la matrice ne sera pas constituée des mêmes éléments�

Le corridorIl convient donc de bien définir la notion de corridor. Le corridor est une connexion entre des habitats séparés� D’un point de vue structurel, le corridor est une forme linéaire qui relie deux taches. D’un point de vue fonctionnel, la définition est plus complexe : un corridor est une structure linéaire qui doit jouer un rôle important pour favoriser le

La trame verte et bleue dans les territoires : enjeux et perspectives

Sylvie LE CALVEZQuels éléments scientifiques justifient la nécessité d’une TVB ? Thierry Tatoni est direc-teur de l’Institut méditerranéen d’écologie et de paléoécologie à Marseille, professeur d’écologie à l’Université Paul Cézanne d’Aix-Marseille et s’est spécialisé dans l’écologie du paysage�

Apports de l’écologie du paysage à la notion de TVB

Thierry TATONIDirecteur de l’Institut méditerranéen d’écologie et paléoécologie, Marseille

J’ai décidé d’intervenir du point de vue de l’écologie du paysage� Nous sommes de plus en plus informés des questions de biodiversité, de disparition des espèces, etc� Ces problèmes sont de mieux en mieux perçus� La TVB en revanche ne s’est pas assez penchée sur les bases conceptuelles de l’écologie du paysage, qui pourtant sous - tendent les travaux nécessaires à la mise en œuvre de la TVB� Au sein de l’Université Paul Cézanne, nous avons conduit nos réflexions dans le cadre du projet de TVB en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA)�

DéfinitionL’écologie du paysage consiste à mettre en relation une structuration spatiale avec différents types de processus écologiques. L’écologie du paysage consiste principalement à :- Etudier les relations entre les processus écologiques et l’organisation spatiale et temporelle de l’environnement�- Evaluer les causes et le rôle de l’hétérogénéité des processus écologiques en travaillant à différentes échelles : cette approche est nouvelle, dans la mesure où jusqu’à présent l’écologie essayait d’éviter le plus possible l’hétérogénéité qui l’empêchait de comprendre les processus écologiques � Or l’hétérogénéité est évidente, surtout dans les systèmes anthropisés, et doit être appréhendée pour comprendre les processus écologiques � - Mettre au point les concepts, les techniques et les outils permettant d’appréhender la complexité spatiale et temporelle des systèmes écologiques � Les concepts nou-veaux véhiculés par l’écologie du paysage relèvent essentiellement de la théorie de la hiérarchie, c’est-à-dire qu’il faut avoir une approche hiérarchisée pour comprendre l’hétérogénéité des systèmes� Selon le niveau spatio-temporel dans lequel on travaille, les facteurs qui influencent les processus écologiques ne sont pas les mêmes. Il convient


Toutefois, dans la pratique, la fragmentation peut aussi avoir des effets positifs (pour les espèces des lisières par exemple)� En outre, la notion de corridor est très relative : aménager un corridor pour une espèce peut revenir à construire une barrière pour une autre. Enfin, il existe presque autant de cas de figure que de types d’espèces, de proces-sus et de flux.

Une chose est sûre, la pertinence locale de la continuité écologique est avérée� L’éco-logie du paysage a montré que la mise en place de continuité écologique pouvait fonc-tionner� En revanche, nous ne savons pas dans quelle mesure ces travaux pourront être transférés à l’échelle régionale et nationale� Ainsi, la « notion dérivée » de trame verte et bleue comme outil d’aménagement du territoire nécessite encore d’être validée scienti-fiquement. Cela constituera un autre intérêt de la mise en place de la TVB.

déplacement des espèces et assurer la connectivité biologique entre différents éléments d’un paysage� Dans tous les cas, un corridor joue a priori un rôle de connectivité (continuité écologique), mais il peut aussi bien constituer une barrière� Il n’existe pas de corridor absolu : un corridor peut favoriser les déplacements d’une espèce, et dans le même temps empêcher les déplacements d’une autre espèce� Par exemple, une rivière est un corridor pour toutes les espèces aquatiques et une barrière pour les espèces qui ne supportent pas l’eau�

Le corridor n’est pas non plus l’unique garantie de la continuité écologique� L’observa-tion des déplacements entre plusieurs taches forestières montre qu’il peut y avoir des continuités écologiques en l’absence de corridor, en jouant simplement sur l’organi-sation des taches au sein de la matrice� Il faut donc retenir que les corridors sont des éléments qui favorisent les déplacements ; toutefois, des déplacements peuvent se produire à travers la matrice (qui n’est pas qu’un élément hostile)� Dans tous les cas, et comme l’ont mis en évidence plusieurs travaux en écologie du paysage, la meilleure ga-rantie du bon fonctionnement écologique des espèces naturelles ou sub-naturelles réside dans le maintien de leur habitat naturel ou sub-naturel. Ainsi, la réflexion sur la continuité écologique doit prendre en compte le tramage du paysage, détecter les endroits où celui-ci ne suffit pas à garantir la continuité écologique et envisager de des-siner des corridors�

La fragmentation des habitatsLa fragmentation des habitats a été identifiée comme un véritable problème pour l’écologie� La fragmentation du paysage provient de la rencontre de deux processus assez similaires : le morcellement et l’isolement� Le morcellement correspond au découpage en petits éléments d’un plus gros élément naturel ou sub-naturel� L’isolement quant à lui découle du morcellement : plus le paysage est morcelé, plus les éléments qui le constituent s’éloignent les uns des autres et plus leur nombre diminue�

Par exemple, il y a 500 ans, l’Etat de Sao Paolo au Brésil était majoritairement forestier� En quelques siècles, il est devenu un Etat majoritairement très ouvert� Lorsqu’un changement brutal d’habitat se produit, la diversité génétique des populations présentes dans les éléments restant du paysage diminue, entraînant une baisse du pouvoir adaptatif, qui induit à son tour une augmentation de la mortalité et donc une réduction de la population� C’est de cette façon que commence la spirale d’extinction des espèces, dont il est très difficile de s’extraire.

ConclusionSur le plan conceptuel, il a bien été identifié que la fragmentation des habitats avait des conséquences négatives sur le fonctionnement écologique� L’aménagement de corridors peut être une solution pour compenser ces effets négatifs de la fragmentation� Globalement, l’écologie du paysage peut fournir les outils conceptuels et méthodologiques pour la justification et la mise en place des trames vertes et bleues.


en compte la biologie des espèces sauvages ; améliorer la qualité et la diversité des paysages�

La loi définit très précisément ce qu’est la TVB.

Trame verteLa composante verte est définie comme regroupant les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité, dont tout ou partie des espaces protégés, les corridors écologiques permettant de les relier, ainsi que les surfaces en couvert environnemental permanent� La logique de continuité écologique comprend donc bien les réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques�

Trame bleuePour la composante bleue de la trame, on a décidé de ne pas remettre en cause les travaux et le contenu des SAGE et des SDAGE� Elle regroupe donc les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux classés� Bien entendu, l’enjeu relatif aux zones humides est pris en compte. Enfin, la trame bleue comprend les autres cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux et zones humides importants pour la préservation de la biodiversité�

Le projet de loiLe projet de loi introduit l’idée que la mise en œuvre de la TVB se fera à différentes échelles. L’Etat définit les orientations nationales à partir des travaux du COMOP TVB, qui seront précisées par un décret d’application� La mise en œuvre au plan régional reposera sur l’élaboration de SRCE avant la fin de l’année 2012. Il s’agit d’une co-élaboration entre l’Etat et la Région� Ce travail en partenariat a déjà débuté dans certaines régions comme la Bourgogne� La mise en œuvre de la TVB doit être une démarche participative et concertée, et associer le plus grand monde (notamment avec l’organisation d’une enquête publique qui suivra la consultation des collectivités sur le SRCE). Enfin, au plan local, la TVB devra être prise en compte dans les SCOT et dans les PLU�

Ces différentes échelles d’intervention sont articulées par des liens juridiques précis. Les SRCE doivent être compatibles avec les orientations nationales� Les documents d’urba-nisme et projets des collectivités doivent prendre en compte la TVB (et notamment les SRCE)� En revanche, les infrastructures linéaires de l’Etat doivent être compatibles avec les SRCE� Le SDAGE quant à lui intègre la mise en place de la TVB et le SRCE doit être compatible avec les éléments du SDAGE�

Le projet de loi prévoit d’adapter les orientations nationales à la Corse ainsi qu’aux Départements d’Outre-Mer (DOM) et à Mayotte�

La TVB et le projet de loi Grenelle 2

Sylvie LE CALVEZAprès ces fondements scientifiques de l’intérêt de la TVB, qu’en est-il de la mise en application de celle-ci ? Fabienne Allag-Dhuisme, chef du projet trame verte et bleue au MEEDEM, nous apportera plus de précisions sur ce dispositif et sur le Grenelle 2�

Fabienne ALLAG-DHUISMEChef du projet trame verte et bleue, MEEDDM

Les menaces sur la biodiversitéLes enjeux sur lesquels nous travaillons dans le cadre du projet de TVB ne sont pas si récents� Le droit en matière de protection de la nature a évolué : il est passé d’une philosophie de préservation de la biodiversité remarquable (cf� loi sur les parcs nationaux) à la prise en compte de la biodiversité dite ordinaire sur l’ensemble du territoire� Cette progression concerne aussi les textes internationaux� En 1992, la Convention sur la diversité biologique de Rio a constitué une étape importante pour la préservation de la biodiversité� En Europe, les pays se sont engagés dans une stratégie paneuropéenne en faveur de la diversité biologique, stratégie dans laquelle l’enjeu de lutte contre la fragmentation des milieux est très important� De plus, alors qu’aujourd’hui les mesures de protection forte de la nature ne concernent que 1 % du territoire français, la stratégie de création d’aires protégées vise un objectif de 2 % de ce territoire�

Un contexte préexistant sur les continuités écologiquesAu début de la réflexion sur les continuités écologiques, Monsieur Borloo qualifiait la TVB d’ovni� En fait, l’idée de TVB n’est pas très récente : la France n’est que le 19e pays européen à s’engager dans cette démarche� Le COMOP TVB s’est d’ailleurs appuyé sur l’expérience des pays qui ont déjà entamé ce travail. Il s’avère que différentes approches méthodologiques peuvent favoriser l’écologie du paysage� La particularité de la France est de travailler à l’élaboration d’une trame verte et bleue, avec un lien important entre les deux composantes de la trame� Les pays déjà engagés dans cette démarche ont mis en place un cadre national, avec une mise en œuvre plus locale� Le COMOP a travaillé sur les différentes initiatives existant déjà dans ce domaine sur le territoire français� Les travaux du comité ont ensuite été traduits dans les textes législatifs et par les orientations nationales�

Apports du GrenelleLe Grenelle 1 fixait l’objectif de créer une TVB à l’horizon 2012. Le projet de Grenelle 2 modifie à la fois le code de l’environnement (articles 45 et 46) et le code de l’urbanisme (articles 5 à 10)� Les objectifs sont de : réduire la fragmentation des habitats ; permettre le déplacement des espèces et préparer l’adaptation au changement climatique ; atteindre le bon état écologique des eaux ; faciliter la diversité génétique ; prendre


Perspectives et chantiersComme il est prévu par la loi, un comité national TVB doit se mettre en place� Il fera l’objet d’un décret qui en définira les modalités de fonctionnement. En parallèle, des comités régionaux TVB se mettront en place� Ils devront associer les usagers et les acteurs du territoire dans leurs travaux� Enfin, nous travaillons en prolongement du COMOP TVB, avec plusieurs groupes de travail, sur la cartographie, l’évaluation et le financement de la TVB, etc. Enfin, nous prévoyons de créer un centre de ressources�

Elaboration régionale et locale : méthode et outilsLes orientations nationales reposent sur les guides méthodologiques qui ont été produits par le COMOP TVB, appuyé par des équipes techniques1� Ces guides concernent :- la définition et les enjeux de la TVB (guide 1, destiné aux décideurs)- un appui méthodologique à l’élaboration régionale (guide 2, destiné aux techniciens des collectivités)- la prise en compte des infrastructures linéaires de transport de l’Etat (guide 3)� Nous travaillons en outre à la constitution d’un quatrième guide méthodologique sur l’intégration de la TVB dans les documents d’urbanisme�

Les choix stratégiques de la mise en œuvre de la TVB figurent dans le premier guide, et notamment : la nécessaire prise en compte des activités humaines et des enjeux socio-économiques ; le respect d’un principe de subsidiarité et de gouvernance partagée ; la nécessaire cohérence de la mise en œuvre sur l’ensemble du territoire national ; la nécessaire cohérence entre l’ensemble des politiques publiques�

Le Schéma régional de cohérence écologique Le SRCE doit contenir une présentation des grands enjeux régionaux, une présentation de la composante de la TVB à l’échelon régional, une représentation cartographique au 1/100 000e, et une préfiguration de la gestion de la TVB. Le contenu du SRCE est précisé dans le texte de loi� Le schéma régional doit ensuite être décliné au niveau local, dans les SCOT et les PLU (cf� Articles 5 à 10 du code de l’urbanisme)� Ces derniers devront identifier les espaces constituant des réservoirs de biodiversité et les corridors écologiques�

Les arguments de la prise en compte de la TVB au plan localEnfin, il est important d’intégrer la TVB comme outil d’aménagement du territoire au regard des enjeux de protection de la biodiversité� Au-delà d’un travail ne concernant que la nature remarquable, il s’agira de favoriser également la nature ordinaire� La mise en œuvre de la TVB sera favorable à l’identité paysagère, à l’amélioration du cadre de vie, à l’interdépendance entre les espèces, les habitats et les territoires, aux services rendus par la nature� Elle sera également un moyen de répondre aux enjeux liés à l’étalement urbain et à la nature en ville�

Les mesures pour la mise en œuvre de la TVB seront co-construites� Elles permettront d’aboutir à trois types d’impacts différents :- maintien et consolidation des espaces existants pouvant entrer dans la TVB, sans modification du mode de gestion actuel- maintien des espaces existants pouvant entrer dans la TVB, avec mise en œuvre d’une gestion conservatoire impliquant une modification des modes de gestion- création de nouveaux espaces�

1 Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), Service d’études techniques des routes et autoroutes (SETRA), Cemagref


donc à ces questions et la TVB ne s’arrête évidemment pas aux frontières de la ville� Lors d’un récent colloque sur la nature en ville, la Ville de Strasbourg évoquait l’enjeu lié aux espaces périurbains et urbains�

Thierry TATONIAu plan scientifique, nous séparons de plus en plus la notion de TVB en milieu urbain de celle hors de la ville. Il ne s’agit pas du même type de milieu. Le degré d’artificialisation de la ville est bien plus élevé qu’en milieu rural� Un programme ANR2 a été lancé sur la « ville durable », et aborde l’idée de trame verte en ville� La biodiversité en ville n’a pas tout à fait le même sens que la biodiversité en dehors de la ville� Idéalement, nous pourrions envisager une ville connectée au milieu naturel extérieur� Mais la ville n’est pas forcément prête à être directement connectée au milieu extérieur : le cortège de faune sauvage qui y vit n’est peut-être pas désiré par les personnes qui souhaitent avoir de la nature en ville� Lorsqu’une ville du Venezuela a été reconnectée avec le milieu naturel extérieur, ce sont des pumas qui ont fait leur apparition…

Paul RAOULTDans la lettre de mission du COMOP TVB, il était indiqué que nous devions travailler sur la nature en ville� Nous n’avons pu que commencer à aborder la question� Ceci dit, la na-ture en ville est un enjeu important� Certaines villes notamment ont recouvert les cours d’eau qui les traversaient et elles auront à reconstituer leur trame bleue� En outre, de nombreuses agglomérations ont construit de magnifiques parcs urbains, mais je ne suis pas sûr qu’ils aient utilisé les essences locales. Nous devons effectivement progresser sur ce sujet de la nature en ville�

De la salle (Vincent BOUGAMONT, directeur de l’espace naturel urbain, Communauté urbaine de Lille La réflexion du COMOP TVB a-t-elle abordé la question de la qualité des sols ? Il me semble que le sol est l’élément qui est le plus en danger aujourd’hui� Dans la métropole lilloise, il est très difficile de trouver un terrain qui ne soit pas pollué. En outre, le paysage est très lié à la qualité du sol� Par ailleurs, lorsqu’elles font le lien avec l’urbanisme les réflexions s’arrêtent toujours aux documents de planification, c’est-à-dire là où commence l’opérationnel. Or, au quo-tidien, les villes se transforment au fur et à mesure des autorisations d’urbanisme, des permis d’aménager, etc� Il faut que le code de l’urbanisme donne aux maires qui déli-vrent les autorisations de construire des outils prescriptifs�

Sylvie LE CALVEZEffectivement, peu de travaux se sont intéressés à la microbiologie des sols. Comment cet aspect est-il pris en compte par la TVB ?

2 Agence nationale de la recherche

Echanges avec la salle

De la salle (Franck DAVID, président de la commission environnement du département du Jura et vice-président de la Communauté d’agglomération du Grand Dole)Je souhaite avant tout remercier les organisateurs de cette journée� Bien souvent, l’écologie est utilisée comme leitmotiv dans nos discours politiques� Mais lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre des mesures la favorisant, les choses se révèlent moins aisées� La Région a été présentée comme étant le partenaire privilégié de la mise en œuvre de la TVB� Il me semble que l’échelon départemental pourra y contribuer de façon importante. Nous réfléchissons actuellement à de nombreux sujets tels que le mi-tage foncier, les barrières que constitue une rivière, etc� Actuellement, les collectivités connaissent de grandes difficultés financières. Je crains que ces préoccupations repren-nent le pas sur la politique environnementale�

Fabienne ALLAG-DHUISMELe sénateur Raoult a évoqué l’articulation entre les différentes échelles d’intervention. A l’évidence, les Départements sont étroitement associés à l’élaboration de la TVB à l’échelle régionale� Selon la loi, les Départements seront des partenaires importants, même si l’échelon régional est apparu le plus pertinent pour décliner les orientations nationales�

Thierry TATONIIl ne faut pas voir la réflexion sur la TVB comme un obstacle au développement du ter-ritoire, mais plutôt comme une autre façon de le concevoir� Jusqu’à présent, nous ne nous étions jamais préoccupés de continuités écologiques� Nous savons reconnaître et gérer les espaces et les espèces remarquables� En revanche, nous ne savons pas le faire pour la biodiversité ordinaire� La TVB doit simplement faire prendre conscience à tous de l’existence de la biodiversité sur tout le territoire�

De la salle (Michelle HEUSSNER, Ville de Brumath - Alsace) L’Alsace a déjà vécu une expérience de l’élaboration d’une TVB� La Ville de Brumath s’interroge beaucoup sur la notion de trame verte en milieu urbain� Nous avons mené une réflexion sur le développement des modes de déplacement doux, des pistes cyclables et des cheminements piétons. Vos réflexions ont-elles intégré cette idée de la TVB en milieu urbain ?

Fabienne ALLAG-DHUISMELes travaux d’un autre programme, appelé Nature en ville, ont abordé la TVB en milieu urbain� Ce programme se poursuit et devrait aboutir à l’élaboration d’un plan pour la nature en ville. Nous prenons part à leurs réflexions. Sur cette question de la nature en ville, il convient de distinguer ce qui relève des enjeux scientifiques et de biodiver-sité spécifiques à la ville, de ce qui concerne l’architecture de la ville. Nous travaillons


et sa connexion avec les massifs naturels� Dans le milieu méditerranéen, la déprise agricole est importante et les espaces tampons entre les espaces naturels et les milieux anthropisés ont disparu�

Fabienne ALLAG-DHUISMEJe vous ai présenté le cadre législatif de la mise en œuvre de la TVB� Pour autant, il n’existe pas de recette définitive pour la construire. Elle doit s’adapter aux spécificités de chaque territoire. Nous avons besoin des retours d’expérience des territoires pour affiner et co-construire la démarche�

Thierry TATONIEn tout premier lieu, l’écologie tient compte du triptyque qui est composé du climat, du sol et de l’action de l’homme, et qui contrôle tous les processus écologiques� L’écologie du paysage a permis d’un peu mieux prendre en compte l’action de l’homme mais le sol reste incontournable� De plus, le sol est forcément pris en compte dès que la biodiver-sité est bien appréhendée� Bien souvent, la biodiversité est présentée comme un bilan comptable des espèces, mais l’écologie s’intéresse bien au sens de la biodiversité� Elle est avant tout un indicateur écologique� Des espèces nous renseignent sur la qualité de l’eau, d’autres sur la qualité des sols, etc� Un travail qualitatif sur la biodiversité aborde nécessairement la qualité des sols� Par ailleurs, la recherche s’intéresse de plus en plus à la microbiologie des sols� Globalement, nous pouvons déjà dresser une première carto-graphie de la fertilité des sols�

Paul RAOULTUn avant-projet de directive européenne sur les sols est en cours d’élaboration� J’en ai fait un rapport à la commission des affaires économiques du Sénat. Manifestement en France, il n’y a pas de majorité politique pour voter la directive européenne sur les sols� Les agriculteurs s’y opposent fortement, alors même que l’on a conscience de la diminu-tion des réserves en humus des sols� En outre, la France reste timide face à la nécessaire dépollution de ses sols. Effectivement, compte tenu du nombre d’hectares à dépolluer, la dépense nécessaire sera lourde pour l’Etat� Aujourd’hui, la problématique n’est pas suffisamment prise en compte.

Fabienne ALLAG-DHUISMES’agissant de la deuxième question posée, le projet de loi s’arrête effectivement aux documents de planification. Ce choix du COMOP est le fruit d’un compromis. Cela ne nous empêche pas de poursuivre les réflexions. Dans le cadre du groupe de travail TVB et urbanisme, nous souhaitons approfondir ces questions�

De la salle (Laëtitia BERTHIER-FLANDIN, direction de l’urbanisme et du foncier, Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole)Dans le cadre du SCOT de la Communauté urbaine de Marseille Provence Métropole, nous avons lancé une étude sur les continuités écologiques� En plus d’améliorer notre connaissance du fonctionnement des écosystèmes locaux, elle doit permettre de trou-ver des éléments de traduction d’une TVB dans les documents d’urbanisme� Dans ce cadre, nous réfléchissons aux liens entre la nature en ville et la TVB sur les grands es-paces naturels de notre territoire� La question des liens entre les deux est importante : un certain nombre de zones d’interfaces sont particulièrement porteuses d’enjeux�

Thierry TATONILe tissu urbain de la ville de Marseille est important� Toutefois, le centre-ville est relativement petit et ce n’est pas à ce niveau que se jouent les enjeux écologiques les plus importants� En fait, c’est la périurbanisation de Marseille qui est remarquable� Les enjeux écologiques les plus importants concernent la gestion de cette périurbanisation


Le réseau écologique est un concept multi-échelle� Les besoins de circulation se situent à différentes échelles spatiales. Par exemple, dans un milieu forestier, les grandes forêts constituent des réservoirs de biodiversité interrégionaux ; les forêts plus petites sont des réservoirs de biodiversité d’intérêt régional ; des petits espaces en pas japonais relient les forêts pour une connexion interrégionale . Enfin, de plus petits espaces forestiers et bois joueront un rôle à une échelle plus locale� Certains de ces espaces seront reliés par des corridors de niveau interrégional, en pas japonais, de niveau régional, et de niveau local. Tous ces éléments s’emboîtent finement pour former un réseau. Un travail sur un réseau au niveau régional ne doit pas occulter les connexions nécessaires à la survie des espèces qui peuvent se situer à d’autres échelles�

Des exemples européensParmi les exemples européens de travaux sur les continuités écologiques, j’ai précédemment évoqué le Réseau écologique paneuropéen (REP) et le Réseau alpin (projet Econnect)� Plusieurs pays ont également travaillé sur cette thématique à l’échelle nationale� Nous nous sommes intéressés à leur expérience mais nous sommes heurtés à la différence de langages et de concepts pour désigner l’idée des continuités écologiques�

Par exemple, une étude a été réalisée par un centre européen en Hollande, pour élaborer une carte indicatrice du REP de l’Europe du Sud-Est (Grèce, Turquie, Ex-Yougoslavie, Bulgarie)� Une autre carte indique les zones humides dont ont besoin les espèces migratrices de l’avifaune pour circuler. Différentes symbolisations ont été choisies selon les pays. La Suisse, par exemple, qui a entamé ses premiers travaux à la fin des années 1990, a établi une carte des espaces plus ou moins favorables aux déplacements des espèces�

Une fois les continuités étudiées, tous ces travaux s’intéressent aux conflits éventuels liés aux villes ou aux infrastructures de transport� Certaines continuités devront passer au-dessus ou en dessous d’infrastructures� L’Allemagne s’est dotée d’une carte qui met en évidence les différentes zones de conflit. En Allemagne, la protection de la nature relève de la responsabilité des Länder� Les travaux nécessaires pour résoudre ces conflits représentent un investissement important. La Hollande, par exemple, a entamé un programme au début des années 1990 et le terminera dans 10 ou 20 ans�

La région allemande Rhénanie-Palatinat a identifié les zones nodales (cf. figure 1 en jaune) et les corridors régionaux (en rouge et rose) pour la circulation de la faune entre les différentes zones nodales.

Il existe aussi des exemples de coopération transfrontalière en faveur des continuités écologiques� Par exemple, la Grande région rassemble des territoires de quatre pays : Allemagne, France, Belgique et Luxembourg�

La trame verte et bleue, pour une continuité écologique de l’Europe au local

Sylvie LE CALVEZMichel Deshayes va nous présenter l’articulation entre les différentes échelles de mise en œuvre, puis nous entendrons trois témoignages qui illustreront ces propos�

Articulation et complémentarité entre les échelles européenne, nationale, régionale et locale

Michel DESHAYESCoordonnateur de l’appui au COMOP TVB, Cemagref

Conventions internationales et européennesDès 1979, la Convention de Berne définissait le Réseau émeraude afin de répertorier tous les espaces naturels de l’Europe� En 1991, la Convention alpine aborde également la notion de réseau national et transfrontalier d’espaces protégés� Cette convention a permis la création d’une plate-forme « Réseau écologique alpin » qui travaille non seulement sur les espaces protégés, mais aussi sur les corridors qui les relient� Par ailleurs, la stratégie paneuropéenne pour la protection de la diversité biologique et paysagère recommandait, dès 1995, la mise en place d’un réseau écologique paneuropéen. Enfin, la commission européenne a créé plusieurs mesures en faveur de la conservation de la biodiversité, notamment la directive Oiseaux et la directive Habitats (réseau Natura 2000)� Cette dernière prévoyait la construction d’un réseau qui permettait de relier les sites Natura 2000, une disposition facultative qui n’a pas été mise en œuvre immédiatement par la France�

Quelques définitionsDans le cadre du COMOP TVB, il a été décidé que le réseau écologique comprenait des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques� De plus, deux types de corridors ont été identifiés : des corridors en pas japonais (petits espaces qui jouent le rôle d’habitats intermédiaires pour des animaux qui souhaitent passer d’un grand espace à un autre) et des corridors de type paysager (par exemple, des zones de bocages)� De façon plus complexe, au moment de réfléchir aux continuités écologiques, il faudra travailler sur deux aspects : la naturalité des milieux et la fragmentation des milieux�

Un réseau écologique est un sous-réseau, comme une TVB est une sous-trame� En fonction du territoire, la densité des espaces et les continuités écologiques seront diffé-rentes� Il s’agira d’espaces forestiers, de réseaux hydrographiques, de milieux ouverts, etc� L’ensemble de ces sous-trames constitue le réseau écologique et la TVB nationale�


Parmi les exemples de démarches locales, la Communauté urbaine d’Arras a travaillé sur des continuités écologiques des périphéries de la ville� Le Val-de-Rosselle, en Lorraine, a élaboré une carte qui distingue la trame verte de la trame bleue, ainsi que trois niveaux de corridors écologiques, et qui identifie les zones de conflit.

Les aménagements de restauration de connectivitéDes aménagements sont nécessaires pour régler les conflits notamment entre infrastructures de transport et continuités écologiques� Nous avons découvert par exemple qu’en plus de permettre à la faune de traverser un obstacle, il fallait favoriser leur passage en ponctuant l’aménagement d’îlots refuges� Nous nous sommes aussi rendu compte qu’il était possible d’utiliser les aménagements assurant les continuités hydrauliques comme passage pour la faune terrestre� En Hollande, un ouvrage qui permet à la faune de passer par-dessus une route a été ponctué de petites mares�

La TVB en Rhône-Alpes : de la cartographie régionale aux projets opérationnels locaux

Sylvie LE CALVEZAlain Chabrolle est vice-président à la Santé et à l’Environnement de la région Rhône-Alpes, et Hélène Guilloy est chargée de la cartographie qui préfigure le SRCE. La région Rhône-Alpes fait partie des premières à avoir travaillé sur la trame verte et bleue� En 2006, elle a commencé à construire un réseau écologique régional, travail qui a débou-ché sur la constitution d’un atlas régional au 1/100 000e�

Alain CHABROLLEVice-président à la Santé et à l’Environnement, conseil régional Rhône-Alpes

Je suis ravi de représenter la région Rhône-Alpes, d’autant plus que je suis issu du monde associatif et en particulier de France nature environnement (FNE)� En tant que natura-liste de terrain, je mesure donc l’ampleur de l’érosion de la biodiversité ainsi que la mobi-lisation des élus et des services des collectivités pour la mise en œuvre de la TVB� Notre contribution portera sur le couplage entre outils stratégiques et outils opérationnels�

La politique régionale de 2006En 2006, la région Rhône-Alpes a voté à l’unanimité une nouvelle politique en faveur du patrimoine naturel régional� L’un des axes forts de cette politique était de construire un réseau régional des espaces préservés, qui s’appuie sur les sites remarquables et les corridors écologiques� Avant l’émergence du Grenelle, la région Rhône-Alpes a donc intégré ces préoccupations dans sa politique� Cette dernière s’incarne à travers deux outils3 : la cartographie des réseaux écologiques (outil diagnostic) qui préfigure le futur SRCE, et le contrat corridor (outil opérationnel)� Ce contrat corridor est destiné à soutenir financièrement des projets locaux de préservation et de restauration des continuités écologiques�

3 Disponibles sur http://biodiversite.rhonesalpes.fr, rubrique Observatoire

S’agissant des démarches régionales, la région Nord – Pas de Calais a été pionnière dans ce domaine en identifiant ses réservoirs de biodiversité et ses corridors écologiques (cf. figure 2).

Figure 1 – Zones nodales (figure gauche) et corridors (figure droite) de la Rhénanie-Palatinat en Allemagne

Figure 2 – Réservoirs de biodiversité (en vert clair) et corridors écologiques (vert foncé) de la région Nord – Pas de Calais


Cartographie des Réseaux Ecologiques de Rhône-Alpes : carte de synthèse des grandes connexions à l’échelle régionale

Extrait de l’Atlas des Réseaux Ecologiques de Rhône-Alpes

Echelle régionale : la cartographie des réseaux écologiques de Rhône-Alpes

Hélène GUILLOYChargée de mission Patrimoine naturel, conseil régional Rhône-Alpes

Une méthode en deux étapesLa région Rhône-Alpes devait trouver une méthode adaptée à la complexité de son ter-ritoire qui se caractérise à la fois par une importante diversité naturelle et une diversité administrative (huit départements)� Nous avons donc procédé en deux étapes : - la première a consisté en une approche cohérente à l’échelle du territoire qui s’est appuyée sur une méthode de modélisation à partir de données d’occupation des sols et de données sur les obstacles et franchissements ; cette étape a abouti à la création d’une trame écologique potentielle constituée de sept sous-trames- la seconde devait permettre de mieux appréhender la réalité du terrain, en s’appuyant sur la connaissance des experts locaux�

Une démarche concertéeLa concertation a été au cœur de notre démarche, d’abord au sein d’un comité de suivi technique (Région, DREAL/DDT, Agences de l’eau et conseils généraux), puis par des consultations locales (près d’une centaine de structures ont été associées)�

Les résultatsUn atlas au 1/100 000e couvrant l’essentiel du territoire régional a été réalisé� Il ne s’agit pas uniquement d’une approche des corridors mais d’une identification des différentes potentialités de la matrice : la trame écologique potentielle� Au sein de cette matrice, seront identifiés les espaces particuliers de passage : les corridors. De plus, nous avons constitué des grandes cartes de synthèse qui mettent en évidence l’emboîtement des différentes échelles (données SIG), ainsi que des guides méthodologiques.


Grésivaudan Bauges-Chartreuse Chartreuse-Belledonne

Portage Conseil général de l’Isère Métropole Savoie

SuperficieVallée de l’Isère entre

Voreppe et Pontcharra (70 km)

873 ha 13 km2

Montant d’opération 9 M€ 3,7 M€ 1,6 M€

Financement• Europe 42% 35 % 17 %• Région 11 % 27% 32 %• Conseil Général 22 % (MO) (MO)• Agence de l’eau 4% 7% 27 %

Le financement des Contrats « corridors biologiques » de Rhône-Alpes

Exemples d’actions mises en œuvre dans le Contrat « corridors biologique » Bauges-Chartreuse

Intégration dans les documents

réglementairesTravaux Etudes / suivis Communication

Animation

• Accompagner les communes dans la révision des

PLU

• Mettre en place un arrêté

préfectoral de protection de

biotope sur une zone humide

• Ouvrage de franchissement

d’une RD

• Restauration de Zones Humides

• Mesures Agri-environnementales

• Acquisitions foncières

• Etude diagnostic agricole

• Evaluation du projet

• Exposition sur une aire

d’autoroute

• Programmes pédagogiques

scolaires et habitants

Contrat corridors « Bauges Chartreuse » : exemples d’actions

15 maîtres d’ouvrages impliqués

Echelle localeLe passage à une échelle plus locale se traduit par deux démarches :- favoriser au mieux la prise en compte des TVB dans les démarches de planification- accompagner des projets opérationnels�

L’animation de la démarche

Le premier enjeu d’animation de la démarche a été de diffuser l’outil cartographique des réseaux écologiques à l’ensemble des acteurs – élus et chargés de mission – qui portent des SCOT, des contrats de rivières, des Parcs naturels régionaux (PNR)� Nous mettrons aussi en place des formations pour ces mêmes personnes afin de les aider à utiliser l’outil cartographique�De plus, les services de l’urbanisme interne de la Région et de l’Etat seront sensibilisés à l’utilisation de cet outil� Nous avons pu travailler avec la DREAL pour le communiquer à tous les services de l’Etat en départements� Enfin, il est possible d’apporter un soutien technique à la déclinaison cartographique, dans le cadre des SCOT notamment�

Volet opérationnel

Aujourd’hui, trois contrats « corridors biologiques » sont opérationnels4 et quatre autres sont à l’étude� Ces contrats sont organisés en quatre volets :- l’intégration dans les documents réglementaires (accompagnement à la révision du PLU…) - les travaux- les études et suivis- l’animation� Il s’agit de programmes d’action multithématiques et pluridisciplinaires qui mobilisent plusieurs maîtres d’ouvrage et qui nécessitent l’implication d’une collectivité pour assu-rer la coordination et la cohérence : dans le cas du Grésivaudan, ce rôle est endossé par le conseil général de l’Isère� Ces programmes sont ambitieux, tant sur le plan technique que financier ; une part des financements est prise en charge via les fonds européens, par les conseils généraux, les Agences de l’eau, etc�

4 Grésivaudan, Bauges-Chartreuse, et Chartreuse-Belledonne


Philippe BARRYVice-président de la Communauté de communes du Val de Vienne

Au nom de l’AdCF5 et de mes collègues, je voudrais féliciter les personnes qui ont orga-nisé cette journée sur la thématique de la TVB�

Le sénateur Raoult a évoqué les SCOT qui, selon lui, représentent une échelle pertinente pour traduire la TVB� Je crois que nous pouvons y associer les PLU intercommunaux� Il s’est créé une véritable démarche de concertation entre communes au sujet de ces PLU� Dans notre territoire de l’Ouest limousin, nous avons élaboré un PLU intercommunal en 2006 qui s’est avéré ne pas être efficient. Dès 2007, nous l’avons mis en révision. Cette révision a plutôt consisté en la création d’un nouveau document� En 2007, nous avons franchi un cap : le PLU intercommunal nécessitait une étude environnementale, tenant compte des protections de type ZNIEFF6, etc� Nous avons par ailleurs travaillé d’emblée avec le SAGE Vienne pour la prise en compte des zones humides préalablement identi-fiées. La trame bleue s’est ainsi dessinée.

Pour la trame verte, la démarche a été un peu différente. Notre Communauté de com-munes, très rurale, est soumise à une forte pression urbaine devant être conciliée avec une activité d’élevage très présente� Nous avons dû prendre en compte ces éléments de préservation de l’espace rural et de l’espace naturel� De plus, le premier PLU inter-communal avait classé une grande partie du territoire en zones A (agricole)� Nous avons souhaité redonner plus de place aux zones N (naturelle)� Nous souhaitons par ailleurs limiter l’urbanisation linéaire qui est un facteur considérable de rupture des corridors écologiques� Nous avons donc décidé de concentrer l’urbanisation autour des bourgs� Aujourd’hui, nous nous rendons compte que la trame verte et bleue est relativement respectée par notre PLU communal, tout en n’ayant pas engagé de démarche spéci-fique pour la TVB.

Aujourd’hui, nous nous interrogeons sur la traduction du SRCE dans les documents d’urbanisme� Le SRCE en Limousin en est encore à ses balbutiements� La Région souhaite obtenir un document au 1/100 000e ou au 1/150 000e� Les élus locaux craignent quant à eux qu’un SRCE trop détaillé induise une démarche qui coûterait trop cher� En outre, un schéma imposé au niveau local risque d’être mal accepté� Il me semble que le fait de définir un cadre régional et de laisser les élus locaux le traduire à l’échelle cadastrale dans les documents d’urbanisme est une des clés de la réussite� Reste encore à déterminer la traduction possible de la démarche régionale dans les documents d’urbanisme, et la latitude à laisser aux élus� La communication, l’information et la sensibilisation seront des facteurs majeurs pour l’appropriation de la démarche par les élus locaux� Lorsqu’ils se la seront appropriée, les obstacles à la mise en œuvre de la TVB dans les documents d’urbanisme seront beaucoup moins nombreux�

5 Assemblée des Communautés de France 6 Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique

ConclusionAlain CHABROLLE

Nous avons identifié les facteurs de succès de notre démarche. Il s’agit tout d’abord de la synergie entre un outil stratégique régional (la cartographie) et un outil opérationnel local (contrat « corridor biologique ») ; l’existence de ce dernier outil a favorisé la mobilisation des acteurs locaux� De même, l’implication des acteurs dans l’élaboration de la cartographie régionale a permis l’appropriation de la thématique et favorise l’émergence de projets opérationnels� C’est aussi le résultat du travail mené, très en amont, par le conseil régional, pour soutenir les associations qui se sont largement investies dans la démarche� Je souhaite souligner aussi la collaboration très étroite avec l’Etat, un partenariat clé pour la prise en compte des TVB dans les démarches de planification. Parmi les limites de la démarche, je citerai l’émergence de très nombreux projets qui ont besoin de nombreux moyens humains et financiers, et la nécessaire cohérence métho-dologique entre les différents travaux menés à l’échelle locale.

S’agissant des perspectives, nous devons passer de notre réseau écologique régional au SRCE� Pour cela, nous aurons à procéder à certains ajustements au regard des critères de cohérence nationaux�

Par ailleurs, nous venons de créer une délégation spéciale pour le foncier qui s’intéressera à la problématique des sols� Nous avons aussi récemment lancé un outil, le « Sol m’a dit », qui a été réalisé par la Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature (FRAPNA)� Dans le cadre des réseaux écologiques de Rhône-Alpes, nous avons organisé le 5 mai dernier notre 5e réunion départementale dans la Drôme à laquelle ont assisté 150 personnes (dont la moitié était des élus)�

Enfin, la volonté des élus, leur rôle d’animation et leur implication dans la démarche est indispensable. Il faut prendre du temps pour discuter et échanger, afin que tous les acteurs convergent vers l’intérêt collectif, et inventer une ingénierie politique de la complexité�

Pertinence de l’intercommunalité pour une continuité écologique locale

Sylvie LE CALVEZPhilippe Barry, comment se fait l’articulation entre la mise en œuvre locale et régio-nale de la TVB ? Que répondez-vous aux personnes qui vous réclament un permis de construire sur un terrain stratégique pour le déplacement d’espèces faunistiques ?


L’étude de la TVB a pour objectifs d’identifier la trame écologique et de mettre en œuvre un programme d’actions le plus opérationnel possible� L’originalité de l’étude est qu’elle intègre à la fois les réflexions stratégiques à l’échelle régionale et une déclinaison opérationnelle au niveau local� S’agissant de la méthodologie, nous avons retenu comme sous-trames de la trame verte : les forêts, les espaces agricoles extensifs, les pelouses sèches� Les sous-trames de la trame bleue sont de deux types : les cours d’eau et les milieux associés, ainsi que les plans d’eau et les zones humides� En partant d’une cartographie de l’occupation des sols, une démarche sera définie pour chaque sous-trame (choix des espèces, identification de zones nodales et cartographie du réseau écologique)�

Le suivi et la gouvernanceNous avons voulu que la démarche soit co-pilotée par l’Etat et la Région� Plusieurs instances en assurent le suivi : un comité technique (avec une place prépondérante laissée aux Départements), un comité scientifique (pour analyser la pertinence des propositions), le Conseil scientifique régional pour le patrimoine naturel (CSRPN) qui valide les étapes-clés de la méthodologie, un comité de pilotage� Nous avons aussi créé un comité d’information pour que la communication de l’étude soit la plus large possible afin de permettre une bonne appropriation de la démarche par les acteurs. Un espace collaboratif est accessible sur Internet�

A la fin de l’étude, nous disposerons d’un rapport d’étude et d’un atlas régional au 1/100 000e (avec des zooms au 1/25 000e)� L’objectif est de valoriser les synergies entre politiques publiques et objectifs de la TVB, de définir un programme d’intervention pour améliorer les outils existants, de mobiliser les acteurs locaux et d’évoluer dans le temps�

La déclinaison locale

Patrice NOTTEGHEMResponsable de la mission développement durable de la Communauté urbaine du Creusot-Montceau

Notre région est proche des grands massifs du Morvan et du Charolais� Les espaces boisés sont fragmentés� L’espace rural se caractérise par un paysage de bocage herbagé plutôt favorable à la mobilité des espèces� Le réseau hydrographique et les têtes de bassin sont perturbés par de nombreux réservoirs� L’espace urbain se caractérise quant à lui par une faible densité� L’emprise des zones d’activité industrielle est importante� Des infrastructures linéaires font actuellement l’objet d’une analyse en vue d’une meilleure adaptation aux continuités écologiques�

La TVB en Bourgogne, entre schéma régional et développements locaux

Sylvie LE CALVEZLa région Bourgogne vient de faire appel à un cabinet pour mettre en œuvre le SRCE� Patrice Notteghem abordera la question de son articulation avec la démarche locale�

Marie THOMASChargée de mission Biodiversité, conseil régional de Bourgogne

La problématique de la TVB n’est pas née de toutes les nouvelles dispositions législatives� La région Bourgogne se préoccupe depuis longtemps des continuités écologiques� En 2006, elle a adopté une stratégie régionale en faveur de la biodiversité, visant à préserver autant les milieux remarquables que la nature ordinaire� Les continuités écologiques étaient déjà au cœur des débats. Les réflexions ont été renforcées au moment du Plan climat régional. Enfin, le contrat de projet Etat-Région 2007-2013 comporte un volet sur la restauration des corridors biologiques� L’ensemble de ces démarches a constitué la base à partir de laquelle a débuté l’étude sur la TVB�

Une mosaïque de paysagesLa Bourgogne est un territoire sous influences méditerranéenne, océanique et subcontinentale� Elle abrite donc une grande diversité de milieux, une douceur de paysage, un réseau hydrographique complexe, autant d’éléments qui forment une mosaïque de paysages� Le territoire reste majoritairement forestier� Si le territoire semble assez préservé, ses milieux naturels se dégradent (infrastructures linéaires, étalement urbain…)� Globalement, les paysages agricoles et forestiers évoluent� L’objectif est de concilier l’empreinte humaine et la mosaïque de paysages tout en limitant la fragmentation des espaces naturels�

L’étude de la TVBTous ces enjeux nous ont incités à nous engager dans une démarche de TVB en Bourgogne� Une étude a été lancée en septembre 2009� Nous avons souhaité instaurer un co-pilotage avec les services de l’Etat et choisi de nous adjuger un prestataire – le bureau d’études Ecosphère, associé à Hydrosphère – et le concours d’Alain Chiffaut, consultant�

L’étude doit nous permettre de déterminer un cadre régional pour la préservation de la biodiversité� Elle est avant tout un outil d’aide à la décision et d’incitation des acteurs de terrain à mettre en œuvre des actions locales concrètes� Cette démarche s’inscrit dans le cadre national défini par le COMOP TVB.


Fabienne ALLAG-DHUISMELe ministère de l’Ecologie a commandé une étude sur l’analyse des PLU qui ont pris en compte les continuités écologiques� Sont souvent utilisés des indices qui caractérisent les continuités écologiques et qui portent aussi bien sur des zones A que sur des zones N� Le travail sur les continuités écologiques n’implique pas de transformer toutes les zones A en zones N�

De la salle (Christophe AUBEL, directeur de la ligue ROC)Dans votre méthode, quelle place laissez-vous à la connaissance de terrain, comme les inventaires ?

Marie THOMASNotre travail repose sur des modèles mathématiques, toutefois nous essayons d’intégrer au fur et à mesure les données de terrain qui évoluent (ZNIEFF, etc�)� Nous intégrons donc la connaissance de terrain, mais nous comptons surtout sur la mise en place d’un Système d’information géographique (SIG) qui permettra de faire évoluer le dispositif ultérieurement. Nous réfléchissons aussi à la mise en place d’un observatoire de la biodiversité�

Alain CHABROLLEJe profite de cette question pour évoquer un sujet cher à la région Rhône-Alpes : la création de pôles naturalistes (faune, flore). Sans connaissance de terrain, le travail ne peut pas être bien fait� Ces pôles doivent permettre de mutualiser les données pour une harmonisation des pratiques, de rendre publiques les informations et d’actualiser les données en permanence� Les départements et les grandes agglomérations contribuent à ce travail collaboratif sur la connaissance�

De la salle (Maxime PASSERAULT, stagiaire DREAL Franche-Comté)Les intervenants ont mis l’accent sur le rôle de la gouvernance� Certains ont créé des comités scientifiques et des comités techniques. Avez-vous des retours d’expérience sur la concertation ? Le SRCE doit être un document concerté, pourtant il est très peu ques-tion de concertation�

De la salle (Franck DAVID, président de la commission environnement du département du Jura et vice-président de la Communauté d’agglomération du Grand Dole)Dans notre démarche de protection de la biodiversité, nous sommes confrontés au problème des espèces invasives (par exemple, la renouée du Japon et l’Erable negundo)� Ces espèces risquent d’envahir et d’uniformiser nos ripisylves� La TVB intègre-t-elle une réflexion à ce sujet ? Existe-t-il des moyens d’enrayer la dissémination de ces espèces ?

Hélène GUILLOYUne réelle démarche de concertation des acteurs de terrain a été organisée par le biais de réunions de travail� Elle a ensuite servi à l’appropriation au niveau local et à l’émergence de dynamiques opérationnelles�


De la salle (Annie CLEMENT, expert en environnement)Quels liens faites-vous avec les outils existants comme l’atlas des paysages ?

De la salle (Jean-Louis MICHELOT, Ecosphère)L’atlas paysager de Bourgogne est un outil intéressant� Un important travail doit être fait, initialement, sur l’occupation des sols� Nous avons nous-mêmes combiné toutes les sources d’informations, dont fait partie l’atlas paysager� Nous l’avons notamment utilisé pour qualifier la nature du bocage.

Alain CHABROLLENous avons effectivement essayé de compiler le plus possible de documents.

Michel DESHAYESDe nombreux Départements ont réalisé des atlas départementaux du paysage� Mais le concept de paysage est polysémique (aspect fonctionnel, perception par la popu-lation…)� Aujourd’hui, ces atlas ont davantage été réalisés à partir d’une perception humaine et il est difficile de les utiliser pour une perception écologique. Dans le cadre du système d’information Nature et paysage, nous réfléchissons à la possibilité d’une meilleure articulation entre nature et paysage�

De la salle (Yves FRANÇOIS, agriculteur, Assemblée permanente des Chambres d’agriculture)Alain Chabrolle a cité de nombreux partenaires mais n’a pas parlé des agriculteurs de la région Rhône-Alpes. Est-ce un oubli ? En tant qu’agriculteur, je m’interroge sur la pertinence de l’évolution des zones A en zones N�

Alain CHABROLLELa Région a entamé un travail exemplaire avec les Chambres d’agriculture� Sur l’en-semble des départements, l’enjeu du travail avec le monde agricole est très important�

Philippe BARRYLa révision du PLU intercommunal en question a débuté par une étude complète, réalisée par la Chambre d’agriculture, sur la pérennité et le développement des exploitations agricoles des dix communes de l’intercommunalité� Le territoire limousin était, de façon incompréhensible, quasi entièrement classé en zones A� Le travail réalisé devait permettre un retour à plus de cohérence. La seule différence est qu’en zone A, un agriculteur peut construire un bâtiment lié à son exploitation, alors qu’il ne peut pas le faire en zone N� Mais il semblait plus logique de classer les prairies naturelles, les fonds de vallée, les prairies humides, etc� en zone N� La révision qui a été faite a permis d’adapter le PLU à la réalité du terrain. Il y a deux ans, notre PLU intercommunal ne définissait quasiment aucune zone.


La trame verte et bleue dans les documents d’urbanisme

Sylvie LE CALVEZAprès les enjeux, la prospective et l’articulation entre les différentes échelles d’interven-tion, nous allons aborder la question de l’intégration de la TVB dans les documents d’ur-banisme (PLU, SCOT, etc�)� Marine Bonnin, chargée de recherche en droit de l’environ-nement, nous propose une analyse, d’un point de vue juridique, de la loi du Grenelle 2� Elle est l’auteur de deux ouvrages sur les corridors écologiques�

Les corridors écologiques dans le droit français

Marie BONNINChargée de recherche en droit de l’environnement, Institut de recherche pour le développement (IRD), LEMAR/IUEM, Brest

Je travaille sur la question des corridors depuis une dizaine d’années� La question de l’appréhension par le droit des corridors écologiques m’intéresse particulièrement� Je me suis donc penchée sur le projet de loi� Je suis juriste, chargée de recherche à l’IRD, et c’est de ce point de vue que je ferai ma présentation� Il importe d’étudier l’histoire de la reconnaissance des corridors écologiques dans le droit, ainsi que la possible effectivité des outils qui leur sont consacrés�

En droit français, il existait des mesures individuelles qui visaient à limiter la fragmentation� Il existait également des initiatives remarquables à l’échelle des territoires� Mais le premier réel essai de traduction des notions de corridors en droit français a été fait en 1999 par la loi d’orientation pour l’aménagement durable du territoire� Cette loi inscrivait pour la première fois en droit national la notion de « connectivité écologique », par l’insertion dans son dispositif de l’expression « réseau écologique »� Elle stipule dans son article 23 que le schéma de services collectifs des espaces naturels et ruraux devra identifier les continuités. Ce schéma adopté en 2002 définit les corridors comme une liaison entre deux noyaux, qui a pour finalité d’assurer aux populations les possibilités adéquates de dispersion, de migration et d’échange génétique� Cette loi et les schémas collectifs qui en sont issus ont rencontré de multiples problèmes d’application�

Le projet de loi actuel va plus loin� Il intègre la notion de continuité écologique dans le code de l’environnement et dans le code de l’urbanisme. Il définit les corridors mais de manière un peu différente de la loi de 1999. Il indique que les corridors écologiques sont « des espaces naturels ou semi naturels, ainsi que des formations végétales linéaires ou ponctuelles permettant de relier les espaces protégés et les espaces importants »�

Alain CHABROLLEOn ne peut pas aborder la problématique de TVB sans appréhender les questions de la diminution et de la maîtrise des pollutions, de l’utilisation des ressources naturelles, de la maîtrise des espèces envahissantes et de la prise en compte de l’évolution du climat� Si nous ne prenons pas en compte ces thématiques, notre travail sur la TVB risque de ne pas être pertinent�

Fabienne ALLAG-DHUISMEMonsieur Chabrolle vient de souligner un point extrêmement important� Les espèces invasives n’ont pas besoin de continuité écologique pour se répandre� Nous travaillons à ce sujet avec le réseau des conservatoires botaniques nationaux� Une politique est par ailleurs engagée par le ministère de l’Ecologie, avec un certain nombre de collectivités, pour la lutte contre ces espèces invasives� L’enjeu économique est également impor-tant� Nous prenons donc ce sujet en compte�

Thierry TATONILes espèces invasives n’utilisent pas les mêmes types de corridors que ceux auxquels nous faisons allusion lorsque nous parlons de connectivité. En effet, la plupart des espèces invasives n’utilise pas des corridors stabilisés mais des systèmes perturbés pour se répandre� Toutefois, on pourrait penser que la mise en place d’un réseau de corridors qui soient des systèmes stables pourrait contribuer à freiner les espèces invasives�

Philippe BARRYAu nom de l’AdCF, je souhaite appuyer les propos de Madame Allag-Dhuisme sur le zonage. Nous sommes très favorables à une réflexion sur un indice appliqué aux zones des PLU, et non pas sur une TVB. En effet, les différentes zones ont toutes vocation à être des trames vertes�


la loi� Cependant, la question de la compatibilité et de la prise en compte renvoie aussi à l’organisation administrative de l’Etat� Une logique de compatibilité aurait induit un rapport hiérarchique entre les collectivités territoriales, ce qui n’était pas forcément souhaité�

Un autre point permet de relativiser l’importance des considérations relatives à ces notions. L’article L121-1 du code de l’urbanisme est modifié par le projet de loi : les SCOT et les PLU devront permettre l’équilibre entre les différentes utilisations de l’espace, ainsi que la préservation et la remise en état des continuités écologiques� Cette disposition me paraît particulièrement importante� Même si aucune obligation n’existe quant à la prise en compte des SRCE par les documents d’urbanisme locaux, l’insertion d’obligations relatives à la connectivité écologique suffira à attirer l’attention des élus locaux sur cette question�

Je souhaite souligner une discontinuité, à savoir l’apparition du concept d’espace important pour la biodiversité� Le texte du projet de loi introduit ce concept dans le droit de l’environnement : « les espaces importants pour la préservation de la biodiversité »� Selon le projet, il faut identifier, préserver et relier ces espaces. Il est aussi indiqué que la trame verte comprend entre autres ces espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité. Cette notion n’est en fait pas définie. Le lien entre espace protégé et espace important n’apparaît pas non plus clairement dans la formulation du projet de loi� Ayant participé à plusieurs réunions du réseau écologique paneuropéen et à la réflexion sur ce concept, il me semble que la notion n’est pas sans lien avec celle de high value nature, qui s’applique à certains paysages agricoles et sylvicoles importants pour certaines espèces. Si cette notion est conservée dans la loi définitive, il faudra bien sûr la définir.

Par ailleurs, les procédures de révision me paraissent essentielles, surtout dans ce domaine lié au changement climatique. Or, si le décret doit bien fixer un délai de révision des orientations nationales, il s’agit d’un délai au bout duquel l’autorité administrative compétente de l’Etat procède à une analyse des résultats et décide de son maintien en vigueur ou de procéder à sa révision� La révision est envisagée mais elle n’est pas fixée dans le temps. Pour les SRCE, un délai est fixé par décret, mais la révision n’est pas plus obligatoire� Pour que le texte soit révisé, il faudra un vote du conseil régional ainsi qu’une décision du préfet de région�

ConclusionLe choix a été fait par le Gouvernement d’utiliser la procédure accélérée� L’article 45 de la Constitution dispose que lorsque le gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée, le projet de loi peut ne faire l’objet que d’une seule lecture par les deux Assemblées� Les dispositions restant à débattre le sont alors au sein d’une commission mixte paritaire�

La complexité du concept scientifique du corridorLe terme de corridor est plus complexe qu’il n’y paraît, et l’on assiste à un écart très important entre le concept médiatisé, socialisé, politisé et ses fondements scientifiques. Certains auteurs ont même démontré que c’était la demande politique qui avait engendré le développement du concept de réseau écologique, alors qu’au sein de la scientifique cette notion fait encore débat� C’est globalement avec l’émergence de l’écologie du paysage au cours des années 1980 que la question des corridors commence à être débattue, et de nombreux auteurs estiment que les corridors écologiques permettront d’augmenter les mouvements et la taille des populations d’espèces à habitat restreint� Dans le cadre de la biologie de conservation, des corridors ont été mis en place pour protéger des espèces en danger� Dans ces exemples, les corridors sont établis selon les exigences écologiques d’une espèce. Effectivement, ces aménagements ont souvent des effets positifs sur les populations concernées.

L’objectif actuel du droit français est différent. Il s’agit d’instaurer la TVB, qui vise à maintenir la biodiversité dans sa globalité� Les espèces à favoriser ne sont pas déterminées et, de fait, la mobilisation des connaissances scientifiques est rendue beaucoup plus difficile. L’efficacité de ces corridors n’est toujours pas avérée, et certains scientifiques dénoncent une simplification de concepts écologiques complexes. Le concept scientifique de corridor est donc toujours en cours d’analyse dans les organismes de recherche français� La nouvelle loi dispose que la TVB comprend des espaces naturels protégés et importants ainsi que des corridors écologiques� Ceci implique que la cartographie prévue par la loi, et qui doit faire partie intégrante des SRCE, devra identifier ces corridors. Pour l’instant, il n’existe pas plus de précisions sur ces cartographies� A priori, il s’agit de cartographier des corridors multi-espèces� Mais se pose alors la question du fondement scientifique de ces cartes. A l’heure actuelle, les critères utilisés pour produire ces cartes ne sont pas validés scientifiquement.

Du point de vue du droit, nous nous interrogeons sur la valeur juridique de ces cartes� Devrons-nous lui accorder la même valeur que les textes qu’elle accompagne ? Le choix de l’échelle pourra peut-être influencer le juge. En effet, une cartographie détaillée pourra être contraignante� L’appréhension du zonage par le juge a fait l’objet de multiples commentaires doctrinaux� En l’absence de précision, cette disposition provoquera certainement des polémiques juridiques�

Continuités et discontinuités juridiquesLa loi utilise des notions connues en droit de l’urbanisme et apporte aussi des nouveautés� L’expression « compatibilité », retenue pour ce qui concerne les orientations nationales, a fait l’objet de jurisprudences et de commentaires de la doctrine� Cette notion fait l’objet d’un contrôle normal par le juge� Elle introduit une certaine souplesse dans le contrôle juridictionnel, puisqu’elle permet une marge d’appréciation à l’autorité responsable de la détermination du contenu de la loi� A l’échelle locale, l’expression « prise en compte » prend le pas sur celle de « compatibilité »� Or elle n’a pas de valeur juridique à proprement parler. Cela pourrait être un problème du point de vue de l’effectivité de


Fabienne ALLAG-DHUISMEUn arrêt du Conseil d’Etat de juillet 2004 donne à la notion de « prise en compte » un niveau d’opposabilité� Des jurisprudences existent et ont conduit notamment à des décisions en tribunal administratif pour non prise en compte d’enjeux liés à la présence de ZNIEFF� Nous pourrons vous transmettre l’analyse que nous avons faite à partir de l’arrêt du Conseil d’Etat� S’agissant de la cartographie, le texte de loi est assez explicite : il indique qu’un document-cadre intitulé « orientation nationale pour la préservation et la remise en état des continuités écologiques » est élaboré� Ce document est établi à partir d’une présentation des choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques (guide 1) et d’un guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers (guide 2). Le guide 2 donne des recommandations quant à la cartographie et l’échelle à adopter� Nous disposons tout de même d’éléments précis� Ces éléments seront précisés dans le cadre du décret sur l’élaboration des orientations nationales�

Marie BONNINJe voulais juste souligner l’importance et le danger de la cartographie des corridors�

De la salle (Serge MULLER, animateur du SAGE Arroux-Bourbince, Bourgogne)Juste avant sa mise en œuvre, le SDAGE permet la rédaction de deux documents, dont un plan d’aménagement et de gestion durable et un règlement� L’un est soumis à com-patibilité et l’autre à conformité� Ne serait-ce pas justement un outil qui permettrait à une Commission locale de l’eau (CLE) de choisir l’échelle de la cartographie ?

Marie BONNINEntre les SDAGE et les SAGE, il me semble que l’on est passé de la notion de prise en compte à celle de compatibilité�

De la salle (Cécile FOURMARIER, animatrice du SAGE Sioule)Mon Agence de l’eau m’a expliqué que le SAGE définissait la pertinence de son échelle cartographique� Par ailleurs, j’ai remarqué que, lorsqu’un document d’urbanisme était élaboré, les CLE n’étaient pas consultées. Elles ne sont pas identifiées parmi les personnes à consulter dans le cadre de la mise en place d’un SCOT� Inversement, aujourd’hui, les CLE doivent prendre en compte tous les schémas d’urbanisme, pour ne pas bloquer le développe-ment des collectivités� Comment les CLE pourraient-elles être intégrées dans le code de l’urbanisme ?

Sylvie LE CALVEZNous chercherons la réponse à votre question et nous vous y répondrons ultérieurement�

Les dernières évaluations scientifiques montrent bien l’importance du déclin de la biodiversité. Certains scientifiques commencent à avancer des chiffres inquiétants à l’horizon 2050� Cependant, à l’échelle de l’adoption des lois, l’urgence me paraît tout de même relative� L’adoption de la loi en une ou plusieurs sessions parlementaires ne semble pas de nature à modifier le déclin de la biodiversité. Le choix de la procédure accélérée me paraît donc un peu déconcertant au vu des points abordés� Cette décision n’apparaît pas au vu des statistiques en notre possession comme un bon point pour l’effectivité de la loi.

Cependant, par cette loi, la France s’est clairement engagée dans le troisième temps de la protection de la nature en allant au-delà des objectifs obligatoires de définition des aires protégées. La solidarité écologique définie dans la loi sur les parcs nationaux pourrait ainsi s’étendre à d’autres parties du territoire�


Hélène GUILLOY Les documents d’urbanisme doivent « prendre en compte » les SRCE� Je me demande si cela ne constitue pas une opportunité, dans la mesure où il y a des incertitudes scien-tifiques sur la définition du zonage des corridors. A contrario, si la loi avait introduit l’op-posabilité pour des concepts incertains, elle aurait été contreproductive� La notion de « prise en compte » laisse une marge de manœuvre aux élus locaux�

Sylvie LE CALVEZEst-ce que le flou ne sert pas la cause ?

Marie BONNINLe juriste n’aime pas le flou et a du mal à appréhender ce qui évolue. La notion de « prise en compte » ne permettra pas à un juge de s’opposer à un projet qui viendra contrecarrer la préservation d’un corridor important� A l’inverse, elle peut servir d’outil plus ou moins souple�

De la salle (Sylvain TANGUY, vice-président en charge de l’environnement, Communauté d’agglomération du Val-d’Orge)Selon vous, dans le cadre d’un SCOT et d’un PLU, quelle doit être l’échelle de la cartographie pour, en cas de contentieux, avoir le moins de problème ?

Marie BONNINJe n’ai pas d’avis sur la question� Les guides méthodologiques doivent contenir des informations à ce sujet� Fabienne Allag-Dhuisme sera probablement plus à même d’y répondre�


travaux, devenir des corridors biologiques� En 2006, nous avons rencontré la Région qui souhaitait établir une cartographie régionale et qui, s’étant rendu compte que la perte de biodiversité provenait de l’absence de lien entre les cœurs de nature (Parcs naturels régionaux – PNR), a proposé de communiquer ses réflexions sur les contrats de corridors biologiques� Le conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie a tenté de traduire ces coupures vertes inter-agglomérations en un contrat de corridor� Nous avons signé ce dernier avec la Région à la fin de l’année 2009. Ce contrat comporte quatre volets : les travaux (passages grande faune, etc�), l’intégration dans les documents d’urbanisme, les études, la sensibilisation et l’animation (qui s’exerce surtout auprès des scolaires et des élus)� Ce contrat s’inscrit dans une approche plutôt restauratoire et conservatoire� Nous ne souhaitons pas parler de compensation. En effet, le fait d’être dans une logique de compensation signifie que l’on s’autorise à détruire.

Ces dispositifs sont largement financés par l’Europe. Toutefois, en matière de biodi-versité, une petite enveloppe financière peut avoir un effet de levier important. Par exemple, il est possible d’opérer la renaturation d’un milieu humide avec peu d’argent�

Des arbitrages au quotidienQuinze maîtres d’ouvrage – chasseurs, pêcheurs, agriculteurs, élus, etc� – participent à la démarche. Ce sont autant de lectures différentes du territoire, des lectures qu’il faut pourtant concilier et faire converger. Dans la définition du SCOT, nous avons réussi à identifier le zonage que nous souhaitions. Le corridor biologique devait notamment s’appuyer essentiellement sur des zones agricoles, des zones naturelles et des espaces environnementaux sensibles. La première difficulté survient lorsqu’il s’agit de descendre à l’échelle du parcellaire� Le fait d’être doté d’une structure intercommunale qui soit le porteur de l’enveloppe territoriale est un atout, car au sein de celle-ci nous avons déjà engagé un travail de territoire�

La deuxième difficulté relative à l’enveloppe territoriale concerne les conflits d’usages. En Savoie, l’espace plat est déjà occupé par les infrastructures, les habitats, les zones économiques. Comment alors ajouter de nouvelles contraintes ? Par exemple, la renaturation d’un cours d’eau nécessite de restaurer ses méandres, ce qui implique d’empiéter sur des zones agricoles� Le tourisme ou toute autre activité économique se développe aussi généralement au détriment des espaces naturels� Nous avons donc dû faire preuve de beaucoup d’imagination pour définir l’enveloppe territoriale. La question de l’animation foncière est importante� La maîtrise du foncier devient assez rapidement essentielle� Les opérateurs sont nombreux à pouvoir nous aider à nous porter acquéreurs de zones stratégiques : des établissements publics fonciers locaux, la Safer, le conservatoire du patrimoine naturel de la Savoie, une fédération de chasseurs, etc� Il est également possible de gérer des terrains, sans en avoir la maîtrise foncière, via des baux à clause environnementale notamment�

De la salle (Vincent BOUGAMONT, Communauté urbaine de Lille)L’emboîtement des textes de loi, notamment en matière d’urbanisme et d’environnement, n’est pas nouveau, l’instabilité des textes non plus� Il ne faut pas s’en inquiéter plus que cela� Aujourd’hui, nous disposons tout de même de documents d’orientation (SCOT, SDAGE, etc�)� Plus qu’une valeur prescriptive, ils sont dans un rapport de compatibilité les uns vis-à-vis des autres� Au moment de passer à l’échelle de la parcelle, ils permettent ou non de développer des projets�

Marie BONNINMon souhait n’était pas particulièrement d’être pessimiste� Je voulais attirer l’attention sur des points relatifs au droit qui me paraissent importants, notamment la non-définition des espaces importants pour la biodiversité.

Paul RAOULTNous rencontrons tout de même des difficultés sur la délimitation des zones humides. Nous sommes donc bien obligés d’utiliser l’échelle de la parcelle� En outre, les zones humides sont le lieu de conflits avec les agriculteurs.

La TVB dans l’urbanisme communautaire : de l’inscription spatiale à la définition de modes de gestion

Sylvie LE CALVEZCorinne Casanova, la TVB dans les SCOT est-elle pertinente ?

Corinne CASANOVAVice-présidente de la Communauté d’agglomération du lac du Bourget

Je suis responsable de la thématique corridors écologiques au sein de la structure Métropole Savoie qui gère un SCOT couvrant les agglomérations de Chambéry, d’Aix-les-Bains et de Montmélian (103 communes, 205 000 habitants)�

Le SCOT a un rôle de garant de l’aménagement durable du territoire� Ce rôle, déjà pré-sent dans la loi SRU7, a été rappelé par le Grenelle� Lui sont régulièrement assignés des objectifs en matière d’économie d’espace, de maîtrise des besoins de déplacement et de sauvegarde des ressources naturelles. Le SCOT est le document de planification qui peut être porteur d’une TVB�

Notre territoire a connu, sur les 25 dernières années, une croissance démographique de 36 % mais une augmentation de 112 % de la consommation d’espace� En 2005, au moment de valider le SCOT, nous ne souhaitions pas former une grande agglomération s’étendant d’Annemasse à Grenoble� Il nous importait de souligner la qualité de nos paysages et de maintenir les coupures entre les agglomérations� Dès 2005, nous avons cartographié dans notre SCOT ces coupures vertes entre nos agglomérations� La FRAPNA nous a fait remarquer que ces coupures vertes pouvaient, moyennant quelques 7 Solidarité et renouvellement urbains


Enfin, pour faire accepter la mise en œuvre d’un corridor aux élus et aux habitants, il est important de parler de ses bénéfices pour l’homme. Si le corridor est bon pour la faune et pour la flore, alors il est bon pour les habitants du territoire� Les zones humides par exemple peuvent jouer le rôle de zones tampons pour réduire les risques d’inondation, et elles coûtent beaucoup moins cher que la construction d’une digue� Les corridors urbains quant à eux peuvent limiter la température et les ruissellements d’eau dans la ville. Enfin, les corridors sont valorisants pour le territoire.

La TVB dans les documents d’urbanisme et sa mise en œuvre dans des opérations d’aménagement

Sylvie LE CALVEZComment intégrez-vous la TVB dans les SCOT ? Quel est son impact sur les projets d’aménagement ? Vous nous raconterez aussi comment vous avez construit un partena-riat entre la Région et une association naturaliste pour la mise en œuvre d’un corridor�

Xavier CHELKOWSKIEcologue urbaniste, Agence d’urbanisme et de développement de la région Flandre-Dunkerque

Le SCOT de la région Flandre-Dunkerque a été approuvé le 13 juillet 2007 et rendu exé-cutoire le 16 octobre 2007� Le territoire du SCOT est composé de 74 communes, dont la Communauté urbaine de Dunkerque sur le littoral�

SCOT et TVBDans le SCOT de la région Flandre-Dunkerque sont inscrites trois grandes orientations relatives à la TVB : - Le SCOT localise les espaces et sites naturels ou urbains à protéger : 29 sites pour une superficie de 3 000 ha (cœurs de nature du territoire). Il s’agit de sites qui ne font l’objet d’aucune protection comme par exemple pour les réserves naturelles� Pour chaque site protégé au titre du SCOT est établie une fiche qui identifie à la parcelle près, sur une photo aérienne et sur le cadastre, le cœur de nature. La fiche expose également les caractéristiques de la zone protégée et les prescriptions spécifiques visant à assurer sa protection�

- Le SCOT vise à maintenir et à créer des corridors biologiques : le maillage des corridors s’appuie sur des « nœuds » constitués d’espaces naturels préservés (réserves naturelles, ZNIEFF, zones humides du SAGE, etc.). Sont identifiés sur une cartographie très schématique les grands corridors biologiques dont le maintien, le confortement ou la réalisation sont prioritaires� Ces grands corridors sont également nommés dans le texte du document d’orientation générale (DOG) du SCOT qui est opposable aux PLU�

La troisième difficulté est celle de la présence d’exploitations agricoles dans un corridor écologique� Nous avons senti la crainte des agriculteurs d’être mis en danger par l’urbanisation, mais également par notre corridor� Nous avons travaillé avec les exploitants du secteur : nous nous sommes demandés si l’optimum pour la faune était l’optimum pour l’exploitation agricole. Nous avons réfléchi aux changements de pratiques possibles, comme la fauche tardive, le bannissement des phytocides� Nous avons remis en question la notion de zone agricole protégée : est-elle vraiment pertinente pour l’agriculteur qui, arrivé à la retraite, souhaite peut-être vendre ses terrains comme surface à bâtir ? Enfin, dans un corridor, faut-il imposer une agriculture biologique ou le recours à des circuits courts de distribution ?

Une autre interrogation concerne les zonages� Nous pensons qu’il faut créer un zonage dédié pour les corridors� Nous travaillons actuellement avec le département de l’Isère pour essayer de créer des zones N ou des zones A qui puissent être indicées COR (cor-ridor) ou encore RG (refuge)� On se rend compte qu’une des méthodes les plus impor-tantes lorsqu’on travaille sur le foncier est de connaître la règle, parce que la règle définit des contraintes d’usage et des contraintes de gestion différenciée.

Enfin, nous nous sommes posé la question de la définition d’un corridor. Il s’agit d’une logique fonctionnelle de mobilité de faune et de brassage génétique� La biodiversité n’est pas le seul aspect sur lequel se fonde un corridor� Le volet études de notre contrat n’est pas encore finalisé. Nous réfléchissons avec les agriculteurs aux mesures agro-environnementales dans les zones de corridor�

ConclusionNous travaillons sur un corridor, une échelle paysagère� La Région et le Département ont donc une vraie légitimité à porter la démarche� En revanche, il est nécessaire de descendre rapidement à l’échelle du parcellaire pour laquelle les acteurs locaux sont les plus pertinents : d’une part, ils ont une habitude du travail en partenariat ; d’autre part, la démarche doit s’articuler avec les politiques des intercommunalités (aménagement du territoire, habitat, aménagement, réseau, etc�)�

Je souhaite souligner le besoin, sur le terrain, d’acculturation notamment au sujet du foncier� Le foncier est un support d’usages, de l’urbanisme, de l’économie, du droit… Mais on oublie souvent l’aspect collectif du paysage� Nous devons réaliser un saut culturel entre le statut privatif et la finalité collective, afin de bien faire fonctionner nos corridors� Nous devons aussi évoluer sur la question de la responsabilisation� Au démarrage du contrat, je pensais qu’il serait bien d’introduire la notion de « conformité » pour l’oppo-sabilité de notre corridor� Si cela avait été le cas, notre corridor n’aurait jamais vu le jour� Nous nous sommes en effet rendu compte de la nécessité de nous rendre sur le terrain pour discuter du devenir de chaque m² de chaque parcelle, et de la mise en œuvre de projets�


Les éléments d’appui d’un corridor biologique

Espace naturel protégé au titre du SCOT

- Le SCOT prescrit la maîtrise des extensions urbaines et donne des règles qualitatives pour leur aménagement ; parmi ces règles, il est indiqué que les extensions urbaines doivent respecter les équilibres naturels en conservant des corridors biologiques et en favorisant leur création lors d’opérations d’aménagement urbain�

Exemple de traduction des orientations TVB du SCOT dans le PLU de CappellebrouckLe PLU de Cappellebrouck a été approuvé le 10 février 2009� Lors de son élaboration, nous avons réfléchi à la façon dont pouvaient être traduites les orientations du SCOT dans le PLU� Trois questions principales se sont alors posées : quelles étaient les espèces cibles pour les corridors biologiques ? Où sont les corridors biologiques de la commune ? Jusqu’où aller dans la traduction réglementaire ?

Le territoire du SCOT de la région Flandre-Dunkerque se situe en grande partie sur le polder de Flandre maritime� Les espèces cibles qui ont été retenues sont donc caracté-ristiques des milieux humides (tritons, grenouilles, couleuvres à collier, etc�)�

Il nous a ensuite fallu déterminer les éléments sur lesquels pouvaient s’appuyer les corridors biologiques. Sur un plan, nous avons identifié les bandes enherbées, les canaux, les bosquets, les pâtures, les alignements d’arbres, etc� Nous avons ensuite produit une carte qui représente les espaces protégés au titre du SCOT et l’ensemble des espaces naturels de la commune� Nous nous sommes appuyés sur la trame hydraulique de la commune pour relier l’ensemble de ces espaces� Un corridor longe ainsi la rivière de la Colme, un autre relie la Colme à l’Aa� Ce dernier passe dans les extensions urbaines de la commune et la zone d’activité� Il a donc été décidé de le conserver et d’adapter la zone d’activité et les extensions au corridor�

Les corridors biologiques du SCOT de la région Flandre-Dunkerque


Le zonage réglementaire concerne surtout les zones non urbaines� Les cœurs de nature sont classés en Zone naturelle de protection totale (Npt)� Cette zone regroupe les sites protégés au titre du SCOT et constitue les « nœuds » du corridor biologique� Les corri-dors biologiques principaux sont repris en Zone agricole à valeur de corridor biologique (Acb)� Pour les zones à urbaniser AU (à vocation d’habitat ou d’activité), il a été décidé de traduire dans le règlement de zone ce que préconisent les orientations d’aménagement� Différents articles permettent d’atteindre cet objectif.

Cependant, le zonage réglementaire ne suffit pas. Par exemple, le classement d’une pâ-ture en zone Npt empêche toute construction sur le secteur mais ne permet pas d’éviter que la pâture soit retournée� On utilise donc l’article L123-1-7 du code de l’urbanisme, pour protéger les secteurs à haute valeur écologique� Dès lors, si une personne envisage des travaux sur la pâture protégée, elle devra déposer une déclaration préalable en mai-rie pour obtenir une autorisation de travaux. Trois possibilités s’offrent alors au maire.

Orientations d’aménagement du PLU de Cappellebrouck

Une fois cette étape du diagnostic (état initial de l’environnement) finalisée, nous avons inscrit les corridors dans le Projet d’aménagement et de développement durable (PADD) du PLU de la commune� Dès lors le corridor pouvait être traduit réglementairement� Nous utilisons pour cela deux moyens : les orientations d’aménagement par secteur et le plan de zonage� Pour toutes les zones urbaines, les zones à urbaniser et les zones d’activités, nous utilisons plutôt des orientations d’aménagement� Par exemple, pour les extensions urbaines de la commune, ont été définies la conservation du corridor biologique qui traverse la zone, la création d’une place verte qui prendra la forme d’une zone humide et servira de refuge à la faune, et la prolongation du corridor biologique dans les autres zones du PLU� S’agissant de la zone d’activité, il a été proposé de la greffer sur le corridor : une grande noue paysagère sera créée pour que la faune pénètre dans la zone et y trouve refuge�

Le projet d’aménagement et de développement durable de Cappellebrouck


zonages réglementaires dans les secteurs agricoles� La Chambre d’agriculture craint que ces secteurs soient classés en ZNIEFF ou que des pratiques agricoles soient empêchées par ce type de zonage�

De la salle (Elise GENOT, Communauté urbaine de Bordeaux)Je n’ai pas bien compris si vous aviez créé un indice pour les zones AU�

Xavier CHELKOWSKINe sachant pas où passait le corridor, nous avons plutôt souhaité le traiter par les orientations d’aménagement : elles correspondent à un schéma d’organisation qui sera opposable aux promoteurs de lotissements. L’orientation d’aménagement a défini un corridor biologique dans le lotissement� Le futur lotisseur aura obligation de le prendre en compte dans son opération�

De la salle (Elise GENOT, Communauté urbaine de Bordeaux)Ces orientations d’aménagement sont-elles suffisantes ?

Xavier CHELKOWSKIL’expérience a montré qu’elles avaient été prises en compte dans le permis d’aménage-ment que j’ai évoqué�

De la salle (Suzanne BROLLY, Communauté urbaine de Strasbourg)Nous avons quelques difficultés à savoir jusqu’à quel niveau de précision nous devons aller dans la mise en œuvre de la TVB en ville� Notamment, les jardins familiaux doivent-ils être intégrés dans la trame ? Pouvons-nous considérer les arbres d’aligne-ment comme des corridors ? Par ailleurs, nous identifions généralement des corridors mais qui ne correspondent pas à toutes les espèces�

Xavier CHELKOWSKILes jardins familiaux ont été intégrés dans la réflexion sur le PLU communautaire de Dunkerque� S’agissant des corridors, il ne peut y en avoir d’universel�

Thierry TATONIIl faut distinguer les corridors dans et en dehors des systèmes urbains� Dans tous les cas, il s’agit de se préoccuper d’un fonctionnement écologique� Le problème est que ce dernier n’a pas forcément la même signification au sein d’un complexe urbain dense et en dehors� Il conviendrait de traiter à part les espaces agricoles et naturels, les espaces urbains et les espaces périurbains qui font le lien� En milieu urbain, il faut avant tout s’ assurer de ne pas faire de bêtises, c’est-à-dire de ne pas créer des sortes de coulées vertes qui soient par exemple une porte d’entrée pour des espèces envahissantes� La préoccupation première lors de la mise en œuvre d’une TVB dans un complexe urbain doit rester celle du confort du riverain� Le complexe urbain est une niche écologique faite pour l’espèce humaine� Cela n’aurait pas de sens si l’on réinjectait de la nature dans cette niche écologique� Il faut accepter le fait qu’il s’agit d’un système anthropisé�

Soit il accepte ces travaux et la pâture protégée sera détruite ; soit il les refuse ; soit il les soumet à des mesures compensatoires, comme par exemple la création d’une nouvelle pâture à proximité immédiate du corridor�Pour protéger les boisements et forêts, il est possible d’utiliser l’inscription en Espaces boisés classés (EBC)�

En 2009, un permis d’aménagement a été déposé sur une zone AU qui abritait un corridor biologique� Le corridor biologique a bien été pris en compte : de plus, nous avons fait en sorte que le lotissement en question soit le support du corridor biologique ; nous avons notamment prévu des ouvertures dans les clôtures maçonnées pour créer un réseau de jardins et permettre le déplacement de la petite faune� Nous travaillons également à l’intégration de la biodiversité au bâti (concept de bâtiment à biodiversité positive et maison nichoir)� A l’échelle de l’agglomération dunkerquoise, nous sommes en train d’élaborer le PLU communautaire et sommes à la phase du PADD� Dans ce cadre, nous avons repéré l’ensemble des zones naturelles, des parcs d’agglomération et des parcs urbains, des espaces protégés au titre du SCOT� Nous les relions par des corridors biologiques� Reste maintenant à traduire l’orientation réglementairement�

La mise en œuvre du SCOT : le corridor biologique de la ColmeDans le cadre de la mise en œuvre du SCOT, l’Agence d’urbanisme de la région Flandre-Dunkerque travaille sur un projet dénommé « corridor biologique de la Colme »� Un partenariat avec le Groupe ornithologique et naturaliste du Nord – Pas de Calais (GON) a été mis en place et le conseil régional du Nord – Pas de Calais nous subventionne pour cette étude� C’est le président de la Communauté de communes de la Colme qui assure le portage politique de cette étude� L’objectif du projet est de déterminer les conditions foncières et réglementaires de maintien et de création des continuités écologiques� Le GON établira la matrice du corridor, identifiera les discontinuités, réalisera des relevés faunistiques et floristiques et proposera des solutions d’aménagement. En tant qu’Agence d’urbanisme, nous sommes chargés de l’animation du groupe de travail, du relevé des contraintes foncières et juridiques, de la réalisation des supports cartographiques et de faire des propositions de transcription réglementaire dans les PLU�


Sylvie LE CALVEZComment réagit la population à la mise en œuvre de ces corridors biologiques ?

Xavier CHELKOWSKIL’opération d’aménagement de Cappellebrouck n’a pas encore été communiquée au public� Le permis de lotir vient tout juste d’être délivré� Nous n’avons donc pas encore de retours du public� Mais la population semble plutôt favorable à ce type d’aménagement. En revanche, nous rencontrons des difficultés lors de l’inscription de


La trame verte et bleue : enjeux locaux et acceptabilité

Sylvie LE CALVEZNous avons débattu sur un certain nombre d’enjeux relatifs à la mise en œuvre de la TVB� L’objectif de cette table ronde est que vous nous communiquiez votre vision de la démarche. Quelles sont les conditions de réussite ? Quels sont les obstacles principaux de la démarche ?

Christophe Aubel, vous avez beaucoup travaillé pour la mise en place de la démarche qui nous réunit� Tout d’abord, pourquoi la France a-t-elle choisi ce nom de trame verte et bleue ?

L’enjeu de la traduction des orientations nationales aux échelles régionale et locale

Christophe AUBELDirecteur de la Ligue Roc et Administrateur de France Nature Environnement

Pourquoi ce nom ? Nous avons essayé de trouver un consensus avec les agriculteurs. Lorsque les associations ont proposé de construire le réseau écologique national, la discussion avec les autres acteurs, notamment les agriculteurs, a parfois été compliquée mais franche et loyale. Au final ce nom a été retenu car il a permis de lever les craintes que les mots « réseaux écologiques » soulevaient� Aujourd’hui, le consensus est toujours là, même s’il n’est pas toujours facile à maintenir� Tout l’enjeu sera de le poursuivre au niveau régional� Chacun devra être garant du maintien de ce consensus� Il ne faut pas oublier que l’objet de la démarche est la préservation de la biodiversité, c’est-à-dire du fondement de notre bien-être� Nous devons donc réussir une véritable révolution culturelle� Chacun est responsable et doit permettre d’aboutir à cet objectif� Cela ne sera pas évident et nécessitera un portage politique fort�

Trois conditions me semblent importantes pour réussir la démarche : - Réussir l’adoption des orientations nationales au niveau régional : pour cela, il conviendra de mettre l’accent sur l’animation et les moyens nécessaires pour porter le projet. Le comité régional TVB ne sera pas suffisant.- Avoir des financements adaptés : il n’est pas possible de construire un outil innovant pour la préservation de la biodiversité à moyens financiers constants. La question des financements, des outils économiques dédiés, etc. n’est malheureusement pas encore réellement abordée à l’heure actuelle�- Intégrer la TVB dans le droit d’urbanisme : le projet de territoire doit être cohérent et permettre un développement soutenable� Le groupe national qui travaille sur l’urbanisme doit aller plus loin dans ses réflexions sur la traduction locale de la TVB.

La TVB dans les systèmes urbains doit être abordée avec le double objectif de satis-faire les impératifs de l’espèce humaine et de ne pas nuire à tout ce qui ne relève pas de cette même espèce�

De la salle (Clarisse PAILLARD, Nantes Métropole)Les interventions précédentes ont été illustrées par un important travail cartogra-phique� Dans l’exemple du PLU de la Communauté de communes de la Colme, c’est une association qui est à l’origine des inventaires� Comment passer d’une échelle au 1/100 000e ou au 1/25 000e à une échelle du PLU au 1/2 000e ? Pour améliorer la connais-sance du territoire, des inventaires précis ne sont-ils pas nécessaires pour s’assurer du bon fonctionnement du corridor ?

Xavier CHELKOWSKIPour s’assurer de la fonctionnalité des corridors, il est effectivement bien d’avoir des inventaires faunistiques et floristiques. Mais ces derniers demandent un travail très important de terrain� Pour le SCOT Flandre-Dunkerque, la plupart des cœurs de nature et corridors ont été identifiés à partir des inventaires de l’association GON.

Corinne CASANOVASur notre territoire, le conservatoire du patrimoine naturel de Savoie a réalisé, à la demande du Département, un inventaire des zones humides� Or ces inventaires ont souvent du mal à arriver jusqu’aux élus� Le conseil général nous a donc demandé d’établir des mémentos reprenant tous les zonages existants (arrêtés de biotope, ZNIEFF, etc�), de faire témoigner des élus et de produire un poster du département destiné aux élus afin qu’ils aient une vision globale des zonages et de tout ce qu’il importe de protéger.

Fabienne ALLAG-DHUISMELe ministère de l’Ecologie a lancé un programme pour soutenir des collectivités volontaires dans la réalisation d’atlas locaux pour la biodiversité� 1 000 atlas doivent être créés d’ici 3 ans� Ils visent à mieux connaître la biodiversité à l’échelle locale et pourront appuyer la réalisation de PLU qui intègrent les continuités écologiques� Une méthodologie pour établir ces atlas est proposée�

De la salle (Serge MULLER, Animateur SAGE Arroux Bourbince)L’appel à candidature pour les atlas communaux de la biodiversité sera clôturé à la fin du mois de mai 2010. Pourra-t-il être prolongé ?

Fabienne ALLAG-DHUISMEUn deuxième appel à candidature sera probablement proposé� Ce premier a valeur de test�


Yves FRANÇOISEvidemment� En Isère, par exemple, au niveau de la Cluse de Voreppe (passage très étroit entre deux PNR), le conseil général a demandé que soit réalisé un corridor pour permettre à des animaux de traverser deux routes� Le responsable du projet a rencontré des difficultés avec les agriculteurs qui n’avaient pas été associés à la démarche. Ces derniers ont finalement été conviés à la Chambre d’agriculture pour que leur soit présenté le projet� Au cours de cette présentation, il leur a été expliqué que la préservation du corridor biologique pouvait permettre de protéger des exploitations qui étaient menacées par l’extension d’une zone industrielle� Cette réunion a été suivie d’autres sur le terrain et la démarche s’est bien mieux déroulée ensuite� C’est de cette façon qu’il faut l’envisager�

Sylvie LE CALVEZFinalement, à partir du moment où l’agriculteur peut maintenir son champ de maïs, la démarche peut bien se dérouler ?

Yves FRANÇOISSelon certains, le maïs serait responsable d’une diminution du taux de carbone des sols� Une culture comme le maïs ensilage, qui consiste à prélever l’ensemble de la plante, renouvelée sur la même parcelle, peut effectivement induire une diminution du taux de carbone� Mais, vu la façon dont nous cultivons le maïs dans notre secteur, nous aurions plutôt tendance à enrichir le sol en carbone� Il convient d’être précis� Certaines idées préconçues doivent tomber� Les problèmes de pollutions existent mais les agriculteurs n’entendront les reproches que s’ils sont précisément justifiés.

Sylvie LE CALVEZChristophe Aubel évoquait l’importance des moyens d’ingénierie consacrés à la mise en œuvre de la TVB� Quels moyens demanderez-vous si l’on vous demande de faire évoluer vos pratiques agricoles ?

Yves FRANÇOISLa TVB peut être perçue de façon positive, à partir du moment où la démarche pro-tège le foncier des agriculteurs� Mais si l’opposabilité de la TVB impose à l’agriculteur de changer ses pratiques, sans que soit demandé son avis, il n’approuvera pas la démarche� Une telle exigence peut avoir un impact négatif sur le revenu de l’agriculteur� En outre, l’agriculteur ne dispose pas forcément d’alternatives aux pratiques agricoles que la dé-marche TVB lui interdit� Par exemple, Ecophyto 20188 vise une réduction drastique de l’utilisation de certains produits phytosanitaires� Le problème est que l’agriculteur n’a pas de solutions de remplacement� Les agriculteurs détestent se trouver dans ce type d’impasse technique� La solution réside bien dans l’évolution de la gouvernance� Lors de la conférence de Chamonix pour la biodiversité, la profession agricole s’est sentie écoutée� Nous avons entendu des personnes nous dire qu’elles avaient besoin des agriculteurs pour réussir la démarche TVB�

8 Le plan Ecophyto, mis en place par le ministère de l’agriculture et de la pêche à la suite du Grenelle de l’environnement, vise à réduire de 50 % l’usage des produits phytosanitaires en agriculture, à l’horizon 2018

Au-delà, une question se pose : celle qui lie respect d’un bien commun, la biodiversité, et les usages du droit de propriété� A ce jour, on n’a pas su faire ce lien comme on le fait par exemple en matière de patrimoine historique�

Sylvie LE CALVEZLa mise en œuvre locale vous semble être ce qu’il y a de plus difficile à opérer.

Christophe AUBELPlus complexe, car le nombre d’acteurs et d’échelons territoriaux est multiplié� Un gros effort d’animation sera nécessaire : elle a débuté au niveau régional et devra être trans-posée au niveau local� Les exemples présentés par les intervenants précédents ont montré que la démarche pouvait réussir� Cela demande à la fois un portage politique et des moyens pour l’animation locale�

L’engagement des agriculteurs dans la mise en œuvre de la TVB

Sylvie LE CALVEZYves François, vous représentez la profession agricole. Aux difficultés que connaissent les agriculteurs vient s’ajouter la mise en œuvre de la TVB� Les corridors biologiques sont-ils pour vous une nouvelle contrainte ?

Yves FRANÇOISAgriculteur, représentant de l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture

Oui et non� La profession agricole a une action positive sur les espaces naturels – parce qu’il n’est pas possible de laisser la nature livrée à elle-même – mais certaines pratiques agricoles peuvent avoir un impact négatif sur la biodiversité� La profession agricole est peut-être la seule dans cette situation et la seule qui vit et travaille dans ce milieu naturel� S’agissant des facteurs de réussite de la démarche, je retiens l’intervention de Corinne Casanova qui nous prouve que les élus sont capables de bien comprendre les choses� Le fait que les élus mettent les agriculteurs à contribution pour faire progresser la démarche est la seule solution possible� L’agriculteur a des compétences qui peuvent servir la démarche (agronomie, gestion de l’espace rural, etc�)� L’erreur de la démarche Natura 2000 a été d’évincer le monde agricole, en oubliant qu’il était doté d’une certaine expertise�

Sylvie LE CALVEZLes agriculteurs doivent donc être associés dès le début de la démarche�


de la biodiversité� La TVB et les corridors sont pour cela des éléments mobilisateurs� Des membres du groupe de travail (ERDF, GDF, etc�) les ont déjà inscrits dans le cahier des charges de leurs appels d’offres. Le Grenelle peut déclencher cette motivation particu-lière pour la biodiversité�

Sylvie LE CALVEZLe produit de vos travaux est-il accessible aux personnes intéressées ?

Didier OLIVRYLe ministère de l’Ecologie a souhaité organiser un congrès de restitution le 30 juin 2010� L’objectif de nos travaux était bien de produire des éléments méthodologiques� Nous les avons consignés, y compris les éléments de co-construction de notre démarche� L’accompagnement scientifique de nos travaux nous a invités à une certaine humilité vis-à-vis du sujet� La question de la biodiversité est en fait très méconnue� L’animation et la concertation constante entre les acteurs sont indispensables� C’est d’ailleurs ce qui fait la force d’un parc régional�

Une prise de conscience nécessaire de la valeur économique de la biodiversité

Sylvie LE CALVEZQue pensez-vous des préconisations que viennent de proposer ces intervenants ?

Paul RAOULTTout d’abord, il me semble que le concept de TVB s’est popularisé� Dans le Nord – Pas de Calais, toutes les communautés de communes se sont appropriées la notion de TVB� Le terme est devenu presque à la mode� Mais, au-delà d’un consensus mou, les débats sont difficiles. Nous votons actuellement le texte de la loi de modernisation agricole et nous entendons, depuis quelques semaines, des idées assez négatives vis-à-vis de l’écologie� La semaine dernière, un président de Région, par ailleurs sénateur, reprochait que l’on impose les bandes enherbées aux agriculteurs français, alors que l’Allemagne ne le fait pas� Le discours ambiant n’est pas favorable à l’écologie� Je constate même que le ministère de l’Agriculture reprend un peu de poids par rapport au ministère de l’Ecologie�

Il reste par ailleurs encore des imprécisions dans la façon de mettre en œuvre la TVB� La cartographie reste un élément peu précis. Qu’est-ce qu’une flèche sur une carte repré-sente pour le propriétaire d’une parcelle ? Je vis difficilement ces interrogations. Dans le Nord – Pas de Calais, nous essayons d’établir une carte précise des zones humides de nos parcs, et l’Assemblée permanente des Chambres d’agriculture (APCA) a voté contre mon projet de parc alors que nous travaillons ensemble depuis des années� La bataille n’est pas encore gagnée !

Christophe AUBEL Nous avons effectivement besoin des agriculteurs pour réussir la mise en œuvre de la TVB� Mais je trouve justement qu’ils ne sont pas assez présents� Les agriculteurs doivent être davantage forces de propositions auprès des pouvoirs publics� Vous devez basculer d’un discours d’ouverture à un discours concret sur la mise en œuvre et sur le bon portage politique du sujet� Vous devez être plus volontaires au niveau national, parce que la TVB peut être une opportunité pour le monde agricole� Encore faut-il aller provoquer cette opportunité : par exemple quand nous réclamons l’ouverture du dossier financement, je ne comprends pas que vous ne nous souteniez pas plus que cela.

L’expérimentation des PNR de la région PACA

Sylvie LE CALVEZDidier Olivry, vous êtes directeur du PNR de Camargue, membre du COMOP TVB et vous avez réalisé une expérimentation dans plusieurs parcs naturels� Quels en ont été les fruits ?

Didier OLIVRYDirecteur du Parc naturel régional de Camargue

Nous avons répondu à l’appel à projets du ministère de l’Ecologie qui a proposé, il y a plus de deux ans, aux PNR de France de tester la méthodologie TVB avant la publication de la loi� Les cinq parcs de la région PACA y ont répondu pour tester en particulier la faisabilité et l’acceptabilité de la TVB au niveau régional� Nous avons réuni un grand nombre de personnes : responsables d’infrastructures, agriculteurs, urbanistes, etc�

Le premier constat que nous avons fait est que la démarche renouvelait l’approche de la biodiversité, d’un registre naturaliste et scientifique vers un registre beaucoup plus fonctionnel� Nous avons ainsi pu élargir le sujet à l’ensemble des préoccupations des acteurs� Nous avons ensuite travaillé sur les enjeux de la biodiversité et produit une dé-finition commune de ces enjeux : nous nous sommes rendu compte qu’ils dépassaient la TVB et les corridors� Chaque action qui détruit la biodiversité a un impact au-delà des seuls TVB et corridors� Cela remet en cause un certain nombre de politiques publiques actuelles, en matière d’urbanisme, de paysage, de transport, etc� Nous avons réalisé que les mesures prises pour le moment n’empêchaient pas l’érosion de la biodiver-sité� Il n’était pas question de viser quelque profession ou quelque action que ce soit, nous étions tous concernés par le sujet� La notion de TVB interpelle tous les acteurs sur le principe de solidarité territoriale. Rapidement, nous avons donc réfléchi aux le-viers d’action possibles pour repenser les politiques publiques� Les représentants de la Région et du Département ont constaté que chaque jour les politiques qu’ils finançaient détruisaient la biodiversité� De nos travaux sur la faisabilité et l’acceptabilité de la TVB au niveau régional, nous avons donc retenu cette notion très large de la TVB et de son efficience. Il faut prévoir d’importants moyens d’animation pour pouvoir maintenir la mobilisation des acteurs et trouver ensemble des solutions pour mettre fin à l’érosion


lancé un travail sur ce sujet qui dépasse d’ailleurs la question de la TVB� Cela dit vous savez que le ministère de l’Economie et la Direction générale des collectivités locales (DGCL) ne sont pas favorables à l’idée d’introduire des critères environnementaux dans la DGF�

Paul RAOULTLe moment n’est tout simplement pas propice à cette réflexion. Il serait bien effectivement que les DGF affectent une enveloppe destinée aux communes qui doivent entretenir des espaces naturels� Mais cette idée est loin de faire l’unanimité� Je pense par ailleurs que les distributeurs d’eau, privés et publics, devraient payer une taxe sur la consommation d’eau� Cette taxe permettrait de rétribuer les agriculteurs qui doivent respecter certaines exigences pour préserver les champs captants sur lesquels se trouvent leurs parcelles�

Christophe AUBELLa ligue ROC a publié un ouvrage qui aborde cette question du financement des politiques de biodiversité� Une autre piste consisterait en la création d’une taxe supplémentaire sur le foncier bâti, pour la redistribuer au financement de la mise en œuvre et de la gestion de la TVB� Nombreuses sont les idées à approfondir� J’invite les représentants des élus à travailler dans ce sens� Nous réclamons pour notre part une saisine du Conseil économique, social et environnemental sur ce sujet� Je rappelle qu’un des engagements du Grenelle, qui n’a pas encore été tenu, était de réaliser un audit fiscal des mesures défavorables et d’un basculement vers des mesures favorables.

Yves FRANÇOISLa Chambre d’agriculture travaille déjà beaucoup sur la forêt, d’autant plus depuis l’émergence des thèmes comme la production d’énergies renouvelables à partir de la biomasse� Une stratégie commune et une forte sensibilisation doivent être dévelop-pées� En Rhône-Alpes, nous avons établi une typologie des propriétaires forestiers : une partie d’entre eux s’intéresse de plus en plus à la biodiversité� Les forestiers disposent déjà de chartes de bonne gestion de leurs forêts�

De la salle (Franck DAVID, conseiller général du Jura)Je reste confiant quant à l’avenir de la démarche TVB. Jamais, dans l’opinion publique, nous n’avons ressenti un tel engouement pour la problématique environnementale� En tant que vétérinaire rural, j’ai vu évoluer la perception de l’environnement par les agriculteurs� Ils savent travailler et respectent de plus en plus leur environnement, leur matière à travailler. Il y a environ 4 ans, un agriculteur me confiait avoir cessé de faucher une pâture parce qu’il y avait aperçu une chèvre et son petit� Le département du Jura est traversé par deux autoroutes qui ont été construites à 20 ans d’intervalle : la différence de conception est probante� Toutefois, le financement n’est pas encore bien arrêté. A l’échelle départementale, nous disposons de la Taxe départementale des espaces naturels sensibles (TDENS)� Une TDEN ne suffirait-elle pas à soutenir la démarche ?

Je reste malgré tout optimiste� Le parc naturel de l’Avesnois a réalisé une étude sur les sources de pollutions en rassemblant différents acteurs. Cinq agriculteurs, dont l’exploitation est sur le territoire du champ captant, ont accepté de passer à une agriculture biologique� Nous les y aiderons� La prise de conscience est réelle, mais effectivement le problème reste celui des moyens financiers et humains. Néanmoins, il faut que nous puissions faire comprendre que la biodiversité est une richesse économique� Les agriculteurs doivent cesser de penser qu’on les empêche de gagner leur vie en leur demandant de préserver l’environnement�

Sylvie LE CALVEZAvez-vous des préconisations à donner pour la mise en œuvre de la trame bleue ?

Didier OLIVRYIl ne faut pas oublier cette trame bleue� Sur les cartographies, la Camargue n’apparaissait pas comme une continuité, parce que nous avions oublié la trame bleue� La Camargue étant totalement inondable, la continuité est pourtant permanente� Cette continuité biologique et hydrologique est intéressante à prendre en compte� Elle permet de relier les cinq PNR de la région PACA� Par ailleurs, le domaine de l’eau est relativement en avance sur ces questions� La notion de solidarité écologique amont/aval est étudiée depuis la loi sur l’eau de 1964� Nous pouvons même nous en inspirer pour la mise en œuvre de la trame verte� La Directive cadre sur l’eau est une autre dynamique intéressante : l’idée de bon état écologique des masses d’eau pourrait être transposée aux habitats naturels�


De la salle (Jean-Claude NOUALLET, président du pays de l’Autunois Morvan et élu du parc du Morvan)Nous avons peu parlé de fiscalité écologique. Il a été demandé aux élus de montagne que les TVB soient intégrées dans le calcul d’une partie de la Dotation globale de fonctionnement (DGF) aux communes� Cela rejoint les préoccupations évoquées par le Sénateur Raoult s’agissant de la richesse économique de la biodiversité� Si nous reconnaissons une valeur dans la dotation d’aide aux communes liée à l’écologie, nous réussirons à faire évoluer les mentalités� Par ailleurs, nous avons peu parlé de sylviculture� Ecologie et économie ne sont pas tou-jours compatibles et nous savons que les corridors écologiques seront sans doute très perturbés par le renouveau de l’exploitation forestière. Qu’en est-il des réflexions sur ces sujets ?

Fabienne ALLAG-DHUISMELa question d’introduction de critères d’écoconditionnalité dans la DGF n’est pas un sujet nouveau� Dans la lettre de mission du COMOP TVB, il était demandé de mener une réflexion sur ce sujet-là. Un groupe de travail a approfondi le sujet et essayé de faire des propositions, mais le travail n’a pas pu aboutir à un consensus� Le ministère de l’Ecologie a


Christophe AUBELJe suis d’accord avec cela. Il faudrait effectivement établir un lien entre la problématique du climat et la TVB� Juridiquement, les deux démarches sont très séparées, mais l’ani-mateur local peut faire en sorte de les recouper�

Alain CHABROLLELe Conseil économique et social régional (CESR) a été saisi il y a plus d’un an par le président du conseil régional Rhône-Alpes� Le CESR a récemment rendu son travail sur la concertation, sur le financement, etc. qui sera mis en ligne sur son site Internet. Il a décidé de poursuivre ce travail� La saisine a fait l’objet d’un vote unanime du CESR�

De la salle (Alain FAVROT, membre de deux associations naturalistes de FNE)Malgré quelques derniers points de vue optimistes, je ne suis pas pour autant rassu-ré quant à la réussite de la démarche TVB� Nous y sommes favorables bien entendu, mais la cartographie reste encore très théorique� Il me semble qu’il faudrait prévoir des études pour s’assurer du bon fonctionnement des corridors� Il est évident que la TVB est un compromis qui doit tenir compte d’une multitude de facteurs, mais elle ne doit pas être constituée au détriment de certaines espèces� Or, seules des études de terrain nous permettent de savoir si le corridor fonctionne pour telle ou telle espèce�

Christophe AUBELNous n’avons cessé de demander à ce que la loi Grenelle 2 incite davantage à réaliser des études�

Didier OLIVRYIl me semble qu’il faut surtout prévoir un accompagnement scientifique de l’action. Actuellement, on ne connaît que 10 % de la biodiversité dans le monde� Il faut pourtant agir sans attendre tous les inventaires�

Christophe AUBELLe terme corridor, qui évoque généralement les passages pour la grande faune, induit une vision un peu réductrice du sujet� Or l’enjeu de la TVB et des continuités écologiques est plus large. L’accompagnement scientifique est évidemment essentiel, y compris au niveau local�

Sylvie LE CALVEZMerci à tous d’avoir participé à cette table ronde�

Yves FRANÇOISJ’approuve les propos de Christophe Aubel quant à la nécessité que les agriculteurs prennent davantage part aux débats avec les pouvoirs publics� Néanmoins, les agricul-teurs ne comprennent pas bien lorsque la pérennisation des aides n’est pas assurée� Par ailleurs, il demeure des imprécisions sur la méthodologie de la TVB� Sur le plan juridique, le flou important a été démontré par Marie Bonnin. Les agriculteurs ont besoin d’un cadre stable pour bien savoir ce qu’ils ont à faire� Je voudrais en profiter pour attirer l’attention sur le projet de directive-cadre sur la protection des sols� Le statut de la propriété n’est pas évoqué, or les agriculteurs y sont très attachés� Tant qu’ils n’auront pas de précisions à ce sujet et qu’ils ne seront pas associés aux réflexions, ils resteront réticents à la directive. Pourtant, cette dernière sous-tend un retour à l’agronomie et à la microbiologie des sols, des pistes de travail intéressantes pour faire évoluer les pratiques agricoles� Enfin, la France veut être leader mondial de la biodiversité ; pour cela, elle ne doit pas oublier d’associer ses territoires et départements d’Outre-Mer�

De la salle (Rosan RAUZDUEL, vice-président de la Communauté d’agglomération de Pointe-à-Pitre)Effectivement, le territoire de Guadeloupe est confronté aux mêmes problématiques. Nous avons jugé important de participer à cette première journée de travail sur la TVB� Nous souhaitons profiter des expériences déjà entamées sur le territoire métropolitain en vue de les transposer en Guadeloupe. Effectivement, nous avons conscience de l’importance de l’Outre-Mer pour la biodiversité française� Nous travaillerons pour être partie prenante de la démarche TVB�

Fabienne ALLAG-DHUISMES’agissant de l’Outre-Mer, le texte de loi prévoit que les Schémas d’aménagement régional (SAR) valent comme SRCE, pour que la démarche soit aussi enclenchée dans les DOM� Concernant les aspects financiers, la TVB ne justifie pas à elle seule d’outils financiers particuliers. Des instruments financiers existent et peuvent être mobilisés pour maintenir ou restaurer des continuités écologiques� Nous prévoyons de créer un site Internet ressource qui rassemblera ces informations�

De la salle (Viviane PERRIER-GRITTI, Communauté urbaine Creusot-Montceau)Je voudrais souligner l’existence d’un autre outil, le plan climat-énergie territorial� La mise en place d’une TVB efficiente permettra de garantir l’adaptabilité du territoire vis-à-vis des problématiques de biodiversité liées aux changements climatiques� Je souhaite avoir la confirmation que la démarche TVB aborde bien ces questions pour la biodiversité� Il ne faudrait pas multiplier les outils en la matière�


Sigles

ACUF : Association des Communautés urbaines de FranceAdCF : Assemblée des Communautés de FranceANR : Agence nationale de la recherche APCA : Assemblée permanente des Chambres d’agriculture CESR : Conseil économique et social régional CLE : Commission locale de l’eauCMP : Commission mixte paritaireCOMOP : Comité opérationnelCOMOP TVB : Comité opérationnel trame verte et bleueCSRPN : Conseil scientifique régional pour le patrimoine naturelDGCL : Direction générale des collectivités localesDGF : Dotation globale de fonctionnementDOM : Départements d’Outre-MerEBC : Espaces boisés classésFNE : France nature environnementFRAPNA : Fédération Rhône-Alpes de protection de la natureGON : Groupe ornithologique et naturaliste du NordIRD : Institut de recherche pour le développementMEEDDM : Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de la MerMNHN : Muséum national d’Histoire naturelleONEMA : Office national de l’eau et des milieux aquatiquesPACA : Provence-Alpes-Côte d’AzurPADD : Projet d’aménagement et de développement durable PLU : Plan local d’urbanismePNR : Parc naturel régional REP : Réseau écologique paneuropéenSAFER : Société d’aménagement foncier et d’établissement ruralSAGE : Schéma d’aménagement et de gestion des eauxSAR : Schéma d’aménagement régionalSCOT : Schéma de cohérence territorialeSDAGE : Schéma directeur d’aménagement et de gestion des eauxSETRA : Service d’études techniques des routes et autoroutesSIG : Schéma d’information géographiqueSRCE : Schéma régional de cohérence écologiqueSRU : Solidarité et renouvellement urbains TDENS : Taxe départementale des espaces naturels sensibles TVB : Trame verte et bleueZNIEFF : Zone naturelle d’intérêt écologique, faunistique et floristique

Conclusion

Corinne CASANOVAJe souhaite souligner la qualité des échanges de cette journée organisée par l’ACUF et par l’AdCF� Je remercie toutes les personnes qui ont contribué au succès de cet événement� Je voudrais saluer cette initiative qui consiste à avoir travaillé sur un sujet aussi transversal et sociétal que la mise en œuvre de la TVB� Le sujet est technique, juridique, réglementaire� Il est éminemment politique, au sens noble de la politique, c’est-à-dire du travail collectif� L’AdCF continuera de travailler sur les questions qui ont été abordées, notamment sur l’articulation entre la TVB et l’urbanisme. Enfin, je souhaite vous annoncer que la convention de l’AdCF se réunira à Dijon les 13 et 14 octobre 2010�

Philippe ANGOTTIAssociation des Communautés urbaines de France

Je remercie tout d’abord Jean-Claude Lagrange, président de la Communauté urbaine Creusot-Montceau, de nous avoir accueillis, ainsi que Patrice Notteghem pour l’organisation parfaite de cette journée�

Les actes du colloque seront publiés avec le soutien de Véolia environnement que je tiens à remercier�

Je salue également cette initiative commune, née d’une participation en bonne intelligence de l’ACUF et de l’AdCF au COMOP TVB� Ce travail sera poursuivi� J’ai notamment été saisi d’une demande de réflexion collective au sein de l’ACUF sur les stratégies locales en matière de biodiversité�

Enfin, je remercie Sylvie Le Calvez d’avoir animé cette journée.

Patrice NOTTEGHEMJ’ai eu grand plaisir à être le représentant de l’ACUF au COMOP TVB� J’ai beaucoup appris de l’ensemble des partenaires de divers horizons. Je suis persuadé que cet effort de travail collectif se reproduira à l’échelle locale, pour que la TVB soit une réussite pour la biodiversité et pour le bien commun�

Crédits photos:

- p24 figure 1 © LUWG, Rheinland-Pfalz- p24 figure 2 © Conseil régional Nord – Pas de Calais- p27 et 29 © Région Rhône-Alpes (années 2009 et 2010)- p46 à 49 © Agur et syndicat mixte du SCOT Flandre-Dunkerque

© ACUF - Octobre 2010

Rédaction et édition : Agence Averti

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Les partenaires du Grenelle de l’environnement ont acté le projet ambitieux de création d’une trame verte et bleue (TVB)� Celle-ci a pour objectif de contribuer à la préservation de la biodiversité� La seule protection des espèces et des milieux les plus remarquables ou les plus fragiles ne suffisant pas à enrayer la préoccupante dégradation de la biodiversité, de nombreux États européens, dont la France, se sont engagés à préserver et restaurer les continuités écologiques�

Le projet de loi Grenelle 2, portant engagement national pour l’environnement, prévoit que, d’ici 2012, les documents d’urbanisme devront traduire localement cette trame définie dans le cadre de schémas régionaux� L’application de cet engagement repose donc sur l’implication des collectivités locales et plus particulièrement des communautés dont les compétences en matière de planification urbaine sont appelées à se renforcer. Cette mise en œuvre, bien que consensuelle dans son principe, interroge les outils et les méthodes, les modes de concertation et de mobilisation des acteurs, ainsi que les capacités d’expertise dont disposent les communautés�

À la veille de l’adoption de la loi et dans le cadre de l’année internationale de la biodiversité, il est proposé aux élus et techniciens des communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines et à leurs partenaires de mesurer, à l’occasion d’une journée d’échanges le 26 mai 2010 au Creusot-Montceau, les enjeux et les modalités de mise en œuvre de cette trame verte et bleue à l’échelon intercommunal�

Les Communautés et la trame verte et...

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