Les chrétiens du Proche-Orient

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[email protected] Annonceurs, vos annonces légales par internet 66 e ANNÉE 1,30 € 22 OCTOBRE 2010 N° 3095 55, BOULEVARD VAN-ISEGHEM - NANTES - TÉL. RÉDACTION :-02.40.29.16.91 • 62, RUE MARÉCHAL-JOFFRE - LA ROCHE/YON - TÉL. RÉDACTION 02.51.47.96.86 DIFFUSION - PUBLICITÉ - ANNONCES LÉGALES : TÉL. : 05.56.44.72.24 - FAX : 05.56.44.23.70 Coup de projecteur Mardi 26, sur Canal +, à 20 h 50 Lire en rubrique Télévision DR Mademoiselle Chambon Vient de paraître L’itinéraire enraciné d’un prêtre vendéen Pendant 23 ans, il a travaillé dans le monde agricole, vou- lant « vivre un sacerdoce concret habité de la souffrance et de la joie des hommes ». Le père Bernard Dronneau relate son parcours de vie et son expérience de « plein champ et de plein-vent » dans un livre qui célèbre « une foi équilibrée et enracinée ». Lire en page 11 Cœur à cœur avec les chrétiens d’Orient « Porteurs d’un message qui invite à l’espérance » Invité aux Sables-d’Olonne, le chancelier de l’évêché de Luçon a posé le 13 octobre des repères pour éclairer les enjeux du synode spécial des Églises du Moyen-Orient. Mgr Dominique Rézeau, ancien diplomate à qui des années de mission en pays musulman ont donné « le goût de l’Orient ». Mgr Dagens à Nantes Un appel à vivre la foi au grand jour L’évêque d’Angoulême, membre de l’Académie française, était le 12 octobre à Nantes pour une conférence sur le défi de vivre en chrétien dans la société d’aujourd’hui. Lire en page 2 Réforme des retraites Les jeunes en renfort dans les manifestations Mardi 19 octobre, la sixième journée de manifestations contre le projet de réforme des retraites soumis au Parlement a démontré que ce mouvement était loin de s’essouffler. En Loire-Atlantique et en Vendée, les lycéens étaient nombreux dans les cortèges. Lire en pages 5 et 6 Amitié judéo-chrétienne Du judaïsme au christianisme dans la continuité d’une alliance Une conférence proposée le 13 octobre à La Roche-sur-Yon a été l’occasion de mettre en exergue les liens entre le judaïsme et le christianisme. Pour Alain de Chalendar, ces liens naissent de convergences qui coulent de source biblique. Lire en page 11 L’Écho de l’économie Chantiers ferroviaires en Pays de la Loire La société Réseau Ferré de France est engagée dans un vaste programme de rénovation des infrastructures sur l’ensemble du territoire national. Dans le cadre de ce programme, les lignes des Pays de la Loire connaîtront de nouvelles améliorations. Lire en page 4 Photo Étienne Sengegera Lire en page 10

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conférence Dominique Rézeau aux Sables d'Olonne

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66e ANNÉE 1,30 €

22 OCTOBRE 2010 N° 309555, BOULEVARD VAN-ISEGHEM - NANTES - TÉL. RÉDACTION :-02.40.29.16.91 • 62, RUE MARÉCHAL-JOFFRE - LA ROCHE/YON - TÉL. RÉDACTION 02.51.47.96.86 DIFFUSION - PUBLICITÉ - ANNONCES LÉGALES : TÉL . : 05 .56 .44 .72 .24 - FAX : 05 .56 .44 .23 .70

Coup de projecteur

Mardi 26, sur Canal +, à 20 h 50Lire en rubrique Télévision

DR

Mademoiselle Chambon

Vient de paraître

L’itinéraire enraciné d’un prêtre vendéen

■ Pendant 23 ans, il a travaillé dans le monde agricole, vou-lant « vivre un sacerdoce concret habité de la souffrance et de la joie des hommes ». Le père Bernard Dronneau relate son parcours de vie et son expérience de « plein champ et de plein-vent » dans un livre qui célèbre « une foi équilibrée et enracinée ».

Lire en page 11

Cœur à cœur avec les chrétiens d’Orient

« Porteurs d’un message qui invite à l’espérance »

Invité aux Sables-d’Olonne, le chancelier de l’évêché de Luçon a posé le 13 octobre des repères pour éclairer les enjeux du synode spécial des Églises du Moyen-Orient.

Mgr Dominique Rézeau, ancien diplomate à qui des années de mission en pays musulman ont donné « le goût de l’Orient ».

Mgr Dagens à NantesUn appel à vivre la foi au grand jourL’évêque d’Angoulême, membre de l’Académie française, était le 12 octobre à Nantes pour une conférence sur le défi de vivre en chrétien dans la société d’aujourd’hui.

Lire en page 2

Réforme des retraitesLes jeunes en renfort dans les manifestationsMardi 19 octobre, la sixième journée de manifestations contre le projet de réforme des retraites soumis au Parlement a démontré que ce mouvement était loin de s’essouffler. En Loire-Atlantique et en Vendée, les lycéens étaient nombreux dans les cortèges.

Lire en pages 5 et 6

Amitié judéo-chrétienneDu judaïsme au christianisme dans la continuité d’une allianceUne conférence proposée le 13 octobre à La Roche-sur-Yon a été l’occasion de mettre en exergue les liens entre le judaïsme et le christianisme. Pour Alain de Chalendar, ces liens naissent de convergences qui coulent de source biblique.

Lire en page 11

L’Écho de l’économie

Chantiers ferroviaires en Pays de la LoireLa société Réseau Ferré de France est engagée

dans un vaste programme de rénovation des infrastructures sur l’ensemble du territoire national.

Dans le cadre de ce programme, les lignes des Pays de la Loire connaîtront de nouvelles améliorations.

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Carrefour des croyantsEN MARGE DU SYNODE SPÉCIAL DES ÉGLISES DU MOYEN-ORIENT

Des points de repères pour ouvrir des horizonsLeur présence dans une région qui est le berceau de la foi reçue des disciples de Jésus se réduit comme peau de chagrin.

Le sort des chrétiens dans les pays du Moyen-Orient où le refus du pluralisme religieux et l’intolérance sont mis en lumière par le synode spécial réuni à Rome. Une conférence proposée le 13 octobre aux Sables-d’Olonne par le chancelier de l’évêché de Luçon

lui a permis de poser des repères pour éclairer les enjeux de ce synode qui s’achève le 24 octobre.

Dans la soirée du mercredi 13 octobre, l’amphithéâtre du lycée Sainte-Marie-du-Port, aux Sables-d’Olonne a accueilli un auditoire qui,

depuis des lustres, a passé l’âge de la scolarité. Les têtes grisonnantes étaient en grand nombre dans cet auditoire formé par une soixantaine de person-nes réunies, à l’invitation de la paroisse, pour une conférence proposée dans un esprit de communion avec les chrétiens du Moyen-Orient à l’occasion du synode spécial qui leur est consacré, réuni du 10 au 24 octobre à Rome.

Pour cette conférence, le père Lau-rent Sachot, curé doyen, a fait appel à un connaisseur. Ancien diplomate au service de la diplomatie vaticane, Mgr Domini-que Rézeau, chancelier de l’évêché de Luçon depuis 2006, récuse (par modes-tie) le qualificatif de spécialiste, tout en reconnaissant que plusieurs séjours et voyages « plus ou moins longs, dont sept ans passés dans des pays à majo-rité musulmane au Proche-Orient et en Afrique du Nord [lui] ont donné le goût de l’Orient et une certaine connaissance des habitants et plus particulièrement des communautés chrétiennes qui y vivent leur foi, à leur manière, selon leur propre histoire et leur propre culture, depuis bien plus longtemps que nous en tout cas, méritant d’être appelés nos aînés dans la foi ».

Plantant d’emblée le décor, Mgr Do-minique Rézeau souligne que la réflexion qu’il allait proposer, riche notamment en rappels et repères historiques ponctués d’anecdotes, était en lien avec le synode des Églises du Moyen-Orient ouvert trois jours plus tôt au Vatican. « Ce synode invite à l’espérance », ajoute-t-il, faisant écho à l’homélie de Benoît XVI. Lors de la célébration solennelle d’ouverture de ce synode qui se réunit jusqu’à ce diman-che 24 octobre, le pape a notamment souligné que « malgré les difficultés, les chrétiens de Terre sainte sont appelés à raviver la conscience d’être des pierres vivantes de l’Église ».

Citant le document de travail élaboré dans la phase de préparation de ce synode, Mgr Rézeau retient l’affirmation d’un optimisme qu’il invite à partager : « L’histoire a fait que nous sommes deve-nus un petit reste. Nous pouvons devenir aujourd’hui une présence qui compte… Nous avons un avenir. Nous devons le prendre en main. »

Le conférencier note, en contrepoint à cet optimisme, que nombre d’ouvrages et d’études parus ces dernières années ont reflété davantage l’inquiétude que l’espérance quant à l’avenir des chré-tiens du Moyen-Orient.

Déjà, dès 1994, un diplomate très au fait de la situation dans la région, Jean-Pierre Volognes, publiait un ouvrage majeur : Vie et mort des chrétiens d’Orient. Plus récemment, en 2008, Annie Laurent (dont nous avons rendu compte, dans ce même hebdomadaire,

d’une conférence proposée l’été der-nier en Vendée) sortait un livre en point d’interrogation : Les chrétiens d’Orient vont-ils disparaître ? Un titre proche de celui d’un ouvrage collectif publié sous la direction d’un autre spécialiste, Antoine Sfeir - Chrétiens d’Orient : et s’ils dispa-raissaient ? Mgr Rézeau ajoute à cette liste d’ouvrages en consonance avec une actualité souvent préoccupante celui de Sébastien de Courtois - Le nouveau défi des chrétiens d’Orient - pour en citer une phrase « tout à l’opposé de l’espé-rance à laquelle le synode veut appeler les chrétiens » : « Au rythme actuel des massacres et de l’émigration, il n’y aura plus de chrétiens dans leur berceau d’origine ! »

( Le berceau des trois religions du livre

Mgr Dominique Rézeau entend mettre un bémol aux prophéties des Cassandre : « En dépit des difficultés et malgré parfois les persécutions, nos frères chrétiens, souvent dans de très petites communautés disséminées dans les métropoles arabes, turques, kurdes ou perses, dans les campagnes, des communautés certes minuscules mais fortement identifiées et fidèles, vivent et témoignent d’un attachement très fort au Christ… Il y a de l’espérance. Ils nous donnent un message d’espérance. Il est poignant d’entendre le prêtre orthodoxe ou catholique chanter la liturgie en langue grecque, syriaque ou arabe, pendant que s’élève l’appel du muezzin du minaret de la mosquée voisine, souvent construite à dessein en face de l’église ! »

Le savoir-faire du diplomate se tra-duit par l’analyse rationnelle des faits observés, quitte à y injecter la dose d’optimisme nécessaire pour qui entend honorer la religion du meilleur toujours possible.

Comme une telle analyse commande de préciser le contexte, Mgr Dominique Rézeau a proposé à son auditoire des éléments pour fixer des repères d’ordre géographique, historique et politique.

Pour ce qui est de la géographie, il fait observer que la rencontre proposée le 13 octobre n’allait pas porter sur les chrétiens de rite oriental qui vivent, nom-breux, en Inde, en Europe orientale, en Amérique : « Nous parlons de ceux qui vivent dans les lieux où est né le christia-nisme aux premiers siècles, habitent un lieu précis de notre planète, qui n’est pas très éloigné de nous et que nous appe-lons le Proche-Orient… »

Définition française, cette expres-sion relève d’une notion du XIXe siècle, qui englobe les pays bordant la côte est de la Méditerranée, région qui a joué un rôle important dans l’histoire stratégique de l’Europe, au temps des croisades tout comme dans les siècles passés. « L’usage de l’adjectif ‘‘Proche’’ permettait de diviser l’Orient en un Extrême-Orient (situé en Asie de l’Est) et un Proche-Orient où l’Occident enten-dait exercer son influence », explique Mgr Rézeau.

Il ajoute que les Anglo-Saxons par-lent plutôt de ‘‘Moyen-Orient’’ (Middle-East), « notion légèrement plus vaste, qui englobe la Turquie, l’Iran et la Péninsule arabique ». Et de préciser qu’il n’allait parler que « des pays du Proche-Orient, auxquels on ajoute habituellement la Turquie et l’Égypte », tous effectivement représentés au synode ouvert le 10 octobre. Des pays qu’il a été amené à connaître (Égypte, Irak, Israël, Jordanie, Liban, Palestine, Syrie, Turquie).

Ces pays du Proche-Orient (ou plus précisément du Moyen-Orient) sont situés dans une région qui constitue « le berceau à la fois de très grandes civilisations de l’Antiquité, qui se sont développées bien avant celles de l’Eu-rope, le berceau aussi des trois grandes religions monothéistes révélées qui s’y

sont répandues au fil de l’histoire et qui y ont cohabité tant bien que mal ».

« De nos jours, fait observer Mgr Ré-zeau, l’islam y est devenu la religion dominante, sauf en Israël », pays dont la population est majoritairement juive et où le judaïsme est religion d’État.

( Une situation qui devient intenableCitant les statistiques disponibles,

Mgr Rézeau indique que le Moyen-Orient compte quelque 356 millions d’habitants dont, approximativement et toutes con-fessions confondues, 20 millions de chrétiens (soit 5 % de la population), parmi lesquels un peu moins de 6 mil-lions de catholiques qui représenteraient 1,6 % de l’ensemble de la population.

Le conférencier souligne que dans la plupart des pays de cette région, « la religion est mentionnée sur la carte d’identité », compte tenu de l’importance de la notion de communauté qui y est attachée avec, parfois, des juridictions propres à chaque communauté, notam-ment pour le droit de la famille et de la succession.

Tout en rappelant l’invitation à l’es-pérance qu’il avait relayée au début de son intervention, Mgr Dominique Rézeau note qu’il ne faut pas « ignorer le con-texte difficile dans lequel vivent actuel-lement les chrétiens du Moyen-Orient, dans une situation de violences physi-ques, de menaces, tous les jours ». La liste est longue : situation politique tour-mentée et fortement tendue en Palestine, attentats et violences au quotidien (ou presque) en Irak, persécution, montée de l’islamisme et montée en puissance de mouvements terroristes fanatiques, tentatives d’imposer la loi islamique, émigration forcée… Autant de phéno-mènes qui sont source d’inquiétude et de souffrance. Les attentats deviennent fréquents en Égypte contre les chrétiens coptes. En Irak, pays où l’on déplore souvent les meurtres répétitifs de prêtres et de chrétiens, l’archevêque de Mossoul a été enlevé et assassiné en 2008. Un évêque et un prêtre ont été assassinés cette année en Turquie. En Iran, en Ara-bie et dans d’autres pays musulmans, les pires menaces pèsent contre qui ose se convertir au christianisme…

Force est de constater que c’est au Moyen-Orient, là même où il a pris nais-sance, que le christianisme est la reli-gion la plus persécutée. En Turquie où la chrétienté a fondu considérablement (jusqu’à ne plus représenter que 0,1 % de la population), les communautés chrétiennes qui sont les plus anciennes, antérieures à l’islam, sont menacées de disparition totale. En Égypte, au Liban, elles se replient sur elles-mêmes ou émigrent vers des cieux plus cléments. En Irak, la guerre venue de l’Occident a précipité les chrétiens dans un véritable enfer : près de 2 000 morts, des popula-tions déplacées par centaines de milliers, notamment vers le Kurdistan turc…

On en compte plus, d’un pays à un autre de cette région, les communautés chrétiennes attaquées, les dignitaires reli-gieux assassinés, les églises brûlées, les interdictions professionnelles de droit ou de fait dont sont frappés les chrétiens.

C’est dans ce contexte des plus difficiles que « ces communautés chré-tiennes continuent cependant de vivre leur foi au Christ et leur attachement à l’Église », insiste Mgr Rézeau.

Il note que cela est possible « grâce à leur fidélité et grâce aussi au soutien qui leur est apporté par les personnes qui s’y rendent, le soutien spirituel dans la prière, le soutien matériel assuré par les Églises de France et d’autres pays occidentaux ».

( Attention aux préjugés à leur égard

Ce soutien passe notamment par

l’Oeuvre d’Orient créée au XIXe siècle par le cardinal Lavigerie, qui prend en charge de nombreux projets dans le domaine scolaire, social, pastoral. Il passe aussi par l’AED, Aide à l’Église en détresse, ainsi que par les Cheva-liers du Saint-Sépulcre (dont plusieurs étaient au rendez-vous du 13 octobre), très engagés à l’égard des lieux saints en Terre sainte et auprès des personnes qui les habitent, auprès des institutions éducatives et caritatives du Patriarcat de Jérusalem…

« Même si on en parle peu, n’oublions pas, invite le conférencier, le soutien offi-ciel de la France, qui porte le titre de protectrice des chrétiens de Palestine en vertu des accords de Mytilène et de Constantinople (1901 et 1913) conclus avec l’Empire ottoman, limités depuis à Jérusalem. »

Ces accords n’ont jamais été remis en cause, même avec l’adoption des fameuses lois consacrant, en France, la séparation des Églises et de l’État en vertu du principe sacro-saint (depuis 1905) de laïcité. Si bien que, comme le rappelle le conférencier, le président Gambetta pouvait s’écrier : « L’anticlé-ricalisme, c’est pour la France, mais ce n’est pas une denrée d’exportation ! »

En vertu du statu quo maintenu, « le consul général de France à Jérusalem continue à assumer un rôle de protection des communautés religieuses dans la ligne des accords signés avec les Otto-mans, toujours en vigueur par le jeu de la succession d’États. À cette protection diplomatique s’ajoutent des subventions, la mise à disposition de coopérants, la prise en charge de l’entretien et du gar-diennage de certains sites… En échange, le consul jouit, au nom de la République, des honneurs liturgiques… »

Mgr Dominique Rézeau a consacré une partie de son exposé à fustiger quel-ques préjugés, instruit par l’expérience de vie près des chrétiens du Moyen-Orient.

Dans le cadre du service national, à l’âge de 20 ans, il est allé vivre deux années au Liban (1967-1969), en coopé-ration à l’Université Saint-Joseph fondée par des jésuites à Beyrouth. « J’ai alors pu faire, dans un Proche-Orient encore relativement calme, de nombreux voya-ges en Syrie, en Égypte, en Irak, à Chy-pre… Une fois prêtre, je suis retourné par la suite au Liban et en Terre sainte, puis de nouveau de 1997 à 1999 comme chargé d’affaires du Saint-Siège en Jor-danie, avec de nombreux déplacements à Jérusalem avec la Conférence des évê-ques de Terre sainte et dans la région, avec la collaboration toute spéciale avec la mission du saint-Siège en Irak en des temps difficiles, à la fin du régime de Saddam Hussein. L’an dernier, j’étais en voyage en Syrie avec l’AED et j’ai eu de nombreux contacts avec les chrétiens de ce pays », confie l’ancien diplomate.

Il sait que la manière de se situer par rapport aux chrétiens du Moyen-Orient découle de plusieurs facteurs : « Une certaine ignorance avant tout et, si nous avons voyagé, en pèlerins ou en touris-tes, une première impression de surprise. Nous avons pu être décontenancés par leur façon de vivre leur foi, leur liturgie, leur présence au monde. C’est naturel, celui qui est différent de nous nous sur-prend ou nous choque. Souvenons-nous de la phrase fameuse de Montesquieu, au XVIIIe siècle, qui ironise sur les Pari-siens qui découvrent pour la première fois un étranger qui arrive de Perse… »

( Quatre conciles au rôle cardinalPlus près de nous, et dans le sens

inverse, Mgr Rézeau évoque la surprise manifestée par son grand-père, Jules Rézeau, projeté dans la guerre à plus de 40 ans, au début du siècle dernier. Envoyé sur le front de l’Orient de 1916 à 1918, aux marches de l’Empire ottoman, entre Grèce et Turquie, sur un bateau

coulé en Méditerranée, le naufragé vouvantais notera sur son carnet de guerre, en janvier 1917 : « Les femmes des popes sont comme les autres fem-mes et font le même travail que les plus pauvres ! » En avril de la même année, il rapporte : « Le Jour des Rameaux, j’as-siste à la messe. Tous les Grecs y sont, c’est très drôle ! »

Pour son petit-fils, il y a pire que cette remarque pas du tout méchante du sol-dat Jules Rézeau : tous les préjugés sur l’Orient, véhiculés depuis les croisades puis à l’occasion des multiples contacts, des conflits, des occupations ou des « mandats » des grandes puissances. Qu’on en juge : « Les Orientaux sont des commerçants, des Levantins peu fiables. Ils savent se débrouiller et embrouiller. Ils se lancent dans des querelles de détails ou de préséance inutiles [le byzantisme]. Ils donnent tant d’importance à l’appa-rence extérieure, au vêtement. S’ils sont chrétiens, on dit leur liturgie interminable, toute tournée vers Dieu et peu participa-tive… On utilise même l’expression, à propos des nombreuses divisions des chrétiens orientaux au cours des siècles : mettez deux Orientaux ensemble et vous aurez trois Églises ! »

Mgr Rézeau estime que « pour com-prendre et aimer nos frères chrétiens d’Orient, comme chaque fois que nous rencontrons l’autre, il faut dépasser les préjugés ».

Il a abordé les divisions internes, d’autrefois et d’aujourd’hui, qui don-nent le vertige, rapportées à la faiblesse numérique des effectifs des Église chré-tiennes du Moyen-Orient. Elles portent, ces Églises, la trace de l’immense débat christologique des IVe et Ve siècles de l’ère chrétienne, deux siècles qui ont été ceux de trois grandes hérésies.

La première, l’arianisme, doit ce nom à celui d’Arius, prêtre d’Alexandrie qui, en 312, nie la divinité de Jésus. La seconde, le nestorianisme, est héritée de Nestorius, patriarche de Constantinople qui, en 428, nie la maternité divine de Marie, affirmant deux personnes dans le Christ, divine et humaine. Vint ensuite le monophysisme, par la faute d’un moine de Constantinople, Eutychès, qui affirme en 448 qu’il y a une seule nature (divine) en Jésus.

Ces trois grandes hérésies manifes-tent, dans les premiers siècles de l’Église, une progression dans la découverte du mystère chrétien et des fondements de la foi, même si elles ont effectivement divisé les Églises d’Orient entre elles comme, par la suite, le grand schisme de 1054 a divisé l’Église d’Occident de l’Église d’Orient.

Ces trois hérésies ont eu pour con-séquence l’organisation des quatre premiers conciles œcuméniques, tenus en Orient, qui ont été des lieux et des moments de communion et de définition de la foi reconnus aujourd’hui par la plu-part des Églises chrétiennes, y compris celles qui sont issues de la Réforme. « Ces quatre premiers conciles sont essentiels pour comprendre les Église du Moyen-Orient », estime Mgr Rézeau.

Le concile de Nicée, en 325, se pro-nonce contre Arius. Il proclame la divi-nité du Christ et élabore le « symbole de Nicée » (ou credo long, le credo court, le « symbole des apôtres », étant celui de l’Église de Rome).

( Leur grande richesse spirituelle et liturgiqueLe concile de Constantinople, en

381, affirme que Jésus Fils de Dieu est de même nature que le Père et s’est incarné de l’Esprit Saint et de la Vierge Marie et s’est fait homme. Il complète et approfondit le credo dit de Nicée-Cons-tantinople et donne la deuxième place d’honneur au Patriarcat de Constantino-ple, siège de l’Empire romain d’Orient, la première revenant à celui de Rome.

Le troisième concile, celui d’Éphèse, en 431, affirme haut et fort contre Nes-

torius la maternité divine de Marie, que Jésus est une seule personne en deux natures (Dieu et homme).

Le quatrième, celui de Chalcédoine, en 451, affirme contre Eutychès, tenant du monophysisme, la double nature (humaine et divine) de Jésus.

Il est à noter que l’arianisme (disparu officiellement avec le concile de Tolède en 589) n’a pas provoqué la création d’Églises séparées mais l’émergence de tendances. Alors que la Pentarchie (cinq patriarcats : Rome, Constantinople, Antioche, Alexandrie, Jérusalem) s’est constituée progressivement, certaines Églises se séparent à partir du troisième puis du quatrième concile œcuménique : l’Église assyrienne ou nestorienne après celui d’Éphèse, les Églises coptes, syria-que ou jacobite et arménienne après le concile de Chalcédoine.

Pour sa conférence du 13 octobre, Mgr Dominique Rézeau aurait voulu insister sur le rôle et la place particulière des Église orientales catholiques unies (à Rome) appelées « uniates » (terme devenu péjoratif). Pour respecter la limite de durée qu’il avait dès le départ fixée à une heure et demie, il s’est abstenu de longs développements sur ce point, se contentant de souligner que, malgré une apparente concurrence et des pro-blèmes pratiques, « elles se veulent des ponts entre les Églises d’Orient et l’Église catholique, ayant gardé leurs propres rites, traditions, liturgie, spiritualité, droit canon ».

« Elles sont d’une grande richesse spirituelle et liturgique qui peut être un témoignage pour nos propres Églises », estime le chancelier de l’évêché de Luçon.

C’est à ces Églises et, à travers elles, à tous les chrétiens du Moyen-Orient que s’adresse le synode qui invite à renforcer la communion « à l’intérieur de chaque Église catholique d’Orient, entre toutes les Églises catholiques et avec les autres Église chrétiennes ».

Il n’est pas interdit de penser que ce synode reflète le souci de conjurer le spectre d’une disparition dont serait menacée la présence chrétienne dans une région où, pendant des siècles, la bible et le coran ont fait bon ménage. C’était avant le réveil de l’islam, dernier venu qui y est devenu majoritaire, sous une forme agressive et identitaire qui met les chrétiens en difficulté, voire en danger. Que l’on se rassure, ce n’est pas pour cette seule raison que les chrétiens d’Occident sont invités à se mettre en communion avec « nos frères aînés dans la foi », expression par laquelle Jean-Paul II désignait les juifs et à laquelle les chrétiens du Moyen-Orient ont eux aussi légitimement droit. Car, résume Mgr Do-minique Rézeau, « c’est chez eux, dans leur race, leur culture, leurs langues, leur terre chargée d’histoire, que le message du Christ a été entendu et vécu depuis les débuts et continue de l’être dans un contexte devenu difficile ».

Étienne SENGEGERA

Le père Laurent Sachot, curé doyen des Sables-d’Olonne, présentant son invité pour cette conférence proposée pour éclairer les enjeux du synode consacré aux Églises du Moyen-Orient.

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M g r D o m i n i q u e R é z e a u pendant sa conférence aux Sables-d’Olonne.

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L’Écho de l’Ouest 22 octobre 2010 10