les Causses et les Cévennes

3347
DOSSIER DE CANDIDATURE AU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO CAUSSES & CÉVENNES I 1 CANDIDATURE À LINSCRIPTION SUR LA LISTE DU PATRIMOINE MONDIAL DE L’UNESCO LES CAUSSES ET LES CÉVENNES PAYSAGE CULTUREL DE LAGRO-PASTORALISME MÉDITERRANÉEN LANGUEDOC-ROUSSILLON / MIDI-PYRÉNÉES FRANCE

Transcript of les Causses et les Cévennes

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 1

    Candidature linsCription sur la liste du patrimoine mondial de lunesCo

    les Causses et les Cvennespaysage Culturel de lagro-pastoralisme

    mditerranen

    languedoC-roussillon / midi-pyrnes FranCe

  • Candidature linsCription sur la liste du patrimoine mondial de lunesCo

    les Causses et les Cvennespaysage Culturel de lagro-pastoralisme

    mditerranen

    languedoC-roussillon / midi-pyrnes FranCe

    mmoire en rponse aux observations du Comit du patrimoine mondial

    Janvier 2011

  • Photo de couverture PNC

  • Prambule

    Le prsent dossier de candidature des Causses et des Cvennes, paysage culturel de lagro-pastoralisme mditer-ranen, apporte des rponses aux demandes exprimes par le Comit du Patrimoine mondial runi Sville en 2009, lors de sa 33e session (Dcision : 33 COM 8B.32) :

    a) fournir un inventaire plus dtaill des attributs du Bien relatifs lagro-pastoralisme, afin de :

    justifier les dlimitations du Bien ; fournir une base pour la gestion et le maintien des attributs, y compris les processus et les pratiques, lis lagro-pastoralisme ;

    b) fournir un dossier de proposition dinscription qui reflte la rorientation de celle-ci sur lagro-pas-toralisme et ses manifestations.

    Les collectivits territoriales, garantes de la dmarche de candidature, aux cts de lensemble des nombreux acteurs engags localement et de ltat partie, renouvellent leur engagement pour la reconnaissance et la gestion raisonne dun patrimoine vivant.

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 6 I

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 7

    1. I Identification du Bien 8

    1.a. I Pays 9 1.b. I tat, province ou rgion 9 1.c. I Nom du bien 9 1.d. I Coordonnes gographiques la seconde prs 11 1.e. I Cartes indiquant les limites de la zone propose pour linscription et celles de la zone tampon 11 1.f. I Surface du site propos linscription (en hectares) et de la zone tampon propose (en hectares) 11

    2. I Description 15

    2.a. I Description du bien 15 2.b. I Historique et dveloppement 81

    3. I Justification de linscription 95

    3.a. I Critres selon lesquels linscription est propose et justification de linscription selon ces critres 95 3.b. I Projet de dclaration de valeur universelle exceptionnelle 97 3.c. I Analyse comparative (mentionnant ltat de conservation de biens similaires) 99 3.d. I Intgrit et/ou authenticit 103

    4. I tat de conservation du bien et facteurs affectant le Bien 105

    4.a. I tat actuel de conservation 105 4.b. I Facteurs affectant le Bien 106 (I) Pressions dues au dveloppement 106 (II) Contraintes lies lenvironnement 106 (III) Catastrophes naturelles et planification pralable 107 (IV) Contraintes dues aux visiteurs/au tourisme 108 (V) Nombre dhabitants dans le primtre du bien, dans la zone tampon 108

    5. I Protection et gestion du Bien 111

    5.a. I Droit de proprit 111 5.b. I Classement de protection 113 5.c. I Moyens dapplication des mesures de protection 135 5.d. I Plans actuels concernant la municipalit et la rgion o est situ le Bien propos 136

    5.e. I Plan de gestion du Bien ou systme de gestion document et expos des objectifs de gestion pour le Bien propos 145 5.f. I Sources et niveaux de financement 151 5.g. I Sources de comptences spcialises et de formation en techniques de conservation et de gestion 152 5.h. I Amnagement pour le visiteur et statistiques le concernant 154 5.i. I Politiques et programmes concernant la mise en valeur et la promotion du Bien 157 5.j. I Nombre demploys (secteurs professionnel, technique, dentretien) 159 6. I Suivi 161

    6.a. I Indicateurs-cls pour mesurer ltat de conservation 161 6.b. I Dispositions administratives pour le suivi du Bien 162 6.c. I Rsultats des prcdents exercices de soumission de rapport 163

    7. I Documentation 165

    7.a. I Photographies, diapositives, inventaire des images et tableau dautorisation de reproduction et autre documentation audiovisuelle 165 7.b. I Textes relatifs au classement des fins de protection, exemplaires des plans de gestion du bien ou des systmes de gestion documents et extraits dautres plans concernant le Bien 171 7.c. I Forme et date des dossiers ou des inventaires les plus rcents concernant le Bien 172 7.d. I Adresses o sont conservs linventaire, les dossiers et les archives 173 7.e. I Bibliographie 174

    8. I Coordonnes des autorits responsables 179

    8.a. I Responsable de la prparation de la proposition 179 8.b. I Institution / agence officielle locale 179 8.c. I Autres institutions locales 180 8.d. I Adresse internet officielle 181

    9. I Signature au non de ltat partie 183

    9.a. I Signature au nom de ltat partie 183

    sommaire

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 8 I

    MILLAU

    LODVE

    MENDE

    ALS

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    GANGES

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    La Canourgue

    Florac

    Le Caylar

    N

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 9

    1.a I Pays

    France

    1.b I tat, province ou rgion

    les causses et les cvennes stendent sur deux rgions et quatre dPartements : RgionLanguedoc-RoussiLLon dPartements du gard (30), de lHrault (34) et de la lozre (48) RgionMidi-PyRnes dPaRteMentdeLaveyRon(12).

    1.c I Nom du Bien

    LescaussesetLescvennes,PaysagecuLtuReL deLagRo-PastoRaLisMeMditeRRanen

    1. I identiFiCation du bien

    MILLAU

    LODVE

    MENDE

    ALS

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    GANGES

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    La Canourgue

    Florac

    Le Caylar

    Midi-Pyrnes

    France

    Espagne

    AllemagneG.-B.

    Italie

    [ 30 ]

    [ 48 ][ 12 ]

    Toulouse

    Montpellier

    [ 34 ]

    Languedoc-Roussillon

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 10 I

    44 30 57 N2

    57

    48

    E

    3 5

    9 1

    4 E

    43 44 1 N

    N

    0 4 8 10 km

    IGN TOP 100 (162-163-170)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 11

    1. I identiFiCation du bien

    1.d I Coordonnes gographiques la seconde prs

    Longitude:25748e/35914e Latitude:443057n/43441n

    1.e I Cartes indiquant les limites prcises de la zone propose pour linscription et celles de la zone tampon

    igntoP100n162-163-170

    1.f I Surface du site propos linscription (en hectares) et de la zone tampon (en hectares)

    suRfaceduBien:302319hectaRes suRfacedeLazonetaMPon:312425hectaRes

    Lgende

    Zone propose linscription

    Zone tampon

    Trac de la zone propose dans la candidature prcdente

    Villes portes

    Autres villes

    Carte du Bien proposchelle 1: 400 000

    n 1

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 12 I

    2.F I surFaCe du bien propos linsCription

    Aveyron

    CornusLa CouvertoiradeLa-Bastide-PradinesLapanouse-de-CernonLa-Roque-Sainte-MargueriteLHospitalet-du-LarzacMostujoulsNantPeyreleauRoquefort-sur-SoulzonSaint-Andr-de-VzinesSaint-BeaulizeSainte-Eulalie-de-CernonSaint-Jean-dAlcapisSaint-Jean-du-BruelSaint-Jean-et-Saint-PaulSaint-Rome-de-CernonSaucliresTournemireVeyreauViala-du-Pas-de-Jaux

    Gard

    AlzonArphyArre ArrigasAumessasBez-et-EsparonBlandasBrau-et-SalagosseCampestre-et-LucCausse-BgonColognacConcoulesDourbiesGenolhacLanujolsLasalleLes PlantiersLEstrechureMarsMontdardier

    Notre-Dame-de-la-RouvirePonteils-et-BrsisRevensRoguesSaint-Andr-de-MajencoulesSaint-Andr-de-ValborgneSaint-Laurent-le-MinierSaint-MartialSaint-Roman-de-CodiresSaint-Sauveur-CamprieuSaumaneSoudorguesSumneTrvesValleraugueVissec

    Hrault

    GornisLa-Vacquerie-et-Saint-Martin-de-CastriLe CrosPgairolles-de-lEscaletteSaint-tienne-de-GourgasSaint-Flix-de-lHrasSaint-Guilhem-le-DsertSaint-Maurice-NavacellesSaint-MichelSaint-Pierre-de-la-FageSorbsSoubs

    Lozre

    AltierBalsigesBarre-des-CvennesBassurelsBdousCassagnasChadenetCocursCubirettesFloracFraissinet-de-Fourques

    Fraissinet-de-LozreGabriacGatuziresHures-La-ParadeIspagnacLa MalneLanuejolsLa-Salle-PrunetLaval-du-TarnLe PompidouLe RozierLe-Pont-de-MontvertLes bondonsLes VignesMas dOrciresMas-Saint-ChlyMeyrueisMoissac-Valle-FranaiseMolezonPied-de-BornePourcharessesPrvenchres QuzacRoussesSaint-Andeol-de-ClerguemortSaint-Andr-CapczeSaint-Andr-de-LancizeSaint-BauzileSainte-Croix-Valle-Franaise Sainte-nimieSaint-tienne-du-ValdonnezSaint-Frezal-de-VentalonSaint-Georges-de-LevejacSaint-Germain-de-CalberteSaint-Julien-dArpaonSaint-Julien-du-TournelSaint-Laurent-de-TrvesSaint-Martin-de-LansuscleSaint-Maurice-de-VentalonSaint-Pierre-des-TripiersSaint-Privat-de-VallongueSaint-Rome-de-DolanVebronVialasVillefort

    liste des communes constituant le bien :

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 13

    1. I identiFiCation du bien

    L e primtre du Bien, tel que prsent dans le prsent mmoire de rponse au renvoi, a t rduit par rapport la candidature ini-tiale. Le primtre actuel a t dtermin en retenant les territoires qui prsentaient les exemples les plus significatifs du paysage culturel de lagro-pastoralisme (critres gomorphologiques, units paysagres et lments culturels, parcours et estives), dtenaient une forte identit historique et bnficiaient dj dun ensemble trs complet de mesu-res de protections et de gestion. Le paysage culturel des Causses et des Cvennes se dploie dans le cadre densembles physiques parfaitement identifis :

    les principaux causses (Causse Mjan, Causse Noir, Causse du Sauveterre, Causse du Larzac) grands espaces maintenus ouverts consacrs aux parcours des troupeaux ou, par endroit, occups par des dolines cultives. La prise en compte de ces plateaux calcaires dallure steppique, un des plus grands ensembles kars- tiques dEurope occidentale, stend en toute logique au rocher de Combalou (zone de Roquefort-sur-Soulzon, caractristique de la production fromagre en cave daffinage) et la valle du Cernon avec Sainte-Eulalie-de-Cernon, principale commanderie du Larzac lpoque des Templiers-Hospitaliers qui contribu- rent partir du xiie sicle au dveloppement mthodique de lagro-pastoralisme ;

    les gorges qui entaillent les causses et prsentent des paysages dune grande puissance esthtique (gorges du Tarn et de la Jonte, gorges de la Dourbie, gorges de la Vis) ;

    les Cvennes, partiellement, essentiellement les Cvennes schis- teuses, qui constituent un ensemble de crtes et de valles parallles.

    les massifs granitiques qui dominent le paysage et prsentent des parties sommitales dnudes consacres aux estives et aux parcours des troupeaux (mont Lozre, mont Aigoual).

    Les limites du primtre reposent sur des lments physiques et/ou des ralits administratives du territoire.

    La zone tampon est constitue des limites administratives des com-munes en partie incluses dans le Bien, des communes limitrophes du site et de quatre villes, Als lest, Ganges au sud, Millau louest et Mende au nord du primtre qui constituent les portes dentre du Bien.

    brve descriPtion du site :

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 14 I

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 15

    a) LecadRePhysiQueetLe Patrimoine naturel

    La structure gologique et lensemble des conditions physiques des Causses et des Cvennes ont cr une exceptionnelle varit de milieux et de paysages o leffet de versant est caractristique, les pentes et lrosion tant plus fortes en direction de la Mditerrane que vers lAtlantique.

    1) la gologie, la gomorphologie et le relieF

    Les basses Cvennes sont constitues par une srie de micaschistes mtamorphiques gris et verdtres, datant du dbut de lre primaire (Cambrien et Ordovicien, de 550 450 millions dannes). Les schis-tes offrent peu de rsistance aux cours deau qui creusent des valles profondes et troites. Les valles cvenoles du versant mditerranen, o alternent les crtes troites et les valles encaisses, se dveloppent de 250 1 000 m. Le relief, fortement contrast, a t puissamment diss-qu, donnant un paysage grandiose de lanires et de crtes parallles ou divergentes, les serres , qui dominent de grands versants raides et ramifis.

    Dans les hautes Cvennes, deux massifs de granite intrusif (mont Lozre au nord et mont Aigoual au sud) ont perc travers les schistes, il y a 300 millions dannes. Culminant 1 699 m au mont Lozre, 1 567 m lAigoual, ils constituent les plus hauts sommets et sont relis par un faisceau de filons de micro-granite en artes. Les granites du Lozre et de lAigoual offrent de vastes tendues structures en larges alvoles (zones en creux, fond presque plat, constituant la tte de bassin de nombreux cours deau) do mergent des sommets mousss. Lrosion du granite se fait par altration chimique des fractures de la roche et laisse apparatre de spectaculaires chaos de blocs arrondis en forme de boules. On y trouve frquemment un phnomne gomorpho-logique relativement rare ailleurs : la capture de ruisseaux tributaires du Tarn ou du Lot par lrosion rgressive dorigine mditerranenne (versant sud-est du mont Lozre par les affluents du Luech, sud-ouest de lAigoual par ceux de lArre).

    Les Causses constituent lun des plus grands ensembles karstiques dEurope occidentale. Ils sont forms de sdiments marins dposs au cours de lre secondaire. Ces sdiments ont t accumuls par une mer chaude du haut fond occitan, il y a 150 200 millions dannes. Au cours de lre tertiaire, ces roches sdimentaires ont t exhausses sous la pression des mouvements tectoniques des Pyrnes et des Alpes. Ceux-ci provoqurent galement le dcoupage des plateaux caractris-

    Fond de valle cvenole Moissac-Valle-Franaise (Photo PNC)

    Montagne du Bougs (Photo PNC / T. Kleitz)

    Pelouses et bois de chnes sur le causse du Larzac (Photo Bousquel)

    2. I desCription

    2.a I desCription du bien

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 16 I

    2.a I desCription du bien

    MILLAU

    LODVE

    MENDE

    ALS

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    GANGES

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    Florac

    La Canourgue

    Le Caylar

    N0 4 8 10 km

    Source : BRGM

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 17

    tiques des causses par les gorges qui, entaillant ces plateaux, dlimitent des entits morphologiquement homognes de grandes surfaces entre 750 et 1 200 mtres daltitude. cette phase de sdimentation a succd une longue priode drosion en milieu continental, encore active de nos jours.

    2) le Climat

    Alors que les Causses constituent une interface entre le Massif cen-tral et le Languedoc, le Larzac et le Causse Noir prsentent laffronte-ment climatique le plus violent en opposant les domaines mditerra-nen, ocanique et continental.

    Les Cvennes sont sous linfluence climatique de la Mditerrane et de sa luminosit. Mais la diversit des altitudes et la gamme des exposi-tions se combinent en une grande varit de climats locaux. Instabilit, irrgularit et violence, traits excessifs du climat mditerranen, sont amplifis par la vigueur du relief. Les Cvennes, exposes toutes les influences venues de la plaine, les exaltent et les caricaturent, accen-tuant ainsi les contrastes saisonniers. Lhiver est rendu difficile par la rudesse de ses tempratures : il gle les trois mois dhiver au dessus de 600 mtres et le printemps est long stablir. Lt est en revanche chaud et sec. Lautomne est une saison pluvieuse mais les tempratures douces se prolongent longtemps. Les valles mridionales, par exemple la Valle-Franaise, constituent des microclimats. Les tempratures cl-mentes permettent, dans ce cas, lacclimatation de vgtaux purement mditerranens, (il nest pas rare de voir se dvelopper des palmiers du genre Chamaerops, en basses Cvennes). Les monts Lozre et Aigoual, balays par les vents constants et violents, accompagns dabondan-tes prcipitations subissent dimportantes variations de temprature. 1 567 mtres daltitude, le sommet de lAigoual prsente les conditions climatologiques les plus extrmes pour la rgion : tempratures trs basses en hiver, importance des vents qui le balaient presque continuel-lement, fortes et abondantes prcipitations.

    Alors que les Causses constituent une interface entre le Massif cen-tral et le Languedoc, le Larzac et le Causse Noir prsentent laffronte-ment climatique le plus violent en opposant les domaines ocanique, mditerranen et continental. Plus au nord, le Sauveterre et le Mjan enregistrent plus de trois mois de gel dans lanne et ont un climat montagnard.

    3) lhydrographie

    La limite du partage des eaux entre versant mditerranen et ver-sant atlantique correspond laxe nord-est/sud-ouest des Cvennes. Cette rpartition, que le gallo-romain Pomponius Mela dcrivait dj, donne naissance un rseau qui sarticule autour de quelques cours deau majeurs sur chacun des deux versants :

    pourleversantmditerranen,cesontlAltier-Chassezac,laCze,les

    2. I desCription

    Lgende

    Calcaire

    Granite

    Schiste

    Failles

    Gologiechelle 1: 400 000

    n 2

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 18 I

    Lgende

    Gomorphologie

    Cote daltitude

    Falaise Rebord du Larzac

    Gorge Plateau caussenard

    Altitude moyenne

    Barrire des hautes Cvennes

    Valle cvenole ( valat )

    Crte ( serre )

    Plaine languedocienne

    Faille

    Hydrologie

    Cours deau

    Ligne de partage des eaux

    Climat

    Grandes zones climatiques

    Ville-porte

    Autre ville

    Le milieu physique(Gomorphologie - Hydrologie - Climat)

    chelle 1: 400 000

    n 3 Gardons et lHrault ; pour le versant atlantique, ce sont le Lot, le Tarn, la Jonte et la Dourbie.

    Lhydrographie est trs contraste : louest, le rseau est rare et sinue entre les plateaux causse- nards. Leau sinfiltre rapidement dans la masse calcaire par des fissures. Leau semble inexistante. Pourtant, cette eau souterraine lie au systme karstique, stocke dans ces massifs, forme le prin- cipal rservoir qui alimente les rivires dans leur traverse des gorges (Tarn, Jonte, Dourbie). Millau, 50 % du dbit du Tarn est originaire du karst. Cette alimentation devient mme prpon- drante ltiage, en priode de scheresse. Sur les versants des monts, on enregistre une pluviomtrie trs importante (plus de 2 300 mm/an en moyenne lAigoual et plus de 4 000 mm certaines annes). LAigoual est le massif de rgime mditerranen le plus arros de France. Cette abondance des prcipitations alimente de nombreuses rivires qui composent un rseau dense et hirarchis. Dans les valles cvenoles situes dans une zone dinfluence mditerranenne, le rgime des eaux est lun des mieux typs de France et se caractrise par son abondance annuelle et sa distribution trs contraste. En hiver et en t, les prcipitations sont largement dficitaires, alors que durant les saisons interm- diaires, et particulirement en automne, elles peuvent tre abondantes et surtout trs violentes, entranant des crues subites et violentes, les Vidourlades particulirement redou- tes pour leur violence, et les Gardonnades . Le caractre brutal des crues qui affectent tant le bassin du cours deau Vidourle que celui du Gardon sexplique par la conjonction de plusieurs facteurs dfavorables que sont : une pluviomtrie trs irrgulire et trs leve, sous la double dpendance des climats mditerranen et montagnard, un ruissellement trs important sur des versants pente forte dans des terrains peu permables, des pentes longitudinales fortes dans les secteurs amont, etc. Dans tous les cas, ce rseau prsente une trs grande variabilit de

    dbit et la qualit des eaux y est exceptionnelle.

    4) le milieu naturel

    Les Causses et les Cvennes prsentent une grande diversit de milieux naturels sur un espace restreint. Ce phnomne, dit de com-pression cologique , sexplique par les caractristiques physiques du territoire : diffrences daltitude (passage de la cote 200 la cote 1700 en moins de 40 kilomtres en venant de la plaine languedocienne), dif-frence de nature des sols (schiste, granite, calcaire, eux-mmes sculpts par une rosion intense qui multiplie les niches cologiques), contrastes de zones climatiques (mditerranenne, ocanique, continentale) ainsi que de versants (ubacs, adrets), particulirement sensibles dans les valles cvenoles.

    Il en rsulte une diversit et une richesse sur le plan des milieux, de

    2.a I desCription du bien

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 19

    Causse de Sauveterre

    Basses Cvennes

    HautesCvennes

    Le Lot

    Le Lot

    Le Tarn

    Le Tarn

    Le Tarn

    La Vis

    La Dourbie

    La Jonte

    Causse de Sverac

    900 -1100 m

    Bougs1421 m

    Causse Mjan

    FAIL

    LE D

    ES C

    VEN

    NES

    LES V

    ANS

    FAIL

    LE D

    E VI

    LLEF

    OR

    T

    900 -1200 m

    Causse Noir800 -1000 m

    Causse du LarzacCausse Bgon Lingas

    Causse de Blandas

    Causse de Campestre

    Sranne

    700-800 m

    Causse du Larzac700-800 m

    700-800 m

    700-800 m

    Le Tarn

    LHrault

    Les Gardons

    L'Altier

    Le Chassezac

    MENDE

    MILLAU

    LODVE

    GANGES

    ALS

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    151

    131

    140

    175

    Le Vigan

    Meyrueis

    Florac

    La Canourgue

    Le Caylar

    Mont Aigoual

    Mont Lozre1699 m

    1567 m

    1366 m

    CL

    IMA

    T O

    C

    AN

    I QU

    E

    C L

    I MAT

    M

    DI T

    ER

    RA

    N

    EN

    C LI M

    A T C O N

    T I N E N T A L

    2. I desCription

    N

    0 4 8 10 km

    Source : J. Sgard / AVECC

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 20 I

    la faune et de la flore attestes par les nombreuses protections du patri-moine naturel qui couvrent le territoire.

    Cette diversit et cette richesse sont amplifies par lempreinte agro-pastorale sur la totalit du primtre du Bien et surtout par louverture de lespace qui en rsulte :

    grandessuperficiesdepelousescaractresteppiquesurlesplateaux karstiques des Causses, les plus importantes dEurope, prsentant une flore et une faune originales ; avec ponctuellement une mise en culture des dolines ; pelousesdaltitude,landes,tourbiresetzoneshumidessurlesdmes granitiques des hautes Cvennes ; effets de lisires ns de linterpntration des espaces boiss et des espaces ouverts, si importants pour la biodiversit.

    Les formations vgtales dominantes

    Les Causses offrent de vastes peuplements naturels de pins sylves-tres dans les zones orientales et septentrionales o dominent les sols dolomitiques. Sur les Causses mridionaux, le chne pubescent (Quer-cus pubescens) est lessence forestire la plus frquente. Les pelouses caractre steppique, caractristiques des grands espaces ouverts prsents sur le territoire, monopolisent le reste de lespace.

    Les chnes pubescents colonisent spontanment vallons et adrets. Dans les gorges, les falaises dolomitiques abritent une flore exception-nelle. Le chne vert (Quercus ilex) sinstalle sur les versants les mieux exposs avec une flore et une vgtation arbustive de type mditerra-nen.

    Les reliefs siliceux, Cvennes schisteuses et monts granitiques, sten-dent du mditerranen chaud et sec au subalpin trs froid et humide. basse altitude, le chne vert se localise sur les versants secs et rocheux, en mlange avec les cistes (Cistus sp.) et la bruyre arborescente (Erica arborea). Cette frange mridionale sest accommode aujourdhui du pin maritime (Pinus pinaster), surtout plant au xixe sicle afin de fournir des tais aux galeries de mines dAls. Entre 400 et 800 mtres daltitude, les conditions de sol et dhumidit ont permis le dveloppe-ment de la culture du chtaignier (Castanea sativa), qui, favorise par lhomme, a monopolis lespace pendant plusieurs sicles. Le mrier (Morus sp.) est venu lui disputer lespace aux xviiie et xixe sicles et, aujourdhui, les plantations de rsineux.

    Souvent cobues (technique pastorale de brlages dirigs), les lan-des sont partiellement recolonises par le pin sylvestre ou par les feuillus tels que le frne (Fraxinus excelsior). Au-del de 800 mtres dalti-tude, le htre (Fagus sylvatica) et le pin sylvestre (Pinus sylvestris) forment lessentiel des boisements naturels entrecoups de landes et de rsineux. Au nord et louest des principaux massifs subsistent des petites htraies sapinires. Au-dessus de 1 500 mtres, les landes cdent la place aux pelouses.

    Sur les sols calcaires et grseux, selon les versants et la nature du sol, le chne vert ou le chne pubescent occupent les premiers reliefs avec des espces de garrigues : trbinthe (Pistacia terebenthus), buis (Buxus sempervirens), amlanchier (Amelanchier sp.), chvre-

    2.a I desCription du bien

    Lgende

    Espaces ouverts

    Causse nu

    Hautes Cvennes

    Basses Cvennes : micro-espaces ouverts notamment sur les crtes

    Espaces boiss

    Feuillus mixtes

    Chtaigniers Pins, chnes blancs, nombreuses clairires

    Pins maritimes et pins dAlep

    Chnes verts Chnes blancs

    Ville-porte

    Autre ville

    Couverture vgtalechelle 1: 400 000

    n 4

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 21

    2. I desCription

    MENDE

    MILLAU

    LODVE

    GANGES

    ALS

    Florac

    Le Vigan

    St-Hippolyte-du-Fort

    Le Bleymard

    GnolhacIspagnac

    Nant

    Meyrueis

    Marvejols

    A 75

    A 75

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    La Canourgue

    Le Caylar

    Mont Aigoual

    Mont LozreAB

    C

    A

    A

    A

    B

    B

    0 4 8 10 km

    Source : J. Sgard

    N

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 22 I

    2.a I desCription du bien

    feuille (Lonicera sp.). On note la prsence du pin laricio de Salzman (Pinus nigra salzmannii) dans toutes les basses Cvennes schisteuses ou dolomitiques ou grseuses. Le pin maritime, moins exigeant, colo-nise naturellement les sols les plus secs.

    Sur les Causses, avec la prsence de lhomme et des troupeaux, au fil des sicles, se sont succds les priodes de dboisements et de boise-ments. Ces grandes transformations, lies aux variations de lactivit humaine, ont transform successivement limage de ce territoire. Le couvert forestier fut exploit ds le Chalcolithique pour ouvrir des espa-ces llevage, puis la priode romaine dune part afin de produire la poix partir de la rsine du pin et, dautre part, afin de fournir en bois les fours ncessaires la production des vases sigills diffuss dans lensemble de lempire. Le couvert forestier des Causses, principalement compos dune vaste chnaie, fut encore dfrich lors des amnagements ruraux mis en uvre sous laction volontaire des ordres monastiques, militaires et religieux aux xiie et xiiie sicles.

    Dans les Cvennes, jusqualors pays de polyculture vivrire, le ch-taignier se dveloppa partir des xiie-xiiie sicles, devant la ncessit de rechercher une culture dappoint tant les rendements des crales taient mdiocres sur les sols siliceux.

    Lextension de la chtaigneraie lpoque moderne, qui fut en par-tie concurrence au dbut du xviiie sicle par le mrier li la sricicul-ture, transforma durablement le paysage rural et en lui confrant une identit qui perdure aujourdhui.

    Cependant, le couvert forestier des Causses et des Cvennes rsulte en grande majorit de leffet conjugu :

    desplantationsdepinsmaritimesralisesenbassesCvennesau xixe sicle pour les besoins du bassin minier dAls ; desgrandsreboisementsmensaudbutduxxe sicle linitiative de ltat dans le cadre dun programme national dnomm Restaura- tion des terrains de montagne (RTM). Des milliers dhectares de rsineux (pins, picas, sapins) furent ainsi plants sur les pentes rodes des massifs montagneux. Ces espaces reboiss sont actuel- lement grs par lOffice national des forts (ONF) pour le compte de ltat ; duboisementnaturelspontansurleslandesetlesparcours(essen- tiellement en essences pionnires), conscutif la dprise agricole des annes 1960. Les terres libres par la dprise agricole ont galement t en partie reboises de 1950 1975 avec lencouragement du Fonds forestier national (FFN) auprs des propritaires privs et publics planter des rsineux (production pour lapprovisionnement de la filire bois).

    Ces reboisements ont t stopps dans les annes 1980 par la redy-namisation de lactivit agro-pastorale qui se traduit par une demande croissante des agriculteurs despaces ddis lagriculture et au pasto-ralisme. On assiste aujourdhui un phnomne de restauration des parcours et de remise en culture de terrains jusqualors occups par des boisements spontans. Les produits issus du dboisement sont par ailleurs valoriss dans une importante usine de cognration installe

    Mende (production dnergie lectrique et alimentation dun rseau de chaleur).

    La flore

    Le Bien propos linscription rassemble, dans un territoire rduit, plusieurs rgions cologiques appartenant des domaines biogogra-phiques distincts, allant du mditerranen au montagnard en passant par des influences ocaniques. Il constitue un axe de migration pour la faune et la flore en fonction des alternances climatiques. Parmi ces grandes formations, on dnombre environ 35 grands types dcosyst-mes et 200 types dhabitats naturels diffrents. Le primtre renferme pour cette raison des zones de protection, une rserve de biosphre et un ensemble de sites figurant linventaire europen Natura 2000.

    Environ 2 200 espces ont t rpertories dans la rserve de bios-phre des Cvennes, soit 40 % de la flore franaise sur seulement 0,5 % de la surface du territoire national. La combinaison dinfluences cli-matiques mditerranenne, atlantique et continentale, lamplitude altitudinale de 1 500 mtres, la varit lithologique (schiste, granite, grs, dolomie, calcaires, marnes) et la diversit des impacts humains au cours de lhistoire contribue expliquer la grande richesse floristi-que observe. La flore se distingue par sa remarquable diversit mais aussi par son intrt patrimonial que soulignent des protections dordre rgional, national et communautaire. On peut citer comme exemples de cette diversit ladonis printanire (Adonis vernalis), renonculace qui se dveloppe sur les pelouses rases des causses Mjan, Sauveterre et trs localement Noir, le faux cytise longues grappes (Chamecytisus elongatus), trs rare en France et qui se localise en bordure de ruis-seaux du versant sud du mont Lozre et dans les gorges du Tarn, le ciste

    LAdonis du printemps(Photo PNC)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 23

    2. I desCription

    La corniche des Cvennes(Photo Grgoire)

    de pouzolz (Cistus pouzolzii), endmique des Cvennes siliceuses mditerranennes que la fermeture du milieu menace, le gent trs pi-neux (Echinospartum horridum), endmique franco-espagnole qui spanouit sur les calcaires en zone mditerrano-montagnarde, la car-dabelle ou carline (Carlina acanthifolia), emblmatique des Causses et adapte la scheresse, enfin lorchide bcasse (Ophrys scolopax), trs prsente dans les Cvennes au mme titre que dautres orchides.

    Sur les plateaux et dans les valles, la vgtation est varie. Dans ces espaces sentremlent les formations vgtales naturelles et les for-mations cultives. Voisinent les espces introduites par lhomme et les espces spontanes. Cet aspect est bien entendu li lactivit humaine, principalement le pastoralisme, et lagriculture, dont limpact sur lquilibre biologique est crucial pour le maintien de certaines espces vgtales et animales.

    Cardabelle(Photo PNC)

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 24 I

    2.a I desCription du bien

    Le mas Camargue(Photo PNC)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 25

    2. I desCription

    b) lemPreinte de lHomme sur le territoire des causses et des cvennes

    1) la dimension du temps

    poques pr et protohistoriques : les prmices dun agro-pastoralisme

    la faveur dun incendie ayant dtruit, en aot 2003, une partie de la fort de conifres qui couvre louest du Causse Mjan, des sondages archologiques ont mis en vidence des traces, jusque l ignores, dac-tivits agro-pastorales anciennes sur le plateau. Sans pouvoir les dater avec prcision bien quil soit probable que le site du Sauvage prs du mas Saint-Chly remonte au premier millnaire avant notre re, des champs dont les limites sont soulignes par des alignements rocheux ou des enclos par des murets sont des tmoins dune histoire agricole ancienne qui se rattache celle de lEurope occidentale. En outre, des chemins de parcours, des bauches damnagements hydrauliques, comme la maonnerie de ravines, ou encore la prsence de milliers de tas de pierre, qui correspondent ce que lon dsigne aujourdhui sous le terme de clapas , attestent de lanciennet de la mise en place de quelques lments du paysage caussenard. Ces dcouvertes archologi-ques rcentes corroborent la thse selon laquelle la colonisation agricole a commenc trs tt dans la rgion des Causses, au nolithique moyen, entre 5 000 et 2 500 av. J.-C., particulirement sur le Causse Mjan, le plus isol et le plus lev de tous, qui recle des traces nombreuses doc-cupation humaine sous la forme de centaines de dolmens et tumuli. Les Causses furent parcourus, sillonns et habits pendant des mill-

    naires par des populations nombreuses et diverses, qui y pratiquaient notamment llevage. Au milieu des annes 1960, une relation a mme t tablie entre la densit des troupeaux de moutons et celle des dol-mens, notamment aux alentours de Buzeins et de Salles-la-Source, mettant en vidence une vraisemblable relation entre lactivit pasto-rale et le mgalithisme.

    Alors queut lieu la premire extension de lconomie mixte agro-pastorale au Nolithique moyen, le peuplement se limitait sur les Causses aux valles des principaux cours deau et aux bordures des plateaux qui les dominent, lexception de quelques dolines. Les valles taient situes naturellement labri des vents et faisaient office de ser-res chaudes par contraste avec les plateaux au climat rude. Lintrieur

    des Causses, encore trs bois, ne semble avoir t frquent que pour des expditions de chasse. Lorsque lconomie agro-pastorale se gnra-lisa, au cours du Nolithique final, dans la seconde moiti du troisime millnaire, la pression dmographique ayant entran un resserrement du maillage des communauts paysannes, les dolmens se multipli-rent sur les Causses. Ces sites mgalithiques sont pourtant dpourvus de trace doccupation permanente ; ces espaces nont servi, semble-t-il, qu la pture, un va-et-vient saisonnier entre lintrieur du causse et les grottes flanc de valle rythmant alors la vie des communauts, pasteurs semi-nomades ou groupes plus agricoles.

    Les Cvennes sont galement considres comme une province part entire de la grande zone mgalithique mridionale dont tmoignent les alignements des Bondons, au nord-est de Florac, hauts menhirs de granite achemins sur le plateau calcaire. Les crtes cvenoles sont assez richement dotes de vestiges datant du nolithique, mme si les traces dhabitat y demeurent plus rares et que leur frquentation semble lie dans un premier temps aux seuls dplacements des troupeaux. Aprs le net recul des populations des valles cvenoles la fin du nolithi-que, cet ensemble parat en effet avoir t, pendant une priode assez

    < Dolmen au col de Pierre-Plate Florac(Photo PNC)

    > Menhirs Galy(Photo PNC)

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 26 I

    2.a I desCription du bien

    Causse du Larzac

    Causse du Larzac

    Causse de Sauveterre

    Causse Mjan

    Causse Noir

    Causse Campestre Causse de

    Blandas

    Causse Bgon

    ALSMILLAU

    LODVE

    Florac

    GANGES

    Mont Aigoual

    Cvennes

    Mont Lozre

    MENDE

    LES VANS

    ANDUZE

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    0 4 8 10 km

    Source : J. Sgard

    N

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 27

    longue, un lieu de passage sur des voies commerciales trs frquentes. Ce sont les chemins de transhumance, dnomms drailles, qui, au cours des deux millnaires suivants, contriburent au peuplement des val-les profondes tout en confortant leur complmentarit avec les hauts plateaux et les sommets de la montagne. Ds le second millnaire av. J.-C., les hommes auraient suivi le dplacement instinctif des animaux (notamment les ovins, prsents dans la France mditerranenne vers la fin du viie millnaire avant J.-C.), depuis la plaine littorale vers les pturages plus verts de la montagne. Cette pratique expliquerait lori-gine ancestrale du trac de certaines drailles bordes de mgalithes.

    Au dbut du dernier millnaire avant notre re, larrive des Celtes ne modifia pas profondment la mise en valeur des Causses, domins par les occupations agricoles et pastorales, mais provoqua la cration, sur les perons et les sites levs, de caps barrs et doppida. Cest alors que fut fonde, par les Rutnes, Segodunum, sur lemplacement de lactuelle Rodez, ou encore Anderitum, lancienne Javols, capitale des

    Gabales. Le peuplement des Causses tait alors trs dense, les changes commerciaux fructueux. Sur le Larzac, les routes du vin et du sel croi-saient celles des produits laitiers et des minerais.

    La tradition locale attribue aux Celtes la cration des deux prin-cipaux axes routiers historiques : la corniche des Cvennes et la voie Rgordane. La premire est une route qui chemine le long dune crte dont les traces de frquentation remontent la prhistoire (elle est jalonne de menhirs et de tombes dates du Nolithique). Les Celtes furent les premiers amnager cet axe afin de relier la capitale des Volques, lactuelle Nmes, Anderitum, capitale des Gabales. Ligne de partage entre les royaumes des Francs et des Wisigoths, cet axe de com-munication essentiel entre Languedoc et Gvaudan a permis lachemi-nement de vins, sel, conserves et huiles de la plaine vers le haut pays, do redescendaient crales, chtaignes, bois, et laine. La voie Rgor-dane reliait quant elle lantique Nmes Gergovie. Elle utilisait le couloir naturel de la faille Als-Villefort et longeait le contrefort oriental du mont Lozre.

    2. I desCription

    Cros-Roux, causse Mjan(photo

    Lgende

    Principales zones de tmoignages et de vestiges de la prhistoire, de la protohistoire et de la priode gallo-romaine : mgalithes, enceintes, vill, etc.

    Vestiges reprs sur les causses boiss

    Gorge

    Ville-porte

    Autre ville

    Tmoins des premiers temps de lagro-pastoralisme(Prhistoire, protohistoire et Antiquit)

    chelle 1: 400 000

    n 5

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 28 I

    La conqute romaine, qui se concrtisa par la cration aux alen-tours de 120 av. J.-C. de la Provincia, sur la base de laquelle Auguste dessina la province de la Narbonnaise, fut discrte dans cette rgion et le rayonnement conomique de la Narbonnaise ne toucha que modes-tement ces hautes terres dont la situation restait marginale.

    De ces priodes les plus recules, les Causses et les Cvennes conser-vent des tmoignages vidents du rapport ancestral de lhomme son milieu naturel et lau-del, en lien direct avec la mmoire de lhu-manit. Ce territoire recle galement une concentration parmi les plus importantes dEurope de mgalithes intacts, protgs et encore en situation.

    Le Moyen ge : une priode majeure dans le dveloppement de lagro-pastoralisme

    Les principales composantes des paysages de lagro-pastoralisme, maintenues jusqu nos jours, furent mises en place au cours des cinq derniers sicles du Moyen ge.

    Les transformations paysagres mdivales sont en partie dues au large mouvement de christianisation qui prit son essor du viie au xie si-cles, particulirement avec linstallation dtablissements monastiques qui jourent un rle majeur dans le dveloppement des Causses et des Cvennes. Certaines parmi les plus anciennes abbayes du Languedoc (Saint-Guilhem-le-Dsert), du Rouergue (Conques) ou de Provence (Saint-Victor-de-Marseille) virent en effet trs tt lintrt conomique de cette rgion retire mais dont la traverse stait impose aux popu-lations du cur du Massif central souhaitant rejoindre les ports de la Mditerrane et les marchs de la plaine languedocienne. Cest dans le Cartulaire de Conques que figure vers 1060 la premire mention de fromages de cabane du Larzac, cest--dire conserv et affin dans une cave naturelle comme Roquefort.

    2.a I desCription du bien

    Site templier-hospitalier de Sainte-Eulalie-de-Cernon

    (Photo PNRGC)

    Lgende

    Cit bien dveloppe au Moyen ge

    tablissement monastique, militaire et religieux

    Draille collectrice

    Peuplement dans les valles

    Col

    Tmoins de lagro-pastoralisme

    au Moyen gechelle 1: 400 000

    n 6

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 29

    2. I desCription

    MENDEMARVEJOLS

    SVERAC

    Le Bleymard La Garde-GurinLanuejols

    Le Rozier

    St-Pierre-des-Tripiers

    St-Chly-du-Tarn

    La Malne

    Ste-nimie

    Mostuejouls

    MILLAU

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    LODVE

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    ANDUZE

    GANGES

    ALS

    FLORAC

    MEYRUEIS

    LE VIGAN

    La Couvertoirade

    Nant

    St-Jean-dAlcas

    Le Viala-du-Pas-de-Jaux

    Ste-Eulalie-de-Cernon

    La Cavalerie

    AlzonCampestre

    St-Martin-de-Londres

    Aniane

    Viols-le-Fort

    St-Vincent

    FontansSt-Martin

    Concoules

    Gourdouze

    L'Hpital-Gap-Francs

    St-Germain-de-Calberte

    Portes

    St-tienne-Valle-Franaise

    St-Marcel-de-FontfouillouseBonahucSaumane

    Tornac

    Sauve

    St-Michel-de-Grandmont

    Joncels

    Sylvans

    Cendras

    Col de Montmirat

    Col de Perjuret

    Col de Montjardin

    Col de la Lusette

    Col de lAscli

    Col de la Croix-de-Berthel

    Col de Jalcreste

    Col de Rhodes

    Le Pont-de-Montvert

    La Canourgue

    Le Caylar

    Mont Aigoual

    Mont Lozre

    N

    0 4 8 10 km

    Source : J. Sgard / AVECC

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 30 I

    2.a I desCription du bien

    Le monachisme en Bas-Languedoc doit son extraordinaire pa-nouissement saint Benot dAniane (750-821), premier grand rfor-mateur de la Rgle de Benot de Nursie (480-547), ne au Monte Cas-sino (Italie) en 540.

    La vie et luvre de saint Benot dAniane ont t transmises par un des moines de labbaye dAniane (fonde en 777), Ardon Smaragde, la Vita Benedicti abbatis (Vie de saint Benot) parvenue jusqu nos jours par le Cartulaire dAniane (xiie sicle).

    Un passage de la Vie de saint Benot permet de dduire que les moines ont pratiqu trs rapidement la fois llevage du mouton et la transhumance. Dans ce rcit (Cartulaire dAniane, F8, verso), Ardon rapporte que les frres avaient coutume dhabiter en montagne pour soccuper de llevage des moutons ( Dans les lieux montagneux o les frres avaient coutume de demeurer pour faire patre leurs troupeaux, ils staient bti un petit oratoire ) et quils avaient des maisons ou cabanes o ils demeuraient seulement lt ( Lhabitation des moines tait vide alors, parce quils ny demeuraient que pen-dant lt ).

    Les premiers actes relatifs lestive sur les causses des troupeaux des abbayes dAniane et de Gellone ou Saint-Guilhem (fonde en 804) datent de 814 et de 822 (Cartulaire dAniane, F19, recto et verso). Ils font allusion au prieur de Saint-Martin-de-Castries, sur le rebord sud du Larzac, proximit de lactuel village de La Vacquerie. La transhu-mance stendit en mme temps que linfluence de labbaye bndictine dAniane. Aniane entra en possession du monastre dEntre-Deux-Eaux, au confluent du Tarn et de la Jonte, ce don saccompagnant de lglise de Saint-Pierre-des-Tripiers. Les moines furent ainsi assurs de la matrise de vastes terrains de parcours sur les causses Mjan et Noir. (Cartulaire dAniane, F100, recto F105, recto).

    Cest donc un vritable processus dessaimage de petits tablissements religieux (ou celles) bndictins qui se mit en place selon 3 phases :

    ledomainecultivtaitagrandietdesfondationstaientcressur les exploitations trop loignes et ne permettant pas des allers et retours quotidiens ; denouvellescelles furentcresquandllevagedumoutonpritde lextension ; elles slevrent au centre des terrains de parcours, avec, au dbut, seulement une occupation durant le sjour des troupeaux ; la frquentation des offices clbrs par les moines-bergers stabilisaient les populations autour de ces oratoires qui devinrent des glises ; quandlestroupeauxnerejoignirentpluslespturagesenunjour, cest un maillage de celles-paradous qui fut mis en place le long des drailles.

    Les celles les plus importants taient en gnral des prieurs implan-ts aux points cls : gus, ponts, cols Labbaye de Gellone rassemblait ses troupeaux Saint-Martin-de-Londres avant demprunter la collec-trice de la Lusette, la draille du Calcadis vers LEsprou et Meyrueis.

    Au-del du contrle direct des troupeaux transhumants, les

    glise de La Garde-Gurin(Photo PNC)

    Le Pont-de-Montvert(Photo DR)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 31

    2. I desCription

    seigneurs lacs ou religieux profitaient du passage des moutons pour per-cevoir des redevances. Le premier texte connu sur ce type dimposition date de Carloman, en 881 (BNF, coll. Baluze). Ce droit de rafica aurait donn son nom au hameau de Rafgue, situ lentre de Meyrueis. Il est lquivalent du droit de pulvrage qui existe depuis le Code Thodosien pour ddommager les riverains des dgts provo-qus sur les rcoltes par la poussire qui se dgage du passage des trou-peaux. Ainsi, labb de Saint-Guilhem recevait un agneau au titre du pulvrage pour chaque troupeau. Cest ce mme droit quappliquaient les seigneurs-pariers de la Garde-Gurin sur le chemin de Rgordane, partir du xiie sicle (en plus des droits de page, de guidage et de cartalage).

    En 1152, ces abbayes cdrent aux Templiers leurs droits sur le Lar-zac contre une rente en argent et en nature. En 1158, le roi dAragon, tuteur du vicomte de Millau, leur abandonnait son tour ses droits sur le mme territoire.

    Le rle des ordres monastiques (bndictins, cisterciens), militaires et religieux (templiers et, leur suite, hospitaliers) dans la construc-tion du paysage rural fut essentiel. Aprs avoir obtenu les droits sei-gneuriaux sur plusieurs territoires de ces hautes terres au xiie sicle, ils mirent en uvre une exploitation systmatique des terres quils contrlaient, induisant le passage du pastoralisme lagro-pastora-lisme. Ainsi, sur le Causse du Larzac, les Templiers de la commanderie de Sainte-Eulalie ou, sur le mont Lozre, les Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jrusalem de la commanderie de Gap-Francs, sattachrent matriser leau, permettant lalimentation du btail et des populations villageoises. La commanderie templire de Sainte-Eulalie fut place au cur du causse du Larzac, cependant pas sur le plateau, mais dans une chancrure, la source du Cernon. Ralistes, les Templiers com-prirent tout le profit quils pouvaient tirer de ce territoire, la condition de spcialiser leurs activits. Ils organisrent de faon mthodique la mise en culture de toutes les terres labourables, notamment autour des villages, rservant la majorit des terres, non cultivables, aux parcours des ovins. Ils privilgirent le faire-valoir indirect des terres agricoles en sous-traitant lexploitation par des tenanciers (emphytotes) mais se rservrent en revanche les prairies et les grandes tendues incultes, dnommes dvses pour llevage de leurs troupeaux composs de chevaux (servant au service militaire ou hospitalier), de bovins (baills cheptel), de brebis surtout.

    Linventaire des biens de la commanderie de Sainte-Eulalie dress en 1308, est rvlateur des priorits. Les troupeaux de brebis apparaissent dans ce document regroups autour de La Cavalerie. On note dabord des stocks de peaux dagneaux qui taient ensuite transformes, dans les mgisseries de Millau, en parchemins, supports de lcriture et du savoir et qui seront bien plus tard utilises pour la ganterie millavoise. On trouve encore, la collecte du lait et la fabrication des fromages. Ce patrimoine passa suite la suppression de lordre du Temple en 1312 aux Hospitaliers qui continurent dans la mme orientation luvre damnagement du territoire.

    Laction des Templiers, puis des Hospitaliers, toucha galement lor-ganisation et limplantation des populations, jusqualors disperses en de petites units dexploitation, quils regrouprent au sein de bourgs fortifis comme Sainte-Eulalie, La Cavalerie et La Couvertoirade. Bien que leurs motivations soient encore mal connues, il est probable quils aient souhait offrir aux populations des lieux de sauvegarde physique et morale ou souhait supprimer les petites exploitations non rentables en concentrant leurs efforts sur les terres cralires qui entouraient les bourgs, comme lont fait les Hospitaliers au Viala-du-Pas-de-Jaux, comme en tmoigne encore la tour-grenier. Il se peut galement quils aient voulu matriser le bon usage des concessions de mines de fer men-tionnes dans le rglement des Hospitaliers de 1317, ou encore contrler lutilisation des ptures par les propritaires de troupeaux du voisi-nage. Outre les intrts dfensifs ou conomiques, cette concentration de la population eut un impact direct sur lexploitation des terres : le plateau fut quadrill de chemins bords de murettes ; des jasses (bergeries isoles) abritaient les troupeaux tandis que des lavanhes ou lavognes (mares amnages) permettaient de les abreuver. Le parcellaire du Viala-du-Pas-de-Jaux, encore existant, tmoigne de la rigueur gomtrique de lexploitation des ordres religieux.

    Dsormais, devenue une terre de forte production cralire, le ter-ritoire des Causses et des Cvennes coula ses produits sur les marchs

    LHpital sur le mont Lozre(Photo PNC)

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 32 I

    2.a I desCription du bien

    du sud, gnrant dimportants revenus et permettant ainsi aux ordres religieux daugmenter leurs biens. Matrisant le foncier et exploitant des conditions naturelles favorables llevage, particulirement les immenses pacages quoffrent les plateaux, les ordres religieux contri-burent ainsi au dveloppement du cheptel ovin dont ils tirrent pro-fit par lexploitation de la laine et du cuir ainsi que de la production laitire.

    La suppression de lordre des Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jrusa-lem, dit aussi Ordre de Malte, lors de la Rvolution de 1789 et la vente de leurs biens aux enchres, ne remit pas en cause les marques mat-rielles de leur organisation. Dans un rcent ouvrage intitul Les Trois ors blancs (2009), consacr lextraordinaire lan conomique du pays de Roquefort au xixe sicle, lhistorien Yves Couderc examine les comportements et les choix des deux comices qui avaient pour objectif le progrs agricole du pays, celui de La Cavalerie (Larzac) et celui de Saint-Affrique (pays de Roquefort). Il note les orientations diffren-tes des deux comices, tenant la tradition de leurs terroirs voisins et complmentaires et la culture religieuse de leurs membres influents, catholiques dun ct et protestants de lautre, paradoxalement hri-tiers les uns et les autres des Hospitaliers. Ces travaux dmontrent clai-rement qu La Cavalerie, la prfrence du comice agricole fut donne la laine et la fumure, comme aux temps les plus anciens, pendant que le comice de Saint-Affrique, portait alors leffort de qualit et de rendement sur la laine et sur le lait. Ces choix, hrits de dispositions historiques et culturelles prexistantes, orientrent le dveloppement du textile saint-affricain et de la production fromagre de Roquefort. Laine et lait de brebis furent bien deux premiers ors blancs , le troi-sime tant la houille blanche (usine de la Sorgue) dont la principale utilisation fut de soutenir lindustrie de Roquefort.

    Le Causse du Larzac a conserv jusqu ce jour les marques dune histoire plusieurs fois millnaire qui sest faite sous le signe de la brebis : prennit, dans un paysage de rochers, de dvses et de bois, de la grande traverse nord-sud qui fut dabord celle des troupeaux ; pren-nit des chemins secondaires bords de boissiiras (haies de buis ou bouissires), des bergeries et des lavagnes , des constructions votes aux lourdes couvertures de lauses (plaques de calcaire superpo-ses) ; prennit des bourgs mdivaux protgs par leurs remparts. Mmes, troupeaux de brebis, mme site incontest de Roquefort

    Plus largement, cette priode mdivale tmoigne de cinq sicles dintense activit agro-pastorale due au dynamisme des ordres monas-tiques et religieux militaires qui ont induit un dveloppement de lac-tivit agro-pastorale sur lensemble du territoire des Causses et des Cvennes. Enfin, outre de nombreux tmoignages architecturaux de cette priode, intacts, protgs et encore en situation, avec notamment de remarquables constructions religieuses ou civiles, le systme dexploi-tation mis en place a indniablement favoris ds le Moyen ge une complmentarit socio-conomique et cologique entre les hautes terres et les plaines mditerranennes, base de lorganisation agro-pastorale jusqu nos jours.

    Lpoque moderne et contemporaine : limpact du contexte historique sur les paysages de lagro-pastoralisme

    Bien que les documents mdivaux soient trop imprcis pour dga-ger une vision globale de la vgtation, il semble que les cultures et les ptures dominaient alors sur les plateaux des Causses. Les dclara-tions des biens et droits des communauts tablies en 1687 permet-tent cependant de prciser ltat de la couverture vgtale sous lAncien Rgime. Par exemple, sur le Causse Mjan, ces dclarations font clai-rement apparatre lopposition entre le causse nu et le causse bois. Les bois taient prsents sur les pentes des gorges de la Jonte et du Tarn et sur la partie occidentale du Causse Mjan. Lactivit agricole tait alors organise selon un cycle culture-pture et remise en culture . La plu-part des cultures embroussailles (dnommes issarts ) taient mises en cultures pour une courte dure de 4 5 ans puis laisses en jachre pendant 20 40 ans. Entre le xviie et le xviiie sicle, lagriculture resta trs rudimentaire et se caractrisait socialement par :

    unensembledepetitstenancierspropritairesdefait,cultivantdes crales pour lautoconsommation, levant entre 30 et 50 brebis pour le fumier, la laine, la viande et, accessoirement, le lait. de grands domaines aux mains des nobles (dont les seigneuries ecclsiastiques) puis des bourgeois occupant une grande partie des terres. Les exploitations, employant une main duvre nombreuse, taient gres par des fermiers ou des mtayers. Les terres taient consacres la production de crales et llevage reposait sur des cheptels ovins importants (entre 200 et 300 ttes), essentiellement levs pour lexploitation de la laine. de nombreux paysans travaillant quelques lopins de terre sur les communaux et les sectionaux qui taient, loccasion, embauchs sur les grands domaines lors des travaux agricoles.

    Lobservation du cadastre dit napolonien (premire moiti du xixe sicle), confirme la stabilit de la structure paysagre du xviie si-cle. Les bois sont prsents sur le plateau du Causse uniquement dans la partie occidentale. Une partie importante du plateau est consacre aux cultures, en troite imbrication avec les parcours. Les dfrichements priodiques, ncessaires la mise en place des cultures permettaient de rinitialiser priodiquement les formations vgtales. Aprs de courts cycles de cultures puis de fauche de 6 7 ans, ces dfrichements taient rintgrs aux parcours pendant de longues priodes de 20 50 ans. Ces dfriches ont incontestablement renforc louverture des vastes ten-dues de pelouses jusquau dbut du xixe sicle.

    Si les paysages que les systmes agro-pastoraux ont produits com-portent des caractres particuliers (espaces ouverts, parcours, relation espaces ouverts/couvert bois), ils tmoignent galement, vers la fin de lAncien Rgime, dune histoire agraire indite qui contribue leurs critres dauthenticit et dunicit. Au regard de lhistoire agraire de lEurope, les systmes agro-pastoraux (parmi lesquels les Causses et les Cvennes) ont constitu une source fondamentale de production

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 33

    2. I desCription

    alimentaire qui tait dficiente dans la majeure partie des pays du continent. En effet, jusquau xviiie sicle, les systmes agraires euro-pens reposaient sur la domination de la production cralire qui pro-curait lessentiel de lalimentation des populations (pains et bouillies essentiellement). Ces systmes taient fonds sur les principes de vaine pture, de linterdiction de clore les champs et sur labsence de proprit individuelle des sols, sauf pour les groupes qui dtenaient le pouvoir (aristocratie seigneuriale et clerg). La production de viande ntait que le sous-produit des cultures cralires et elle tait pratique sur les espaces qui ne pouvaient pas tre utiliss pour les cultures ; le btail se nourrissait dherbages spontans. Les systmes agro-pastoraux chap-paient cette rgle dans la mesure o ils taient autonomes par rapport aux labours et aux cultures cralires et prindustrielles (lin et chan-vre pour les textiles).

    La pratique de llevage en masse et de la transhumance tait ainsi primordiale dans la survie des populations qui y trouvaient une source dalimentation carne, protinique et lipidique en complment lali-mentation glucidique. lchelle europenne, ces systmes puissants ont dailleurs donn lieu une conomie pastorale spculative, comme ce fut le cas en Italie (transhumance depuis les Pouilles jusque dans lApennin), en Espagne (transhumance depuis lAndalousie jusque dans les sierras centrales) et en France avec la transhumance depuis les plaines du Languedoc jusque dans les Cvennes.

    partir du xviiie sicle, les agronomes anglais ont mis fin au sys-tme agraire fodal en inventant la culture des fourrages artificiels (gramines en ray-grass et ftuques ; lgumineuses en luzerne, trfle, sainfoin). Cest partir de cette invention que llevage est devenu un secteur de production animale indpendant de la production cralire et que les populations ont pu avoir accs une portion plus leve de viande dans leur alimentation. Elle a engendr une forme de retrait des systmes agro-pastoraux qui navaient ainsi plus le mme intrt social et conomique, mais a galement contribu la fin des diset-tes. Ces processus doivent cependant tre relativiss par la trs grande diversit des rgles de gestion de ces systmes selon les pays ; partout, de nombreuses drogations la rgle commune existaient, fondes sur des ngociations entre les autorits politiques et les communauts paysan-nes. Mais dans lensemble, les principes taient identiques en Europe.

    De mme, le progrs issu de la rvolution industrielle et le dclin de lartisanat textile (production de la soie dans les Cvennes) au cours de la seconde moiti du xixe sicle ont eu pour consquence la dcroissance de la population caussenarde et cvenole. Par ailleurs, lisolement pro-long des Causses et des Cvennes retarda la modernisation de lagri-culture et donc la progression des rendements. Au dbut du xxe sicle, lactivit purement agricole semblait encore relativement autarcique. La production du lait et sa commercialisation pour lindustrie froma-gre de Roquefort en pleine expansion, ne fit que ralentir la disparition des petits producteurs aux revenus insuffisants. la mme poque, la mcanisation faisant son apparition sur les plateaux caussenards mit fin, conscutivement, aux revenus annexes des petits exploitants, autrefois embauchs sur les grands domaines.

    Plan du mas Baldy au Viala-du-Pas-de-Jaux, xviiie s.(Photo Conservatoire du Larzac templier et hospitalier)

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 34 I

    Si les matrices cadastrales attestent de la rgression de la surface forestire entre 1830 et 1913 (cependant sans confirmation des premiers atlas forestiers), il apparat que les ptures ont augment la mme poque au dtriment des terres cultives. Cette transformation est mettre sur le compte dune profonde mutation du systme agraire lie la spcialisation ovine et au dveloppement de lindustrie laitire pour Roquefort. Les pratiques de dfrichement temporaire semblent disparatre la fin du xixe sicle sous la pression du dveloppement de llevage ovin car il ncessitait lintroduction de cultures fourragres pour lalimentation des troupeaux, les jachres et la part des crales produites diminuant alors. Labandon des dfrichements temporaires et la diminution de la pression de pturage provoqurent ainsi le dve-loppement dune dynamique ligneuse partir de la fin du xixe sicle.

    Durant la priode de 1960 1990, lintensification de lagriculture conduite par la Politique agricole commune, incita de nombreux agri-culteurs augmenter leur production pour pallier la chute des prix du lait et de la viande. Il en rsulta une augmentation de la taille des troupeaux, une intensification de lagriculture et des techniques dle-vage qui entrainrent plusieurs modifications sur lespace caussenard et cvenol :

    mcanisationaccrue,utilisationdefertilisants,recoursdesvarits fourragres trs productives, apparition de la technique de lensilage, multipliant les rendements des terres cultivables ; miseenculturedechampsen frichesafindeconstituerdes stocks

    suffisants en crales et en fourrages afin dalimenter les brebis durant lhiver ; extensionetmodernisationdesbtimentspourloger,nourriret,le cas chant, traire les brebis.

    Sous linfluence de la Politique agricole commune, lintensification des systmes dlevage dans les annes 1960 engendre une moindre pression de pturage, et acclre le processus de colonisation par les ligneux. Ces volutions font apparatre un paradoxe : on assiste, dans le mme temps, une reconqute ligneuse sur certaines zones de par-cours alors que la charge pastorale semble avoir augment et que la surface utilise par llevage a trs peu diminu. Lexplication dun tel phnomne ne peut tre apporte que par la comprhension des chan-gements des pratiques pastorales. Toutefois, si le risque de fermeture des paysages ouverts a t analyse jusqu prsent uniquement comme le rsultat dun dfaut de pturage, il ne semble pas que le pturage ait pu lui seul contenir les dynamiques ligneuses sur une aussi longue priode historique.

    La comprhension historique des interactions socits-nature mon-tre limbrication forte des facteurs naturels et anthropiques dans la gense et lorganisation des patrons spatiaux lchelle des paysages des Causses et des Cvennes. Aussi, les paysages actuels ne peuvent-ils tre compris qu la lumire des interactions socits-nature passes. Les pelouses des Causses ne peuvent plus tre uniquement considres comme le rsultat dune utilisation pastorale antrieure. Ce constat implique de repenser les politiques publiques initialement conues pour encourager le maintien des milieux ouverts. Axe sur le pturage ovin dans le cadre des mesures agri-environnementales, cette politique prsentait lavantage dtre une pratique conciliant des productions agricoles, la prservation de la biodiversit et des paysages culturels. Le recours la mcanisation par coupe et gyrobroyage pour limiter et stopper la progression des ligneux apparat aujourdhui comme une mesure ncessaire. Toutefois, en raison des cots financiers importants quil engendre au regard des vastes surfaces concernes, le recours la mcanisation ne peut tre quune mesure ponctuelle et complmen-taire une gestion pastorale. Le maintien des paysages ouverts ne peut se concevoir durablement sans repenser lactivit pastorale, avec un recours accru lutilisation des parcours pour lalimentation des ovins que les gestionnaires politiques et professionnels du territoire, conscients de cet enjeu, encouragent.

    Au final, la lente construction du paysage culturel des Causses et des Cvennes sest peu peu rvle sous leffet dune double manifestation :

    le paysage de lagro-pastoralisme ne procde pas dune histoire linaire, constante et invariable. Elle sinscrit au contraire dans une dynamique dvolutions complexes mettant en jeu diffren- tes chelles, diffrents contextes historiques, conomiques et sociaux, diverses dynamiques naturelles et paysagres. Le paysage de lagro-pastoralisme apparat ce point comme une construc- tion anthropique et multiscalaire. dans le mme temps, le paysage culturel des Causses et des

    Paysage de dolines cultives sur le causse Mjan

    (Photo PNC)

    2.a I desCription du bien

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 35

    Cvennes rsulte des influences exognes, dune histoire ouverte sur le monde : largissement de la demande extrieure en viande, dveloppement de la clientle de ngociants en fromage tout au long du xixe sicle, impact des lois rurales nationales depuis le milieu du xixe sicle, etc.

    Au cours de cette histoire, les moments de crise, de ruptures, de ris-ques furent toujours les bases sur lesquelles ce territoire et ses paysages se sont construit par touches, par ractions et adaptations successives aux contextes, exprimant ainsi non pas une histoire strictement linaire mais un patrimoine vivant et volutif emprunt dune notion invariable de rsilience.

    Cette connaissance historique facilite aujourdhui lappropriation par lensemble des parties prenantes du systme productif territorial de la problmatique dune gestion durable du paysage culturel li lagro-pastoralisme dans ce territoire.

    2) lagro-pastoralisme : une Composante du pastoralisme

    Dans les Recommandations de la runion thmatique dexperts sur les paysages culturels de lagro-pastoralisme mditerranen tenue Meyrueis (Lozre) du 20 au 22 septembre 2007, le pastoralisme est dfini comme un systme dlevage qui utilise en grande partie les ressources vgtales spontanes pour le pturage, le plus sou-vent de faon extensive, soit sur lexploitation mme, soit dans le cadre de la transhumance ou du nomadisme.

    Le systme pastoral, caractris par une socit, des activits dle-vage et des milieux naturels en interaction :

    reprsentedanslemondeactuelundesgrandsensemblesgo- culturels, au mme titre que dautres grandes familles dactivi- ts agricoles, industrielles, commerciales, religieuses, artisti- ques, etc. ; estorganisdanslecadreduneinteractionpermanentede lhomme et de la nature, qui a montr sur de longues priodes un modle efficient de gestion de lhtrognit spatiale et des risques naturels, et qui a produit non seulement des cosys- tmes durables contribuant la biodiversit globale et au dveloppement social et conomique local, mais aussi des paysages culturels dune qualit remarquable ; prsenteunegrandevaritdemodesdemiseenvaleurdes milieux naturels et anthropozoognes (nomadisme, transhu- mance, agro-pastoralisme, sylvo-pastoralisme, levage sden- taire), despces leves (bovins, ovins, caprins, quids, camlids) et densembles rgionaux (steppes dAsie centrale et dAfrique, dserts sahariens et arabiques, bassin mditer- ranen, prairies alpines, Altiplano andin, Pampa argentine, grandes plaines dAmrique du Nord, landes dcosse, etc.) ;

    estmenaclchellemondialedetransformationradicaleou dabandon par les changements environnementaux, climati- ques, physiques, conomiques, sociaux ou politiques qui affectent ses espaces et ses socits.

    Ainsi, les conclusions de la runion thmatique dexperts tenue Meyrueis dfinissent lagro-pastoralisme comme une composante du pastoralisme. Le prfixe agro indique quune part de lactivit humaine est agricole : elle sexerce sur lager (champs cultivs). Elle implique donc amnagement et interventions sur cette part du terri-toire, en relation constante avec la production animale.

    Il y a donc une logique de base de lagro-pastoralisme : lactivit agricole contribue nourrir le troupeau qui en retour le fertilise par parcage ou apports de fumier, ralisant ainsi le transfert dlments fertilisants issus du saltus. Le saltus, dont le troupeau tire le principal de son alimentation, cest la part du territoire qui nest ni amnage et utilise en ager, ni entirement forestire (silva). Le travail pastoral consiste ainsi diriger et accompagner le btail qui doit chercher, dans le saltus, des ressources disperses, en gnral htrognes, qui nont pas ou peu dautres utilisations possibles.

    De faon gnrale, lagro-pastoralisme mditerranen , dont les Causses et les Cvennes reprsentent un exemple complet, constitue un de ces grands ensembles de systmes pastoraux. Il se caractrise par le contexte suivant :

    linfluenceduclimatmditerranen(tsectrssec,hiverdoux froid) ; unreliefquifaitunelargeplacelamoyenneetparfoislahaute montagne, ce qui engendre une grande varit de milieux selon le substrat, laltitude, lexposition et la vgtation, et fournit les condi- tions de la transhumance ; dessolsgnralementdefaibleproductivit; unlevageprincipalementovin,souventassociauxcaprins,locale- ment aux bovins, aux quids ou aux camlids ; certains de ces troupeaux ont conserv des races domestiques locales, produits du savoir-faire des leveurs et supports de leur identit ; unedesrgions,surtroiscontinents,deplusgrandebiodiversitdela plante, en mme temps que trs anthropise ; unehistoirepluri-millnairedinteractionsauseindecetensemble, dbouchant sur une mosaque de systmes agraires et de milieux plus ou moins ouverts ; un ensemble gographique oont prisnaissance les trois grandes religions monothistes, pour lesquelles le berger et son troupeau constituent une symbolique forte.

    Dans ce contexte, les socits agro-pastorales du bassin mditer-ranen ont mis au point des systmes adapts et complexes, alliant pastoralisme, cultures et forts, exploitations intensives et extensives (la plupart du temps mixtes et des degrs variables dans le temps et lespace), sdentarit, nomadisme et transhumance.

    2. I desCription

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 36 I

    2.a I desCription du bien

    Aubrac Gvaudan Margeride Vivarais

    Mont Lozre

    Li m

    i te

    de

    s B

    as

    se

    s C

    v

    en

    ne

    s

    + + + +

    + + + +

    + + + +

    + + + +

    + + + +

    + + + +

    + + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    + + +

    +

    Les g

    arrig

    ues

    lang

    uedo

    cien

    nes

    Mont Aigoual

    Valle du LotLimite Nord1

    2

    3

    4

    5

    Causse deSauveterre

    Causse Mjan

    Causse Noir

    Causse du Larzac

    Causse Bgon

    Causse de Campestre Causse

    Blandas

    Sra

    nne

    Col de Montmirat

    Col de Perjuret

    Col de Montjardin

    Col de la Lusette

    Col de lAscli

    Col de la Croix-de-Berthel

    Col de Jalcreste

    Col de Rhodes

    MILLAU

    MENDE

    Nant

    La Couvertoirade

    Meyrueis

    Florac

    Barre-des-Cvennes

    GANGES

    La Garde-Gurin

    LODVE

    ALS

    LES VANS

    ANDUZE

    SVERAC-LE-CHTEAU

    ST-GUILHEM-LE-DSERT

    ROQUEFORT-SUR-SOULZON

    La Canourgue

    Le Caylar

    0 4 8 10 km

    Source : J. Sgard

    N

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 37

    c) les caractristiques singulires duPaysagecuLtuReL deLagRo-PastoRaLisMe des causses et des cvennes

    1) la struCture paysagre De part et dautre des Cvennes granitiques, les plateaux calcaires

    des Grands Causses et les valles des Cvennes schisteuses forment les deux versants nord-ouest et sud-est dune mme montagne, le promon-toire hercynien. Tout semble les opposer : Atlantique dun ct et Mdi-terrane de lautre, sols calcaires et sols acides, plateaux de hautes terres et valles profondes Pourtant, cette montagne, dont lappartenance ltage forestier du rebord sud oriental du Massif central, entre les altitudes moyennes de 300 1 500 m, manifeste dj lunit physique, a form depuis laube de loccupation humaine un ensemble marqu par les relations incessantes qui se sont tablies entre ses deux versants, comme dans tant dautres montagnes travers le monde, Pyrnes bas-ques ou catalanes, Alpes savoyardes, Caucase abkhaze ou osste, etc. Cet ensemble a t faonn par le pastoralisme itinrant qui a inscrit les relations entre ses deux versants dans le rseau des 300 kilomtres de drailles qui unissent, du sud-est au nord-ouest, les valles des Cvennes schisteuses aux plateaux calcaires des Causses et aux sommets graniti-ques des monts Lozre et Aigoual.

    Plus particulirement, les dmes dnuds des monts Lozre et de lAigoual simposent par leur altitude et par leur masse comme les points dancrage dominants de ce vaste territoire. Du haut de ces massifs se lit la structure physique et paysagre, au sud-est lextraordinaire chevelu des valles cvenoles boises, au nord-ouest lexceptionnel paysage des plateaux caussenards entaills de gorges profondes.

    Entre les monts Lozre et Aigoual, une ligne de sommets ou de pla-tes-formes principalement granitiques, parfois calcaires, confirme leffet de barrire entre le pays du schiste et celui du calcaire. Ces sommets contribuent former lossature du paysage mais galement la limite climatique et la ligne de partage des eaux.

    Entre la barrire des Cvennes et les Causses, un sillon verdoyant dans lequel se sont implantes les rares agglomrations centrales de ce territoire (Ispagnac, Florac, Meyrueis) donne suffisamment de recul pour faire apparatre la dcoupe majestueuse de la falaise des Caus-ses de Sauveterre et Mjan qui surplombent des canyons troits ; cette structure se continue jusqu lextrmit sud du territoire (Causses de Sauveterre, Mjan, Noir, Bgon, Larzac, Campestre, Blandas).

    Le territoire des Causses et des Cvennes offre sur trois cts des limites naturelles :

    ausud-est,lefrontdesreliefsdebassesCvennesetdesdbouchsde valles sur la plaine languedocienne ;

    2. I desCription

    Lgende

    Causses

    Causse nu (espace ouvert)

    Falaise soulignant leffet plateau des deux grands causses lozriens

    Causse bois (bois et clairires)

    Canyon

    Rebord S-O du Larzac

    Hautes Cvennes

    Barrire des Cvennes

    1 Mont Lozre 4 4 Aigoual 2 Bougs 5 Lingas 3 Can de lHospitalet Ligne de crte

    Col (draille)

    Sillon sparant hautes Cvennes et causses (valles du Tarnon, de la Jonte et du Trvezel)Basses Cvennes

    Crte et valle des basses Cvennes Axe des fonds de valles montrant leur orientation S-E Tte de valle en amphithtre naturel Limite entre basses Cvennes et plaine languedocienne (ligne de failles)

    Structure paysagrechelle 1: 400 000

    n 7

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 38 I

    ausud,lefrontduCaussedeLarzac,dominantdesvallonsose sont implantes les cits templires ou hospitalires ; aunord,lesmassifsdelAubrac,etdelaMargeride,sparsdubien propos linscription par la valle du Lot de lAltier et du Chassezac jusqu La Garde-Gurin ; louestaucontraire,aucunelimitenaturellefortenesimpose;on peut toutefois remarquer que la limite entre causse nu et causse bois est prgnante et quelle joue un rle important dans la structure paysagre.

    Cette structure paysagre, couple aux caractristiques physiques

    du milieu (rigueur du climat, irrgularit du rgime des eaux et impor-tance du couvert forestier naturel), est la base de lunit de ce territoire des Causses et des Cvennes dans le sens o cette unit a form le cadre dune culture agro-pastorale commune. Lensemble de ces grands terri-toires est monumental, puissant, parfois violent dans les conditions de vie quil impose ses habitants. Il a exig des socits agro-pastorales qui sy sont implantes au cours des ges des efforts dadaptation et dintgration qui apparaissent dans les multiples tmoignages quelles ont laisss et qui permettent de parler de paysages culturels.

    De mme, ce territoire contraint, loin dtre repli sur lui-mme, a su tirer profit de la complmentarit offerte par les changes avec les plaines urbanises environnantes, tout en rsistant toute forme din-fodation aux villes voisines qui dtenaient les pouvoirs tant temporels que spirituels et conomiques.

    Bien quinscrit entre Mende, Les Vans, Als, Ganges, Lodve et Millau qui peuvent tre qualifies de villes-portes permettant lentre sur le territoire des Causses et des Cvennes, le Bien ne contient aucune concentration urbaine, mais des villages dont le plus peupl, Florac, compte moins de 2 000 habitants. Dune superficie de 3 000 km, limage de ce territoire sapparente directement en cela aux vastes espa-ces protgs quils renferment et qui symbolisent lattachement patrimo-nial grandissant dont ils font lobjet.

    2) des paysages issus du Contexte naturel Faonn par lagro-pastoralisme

    Les valles cvenoles et les gorges caussenardes

    Ce sont des paysages trs varis de valles troites et pentues, gnra-lement orientes est-ouest, qui relient les plaines languedociennes aux massifs montagneux de lAigoual au sud et du mont Lozre au nord.

    Les structures paysagres senchanent, depuis le torrent accompagn de sa ripisylve jusquaux prairies ptures du lit majeur et aux bas de versants doux. Viennent ensuite les terrasses jardines et cultives, autour des motifs rassembleurs du village, hameau ou simple ferme isole. Puis les prs-vergers conduisent aux prairies de pturage et de fauche et enfin la fort qui occupe tous les serres du pays cvenol, sauf leurs crtes lorsquelles sont occupes par les drailles. Ces dernires permettent des

    2.a I desCription du bien

    La chtaigneraie cvenole, corniche des Cvennes >

    (Photo PNC)

    Les gorges du Tarn >(Photo G. Vilquin)

    < Site ruiniforme, Rajal del Gorp

    (Photo DR)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 39

    chappes visuelles importantes ds que laltitude est suffisante. Cest le fameux balcon des Cvennes ou belvdre sur les plaines du Lan-guedoc, popularis notamment par la route touristique de la corniche des Cvennes.

    Ces paysages sont domins par les falaises abruptes des rebords des Causses qui mnent aux tages suprieurs, plateaux et sommets.

    Dans ce paysage la gologie tonnante, plusieurs fleuves ont creus des gorges qui sont parmi les plus impressionnantes et spectaculaires en France : le Lot, le Tarn, la Jonte coulent au pied de falaises vertigineu-ses et inaccessibles. Le monde souterrain, avec ses gouffres, ses avens et ses rivires enfouies, constitue la richesse cache de cette rgion rude mais magnifique.

    Les paysages des hauts plateaux dnuds

    Cette deuxime srie de paysages comprend tous ceux qui simpo-sent lobservateur sitt franchis les cols qui permettent laccs au haut pays, quil sagisse des causses ou de ltage montagnard du Lozre, de lAigoual ou du Bougs.

    Il sagit de grands paysages ouverts de pelouses dallure steppique regroupant lessentiel des zones de pturage extensif aprs limination de la chnaie dorigine. Ils sont faits dune mosaque dhabitats naturels et de formations herbaces dont les formes et les couleurs jaunes, vertes et violaces, souvent associes des reliefs ruiniformes, contribuent au charme si prenant des immensits ouvertes sur des horizons infinis. Les perspectives sont lointaines vers les crtes et sommets, et lorsquelles sont conjugues avec la dcouverte des fermes et villages, elles tmoignent du passage et de laction des btes sous le contrle des hommes. Les regards

    passent au-dessus des valles et des gorges, vritables oasis de ces paysa-ges steppiques. Le voyageur ne les dcouvre que lorsquil sen approche et les surplombe partir de points sublimes , belvdres qui ont faonn limage pittoresque de ces paysages emblmatiques comptant parmi les plus impressionnants du vieux continent europen.

    Lrosion sur le calcaire produit toujours des rsultats surprenants. Le pays des Causses en offre un magnifique exemple avec ce que lon

    appelle ici les chaos. La dsagrgation des calcaires a en effet dgag des roches aux formes tranges (site de Nmes-le-Vieux, au nord-est de Meyrueis et site de Montpellier-le-Vieux, sur le causse Noir).

    Les paysages des crtes et des sommets

    Ils occupent les altitudes les plus leves et culminent sur les som-mets entre les altitudes moyennes de 1 400 1 600 m. Cest le point daboutissement suprieur des troupeaux dovins transhumants, ainsi que des bovins en provenance des tables lozriennes du nord. Les forts forment le socle des monts avant les landes et les prairies des sommets. Dominant tout le sud du Massif central, le mont Aigoual et le mont Lozre sont les deux grands repres paysagers de cette partie sud de la France.

    2. I desCription

    < Doline(Photo A. Lagrave)

    > Estive sur la serre de Rbiouse(Photo PNC)

  • causses & cvennes Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco 40 I

    3) des Formes dtablissements humains : trois types darChiteCture tirs des struCtures gologiques

    La valeur des paysages cvenols et caussenards tient la prsence dun trs important patrimoine bti, quil sagisse de lhabitat ou de btiments lis lconomie agro-pastorale, difis avec les ressources tires du sous-sol.

    a) Loccupation des valles cvenoles et larchitecture du schiste

    Larchitecture des Cvennes commence au fond des vallons, o se dressent barrages et digues de pierres, se poursuit avec ltagement des terrasses de culture, qui forment parfois de vritables amphithtres, et sintroduit jusque dans les chtaigneraies et les landes qui tapissent les hauts de versant. Lhabitat est ancr au cur de ce dispositif dont il nest quun lment.

    Les maisons isoles ne sont pas rares dans les Cvennes, mais la forme prdominante de lhabitat est le hameau de cinq dix mas. Les villages, lorsquils existent, stirent interminablement le long de la route, chaque maison ayant une entre sur la rue, une autre sur le jardin et, au-del, sur la campagne ou plutt la montagne. Le vil-lage-rue est tout en bas, le long dun gardon ; plus haut on trouve des villages plus modestes chefs-lieux de commune, qui commandent des quartiers composs de hameaux et de fermes isoles, mais toujours proches les uns des autres.

    Autour des btiments principaux stagent les jardins, avec les bas-sins, les ruchers, les aires battre, le cimetire familial, les btiments secondaires. Tout un rseau de circulation permet daccder aux dif-frents tages des btiments et de relier les lments de lexploitation (venelles, sentiers, escaliers entre les terrasses...). Les maisons sont au centre de clairires presque toujours amnages en terrasses, compre-nant les jardins, quelques vignes, les terres labourables et les prs (sou-vent complants en arbres fruitiers et en mriers). Au-del, la chtai-

    gneraie vient battre de toutes parts ce premier cercle : elle est elle-mme truffe de petits btiments spcialiss, les cldes (schoirs chtaignes). Plus haut, enfin, les arbres laissent la place des pturages eux-mmes constells de bergeries (les jasses), utilises par des micro-transhuman-ces estivales.

    La maison-type des Cvennes schisteuses est construite perpendicu-lairement aux courbes de niveau : le mur-pignon ouvert sur la val-le. De ce fait leur espace habitable est rduit mais offre une meilleure rsistance aux glissements de terrain craindre sur le socle schisteux. La configuration du terrain fait quil est mal commode de stendre au sol. Les agrandissements quand ils ont eu lieu se sont donc effectus par le haut, conomisant lespace cultivable, et rduisant le cot de la construction. Toutes les menuiseries sont en chtaignier : les plan-chers comme les escaliers intrieurs et les cloisons qui combinent par-fois bois et mortier. Le chtaignier est aussi le matriau par excellence de la charpente. Les propos de Patrick Cabanel dans LHistoire des Cvennes, dcrivent bien linteraction de lhomme et la nature dans la rgion : Bois et pierre : maison dans la chtaigneraie, chtaignier dans la maison, cest une des raisons de la profonde cohrence du paysage des Cvennes, au-dedans comme au-dehors . Les toits sont en lauzes de schiste ou en tuiles romaines pour les parties les plus basses.

    On peut distinguer dans les valles cvenoles une architecture populaire, qui se rattache au petit patrimoine rural, et des exemples darchitecture bourgeoise, notamment lorsquil sagit de demeures de ngociants en soie. La plantation dun palmier lentre de certaines demeures permettait de marquer la russite sociale des occupants des lieux.

    b) Loccupation des monts et larchitecture du granite

    Au cur de la montagne, o le granite est particulirement massif, les contraintes lies la duret du matriau, la rigueur du climat, laltitude tant comprise entre 1 000 et 1 400 mtres, et la relative sta-bilit des modes de production sur la longue dure, ont engendr un type de construction dont les formes se sont perptues, identiques elles-mmes, jusqu un pass rcent. Larchitecture de granite du mont Lozre reste toujours dune grande sobrit. Les constructions la

    2.a I desCription du bien

    < Architecture de schiste, le hameau de Castagnols

    Vialas(Photo PNC)

    Architecture de granite, le mas Camargues >

    (Photo PNC)

  • Dossier De canDiDature au patrimoine monDial De lunesco causses & cvennes I 41

    silhouette trapue se fondent dans lenvironnement naturel. de rares exceptions prs, lhabitat du mont Lozre est regroup

    en villages dont le tissu est assez lche. Cet habitat group mi-pente, dans une zone de replats intermdiaires entre les sommets et les valles, sest install l o sest accumul un peu de sol cultivable, arrach au versant par lrosion. Dans les champs, ne demeure bien souvent que le trac des murettes de clture. Les multiples enclos mobiles o lon parquait les troupeaux ont disparu. Reste le trac des chemins et des drailles . Par contre, aucun btiment en dur nabritait les moutons, ni mme les bergers qui dormaient dans des cabanes mobiles, dplaces nuit aprs nuit, au gr des fumatures.

    Dans les valles en revanche, les maisons hautes, troites, contigus, retrouvent la contrainte de la pente et lexigut des terrains btir.

    Les contraintes lies au milieu montagnard sadoucissent lorsquon sloigne des hauts plateaux : dautres modles de construction interf-rent alors, quand le sol disponible se rduit (sur le versant), ou lorsque le contact avec dautres matriaux autorise le mlange avec le calcaire, le schiste (massif du Bougs...), ou les deux (valle du Lot...). Mais mme dans le cur du massif granitique interviennent aussi, pour modifier quelque peu la forme des constructions, la qualit du mat-riau ou le statut social des habitants.

    La maison type des monts granitiques est demi enterre dans le sol ct nord et oriente sa faade vers le sud. Adosse au relief, elle utilise la pente pour accder aux diffrents niveaux, la leve de terre ou de pierre appele montoir (montadou) permettant daccder de plain pied au niveau de la grange. On rencontre deux types dorganisation de la mai-son sur les monts : le modle en barre, dans lequel ltable et le logis sont dans le prolongement lun de lautre, sous le mme toit, spars par une cloison de bois. Ces maisons sont construites sur deux niveaux, un rez-de-chausse qui abrite le logis et ltable et un tage (pailler, fenil). Parfois, une ca