Les Camps Allemands Nazis

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La crise économique de 1929, qui alla jusqu’en 1933, toucha pra-tiquement tous les pays du monde, provoquant l’effondrement de l’économie allemande et une radicalisation de l’opinion pu-

blique. Le NSDAP, le parti d’Adolf Hitler qui adoptait les slogans de lutte contre le « diktat de Versailles » et le « système de Weimar », com-mença à monter en puissance. En juillet 1932, il récolta la majorité des voix lors des élections au Reichstag. Le 30 janvier 1933, le Président Hindenburg nomma un gouvernement de coalition avec Hitler comme chancelier. Le Reichstag fut incendié le 27 février 1933, les commu-nistes furent mis en cause. Le lendemain, le président promulgua un décret « sur la défense de la nation et de l’État », qui ouvrit la voie à la dictature hitlérienne. Après la mort du Président Hindenburg en 1934, Hitler gagna le pouvoir absolu en tant que « Führer et chancelier du Reich ». Les opposants du NSDAP eurent à souffrir de cruelles persé-cutions qui consistaient souvent en la mise en « détention de sûreté » (Schutzhaft). Celle-ci équivalait en pratique à la déportation dans des camps, bientôt baptisés « de concentration » (Konzentrationslager).

Le premier camp de concentration fut établi le 21 mars 1933 à Dachau, près de Munich, sur l’ordre d’Heinrich Himmler. Destiné aux personnes en détention de sûreté, il devint le modèle du camp de concentration dans toute l’Allemagne. Des camps furent créés à Sach-senhausen, dans la banlieue d’Oranienburg, près de Berlin (en juin 1936) ; à Buchenwald, près de Weimar (en juillet 1937) ; à Flossenbü-rg, en Bavière (en mai 1938) ; à Mauthausen, en Autriche, annexée à l’époque au Troisième Reich (en août 1938) ; et à Neuengamme près de Hambourg (décembre 1938).

Au début, les camps de concentration étaient soumis au contrôle de la police. On y déportait des personnes qui « menaçaient la nation et l’État ». La police politique (la Gestapo) émettait un mandat de

Adolf Hitler prend le pouvoir en Allemagne.

Les premiers camps de concentration.

Himmler prend le contrôle du réseau de camps de concentration en Allemagne.

Les années 1933–1939

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Prisonniers d’un camp de concentration lors d’un appel, Dachau juin 1938.

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détention sans aucun procès. Jusqu’au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les camps de concentration étaient des lieux d’iso-lement plutôt que d’extermination à grande échelle. La propagande nationale-socialiste prônait des slogans de « rééducation » : le travail dur et la discipline de fer allaient ramener les détenus au sein de la so-ciété allemande. En réalité, c’était un moyen de débarrasser la société de ceux qui étaient considérés comme des ennemis ; dans les camps, les détenus étaient contraints à travailler au-delà de leurs forces et soumis à des tortures corporelles et mentales.

En 1943, le réseau de camps passa sous le contrôle du Reichs- führer SS (le plus haut dirigeant des SS), Heinrich Himmler, qui était également le chef suprême de la police allemande depuis 1936. Ainsi, Himmler prit le pouvoir sur un appareil puissant, censé protéger le Troisième Reich contre les ennemis intérieurs, c’est-à-dire les adver-saires politiques. C’est pourquoi les premiers prisonniers des camps de concentration furent des Allemands : communistes, sociaux-démo-crates, membres de syndicats, représentants du clergé catholique et protestant et, après la Nuit de Cristal (du 9 au 10 novembre 1938), Juifs. Ils étaient tous considérés comme des « éléments indésirables ». À cette catégorie s’ajoutaient également les délinquants, les vaga-bonds, les mendiants, les prostituées, les homosexuels, ainsi que les membres du groupe religieux des Étudiants de la Bible (Témoins de Jéhovah), les Roms et les Sinti (Tziganes). On estime que plus de 170 000 personnes passèrent par les camps de concentration alle-mands avant le début de la guerre.

En septembre 1939, l’Office central de la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt, RSHA), l’un de douze offices centraux des SS, fut créé dans le cadre d’une réorganisation des structures du pou-voir de ces derniers. Dès lors, les mandats de détention dans un camp de concentration, ainsi que toute décision portant sur le sort des déte-nus, y compris la décision de les libérer, provenaient exclusivement du RSHA. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le chef de la police de sécurité et du service de sécurité, Reinhardt Heydrich, émit une circulaire sur la nécessité de mettre en « détention de sécurité » les Polonais figurant sur les listes de proscription.

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Le 1er septembre 1939, l’Allemagne attaqua la Pologne, déclen-chant ainsi la Seconde Guerre mondiale. Le 3 septembre, le Royaume-Uni et la France déclarèrent la guerre à l’Allemagne,

sans pourtant entreprendre aucune action militaire. La Pologne était abandonnée. L’invasion soviétique du 17 septembre et l’occupation des territoires est de la Pologne par l’Armée rouge aggravèrent encore la situation.

Malgré la prépondérance de l’ennemi et la nécessité de se dé-fendre contre l’invasion sur deux fronts à la fois, l’armée polonaise lutta pendant 35 jours. Varsovie se défendit jusqu’au 28 septembre. La dernière bataille livrée par l’armée polonaise régulière eut lieu du 2 au 5 octobre 1939 à Kock. La Pologne était une perdante solitaire. L’opinion publique européenne était pleine d’admiration pour l’hé-roïque résistance des Polonais.

La Pologne dans la Seconde Guerre mondiale

Après l’agression soviétique de la Pologne, les autorités nationales émigrèrent. Le 1er octobre 1939, le gouvernement du général Władysław Sikorski prêta serment à Paris. En novembre, son siège fut transféré à Angers. Dès juin 1940, le gouvernement polonais opérait depuis Londres. Après la résignation du maréchal Edward Rydz-Śmigły, le Premier ministre Sikorski devint également le commandant en chef de l’armée polonaise formée sur le territoire français et, dès l’été 1940, en Angleterre. Les Forces armées polonaises en Occident participèrent à la bataille d’Angleterre, elles combattirent en Norvège, en France, ou encore en Libye. En 1944, elles prirent part à l’opération

La politique allemande sur les territoires polonais occupés pendant la Seconde Guerre mondiale

Le déclenchement de la Seconde Guerre

mondiale.

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Le général Władysław Sikorski avec des soldats polonais en France.

Source : Domaine public

Le terme « État polonais clandestin » fut forgé par le célèbre courrier Jan Karski. Le 15 décembre 1943, dans une publication du ministère polonais de l’Information à Londres parut un article de Jan Karski intitulé « L’État polonais clandestin », décrivant l’or-ganisation, les objectifs et les mé-thodes de travail de la Résistance polonaise.

Source : Collection de Robert Szuchta

1 En 1943, des formations militaires polonaises, subordonnées au pouvoir communiste, furent créées en URSS pour lutter avec l’Armée rouge sur le front de l’Est. En 1945, elles partici-pèrent à des opérations militaires en Allemagne, dont la bataille de Berlin.

en Normandie, ensuite à la libération de la France, de la Belgique, des Pays-Bas et de l’Italie, ainsi qu’aux opérations menées sur le territoire allemand1.

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Les Polonais restés sur les territoires occupés et les Alliés reconnurent les nouvelles autorités en exil comme une continuation constitution-nelle de la IIe République. Au cours des premiers mois de la guerre, on se mit à créer à l’intérieur du pays occupé des institutions étatiques clandestines soumises au Gou-vernement polonais en exil. Elles portent le nom commun d’État polo-nais clandestin.L’État polonais clandestin disposait de structures civiles dans les do-maines de la vie publique interdits par l’occupant, tels que l’enseigne-ment, la culture et la science, l’assistance sociale et la justice, ainsi que des structures militaires. Le Service de la Victoire polonaise, puis l’Union de la Lutte armée, devenue en février 1942 l’Armée de l’Inté-rieur, avec un effectif de 350 mille soldats à l’été 1944, en formait le bras armé qui avait pour tâche de combattre l’occupant. En août 1944, une insurrection éclata à Varsovie, occasionnant la mort de 150 mille per-sonnes et la destruction complète de la ville.

Le quartier historique de Varsovie en ruines (photographie de 1945).Source : Domaine public

Le volet militaire était également responsable de la sécurité des struc-tures civiles de l’État polonais clandestin et de la communication entre la Pologne et le Gouvernement polonais en exil. Il menait aussi une ac-tivité de renseignement pour les besoins des Alliés.

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la Poméranie, la Silésie et la Grande Pologne) et au centre (y com-pris la Mazovie), représentant environ 49% du territoire et quelques 22 millions d’habitants, par l’Allemagne. Le territoire occupé par l’armée allemande fut divisé en catégories administratives diverses. La partie la plus à l’ouest fut annexée au Reich sous le nom du Pays de la Warta (Wartegau). Sur le reste du territoire fut mis en place, en vertu du décret d’Hitler en date du 12 octobre 1939, le « Gouver-nement général pour les territoires polonais occupés » (Das General- gouvernement für die besetzten polnischen Gebiete), avec une administration

Le partage du territoire polonais entre le Troisième Reich et l’URSS.

Le 28 septembre 1939, la Wehrmacht et l’Armée rouge se réunirent à Brest sur le Boug. Les commandants allemands et soviétiques organi-sèrent ensemble une parade militaire officielle.

Le même jour, l’Allemagne et l’Union soviétique signèrent à Mos-cou un traité de délimitation et d’amitié modifiant la frontière et par-tageant le territoire polonais entre les deux agresseurs. La Pologne orientale, représentant près de 51% du territoire et 14,3 millions d’ha-bitants, fut occupée par l’URSS, alors que les terres à l’ouest (soit

Les soldats allemands et soviétiques fêtent la victoire commune sur la Pologne lors d’un défilé à Brest sur le Boug.

Source : Domaine public

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civile allemande. Hans Frank fut désigné pour le diriger. Il choisit Cracovie pour siège et capitale du GG. Après l’agression allemande contre l’URSS en juin 1941, une partie des terres polonaises occupées par cette dernière jusque-là fut incorporée au Gouvernement général sous le nom du District de Galicie, alors que le reste des terres saisis par les Allemands fut rattaché au Commissariat du Reich d’Ukraine (Reichskommissariat Ukraine) et au Commissariat du Reich de l’Est (Reichskommissariat Ostland).

Depuis le début de la guerre, les territoires incorporés au Reich furent l’objet d’une germanisation intensive. Des milliers de Polonais et de Juifs furent expulsés, expropriés et déportés dans des camps de transit et de déplacement. En premier lieu, les expropriations touchèrent les propriétaires fonciers, les commerçants, les artisans, les agriculteurs possédant leurs propres exploitations ainsi que les intellectuels. Tous leurs biens revinrent au Reich.

Délogés de leurs propres maisons, dépouillés de tout ce qu’ils avaient accumulé durant leur vie, persécutés, ces gens devaient être remplacés par des colons allemands originaires des pays baltes (Litua-nie, Lettonie, Estonie) ainsi que d’Europe du sud-ouest (Roumanie). A la fin de l’année 1941, on comptait environ 200 000 Allemands ins-tallés sur ces territoires .

Selon des sources allemandes et des estimations d’historiens, près de 1 672 000 personnes furent expulsées ou transplantées des terri-toires polonais occupés par le Troisième Reich dans les années 1939–1944, dont 365 000 furent déportées vers le Gouvernement général et 37 000 vers le Reich pour être germanisés.

Les pouvoirs allemands d’occupation appliquaient une politique de terreur envers la population civile du Gouvernement général. Afin de paralyser la société polonaise et étouffer toute manifestation de résis-tance, l’occupant exterminait systématiquement l’intelligentsia et les élites politiques polonaises.

Hans Frank, à propos des principes de la politique allemande envers la société polonaise et de l’application de la terreur :

« Il est permis de dire d’une manière générale que nous aurons affaire à une résistance croissante de la part de l’intelligentsia, de l’Église et des ex-officiers. Il existe déjà des formes d’activité dirigées contre notre do-mination dans ce pays. Il n’y a pas lieu de nous alarmer, nous pouvons

La politique anti-polonaise de l’occupant

sur le territoire du Gouvernement général.

L’expulsion des Polonais hors des territoires

incorporés au Reich.

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attendre tranquillement le déroulement des événements. La moindre tentative d’action, de quelque nature que ce soit de la part des Polonais provoquera une colossale expédition destructrice contre eux. Je ne re-culerai alors devant aucune terreur, même la plus cruelle, avec toutes ses conséquences ».

En 1940, la police allemande mena une « opération de pacifica-tion extraordinaire », appelée « Opération AB » (Ausserordentliche Befriedungsaktion). Elle provoqua la mort de 6500 personnes, dont 3500 représentants des élites et 3000 personnes qualifiées de « criminels » par les Allemands.

Cimetière de Palmiry, lieu de sépulture des victimes des exécutions massives.

Dès le début de l’occupation, ce petit village au bord de la Forêt de Kampinos, près de Varsovie, devint un symbole des crimes hitlériens. Les exécutions commencèrent en décembre 1939 et durèrent jusqu’en juillet 1941. Plus de 2000 personnes que les Allemands considéraient comme élites de la société polonaise furent assassinées ici.

Source : Collection de Robert Szuchta

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Bochnia, le 18 décembre 1939. Une des premières exécutions de civils polonais en Pologne occupée.

Source : Domaine public

Les exécutions publiques dans les

villes.

Les soldats allemands assassinaient les activistes sociaux, les fonc-tionnaires publics, les artistes et les sportifs. Ils dévastaient les monu-ments culturels, les églises, les palais et les manoirs. Les collections des musées, les collections d’art privées, les archives étaient transpor-tées vers le Reich. Les institutions culturelles furent supprimées. Les Allemands cherchaient à complètement détruire la vie culturelle po-lonaise.

Toute violation du droit imposé par l’occupant était passible de peines sévères. Pire encore, les Allemands appliquaient le principe de respon-sabilité collective. Les exécutions publiques de masse dans les villes sont un symbole du régime de terreur allemand. Les noms des otages fusillés figuraient sur des affiches accrochées aux murs des villes

polonaises. Chacun était susceptible de devenir une victime, même sans appartenir à la résistance. Les individus arrêtés par hasard dans une rafle de rue pouvaient échouer dans un camp de concentration ou aux travaux forcés dans le Reich. La population rurale, elle aussi,

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La politique antisémite de l’occupant. Les ghettos sur les territoires polonais occupés.

était menacée de répressions, d’exécutions et d’opérations de pacifi-cation. Les Allemands brûlaient des villages entiers et assassinaient leurs habitants pour tout soutien accordé à la Résistance polonaise. On estime actuellement à plus de 1,5 millions le nombre de personnes d’origine ethnique polonaise tuées par les Allemands pendant la Se-conde Guerre mondiale.

La politique de terreur était également appliquée sur les terri-toires occupés par l’URSS. Les citoyens polonais mouraient dans les camps, étaient tués dans les prisons et déportés vers l’intérieur de l’Union soviétique. Le nombre de victimes de répressions est estimé à 600 mille personnes.

Dès le début de l’occupation, les Juifs firent l’objet de persécutions particulièrement cruelles. Privés de tous leurs droits, ils étaient dépor-tés, expropriés et brutalisés. Les soldats allemands ridiculisaient leur religion et leurs coutumes. La séparation de la population juive d’avec la population chrétienne et son isolement dans des zones spéciales ap-pelées ghettos furent l’uns des premiers actes de répression contre

Construction du mur séparant le ghetto de la « partie aryenne ». Varsovie, août 1940.

Source : Domaine public

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La « solution finale du problème juif ».

les Juifs. Il y eut environ 600 ghettos sur le territoire du Gouverne-ment général. Les premiers furent mis en place à l’automne 1939. Un an plus tard fut créé le ghetto le plus grand, celui de Varsovie. Localisé dans la partie nord de la capitale polonaise, il était entouré d’un mur en brique de trois mètres. Sur une surface de 307 hectares furent entassés plus de 450 mille enfants, femmes et hommes juifs qui n’avaient pas le droit d’habiter en dehors de cette zone. Les ghettos faisaient partie de la politique allemande d’extermination de la popu-lation juive. Isolés du monde extérieur, les Juifs étaient astreints à un travail d’esclaves pour l’Allemagne. Surpeuplement, maladies, faim et sentiment d’abandon étaient à l’origine d’un taux de mortalité élevé parmi les habitants du ghetto.

Pour les Allemands, la « solution finale du problème juif » consis-tait dans l’extermination de tous les Juifs d’Europe. Les historiens estiment qu’une série de décisions et de mesures prises entre juil-let et octobre 1941 par les autorités publiques allemandes issues du NSDAP, soit les dirigeants et les administrateurs de l’Europe occupée, fut à l’origine de la décision d’exterminer les Juifs. Ces décisions tou-chaient les Juifs habitant à l’est de l’Europe, sur les terres polonaises incorporées au Troisième Reich, sur le territoire du Gouvernement général, sous occupation allemande, en Allemagne, en Autriche, sur le territoire du Protectorat de Bohême-Moravie, dans les pays occupés d’Europe occidentale et méridionale, ainsi que dans les pays alliés au Troisième Reich.

Le génocide juif commença en été 1941, immédiatement après l’invasion allemande des territoires saisis par l’Union soviétique deux ans auparavant (conformément au pacte germano-soviétique). Les Juifs étaient tués dans des exécutions de masse organisées par les unités des Einsatzgruppen, de l’Ordnungspolizei et du KdS. Quand une technique plus efficace de donner la mort – la chambre à gaz – fut in-ventée, le massacre des Juifs sur le territoire du Gouvernement géné-ral prit un caractère, pour ainsi dire, industriel. Comme la plupart des Juifs habitaient l’Europe orientale, surtout les terres polonaises et les terres occidentales de l’URSS, c’est ici que les Allemands décidèrent de réaliser leur projet, une décision dictée par des raisons strictement techniques (ou logistiques). Ils espéraient que le monde occidental ne découvrirait jamais en quoi consistait la « solution finale du problème juif ». Ils supposaient également que les collectivités locales n’entre-prendraient aucune action pour défendre les Juifs, soit par antipathie à leur encontre, soit par peur.

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L’« Opération Reinhardt ».

Le processus d’extermination des Juifs sur le territoire du Gouver-nement général et du District de Bialystok fut baptisé « Opération Reinhardt » (« Aktion Reinhardt »). Son plan prévoyait la liquidation des ghettos, la déportation des Juifs vers des camps d’extermination et la saisie de leurs biens. L’opération fut dirigée par un état-ma-jor spécial de Lublin créé par Odilo Globocnik, le chef de la police et des SS (SSPF) local. Le personnel engagé dans l’Opération Rein-hardt se composait de 453 officiers et sous-officiers des SS et d’environ 350 gardes placés en faction dans les camps d’extermination. L’opéra-tion commença à la mi-mars 1942, quand les Juifs du ghetto de Lublin en cours de liquidation furent déportés vers le camp de Belzec.

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Au moment du déclenchement de la Seconde Guerre mon-diale, les Allemands commencèrent à développer un réseau de camps de concentration. Le nombre de détenus augmenta,

la destination et la composition nationale des camps évoluèrent. Les camps cessèrent d’être seulement un lieu d’emprisonnement, d’isole-ment et de « rééducation » : ils devinrent avant tout un instrument de lutte contre les adversaires politiques et les membres de la Résistance dans les pays occupés par les Allemands.

Conformément aux buts idéologiques du nazisme, les Allemands en-visageaient de nettoyer les terres polonaises « de l’élément racial in-désirable », ce qui signifiait en pratique l’expulsion des Polonais et la germanisation du territoire polonais par les colons allemands. De 1939 à 1945, les Allemands fondèrent sur le territoire polonais occu-pé plusieurs camps de concentration centraux, notamment à Sztu-towo (KL Stutthof) près de Gdansk, à Oswiecim (KL Auschwitz) en Haute Silésie, à Majdanek près de Lublin (KL Lublin) et à Cracovie (KL Plaszow). Chacun de ces camps avait de nombreux sous-camps.

Les prisonniers politiques formaient le groupe le plus important dans les camps de concentration. Sur leurs tenues de camp rayées était cou-su un triangle de couleur rouge. Les prisonniers du camp d’Auschwitz étaient identifiés par le numéro tatoué sur leur avant-bras gauche, alors que ceux du camp de Majdanek à Lublin, par un numéro frappé sur une plaque en aluminium.

Les camps de concentration et camps d’extermination, des éléments de la politique d’occupation allemande sur les territoires polonais

Les camps de concentration allemands

sur les territoires polonais occupés.

Les catégories de prisonniers.

Les nouvelles fonctions des camps

de concentration.

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Catégories de prisonniers du KL Auschwitz et leur marquage :

Juifs (deux triangles superposés formant une étoile à six branches).

Prisonniers politiques (triangle rouge), personnes arrêtées lors de di-verses actions de répression ou pour leur activité au sein de la Résis-tance ; la plupart étaient Polonais.

Prisonniers asociaux (triangle noir), catégorie réservée aux Tziganes ainsi qu’aux prostituées.

Prisonniers de guerre (signe SU, Sowjet Union), catégorie désignant à Auschwitz exclusivement les prisonniers de guerre soviétiques.

Détenus aux fins de rééducation (signe EH, Erziehungshäftling), pla-cés au camp pour un manquement réel ou prétendu à la discipline du travail.

Prisonniers criminels (triangle vert).

Témoins de Jéhovah (triangle violet).

Homosexuels (triangle rose).

Panneau original sur lequel étaient inscrites les catégories de prisonniers dans les camps allemands nazis.

Source : Domaine publique

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L’organisation des camps de concentration allemands.

La plupart des camps de concentration étaient soit pourvus d’un établissement de production et d’une exploitation agricole soit si-tués près de grandes usines appartenant à des groupes industriels al-lemands dont l’activité était le plus souvent liée à l’industrie de la guerre. Astreints à travailler au-dessus de leurs forces, les prisonniers mouraient souvent de fatigue. Ils étaient décimés par les maladies, la faim, l’épuisement physique et cérébral mais également par la cruau-té impunie des SS. Ils habitaient dans des baraquements en bois éxi-gus et non chauffés, même pendant le gel le plus redoutable.

Intérieur d’un baraquement équipé de châlits à double étage à Auschwitz-Birkenau. Un baraquement de ce genre abritait plusieurs centaines de prisonniers.

Source : Collection de Robert Szuchta

Les prisonniers des camps de concentration étaient soumis à des expériences pseudo-médicales suite auxquelles ils mouraient ou étaient mutilés à jamais.

Tous les camps furent créés par les pouvoirs allemands pour mettre en œuvre la politique nazie. Le commandement, l’administration et le personnel des camps étaient encadrés soit par des Allemands, soit par des Autrichiens. Les revenus des camps, provenant entre autres du pillage des biens des victimes à leur arrivée, alimentaient le budget de l’État nazi qui finançait l’effort de guerre allemand.

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Des citoyens d’autres pays européens occupés étaient également détenus dans le camp d’Auschwitz. À côté des Polonais, Juifs, Roms et prisonniers de guerre soviétiques, les nazis y déportèrent environ 25 mille personnes d’autres nationalités. Le groupe le plus nombreux était celui des Tchèques, suivis des Biélorusses, des Allemands, des Français, des Russes, des Yougoslaves (Slovènes, Serbes, Croates) et

Le 14 juin 1940, le premier convoi avec 728 prisonniers politiques arriva au camp de concentration d’Auschwitz de la prison de Tarnow. Les prisonniers étaient des Polonais (dont une douzaine de Juifs), surtout jeunes : membres d’organisations clandestines et soldats qui avaient combattu lors de la campagne de Pologne en 1939 et furent arrêtés lorsqu’ils tentaient de pénétrer en Hongrie pour ensuite arri-ver en France où se formait à l’époque l’armée polonaise.

Source : Domaine public

La création du KL Auschwitz.

Situé dans les faubourgs d’Oswiecim, une ville incorporée au Troi-sième Reich en 1939, le camp de concentration d’Auschwitz fut créé le 27 avril 1940 sur l’ordre de Himmler. Il était le plus grand camp sur les territoires européens occupés par les Allemands.

Installé dans une caserne, le camp était destiné aux membres de la Résistance polonaise provenant de Haute Silésie et du Gouvernement général. Sa mise en place était liée au surpeuplement des prisons. Les commandants successifs du camp furent : Rudolf Höss (jusqu’en no-vembre 1943), Arthur Liebehenschel (jusqu’en mai 1944) et Richard Baer (jusqu’en janvier 1945).

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des Ukrainiens. Le camp vit également quelques Albanais, Belges, Danois, Espagnols, Grecs, Hongrois, Italiens, Lettons, Lituaniens, Luxembourgeois, Néerlandais, Norvégiens, Roumains, Slovaques et Suisses, ainsi qu’un Argentin, un Bulgare, un Chinois et un Estonien.

Le camp fut systématiquement étendu pendant toute la période de son existence. À cette fin, le quartier de Zasole fut entièrement vidé de ses habitants et les immeubles d’habitation furent détruits. Jusqu’à la fin de l’année 1941, les expulsions touchèrent également la popula-tion des villages voisins de Babice, Budy, Rajsko, Brzezinka, Broszko-wice, Plawy et Harmeze. Ce terrain dépeuplé d’ une superficie de 40 kilomètres carrés servit à la création de la « zone d’intérêt du camp » (Interessengebiet). Une double enceinte en barbelés à haute tension entourait le terrain proprement dit du camp. Ses pylônes étaient mu-nis de projecteurs qui éclairaient le camp la nuit. Des SS armés de mitraillettes veillaient dans les miradors disposés le long de l’enceinte.

À l’image des autres camps de concentration, la porte d’entrée du camp d’Auschwitz était ornée de l’inscription Arbeit macht frei – « Le travail rend libre ». La porte se trouvait dans la partie nord du camp qui était inaccessible et invisible pour les personnes non autorisées.

Enceinte du KL Auschwitz.Source : Collection de Robert Szuchta

Le développement du KL Auschwitz.

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L’ensemble de sous-camps du KL Auschwitz.

Un réseau de camps subordonnés au camp-souche (Stammlager), locali-sé à Oswiecim, formait l’ensemble du complexe d’Auschwitz. Celui-ci se composait de trois parties : 1) le camp-souche (Auschwitz I) ; 2) le camp Auschwitz Birkenau (Auschwitz II) dans le village de Brzezinka éloigné de 3 kilomètres d’Oswiecim ; 3) le camp Auschwitz III-Mo-nowitz (ensemble de sites industriels dont le plus grand était le IG Farbenindustrie, un établissement installé dans les villages évacués de Dwory et de Monowice, où en 1945 encore 35 000 personnes, dont 10 000 prisonniers, étaient exploitées comme des esclaves). Plus de 40 sous-camps étaient également subordonnés au KL Auschwitz qui bé-néficiaient du travail forcé des prisonniers. Le réseau s’étendait sur le territoire de la Silésie. Le camp le plus éloigné se trouvait à Brno, dans la région tchèque de Moravie.

Entrée du KL Auschwitz.Source : Collections de Robert Szuchta

Lors du premier appel, Karl Fritzsch, le commandant du camp, s’adressait aux déportés en ces mots :

« Je vous préviens que ce n’est pas dans un sanatorium, mais dans un camp de concentration alle-mand que vous arrivez, dont l’unique issue est la cheminée du crématoire. Si ça ne plaît pas, vous pouvez tout de suite vous jeter sur les fils à haute tension. S’il y a des Juifs dans le transport, ils ne sont pas autorisés à vivre au-delà de quinze jours, les prêtres, d’un mois, les autres, de trois mois ».

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Lors de sa visite au KL Auschwitz en mars 1941, Heinrich Himmler indiqua le village de Brzezinka comme lieu d’un camp futur à mettre en place. Il était prévu initialement d’y installer 100 mille prisonniers de guerre soviétiques. Le nouveau camp devait se composer de quatre zones appelées segments. En fin de compte, on construisit deux seg-ments pouvant contenir 80 000 personnes et on entreprit la construc-tion du troisième segment d’une capacité de 60 000 personnes. Il s’avéra plus tard que l’établissement allait surtout servir à la mise en place de la « solution finale du problème juif » dans l’Europe occupée.

Dès le printemps 1942, le camp Auschwitz-Birkenau commença à rem-plir le rôle de centre d’extermination immédiate des Juifs d’Europe occi-dentale, méridionale, septentrionale et, partiellement, centrale. Quatre chambres à gaz y furent construites, capables de mettre à mort envi-ron 5 000 personnes en vingt-quatre heures, ainsi que des crématoires et deux chambres à gaz provisoires appelées bunker 1 et bunker 2. Le premier groupe de déportés juifs arriva à Birkenau en mars 1942. Il se composait de 999 Juives de Slovaquie et 112 Juives de France. Les trans-ports suivants arrivèrent de Bohème, de Moravie, des Pays-Bas, de France, de Belgique, d’Allemagne, d’Italie, de Yougoslavie, de Norvège et du territoire de l’URSS. De mai 1942 à septembre 1944, on y déporta des Juifs polonais de différentes parties du Gouvernement général et des territoires incorporés au Reich. Le plus grand nombre de déportés arriva à Birkenau entre mai 1942 et septembre 1943, quand les transports ar-rivant au camp comptaient en moyenne de 2 000 à 3 000 personnes. De fin avril à juillet 1944, 438 mille Juifs hongrois furent mis à mort dans le camp. Le dernier groupe de Juifs polonais tués à Auschwitz-Birkenau, et le plus nombreux, compta environ 60 mille personnes transportées du ghetto de Lodz (Litzmannstadt ghetto) en août et en septembre 1944.

Le camp d’extermination Auschwitz-Birkenau était également desti-né à des prisonniers non juifs et à ceux condamnés à la peine de mort dans le camp-souche pour différentes fautes. Les Roms et les Sinti constituaient un groupe fort nombreux : au printemps 1943, on forma le « camp tzigane » (Zigeunerlager) pour y en installer environ 23 mille, arrivés essentiellement d’Allemagne, d’Autriche, de Bohème et de Mo-ravie, ainsi que des environs de Bialystok en Pologne. On le liquida le 2 août 1944 sur ordre de Himmler, en assassinant dans une chambre à gaz un dernier groupe de 2 987 hommes, femmes et enfants tziganes emcore en vie.

Après la guerre, on a essayé d’estimer le nombre de victimes de cette usine de la mort, la plus grande dans l’histoire. Il a fallu des années

La création du camp d’extermination Auschwitz-Birkenau.

Auschwitz-Birkenau : lieu d’extermination des Juifs européens.

La liquidation du camp tzigane à Auschwitz-Birkenau.

Le nombre de victimes du KL Auschwitz.

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24 LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

Photographie aérienne du complexe d’A

uschwitz, prise par

des pilotes américains en été 1944.

Source : Archives du M

usée Auschw

itz-Birkenau d’Osw

iecim

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Crématoire no III à Auschwitz-Birkenau. Source : Archives du Musée Auschwitz-Birkenau d’Oswiecim

Ruines du crématoire no III à l’heure actuelle.

Source : Collection de

Robert Szuchta

Le crématoire no III et la partie souterraine qui abritait la chambre à gaz furent mis en fonction le 25 juin 1943. Il fonctionna jusqu’au 20 janvier 1945, le jour où les SS le firent exploser en liquidant le camp. Le « rendement » des crématoires fut établi en 1943 à 1440 cadavres dans les crématoires II et III, à 768 cadavres dans les crématoires IV et V, et à 340 dans le crématoire I qui se trouvait dans le camp-souche Auschwitz I. Pourtant, pendant la période d’intensification des transports, en 1943 et 1944, le rendement des crématoires II et III s’éleva à 5 mille cadavres, et dans les crématoires IV et V à 3 mille cadavres par jour.

Page 26: Les Camps Allemands Nazis

26 LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

de recherches interdisciplinaires pour établir le bilan de son activi-té qui s’est montré effrayant. On estime que de 1940 à 1945, près de 1 300 000 personnes se trouvèrent à Auschwitz, dont près de 1 100 000 Juifs de toute l’Europe (environ 300 mille Juifs polonais et 438 mille Juifs hongrois), 140 à 150 mille Polonais, environ 23 mille Roms et Sinti, à peu près 15 mille prisonniers de guerre soviétiques et près de 25 mille détenus d’autres nationalités (Tchèques, Français, Yougos-laves, Biélorusses, Ukrainiens, Allemands, Autrichiens et autres). La plus grande partie des arrivants n’étaient pas immatriculés. Il s’agit surtout des Juifs qu’on dirigeait directement vers les chambres à gaz. Pendant toute la durée du camp, seuls 400 mille prisonniers furent enregistrés.

Parmi les 1 100 000 tués au camp d’Auschwitz, les Juifs étaient les plus importants en nombre (près de 960 000), venaient ensuite les Polonais (de 70 000 à 75 000), les Roms et les Sinti (près de 20 000), les prison-niers de guerre soviétiques (près de 15 000) et les autres nationalités (de 10 000 à 15 000). Quand les troupes soviétiques entrèrent au camp d’Oswiecim le 27 janvier 1945, seuls 7 000 prisonniers y étaient déte-nus. Beaucoup d’entre eux moururent juste après la libération.

* * *

En septembre 1939, les Allemands mirent en place un camp de concen-tration dans le village de Sztutowo près de Gdansk (depuis 1942, KL Stutthof). Il était destiné aux Polonais de la Poméranie de Gdansk. Dès le printemps 1944, on y interna des prisonniers venus d’autres régions, entre autres les soldats de l’Armée de l’Intérieur après l’Insurrection de Varsovie. Pendant la dernière période de son existence, le camp accueillit un grand groupe de prisonnières juives. Au KL Stuthoff, on détenait également des prisonniers arrivés des pays baltes (Lituanie, Lettonie, Estonie) et scandinaves (Norvège, Danemark), ainsi que d’Europe occidentale. Max Pauly (jusqu’en août 1942) et Paul Werner Hoppe commandèrent successivement le camp. Le nombre global de prisonniers est estimé à 130 000, dont, selon différentes évaluations, 60 000 à 90 000 furent assassinés. Le 25 janvier 1945, les Allemands ordonnèrent l’évacuation du camp et organisèrent une « marche de la mort » vers l’intérieur du Reich.

Le KL Stutthof.

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27LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

Le camp allemand de « Plaszow » à Cracovie.

En été 1940, les Allemands formèrent un camp de travail forcé pour les Polonais, situé près d’une carrière dans un quartier sud de Craco-vie. En mars 1941, les autorités allemandes décidèrent de transformer le ghetto juif de Cracovie en un camp de travail pour les Juifs (Juden- arbeitslager). Connu sous le nom de « Plaszow », ce camp fut développé pour contenir plus d’ouvriers. Les prisonniers, dont certains venaient tous les jours au camp depuis le ghetto de Varsovie, travaillaient dans des carrières ou sur des sites de production.

Au printemps 1943, il y avait déjà 12 mille prisonniers au camp de Plaszow, ce qui signifiait que l’établissement était surpeuplé. Divisé en plusieurs parties, le camp était entouré d’une double enceinte de barbelés et de treize miradors équipés de projecteurs, de mitraillettes et d’un réseau téléphonique. Des sites de production différents étaient situés dans les parties sud et centrale du complexe. Le 11 février 1943, Amon Göth fut nommé commandant du camp de Plaszow. On estime qu’il tua de ses propres mains près de 500 prisonniers, une cruauté comparable à celle qui caractérisait, selon les survivants, le comman-dant des gardes Ferdinand Glaser.

Entre août 1943 et septembre 1944, il y eut presque tous les jours des exécutions de masse lors desquelles on mettait à mort des Juifs venus de villages situés près de Cracovie. Vers la fin de l’année 1943, les Allemands commencèrent la construction d’un crématoire et de chambres à gaz, qui ne furent jamais achevés. Les prisonniers du camp de Plaszow mouraient de faim, de fatigue, de maladies, de vio-lence, ou lors d’exécutions de masse.

À l’automne 1944, les Allemands commencèrent la liquidation du camp. Les prisonniers furent déplacés vers les camps de concentration d’Auschwitz-Birkenau et de Stutthof. Le camp fut libéré par les soldats de l’Armée rouge le 20 janvier 1945. Au total, près de 150 mille per-sonnes passèrent par le camp de Plaszow, dont la plupart furent des Juifs de Cracovie, Mielec, Tarnow et Rzeszow, ainsi que de Hongrie et de Slovaquie. Le nombre de victimes est estimé à 80 mille personnes.

En octobre 1941, un camp destiné aux prisonniers de guerre sovié-tiques fut mis en place à Majdanek, dans la banlieue de Lublin, en vertu d’une décision de Himmler. Son nom officiel était initialement : Kriegsgefangenenlager der Waffen SS in Lublin (« Camp de prisonniers de guerre des SS à Lublin »), plus tard Konzentrationslager der Waffen SS in Lublin (« Camp de concentration des SS à Lublin »). En réalité, il était non seulement un camp de concentration et de prisonniers de guerre, mais également un camp d’extermination, de travail, pénitentiaire et de transit. Cet établissement d’une surface de plus de 500 ha allait contenir jusqu’à 250 mille prisonniers. Pourtant, les défaites militaires

KL Lublin : le camp de Majdanek.

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28 LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

des Allemands firent limiter considérablement ces intentions. En dé-finitive, on construisit 280 bâtiments de toutes sortes sur une surface de 270 ha. Les baraquements destinés aux prisonniers constituaient la partie centrale du camp ; elles étaient situées dans 5 « champs de prisonniers » séparés par des fils barbelés. Chaque camp comportait 22 baraquements en bois, où 500 à 700 détenus couchaient sur des châlits à deux étages faits de planches de bois ou à même le sol. Les prisonniers de Majdanek étaient également occupés dans les nom-breux établissements de production et dans les exploitations agricoles appartenant aux SS.

Le camp fut libéré en juillet 1944 par les soldats de l’Armée rouge. Il est digne du nom d’international car outre les Polonais et les Juifs, qui constituaient la majorité des prisonniers, y étaient détenus des repré-sentants de 25 nationalités venant de 29 pays. Parmi les prisonniers de Majdanek, 80 mille furent assassinés, dont près de 60 mille étaient des Juifs.

La libération du camp de Majdanek. Le bilan

de victimes.

Fours crématoires dans le camp de Majdanek (photographie contemporaine). Source : Collection de Robert Szuchta

Les Allemands n’ont pas réussi à détruire les bâtiments du camp ni les témoignages des crimes commis en ce lieu. En 1944, on décida de créer un musée du martyre sur le terrain de l’ancien camp alle-mand de Majdanek. En vertu de la résolution du Sejm polonais en date du 2 juillet 1947, les sites de Majdanek et d’Auschwitz-Birkenau ont été hissés au rang de lieux de mémoire censés témoigner à jamais des crimes commis par les nazis allemands au nom de la folle idée de pureté de la race humaine.

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29LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

La conférence de Wannsee.

Le 20 janvier 1942, une réunion eut lieu à Wansee, près de Berlin, lors de laquelle les hauts fonctionnaires du Troisième Reich discutèrent les questions techniques liées à la « solution finale du problème juif » en Europe. On présenta un plan de déportations massives de Juifs à par-tir des coins les plus reculés d’Europe vers les camps d’extermination localisés sur les territoires polonais occupés, ainsi qu’un plan du déve-loppement futur de l’appareil génocidaire. La responsabilité de ce pro-gramme fut confiée à Adolf Eichmann. Après les premiers assassinats massifs de Juifs par les Einsatzgruppen2 à l’est de l’Europe (sur les terri-toires de la Lituanie, de la Biélorussie et de l’Ukraine occupés en été et en automne 1941), on décida de mettre à mort tous les Juifs polonais vivant sur le territoire du Gouvernement général. Selon toute probabi-lité, la décision fut prise à l’automne 1941. Pour réaliser leur projet, les nazis allemands créèrent des camps d’extermination immédiate (Ver-nichtungslager) dont le seul but était la mise à mort des arrivés.

* * *

Situé à Chelmno sur la Ner, le camp de Kulmhof fut le premier centre d’extermination destiné au génocide juif. Les transports arrivaient des ghettos situés dans la région de la Warta. Dans les caves du « palais », les victimes, privées de vêtements, recevaient une serviette et du savon (on voulait créer l’illusion qu’elles allaient aux bains) pour ensuite être chargées dans des camions meurtriers testés à l’Est. Les camions par-taient vers des forêts avoisinantes où les victimes étaient enterrées dans des fosses. Dès l’été 1942, les corps étaient brûlés sur des échafaudages spéciaux, puis dans des crématoires. On évalue à 150 mille le nombre de victimes. Celui-ci se compose surtout de Juifs, mais aussi de Roms et de Sinti, de prêtres et de religieuses catholiques, ainsi que d’enfants polonais originaires de la région de Zamosc en cours de germanisation.

Témoignage de Michał Podchlebnik, sellier de Kolo, déporté au camp d’extermination de Kulmhof fin décembre 1941 (extrait) :

« De grand matin, vers huit heures, une voiture se gara devant le palais. J’entendis la voix d’un Allemand qui s’adressait aux nouveaux-venus. Il

2 Einsatzgruppen (Einsatzgruppen der Sicherheitsdienstes [SD] und der Sicherheitspolizei [SIPO]) : unités du Sevice de sécurité et de la Police de sécurité chargées de missions spéciales dans le sillage de la Wehrmaht. Depuis juin 1941, elles assassinaient les ennemis du Reich, tels que les communistes, les Tziganes et surtout les Juifs. On estime qu’elles tuèrent de 1,5 à 2 millions de personnes.

Le premier camp d’extermination de Kulmhof dans la région de la Warta.

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dit : “vous irez à l’Est, il y a beaucoup de terre à travailler, il faut juste que vous mettiez les vêtements propres que vous recevrez et que vous vous laviez”. Des applaudissements retentirent. Plus tard, nous enten-dîmes un bruit de pieds nus dans le couloir près de la cave où nous étions enfermés. […] Après un moment, j’entendis un claquement d’une por-tière de voiture. Des cris retentirent, des coups aux parois du camion. Ensuite, j’entendis le bruit du moteur. Après six ou sept minutes, quand les cris s’apaisèrent, la voiture quitta la cour. […] Cela dura toute la journée. […] Quand des collègues rentrèrent le soir du travail dans la forêt, ils dirent qu’ils avaient enterré les Juifs de Klodawa dans une fosse commune. Ils avaient sorti les corps de voitures noires où, selon leurs ré-cits, les victimes avaient été intoxiquées aux gaz d’échappement […] ».

De mars à juillet 1942 fut achevée la construction de trois camps d’ex-termination immédiate : Belzec, Sobibor et Treblinka. Ces centres étaient situés le long du Boug, dans la bande limitrophe du Gouver-nement général, du Commissariat du Reich d’Ukraine et du District de Bialystok, à proximité de petites gares ferroviaires localisées sur des voies importantes de communication, à bonne distance de grandes villes. Les Allemands comptaient en effet pouvoir cacher leurs exécu-tions de masse à l’opinion publique.

Les camps d’extermination de

l’Opération Reinhardt

Monument aux victimes du camp nazi d’extermination de Sobibor.

Source : Collection de Robert Szuchta

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Monument aux victimes du camp d’extermination de Belzec.Source : Collection de Robert Szuchta

Dix-sept mille pierres dans une surface de béton symbolisent les com-munautés juives, victimes du camp d’extermination de Treblinka.

Source : Collection de Robert Szuchta

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Dès le début du printemps 1942, on amenait les Juifs de ghettos jusqu’aux gares locales d’où, dans des conditions atroces (80, 100, 120 personnes par wagon), on les transportait vers les centres d’extermi-nation dans des wagons à bestiaux. Directement des wagons qui s’arrê-taient sur des embranchements spéciaux, les Juifs étaient pressés sur une place où on leur enlevait leur bagage à main et leurs vêtements. On séparait ensuite les femmes et les enfants d’avec les hommes. Par-fois, de rares hommes forts et bien portants avaient la chance de vivre encore pendant plusieurs jours ou semaines : on les exploitait à la cor-vée de tri des vêtements et des valises ou pour vider les chambres à gaz et incinérer les corps. Puis ils étaient exterminés à leur tour. Les victimes (dont les enfants et les femmes enceintes) étaient précipités dans des « douches ». En réalité, c’était des chambres à gaz. On les ex-terminait là à l’aide de gaz d’échappement produits par les moteurs pour chars blindés Diesel.

Relation de Kurt Gerstein, Obersturmführer SS, relative à l’extermination de la population juive à Belzec, faite le 4 mai 1945.

« [...] Le lendemain vers 7 heures du matin, on entendit : “Le pre-mier transport arrive dans 10 minutes”. En effet, le train de Lviv ar-riva quelques minutes plus tard ; 45 wagons avec 6700 Juifs dont 1450 étaient déjà morts. […] La rame s’arrêta. Deux-cents Ukrainiens pous-sèrent la porte et chassèrent les Juifs des wagons en les frappant avec des fouets de cuir. [...] Puis le cortège se mit en marche. [...] Un gros SS se tenait à la porte et disait à ces misérables d’un ton paternel : “Cir-culez, ne vous arrêtez pas ! Vous devriez reprendre haleine dans les chambres, respirez profondément, cette inhalation est nécessaire pour prévenir maladies et épidémies”. À la question de savoir ce qu’il advien-drait d’eux, il répondit : “Les hommes doivent travailler naturellement, construire des maisons et des routes, les femmes n’y sont pas obligées. Si seulement elles le veulent, elles pourront aider à la cuisine ou au mé-nage”. [...] À la fin, les chambres étaient bondées. [...] Les SS les avaient entassés les uns contre les autres dans la mesure du possible. Puis on ferma la porte, les autres attendaient leur tour, tous nus, à l’extérieur. Ils devaient tuer les gens avec les gaz d’échappement d’un moteur Die-sel. [...] Au bout de 28 minutes, seules quelques personnes continuaient de respirer. Enfin, au bout de 32 minutes, plus personne ne vivait.Les gens du commando de travail ouvrent la porte en bois du côté oppo-sé. [...] On traîne à l’extérieur les cadavres, mouillés de sueur et d’urine, les jambes maculées d’excréments et de sang de menstruation. Les corps des enfants sont jetés. Pas une minute à perdre. Les fouets des

Les techniques de la mise à mort dans les

camps d’extermination.

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33LES CAMPS AL LEMANDS NAZ i S

Ukrainiens sifflent au milieu du commando. Deux douzaines de den-tistes écartent les mâchoires avec une pince pour vérifier s’il y a de l’or. Avec de l’or, à gauche, sans or, à droite. D’autres dentistes arrachent avec des pinces ou marteaux les dents ou les bridges en or.Le capitaine Wirth se promenait à proximité. Il était dans son élément. Quelques ouvriers cherchaient de l’or, des diamants et des bijoux dans le sexe et l’anus des victimes. [...] On transportait les cadavres nus sur des brancards longs d’un mètre jusqu’à un fossé de 100 x 20 x 12 m. Au bout d’un certain temps, la couche de cadavres s’était tassée suffisam-ment pour poser la couche suivante. Elles furent ensuite recouvertes de 10 centimètres de sable, de sorte que seules des têtes ou mains isolées étaient encore visibles ».

Dans les camps d’extermination immédiate, les Allemands ne construisaient pas de crématoires. Au début, les corps des victimes étaient enterrés dans des fosses profondes. Dès la seconde moitié de 1942, les corps en décomposition étaient incinérés sur de grands bû-chers en plein air. Il s’agit de l’opération Sonderaktion 1005, dirigée par Paul Blobel, Standartenführer SS. Les biens des victimes (y compris les vêtements, ou les dents qu’on leur arrachait post mortem) étaient saisies, triées et envoyées aux entrepôts centraux construits aux fins de l’Opération Reinhardt à Lublin.

En août 1942, une partie du camp de Majdanek devint un camp d’ex-termination de Juifs. Fut entreprise la construction de cinq chambres à gaz, achevées en octobre de la même année. Dans ces chambres, on utilisait du bioxyde de carbone, directement expulsé de bouteilles, ou du Zyklon B. Les fours du crématoire pouvaient incinérer mille corps par vingt-quatre heures. Jusqu’à l’automne 1943, le camp de Maj-danek était destiné principalement aux Juifs de la région de Lublin.

Le 3 novembre 1943, les Allemands fusillèrent 42 mille prisonniers juifs encore détenus dans les camps de travail situés dans la région de Lublin. Cette opération fut surnommée « Erntefest » (fête de la mois-son). Elle devait terminer le processus d’extermination des Juifs sur le territoire du Gouvernement général. Ce jour-là, près de 18 000 prison-niers juifs furent assassinés à Majdanek.

Le nombre de victimes des camps d’extermination est extrêmement difficile à établir. Étant donné la nature de ce crime, la volonté de le cacher à l’opinion publique et la façon même dont le massacre fut per-pétré, les Allemands ne tinrent aucun registre des personnes mises

L’extermination de Juifs polonais dans le camp de Majdanek.

Erntefest operation

Le nombre de victimes des camps d’extermination.

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à mort dans le cadre de l’Opération Reinhardt. On ne tint pas non plus de documentation détaillée relative à l’activité des camps d’ex-termination, comme ce fut le cas d’Auschwitz ou d’autres camps de concentration. On estime à présent que 70% des Juifs habitant sur le territoire du Gouvernement général furent assassinés.

Nombre de Juifs tués dans les camps d’extermination dans le cadre de l’Opération Reinhardt

Nom du camp

Période de fonctionnementNombre de victimes

(en milliers)

Belzec mars – décembre 1942 450–500

Sobibor mai 1942 – octobre 1943 170–180

Treblinka juillet 1942 – octobre 1943 800–900

Majdanek août 1942 – novembre 1943 60

Au total 1480–1640

Des soulèvements armés éclatèrent dans quelques centres d’extermi-nation. Lors de la rébellion de Treblinka, près de 200 détenus s’échap-pèrent du camp en flammes. Quelques-uns y ont survécu. En octobre 1943, trois cents prisonniers environ essayèrent de fuir le camp de Sobibor lors d’un soulèvement. Cinquante-huit y parvinrent. Dans la seconde moitié de 1943, les centres d’extermination le long du Boug furent supprimés. Ayant assassiné les derniers prisonniers, on liquida les dispositifs meurtriers, les bâtiments du personnel du camp et les baraquements des prisonniers. Le terrain fut nivelé et recouvert de végétaux. Personne n’allait jamais apprendre ce qui s’était passé à cet endroit. Le 7 octobre 1944, les prisonniers juifs du Sonderkommanndo provoquèrent une révolte au camp d’Auschwitz-Birkenau. En appre-nant le plan de leur extermination, ils attaquèrent les SS avec leurs outils de travail, coupèrent les barbelés de l’enceinte et essayèrent de s’échapper. Personne ne parvint à s’enfuir : 451 prisonniers furent fusillés.

Il n’y a pas que la population locale qui était au courant de l’exis-tence des camps de concentration allemands. Dès qu’ils furent mis en fonction, les autorités clandestines polonaises furent informées de leur rôle et des conditions dans lesquelles les déportés étaient déte-nus. L’information venait des fugitifs, mais aussi des prisonniers qui mettaient en place des organisations clandestines. La biographie du

Les soulèvements de prisonniers dans les

camps d’extermination.

La Résistance dans les camps. La mission de

Witold Pilecki.

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Witold Pilecki (1901–1948) prit part à la campagne de Varsovie en septembre 1939. Après la défaite de la Po-logne, il travailla dans la clandestinité militaire et forma l’Armée secrète polonaise. En septembre 1940, il se fit capturer volontairement pendant une des rafles allemandes dans les rues de Varsovie afin de pénétrer le KL Auschwitz qui venait d’être créé (il y resta jusqu’en 1943). Sa mission consistait à former une organisation clandestine dans le camp qui resterait en contact avec la Résistance polonaise. Lors de son séjour au camp, il faisait des rapports réguliers à la centrale à Varsovie. Il coopérait avec de nombreux pri-sonniers, tels que Stanisław Dubois, Xawery Dunikowski et Bronisław Czech. En avril 1943, il s’évada du camp avec deux autres prisonniers. Une fois arrivé à Varsovie, il conçut le plan d’attaquer le camp mais sa proposition ne fut pas acceptée par le commandement de l’Armée de l’Intérieur. En 1944, Pilecki participa à l’Insurrection de Varsovie. Après la guerre, en 1947, il fut arrêté par les communistes et exé-cuté pour son activité de résistance.

Source : Domaine public

Jan Karski (de son vrai nom Jan Kozielewski ; 1914-2000) : courrier de l’État polonais clandestin qui réussit deux fois à passer en Occident avec des comptes-rendus sur la situation dans les territoires polonais occupés. Pen-dant sa seconde mission, en automne 1942, il transmit au Gouvernement polonais en exil, puis aux hommes po-litiques britanniques et américains (dont le Président des États-Unis) un rapport relatif à la situation de la population juive en Pologne occupée, demandant de porter secours aux Juifs en cours d’extermination. Ces informations, il les avait obtenues de membres d’organisations clandestines juives. Il pénétra lui-même à deux reprises dans le ghetto de Varsovie et parvint à s’infiltrer dans le camp d’Izbica Lubelska où il fut témoin de préparatifs d’un transport de Juifs à destination du camp d’extermination de Belzec.

Source : Ministère des Affaires étrangères

capitaine de l’armée polonaise Witold Pilecki est un exemple de sacri-fice incomparable.

Les prisonniers transmettaient aussi des informations par l’inter-médiaire des habitants des localités situées à la lisière des camps, qui risquaient leur vie en approvisionnant en médicaments et nourriture supplémentaire les commandos travaillant à l’extérieur. Dans la région d’Oswiecim, plus de 1200 personnes s’engagèrent dans cette activité.

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Couverture de la brochure « Auschwitz : camp de la mort »

Une des premières brochures sur le camp d’Auschwitz. Rédigé par Natalia Zarem-bina, ancienne prisonnière du camp, le livre parut à Varsovie sous occupation en décembre 1942 à 2500 exemplaires. De 1943 à 1945 il fut publié dans le monde libre en huit langues, y compris le chinois.

Source : Collection de Robert Szuchta

L’information de l’opinion internationale

sur les crimes commis dans les camps

de concentration allemands.

Les autorités de l’État polonais clandestin prenaient des mesures pour soutenir les prisonniers des camps de concentration allemands et in-formaient les pouvoirs des pays libres et l’opinion publique internatio-nale des crimes commis dans ces établissements. Dans les années 1942 et 1943, les organisations polonaises clandestines publièrent une série de tracts et de brochures informant l’opinion publique en Pologne et dans le monde de l’existence des camps et l’encourageant à aider les détenus.

En 1941, un représentant du Gouvernement polonais en exil à Londres s’adressa aux autorités britanniques suggérant de bombar-der le camp d’Auschwitz. Pourtant, les Anglais refusèrent d’intervenir.

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Les réactions polonaises à l’extermination des Juifs.

Suite aux suggestions du gouvernement polonais d’employer des avions pour bombarder le camp d’Auschwitz en 1941, Richard Peirse, maré-chal de l’aviation anglais, donna la réponse suivante dans une lettre adressée au général Władysław Sikorski, premier ministre et comman-dant en chef de l’Armée polonaise :« J’ai mis beaucoup de soin à étudier la proposition [...] concernant une attaque aérienne du camp de concentration d’Auschwitz. [...] Nous avons décidé [...], je suis navré de vous en informer, qu’une attaque réus-sie n’est pas faisable pratiquement. Et ce, pour deux raisons principales. Premièrement, nos bombardements doivent prioritairement servir à attaquer certains sites industriels. [...] Deuxièmement, l’expérience nous a prouvé que des attaques sporadiques contre les cibles telles qu’Auschwitz n’apporteraient probablement pas le résultat escompté, c’est-à-dire la destruction des enceintes de barbelés et les dépôts de mu-nitions dans le but de permettre aux prisonniers de s’échapper ».

De même, en 1944, des organisations internationales juives s’adressèrent aux Alliés en leur demandant de détruire les instal-lations d’Auschwitz-Birkenau. En vain. Les stratèges américains considéraient comme prioritaires la victoire sur le Reich et les bom-bardements de sites industriels en Allemagne. Les Américains pré-textaient aussi l’impossibilité de recours aux forces armées à des fins non militaires.

Les Allemands excitaient les conflits entre les Polonais et les Juifs, alors que la propagande antisémite omniprésente créait une atmos-phère d’hostilité contre les Juifs. Il arrivait que les Juifs faisaient l’ob-jet de pogroms ou même étaient assassinés. Les cas de chantage, de dénonciation et d’extorsion d’argent ou de biens n’étaient pas rares. Ces comportements honteux étaient expressément condamnés et étaient sévèrement punis par les autorités de l’État polonais clan-destin.

Une partie des Polonais tentait cependant de porter secours aux Juifs. Il faut tenir compte du fait que toute forme d’aide aux Juifs était passible de la peine de mort pour toute la famille et même les voisins de celui qui l’apportait. Les Juifs recevaient l’aide de personnes pri-vées, de congrégations monastiques et d’organisations spéciales éta-blies par l’État polonais clandestin, telles que le Conseil spécial d’Aide aux Juifs (« Żegota »), établi en décembre 1942 et financé par le Gou-vernement polonais en exil et des organisations juives aux États-Unis. On estime que de quelques dizaines à quelques centaines de Polonais

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Annonce allemande de l’exé-cution de la peine de mort sur des Polonais pour avoir aidé des Juifs.

Source : Domaine public

prêtèrent différentes formes d’aide aux Juifs qui se cachaient des Allemands.

Après la guerre, l’Institut Yad Vashem fut établi à Jérusalem. Dès 1963, cet établissement décerna le titre de « Juste parmi les nations » aux personnes qui aidèrent les Juifs ou les sauvèrent de l’Holocauste de manière désintéressée. Au 1er janvier 2014, 6 454 personnes parmi les 25 271 honorées étaient polonaises.

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La mémoire des camps de concentration et d’extermination allemands

Après la guerre, grâce aux anciens prisonniers, les vestiges des camps allemands ont été sauvés en hommage à la mémoire des victimes et comme avertissement aux générations futures.

Ces lieux sont d’un poids exceptionnel aujourd’hui pour les Juifs, les Polonais, les Roms, les Sinti et de nombreux autres peuples. Il est ar-rivé de voir éclater des conflits autour de ces sites, relatifs aux moda-lités de commémoration. Afin de prévenir de tels litiges, le Premier ministre polonais a créé le Conseil international d’Auschwitz, compo-sé de spécialistes du monde entier. Le conseil s’occupe des questions courantes relatives à la conservation et commémoration de ce lieu de mémoire particulier. Créé au sein du Musée national Auschwitz-Bir-kenau à Oswiecim grâce aux efforts des anciens prisonniers du KL Auschwitz, le Centre international pour l’éducation sur Auschwitz et l’Holocauste mène une vaste activité éducative à caractère interna-tional, en diffusant les informations fiables sur les camps de concen-tration, leurs créateurs et leurs victimes.

Après la guerre, des voix s’élevèrent dans différents pays pour re-mettre en question l’existence des camps de la mort. Pourtant, les documents nazis qui furent préservés, les témoignages d’anciens pri-sonniers et de témoins des exactions, ainsi que les vestiges des camps et des installations meurtrières permettent d’opposer à ces opinions la vérité sur les bourreaux et leurs victimes. Aujourd’hui, alors que la génération des anciens prisonniers commence à disparaître, des me-naces nouvelles apparaissent, parmi lesquelles des jugements faus-sés découlant de simplifications et de l’absence d’un savoir exact sur la Seconde Guerre mondiale et le fonctionnement du système alle-mand nazi des camps. Parfois, c’est l’ignorance, réelle ou volontaire, qui pousse à mettre en doute le fait que l’homme soit capable de tels agissements.

L’obligation de sauver les vestiges des camps allemands de concentration pour les générations futures.

La remise en question de l’existence des camps de concentration et d’extermination.

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On entend parfois le terme de « camps de concentration polonais », prononcé par des individus qui ignorent tant l’histoire de la Pologne que celle de la Seconde Guerre mondiale. Non seulement ce terme falsifie l’histoire, mais il lui transfère également la responsabilité de leur création des Allemands vers les Polonais, qui en furent les vic-times. C’est pour cette raison qu’en 2006, le gouvernement polonais a demandé au Comité du patrimoine mondial de l’UNESCO de mo-difier le nom de ce lieu de mémoire qu’est le camp de concentration d’Auschwitz à Oswiecim. L’initiative polonaise a reçu le soutien de l’Institut Yad Vashem ainsi que des anciens prisonniers qui habitent aujourd’hui dans différentes parties du monde. Le 27 juin 2007, lors de sa 13e session, le comité de l’UNESCO a consenti à la proposition polonaise de remplacer le nom du camp par l’appellation suivante : Auschwitz-Birkenau. Camp allemand nazi de concentration et d’ex-termination (1940-1945).

Le terme « camps de concentration polonais » :

une manifestation d’ignorance.

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Texte de: Robert Szuchta

Publication financée par le Département de la Diplomatie publique et culturelle du Ministère des Affaires etrangères de Pologne.