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LES CAHIERS DU MAL-LOGEMENT DE LA FONDATION ABBE PIERRE ECLAIRAGE REGIONAL SUR LETAT DU MAL-LOGEMENT REGION BRETAGNE JUILLET 2007 Etude réalisée par : Julien REMY Didier VANONI Secteur Etudes et Recherches de la Fondation Abbé Pierre Contact : Christophe Robert Mail : [email protected] Tél : 01 55 56 37 21 Fax : 01 55 56 37 04

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LES CAHIERS DU MAL-LOGEMENT DE LA FONDATION ABBE PIERRE

ECLAIRAGE REGIONAL SUR L’ETAT DU MAL-LOGEMENT

REGION BRETAGNE

JUILLET 2007

Etude réalisée par :

Julien REMY Didier VANONI

Secteur Etudes et Recherches de la Fondation Abbé Pierre Contact : Christophe Robert Mail : [email protected] Tél : 01 55 56 37 21 Fax : 01 55 56 37 04

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SOMMAIRE

INTRODUCTION .................................................................................................................... 3

I – PORTRAIT DEMOGRAPHIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE DE LA REGION .................................. 4

I.1 - Une démographie qui témoigne de l’accentuation de la périurbanisation................. 4 I.2 - Une économie fortement spécialisée et un taux de chômage plus élevé dans les ZUS ................................................................................................................................ 6 I.3 - De nombreux ménages proches du revenu médian et une pauvreté qui concerne les villes-centres et les zones rurales ............................................................................. 9

II – MARCHES DE L’HABITAT............................................................................................... 13

II.1 - Structure du parc de logement et évolution du foncier .......................................... 13 II.2 - La construction et la commercialisation de logements neufs................................. 14 II.3 - Le parc locatif privé et social................................................................................. 16 II.4 - Les structures d’hébergement : CHRS et CADA................................................... 19

III – FIGURES DU MAL-LOGEMENT ....................................................................................... 22

III.1 - Les accédants et candidats à l’accession en difficulté ......................................... 22 III.2 - Logements insalubres et HLM déqualifiés ........................................................... 23 III.3 - Le logement des étudiants : des difficultés à prévoir dans les années à venir ..... 25

IV – POLITIQUES MISES EN PLACE ...................................................................................... 28

IV.1 – Des actions régionales et intercommunales qui favorisent la régulation du marché et les politiques de logement ........................................................................................ 28 IV.2 - La programmation de logements sociaux et les politiques d’amélioration de l’habitat : un bilan contrasté .......................................................................................... 29 IV.3 - Les actions en faveur des personnes défavorisées à l’échelon départemental.... 32

POUR CONCLURE PROVISOIREMENT.................................................................................... 34

Bibliographie indicative ................................................................................................. 36

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INTRODUCTION Une Bretagne globalement en bonne santé économique… Bien des indicateurs statistiques en témoignent : la Bretagne est aujourd’hui plutôt en bonne santé. Elle est attractive, sa population augmente, la moyenne des revenus y est plus élevée qu’ailleurs (et les écarts sont moindres) et, enfin, le taux de chômage est l’un des plus faibles de France. Dans le domaine de l’enseignement, on parle même aujourd’hui de « miracle éducatif » breton, la Bretagne enregistrant un taux important de diplômés. Cette réussite, la Bretagne la doit pour une grande part à son littoral et à son industrie agroalimentaire. Avec 2700 kilomètres de côtes, elle possède près de 40% du linéaire côtier de la métropole et est la région touristique la plus importante concernant les séjours à la mer. Quant à l’industrie agro-alimentaire, la Bretagne apparaît au premier rang des régions agricoles de France. Malgré une restructuration profonde de ce secteur, la croissance bretonne est restée assez forte ces dernières années (3,3% en 2003 contre 2,4% au niveau national). … mais des populations et des territoires qui profitent inégalement de la croissance bretonne Cette croissance, si exemplaire soit-elle, ne profite pas à tous. Si l’on observe d’un peu plus près l’économie de la Bretagne, on y perçoit un certain nombre d’aspérités. Ainsi, le taux de chômage de Bretagne tourne autour de 8% en 2004, mais il est bien plus élevé dans les ZUS (il peut atteindre presque 30% dans le quartier Polygône à Lorient, ou même les dépasser dans le quartier Pontanezen à Brest). Par ailleurs, la croissance économique s’accompagne d’un accroissement démographique de la Bretagne. Or, si le dynamisme démographique est un signe de l’attractivité du territoire, il augmente aussi la pression immobilière. Dans les agglomérations importantes de la région, les classes moyennes qui souhaitent accéder à la propriété doivent dorénavant chercher à se loger très loin de la ville-centre, parfois jusque dans les zones rurales. Quant aux populations à faibles revenus, elles logent pour une part dans les quartiers d’habitat social classés en ZUS et le parc ancien inconfortable des centres-villes, et pour une autre part dans le coeur rural de la Bretagne, notamment dans le pays du Centre Ouest Bretagne.

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I – PORTRAIT DEMOGRAPHIQUE ET SOCIO-ECONOMIQUE DE LA REGION Les éléments concernant la démographie de la région attestent d’une certaine dynamique dans les petites communes, mais qui doit aussi se comprendre comme la conséquence paradoxale d’une attraction toujours importante des grandes villes. Sur le plan économique, la Bretagne conserve une croissance légèrement supérieure à la croissance nationale, mais aussi un secteur industriel fragile, car trop spécialisé dans certains secteurs, une précarité de l’emploi grandissante et une persistance de poches de pauvreté. Ces éléments démographiques et socio-économiques permettront d’identifier aussi les publics susceptibles de rencontrer des difficultés d’accès au logement.

I.1 - UNE DEMOGRAPHIE QUI TEMOIGNE DE L’ACCENTUATION DE LA PERIURBANISATION En 2005, la population de la Bretagne est estimée à 3 043 500 habitants. Entre 1999 et 2005, la Bretagne a gagné près de 140 000 habitants, soit 23 000 par an1. Concernant la croissance démographique, la Bretagne se situe au 8ème rang des régions françaises. Sur le plan départemental, cette accélération profite davantage aux départements de l'Ille-et-Vilaine et du Morbihan dont la population croît à un rythme nettement supérieur à celle du Finistère et des Côtes-d'Armor.

Des petites communes qui connaissent un important dynamisme démographique Cette forte croissance démographique n’est pas uniforme ; elle concerne surtout les communes de moins de 10000 habitants, et est davantage due à un solde migratoire positif qu’à une hausse du taux de natalité. Ces petites villes doivent en effet faire face à un afflux massif de nouveaux arrivants qui souhaitent acquérir un pavillon « bon marché ». Cela s’est traduit par un quasi-doublement de leur solde migratoire. Quant à leur taux de croissance, il est passé de 0,5% entre 1990 et 1999 à plus de 1% entre 1999 et 20042. On assiste à une tendance inverse concernant les communes de taille plus importante. Ces dernières ont en effet subi un net ralentissement de leur croissance. L’INSEE parle de « villes au ralenti » : à peine plus de 0,1% de croissance sur les communes de plus de 10000 habitants recensées en 2004 et 2005. Le graphique suivant illustre l’ampleur de l’accroissement démographique pour les petites communes en même temps que le ralentissement que subissent les grandes villes. Les villes ayant entre 10000 habitants et 49999 habitants ont vu leur taux de croissance se réduire sensiblement entre les années 90 et les années 2000. La croissance de celles ayant plus 50 000 habitants est quasiment nulle en 2004.

1 Flash d’OCTANT n°115, avril 2006. 2 Octant n°101, avril 2005 – enquête annuelle de recensement 2004.

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Taux annuels moyens de variation de la population entre les recensements (en %)

Source : INSEE Octant n°101, avril 2005

A contrario, si l’on considère seulement la catégorie « petites communes », on constate que plus les communes sont « petites », plus leur population augmente : les communes de moins de 1000 habitants croissent de façon plus importante que les communes ayant entre 1000 et 4999 habitants. Quant aux communes comptant entre 5000 et 9999 habitants, elles ont enregistré une croissance en baisse entre les années 90 et les années 2000.

Pour autant, une influence des grandes villes qui s’étend et se renforce Il faut cependant noter que les petites communes qui connaissent un accroissement démographique important ne sont pas situées dans les zones à dominante rurale. La plupart du temps, elles sont plutôt localisées dans les zones d’influence des agglomérations les plus importantes de Bretagne. La carte suivante donne la localisation des petites communes de Bretagne ayant connu une évolution démographique entre 1999 et 2004-2005.

Source : INSEE Octant n°101, avril 2005

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On constate qu’une majorité d’entre elles se situent autour de grandes villes comme Saint-Malo, Lorient ou Quimper, ou plus encore autour de Rennes et Vannes, deux villes « locomotives » de la Bretagne, et pour lesquelles on note une zone d’influence particulièrement étendue. Le même phénomène est visible à Saint-Brieuc, quoique de façon plus modérée. Notons que les petites communes qui se trouvent aux alentours de Brest – pourtant la deuxième ville de Bretagne –, ne semblent pas avoir connu une forte évolution démographique (mis à part quelques rares cas, comme Plouarzel). L’observation de la carte ci-dessus montre aussi que le dynamisme démographique n’a pas gagné toute la Bretagne. Les Côtes-d’Armor notamment, restent à l’écart de la dynamique démographique bretonne3. Plus globalement, le cœur rural de la Bretagne n’a pas attiré de populations. Ces dernières remarques doivent nous amener à distinguer une ruralité « choisie », celle affectionnée par les classes moyennes, d’une ruralité « subie » pour ceux qui n’ont pas les moyens financiers d’approcher les agglomérations. La Bretagne, terre de croissance, est aussi une région où les inégalités territoriales persistent. On assiste donc au schéma inverse de celui des années d’après-guerre, pendant lesquelles on observait la fuite des zones rurales et une arrivée massive de ménages dans les villes moyennes. Depuis environ trois décennies, c’est le mouvement opposé de périurbanisation qui s’est enclenché. Il prend aujourd’hui des formes plus poussées, ce qui amène l’INSEE à parler de « périurbanisation éloignée ». Quelle que soit la façon dont on la qualifie, cette situation démographique témoigne des difficultés croissantes que rencontrent les ménages pour se loger dans les villes importantes de la Bretagne. Surtout, elle accroît la pression immobilière dans des zones jusque-là épargnées par la crise du logement. Ainsi, pour ceux qui n’ont plus les moyens de se loger dans les agglomérations, les zones périurbaines et rurales constituent aujourd’hui un pis-aller bien plus qu’une véritable alternative.

I.2 - UNE ECONOMIE FORTEMENT SPECIALISEE ET UN TAUX DE CHOMAGE PLUS ELEVE DANS LES ZUS L’économie bretonne connaît une croissance qui la classe parmi les régions les plus dynamiques de la métropole. La Bretagne compte 18 zones d’emploi : celles de Rennes (240 000 emplois) et de Brest (112 000 emplois) sont les plus importantes. Elles rassemblent à elles seules 36,7% des 956 040 emplois dénombrés en Bretagne4 et mettent en scène une économie diversifiée. Les autres zones d’emploi accueillent essentiellement des unités économiques liées au tourisme et à l’industrie agroalimentaire, qui constituent les deux principaux atouts de l’économie bretonne. Mais la forte spécialisation de ces zones d’emploi dans l’un de ces deux secteurs apparaît aussi comme un facteur de fragilité. D’autres éléments du contexte socio-économique peuvent inquiéter : le taux de chômage en Bretagne est globalement inférieur à celui de la France, mais certaines zones restent à l’écart ; et parallèlement, l’on assiste à une certaine précarisation des emplois, notamment ceux qu’occupent les jeunes.

Une économie résidentielle sur le littoral et une économie productive au centre L’économie résidentielle (commerces et services à la population) rassemble deux postes sur cinq en Bretagne. Comme on peut le voir sur la carte suivante, sur le littoral breton, de Vannes à Saint-Malo en passant par Brest, l’économie résidentielle comprend plus de 40% 3 Ce constat ne concerne que les petites villes. 4 Chiffres INSEE 1990-1999.

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des postes salariés ; Lorient faisant ici figure d’exception. On note une spécialisation encore plus forte concernant les zones d’emploi de Saint-Malo et d’Auray (plus de 45% des postes salariés).

L’importance de l’économie résidentielle entraîne une pression importante sur le marché de l’immobilier. La forte présence de touristes, et la demande de résidences secondaires participent en effet à l’augmentation des prix des logements, à la location comme à la vente. Ajoutons qu’en 1998, l’INSEE évaluait le nombre d’emplois liés au tourisme à 50 000 pendant la haute saison5. Ces travailleurs saisonniers peinent à trouver un logement dans ces marchés extrêmement tendus et doivent la plupart du temps se résoudre à loger dans un camping. La carte suivante permet de distinguer deux pôles importants de l’économie productive bretonne : la zone centrale de Pontivy-Loudéac et les zones de Vitré et Fougères.

5 Octant n°73, mars 1998 (données datant de 1995 ; ce chiffre a dû depuis sensiblement augmenter).

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L’économie du Centre est très spécialisée dans les industries agroalimentaires tandis que celle de l’Est est plus diversifiée. En Bretagne, les industries agroalimentaires rassemblent 6% des postes salariés, soit 4 points de plus que dans les autres régions de province6. La proportion de postes dans l’industrie agroalimentaire est trois fois plus importante dans les zones d’emploi du centre de la Bretagne (Carhaix et de Pontivy-Loudéac) qu’ailleurs dans la région. Ces données attestent de la spécialisation forte de ces territoires, et indiquent une vulnérabilité particulière face aux évolutions du marché. Le secteur des industries agricoles et agroalimentaires ayant aussi un des taux de qualification les plus faibles (18,6%), ses salariés sont les moins susceptibles de réintégrer le marché de l’emploi en cas de licenciement.

Un taux de chômage qui reste élevé dans les ZUS et une précarisation de l’emploi En décembre 2005, le taux de chômage de la Bretagne se situe à 1,6 points de moins que le taux national. Sur un plan départemental, c’est le Finistère et le Morbihan qui connaissent le taux de chômage le plus important, tandis celui d’Ille-et-Vilaine et des Côtes-d’Armor n’atteint pas les 8%.

Taux de chômage en décembre 2005

Côtes d’Armor Finistère Ille-et-Vilaine Morbihan Bretagne France 7,9 8,5 7,2 8,4 8 9,6

Source : INSEE D’autres indicateurs témoignent pourtant de l’existence d’inégalités face à l’emploi, et d’une certaine fragilité de l’économie bretonne. D’une part, les taux de chômage dans les ZUS de Bretagne sont sensiblement plus élevés que la moyenne régionale. Ils témoignent d’une certaine « mise à l’écart » de ces quartiers qui ne profitent aucunement de la croissance économique. D’autre part, les données relatives à la nature des contrats conduisent à faire le constat d’une précarisation de l’emploi en Bretagne, notamment pour ce qui concerne les jeunes. Les ZUS enregistrent en effet un taux de chômage de 10 points supérieur à celui de l’agglomération dans laquelle elles sont situées (23% contre 13%). Des données plus récentes montrent que dans les zones urbaines sensibles, un chômeur sur cinq est bénéficiaire du RMI en 2005, soit deux fois plus que sur l’ensemble des chômeurs de Bretagne (sources : INSEE-DIV). Par ailleurs, les deux derniers recensements indiquent que le taux de chômage dans les ZUS de Bretagne est passé de 19,7% à 23% soit une augmentation de 3,3% alors qu’il n’a progressé que de 0,7% dans les unités urbaines ayant une ZUS (sources : INSEE-DIV). Ils révèlent ainsi l’écart existant entre les zones urbaines sensibles et les autres zones de la même agglomération. Les données concernant la précarité sont elles aussi assez préoccupantes. Concernant les jeunes, d’abord, une étude menée par le cabinet FORS rappelle qu’entre 1990 et 1999, la proportion de jeunes en CDD en Bretagne est passée de 14,5 à 24%, et la proportion de jeunes en intérim est passée de 2,5% à 7,5%7. Sur l’ensemble des salariés, ensuite, on comptait, en 1999, 137 500 salariés en contrat à durée limitée, soit deux fois plus qu’en 19908. Aussi, le nombre de personnes en intérim a pratiquement triplé entre 1990 et 1999.

6 Octant n°107, nov. 2006. 7 FORS, Étude préalable à la mise en œuvre d’un fonds de cautionnement des jeunes locataires en Bretagne, Conseil Régional de Bretagne, 2006. 8 Octant n°98, juillet 2004.

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On le voit, si la Bretagne a su faire face à la crise, en conservant une bonne croissance dans les secteurs économiques qui constituent ses atouts (le tourisme et l’agroalimentaire), l’économie bretonne souffre encore d’une trop grande spécialisation, et surtout, elle laisse sur le bord du chemin une bonne part de sa population urbaine et les jeunes qui arrivent sur le marché du travail. Deux populations qui rencontreront plus de difficultés pour accéder à un logement autonome car elles auront plus de mal à présenter des garanties suffisantes aux propriétaires bailleurs.

I.3 - DE NOMBREUX MENAGES PROCHES DU REVENU MEDIAN ET UNE PAUVRETE QUI CONCERNE LES VILLES-CENTRES ET LES ZONES RURALES Considérée sur un plan national, la Bretagne apparaît comme une région dans laquelle les inégalités de revenus sont les moins criantes. Trois éléments viennent pourtant ternir ce premier constat. D’abord, si la part des ménages à bas revenus est relativement faible, celle des ménages proches de la médiane est plus importante qu’ailleurs. Ensuite, les villes-centres des agglomérations et le centre rural de la Bretagne concentrent un nombre important de ménages « pauvres », et les disparités s’avèrent y être plus importantes qu’en périphérie.

Un part importante de travailleurs « à la limite de la pauvreté » Il y a différentes manières de comptabiliser le nombre de ménages pauvres sur un territoire. En Europe comme en France, la mesure de la pauvreté est relative. Elle dépend d’un seuil déterminé par rapport à la médiane du revenu moyen par unité de consommation. En France, le seuil de pauvreté est situé à 50% du revenu médian, alors qu’en Europe, on calcule à partir d’une limite établie à 60% du revenu médian. Pour ce qui est de la Bretagne, on compte 210 000 pauvres si le seuil est fixé à 50% du revenu médian. Cela représente 8,7% de la population bretonne. C’est le taux le plus faible en France : 3,6 points de moins que la moyenne nationale. Cependant, si l’on utilise la méthode de calcul européenne (seuil fixé à 60% du revenu médian), on dénombre alors 340 000 personnes « pauvres ». L’INSEE indique que cette « sensibilité au seuil » est une spécificité bretonne, et signifie que beaucoup de Bretons sont « à la limite de la pauvreté »9. Ce profil de familles se rapprochant de la pauvreté est quantitativement le profil le plus important en Bretagne. Les deux tiers de ces ménages sont des couples, et 90% d’entre eux déclarent un revenu salarié. L’INSEE note en outre que beaucoup sont propriétaires (ou en voie d’accession à la propriété), et habitent une commune rurale ou périurbaine.

Une concentration de la pauvreté dans les villes-centres La part des bénéficiaires des minima sociaux en Bretagne est moins forte qu’au niveau national (5,7% contre 6,7%). En 2002, on comptait 126 000 bénéficiaires de minima sociaux, dont 30 000 bénéficiaires du RMI (1,8% de la population bretonne) et 5 000 API (0,3%). Ces taux figurent parmi les plus faibles de la métropole10.

9 Cf. Octant n°102, juillet 2005. 10 Octant n°102, juillet 2005.

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Mais là encore, ces éléments ne doivent pas nous conduire à croire qu’il n’y a pas de personnes en situation de pauvreté en Bretagne. Les statistiques de la Caisse d’Allocations Familiales de 2002 indiquent que la pauvreté bretonne est essentiellement urbaine11. En 2002, les pôles urbains accueillent plus de la moitié des personnes à bas revenus (revenus inférieurs à 60% du revenu médian dans la population âgée de moins de 65 ans). Les villes de Saint-Brieuc et Lorient sont les plus touchées. A l’échelle de l’agglomération, les couronnes périurbaines ont un taux presque deux fois moins élevé. Et d’un point de vue départemental, ce sont les Côtes d’Armor qui abritent la part de ménages à bas revenus la plus importante (cf. les deux tableaux suivants).

Revenus 2002 Pôles urbains

Couronnes périurbaines

Communes multipolarisées Rural

Part de la population à bas revenus (en %, chez les moins de 65 ans)* 16,0 8,9 11,5 12,8

Revenus 2002 Côte d’Armor

Finistère Ille-et-Vilaine

Morbihan

Part de la population à bas revenus (en %, chez les moins de 65 ans)* 14,2 13,1 12,1 13,9

* Seuil fixé à 60% de la médiane des revenus – Source Octant n°102, juillet 2005

Dans les zones rurales pauvres, et touchées par les inégalités La carte de Bretagne concernant les revenus fiscaux (cf. cartes suivantes) ne permet pas de percevoir la pauvreté urbaine. En revanche, elle donne assez bien à voir la pauvreté qui touche les zones rurales de la Bretagne. Les zones les plus claires représentent en effet celles où le revenu fiscal médian est inférieur à 13 300 euros. Les Côtes d’Armor, ainsi que le cœur rural situé à l’intersection du Finistère, des Côtes d’Armor et du Morbihan, apparaissent comme les zones les plus pauvres de la Bretagne. Les agglomérations affichent au contraire un revenu médian supérieur à 16 300 euros, à l’exception de Morlaix, Guingamp, et Pontivy.

Une deuxième carte représente la dispersion du revenu déclaré en Bretagne. Elle permet de voir que les zones où le revenu fiscal médian est faible sont aussi celles où la dispersion du revenu déclaré est élevée. Les Côtes d’Armor et les zones rurales de l’Ouest de la Bretagne sont en effet les zones où la dispersion des revenus est la plus forte (en zones sombres sur la deuxième carte). La pauvreté et les inégalités fonctionnent donc de pair. Cette deuxième 11 Ibid.

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carte met aussi en évidence les inégalités qui touchent les grandes agglomérations de la Bretagne. Des zones de Brest, Quimper, Vannes, Redon et Rennes ont un rapport inter-déciles supérieur à 4,412 ; statistiques qui les distinguent nettement des cantons situés à leurs alentours. Le centre des agglomérations est davantage touché par les inégalités que les communes périurbaines.

Des ménages âgés aux revenus plus bas qu’ailleurs Enfin, au regard des statistiques, cette pauvreté devient assez préoccupante concernant les personnes âgées. Si le revenu médian des « moins de 60 ans » est plus élevé que ceux de Province, celui des « plus de 60 ans » est au contraire bien plus faible. Concernant les plus de 75 ans, notamment, la différence entre l’ensemble de la province et la Bretagne est assez significative. En 2003, la moitié des ménages dont la personne de référence a plus de 75 ans déclare un revenu inférieur à 12 790 euros, soit 1014 euros de moins qu’en province13. Les Côtes d’Armor sont particulièrement touchées par ce phénomène, avec une proportion de personnes âgées la plus élevée de Bretagne. Le département a un solde naturel négatif et il ne doit sa stabilité démographique qu’à un solde migratoire légèrement positif.

* * * * * On le voit, aussi bien du point de vue économique que démographique, les constats positifs sont presque systématiquement contrebalancés par des observations négatives. Deux points notamment sont à retenir : - La démographie est dynamique, mais d’une part, elle témoigne de la « fuite » des grandes agglomérations de la Bretagne et, d’autre part, elle annonce une pression immobilière inédite dans des zones jusqu’alors considérées comme « refuges », notamment pour les jeunes ménages. - L’économie est plutôt en bonne santé, mais elle est encore trop spécialisée (dans le secteur résidentiel sur le littoral, et le secteur agroalimentaire au centre) et donc exposée aux mutations économiques nationales et internationales. Elle compte en outre de plus en plus de salariés « précaires ». Ces deux points laissent présager des difficultés de logement rencontrées aussi bien par les ménages en accession à la propriété que par les salariés précarisés et/ou situés dans des secteurs économiques spécialisés. En outre, les statistiques concernant les revenus fiscaux 12 C'est-à-dire que les 10% de personnes ayant les plus riches déclarent 4,4 fois plus que les 10% de personnes ayant les plus faibles revenus. 13 Flash d’Octant n°116, mars 2006.

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font apparaître la grande pauvreté et les fortes inégalités qui touchent aussi bien les zones rurales de la Bretagne, que les villes-centres des agglomérations. Certains ménages ruraux pauvres peuvent vivre dans des logements insalubres qu’ils n’ont pas les moyens de rénover. Tandis que la population pauvre des centres urbains loge dans des petits logements du parc social « de fait » ou dans les HLM, dont ils deviennent peu à peu « captifs ». Afin de mieux observer ces situations de mal-logement, ce portrait démographique et socio-économique de la Bretagne doit être mis en regard avec les dynamiques des marchés de l’habitat.

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II – MARCHES DE L’HABITAT A certains égards, la dynamique des marchés relatifs à l’habitat et au logement semble être positive. Les chiffres témoignent en effet d’une nette reprise de la construction. Cependant, il faut ajouter que, d’une part, si l’on compare les prévisions démographiques et les besoins en logement correspondant, on s’aperçoit que cette reprise répond tout juste aux besoins créés par l’évolution de la population, et que d’autre part, cette tendance ne se traduit pas par une baisse des prix à l’achat, ni à la location. Tout au plus peut-on parler d’une croissance moins importante… Enfin, la Bretagne reste une région en retard aussi bien quant à la part de logements sociaux dans le parc total de logement que dans l’offre d’hébergement à destination des personnes en difficulté. Concernant le parc social, le développement de l’offre, orienté vers la maison individuelle en zone périurbaine, est sans doute trop lent pour permettre un rattrapage pourtant nécessaire.

II.1 - STRUCTURE DU PARC DE LOGEMENT ET EVOLUTION DU FONCIER En 1999, sur un parc total d’environ 1 500 000 logements, on comptait 1 210 000 résidences principales (soit environ 81%) et 197 570 résidences secondaires (environ 13,2%). En outre, 85 380 logements vacants étaient comptabilisés. La part des résidences secondaires dans le parc total de logements était, toujours en 1999, de 3,3 points supérieure à la proportion nationale (France entière). Logiquement, ce sont les zones littorales qui enregistrent les taux les plus importants de résidences secondaires. Les enquêtes annuelles de recensement de 2004 et de 2005 indiquent par ailleurs que la part des résidences secondaires a augmenté d’un point pour atteindre 14,2% du nombre total de logements. Par ailleurs, la Bretagne est la région de France qui compte la plus forte proportion de ménages propriétaires de leur logement. Et cette part augmente elle aussi pour passer de 63,5% en 1999 à 65,4% en 2004 tandis que la part des locataires recule (33,1% à 32,7%) (INSEE 2004). La traditionnelle aspiration pour la maison individuelle ne faiblit donc pas. Cette brève présentation du parc de logements doit être complétée par quelques observations concernant l’évolution du foncier en Bretagne. Le prix du foncier est l’un des principaux déterminants de l’évolution des marchés de l’habitat. Il influe sensiblement sur le prix des opérations de constructions des investisseurs privés, mais aussi sur la capacité des bailleurs sociaux à construire des logements accessibles aux ménages modestes. Une étude de la DDE informe de l’évolution de la problématique foncière en Bretagne14. Trois éléments notamment retiennent l’attention : - Les agglomérations sont les premières zones à subir la croissance des prix du foncier. Celle-ci varie cependant selon leurs caractéristiques. Les agglomérations à forte croissance démographique comme Vannes et Rennes enregistrent une forte hausse des prix en raison d’une demande toujours très soutenue. Les autres agglomérations connaissent des situations différentes selon qu’elles bénéficient de l’attractivité du littoral ou non. Ainsi, Brest, Quimper et Saint-Brieuc connaissent une hausse des prix relativement modérée, alors que pour Saint-Malo, Lannion et Lorient, la pression foncière se fait plus vive en raison de la forte demande de résidence secondaire.

14 La problématique foncière en Bretagne, septembre 2004, DRE Bretagne.

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- Les territoires périurbains des agglomérations situés à moins de 45 minutes des centres continuent de croître de façon importante. L’étude de la DRE ajoute que la demande sur ce type de secteur provient des ménages plutôt modestes ; les ménages plus aisés souhaitant toujours résider à proximité de la commune centrale, plus satisfaisante en termes de commerces et de services. - Enfin, les communes du littoral subissent elles aussi une hausse des prix essentiellement due à la forte demande de résidences secondaires par les ménages plus âgés. Ce dernier facteur peut d’ailleurs être combiné avec le facteur « périurbain », rendant plus difficile encore l’accès au logement des ménages locaux modestes (comme à Carnac par exemple, dans le Finistère Sud).

II.2 - LA CONSTRUCTION ET LA COMMERCIALISATION DE LOGEMENTS NEUFS

Les constructions de logements en augmentation Le contexte foncier plutôt difficile n’empêche pas le nombre de constructions neuves d’augmenter. Cette situation s’explique surtout par les faibles taux d’intérêts pratiqués et l’allongement de la durée des prêts. En 2006, on a construit en Bretagne 42 095 logements neufs. Entre 2003 et 2006, la production annuelle a augmenté de 60,7%, c'est-à-dire un peu plus rapidement qu’en France pendant la même période (cf. le tableau suivant).

Total logements ordinaires Année 2003 2004 2005 2006 Augmentation 2003-2006

Bretagne 26197 35936 41063 42095 60,7% France 361946 435662 486462 533915 47,5%

On note que la part des logements individuels est toujours plus importante que celle des logements collectifs, mais aussi qu’elle diminue à partir de 2003. Le graphique suivant montre bien la part de plus en plus importante prise par le logement collectif à partir de cette date. Cette évolution confirme la pression foncière importante évoquée ci-dessus, obligeant les promoteurs privés à s’orienter vers des programmes collectifs, plus rentables que les opérations individuelles.

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Si cette reprise de la construction est à saluer, on peut se demander si elle est suffisante, et si elle permettra de répondre aux besoins futurs en termes de logement. Une comparaison des chiffres de la construction et des prévisions de l’INSEE concernant l’évolution de la population amène à donner une réponse plutôt positive. En effet, la démographie de la Bretagne va sans aucun doute continuer de croître dans les années à venir. La région reste aujourd’hui très attractive, et le solde migratoire de la région, principal moteur de la croissance de la population bretonne, restera positif pendant quelques décennies encore. Combinant les projections démographiques avec les données concernant le desserrement des ménages, l’INSEE prévoit 180 000 ménages supplémentaires en 2015 par rapport aux chiffres de 1999, soit une augmentation moyenne de 11 500 ménages par an (13 000 jusqu’en 2007, puis 10 000 ensuite). En outre, au regard des recensements entre 1999 et 2004, on peut considérer qu’environ 7 500 logements par an passent du statut de résidence principale à résidence secondaire. Ces deux chiffres additionnés peuvent donner une estimation du nombre de construction de logements nécessaires pour répondre aux évolutions démographiques de la Bretagne : 19 000 logements. Or, entre 1999 et 2004, la Bretagne a construit environ 132 000 logements, soit une moyenne de 22 000 par an. Pendant cette période, la région a donc produit environ 3 000 logements de plus que ce qu’il ne fallait pour répondre à l’évolution du nombre de ménages. Le rythme de la construction semble être lui aussi plutôt satisfaisant. Si l’on met en rapport le nombre de logements construits chaque année (environ 22 000) en moyenne et le nombre d’habitants (fixé ici à 3 millions), on constate qu’entre 1999 et 2004, la Bretagne a construit à un rythme annuel d’environ 7,5 logements pour 1000 habitants. Calculée sur une période plus récente (2005-2006), ce rythme augmente pour atteindre près de 14 logements pour 1000 habitants. A titre de comparaison, le taux actuel en Ile-de-France tourne autour de 3 logements pour 1000 habitants ; ceux des régions Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées atteignent respectivement 6 pour 1000 et 8 pour 100015. Les chiffres de la construction des dernières années conduisent donc à dire que la Bretagne est sur la bonne voie. Deux points sont cependant à relever. D’abord, cette augmentation de la construction de logement ne s’est jusqu’à présent pas traduite par une baisse des prix des logements à l’achat et à la location. D’autre part, la Bretagne souffre encore d’un net déficit de logements sociaux, et le développement actuel ne constitue pas une réponse satisfaisante aux problèmes de logement que rencontrent les ménages défavorisés.

La commercialisation des logements neufs : une forte augmentation des prix Concernant la commercialisation des logements neufs, on note que les ventes en 2005 s’élevaient à 6819 dans le logement collectif et 1238 dans le logement individuel. En comparaison avec l’année 2004, les ventes de logements collectifs augmentent de 15% et celles de logements individuels de plus de 36% (sources : DRE – ECLN). Mais l’augmentation sensible du nombre de logements construits et de leur commercialisation n’empêche pas leurs prix de monter de façon alarmante, et de contribuer à l’éloignement des agglomérations des nouveaux accédants à la propriété. Le phénomène est particulièrement inquiétant en Ille-et-Vilaine. Comme le montre le tableau suivant (prix des logements financés à l’aide d’un Prêt à Taux Zéro - PTZ), le prix moyen d’un logement individuel localisé dans un espace rural en 2005 dépasse aujourd’hui celui d’un logement individuel de même type localisé dans un pôle urbain en 2000. 15 Informations sociales n°130, Familles et villes, mars 2006, Paris.

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ADIL 35

Un autre tableau de l’ADIL 35 montre davantage les répercussions de cette hausse des prix sur le budget des nouveaux accédants éligibles au PTZ. Parmi les accédants ayant bénéficié d’un Prêt à Taux Zéro, le montant moyen emprunté est passé de 80255 € en 1996 à 130955 € en 2005, soit une augmentation de 63% ! (52% de 1998 à 2005). On peut aussi y lire que, parallèlement, l’apport moyen en 1996 était égal à 25 623 € alors qu’il peine à dépasser les 15000 € en 2005, et que le taux d’apport est passé de 24% en 1996 à 10%. Tout cela se traduisant par une progression de presque 4 points concernant le taux d’effort (de 29,3% à 33,1%).

ADIL 35

II.3 - LE PARC LOCATIF PRIVE ET SOCIAL S’endettant plus fortement et pour une durée plus importante lorsqu’ils souhaitent accéder à la propriété, les ménages à faibles ressources parviennent mal à se tourner vers le marché locatif privé, en raison des prix qui y sont pratiqués, et vers le parc social, en raison d’un déficit chronique de logements sociaux.

Des prix à la location aussi en augmentation Après avoir connu une véritable flambée, le marché locatif privé connaît une légère accalmie en 2006. En France, après avoir augmenté en moyenne de 5,1% en 2005, la hausse a marqué le pas : + 3,5% en 2006. La Bretagne connaît le même ralentissement, mais se situe encore tout de même légèrement au-dessus de la moyenne nationale : + 4,1% en 2006. Selon CLAMEUR, la hausse des loyers serait plus importante dans les Côtes-d’Armor et dans le Finistère (cf. tableau suivant).

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Département Prix 2006 en €/m2 Evolution 2006/2005

COTES D’ARMOR 7,3 +5,9

FINISTÈRE 8,1 +5,6

MORBIHAN 9,6 +2,4

ILLE-ET-VILAINE 10,9 +4,7 Source : CLAMEUR

Une observation plus fine du marché locatif des agglomérations de Bretagne (pour un T3 moyen de 65 m2) révèle que Vannes est la commune la plus chère à la location, et Lorient celle qui connaît la plus forte augmentation. Selon CLAMEUR, Rennes connaît une légère baisse des prix à la location pour ce qui concerne les logements de 3 pièces.

Communes Loyer d'un 3 pièces de 65m2 Evolution 2006/2005

RENNES 533 -2,5

VANNES 539,5 +5,4

LORIENT 487,5 +8,8

LANESTER 468 +0,5

QUIMPER 468 +5,7

BREST 455 +3

SAINT BRIEUC 416 +6,3

LANNION 377 -4,7 Source : CLAMEUR

La trop faible part du logement social Concernant le logement social, la Bretagne accuse un retard certain. Le parc locatif social de Bretagne comptait un peu plus de 140000 logements en 200516. Sur l’ensemble du parc de logements, le parc social ne représente que 10,8% soit bien en dessous de la moyenne nationale (16,3%). Aussi, on compte 46 logements sociaux pour 1000 habitants, alors que la moyenne nationale est de 69 pour 1000. Pour donner un autre élément de comparaison, la Basse-Normandie compte 76 logements sociaux pour 1000 habitants. En 2004, la Région comptait 40 000 demandes, alors que la capacité d’offre était de 19000 par an (nombre de logements mis en location). En mai 2005, l’AROHLM comptait même 72000 demandes, soit une progression de 80%17 ! Cette augmentation importante du nombre de demandes montre que l’augmentation de la construction ne bénéficie pas encore aux ménages modestes de Bretagne. Le parc social est très largement insuffisant. Ce n’est pas étonnant si l’on considère le nombre de communes ne respectant pas la loi SRU. Sur l’ensemble du territoire régional, 23 communes sont soumises à l’article 55 de la loi SRU (cf. le tableau ci-après).

COMMUNES SOUMISES A L’ARTICLE 55 DE LA LOI SRU FINISTERE (8 COMMUNES)

Agglomération de Brest : Gouesnou (6 042) 5,5 %* ; Guipavas (12 584) 5,8 % ; Plougastel-Daoulas (12 248) 5,4 % ; Plouzané (12 045) 14,7 % ; Le Relecq-Kerhuon (10 866) 11 % ; Agglomération de Quimper : Ergué-Gabéric (6 925) 11,4 % ; Plomelin (3 938) 7,5 % ; Quimper (63 238) 18,5 %.

ILLE-ET-VILAINE (7 COMMUNES) Agglomération de Rennes : Bruz (13 207) 8,1 % ; Cesson-Sévigné (14 344) 6,9 % ; Chantepie (6 793) 16 % ; Chartres-de-Bretagne (6 467) 10,9 % ; Saint-Grégoire (7 644) 8,8 % ; Saint-Jacques-de-la-Lande (7 582) 17,7 % ; Vezin-le-Coquet (4 026) 11,9 %.

16 DRE, ARO Habitat, Le parc locatif social en Bretagne, enquête EPLS 2005. 17 Dont 38 000 demandes provenant de candidats qui ne sont pas aujourd’hui locataires dans le parc social.

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COTES-D’ARMOR (4 COMMUNES) Agglomération de Saint-Brieuc : Langueux (6 248) 8,9 % ; Plérin (12 512) 12 % ; Trégueux (6 581) 6,4 % ; Yffiniac (3 842) 5,1 %.

MORBIHAN (4 COMMUNES) Agglomération de Lorient : Larmor-Plage (8 470) 6,4 % ; Ploëmeur (18 304) 7,6 % ; Quéven (8 314) 9,7 % ; Agglomération de Vannes : Saint-Avé (8 303) 11,1 %.

* Lecture : Nom de la commune (nombre d’habitants en 1999) Pourcentage de logements sociaux Ministère de l’équipement

Au regard des projections démographiques de l’INSEE dont on a fait mention plus haut, et de l’évolution de la demande de logements sociaux, la construction de logements sociaux peut légitimement apparaître comme une priorité régionale. L’observation de l’évolution de la construction dans le Morbihan et à Brest fait pourtant craindre qu’un certain nombre de collectivités territoriales n’aient pas bien pris la mesure du problème (cf. plus loin la quatrième partie sur les politiques concernant le logement social). Autres indicateurs du déficit de logements sociaux : le taux de vacance et le taux d’attribution. Sur l’ensemble du parc, on note un taux de vacance de plus de trois mois de seulement 0,4%, même si on observe des « poches » de vacance à Guingamp et Plédran, dans le parc ancien. C’est l’un des taux de vacance les plus faibles de France, avec la Corse. Certes, le taux de sortie dépasse de 2,5 points le niveau national pour atteindre 12,6%, si bien que le nombre de logements libérés est en proportion plus important qu’à l’échelle nationale. Mais il ne se traduit pas systématiquement par une augmentation du nombre d’attributions, et il reste bien plus bas dans les villes-centres des grandes agglomérations. L’exemple de Rennes est significatif. Le tableau suivant, tiré du dernier PLH de Rennes-Métropole (2007-2012) donne les statistiques concernant les taux d’attribution en 1995 et en 2003. On peut y lire qu’un écart de 6 points entre Rennes et sa périphérie concernant les taux d’attribution, et constater en même temps, une nette tendance à la baisse des deux côtés.

Taux d’attribution à Rennes Métropole

1995 2003 Rennes 14% 10,8%

Périphérie 20,4% 16,3% PLH Rennes Métropole

Un développement de l’offre axé sur la maison individuelle en zone périurbaine Entre 2004 et 2005, le parc social de Bretagne a connu un accroissement de 2% (tandis que le parc national progressait de 0,7%). Sur les 7 dernières années, la progression est de 14%. En 2006, 21,7% du parc social est composé de maisons individuelles (soit près de 8 points de plus que la France entière). Cette proportion se révèle plus importante en Bretagne qu’ailleurs et est en progression. Depuis 3 ans, les constructions individuelles dans le parc social représentent en Bretagne la moitié des nouvelles mises en location (48%), alors qu’elles ne sont qu’une sur trois au niveau national. Aussi, en 2006, on construit davantage en dehors des aires urbaines. 476 communes possèdent un parc social composé exclusivement de maisons individuelles. On observe donc que la part de logements collectifs dans les logements sociaux construits suit une tendance inverse de celle dans la construction globale. Aussi, on peut craindre que ce type de développement ne permette pas de rattraper le retard de la Bretagne quant au nombre de logements sociaux. L’AROHLM note d’ailleurs que, malgré un effort de rattrapage entre 1999 et 2002 (environ 2500 logements construits par an) le poids du logement social

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dans le parc total de logements n’aura pas augmenté et sera resté à son niveau de 1999, soit 11%18. Parallèlement, sur un plan qualitatif, on note une part plus importante de logements en PLS dans la programmation de construction, alors que cette offre n’est pas destinée aux ménages à faibles ressources. Le plan de cohésion sociale indique que 3880 logements sociaux étaient programmés en 2005, et 4600 en 2009. On note donc une progression prévue de 18,5%. Une observation plus fine révèle cependant que le nombre de logements financés en PLUS-PLAI ne passera que de 2950 à 3200 en 2009 (8,5% d’augmentation), alors que parallèlement, le nombre de logements financés en PLS explose pour passer de 930 en 2005 à 1400 en 2009 (soit une augmentation de plus de 50%). La production n’est donc pas destinée aux ménages à faibles ressources. Le tableau suivant illustre le décalage entre les besoins des ménages et les tendances de la construction de logements sociaux. Les projections démographiques de l’INSEE nous ont permis d’estimer à 19 000 le nombre de logements qu’il fallait construire pour répondre à l’augmentation prévisible des ménages (cf. la partie sur la construction et la commercialisation de logements neufs). La demande potentielle de logements sociaux est évaluée ici à 13 300 (sachant qu’environ 70% des ménages ont des revenus inférieurs aux plafonds PLUS). Au regard des 3 200 logements sociaux programmés en 2006, le décalage entre les besoins et la construction peut être estimé à plus de 10 000. Ajoutons enfin que notre estimation ne tient pas compte du stock de demandeurs de logements sociaux en mai 2005 (72 000, dont 38 000 demandes provenant de candidats qui ne sont pas aujourd’hui locataires dans le parc social).

FORS Recherche Sociale

II.4 - LES STRUCTURES D’HEBERGEMENT : CHRS ET CADA

Les centres d’hébergement d’urgence et les personnes « à la rue » La Bretagne est insuffisamment équipée en CHRS (Centre d’Hébergement et de Réadaptation Sociale). En 2005, la DRASS a comptabilisé 1061 places en CHRS (161 places dans les Côtes d’Armor, 236 places dans le Finistère, 459 places en Ille-et-Vilaine et

18 Mise en œuvre du volet logement du plan de cohésion sociale. Accord régional Bretagne, ARO habitat Bretagne, juillet 2005.

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205 places dans le Morbihan). Le taux d’équipement en lits de CHRS (pour 1000 adultes de 20 à 59 ans) est de 0,67, alors qu’il atteint 0,94 en France métropolitaine. Seul le département d’Ille-et-Vilaine se rapproche de la moyenne nationale, avec un taux d’équipement de 0,92. C’est le département du Finistère qui s’en éloigne le plus, avec un taux de 0,51. Le département des Côtes d’Armor et du Morbihan présentent des taux respectifs de 0,57 et 0,58, soit bien en dessous de la moyenne nationale. En octobre 2005, la délégation bretonne de la FNARS a d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme. Car les besoins augmentent sensiblement. « Nous ne pouvons que constater la montée de la précarité sous toutes ses formes : forte augmentation des personnes sans domicile fixe ou mal-logées, paupérisation qui augmente, exclusion sociale qui se banalise, nombre grandissant des jeunes en errance ». Mais dans le même temps, l’offre de places en hébergement d’urgence n’a que très légèrement augmenté. « En deux ans, seulement douze places ont été créées dans les centres d’hébergement bretons, alors qu’il en faudrait 200 à 300 supplémentaires ».

A Rennes, la ville-centre concentre un nombre de mal-logés relativement important. Le PLH de Rennes métropole note qu’en 2003, sur les 900 adultes sortis des CHRS, seulement 24% trouvent un logement (et 22% sont hébergés chez des tiers). En outre, 455 ménages sont orientés vers les Services d’Accueil et d’Orientation. Enfin, selon un repérage établi par les missions locales, sur les 12 100 jeunes recensés comme étant en situation précaire, une centaine serait en situation d’errance dans la métropole.

A Vannes, un acteur associatif du logement compte une vingtaine de SDF, qui se divise en deux catégories : il y a le « clochard traditionnel », mais surtout un nombre croissant de jeunes en errance, adoptant un look punk, et ayant souvent un chien pour compagnon, ce qui rend difficile leur hébergement. Aussi, à Lorient, le PLH indique un nombre croissant de demandes en hébergement d’urgence. Ces quelques éléments sur les jeunes en errance montrent aussi que l’offre n’est pas totalement adaptée aux besoins. Le président de la délégation bretonne de la FNARS souligne que les règlements apparaissent trop stricts à des jeunes qui en général fuient les relations d’autorité. Ces règlements sont certes nécessaires, mais doivent connaître un assouplissement pour pouvoir accueillir ces jeunes en mal de repères.

Les demandeurs d’asile : des réfugiés qui ne parviennent pas à sortir des CADA La situation n’est guère plus reluisante pour ce qui concerne les centres d’accueil pour demandeurs d’asiles. La Préfète Bernadette Malgorn explique19 que pendant longtemps, la Bretagne n’a pas été véritablement concernée par l’augmentation des demandes d’asile observée sur le territoire national. Mais, ajoute-t-elle, il y a eu depuis 2000, « un phénomène de rattrapage ». Entre 2000 et 2004 en effet, le nombre de demandes d’asile déposées a quasiment été multiplié par 6, pour passer d’une centaine en 2000 à 591 en 2004. D’autres chiffres font état d’un rattrapage plus inquiétant encore : l’ANAEM, qui se base sur les

19 Ouest France du 2 juillet 2005.

A Dinan, la préférence « communale » pour les hébergés

A Dinan, en 2005, le débat autour de la construction d’une maison-relais pour des personnes en réadaptation sociale prenait une tournure originale. La municipalité a en effet exprimé le souhait de respecter « les dosages » afin de ne pas voir la structure envahie par une population pauvre, et non dinannaise. En guise d’argumentation, certains conseillers municipaux ont pris l’exemple du CHRS de la ville, qui reçoit « même des Russes et des Tchétchènes ». L’adjoint aux finances a proposé d’inclure « une clause de priorité pour les candidats Dinannais ». Le Maire a tout de suite répondu qu’ils n’en avaient pas le droit, mais que rien ne les empêchait de le faire savoir « oralement »…

Informations tirées de Ouest-France du 17 décembre 2005

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données de l’OFPRA20, indique en effet 1226 demandeurs d’asile en 2004 (contre 1050 en 2003). Parallèlement, le nombre de place en centre d’accueil semble avoir lui aussi augmenté, mais de façon insuffisante. L’AFTAM est le principal gestionnaire de Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile. Ses statistiques indiquent qu’en Ille-et-Vilaine, les CADA comptent 302 places, dont 119 à Rennes. Un autre CADA est localisé dans les Côtes d’Armor, à Saint-Brieuc. Les CADA gérés par l’AFTAM totalisent donc 382 places à l’échelle régionale. Le rapport de l’ANAEM, qui présente des chiffres plus globaux, fait état de 763 places en 2005 (contre 529 en 2003, soit une augmentation de 44,2%). Des efforts semblent donc avoir été faits dans ce domaine, même si le nombre de places apparaît encore aujourd’hui insuffisant. La tension que connaissent les centres d’accueil vient de la difficulté à, d’une part, développer l’offre et, d’autre part, à libérer les logements occupés par les personnes accueillies (à augmenter la rotation dans les centres d’accueil). Concernant l’offre, la Préfète dit être parfois dans l’impossibilité de trouver des lieux pour construire de nouveaux centres. Et pour ce qui est de la rotation, celle-ci semble être au plus bas, et pour une raison simple : ceux qui devraient partir ne partent pas. Les déboutés sont encore trop nombreux à résider dans les centres, alors que, selon la Préfète, ils devraient faire l’objet d’une reconduite dans leur pays d’origine. Et ceux qui ont obtenu le statut de réfugié ne parviennent pas à accéder à un logement dans le parc social. En Ille-et-Vilaine, en 2005, 170 personnes sont dans ce cas.

20 Etat du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2005, ANAEM.

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III – FIGURES DU MAL-LOGEMENT La socio-démographie de la région a permis de dresser une brève typologie des personnes susceptibles de vivre des difficultés d’accès ou de maintien au logement. Nous observerons ici le rapport de ces trois types de population au logement. - Les jeunes ménages et les travailleurs pauvres, dont les revenus sont proches de la médiane, et qui rencontrent des difficultés d’accès ou de maintien dans le logement, notamment lorsqu’ils ont l’ambition d’acquérir un logement ; - Les pauvres des zones rurales, propriétaires ou non, qui occupent un logement insalubre et les pauvres des villes-centres, logeant en ZUS ou dans le parc ancien inconfortable (jeunes en difficulté, étrangers en situation précaire, familles en situation de surpeuplement…) ; - Les étudiants modestes, notamment ceux inscrits dans les grandes universités bretonnes.

III.1 - LES ACCEDANTS ET CANDIDATS A L’ACCESSION EN DIFFICULTE On l’a vu, si la Bretagne ne peut pas être considérée comme une région « pauvre », de nombreux ménages se situent juste au-dessus de la limite de la pauvreté. Ils représentent presque un tiers des allocataires de la CAF à bas revenus21. Ces allocataires, qui disposent de revenus salariaux dans la plupart des cas, ont souvent l’ambition d’acquérir une maison individuelle. Selon l’INSEE, un tiers de ces ménages est accédant à la propriété. Mais la tension immobilière extrêmement forte dans les zones urbaines et périurbaines oblige ces familles à s’éloigner de plus en plus du centre des agglomérations, ou à s’endetter plus durablement et fortement.

A Rennes, des jeunes ménages contraints à l’exil Les difficultés à trouver du foncier bon marché dans la métropole rennaise réduisent souvent les ambitions des jeunes ménages candidats à l’accession d’un logement. La plupart du temps, ils doivent revoir à la hausse le budget initialement prévu, et surtout, ils vont devoir de plus en plus s’éloigner des villes-centres des agglomérations. L’augmentation des prix des logements neufs est telle qu’ils sont aujourd’hui inaccessibles aux catégories modestes, mais aussi aux classes intermédiaires. Parfois, la demande se reporte alors sur le marché de l’ancien, mais celui-ci a lui aussi fortement augmenté. A Rennes, ces facteurs poussent les ménages de plus de 2 personnes à s’installer en dehors de la métropole. Le tableau ci-dessous montre que la proportion de ces ménages augmente avec l’éloignement de la ville-centre de la métropole rennaise. Il indique en effet que la part de ces ménages est de 25% à Rennes pour passer à 49% dans les autres communes de la métropole et à 51% dans les autres communes du Pays de Rennes. On note aussi que la population ayant entre 30 et 49 ans n’a quasiment pas évolué dans la métropole alors qu’elle a subi une forte argumentation dans le Pays de Rennes (+15,5%). Enfin, le taux de ménages imposables montre que ceux qui se voient contraints de s’éloigner de la métropole sont aussi ceux qui ont le moins de revenus. 21 Octant n° 102 - Juillet 2005.

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Rennes Métropole (hors Rennes)

Pays de Rennes. (hors Métropole)

% Ménages > 2 25% 49% 51% Evolution des 30-49 ans -0,4% -0,1% +15,5%

% imposable 56% 66% 51% PLH Rennes Métropole

En Côtes d’Armor, des accédants en difficulté plus nombreux Nous avons vu dans la partie concernant les marchés de l’habitat que la Bretagne présente des chiffres plutôt satisfaisants pour ce qui est la construction de logements. Dans le département des Côtes d’Armor, la construction des maisons individuelles a explosé. Le nombre d’autorisation de lotir en témoigne : il est passé de 1800 lots en 2003 à 3475 lots en 2005. Cette même année, 3654 ménages ont pu faire construire une maison individuelle, soit 19% de plus qu’en 2004, et 156% de plus qu’en 1997 (ADIL 22). Ces statistiques s’expliquent en partie par les prix du foncier, encore relativement accessibles dans les Côtes d’Armor. Les taux d’intérêt pratiqués par les banques ces dernières années – relativement bas – peuvent être un autre élément d’explication ; ils ont sans doute contribué à permettre aux ménages modestes de souscrire plus facilement à un crédit immobilier et d’acquérir un logement. On aurait cependant tort de croire que ces chiffres correspondent à une véritable « démocratisation » de l’accès à la propriété. Car cet essor de la construction de maisons individuelles correspond aussi à un endettement plus lourd des ménages modestes. La durée des prêts s’est très largement allongée ; et les ménages accédants à l’aide de crédit immobilier d’une durée inférieure à 20 ans deviennent de plus en plus rares (moins de 30% des accédants). Le nombre de dossiers de surendettement déclarés recevables par les Commissions de Surendettement est passé de 623 à 1071, soit une augmentation de presque 72% ! (ADIL 22). Par ailleurs, l’ADIL relève un marquage social et spatial des opérations qui s’accentue : les ménages ayant des revenus inférieurs à 2 SMIC sont surreprésentés en zone rurale, tandis que les ménages appartenant aux autres catégories sociales se retrouvent, eux, en zone urbaine ou périurbaine. Le relatif dynamisme du marché immobilier breton cache donc parfois des inégalités devant l’accession à la propriété (l’agglomération pour les riches, la campagne pour les pauvres) ainsi que des situations financières difficiles qui peuvent aboutir à un surendettement des ménages.

III.2 - LOGEMENTS INSALUBRES ET HLM DEQUALIFIES Les jeunes ménages néo-ruraux ne sont pas les seuls à vivre des situations de logement difficiles. Les zones rurales de Bretagne comptent une autre catégorie de propriétaires en proie au mal-logement : les ménages d’exploitants agricoles qui parviennent mal à subvenir à leurs besoins, et notamment les hommes seuls, cinquantenaires, ayant exercé une activité agricole mais aujourd’hui au chômage. Dans les agglomérations, c’est dans le parc social qu’on retrouve les ménages les plus en difficulté. Les quartiers HLM dans lesquels ils vivent sont de plus en plus déqualifiés, et s’apparentent aujourd’hui davantage à des « nasses » qu’à des « sas » permettant l’accès aux logements de droit commun.

Propriétaires impécunieux en milieu rural Dans une étude pour le Pôle National de Lutte contre l’Habitat Indigne, le cabinet FORS rapporte la situation d’un propriétaire de 51 ans, obligé d’abandonner l’exploitation de son

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domaine agricole. Cet homme vivait seul, dans un logement d’une seule pièce dont le sol était en terre battue et qui ne comprenait qu’un seul point d’eau, à l’extérieur. Pourtant, lorsqu’il a hérité de ce complexe agricole, ce propriétaire n’avait pas envisagé de faire des travaux : « Les travaux ? J’étais pas trop là-dessus ». Son parcours de vie l’avait accoutumé à ces conditions de logement difficiles. Il avait en effet vécu de la même manière avec ses parents, et ce depuis plus de 40 ans. Cependant, peu visité par son voisinage, souffrant d’isolement, ce quinquagénaire a rapidement sombré dans l’alcool. Cette situation ne saurait avoir qu’un caractère anecdotique. Les chiffres de la DREES indiquent en effet que la Bretagne fait partie des régions, avec le Nord-Pas-de-Calais, qui sont les plus touchées par l’alcoolisme. (cf. Recherche sociale n°180, Itinéraires résidentiels en habitat indigne et lutte contre l’exclusion, oct.-déc. 2006, Paris). Dans le Morbihan, le bénévole d’une association témoigne des mauvaises conditions de vie des propriétaires impécunieux. Il explique la persistance de cette situation par le fait que les personnes ne sont pas réellement en demande d’une amélioration et disent avoir « toujours vécu comme ça ». Toutes les parties rurales de la Bretagne sont concernées par ce problème. En Ille-et-Vilaine, les Compagnons Bâtisseurs ont régulièrement à faire à ce type de public. Comme les autres opérateurs, ils indiquent que les propriétaires sont rarement convaincus de l’utilité d’entreprendre une opération de réhabilitation. Dans le milieu agricole par exemple, les agriculteurs exploitants privilégient souvent la bonne marche de l’exploitation avant toute chose, et donc au détriment du mode de vie dans le logement.

Les logements HLM des agglomérations Plus encore que dans les zones rurales, les ménages pauvres se situent en nombre dans les centres des pôles urbains. Un document de l’INSEE relatif à la pauvreté en Bretagne indique que la part de la population à bas revenus dans les pôles urbains s’élève à 16% alors qu’elle se situe entre 8,9% et 12,8% ailleurs. Dans bien des cas, cette population loge dans les HLM des zones urbaines sensibles, ou encore dans le parc inconfortable des centres-villes. Des données concernant l’appauvrissement des ménages logés en HLM laissent supposer qu’ils perdent leur potentiel de mobilité et qu’ils deviennent « captifs », en quelque sorte, du parc social.

L’appauvrissement des ménages logés en HLM Les résultats des enquêtes d’occupations sociales (de 1997 à 2006) indiquent la part des ménages à faibles ressources dans le parc social et son évolution. L’enquête la plus récente (2006) montre que 71,1% des ménages de Bretagne logés en HLM ont des revenus inférieurs à 60% des plafonds. A titre de comparaison, en France métropolitaine, ils représentent 66,2% de l’ensemble des ménages. L’évolution de cette proportion des ménages à faibles revenus s’avère aussi inquiétante. Entre 1997 et 2006, la part des ménages ayant des ressources inférieures à 60% du plafond HLM passe de 55,5% à 71,1%, soit une augmentation de 5,2 points. Il faut toutefois signaler que cette tendance à l’appauvrissement est nationale (5,9 points d’augmentation pour l’ensemble des régions). Les données départementales des enquêtes 2000 et 2003 permettent d’observer plus finement la pauvreté dans le parc social et ses tendances. Elles informent notamment que dans le département des Côtes d’Armor, la part des ménages à faibles ressources est de 72,2% en 2003, soit 6,2 points au-dessus de la moyenne régionale, et 11,9 points au-dessus de la moyenne nationale (qui est de 60,3% en 2003). Seul l’Ille-et-Vilaine connaît une proportion proche de la moyenne nationale avec un taux de 60,7%. L’observation de l’évolution de la part des ménages à faibles ressources révèle une augmentation de près de 3 points dans le département du Finistère. En revanche, cette proportion est en diminution

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dans le Morbihan, et est restée relativement stable en Ille-et-Vilaine et dans les Côtes d’Armor.

Pourcentage des ménages logés en HLM ayant des revenus inférieurs à 60% des plafonds Côtes d’Armor Finistère Ille-et-Vilaine Morbihan Bretagne

2000 72% 66,5% 61,3% 70,3% 66,1% 2003 72,2% 69,2% 60,7% 67,7% 66%

Source : Enquêtes OPS 2000 et 2003

Une population pauvre et vieillissante pour un parc social déqualifié : l’exemple de Morlaix La communauté d’agglomération du Pays de Morlaix (CAPM) se caractérise par un littoral et une ceinture périurbaine plutôt riches qui contrastent avec une ville-centre particulièrement marquée par la pauvreté. L’agglomération connaît une démographie bien moins dynamique que la région. A certains égards, cette dernière peut même apparaître défavorable, avec des projections qui prévoient une diminution des jeunes et davantage de personnes âgées dans les deux décennies à venir. D’ici à 2020, la population des moins de 55 ans devrait baisser de 15 à 20% et celle des plus de 55 ans augmenter de 33 à 36 %. L’observation des statistiques concernant les ménages modestes sur l’ensemble de l’agglomération révèle qu’hormis le littoral et la ceinture périurbaine de Morlaix, les locataires du secteur privé ont des revenus inférieurs aux plafonds HLM pour plus de 75%. Parmi les principales autres villes du Finistère, la ville de Morlaix est celle qui compte le plus de ménages en situation de pauvreté. Enfin, la part des bénéficiaires de minima sociaux est passée de 7,7 % en 1999 à 12,5 % aujourd’hui (source : rapport FORS sur Morlaix). La CAPM compte 2288 logements sociaux, qui logent 7% des habitants de l’agglomération. La commune de Morlaix concentre 60% de ces logements. Entre 1998 et 2003, l’agglomération de Morlaix a produit 310 logements sociaux. Cette production semble suffisante au regard de la demande. Selon une enquête réalisée dans le cadre du PLH auprès d’une cinquantaine de ménages, la réponse à une demande de logement aboutit en moyenne au bout de 5 mois. Le nombre de logements du parc social de l’agglomération semble donc être suffisant (à l’exception des grands logements). Mais en même temps, le parc social conserve une image négative auprès des ménages interrogés dans la même enquête. Le quartier de La Madeleine, notamment, semble faire office de quartier « repoussoir ». Par ailleurs, le témoignage d’un ménage atteste de la difficulté à « quitter le quartier » lorsqu’on est en ZUS. « On ne se plaît pas du tout ici, on a fait une demande de mutation depuis plus d’un an à Habitat 29, mais il n’y a rien, comme d’habitude ! (…) Quand on habite la Madeleine, on nous colle direct l’étiquette « cas social »… » (PLH Morlaix). S’il est donc facile d’accéder à un logement social à Morlaix, il semble qu’il soit bien plus difficile d’en sortir… Moins qu’une problématique « logement », c’est à une problématique « quartier » qu’ont affaire les ménages modestes de Morlaix.

III.3 - LE LOGEMENT DES ETUDIANTS : DES DIFFICULTES A PREVOIR DANS LES ANNEES A VENIR En matière de logement, les étudiants cherchent des appartements de petites surfaces et/ou meublés, et contractent généralement des baux de courtes durées. Concernant les étudiants à faibles ressources, la demande se porte aussi naturellement vers le parc de logement du CROUS.

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Un nombre de logement « dans la moyenne » Le parc du CROUS de Rennes-Bretagne compte 5838 lits en résidence traditionnelle et 2284 T1 dans des résidences nouvellement construites. La proportion de logement par rapport à la population étudiante est proche de la moyenne nationale. Le rapport Anciaux22 fait état de 8,2 lits pour 100 étudiants (moyenne nationale à 6,7), et de 33,3 lits pour 100 étudiants boursiers (contre 31,5 à l’échelle nationale – cf. le schéma suivant).

Par ailleurs, le nombre de demande s’élève à 22 675 en Bretagne. Le rapport Anciaux en conclut qu’il y a 38 logements pour 100 demandes (chiffres 2002-2003). L’Académie se rapproche donc de la moyenne nationale, située à 39 logements pour 100 demandes. Enfin, les étudiants boursiers DSE sont logés dans le parc géré par le CROUS dans une proportion suffisante, puisqu’ils occupent 82% des logements, alors que c’est le cas de moins de 60% d’entre eux en moyenne au niveau national. L’Académie se situe en deuxième position juste après l’Académie Antilles-Guyane. On peut toutefois considérer que les besoins vont s’accroître dans les années à venir, notamment dans les grandes villes universitaires.

Des étudiants plus mobiles, plus autonomes, et qui viennent davantage de l’étranger Les effectifs des inscrits dans les Universités de Bretagne se stabilisent depuis quelques années autour de 100 000 étudiants. Mais si le nombre d’étudiants n’augmente pas, les besoins en logement subissent une croissance qui va sans doute s’accentuer dans les prochaines années. En effet, en Bretagne, comme ailleurs en France, on assiste à une mobilité croissante, et à davantage de demandes de courts séjours. L’instauration de l’équivalence européenne LMD (Licence-Master-Doctorat) à la rentrée 2004 donne un rythme plus rapide aux études universitaires, car les diplômes reposent dorénavant sur des unités semestrielles autonomes. Il en résulte un temps de présence dans les villes d’accueil qui diminue sensiblement. Cette réforme se traduit donc logiquement par une hausse du nombre d’étudiants ayant besoin d’un logement. Enfin, les étudiants d’aujourd’hui aspirent davantage à l’indépendance et dès leur deuxième cycle, souhaitent décohabiter et accéder à un logement autonome. Ces deux éléments devraient rendre plus importants les besoins en logement dans les années à venir.

22 Le logement étudiant et les aides personnalisées, Rapport de la mission confiée par Monsieur le Premier Ministre a Jean-Paul ANCIAUX, janvier 2004.

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Sur le plan national, la Bretagne ne figure pas parmi les régions qui accueillent beaucoup d’étudiants étrangers. Le taux d’étudiants étrangers en université est de 13% au plan national contre seulement 6% en Bretagne23. Cependant, il faut souligner que les pôles universitaires de la Bretagne attirent de plus en plus d’étudiants étrangers. Entre 2000 et 2003, leur nombre a augmenté de 44%. A Brest notamment, cette population a plus que doublé pour passer de 469 à 1005. Ces éléments augurent d’un rattrapage certain de la Bretagne dans l’accueil des étudiants étrangers. Ajoutons que, concernant ces derniers, les difficultés de logement sont d’une acuité particulière. Les étudiants étrangers ne représentent que 16% du public accueilli dans le parc du CROUS, et leur accès au parc locatif est rendu plus difficile en raison des prix élevés à la location, mais aussi par le fait que ces étudiants ne parviennent pas toujours à trouver les garants « nationaux » souvent exigés.

Des difficultés accrues dans les grandes villes universitaires Dans les villes moyennes de Bretagne, la question du logement des étudiants parvient à être résolue par un parc de petits logements suffisamment important, ou encore par l’organisation de « forums logement » destinés aux jeunes et aux étudiants. A Saint-Brieuc, les étudiants ne sont pas confrontés à des difficultés pour se loger. Les deux résidences universitaires, d’une capacité globale de 140 logements, semblent suffire. A la rentrée universitaire 2006, il restait même quelques places en cité universitaire. Et enfin, les loyers semblent être abordables24. Dans la presse, on raconte le cas d’une étudiante qui paye un loyer de 172 € par mois pour un studio situé à deux pas de l’IUT. De même, à Quimper, qui accueille chaque année environ 4000 étudiants, un Forum du logement des jeunes organisé deux mois avant la rentrée permet tout à la fois de mobiliser l’ensemble des intervenants dans le champ du logement et de s’informer sur les droits et les obligations du locataire sur les aides financières, ou même de trouver un logement. C’est loin d’être aussi facile à Rennes ou à Brest. Le parc de Rennes comprend certes 4180 chambres en cité Universitaire et 1540 studios, soit plus de 70% du nombre de logements CROUS de l’Académie. Mais il est chaque année plus difficile d’y loger la partie des 50 000 étudiants qui est à la recherche d’un logement. Aussi, l’attractivité de Rennes et la diversité des enseignements proposés sont telles que l’université accueille une proportion plus importante de non-Rennais, voire de non-Bretons, donc d’étudiants ayant plus souvent besoin d’accéder à un logement autonome. De même, à Brest, la chasse au logement commence dès le début du mois de juillet. Au regard du nombre d’étudiants accueillis par la deuxième ville de Bretagne (environ 28 000), et du nombre de demandes (entre 5000 et 6000 chaque année), le parc du CROUS apparaît nettement insuffisant : il compte environ 1400 chambres « traditionnelles » et 367 appartements.

23 Etude DRE – L’évolution des besoins en logement des étudiants. 24 Ouest-France du 6 septembre 2006.

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IV – POLITIQUES MISES EN PLACE Des politiques sont mises en place pour enrayer la crise du logement et répondre aux situations de mal-logement. Les pouvoirs publics peuvent actionner plusieurs leviers : ils peuvent réguler les marchés immobiliers, chercher à agir avec plus de cohérence, construire davantage de logements sociaux, et encourager la mise en location de logements à des tarifs régulés. Sur les deux premiers points, la structure de l’intercommunalité en Bretagne, avec une région coiffant le tout, donne à voir une politique cohérente dont on commence à sentir les effets sur les marchés immobiliers. Concernant la construction de logements sociaux en revanche, les bons chiffres de la construction parviennent mal à masquer que l’offre n’est pas forcément développée à destination des ménages à faibles ressources (la plupart des ménages, rappelons-le). Quant aux départements, ils doivent poursuivre le travail d’identification des publics en difficulté et renforcer leur rôle traditionnel de coordinateur des politiques liées au logement.

IV.1 – DES ACTIONS REGIONALES ET INTERCOMMUNALES QUI FAVORISENT LA REGULATION DU MARCHE ET LES POLITIQUES DE LOGEMENT

Une politique foncière encore timide dans la plupart des communes mais l’émergence d’une intervention régionale Les communes et les structures intercommunales se saisissent assez rarement, ou trop timidement, de la problématique foncière25. Dans quelques cas (Brest, Lorient et Rennes), des politiques foncières sont mises en place, mais sont de caractère trop récent pour que l’on puisse en voir aujourd’hui les résultats. La grande majorité des communes considère que l’attractivité de leur territoire est une bonne chose, et qu’il n’y a pas lieu de s’en soucier. Tout au plus limitent-elles parfois le volume des installations nouvelles. En revanche, la Région semble avoir mesurer l’importance d’agir sur le foncier. Une synthèse régionale sur la Bretagne publiée dans le rapport sur le mal-logement 2001 notait l’absence de réflexion à l’échelle régionale. En 2007, la Bretagne est confrontée à une pression foncière croissante, qui favorise une envolée incontrôlée des prix des terrains. Avec des conséquences sur le logement, l’environnement, l’accueil des entreprises… Pour y faire face, la Région Bretagne souhaite créer un Etablissement Public Foncier Régional, qui aura en grande partie pour rôle de dégager du foncier pour les bailleurs sociaux en vue de la construction de logements à loyer accessible.

Une culture forte de l’intercommunalité (l’exemple de Rennes et Brest) La région Bretagne fait partie des régions où l’intercommunalité est fortement présente. Plus de 95% de la population vit dans une commune intégrée à un établissement public de

25 Problématique foncière en Bretagne. Synthèse, DRE Bretagne, septembre 2004.

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coopération intercommunale (15 points de plus que la moyenne nationale)26. L’INSEE indique par ailleurs que toutes les aires urbaines qui répondent aux critères de la loi Chevènement sur l’intercommunalité (plus de 50 000 habitants et une ville-centre d’au moins 15 000 habitants) se sont constituées en communauté d’agglomération. Cette culture de l’intercommunalité favorise l’émergence de politique en faveur du logement ainsi que leur mise en cohérence. Ainsi, Rennes Métropole et Brest Métropole Océane ont mis en place des politiques relativement cohérentes pour s’attaquer aux problématiques de mal-logement. A Rennes Métropole, le PLH, une agence foncière, la Conférence Intercommunale du logement et la cellule locale du FSL fonctionnent au sein d’un seul et même service. Par ailleurs, la métropole bénéficie d’une importante culture partenariale, si bien que les acteurs qui interviennent sur le champ de l’habitat se rencontrent régulièrement. A Brest, l’instance de coordination des politiques de l’habitat qu’est la Conférence Intercommunale du Logement est en place depuis 2000. En outre, la Commission d’Accompagnement Social et d’Accès au Logement (CASAL) examine les demandes de logement en fonction de critères de priorité définis à l’avance.

IV.2 - LA PROGRAMMATION DE LOGEMENTS SOCIAUX ET LES POLITIQUES D’AMELIORATION DE L’HABITAT : UN BILAN CONTRASTE

Une politique de développement ambitieuse en Ille-et-Vilaine, mais insuffisante dans le Morbihan Rennes-Métropole se fixe un objectif de 36000 logements construits entre 2005 et 2012, soit un rythme annuel moyen de 4500 logements. En outre, pour améliorer l’offre de logements sociaux, le PLH prévoit la production de 25% de PLUS et de PLA-I en moyenne sur l’ensemble des opérations immobilières de l’agglomération. Cela équivaut à une offre de 1125 logements sociaux par an. Enfin, il engage l’agglomération à construire 1000 logements supplémentaires à destination des étudiants. La métropole semble donc prendre véritablement en main la question du logement social. Ce n’est pas le cas dans d’autres endroits de la Bretagne. En 2006, le Morbihan enregistre 10984 demandes de logement social. Selon un acteur associatif du logement, la file d’attente s’allonge d’année en année et pénalise les ménages à faibles revenus. Il estime que les demandes de logement de plus de 2 ans oscillent entre 1000 et 2000. Cette demande soutenue fait face à une offre qui évolue très peu. Entre 1999 et 2004, le nombre de logements sociaux dans le Morbihan est passé de 26673 à 27923, soit une augmentation de seulement 4,7%. 250 logements sociaux par an ont été construits, alors que les projections démographiques de l’INSEE concernant le Morbihan à l’horizon 2015 concluent à des besoins s’élevant à 780 logements par an. Le 26 Flash d’Octant n°85, juin 2003.

Le PLH de la Communauté de communes de Guingamp Le diagnostic fait dans le cadre du PLH de Guingamp et des communes alentours souligne les différentes problématiques auxquelles est confrontée la CC de Guingamp en matière de logement : la nécessité d’un renouvellement urbain, les situations fréquentes d’inconfort et de mal-logement, le déficit de logements adaptés pour les personnes ayant des problèmes d’autonomie, et enfin, une offre locative faible, chère, et concentrée sur Guingamp. En vue de faire face à ces problèmes, le PLH prévoit la construction de 700 nouveaux logements entre 2007 et 2012, soit 116 par an. Mais on peut légitimement se demander s’il parviendra à résoudre les problèmes relevés dans le diagnostic initial. En effet, sur ces nouveaux logements, on compte 450 logements en accession à la propriété (dont 185 en accession sociale) et 250 logements locatifs, dont seulement 150 en locatif social. Parviendra-t-on à loger ceux qui représentent « les 2/3 de la population » ? Les instances intercommunales préfèrent se fixer l’objectif « de maintenir la densité de logements sociaux […] à 16% du parc de résidences principales » et « tendre vers plus de mixité sociale »… Informations tirées du Ouest-France du le 22 décembre 2006

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département doit donc tripler son effort de construction en termes de logements sociaux.

A Brest, des efforts de construction atténués par l’effet ANRU On compte 14 projets inscrits en ANRU en Bretagne, dont 5 acceptés comme étant des projets « prioritaires ». C’est le cas du projet de rénovation urbaine du quartier de Pontanezen, à Brest. Mais si ce projet ANRU permettra sans doute de rénover une partie du parc social de Brest, il ne se traduira pas par une augmentation de l’offre à la hauteur des besoins, notamment de deux des ménages à faibles ressources. A Brest, les demandes ont en effet augmenté de 14% entre 2000 et 2003 tandis que le nombre d’attributions de logement est passé de 1496 à 1391 (PLH Brest 02-06). Cette situation s’explique d’une part en raison d’une offre qui n’a pas augmenté et, d’autre part, par la nature de cette offre. En effet, 176 logements sociaux ont été construits en 2002, 250 en 2003, et enfin 189 en 2004 (cf. le graphique suivant). La baisse entre 2003 et 2004 s’explique par le lancement des démolitions liées à l’ANRU, qui a absorbé toute l’énergie des opérateurs et affecte les capacités d’autofinancement des bailleurs. Si l’on ajoute les logements construits en compensation (PLUS-CD), on enregistre 257 constructions de logements sociaux en 2004. Mais l’observation de la nature des logements construits conduit à faire un constat moins réjouissant. Comme on peut le constater sur le graphique suivant, entre 2002 et 2004, le nombre de constructions de logements PLUS est passé de 134 à 104 et celui des logements PLA-I de 18 à 12 ; alors que sur la même période, celui des logements dits PLS a plus que triplé pour passer de 24 à 73. On peut en conclure que l’effort de construction de la CUB ne répond pas aux besoins des ménages modestes.

Il convient toutefois d’ajouter que Brest Métropole Océane a pris la délégation des aides à la pierre en 2005. Il s’agira alors d’examiner si cela lui permettra de peser davantage sur les politiques de l’habitat et la programmation de logements sociaux.

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En Côtes d’Armor, le développement d’une offre qui ne correspond pas aux besoins En 2005, 458 logements sociaux ont été construits (dont 125 pour la CABRI – communauté d’agglomération de Saint-Brieuc), et 253 logements privés à loyers maîtrisés. Pendant l’été 2006, le Préfet déclare souhaiter la réalisation de 478 logements « publics » supplémentaires en 2006 et 284 logements privés à loyers maîtrisés. L’Etat versera 7,7 millions d’euros, le Conseil Général 1,5 millions et la CABRI 1,2 millions. Ces logements doivent être développés dans les zones en expansion. En outre, 107 logements « indignes » doivent être traités et remis en location27. Le manque de foncier est l’un des premiers obstacles à cette volonté de développer l’offre. D’anciennes casernes de la gendarmerie à Lamballe ou Loudéac pourraient être rachetées. A Saint-Brieuc, du patrimoine appartenant au Réseau ferré de France est en cours de négociation. Ces efforts de constructions témoignent de la volonté politique de la CABRI de répondre aux problèmes de logements. Cependant, pour Jacques Uguen, responsable « cadre de vie » à l’UNAF, le bilan n’est toujours pas satisfaisant. Selon lui, l’offre publique n’est pas assez diversifiée. D’une part, les familles monoparentales et/ou en difficulté ne trouvent pas à se loger dans le parc actuel. Et, d’autre part, le déficit en termes de logements intermédiaires empêche les classes moyennes de « sortir » des HLM28. En 2006, l’ADIL du Finistère fait sensiblement le même constat. Mais l’agence insiste davantage sur le décalage quantitatif. « La pression sur le parc croit bien plus vite que la capacité à construire. On comptait 5200 demandes en instance en 2003, il y en a à ce jour entre 7000 et 10000 ». Il faut enfin noter que le parc actuel est par ailleurs largement concentré dans les zones urbaines sensibles du département, et présente des signes de fragilité et de dévalorisation.

L’amélioration de l’habitat dans les Côtes d’Armor Le département des Côtes d’Armor compte un parc d’environ 3000 logements locatifs inconfortables, selon les critères du décret du 30 janvier 2002. Les pouvoirs publics semblent y porter une attention particulière, et un PIG a été mis en place à l’initiative de la délégation départementale de l’ANAH (Agence Nationale d’Amélioration de l’Habitat). L’objectif est de rénover et de « conventionner », dès 2006, environ 250 logements par an. Au regard de la tendance des années précédentes, l’objectif paraît ambitieux et sera sans doute difficile à atteindre. En effet, malgré la bonne volonté des opérateurs locaux (principalement Pact-Arim et Habitat et Développement Bretagne), la production de logements à loyer « conventionné » est en diminution. Entre 2003 et 2005, elle est passée de 127 à 92 tandis que le nombre de logements en sortie de conventionnement a, lui, quasiment doublé (de 57 à 111 logements). L’ADIL indique par ailleurs (à partir de données datant de 2006) que si la production de logements conventionnés devait augmenter pour atteindre 141 en 2006, le nombre de logements en sortie de conventionnement continuait sa croissance (158 la même année). Cette évolution, si l’on raisonne en termes de stocks de logements conventionnés, se traduit logiquement par une baisse pour le moins inquiétante : on comptait 2814 logements à loyer conventionné en 2003 et 2740 en 2006.

27 Ouest-France, le 22 juin 2006. 28 Ouest-France, le 21 novembre 2006.

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IV.3 - LES ACTIONS EN FAVEUR DES PERSONNES DEFAVORISEES A L’ECHELON DEPARTEMENTAL Via les PDALPD, les départements identifient les publics susceptibles de rencontrer des difficultés d’accès ou de maintien dans le logement et élaborent un plan d’action à destination de ces publics. En principe, les PDALPD donnent aussi des objectifs quantitatifs en termes de production de l’offre de logement. Sur le premier point – l’identification des publics – les différents départements parviennent sensiblement aux mêmes conclusions. Hormis les publics qui rencontrent traditionnellement des difficultés de logements (notamment bénéficiaires des minima sociaux et familles monoparentales), d’autres catégories ont été identifiées par les différents PDALPD de Bretagne : - Les jeunes en errance, - Les personnes en souffrance psychique, - Les travailleurs pauvres ou précaires. Concernant les actions inscrites dans le PDALPD et leur mise en œuvre, en revanche, les approches diffèrent selon les départements. En Ille-et-Vilaine par exemple, une culture partenariale extrêmement forte favorise la mise en œuvre des actions, tandis que dans d’autres départements prévaut une logique de sectorisation et de territorialisation qui rend difficile la coordination des différentes démarches entreprises. Le tableau suivant rend compte des principaux axes de travail inscrits dans les PDALPD de Bretagne. On note quelques préoccupations communes : - le développement d’une offre diversifiée de logements – et donc moins ciblée sur les catégories les plus en difficulté – de façon à pouvoir intervenir sur tous les segments du marché du logement et à améliorer la fluidité des parcours résidentiels (on note cependant une exception dans les Côtes d’Armor où le développement de l’offre est plus directement orienté vers les catégories modestes, et notamment les jeunes à faibles ressources). - des actions visant à améliorer l’accès ou le maintien dans le logement (amélioration du recours aux dispositifs de solvabilisation, rédaction de chartes de prévention des expulsions dans tous les départements…). En revanche, certains axes de travail définis comme prioritaires dans des départements, mériteraient de l’être par d’autres : - Les Côtes d’Armor et le Morbihan visent à améliorer la coordination des différentes actions menées à l’échelle du territoire et le travail avec les EPCI, tandis que cela n’apparaît pas explicitement dans le Finistère et en Ille-et-Vilaine. Deux éléments d’explication peuvent être donnés : soit la culture partenariale est telle que ce besoin de coordination ne se fait pas sentir (c’est sans doute le cas en Ille-et-Vilaine) ; soit les difficultés de mise en cohérence n’ont pas été véritablement prises en compte. - La lutte contre l’habitat indigne apparaît comme une priorité des PDALPD d’Ille-et-Vilaine et du Morbihan, alors qu’il semble que ce ne soit pas encore le cas en Côtes d’Armor et dans le Finistère.

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Département Côtes d’Armor Finistère Ille-et-Vilaine Morbihan Période 2004-2006

(Avenant d’un an en 2007) 2002-2004

(Avenant 2003-2005) 1999-2004

(Rédaction d’un plan en 2007) 1991-X

(Rédaction d’un plan en 2007) Principaux axes de travail

- Solvabiliser les personnes dans le cadre d’une approche globale pour permettre l’accès ou le maintien dans un logement de droit commun - Développer l’accompagnement des personnes défavorisées dans le domaine de l’habitat et de la prévention des expulsions - Améliorer et diversifier l’offre d’hébergement et de logements et favoriser l’insertion dans un habitat de droit commun - Articuler le PDALPD défavorisé dans le cadre d’une approche avec les politiques locales de l’habitat définies par les EPCI, l’Etat et les dispositifs de lutte contre l’exclusion

- Améliorer la connaissance des publics et leurs besoins - Développer l’offre de logements (public, privé et spécifique) - Améliorer l’orientation des ménages - Favoriser l’accès et le maintien dans le logement (Charte de prévention des expulsions signée en 2003 pour 3 ans) A noter : la lutte contre l’habitat insalubre reste encore peu développée et les accords collectifs avec les bailleurs sociaux doivent être redéfinis

- Développer une offre de logements diversifiée, capable de prendre en compte l’ensemble des situations sociales - Utiliser plus fréquemment les dispositifs de solvabilisation et d’accompagnement social existant - Pour 2007, mise en place d’un dispositif de repérage de l’habitat indigne - Une charte de prévention des expulsions portant sur la période 2000-2005 a été signée hors PDALPD

- Accroître le nombre de PLAI de petites tailles à destination des jeunes en difficulté de logement et la production de logements locatifs privés à vocation sociale en zone urbaine - Travailler sur la lisibilité et la mise en synergie des différents dispositifs agissant à destination des publics en difficulté - Rédaction d’une charte de prévention des expulsions (pour la fin 2007) - Lutter contre le logement indigne en créant des outils permettant de fixer des objectifs quantitatifs précis

Tableau réalisé par les bénévoles de la Fondation Abbé Pierre (complété par FORS)

POUR CONCLURE PROVISOIREMENT Les données démographiques concernant la Bretagne ainsi que l’observation des dynamiques des marchés de l’habitat attestent d’une tendance que l’on pourrait appeler « l’exode urbain ». La fuite des ménages dans les zones périurbaines et rurales résulte d’une tension immobilière plus forte dans les villes-centres et d’un report de cette tension vers ces nouveaux territoires. Par ailleurs, les communes concernées ne sont pas toujours bien préparées à recevoir un nombre important de ménages, notamment en termes d’équipements scolaires, ou encore de commerce. Ajoutons que les communes périurbaines sont assez faiblement intégrées dans les structures intercommunales importantes, comme celles de Rennes ou de Brest, et que ces communes et ces structures sont donc moins bien armées pour enrayer ou accompagner les processus de périurbanisation « non maîtrisés »29. Si les zones rurales situées dans l’aire d’influence d’une agglomération ont constitué ces dernières années des zones « refuges » pour les ménages ayant pour ambition d’acquérir une maison individuelle, on peut faire l’hypothèse qu’elles ne le resteront pas dans les années à venir. Où iront alors loger les ménages des classes moyennes candidats à l’accession ? Sans doute se résoudront-ils à rester locataires d’un logement dans une agglomération. Dans le Pays de Rennes par exemple, un mouvement de retour vers l’agglomération commence à se faire jour. Toujours est-il que le mouvement actuellement dominant de périurbanisation se traduit, dans la construction privée, par une place de plus en plus importante faite aux logements collectifs. Tendance qui atteste de la très forte tension que subit le foncier en Bretagne. Or, en un sens presque inverse, la programmation de logements sociaux fait la part belle à la construction de pavillons en zones périurbaines et rurales. La question qui se pose alors est de savoir si les bailleurs sociaux pourront, avec ce type de produits, construire suffisamment de logements pour répondre à une demande toujours plus forte, avec en arrière-plan l’objectif de rattraper l’important retard de la Bretagne en matière de logement social (rappelons que le parc social ne représente que 10,8% du nombre total de logements). L’urgence voudrait en effet qu’on s’oriente plutôt vers des programmes collectifs, tout en veillant à ce qu’ils conservent, selon les mots qui ont servi à justifier les politiques de rénovation urbaine, une taille humaine. A cette question s’ajoute celle des types de financements qui sont privilégiés dans les programmations des différentes agglomérations. On a vu que pour le cas de Brest, le choix d’une importante programmation de PLS avait été fait. Or, ce type de logement, on le sait, ne s’adresse pas à des ménages modestes. Ce dont on se doute moins, c’est qu’il n’est pas non plus susceptible d’intéresser les ménages qui ont des revenus suffisants pour y prétendre, car ces derniers ont alors toutes les chances d’opter plutôt pour l’achat d’un logement individuel. A défaut de pouvoir y loger les classes moyennes, les bailleurs seront peut-être contraints d’attribuer ces logements à des ménages plus modestes qui verront alors leur taux d’effort augmenter sensiblement… Le déficit de places en hébergement d’urgence constitue le troisième point noir de cet éclairage régional. Il conduit à des situations dramatiques, puisqu’il laisse de nombreuses personnes à la rue. Leur nombre est toutefois bien difficile à estimer, puisqu’il n’y a pas de chiffres reprenant l’ensemble des demandes faites auprès des CHRS de Bretagne. A ce que semble dire son président, la délégation régionale de la FNARS doit s’orienter vers une politique de mise en lien des différentes associations membres, de façon à pouvoir estimer de façon plus précise les besoins en termes de réinsertion sociale et d’hébergement d’urgence, et donc à mieux interpeller les pouvoirs publics sur ces deux sujets. Aussi, le parc

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des associations gestionnaires de CHRS n’est pas suffisamment diversifié. Des structures d’accueil plus souples, notamment, doivent pouvoir venir compléter l’offre, de façon à tenter de « retenir » un public de plus en plus « allergique » aux règlements trop rigides. La délégation de la FNARS a d’ailleurs commencé à travailler sur ces questions.

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BIBLIOGRAPHIE INDICATIVE

INSEE Flash d’Octant n°115, avril 2006. Flash d’Octant n°85, juin 2003. Octant n°73, mars 1998 Octant n°98, juillet 2004 Octant n°101, avril 2005. Octant n°102, juillet 2005 Octant n°107, nov. 2006

Sites internet ADIL 35, 22, 29 et 56 CLAMEUR

Etudes et autres documents DRE Bretagne, La problématique foncière en Bretagne, septembre 2004,. DRE Bretagne, Problématique foncière en Bretagne. Synthèse, septembre 2004. DRE Bretagne - ARO Habitat, Le parc locatif social en Bretagne, enquête EPLS 2005. PLH de Rennes Métropole DRE Bretagne - ARO Habitat, Mise en oeuvre du volet logement du plan de cohésion sociale. Accord régional Bretagne, juillet 2005. ANAEM, Etat du dispositif national d’accueil des demandeurs d’asile et des réfugiés en 2005, 2006. Assemblée Nationale, Le logement étudiant et les aides personnalisées, Rapport de la mission confiée par Monsieur le Premier Ministre a Jean-Paul ANCIAUX, janvier 2004. FORS, Étude préalable à la mise en œuvre d’un fonds de cautionnement des jeunes locataires en Bretagne, Conseil Régional de Bretagne, 2006. Recherche sociale n°180, Itinéraires résidentiels en habitat indigne et lutte contre l’exclusion, oct.-déc. 2006, Paris. Recherche sociale n°181, Droit au logement et décentralisation, janvier-mars 2007, Paris. Informations sociales n°130, Familles et villes, mars 2006, Paris