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2010 Les Cahiers du CDS Idées & Débats Sur Les Questions Économiques Générales

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Les Cahiers du CDS

Idées & Débats

Sur

Les Questions Économiques

Générales

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Les Cahiers du CDS

Idées & Débats

sur

Les Questions Économiques

Générales

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Réunion du Conseil d’Administration

Du C D S Le 12 octobre 2009, au siège d’Attijariwafa Bank

Exposé de M. Mohamed El KETTANI

Président da la Commission CDS

« des Questions Économiques Générales »

Avant la constitution de cette commission, M. EL KETTANI dit avoir pris la décision de livrer une réflexion avec quelques pistes prospectives de manière à engager le débat, amender, enrichir et focaliser sur des sujets essentiels, des réformes structurelles qui engagent un travail à Moyen et Long termes. Pendant l’été 2008 La crise a commencé par l’éclatement de la bulle financière avant la crise économique. Avant cette crise, le Maroc avait entrepris un train de réformes fondamentales pour consolider la résilience et l’attractivité des volumes d’investissements directs étrangers engagés. Le Maroc a atteint un nouveau palier de croissance par un poids plus prononcé du service, la dynamique du marché, le comportement des investissements, l’augmentation du taux d’investissements (30%), la réduction du taux de chômage (9,8%). Depuis 1990 à ce jour, la courbe du PIB réel, non agricole, a connu un phénomène sinusoïdal ; de 2002 à 2005 on a constaté une décrue qui devra se confirmer avant la fin 2009. Donc une politique monétaire gagnante avec une maîtrise de l’inflation de 1990 à 1996 à 6,2 %.

oints d’alarme fin 2009 :

Le compte courant devient déficitaire alors qu’il était excédentaire (déficit avant privatisation -3% du PIB, 6 points de compensation) Sur le plan fiscal, l’IS dépasse tous les autres revenus fiscaux, avec l’influence du démantèlement tarifaire. (Point d’inflexion depuis 2004. 28% du PIB à fin 2008) Le Maroc a assuré une croissance du PIB tout en sauvegardant les grands agrégats fondamentaux. Au niveau de la planète c’est la fin d’un cycle vertueux de création de richesses amplifiée par la croissance de flux virtuels.

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En 2008, baisse de 7,5% de l’activité économique des pays développés, baisse sensible de la production industrielle ; 40% du PIB mondial évaporé, 3000 milliards de dollars ; rupture de la confiance dans le système interbancaire. Le Maroc avec le train des réformes a donc épargné son système bancaire qui a démontré sa résistance. Mais, son arrimage à l’économie mondiale, surtout en tant que partenaire naturel de l’Europe expose le Maroc à certains risques. Exportations - 32,2 % Tourisme - 11,5 % MRE - 12,1 % IDE - 36,1 % Raréfaction des financements internationaux Actifs bancaires 13 % du PIB Dépôts 13 % Crédits 14 % La croissance annuelle de la capitalisation boursière 35% Le Maroc est en pôle position par rapport à la moyenne de l’Afrique du Nord 112% du PIB et de l’Afrique (Hors Afrique du Sud et Égypte). Il occupe la première place boursière du Maghreb, la 2è en Afrique francophone et 3è en Euromed Sud y compris la Turquie. Il faut saluer les acteurs comme M. Said ALJ qui a creusé le sillon pour d’autres PME au niveau de la Bourse. Les réalisations en 5 ans en matière de bancarisation dépassent les réalisations de plusieurs décennies. Il faut comme disent les chinois se mettre au cœur de cette tempête pour en tirer les enseignements. La crise peut regorger d’opportunités. Les risques sont à suivre à court terme, comme a dit M. B. à la conférence d’Istanbul, « la récession a certes une fin mais laisse un goût amer. » En 2010 : Le chômage 10 % USA 10,7 % UE 6,1 % Japon La croissance mondiale 3,1 % 1,7 % UE -5,5 % pays émergents IDE - 15 %

Les crédits sont de plus en plus rares. Émergence de mesures protectionnistes. L’OMT prévoit une stabilisation du tourisme en privilégiant les courtes distances. D’où les risques à superviser qui constituent la feuille de route pour le conseil. Baisse des réserves de change, il y va de la souveraineté de notre pays. Elle risque d’être aggravée par la hausse des prix de l’énergie. Quel tourisme ?

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Quel développement durable ? Les MRE ?, mamelle qui atteint la 4è génération, doivent être notre préoccupation pour entretenir la proximité et de manière innovante. Les Exportations. Une étude analytique sur le commerce extérieur depuis dix ans démontre que c’est un chantier à part entière. L’Immobilier et le BTP, représente un chantier aussi important qui fait partie des risques à superviser. Des études dépouillées sur ce secteur décisif à la création de richesse et d’emploi durable. L’emploi, l’avenir des enfants, avec une croissance de -6%, nous ne serons pas au RDV. Les actifs financiers, La pôle position du Maroc nécessite une stratégie de supervision car des points d’inflexion se sont opérés. Le Monde change de visage, avec plusieurs ruptures profondes. « A la réunion de la Banque Mondiale, nous sommes peut être des fourmis, mais les éléphants aussi étaient perdus ».

Il y a une révolution mentale à opérer :

1. Le centre du Monde n’est plus l’Amérique 2. Fin de la sacro-sainte autorégulation des marches 3. L’irrationnel devient important dans tous les paradigmes 4. Les low cost retournent en force dans tous les domaines 5. Le rééquilibrage des sphères économique et financière 6. L’imbrication des États, Banques centrales et Initiatives privées. ces dernières n’auront plus d’indépendance, elles seront supervisées et régulées. 7. Renforcement des pouvoirs des actionnaires ; les managements ne seront plus libres. 8. Refondation des systèmes comptables. Ce n’est plus le retour sur fonds propres au centre des préoccupations mais le fonds de « réserve de guerre » 9. Le cash prend le pas sur le bénéfice 10. Flexibilité de l’Emploi, indemnisations 11. Envolée des déficits publics 12. Montée de l’économie verte et du télétravail 13. Naissance du G20 et mort du G 8.

istes de réflexion :

> Sauvegarde des équilibres macroéconomiques > Hiérarchisation des investissements publics > Capacité de générer des devises

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> Création de richesse et d’Emploi à travers une bonne gouvernance. > Le capital est avant tout humain sans lequel rien ne se fera > Un train de réformes pour conforter la compétitivité de l’économie nationale. > Développer le marché, requalifier l’offre exportable (Qualité/Prix, promotion et logistique) > Redéploiement stratégique vers l’émergence des activités à forte valeur ajoutée (Brésil …) > Problématique de l’investissement et de l’Épargne. La passion de l’aventure qui a déserté va impacter la création de PME. Les grands projets ne sont que des locomotives. > Stratégie commerciale pour neutraliser les menaces, capter les opportunités et les vulgariser. > Doing business, mobilisation générale > Développement humain, action contre l’ignorance, faire l’état des lieux pour institutionnaliser ces forces et créer plus de valeurs avec les mêmes enveloppes pour le développement local (Champ associatif.) > Cohérence > La solidarité sociale

> Compensations > Code du travail > Système de retraite > Développement local (Essentiel)

Le Maroc est un acteur régional : donner une vraie dimension au statut avancé du Maroc avec l’UE et le Maghreb ; Afrique subsaharienne. Comment asseoir cette proximité économique et financière ? Le Maroc peut rayonner largement à travers ces zones

Réunion du Conseil d’Administration Du C D S Le 04 novembre 2009,

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À l’hôtel Royal Mansour, à Casablanca

Présentation par M. Dominique BOCQUET

Le bilan de dix ans de règne se résume par deux phrases, d’abord un développement économique supérieur aux attentes et en même temps la poursuite de la cohésion sociale et de l’équilibre extérieur.

Pourquoi un bilan supérieur aux attentes ?

D’abord parce que le Maroc a confirmé quelque chose qu’il avait déjà, c’est à dire la stabilité macro économique et financière et qu’il a amplifiée, avec une dette extérieure qui n’est par exemple que de 20% du PIB. Ce qui n’est pas beaucoup pour un pays en développement qui a l’avenir devant lui. Et avec un excédent budgétaire en 2007 / 2008 qui est une performance remarquable et une absence ou quasi absence d’inflation.

Deuxièmement, le Maroc a conduit résolument l’ouverture de son économie dans la décennie écoulée. Un exemple en particulier parmi d’autres, le Maroc était l’un des derniers pays à être associé à l’Union Européenne, 33 ans après la Turquie, et le Maroc a déjà tellement avancé dans son programme d’association qu’il a été convenu de passer à l’étape suivante qui est ce qu’on appelle un Statut avancé avec l’Union Européenne.

D’autre part, le Maroc a porté son taux d’investissement, en gros: d’un quart de la richesse annuelle à un tiers. Pour un économiste qui regarde le pays, c’est un changement historique parce qu’en apparence, on ne passe que de 25 à 33% mais ce n’est pas 8% d’écart seulement. Parce que d’abord quand on augmente ses investissements d’un tiers, les investissements nouveaux augmentent beaucoup plus, car il y a beaucoup de renouvellement et d‘entretien ; et quand un pays sur la durée a cette capacité d’investissements nouveaux, cela veut dire que son stock de capital, d’équipements, d’infrastructure est un stock moderne. Pour prendre un exemple tout simple dans le cadre de la crise, si on remet en cause la production de l’ensemble des entreprises, il est bien évident qu’un pays où les investissements sont récents et où les usines sont récentes est moins exposé aux risques (fermetures d’entreprise,..)

D’autre part, l’alliance entre l’investissement et l’ouverture est un cocktail extrêmement fécond. En matière d’ouverture, il y a des thèses très variables : certains disent que les pays en développement ne doivent pas trop s’ouvrir, et d’autres qui disent, et j’en fais partie, que s’ils ne s’ouvrent pas, leur économie ne va pas être assez stimulée.

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Mais en tous cas, ce qui est clair, c’est que le couple ouverture et effort d’investissement est important, et le Maroc détient ce couple. Un autre couple : libéralisation / régulation, qui est présent au Maroc. Le Maroc a été en partie protégé de la crise internationale pour des raisons qui tiennent en partie au climat, à la saison agricole, aux pluies, mais également parce que son système financier est resté régulé. Il n’y a pas eu de produits toxiques au Maroc, il n’y a pas eu contamination directe de la crise. Il faut bien le reconnaître, le Maroc a fait de bons choix dans les ouvertures, il a ouvert les marchandises, en partie les services, en particulier l’ouverture du ciel, et ceux d’entre vous qui sont impliqués dans le secteur du tourisme savent combien l’ouverture du ciel a contribué aux réussites du Maroc ces dernières années. C’est un facteur considérable mais pas le seul. Il y a eu donc de bonnes ouvertures et aussi de bonnes régulations, avec cette capacité de doser les choses, et de ne pas être dogmatique ; car au cours de la décennie écoulée, beaucoup de pays en développement ont subi les frais du dogmatisme en matière de libéralisation. Le Maroc a choisi de façon relativement libre son dosage par rapport aux dogmes, et donc il y a eu une augmentation progressive de la croissance, qui est assez difficile à mesurer. En gros, nous sommes passés autour de 2, 3, 4, 5 ce qui n’est pas beaucoup mais c’est davantage qu’on ne peut le penser à première vue. Déjà un élément tout à fait tangible du bilan de la décennie écoulée, il n’y a pas eu de baisse du PIB, lors des années de sécheresse. Les aspects qualitatifs au Maroc, l’Investissement, à la fois national et étranger, à la fois privé et public, dans des conditions respectées, et pour la part de l’investissement public qui dépend de l’État, on constate que les délais sont respectés et que la livraison des infrastructures est satisfaisante. C’est un grand atout pour le Maroc et beaucoup de marocains disent que c’est un changement par rapport à d’autres périodes. Le tableau pour le Maroc peut être résumé par le fait qu’il y a quatre ou cinq ans, de très bons experts économiques qui se penchaient sur le cas du Maroc, émettaient un jugement favorable et positif en disant que le Maroc allait croître davantage mais n’allait pas pour autant devenir un pays émergent. Parce que l’émergence suppose une dureté de la concurrence, parfois une dureté sociale, d’accumulation de capital, et que ce ne sera pas le cas au Maroc... Aujourd’hui on peut dire que le Maroc est devenu un pays émergent. (Ceci est le versant positif, le versant Sud de la montagne, que Benamour m’a demandé de franchir.) (Maintenant le versant Nord) Il faut rappeler les difficultés traditionnelles du Maroc qui sont en particulier au nombre de deux : Une difficulté internationale Une difficulté sociale

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Une difficulté internationale qui est l’absence d’intégration régionale au Maghreb. C’est vrai que la mondialisation est la revanche de la géographie sur l’histoire et partout dans le monde on voit des pays qui avaient des difficultés et des conflits qui se regroupent. L’Union Européenne est évidemment un exemple avec la réconciliation franco allemande et c’est un atout extraordinaire pour la France. Et partout dans le monde on voit des logiques d’intégration régionale. Les pays essayent d’oublier leurs anciennes difficultés pour se dire que la meilleure façon de bien vivre c’est de coopérer avec ses voisins. Pour le Maroc il y a cette difficulté qui n’est probablement pas de sa faute, mais il y a cette difficulté malgré lui.

Une difficulté sociale, La 2ème difficulté bien connue pour le Maroc, c’est l’ampleur des problèmes sociaux et des inégalités en matière d’éducation et de santé. Ils sont mesurés à travers l’Indice de Développement Humain et font l’objet d’une politique très volontariste des autorités, mais qui restent un souci pour le Maroc. Des préoccupations sociales qu’on peut mesurer de deux façons :

On peut mesurer la pauvreté monétaire, elle a été réduite, On peut mesurer la pauvreté en termes d’accès à la santé et à l’éducation et c’est non

seulement plus difficile à mesurer, mais pour lesquelles les politiques publiques sont ce qu’un ingénieur appellerai: une fonction de production molle. malgré les efforts consentis.

L’expérience de l’OCDE m’oblige à vous dire que c’est des domaines où il n’y a pas de relation automatique entre l’argent, les moyens qu’on met et les résultats. Raison de plus pour faire des efforts, mais il faut avoir conscience qu’il n’y a pas cette relation d’automaticité. Dans d’autres domaines, quand le Maroc double le budget des autoroutes, la longueur des autoroutes construites doublera ; mais si vous doublez le budget de l’éducation, le taux d’alphabétisation ou de qualification ne va pas doubler pour autant. Il y a vraiment quelque chose de complexe et de difficile.

Comment essayer de regarder l’avenir ? Dans la perspective de l’avenir, un regard différent de ce qui je viens de faire, à travers une vue d’hélicoptère du développement du Maroc : Une carte qui rappelle le PIB de la région Maghreb.

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Si on inclut la Libye, c’est 384 milliards de dollars, plus de deux fois l’Égypte (162), presque deux fois Israël, et c’est plus que la Grèce (357) pays membre de l’UE, et un peu plus de la moitié de la Turquie (729). Une autre photographie, c’est les taux de croissance 2009 qui vont vous faire plaisir.

Le Maroc est pratiquement en tête de la Méditerranée en 2009, d’après les derniers chiffres du FMI qui ont été présentés au début du mois d’Octobre à Istanbul. Il devrait faire 5 % de

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croissance selon le Président du fonds monétaire. C’est en partie dû à la qualité de la saison agricole mais en matière d’économie, et surtout en période de crise, les questions d’image et les clignotants verts qui s’allument, cela fait du bien. Les investisseurs regarderont probablement les chiffres de 2009, et cela ne peut que faire du bien au Maroc, le clignotant vert de la méditerranée. Il y a un pays qui dépasse le Maroc, c’est le Liban, mais c’est un épiphénomène car il reste marqué par le phénomène de la reconstruction. La Turquie c’est – 6,5%. Un autre ensemble de chiffres, c’est la population de la méditerranée occidentale, c’est un Maghreb de 76 millions d’habitants, un Maghreb dont la population a été multipliée par 2,2 depuis 1970.

Cela a un intérêt parce que, quand on parle de la méditerranée occidentale on parle de Gibraltar, et on dit que la méditerranée occidentale est l’endroit au monde où il y a le plus grand écart du PIB par tête. L’écart du PIB par tête entre le Mexique et les États-Unis est de 1 à 3, et l’écart du PIB par tête entre le Maroc et l’Espagne est de 1 à 12. Mais si on regarde la carte démographique, nous voyons que c’est une région qui est en train d’atteindre un équilibre des populations entre la rive Nord et la rive Sud. Il y a trente ans, on pensait que le Maghreb atteindrait 140 millions d’habitants en l’an 2000. Dans la rive nord, le chiffre est à peu près de 170 millions d’habitants qui surestime un peu la réalité de la rive Nord de notre méditerranée occidentale, car il place toute la population de la France sur la méditerranée, ce qui n’est pas le cas. Donc, en réalité, on est très proche d’un équilibre entre les deux rives de la méditerranée en terme de population. Je crois que c’est une bonne chose, c’est un facteur d’équilibre qu’on ne cite pas souvent mais qui est positif. Après ces premières vues, deux zooms : Un zoom sur les échanges, et un zoom sur les données d’évolution démographique concernant le Maroc. 1er zoom

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Sur les échanges, j’ai parlé de la stratégie d’ouverture marocaine, l’OMC, les accords avec l’Union Européenne et les États- Unis, les accords Sud-Sud comme l’accord d’Agadir... Ce qu’on peut voir concernant le Maroc, c’est la progression très forte du taux d’ouverture de son économie, qui est passé en dix ans, de 46 % à 70%. Si on additionne les exportations et les importations par rapport au PIB, le Maroc a connu un mouvement d’ouverture extrêmement significatif qui se montre dans les chiffres.

Autres chiffres plus focalisés sur les deux années écoulées, les exportations françaises en méditerranée ont progressé de 15%, entre 2007 et 2008, et le Maghreb représente 60%. Les exportations françaises dans le Maghreb c’est 13,76 milliards d’Euros en 2008, et ce qui est frappant, c’est que ce montant est supérieur aux exportations françaises vers plusieurs régions, vers la Chine, presque quatre fois les exportations françaises vers le Brésil, et le double vers la Turquie. Autrement dit, la Turquie c’est presque deux fois le PIB du Maghreb mais vu de la France ce n’est qu’un demi-Maghreb. Le Maghreb pèse plus de deux fois la Turquie dans nos exportations, et pèse même davantage que les pays de l’Europe Centrale et Orientale, les fameux PECO.

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Les échanges, France Maghreb ont doublé et le plus significatif, c’est la part des échanges franco maghrébins dans l’ensemble du commerce extérieur français qui est passée de 2,5% il y a dix ans, à aujourd’hui près de 3,5%. C’est très paradoxal, parce que ces exportations françaises sont dans un contexte marqué par la dilution des échanges de l’Europe par rapport aux autres partenaires des pays du Maghreb. Les pays du Maghreb se sont ouverts, et les privilèges ou l’ancienneté des relations qui pouvaient aider un pays comme la France jouent beaucoup moins dans un contexte plus ouvert.

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Par ailleurs l’économie du monde, ce n’est pas un secret, on a vu son équilibre se déplacer au profit des pays émergents et de la Chine. La part des émergents dans les échanges internationaux s’est beaucoup accru, y compris au Maroc, et donc il est étonnant que vu du commerce extérieur français la part du Maghreb ait augmenté. Pourquoi ?! Il faut bien enregistrer qu’elle n’a pas augmenté à cause de nos parts de marché. Parce que les parts de marché au Maghreb sont passées de + 25% à environ 15%, et c’est pareil au Maroc ; la part des exportations de la France, vues du Maroc : ce sont des importations, ce n’est que 15% de ce que le Maroc Importe de la France, et c’est pareil en gros pour l’Algérie et la Tunisie.

Pourquoi c’est devenu plus important vu de la France ?

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Simplement parce que du fait du mouvement extraordinairement audacieux de l’ouverture en particulier au Maroc, le gâteau dont nous avons une part en diminution, a beaucoup grossi et à une vitesse plus rapide que le rétrécissement de notre part de ce gâteau. Ce qui explique que dans les cadrans parisiens ou français, l’importance du Maghreb ait augmenté.

C’est quelque chose, je crois qu’il faut avoir présent à l’esprit. J’ai donné ces informations à un ensemble d’entreprises françaises qui s’en sont servies pour préparer leur budget et dire qu’on a investi au Maroc, parce que la part du Maroc et du Maghreb a augmenté, c’est une perception importante.

2eme zoom

Les données d’évolution démographique concernant le Maroc : La natalité baisse au Maroc. Le taux d’accroissement démographique au Maroc a été divisé par deux. Il est passé de 2,6 % en 1971 à 1,1 %, et cela se voit dans les indices de fécondité.

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En 2006, l’indice de fécondité des femmes au Maroc est passé de 7 enfants par femme à 2,4. On ne soulignera jamais à quel point ce chiffre est solide et important par ses causes et par ses conséquences. D’abord c’est un chiffre. En économie, il faut se méfier des chiffres, (proverbe français : « il y a trois formes de mensonges, il y a les contrevérités, les mensonges par omission et il y a les statistiques ». Je suis conseiller économique de l’Ambassadeur, donc il faut toujours regarder les chiffres avec beaucoup de prudence.

Je peux vous dire que le taux de fécondité est un chiffre solide.

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Les taux de fécondité sont des chiffres qui évoluent assez lentement et on arrive sur la longue période à bien vérifier les choses,

Deuxièmement, le taux de fécondité consiste à faire une opération mathématique apparemment complexe mais très sérieuse, qui consiste à reconstituer une femme fictive en prenant le taux de fécondité de toutes les femmes du Maroc aux différents âges de la vie, et à supposer que la même femme a, à tous les âges de sa vie, le taux de reproduction annuel qu’on observe à un moment donné dans la société.

Donc c’est un concept très solide que les démographes ont forgé et qui évolue lentement. C’est un indice stable à retenir. C’est un indice extrêmement important par ses causes, parce que c’est un reflet profond des aspirations et des comportements d’une société. Quand les familles réduisent le nombre d’enfants c’est qu’elles n’ont pas le même rapport avec leurs enfants, et qu’elles veulent investir dans leurs enfants pour eux-mêmes, pour leur avenir, et non pas multiplier les enfants pour avoir une espèce d’assurance contre les malheurs économiques de la vie. D’ailleurs, le fait que cette évolution au moment où on parle d’intégrisme se produise dans pratiquement tous les pays de l’arc islamique de la même latitude que le Maroc, jusqu’à l’Iran. Plus que le Maroc, en Iran la fécondité des femmes en 36 ans a été divisée par 3,5. Il y a des spécialistes qui considèrent que cette évolution traduit en réalité une profonde convergence culturelle avec l’Europe, le mouvement d’une mutation sociale. (Ce n’est pas à moi de le dire, ce n’est pas mon métier mais je pense que c’est important.) C’est un indice également important par ses conséquences. D’abord parce qu’il favorise l’évolution du PIB par tête. Dans tout pays en développement, pour calculer la vraie croissance, on doit prendre le taux de croissance et en défalquer la croissance de la population. Parce que c’est le PIB par tête qui compte pour le développement. C’est ce qui détermine le revenu des gens, la capacité d’un pays à investir pour les habitants.

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Le Maroc a vu son PIB par tête doubler en dollars au cours de la décennie écoulée, et il est clair que c’est en partie parce que la natalité, la croissance naturelle de la population ont diminué. Illustration : Si vous avez une croissance de 3 % par an, c’était le cas autrefois, avec une croissance démographique de 2 %, vous avez une croissance PIB par tête de 1%. Si vous avez une croissance économique qui passe à 4% (apparemment modeste), et la croissance démographique passe à 1% ; et bien la croissance du PIB par tête passe à 3%. C’est simple, le taux de croissance du PIB par tête triple. C’est pour cela que je me suis permis de dire que la croissance du Maroc est supérieure à ce que les chiffres suggèrent . Donc là, vous avez un tableau sur les chiffres relatifs au Maghreb. Dans le cas de l’Algérie c’est un peu particulier parce que les prix du pétrole influencent beaucoup de choses.

La conséquence de la démographie la plus importante, outre que cela accélère la vraie croissance, c’est le taux de dépendance (Dependency Ratio). (C’est un petit peu de technique que je vous demande d’accepter de ma part).

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Le taux de dépendance dans une société c’est le rapport entre la population en âge d’inactivité, les jeunes et les vieux, et la population en âge d’activité. Ce ratio est très important parce qu’il détermine la charge que les actifs ont sur leurs épaules avec les jeunes et les anciens. Par exemple aujourd’hui, on considère que la Chine a beaucoup amélioré son Dependency Ratio, parce qu’elle n’a pas encore de vieux. Sur les vingt dernières années, le taux de dépendance du Maroc s’est amélioré deux fois plus que celui de la Chine. La part des inactifs sur les épaules d’un marocain qui travaille, ou en âge de travailler, a diminué de 27 points. C’est un changement absolument considérable, c’est beaucoup plus que la Turquie, le Brésil ou la Chine. Ce n’est pas une spécificité marocaine, c’est une donnée partagée avec les autres pays du Maghreb. En général, quand on regarde la situation de la population au Maroc, on tient un discours pessimiste, qu’il y a plein de gens qui arrivent sur le marché du travail, l’exode rural, les problèmes de logement etc. C’est vrai, mais l’arbre cache un peu la forêt. Car si on regarde en profondeur, cela veut dire qu’aujourd’hui, des familles, un couple qui a trente ans , ne va avoir que 2,5 enfants en moyenne, il va s’en occuper beaucoup , investir beaucoup plus dans leur éducation et va pouvoir promettre à ces jeunes qu’ils n’auront pas les mêmes problèmes d’accès à l’emploi qu’ont les jeunes qui arrivent actuellement ( qui sont les jeunes nés il y a 20 ans) , et qu’ils n’auront pas les mêmes difficultés . Car le même couple qui a moins d’enfants a moins aussi la charge de ses propres parents parce qu’en général il fait partie d’une fratrie de 4 à 5 voire plus, c’est à dire qu’ils sont nombreux pour se partager la charge des parents.

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Donc c’est une génération qui a beaucoup de chance, qui a de la force, ce qui explique en partie le taux d’épargne du Maroc ; c’est une donnée là aussi, démographique extrêmement robuste. Si on devait résumer un peu le bilan qu’on peut essayer de vous soumettre sur l’analyse de la situation du Maroc : Un bilan de la décennie supérieur aux attentes, Un Maroc qui a du souffle et des ressources y compris financières pour poursuivre son

développement et donner des coups de reins face à la crise.

Ceci est l’aspect très positif. Si on compare à de grands pays émergents comme demandé, il est intéressant de comparer le Maroc au Mexique. Le Mexique est un peu comme le Maroc, il est voisin de l’Amérique du Nord, comme le Maroc est voisin de l’Union Européenne, avec les mêmes problèmes d’ouverture, des investissements, d’immigration, de frontières à contrôler etc. Le Mexique pour l’instant est beaucoup plus riche que le Maroc, son PIB par tête est de l’ordre de 6 000 dollars, le Maroc est plutôt proche de 2 000 dollars, mais le Mexique n’arrive pas à financer ses investissements publics, et n’arrive pas à se doter d’infrastructures lui permettant de jouer sa carte, contrairement au Maroc qui est en train d’y arriver. Si on compare le Maroc à un pays comme le Brésil, là aussi, le Brésil est un peu plus riche que le Maroc pour l’instant, mais il y a un point commun entre ces deux pays qu’on ne cite pas souvent, c’est le sentiment national.

Un écrivain allemand Stefan Stahl qui est parti vivre au Brésil pendant la guerre et qui a écrit un très beau livre, « le Brésil terre d’avenir », il disait qu’une des caractéristiques du Brésil c’est que sa population avait été déplacée au cours des siècles par de grands cycles de richesse , la découverte de l’or, la découverte du bois, du sucre, du café, et qui ont crée une homogénéité de cette population ,un des atouts du Brésil aujourd’hui.

Depuis un an au Maroc, j’ai appris qu’il s’est passé la même chose, non pas parce que la

population se serait déplacée mais parce que le Maroc a une grande ville où nous sommes, qui est une formidable pompe aspirante et aussi un peu refoulante, et qui explique qu’on voit si souvent au Maroc, des familles dont les deux parents sont originaires de villes différentes.

C’est un fait tout simple et c’est un facteur de cohésion, d’homogénéité, de compréhension

des gens dans un pays, ce qui est une force du Brésil et aussi du Maroc. C’est une école également de tolérance.

Ce qui est plus difficile, il y a deux incertitudes :

D’abord, on doit à la vérité de dire que la croissance de ces dernières années a été en partie tirée au Maroc par la demande intérieure. C’est lié à l’ouverture et donc, une bonne demande intérieure, c’est une demande de consommation en général saine pour des gens qui n’avaient pas accès à la consommation, ou une demande liée à l’investissement, mais il faut être sûr de pouvoir les soutenir dans les années qui viennent.

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Là c’est un sujet de débat sur la compétitivité des exportations au Maroc c’était un élément en partie de chance qui a permis cela au cours de la dernière décennie.

Puis, en matière sociale, devenue une priorité du pays, la difficulté c’est quand on mène des politiques sociales on obtient des résultats ; ils ont été présents au Maroc, mais on accroît en même temps le niveau d’exigence des populations. Donc c’est un domaine où rien n’est acquis, c’est une espèce de frontière du Maroc que cette cohésion sociale. Mais le Maroc a la chance finalement d’émerger dans un monde qui me semble plus hospitalier aux pays émergents. Non seulement parce qu’ils ont plus de poids mais aussi parce que les standards internationaux, et la vision de la politique économique tient davantage compte des enjeux de l’émergence qui sont des enjeux de croissance.

Le fait que le FMI ait changé sa doctrine, fait qu’émerger en compagnie d’autres pays, même

s’ils sont beaucoup plus gros, comme la Chine, est plutôt une chance pour le Maroc.

Les débats

M. Mohamed BENAMOUR

Merci beaucoup M. Dominique BOCQUET pour ce brillant exposé, qui nous donne du

baume au cœur parce que j’avais craint qu’en tant que diplomate vous soyez tenté d’esquiver un peu l’essentiel. Comme nous sommes dans un conseil qui se caractérise par une

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indépendance de l’esprit, on a toujours souhaité diagnostiquer sans complaisance la situation

actuelle des états des lieux.

C’est ainsi que lors du précédent conseil, nous avons eu droit à un excellent exposé sur la situation économique et financière du Maroc, présenté par M. Mohamed EL KETTANI, président de la Commission des questions économiques générales, des finances, du crédit et de la conjoncture. Le contenu global, la pertinence des analyses sous le regard croisé de ces deux personnalités, comme les propositions de solutions opérationnelles, constituent indéniablement un apport remarquable aux travaux de notre conseil et une contribution concrète à notre action en tant que force de proposition.

A la lumière de ces présentations sur l’économie marocaine, il suffit simplement d’enregistrer avec fierté que notre pays constitue réellement un véritable modèle. La loi de finance 2010 qui a présenté l’effort d’investissement considérable consenti par les pouvoirs publics, surtout en matière de grands travaux d’infrastructure, et de nombreux chantiers, se trouve réconfortée par une initiative royale remarquable, à savoir le lancement à Ouarzazate d’un mégaprojet de 9 milliards de dollars sur l’énergie solaire. Cette volonté royale donne une impulsion unique et remarquable à tous les secteurs d’activité et décide des grands desseins et des projets ambitieux pour ce pays. Cette gouvernance représente pour le Maroc un modèle unique et singulier dans la définition et la réalisation des axes stratégiques de son développement.

Mille merci Dominique Bocquet ; C’est vraiment un exposé qui m’a séduit, et je pense que l’ensemble de la salle va réagir immédiatement et poser des questions. Elle va aussi essayer de comprendre que parfois quelques détours et par l’utilisation d’un langage diplomatique fin et en douceur, cet exposé nous confirme l’avenir certain de notre pays dont nous partageons tous ensemble l’optimisme et dont la jeunesse représentée largement autour de cette table se caractérise par une compétence affirmée, ayant le sens des réalités, et aussi un sens entrepreneurial pour le positionnement d’un Maroc sûr de ses potentialités pour le 21ème siècle.

La parole à l’assistance pour les questions

M. Mohcine JAZOULI

N’ayant pas forcément le privilège de la première question, merci beaucoup pour cet

exposé qui nous donne effectivement une vision de l’autre coté de la méditerranée, qui est forcément enthousiasmant et encourageant.

Alors je ne peux pas m’empêcher d’enlever la casquette du consultant que je suis et qui a

bien retenu que les statistiques étaient un des gros mensonges de la planète et que les statisticiens ont l’habitude de dire « qu’en ayant la tête dans le frigo et les pieds dans un four, on a en moyenne le corps à bonne température »

C’est là dessus que je voulais partir, et poser la question sur le taux de dispersion. En fait on

a entendu qu’il y avait un certain nombre de chiffres qui nous comparaient à d’autres pays, et si je

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prenais par exemple tout simplement le PIB par habitant qui est de l’ordre de 2 000 dollars , je pense que la question qui revient, c’est :

Quelle est la dispersion comparée entre le Maroc et d’autres pays émergents ? Si on prend les 2 000 dollars qui est une moyenne du PIB par habitant, il faut la ramener

peut être à des paliers de la population et la ramener à des catégories socioprofessionnelles comparables pays à pays, puisque c’est le principal problème aujourd’hui. Vous l’avez souligné en disant qu’un des deux principaux problèmes c’était d’une part l’intégration du Maghreb, et d’autre part les inégalités sociales.

Donc tous les chiffres à mon sens devraient pouvoir être corrélés par cette notion de

dispersion et analyser justement les comparaisons classe à classe, plutôt que simplement la moyenne générale, pour éviter ce que vous disiez tout justement, que le risque de la statistique c’est de ne pas analyser le phénomène de dispersion.

Est ce que c’est quelque chose qui vous parait jouable ou qu’on préfère tous occulter

aujourd’hui ?

M. Dominique BOCQUET

Vous faites allusion à la dispersion du PIB à l’intérieur du pays, aux inégalités. Je crois qu’on

ne peut contester que les inégalités soient très grandes au Maroc, c’est un constat fait par les autorités marocaines.

Simplement quand on essaye de mesurer le PIB, il faut regarder à quoi sont rattachées les

différences de richesses au sein d’un pays. Au Maroc ce qui ressort assez clairement c’est par exemple le décalage ville / campagne, c’est presque un rapport de 1 à 2, c’est donc quelque chose d’assez fort.

En France aujourd’hui, comme on a mené des politiques très favorables au monde rural

depuis cinquante ans, (on les faisant payer par l’Union Européenne, en grande partie, d’ailleurs, ce dont nous ne nous vantons pas), on a une assez faible inégalité de revenus entre les agriculteurs et le reste de la population.

En sens inverse, dans un pays comme le Maroc les gens défavorisés ont parfois une capacité

de faire appel à la solidarité familiale, ou ce qu’on appelle en économie : le capital social. C'est-à-dire qu’on peut être pauvre, vivre dans un quartier pauvre et avoir beaucoup de relations, beaucoup de capacité de trouver des ressources (une berceuse par exemple, un coup de main).

Donc il y a cette notion de capital social très développée au Maroc et qui me fait penser à

l’Inde où ce grand capital social est l’une des raisons du succès des services en Inde. La population a une capacité de se connecter, de se parler, et même un évènement comme le Ramadan, est un moment où il y a beaucoup de contacts dans la société. Donc un élément qu’il faut prendre en compte.

Traditionnellement, le Maroc est très mal placé par ce qu’on appelle l’indice du développement humain. C’est essayer de mesurer autre chose que le PIB par tête, l’accès à l’éducation, à la santé etc. . C’est un indice de l’ONU et qui est traditionnellement un sujet de préoccupation et de déception pour les autorités marocaines.

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Le Maroc n’est pas satisfait de son classement, il est cent trentième pays sur cent quatre vingt deux en 2007. Mais quand on prend la perspective historique longue, on découvre des choses auxquelles on ne s’attend pas :

L’Indice de développement humain du Maroc en 2007 est 0,654, c’est cet indice qui met le Maroc au 130ème rang mondial, et comme il y a parfois des pays qui progressent plus, le rang se dégrade un petit peu. Mais si on regarde la longue période, on s’aperçoit que l’indice de développement humain du Maroc a augmenté de 50% en 2007 par rapport à 1975, le Brésil c’est 25%, la Chine 45%, l’Inde 46%. C’est un bon thermomètre à ne pas négliger, que le Maroc n’a jamais contesté. Il reflète les problèmes d’alphabétisation, le pluralisme linguistique qui rend la mesure de l’accès à la lecture et à l’écriture plus ingrate, les insuffisances sanitaires puisque l’espérance de vie fait partie de cet indice. Mais, malgré les difficultés très connues du Maroc dans ce domaine, cet indice s’est amélioré de 50%, sur 32 ans, ce qui relativise un tout petit peu les choses. Sur les politiques d’éducation et de santé c’est l’échelle d’autres générations qui compte.

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M. Bassim Jay HOKIMI

C’est une intervention très éclairante et très pertinente sur les indicateurs que vous avez retenus et sur la comparaison avec d’autres pays de la région. J’étais très étonné par les chiffres, sur l’Iran par exemple. Si vous permettez quelques remarques d’abord pour poser une question, le PIB par habitant on est déjà à 2.800 dollars et non pas 2.000 dollars (M. Bocquet parlait de 2000 Euros)... M. EL KETTANI nous a montré la dernière fois, les statistiques sur les actifs bancaires au Maroc, par rapport au PIB, qui sont beaucoup plus élevés que dans les autres régions. Il y a plein d’indicateurs qui montrent que probablement, notre PIB est sous-estimé. En fait si on rajoute les transferts de l’étranger en termes de PNB par habitant qui représente 10%, on serait aujourd’hui à 3.000 dollars par habitant, Autre remarque sur l’appréciation de l’émergence ou de la prè-émergence, je me permets de ne pas partager complètement votre optimisme. Je crois que tant que nous n’avons pas un rythme d’exportations suffisamment convainquant, je ne pense pas qu’on puisse être classés parmi les pays émergents. Je trouve que dans tout ce qu’on vit de très positif au Maroc depuis effectivement toute une décennie, il y a quand même des bémols à mettre sur la faiblesse de nos exportations, beaucoup plus que ce que vous avez diplomatiquement prononcé. Je crois qu’on a vraiment un problème, et si on compare notre taux d’ouverture à d’autres pays, il est gonflé plutôt par les importations et non par les exportations. Si on compare par exemple à la Tunisie on a un taux d’ouverture plus élevé mais au fait le taux d’exportation de la Tunisie est beaucoup plus élevé que celui du Maroc. Alors si c’est pour avoir un taux d’ouverture très fort uniquement par les importations, je ne sais pas ce qui nous arrange le plus. Sur le taux d’investissement et sa croissance remarquable, alors en fait il y a une nuance entre taux d’épargne et taux d’investissement, parce qu’il y a aussi des flux extérieurs. Il faudrait faire la part de ce qui vient de l’immobilier, et force est de constater que la progression du taux d’investissement forte ne s’est pas accompagnée d’une productivité marginale du capital aussi forte. C'est-à-dire que le taux de croissance économique n’est probablement pas à la mesure de l’évolution du taux d’investissement et donc là aussi il y a un bémol dans l’évolution du taux d’investissement, même si effectivement le taux d’épargne a remarquablement évolué par rapport à d’autres pays. Donc c’est vrai que pour revenir à la question des statistiques il faut vraiment voir les choses de façon très circonstanciée et ne pas seulement prendre les chiffres tels qu’ils sont, parfois trop positifs, parfois trop négatifs. Je voulais vous poser la question suivante : Vous avez parlé de fenêtres françaises et même parisiennes, qu’est ce que vous pouvez nous conseiller pour que le gâteau s’élargisse encore et pour que le Maroc engage avec notamment la France une dynamique qui n’est pas simplement avec Paris, mais avec une dynamique des régions en France. Est ce qu’on ne pêche pas justement par un peu trop de tropisme sur les mêmes canaux traditionnels.

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Il y a je crois en France une dynamique régionale très intéressante, depuis plusieurs années, est ce qu’on en profite suffisamment ?, est ce qu’on a des structures pour cela ?, et est ce que justement les services de l’Ambassade de France peuvent nous aider à faire davantage ? Et puis de l’autre côté, vis-à-vis de l’Afrique. On voit que le Maroc se développe de plus en plus vers l’Afrique, où la France a déjà une forte présence, quels conseils vous pourriez nous donner ?, Est ce qu’il y a une coopération entre la France et le Maroc positive vers l’Afrique qu’on peut envisager ?, parce que là aussi il y a un champ prometteur pour le Maroc notamment pour pallier à cette faiblesse sur laquelle j’insiste encore des exportations ? Merci

M. Dominique BOCQUET

Je suis d’accord avec pratiquement tout ce que vous avez dit, même si parfois j’exprimais les choses un petit peu différemment. Je partage votre avis sur le sentiment que le PIB est probablement sous- estimé au Maroc par divers acteurs, mais qu’il y a des éléments de richesse sous-jacente au Maroc qui ne sont pas mesurés par le PIB par habitant. Sur l’insuffisance d’exportation, on peut donner un chiffre, le déficit commercial du Maroc : les importations moins les exportations, c’est 25% du PIB. C’est un chiffre considérable. Il y a moins de la moitié des importations du Maroc qui est payée grâce à des exportations. Comment ce déficit commercial énorme a-t-il pu être concilié avec une balance des payements courants qui a été à peu près équilibrée ces dernières années ? Simplement, on regarde ces 25% du PIB : il y a 10% du PIB qui vient de la recette touristique, grâce à ceux qui se sont mobilisés pour cette cause ; 10% qui vient des transferts des marocains résidents à l’étranger, et 4 ou 5% qui est venu des investissements directs. Donc, on a un déficit énorme et on a eu des recettes qui ont augmenté, qu’on appelle les Autres recettes courantes, qui ont permis de payer la part des importations qui n’étaient pas payées par les exportations. C’est vrai qu’un tel équilibre n’est pas garanti au Maroc pour les années qui viennent et que le Maroc doit impérativement exporter davantage. Si le déficit commercial continuait d’augmenter, ce qui n’est pas le cas en 2009, de la même façon on ne va pas avoir des transferts des migrants qui vont atteindre les 25% du PIB, donc il y aurait un problème à un moment donné. Le Maroc doit exporter plus et il y a d’ailleurs une coopération entre les acteurs français de l’exportation et les acteurs marocains qui est engagée. Il faut certainement, comme vous le suggérez, travailler plus avec les régions françaises. Avec les chambres de commerce il y a des partenariats qui sont en train de se mettre en place dans ce domaine. Je dirais simplement à la décharge de l’industrie marocaine, c’est qu’elle représente aujourd’hui 20% du PIB, comme il y a dix ans. Ces 20% du PIB dans un contexte d’ouverture et d’exposition à la compétition internationale, et j’oserai presque dire que c’est 20% du PIB qui sont à l’épreuve des balles. Ce n’était pas le cas il y a dix ans, mais il y a toujours cette histoire du verre à moitié plein ou à moitié vide.

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Le fait que le Maroc ait conservé une industrie, qu’elle se soit enrichie de nouveaux secteurs, de nouveaux acteurs souvent, c’est quand même un acquis. C’est pas parce qu’on n’est pas une industrie tournée vers l’exportation autant que la Corée ou Singapour qu’on n’a pas des ressources et des capacités. La richesse touristique du Maroc c’est une réalité, comme pour nous. Quand il y a les chocs pétroliers, la France, a tiré son épingle du jeu car elle est la première pour les touristes étrangers, et c’est comme cela que nous avons payé notre facture pétrolière et il n’y a pas de honte à cela non plus. L’Afrique, au sens de l’Afrique subsaharienne, c’est une région du monde que j’ai beaucoup arpentée, et où je suis allé plus de cent fois quand j’étais Conseiller Financier du Directeur du Trésor pour les relations avec l’Afrique subsaharienne. La France garantit la monnaie de 15 pays de l’Afrique et je crois que c’est une perspective d’avenir pour le Maroc, pour 3 raisons : D’abord parce que c’est bon pour le Maroc, cela lui fait une projection internationale et permet de compenser le fait que la frontière est fermée à l’Est. Un de nos diplomates en France a dit que le Maroc a été verticalisé par la fermeture de la frontière avec l’Algérie, parce que le Maroc s’inscrit dans un axe Nord / Sud. Je crois que ce n’est pas du tout mauvais pour la France. Elle est déjà présente en Afrique subsaharienne, et je vous dirai un peu moins gentiment pour la France, qu’elle ne peut pas maintenir forcément le même type de présence dans tous les domaines. Car c’était la présence d’un pays européen très développé, avec des PMA, des pays très en retard, et c’est beaucoup mieux pour nous d’avoir une complémentarité avec le Maroc, et de l’accompagner dans sa présence en Afrique subsaharienne, y compris à travers la cession de nos participations à des filiales marocaines d’entreprises françaises. Je pense que c’est bon pour l’Afrique subsaharienne aussi, car elle tirera plus d’idées de progrès d’un partenariat avec le Maroc qui la devance dans la voie du développement, pas de 100 ans mais peut être de 20 ans. Je crois qu’un partenariat franco-marocain en Afrique subsaharienne où le Maroc est bien accueilli et où la France a une expérience qu’elle peut partager avec le Maroc, est une idée d’avenir, et je vous remercie de l’avoir introduite. Nous avons la chance d’avoir comme nouvel Ambassadeur au Maroc, un ancien Directeur de l’Afrique au Ministère des Affaires Étrangères Français qui connaît très bien cette zone, et en tout cas nous sommes très disponibles, l’Ambassadeur et moi pour participer à des discussions et voir comment on peut aider dans ce domaine d’avenir pour tout le monde.

M. Najib BENAMOUR;

A mon tour je vous remercie pour votre brillant exposé, mon intervention va se focaliser sur des inquiétudes plutôt que des questions à vous poser. C’est vrai que les agrégats macroéconomiques ont été maintenus à des niveaux très acceptables, ce qui est bien pour

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notre économie, cela a été fait par des efforts très importants pendant les années 80 supportés par une génération au moment de l’ajustement structurel. Nous étions à un taux de déficit budgétaire qui dépassait 12%, un taux de déficit du Compte Courant de la Balance des Paiements qui également dépassait 12%, une inflation importante, une démographie galopante, mais il y a eu également des réformes très dures à supporter par les populations, surtout les plus démunies. Depuis cette date il y a eu un effort pour maintenir les agrégats économiques à des niveaux acceptables, mais nous avons créé des dépenses pour lesquelles nous n’avons pas créé des recettes pérennes. Si ces recettes venaient à disparaître, nous allons retomber dans la situation des années 80, avoir des déficits publiques, (la loi de finances parle déjà de 4%), de la Balance des Paiements, en espérant que la crise internationale va s’estomper et qu’on pourra rebondir... Donc il faut faire très attention et ne pas perdre les acquis du passé et aller de plus en plus en avant vers les réformes. Il faudrait absolument, qu’on mette en place une véritable politique de choix de rationalisation budgétaire, c’est vrai les dépenses d’infrastructure et de grands chantiers permettent d’augmenter le capital d’infrastructures sur le plan national mais, cela ne suffit pas. Certes, on crée de l’emploi, du capital, mais nous enregistrons toujours des monopoles partout. Il faudrait une politique d’abolition des monopoles et d’encouragement du secteur privé marocain qui travaille pour l’augmentation de la valeur ajoutée nationale. C’est vrai que la croissance a été tirée vers le haut par la demande intérieure, mais une bonne partie de cette demande intérieure est adressée à l’étranger. Vous avez parlé de taux d’épargne, il a augmenté et on peut l’augmenter encore plus, malheureusement la bancarisation n’est pas encore au point. Elle n’est pas encore généralisée. On peut très bien augmenter le taux d’épargne et le reconvertir en taux d’investissement, mais ça nous ramène également au choix budgétaire. Je ne suis pas en train de dire, que la politique qui est menée n’est pas bonne, mais c’est une autre vision, parce que, heureusement, que le système financier a été encadré, car les institutions financières internationales, le Fond Monétaire et la Banque Mondiale ont tellement poussé pour la libération de change au Maroc. On a failli succomber, et quand la crise était venue, et le fait que nos banques, notre système financier étaient dans l’incapacité auparavant de se positionner à l’étranger nous a sauvé. C’est donc vrai qu’il y a de grandes avancées réalisées, mais il faut faire très attention parce que la situation peut se retourner du jour au lendemain. Les déficits publics peuvent augmenter, parce que quand vous créez un déficit public, quand pendant des années vous ne faites aucune ne réforme, des fois c’est déchirant sur le plan social, mais si on ne fait rien du tout, il va arriver un moment ou il faudrait reprendre le taureau par les cornes et les choses deviendraient encore plus difficiles. Merci.

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M. Dominique BOCQUET

Alors, je dirais que vous avez raison, mais que je ne partage pas votre pessimisme. Vous avez raison de dire à quel point l’assainissement des finances publiques a demandé des sacrifices, je parle d’une génération et c’est un atout très important ; parce que quand on a des finances solides, on peut investir, on a la tête libre. Il n’y a pas de doute là dessus et c’est pour le Maroc un atout d’autant plus important je dirais qu’il y a une fragilité sociale au Maroc. Je ne partage pas votre pessimisme, pour trois raisons : La première c’est que les recettes de l’État ont très fortement grandi ces dernières années, + 20 %. Un véritable effort pour recouvrer l’impôt, pour diminuer la part de l’économie informelle et pour mettre fin à la somme d’exonérations, de dissimulations qui a miné les finances publiques. Et ce que l’impôt a gagné en terme de prélèvements, il ne devrait pas le perdre, il ne faut pas non plus que le prélèvement obligatoire au Maroc augmente trop. Mais, il a un socle de recettes publiques aujourd’hui intéressant, et les dépenses du Maroc, ce n’est quand même pas les salaires des fonctionnaires qui ont mangé les marges de manœuvre, il y a eu quelques recrutements, bon. Même quand vous dites on crée l’infrastructure, si on décide d’augmenter l’investissement public, et qu’on a doublé le rythme en trois ou quatre ans , le pire qui puisse arriver aux finances publiques c’est qu’on soit obligé de les diviser par deux , c’est à dire de les ramener à l’état antérieur. On peut le faire aux investissements publiques, c’est les plus faciles à diminuer, mais si on les diminue un jour, ça ne veut pas dire qu’on aurait le temps de les augmenter parce que les infrastructures sont là, l’autoroute d’Agadir à Oujda existera. Donc il y a des dépenses publiques marocaines qui sont critiquées par les organismes internationaux, en particulier les subventions aux produits de base, produits alimentaires et aux hydrocarbures, ça représente une part très importante (pas loin de 10% du PIB), mais c’est quand même moins grave que si c’était mangé par des salaires de fonctionnaires. Ces dépenses, je ne dirais pas que c’est facile de les remettre en cause, ont augmenté un peu du fait de la conjoncture des prix sur ces produits ces dernières années. D’ailleurs, les prix alimentaires ont baissé, c’est vrai que ces dépenses de prélèvements dits de compensation devraient diminuer cette année, donc ils vont jouer un rôle positif sur les finances publiques. Leur diminution va compenser une partie du ralentissement des recettes fiscales qu’on va observer en 2009. D’autre part, un pays comme le Maroc peut se permettre un déficit budgétaire, autant nous ne devrions jamais avoir un déficit budgétaire avec la stagnation de la population qui est celle de l’Europe, mais un pays comme le Maroc, dans la situation idéale d’avoir une croissance démographique ralentie mais qui reste nettement positive de 1,2 % par an et ayant une perspective de croissance économique significative, peut se permettre d’avoir un déficit budgétaire, et de l’endettement.

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Pour un économiste, quand un pays a 5 % de croissance par an, soit 7% de croissance du PIB en dirhams, ça veut dire qu’il double tous les dix ans. Cela veut dire que la dette extérieure à montant égal est divisée par 2. La France n’a pas eu de problèmes de finances publiques pendant les années 50, 60 et même 70, parce que notre croissance était de 7 % du PIB par an, tout simplement, parce que la croissance digérait la dette un peu comme la mer va digérer une partie des déchets qu’elle reçoit. Donc un pays émergent et qui a des perspectives de croissance comme le Maroc, peut se permettre un certain endettement et un certain déficit budgétaire, qu’il n’a pas eu ces 2 dernières années, c’est un petit risque. Mais, vous avez raison, parce que grâce à des gens comme vous qu’on évitera d’aller plus loin et qu’on conservera des garde-fous.

M. My Hafid ELALAMY,

M. BENAMOUR me charge d’occuper le temps en attendant de reprendre votre souffle. Merci pour votre présentation captivante, j’aurai quelques commentaires. Comme le CDS à pour vocation de partager des choses en toute transparence, en dilettante mais avec beaucoup de profondeur, j’aimerai si c’était possible avoir de votre part tous les commentaires qu’un Chef du Service Économique peut avoir non pas avec des partenaires ou amis marocains, mais entre Chefs de la diplomatie économique, de la perception que vous pouvez avoir sur l’économie marocaine. Partant du principe que nous sommes plutôt partisans de l’adage suivant : « quand je me regarde, je me désole ; et quand je me compare, je me console » Mais la partie la plus intéressante de cet adage, c’est la première. C’est pour ça que j’ai beaucoup apprécié l’intervention de Najib qui ressemble souvent aux miennes, dans la mesure où on peut être négatif, c’est une spécificité marocaine qui est bien accentuée, on exagère les choses souvent de façon négative, et assumer. Je trouve que ça ne nous a pas trop mal réussi jusque là. En disant qu’on n’est pas bons, qu’on devrait s’améliorer, que ce n’est pas normal, je trouve personnellement que c’est une démarche qui a fini par donner de bons résultats dans les dérapages dont vous avez parlé tout à l’heure qu’on a pu parfois éviter. Alors aujourd’hui, l’état des lieux est extrêmement positif, je vais parler deux secondes du côté positif. En effet, nous avons fait des pas de géant. Le Maroc est économiquement sûr et structuré, nous avons un secteur financier solide, qui a traversé une crise mondiale avec à la fois la protection de l’Office des changes mais pas seulement, un vrai respect par la Banque du Maroc

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d’un certain nombre de critères qui ont permis aux banques de rester debout, aux Compagnies d’assurances aussi. Mais nous commençons à être contaminés « gentiment » par nos partenaires dont vous faites partie. La contamination n’est donc pas venue d’en haut par le secteur financier, mais en train de venir d’en bas par la fatigue ou la croissance plus modérée de nos amis et partenaires à travers le monde et dont nos amis Français en premier lieu. Alors nous avons besoin de rester extrêmement vigilants, parce qu’on commence à avoir des entreprises, dont une importante à Rabat, qui a un problème sérieux .Il était même suspect de voir le Maroc traverser cette crise sans éternuer et on commençait à se dire que soit nos chiffres sont faux soit nos indicateurs ne sont pas bons, ou nos capteurs ne sont pas corrects et qu’il faudrait les réviser. Alors bonne nouvelle, nous sommes en plein dans la mondialisation nous aussi, nous avons aussi nos maux, nos problèmes et nous devons les soigner. Je vous pose mes deux petites questions : J’ai été personnellement charmé par votre intervention non pas uniquement le fond et la forme mais ce qui m’intéressait, c’est lors du dernier conseil j’étais chargé de présenter un peu le rôle du Maroc sur le volet international et je disais que j’avais reçu des conseillers économiques de différents pays dont ceux de la France et j’ai été impressionné par votre connaissance de votre économie et de notre économie , de votre capacité d’essayer de rapprocher et de trouver de la place pour cela. Ma question, pour m’en inspirer comme je me suis chargé de ce dossier là par le Président pour lui faire une note, je voudrais que vous nous expliquiez en quelques mots votre métier, votre mission, ce que vous faites, vos interférences avec la partie de l’ambassade et aussi avec les opérateurs. Je pense que nous avons fait des pas de géant dans bien des domaines, mais celui ci pour le Maroc mérite qu’on s’inspire d’expériences vécues. Mon deuxième point, un des slides m’avait beaucoup intéressé montrant le pourtour de la méditerranée et je reviens à l’UPM, qui était l’Union de la Méditerranée lancée par Mr Le Président SARKOZY rattrapé au vol par Angela MERKEL qui avait compris son stratagème. Il était quand même brillant parce qu’il apportait à la France une vraie valeur ajoutée, et à ma grande surprise, était que les grands opérateurs français à mon sens n’avaient pas compris grand chose et se sont mis à critiquer la démarche de SARKOZY et à la contrecarrer. Et ma conviction de ce que j’ai vu tout à l’heure, vous arriviez à agréger les chiffres du Maghreb en démontrant sa capacité d’exister et d’apporter quelque chose en tant que partenaire. Quelques soucis avec l’Algérie passeront deviendront un jour d’anciens soucis. Cette problématique conjoncturelle passera au niveau du Maghreb, et on prend toujours comme exemple un vieux couple : la France et l’Allemagne. Ma question c’est qu’est ce que vous avez comme projet sur l’UPM ? Car je commence personnellement à perdre la foi, je n’ai pas l’impression que c’est un projet vraiment pris à bras le corps par notre partenaire de choix qui est la France, alors si tel était le cas c’est bien de le savoir qu’on puisse investir notre temps ailleurs, et qu’on passe a autre chose. Il faut qu’une polarité existe quelque part, le Maroc a tendu la main et s’est souvent retrouvé dans des situations, ou il dispose d’un strapontin au lieu d’un siège.

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J’ai donc une espèce de frustration qui ressemble à celle du Maghreb non constitué économiquement.

M. Dominique BOCQUET

D’abord merci beaucoup de votre sollicitude pour me permettre de me restaurer, et je vous renvoie le compliment que vous connaissez admirablement la France et sa diplomatie, alors peut être qu’en décrivant mon rôle, je me mettrai sur le chemin de vous apporter quelques réponses. D’abord, je fais partie du Service Économique de l’Ambassade de France qui autrefois s’appelait la Mission Économique, ce n’est pas tout à fait indifférent. La Mission Économique de l’Ambassade de France, avait pour rôle d’analyser la situation économique et financière du Maroc pour la France, puisque le Maroc est un partenaire important pour nous, y compris en termes d’investissement et de prêts. Comme un banquier le ferait. C’est le rôle du Trésor d’où vient le Chef du Service Économique. Un autre rôle, commercial, consistait à appuyer les entreprises françaises et PME et à travailler avec les acteurs publics marocains. On a un peu modifié notre rôle, en confiant l’appui aux PME à une autre institution, c’est la Chambre Française du Commerce et de l’Industrie, en liaison avec notre opérateur pour l’exportation. Le Service Économique est davantage intégré à l’ambassade, deux choses qui restent : l’analyse macroéconomique et financière d’une part, et l’appui aux entreprises qui veulent concourir pour des marchés publics marocains. A ces deux tâches, je dois ajouter une troisième qui est de voir comment la relation économique s’articule avec la relation politique et d’éviter qu’il y est une discordance entre la relation politique qui se veut excellente et la relation économique qui pourrait être marquée de temps à temps par des rivalités, des différences d’intérêts, de perception des choses. C’est essayer de veiller à ce que la relation économique s’inscrive dans une relation bilatérale de qualité. Il faut essayer de répondre très franchement à cette question embarrassante, je fais partie d’une administration, le Ministère Français des finances qui est très proche du terrain international par rapport à d’autres Ministères des finances d’autres grands pays, pour des raisons qui tiennent au poids des français dans les grandes organisations économiques internationales. C’est qu’aujourd’hui, Le Directeur Général du FMI est un Français né au Maroc, Dominique TRAUSS-KAHN, le Président de la Banque Fédérale Européenne est un Français Jean Claude TRICHET, le Directeur Général de l’OMC est un Français Pascal LAMY. Ils viennent tous du trésor parce qu’il y a une tradition internationale au trésor. Le Ministère Français des finances à une projection internationale que n’ont pas les Ministères des finances dans d’autres pays, mais nous le faisons dans une culture qui est assez multilatérale parce que les institutions que je viens de citer le FMI, l’OMC sont des institutions multilatérales.

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Donc on apporte à la France peut être une sensibilité plus marquée par des multilatéralistes, ceux de nos amis diplomates de l’école des affaires étrangères ça ma donné peut être des éléments de réponse sur l’UPM et sur le Maghreb et il y a plein d’indicateurs qui montrent que probablement, notre PIB est sous-estimé sur l’Union européenne elle même, D’abord sur l’Union pour la méditerranée, vous l’avez très bien décrit, ce qu’on peut dire c’est qu’il y a d’abord, une manifestation de volonté politique qui a été quand même forte parce que la France en a fait le cœur de sa présidence européenne et qu’elle a mis les pieds dans le plat de l’atonie de l’ancien processus précédent dit de Barcelone. Deuxième chose, quand on parle de l’Union Pour la Méditerranée, on introduit une parité entre les deux rives de la méditerranée qui n’existait pas tout à fait avant. Avant, il y avait le processus euro méditerranéen, qui était un processus très asymétrique, alors que là, il y a le conseil des Ministres, une coprésidence (France- Égypte au début), et ça c’est un élément important pour le Maroc. Il reste qu’on demeure tributaire de contingences politiques au Nord, mais aussi au Sud avec les problèmes entre voisins qui peuvent exister, et aussi avec le conflit Israélo-palestinien qui a été à l’origine en partie du ralentissement de l’UPM en 2009. La question à mon avis va revenir vers ces conflits, les pays arabes ont assez bien su se servir de

l’UPM, surtout dans ce conflit, à partir du moment où ils ont compris que c’était aussi un moyen

par exemple d’amener d’autres parties au conflit Israélo-Arabe à rendre davantage de

comptes.

C’est à la fois une source de tensions, de blocages, de réunions difficile à convoquer et c’est

aussi la preuve que c’est un organisme vivant et que c’est un des canaux par lesquels passe

l’ouverture réciproque de tous les pays.

Donc l’Union pour la Méditerranée est ce qu’elle est, et je pense qu’il fallait la faire ; tout va

dépendre des projets qu’on sera capables de mener à bien, (par exemple en matière solaire,

qui sera un enjeu très important, et le Maroc est en très bonne position, notamment depuis

hier.. méga station Ouarzazate).

Il y a une chose qui me frappe à propos du Maghreb, vous parlez de vos frustrations, il se trouve que j’étais amené à travailler sur la mise en œuvre de l’accord d’Agadir, c’est un accord de libre échange, entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l’Égypte. Je crois beaucoup aux accords Sud/Sud, parce que je pense autant l’ouverture entre pays égaux, c’est un apport de complémentarité, ça permet de se spécialiser etc. , c’est parfois discuté, mais l’ouverture entre pays égaux , parce que pour le développement, les accords commerciaux Sud et Sud , du type de l’accord d’Agadir entre le Maroc, la Tunisie, la Jordanie et l’Égypte , sont de très bons traités. Il se trouve que j’étais dernièrement occupé parce qu’il y a des Logan produites au Maroc et il y a des bus égyptiens, et donc on s’est beaucoup entremis et l’Union Européenne s’est beaucoup entremise pour obtenir que les Logan Marocaines soient exportées en Égypte. L’UE a l’habitude depuis cinquante ans parce que cela la concerne d’apporter des aides, des conseils, régler les difficultés, des malentendus etc... Alors, je pense que le Maghreb se fera qu’il le veuille ou non, et qu’à partir du moment où les pays s’ouvrent sur Algésiras , Barcelone,

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Gêne, Marseille et Naples , ils ne pourront pas rester fermés les uns par rapport aux autres, et qu’à un moment donné les lois de la vie l’emporteront. Il reste la question de la relation du Maroc avec l’Union européenne, c’est un vrai défi, d’abord le Maroc s’est donné une ambition forte, qui est le statut avancé. C’est le premier pays au monde à l’obtenir ; le premier pays non européen qui décide d’aller au delà de l’association. Le Maroc est même en avance même sur israel. Le statut avancé veut dire non seulement l’abrogation des barrières avec l’Europe, mais se donner une même législation économique, tout ce qui est nécessaire au marché qu’on appelle en Europe le Marché Intérieur, on va l’avoir en commun. Donc faire converger les législations. C’est un instrument de modernisation extraordinairement puissant. Par exemple, l’un des drames du Mexique c’est qu’il garde un retard en termes de législation, en termes de fonctionnement des relations d’affaires qu’il n’arrive pas à rattraper. Si le Maroc arrive à s’ouvrir avec l’UE, ça veut dire qu’il aura tout le patrimoine de convergence microéconomique lié au droit et la législation communautaire, ça veut dire plein de progrès à faire ; mais être relié à l’espace qu’a l’Union européenne qui est un espace international, c’est la grande différence avec les États-Unis . C’est que nous les européens, nous sommes 27 pays extraordinairement différents. L’Union européenne est l’un des ensembles du monde de la plus grande diversité, et nous rendons nos règles davantage « avalables » pour les autres pays. C’est le côté positif. Le côté un peu négatif c’est que le Maroc a parfois du mal avec l’Union européenne parce que le Maroc par cette relation magique avec la France, un peu portée par l’histoire, le Maroc a quand même une écoute de la France, une connaissance de la France, et une capacité d’agir très grande vers la France.

Par rapport à ça, c’est vrai que le Maroc à un peu de mal ; par exemple la connaissance du droit communautaire, des règles communautaires au Maroc n’est pas suffisante, je ne sais pas combien il y a de chairs de droit communautaire dans les universités marocaines. (Aucune = un souci, on doit pouvoir le faire dans environ 5 ans, cela ne coûte pas cher)

M. Youssef BENKIRANE

Merci, Mr le Président, je tenais à vous féliciter pour la pertinence de votre intervention enrobée de beaucoup de diplomatie. Justement on a parlé de déficit commercial et on a parlé que des exportations marocaines, ce qui permet un peu de diminuer ces chiffres qui ne sont pas bons, c’est l’Investissement Direct Étranger, et vous êtes la bonne personne pour nous donner, je pense que le Maroc aussi, sans faire preuve de pessimisme est très mal noté par rapport au climat des affaires. Un mot sur L’UPM, en accord avec My Hafid, Avant d’être dans les finances aujourd’hui, je me

suis beaucoup penché sur les questions euro méditerranéennes par le passé. Ce qui s’est passé

depuis la conférence de Barcelone, mise en place des programmes de coopération, comme on

veut en mettre pour l’UPM, processus retardé par le conflit israélo arabe, mais il y avait aussi

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des programmes pour encourager le processus de paix qui était enclenché. Mais, on a constaté

malheureusement que c’étaient seulement des gaspillages programmés, et même si nous

constatons un certain équilibre entre la rive nord et la rive sud de la méditerranée, et la

coprésidence française et égyptienne qui est une chance pour le Maroc , je crains quand même

que My Hafid ait raison

M. Dominique BOCQUET

C’est effectivement une question centrale, celle du Maroc comme terre d’investissement. Vous avez été vice président du conseil de surveillance de la bourse et vous avez vu un certain nombre important de progrès du Maroc, à travers l’ouverture et le développement sur les marchés financiers. Je dirai quand même que le Maroc a aussi cet acquis, il a toujours été perçu comme un pays ouvert à travers des concepts plutôt formalisés, mais aussi ouvert à travers une vraie volonté. Il s’est vraiment ouvert dans une décennie, là on rejoint la problématique de l’émergence, s’il y avait une chose à dire sur le changement des relations Nord Sud dans la décennie écoulée, c’est l’Investissement direct. L’Investissement direct a changé la face du développement. Il y a plus de dix ans , il y a eu une crise dramatique en Asie, provoquée surtout par le départ brutal de capitaux spéculatifs, et il y avait la même année en 1998, l’échec d’une tentative d’accord pour garantir les investissements et qui prévoyait des sécurités pour les investisseurs. Le scandale de cet échec était tellement fort que le changement s’est fait, tout seul, et tous les pays du monde ont adopté des politiques favorables à l’Investissement direct sans avoir de contraintes juridiques. Ces contraintes juridiques qu’on n’avait pas réussi à instaurer (pour protéger l’investisseur), les pays les ont intériorisées à leur politique. On a compris deux choses : à la différence des investissements de portefeuille qui allaient provoquer la crise asiatique, l’Investissement direct, c’est à dire, la présence d’une entreprise étrangère comme opérateur ou participant au capital à 10% ou 20%, n’est pas pareil du point de vue de la relation fiscale. L’Investissement direct crée une solidarité entre les pays d’origine et le pays d’accueil de l’Investissement. Cela oblige le pays d’accueil à faire des efforts et les investisseurs à s’intéresser au développement du pays. Le Maroc, en devenant le pays le plus ouvert du Maghreb, est monté dans ce train au bon moment. C’était sa chance. Aujourd’hui, même s’il y a des négociations, des bras de fer etc., nous n’avons pas cette vision antagonique entre les intérêts des investisseurs étrangers et nationaux, C’est la clé aujourd’hui de la réussite, de l’harmonie de l’investissement international, d’entente et de convergence des points de vue. Ce qui reste à faire au Maroc : Deux grands sujets : la Justice, un grand chantier de Sa Majesté et l’Aménagement urbain et du territoire. La croissance c’est celle des villes, Casa et Tanger. Deux difficultés à soulever, la saturation qui devient un handicap pour le développement de la ville. Les transports urbains corrélés au problème de surcharge foncière. Quand on n’a pas de transports urbains performants, les villes

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se saturent et étouffent et la pression foncière est beaucoup plus grande par la mobilisation plus grande du territoire. Et puis il y a l’aménagement du territoire et l’homogénéisation du Nord et du Sud. Tanger est sans doute appelée à être le 2éme poumon économique du Maroc, mais ce n’est pas encore le même monde économique que Casablanca. Pour les français, Tanger c’est un peu un défi parce que les espagnols sont plus présents, d’où

une grosse opération avec Renault, confirmée malgré la crise, grâce à l’engagement des

autorités marocaines, présence également de Bouygues sur MED II avec professionnalisme sur

les digues etc.

En faisant l’analyse en tant que Chef des Services Économiques auprès des entreprises

françaises à Tanger, j’en ai retiré que le tissus économique est différent de celui de Casa. Le

premier réflexe d’un investisseur français à Casa est de chercher des fournisseurs locaux,

marocains ou français, donc un réflexe de développement du tissu économique, industriel et

de service, local. Ce réflexe n’existe pas tout à fait à Tanger où les entreprises font plus de

l’import export, ou du retraitement, donc une vision d’une partie et non l’ensemble de la valeur

ajoutée.

Par ailleurs, il y a à Tanger un jeu d’homogénéisation du bassin d’emploi qui n’a pas la même

profondeur que celui de Casablanca et les traditions ne sont pas aussi laborieuses.

M. Abderrahmane SAAÏDI

Remerciements également pour la qualité d’intervention. Trois questions à M. Dominique BOCQUET sur son regard sur un certain nombre d’aspects du Maroc. Quel est votre point de vue sur la marche du Maroc, vous avez parlé d’un certain nombre

de paramètres, et ce qui me préoccupe c’est la cohérence de l’ensemble de ces actions. Il me semble parfois qu’il manque l’action d’articulation. Vous avez parlé d’articulation entre le politique et l’économique, au Maroc on doit parler également de politique et économique social. Des fois, on a l’impression que c’est le politique qui tire l’économique, alors que les deux devraient interagir. Comme a dit My Hafid, on a rarement vu des ambassadeurs soucieux d’accueillir les Investisseurs marocains à l’étranger, alors qu’en France même les politiques ont une démarche économique. Le Président de la République par exemple gère des marchés et fait signer des contrats.

Concernant les accords de libre échange, certains opérateurs se plaignaient des accords d’Agadir. Étaient-ils bien réfléchis, car le politique avance mais sans se préoccuper de l’économique, et il me semble que la plupart des accords signés ne sont pas favorables au Maroc ; avec même des reculs par rapport à la Tunisie et à l’Égypte etc., et sont-ils bien suivis dans la mise en œuvre. L’application n’est pas accompagnée comme dans les textes.

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Les investissements extérieurs que le Maroc enregistre, vont ils dans le bon sens ; sont-ils

risqués ; sont-ils à long terme ou, sont-ils de simples marchés

M. Mostapha MELLOUK

Merci M. le président de m’avoir invité à participer à cette rencontre très utile et porteuse d’idées et de thématiques qu’on pourrait très facilement avec nos amis Kamal Lahlou et Thami Ghorfi envisager dans nos programmes. Je ne voudrais pas partager le pessimisme de certains sur l’UPM et ce sera probablement la conclusion que vous transmettrez à M. l’Ambassadeur et même plus haut. Lorsque j’ai essayé de lancer des réflexions dans la chaîne que je dirige à Tanger, sur des contenus liés à l’UPM, j’ai lancé quelques ballons d’essai qui n’ont pas eu d’écho, pas eu de passion ni d’émotion. Résultat, on a développé un concept qui dure maintenant depuis quelques mois, qui s’appelle simplement « Entre deux rives », deux rives de la méditerranée qui pour se limitent à l’Italie et en bas la Tunisie, et là il y a beaucoup d’échanges. Cela nous amène à dire que le concept de 5-5 est plus porteur, plus concret, et dès qu’on s’est élargi vers l’Est, on s’est retrouvé dans le conflit du Moyen Orient, avec une présidence égyptienne qui a d’autres centres de préoccupation. Juste une réaction sur la présentation très pertinente, il faudra à un moment donné que les opérateurs économiques et politiques se mettent d’accord sur les chiffres, et qui restent en cohérence sur un certain nombre d’années. Les chiffres nous arrivent de la France, USA, UE, Banque Mondiale, commissariat au plan, banque du Maroc. ; et on finit par avoir des chiffres difficiles à croiser. Une remarque sur La notion d’intérêt, du concept important de dépendance ; il y a probablement un calcul à faire sur le rapport PIB/population active. Puisque c’est la population active qui porte la charge de la famille. L’exception mauritanienne est à expliquer sur la fécondité qui augmente. Est-ce une erreur de calcul ? En dehors de la posture nationale et patriotique, y a t-il un effet Brésil ? Qui a permis au Brésil par exemple d’obtenir les JO, avoir des taux de croissance, être considéré comme pays émergent et d’être positionné au même titre que l’Inde en matière de croissance et d’émergence, Et la grosse interrogation, c’est le niveau d’exigence, on parle de crise puis on parle de croissance puis de crise. Il y a un esprit négatif latent, et en même temps le pays évolue, simplement parce qu’il y a le niveau d’exigence. Il y a probablement quelque chose à travailler sur l’état d’esprit. Optimiste ou pessimiste. Je sais que l’optimisme est l’une des forces de cette instance et surtout du président Benamour, ce qui fera que même des situations comme le statut avancé, très ambitieuse pour un pays, peut être envisagée avec beaucoup d’optimisme, sauf que déjà nous entendons quelques sentiments pessimistes sur la possibilité du Maroc à y souscrire de manière définitive.

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M. My El Hassan KACIMI;

Question sur un sujet d’une grande densité, celle de la fracture sociale, un des points noirs qui nous interpelle et auquel nous n’avons pas les bonnes réponses. Plus on consent de grands efforts, de gros investissements mais pas de résultats. En tant qu’expert OCDE et observateur des pays émergents, quel regard et quelle lecture du pourquoi de cet échec et sur quelles pistes on pourrait réfléchir ensemble.

M. Ali GHANNAM

On a eu droit a des slides très intéressants. Quelle perception à venir, les dix prochaines années par exemple. Nous sommes dans le visioning par rapport à un certain nombre de secteurs, stratégies sectorielles, et par rapport à la vision externe que peuvent avoir les services économiques d’une Ambassade très importante et amie du Maroc par rapport à l’évolution future du Maroc.

M. Jaouad KERDOUDI

D’abord remercier Benamour de m’avoir invité à cette réunion, dans cette honorable assemblée. On a parlé à juste titre du problème de l’ampleur des inégalités dans notre pays. Les réponses du gouvernement c’est l’INDH et la Caisse de Compensation. Ma question, sans considération politique, ces réponses sont elles les meilleures et n’y a t-il pas d’autres réponses ?

M. My Abdelmalek ALAOUI

Remerciements egalement à Benamour. Un commentaire un peu dissonant : Beaucoup de gens déplorent le peu d’intégration maghrébine. La compétition entre le Maroc et l’Algérie, lors de la dernière décennie a été une chance pour la Maroc, parce que le Maroc a du aller au delà de ses frontières vers le sud, et a évité la posture de la paresse. D’autre part tous les équipements faits sur la façade orientale du Maroc est tactiquement une gigantesque une opération psychologique à ciel ouvert. Cela montre que le Maroc est capable de se développer sans avoir la puissance de l’hydrocarbure et qu’il est capable d’imagination Est ce que nos partenaires au nord sont conscients du fait que ce découplage, ce qui devrait être le moteur du Maghreb, à savoir le couple Algérie Maroc ne peut pas toujours reproduire le schéma du couple France Allemagne.

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Parfois il est important qu’il y ait de l’émulation, un besoin de rivalités pour avancer.

M. Kamal LAHLOU

Je voudrais signaler à M. Bocquet que j’étais ami durant ces dix dernières années avec tous les ambassadeurs de France qui se sont succédé à Rabat, et même avec le nouveau qui vient de débarquer il y a une semaine moins d’une semaine. J’ai eu le plaisir de l’accompagner avant hier à Ouarzazate et de lui présenter des personnalités marocaines, notamment notre ami si Mohamed qui lui a parlé de notre conseil. 2 questions : Le statut avancé a été accueilli en grande pompe au Maroc et jusqu’à présent, on

pensait que, seulement pour les produits agricoles, qu’on allait enlever les quotas et laisser le libre accès. Malheureusement nous restons toujours tributaires et sujets à ces quotas qui nous pénalisent. La frontière Maroc-Algérie. Vous nous avez confortés dans nos prévisions, parce que le

Maghreb représente pour la France près de 14 milliards d’Euros, un des premiers marchés devant le Mexique, la Chine, la Turquie et le Brésil. C’est extraordinaire, mais depuis plus de dix ans, depuis la fermeture des frontières en 1994, dans les milieux marocains on dit que cela arrange certains pays, notamment la France et la Tunisie.

M. Dominique BOCQUET

C’est un embarras de richesses toutes ces questions pertinentes

En commençant par la dernière question sur la France et le Maghreb. L’intérêt de la France est que le Maroc se développe. On est dans un monde où la prospérité des voisins est la meilleure chance de prospérité pour soi même.

La prospérité apporte la stabilité et échanges favorables. La France n’a pas d’agenda caché

Si le Maghreb se développe plus vite que l’Europe Orientale par exemple, l’Ukraine ou la Russie, ce sera, toutes choses égales par ailleurs, meilleur pour la France que pour l’Allemagne. Donc notre intérêt est très simple et très clair, c’est que le Maghreb se développe. Nous ne sommes pas toujours les mieux placés pour expliquer comment faire, mais ce n’est pas la France qui va aider le Maroc forcément à changer le comportement de tel ou tel voisin. Je considère que nous ne sommes pas forcément à la meilleure position pour le faire, mais notre intérêt est là. Alors les perspectives à 10 ans du Maroc, d’abord c’est certainement de continuer à utiliser les réserves de croissance qu’il a. Il y avait une grande réserve de croissance qui a été admirablement utilisée, hommage en soit rendu aux acteurs de cette entreprise, c’est le tourisme. Le Maroc avait un gisement sous utilisé et une partie du parcours des dix dernières années a été rendu possible parce qu’il a exploité une partie de ce potentiel qui était sous le pied. Si

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on cherche quelles sont les réserves analogues que le Maroc a exploité, c’est l’agriculture marocaine certainement, c’est peut être les phosphates où le Maroc est le leader mondial, et peut être les énergies renouvelables. Là il y a un ensemble de réserves de croissance qui vont être au menu des prochaines années. Au delà, la classe dirigeante marocaine comme toutes celles du monde a une grande responsabilité, et le développement d’un pays dépend de la qualité de cette classe dirigeante. Alors, est ce qu’elle est capable de jouer l’innovation ?, de tirer les autres couches sociales vers le haut ?, et de comprendre qu’elle a tout à y gagner ? C’est une question de toute franchise sur laquelle je n’ai pas à porter de réponse, je pense qu’elle n’est pas jouée mais c’est vrai que la qualité du comportement de ceux qui dirigent un pays, y compris dans la société, pas seulement dans l’État, est déterminant. Je crois qu’il n’y a pas de raison d’être pessimiste. En tout cas, ce que je vois m’encourage plutôt à la confiance, mais c’est un défi. Sur le social, comme déjà dit, c’est un sujet extraordinairement difficile, c'est-à-dire, savoir si le dirham qu’on investit dans l’éducation ou la santé va être payé de retour. Je ferai simplement deux remarques : La première, c’est que c’est un domaine où on a tendance parfois à basculer dans le pessimisme quand on découvre la dure réalité et à ce moment là on va relâcher l’effort, et c’est parfois la ténacité, le fait d’être capable de remonter le rocher de Sisyphe dix fois qu’on arrive à le faire la 11ème fois

En matière d’éducation, on fait un bilan un peu catastrophiste de l’éducation au Maroc, avec des bons arguments et de vraies raisons mais le Maroc a quand même fait des pas considérables. Il a engagé une partie de la massification de l’enseignement secondaire qui est une tache difficile. Nous la France qu’on met souvent très haut dans les bilans internationaux, quand j’étais à l’OCDE, j’avais régulièrement une bonne manière de mon collègue américain disant que , lui en tant que parent de jeunes enfants scolarisés en France, il admirait nos écoles maternelles et nos écoles primaires et que notre système secondaire français est supérieur à bien des égards au système secondaire américain. Ce n’est pas vrai pour le supérieur en dehors des grandes écoles. Mais, les français depuis vingt ans considèrent qu’il y a une crise de l’éducation, que les professeurs de collège qui se font insulter et parfois malmener voire frapper, n’ont pas cette vision. On a eu des décennies pendant lesquelles on a dit que le niveau baissait au niveau du bac parce que le bac s’était massifié et qu’on était passés de 10 à 70% de bacheliers. A un moment donné quelqu’un a dit ça suffit, on va faire une étude scientifique du niveau du bachelier français, on va prendre des copies , analyser le niveau de connaissances et le comparer à ce que c’était il y a vingt ans, trente ans, et quarante ans. Cela a donné un livre qui s’appelle « le niveau monte ». Donc il y a bien sûr des statistiques qui mentent et il y a aussi des perceptions qui parfois nous trompent. On dit en Europe que le diable un jour a rangé tous ses instruments et qu’il en a

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gardé un seul qui était le découragement. Il faut se prémunir contre l’optimisme, mais aussi contre le pessimisme. Il faut le faire et je n’ai pas de recette miracle. J’ai vu par exemple dans l’expérience du Brésil, que les politiques sociales menées par l’État depuis très longtemps, c’est bien, c’est nécessaire, mais s’il n’y a pas de relais dans la société civile ; à un moment donné cela ne marche pas. Des politiques sociales en faveur du NordEst, ce triangle Nord qui est la région pauvre du Brésil exposée à la sécheresse, au racisme, à des états corrompus etc... et ces politiques sociales ont très longtemps échoué alors que des moyens significatifs étaient mis en œuvre, parce que le Brésil est un pays où le montant des dépenses publiques, des impôts est élevé. Elles ont échoué jusqu’au moment où il y a eu des organisations qui s’en sont occupé, à coté des politiques de l’État, des associations, des syndicats qui veillaient à ce que l’argent parvienne là où il doit aller, et que , quelque part les bénéficiaires supposés du système soient partie prenante. Alors quelles vont être les marges de vitalité de la société marocaine y compris dans ses politiques sociales, je pense que c’est une partie de la réponse, merci.

M. Mohamed BENAMOUR

Il ne nous reste plus qu’à remercier très chaleureusement et très amicalement notre hôte à la fois pour l’excellente présentation qu’il nous a faite avec ce tour d’horizon sur l’économie marocaine, un tour d’horizon qui donne également une idée du positionnement du Maroc par rapport aux économies mondiales. Nous avons beaucoup appris et cela vous honore, et honore cette amitié franco-marocaine à tous les niveaux. Lors de mes divers entretiens tant au niveau du Premier Ministre que du Ministre des Affaires Économiques, nous avons eu l’occasion d’aborder différents aspects concernant les politiques sectorielles, le Plan Vert, le Plan Azur et tout le reste, sachant qu’à partir de 2010, le Maroc va initier une multitude de foyers de croissance à travers 22 pôles dans différentes régions, dans le cadre d’un aménagement du territoire équilibré. Cela donnera une dimension nouvelle au niveau de la croissance et de la qualité humaine, car cela ne sert à rien de continuer d’investir et de s’enrichir si le citoyen n’en profite pas. C’est surtout cette vision d’une société prospère et humaine qui permettra d’éviter les dérives, la misère et le laisser pour compte. Je crois que les responsables marocains sont conscients de cette problématique, ils sont d’autant plus conscients qu’ils ont demandé dans la démarche future, une forme de

Conclusion

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gouvernance partagée avec les opérateurs économiques, mais également avec la société civile. C’est une évolution, mais c’est aussi une révolution dans les mentalités, car nous nous acheminons vers une gouvernance participative qui permettra aux pouvoirs publics d’écouter l’autre son de cloche. Cela est important et c’est bien le modèle marocain qui s’installe. Les marocains ne sont ni pour l’auto flagellation ni pour l’auto satisfaction béate. Ils ont la force et l’intelligence d’affronter les vérités, percevoir et subodorer les effets pour mieux les solutionner. Il est évident que les problèmes du Maroc sont liés aux réformes nécessaires, mais aussi à la fragilité de nos exportations. Certes, il y a lieu d’innover et d’anticiper sur les tendances et les défis futurs. Il s’agit de réfléchir ensemble sur les passerelles à installer entre les différents secteurs de l’économie et entre les plans stratégiques des différents secteurs. On doit s’inscrire rapidement dans le cadre des grandes ruptures qui vont façonner notre monde de demain, à savoir les secteurs d’avenir pour le 21ème siècle. En effet 80% des métiers du 21ème siècle, sont des secteurs nouveaux qu’il faut identifier, cela va de la robotique à la génétique, en passant par, l’économie verte et les énergies renouvelables. Certes, l’idée de retenir la proposition d’un impôt recherche pouvant contribuer à encourager la recherche scientifique et d’application s’avère judicieuse. Notre pays s’inscrira dans une démarche vertueuse des Nations en quête du savoir et de l’intelligence confirmant sa vocation historique et son élan vers le développement et la modernité. Encore une fois merci pour cette contribution à nos débats, en soulignant que l’invitation qui vous a été faite a été adressée d’abord à un ami auquel nous portons estime, et que j’ai eu le bonheur d’avoir convaincu de venir parler avec franchise, amitié, et optimisme, mais aussi avec pragmatisme. C’est un expert, un observateur, et c’est surtout un ami que je salue en votre nom tous. Merci.

M. Dominique BOCQUET

Simplement pour dire que c’était un très grand privilège pour moi, je suis vraiment très reconnaissant de votre accueil, et admiratif des travaux du CDS. Bonne chance à vos travaux.

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Réunion du Conseil d’Administration Du C D S, Le 10.MARS.2010

A l’Hôtel Hyatt Regency à Casablanca

Exposé de M. Abderrahmane SÄAIDI

Je pars d’un constat, qui m’interpelle, c’est le foisonnement des Plans, Visions, Stratégies, et Programmes. On s’y perd. Il y a Maroc 2010, le plan Azur et Vision 2010, Vision 2010 pour la Propriété Industrielle et Commerciale, le Plan Maroc Grande Distribution, le Plan Maroc Vert, le Plan Maroc numérique, le Plan Émergence, le Plan Émergence 2 , le Plan Convergence de l’INDH..ETC. Toutes ces orientations sont appuyées de multiples Contrats Programmes, de Conventions et maintenant on entend parler de Conventions-Programmes- Objectifs, je crois que c’est les dernières conventions signées avec le Ministère de la jeunesse.

Ce que je veux dire, c’est que le contrat programme découle d’une vision plan, c'est-à-dire quelque chose de très rigide qui n’a pas du tout la souplesse d’une vision stratégique. A côté, il y a également des Accords de Libre Échange, des Zones de Libre Échange, des Zones Franches et des Places Financières Off-shore qui constituent des dérogations au droit commun en matière de commerce extérieur, des réglementations des changes et des fiscalités. Les zones Off-shore dont les dispositions parfois sont contestées par l’administration fiscale elle-même. Rappelez vous, la zone de libre échange de Tanger, le fisc a remis en cause une lettre du Ministre des finances et de la convention.

Il y a les conventions internationales bilatérales d’investissement entre pays, protection, encouragement et garantie de l’investissement. Il y a les conventions fiscales de non-double imposition qui sont également parfois remises en cause par l’administration chargée de les appliquer. Il y a les conventions d’investissement entre l’État et l’entreprise, (il y a beaucoup d’entreprises, Maroc télécom, Maghreb Style, et l’immobilier également.)

Alors l’interrogation que ce constat suscite c’est autour du processus de prise de décision politique : Est-ce qu’il y a une coordination quelque part ? Parce qu’on ne voit pas cette coordination. Théoriquement, le processus de prise de décision politique ou publique devrait commencer par un diagnostic. Or, nous constatons que ces démarches sont beaucoup plus sectorielles que globales. Chaque fois qu’on entend parler de diagnostic et même de stratégie, c’est par rapport à un secteur donné (L’industrie, les nouvelles techniques d’information, le tourisme. ETC). Théoriquement, L’État a pris ce diagnostic et devrait fixer des priorités en matière de besoins : Est ce que c’est le développement social ?, Est ce que c’est le développement économique ?

Il y a des choix fondamentaux qu’on doit faire préalablement à ces stratégies : Quel type d’organisation politique avoir ?, Quel type d’organisation territoriale ?, on y est,

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Quelle administration ?, La langue ?, My Hafid en a parlé ? La relation public- privé et la relation entre l’État et le privé. On ne sait pas ce qui a été décidé, Est ce qu’il y a une orientation claire ?, Il y a le problème de l’émigration et ainsi de suite... Et après, on a une vision stratégique globale. L’orientation stratégique, contrairement au plan, est très souple. Tous les plans sont rigides. La stratégie a la caractéristique d’être souple et adaptable à l’évolution de l’environnement, d’autant plus que notre situation ne dépend pas que de nous, nous dépendons un peu de l’évolution de l’environnement international et donc il faut qu’il y ait quelque chose de beaucoup plus souple. Pour qu’il y ait une bonne planification stratégique, il faut la mise en œuvre après et puis l’évaluation et l’ajustement de l’action.

Le grand problème des actions prises par les pouvoirs publics, c’est la cohérence et la complémentarité, d’abord dans la conception. Quel est le rôle de l’État, des administrations, des autorités locales et du privé. ? Parce qu’on va recourir au privé, mais on ne lui donne pas un rôle au départ. Est ce qu’on implique toujours tous les concernés ? On a parlé d’impliqués et de concernés. Est ce que les concernés avant d’être impliqués sont dans l’action, dans la réflexion, dans l’idée et dans le concept ? Est ce que nous avons le cadre juridique adéquat ? Souvent, on s’est rendu compte que nous n’avions pas tout le dispositif juridique pour favoriser une décision qui est déjà prise. Le calendrier, My Hafid a parlé de synchronisation, il y a effectivement un problème de calendrier au niveau des opérations. On commence par quoi. Monsieur AMOR a soulevé la priorité et la primauté des infrastructures par rapport aux constructions. Le même problème se pose à Casablanca, avec trois zones touristiques, trois projets immobiliers, avec un problème d’infrastructure par rapport à la construction.

Le problème des ressources humaines, on l’oublie, on a eu des problèmes avec Saadia… ?

Il y a une absence de vision globale de l’action publique en général.

Le problème des ressources financières, je me suis amusé il ya deux jours à totaliser les budgets qui ont été déclarés au niveau des différentes visions, et au niveau des différents plans ; c’est astronomique. Là, je me demande, si vraiment quelqu’un au milieu est en train de planifier tout cela dans le temps ? et de voir si on a ou pas les moyens et comment les trouver. Il est vrai que souvent le Ministère des Finances est impliqué dans ces décisions, mais le Ministre des Finances lui, ce qui est futur à la limite, il le verra plus tard ; parce qu’il y a toujours des projections, mais la planification financière ne suit pas.

Donc il y a l’ordre chronologique, le problème des infrastructures, le problème de l’organisation et de la gouvernance. Gouvernance veut dire le choix des différents intervenants et du rôle de chaque intervenant préalablement à l’exécution.

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Il y a aussi la communication et l’information, et le problème important au Maroc de l’adhésion des responsables et des personnes impliquées. Nous avons remarqué dans le passé que des décisions sont prises au niveau central. Je me rappelle de la décision de Sa Majesté Hassan II disant que si l’administration ne vous répond pas dans un délai de …, vous considérez que vous avez une réponse positive. Ce qui n’a jamais pu être mis en application. Donc il y a un problème d’adhésion des responsables, des autorités et des citoyens, aussi-bien au niveau central qu’au niveau local. Et il y a le problème des incitations. Parce que, quand il y a une décision publique nationale, il y a également les incitations pour qu’il y ait une adhésion à ce projet ou à cette orientation, et que les gens puissent trouver un intérêt à le faire. L’aspect pédagogique, l’aspect contractuel, c’est qu’il y a maintenant les contrats-programme, l’aspect fiscal qui des fois ne suit pas, et l’aspect réglementaire. Alors ce qu’on oublie souvent et cela a été soulevé par Monsieur AMOR aussi, c’est l’impact, les effets externes. Lorsqu’il y a un projet, il y a l’aspect DIEC, c'est-à-dire la construction, le logement, les normes d’habitation mais on oublie tout ce qui est autour. C’est-à-dire, les frustrations sociales, les inégalités, l’environnement. On a parlé de villes poubelles … l’exemple de cette discordance des moyens mis en œuvre et de la conception, et il y a, à petite échelle, d’autres choses beaucoup plus malheureuses, mais peut être moins visibles. J’ai vu un dessin récemment dans un journal en Arabe, juste au moment où il y avait le Virus H1N1, un dessin d’écoliers devant l’école. Il y en a un qui dit à l’autre, on nous a donné du savon pour nous laver les mains, alors qu’on n’a pas d’eau à l’école. Donc il y a ce problème de cohérence, de cohésion, et de complémentarité. La question c’est : Qui coordonne ? Qui synchronise ? Quel pouvoir a-t-il ? Et puis il y a, la mise à disposition des moyens, l’évaluation et puis quelque chose dont nous manquons beaucoup, c’est la sanction. Dans l’expérience française, pratiquement tous les contrats-programmes signés entre l’État et les Entreprises n’ont pas abouti, parce qu’il n’y a pas de sanctions. Par contre, les conventions signées entre l’État et les Régions, avec les autorités locales ou régionales, ont tous abouti parce qu’il y a une sanction politique. Dans les entreprises marocaines, il n’y a pas de sanction, une entreprise publique s’engage à investir, à former et surtout, à créer des milliers d’emplois; mais au bout du compte personne n’évalue, personne ne juge, personne ne sanctionne, donc il y a un problème de stratégie. Alors, il y a un peu partout, un déclin de l’idée de plan, parce qu’il est rigide et que l’environnement change énormément, il y a un éparpillement des centres de décisions et de responsabilités, nous dépendons beaucoup de nos relations avec l’étranger et de l’environnement international, et c’est donc l’idée de planification stratégique qui prend le dessus , parce qu’elle a la souplesse et la force de pouvoir s’adapter en cours de route.

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IL y a des tentatives de transposer et d’adapter la démarche micro-économique de l’entreprise au niveau de l’État. Parce qu’effectivement, dans une entreprise, tout le monde tire dans le même sens, il y a une concertation. Le CDS peut jouer un rôle parce que c’est une question transversale, c’est la plus transversale de toutes les questions : Le processus de prise de décision et le partenariat public privé. Quel est le rôle de chacun et comment aboutir à une bonne gouvernance dans l’action publique ? M. Mohamed BENAMOUR Je pense que pour ces sujets extraordinairement importants et forts intéressants, ce serait presque une escroquerie intellectuelle de les traiter en dix minutes. Je suggère qu’il y ait une journée consacrée à ces trois ou quatre thèmes qui ont été déclinés. On va réfléchir avec notre ami Thami, sur la façon d’opérer pour consacrer une journée entière pour parler de ces thèmes parce que c’est tellement important, tellement intéressant et qu’il faudrait les partager. On reviendra certainement sur ces sujets d’une façon plus longue et plus approfondie.

M. Mohamed HORANI,

Juste une information par rapport à ce thème. Au sein de la CGEM, on vient de choisir un cabinet d’étude qui va faire exactement ce que vous avez présenté, c'est-à-dire analyser toutes les stratégies sectorielles. On va se limiter uniquement aux stratégies sectorielles, voir leur cohérence ou incohérence, leur déclinaison régionale, territoriale, et surtout leur implémentation, donc c’est quelque chose qui va se faire et qui va donner des résultats d’ici trois ou quatre mois.

M. Mohamed BENAMOUR

Cela me facilite d’autant plus la tâche que le Président HORANI m’a chargé d’accompagner

cette vision sectorielle pour voir la cohérence entre les stratégies. On va commencer par le

Tourisme, mais évidement à travers ton exposé nous avancerons certainement plus vite.

M. Abdellatif BEL MADANI;

Monsieur Abderrahmane sais bien que depuis des années, ce problème de cohérence est

évidement posé sur la table. S’il y a un mérite ou une responsabilité à donner au niveau des

contrats-programmes, c’est à Si Mohamed BENAMOUR qu’il faut évidement la donner. La

résultante et la réussite du secteur du tourisme a conduit évidement l’ensemble de

départements ministériels à se rendre compte, pour pouvoir avancer et avoir les budgets, à

demander évidement à avoir une vision départementale sectorielle ; c’est clair.

Donc ceci a été fait, les contrats sont signés avec les associations. C’est vrai qu’elles n’ont pas

pouvoir notamment d’engagement et en conséquence de quoi la pénalité ne peut pas être

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imposée. Mais, elles ont permis en tout cas au niveau de l’offre de les booster et c’est

incontestable.

Et puisque Monsieur HORANI dit qu’on est dans le cadre de la CGEM en train d’organiser une

vraie réflexion avec un cabinet d’étude, moi, je dis aussi qu’ on est en train de réaliser sur le

plan de l’exportation pure, quels sont évidemment les résultats liés à ces contrats-programmes

sur la Balance commerciale et la Balance des Paiements.

Alors bien sûr, cela ne fait pas une politique, mais il est bien clair que, même si c’est sectoriel, il

y a quand même eu au départ une vision sectorielle qui a été déclinée pour pouvoir y arriver.

Réunion De l’Assemblée Générale Ordinaire

Du C D S, Le 10 novembre 2010 A l’hôtel SHERATON Casablanca

Exposé de M. Mohamed CHAFIKI

DIRECTEUR DES ETUDES ET DES PREVISIONS FINANCIERES

MINISTERE DE L’ÉCONOMIE ET DES FINANCES

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