LES CAHIERS DE LADÉCENTRALISATION

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Dossier: ILE DE FRANCE Source: POUVOIRS LOCAUX Il'jmestrjel N°73 II/2007 (mai) 1 Date de parution: 11.05.2007 LES CAHIERS DE LA DÉCENTRALISATION Page 1/82

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

Il'jmestrjel N°73 II/2007 (mai)1

Date de parution: 11.05.2007

LES CAHIERS DE LA DÉCENTRALISATION

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Paris-Ile-de-France

Date de parution: 11.05.2007

Comment gouvernerla "métropole régionale"

Sommaire

Le complexe francilien : une métropole régionale "ingouvernable" mais créative, par Charlotte Floquet

p. 36 1 Le SOR/F,illustration d'une décentralisation inachevée ? par Vincent Fouchier p. 41 1 Le CESR

approuve le SOR/Fmais roppelle que la question des moyens reste posée, P.49 1 Ile-de-France:

les nouveaux défis de l'aménagement régional, par Francis Beaucire p. 53 1 Les non-choix du SOR/Fen

font un catalogue, mais pas un projet stratégique, par François Ascher p. 57 1 Les dessous des cartes

du SOR/F,par Laurent Davezies p. 61 1 lIe-de-France : tempéraments, classes sociales et centralité, par

Hervé Le Bras p. 67 1 Transports et mobilité durable en Ile-de-France : enjeux et issues, par Yves

Crozet p. 71 1 Cycles immobiliers, problèmes fonciers et développement urbain de l' lIe-de-France, par

Vincent Renard p. 77 1 Les émeutes en Ile-de-France : entre inégalités territoriales et stratégies

institutionnelles, par Jacquesde Maillard p. 83 1 Les deux visages de Paris, par Hank Savitch p. 88 1

Les relations entre milieux économiques et politiques : Londres et Paris, deux métropoles aux antipodes,

par Christian Lefèvre p. 92 1 Faut-il un gouvernement à l' lIe-de-France ?par Daniel Béhar & Philippe

Estèbe p. 98 1 « Créer une institution fédérale de 80 communes» Entretien avec Roland Castro p. 103

1 Paris-Métropole ouverte sur la vie, sur le monde, sur le futur, par Pierre Mansat p. 105 1 Région Ile-

de-France à l' horizon 2030 : la question du ''grand Paris", par Mireille Ferri p. 108 1 Paris avec les

franciliens : jalons pour une autre politique, par Françoise de Pannafieu p. 111 1 « La métropole, c'est

la région !» Entretien avec Jean-Paul Huchon p. 114

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Paradoxe ou alchimie?

Date de parution: 11.05.2007

Le complexe francilien: une métropolerégionale "ingouvernable" mais créative

« Exceptionnelle» l'Ile-de-France l'est à plus d'un titre. France en réduction, où se concentrentles grandes fonctions politiques, économiques et culturelles, elle est la plus grande région urbained'Europe avec Londres, forte de 11 millions d'habitants, et « pèse» près de 30 % du PISnational.Sa difficulté à être gouvernée tient largement au legs de son histoire politique et institutionnelleoù se mêle le poids de « bastions» (communistes et gaullistes), de l'État, mais aussi les« retards à l'allumage» de la décentralisation, l'incroyable complexité du millefeuilleinstitutionnel et un rééquilibrage politique plus récent - qui a abouti à une certaine formede « neutralisation ». Pourtant - paradoxe ou alchimie? - ce système « ingérable »,structurellement neutralisé, où « se mesurent et parfois s'affrontent» administrations centrales,administrations déconcentrées, pouvoirs locaux, établissements publics et grands établissementsapparaît aujourd'hui encore « créatif ». Charlotte Floquet - pseudonyme d'un observateur à la fois"expert" et "engagé" -, rappelle aussi que cette configuration francilienne a un « coût»et que seule une « innovation institutionnelle» d'envergure pourrait permettre de rebattre le jeu ...

parCHARLOITE FLOQUET

Un rapide panorama du jeu des pouvoirs à Paris et enIle-de-France tient nécessairement de la gageure.Non seulement la matière est très dense, mais elle selaisse à voir en un jeu de miroirs déformants, enconstant changement. Prenons un exemple simple,emprunté au champ politique: la part de ministresparisiens et franciliens dans les gouvernements de lay. République. Sous la présidence gaulliste, on encompte en moyenne plus de 20 % (avec un recordtout particulier du second gouvernement Pompidoudans lequel un ministre sur trois détient un mandaten région parisienne). À quelques exceptions près, ils'agit de figures nationales du gaullisme, hébergéesen quelque sorte dans une région parisienne quifonctionne, fors la banlieue rouge, comme un appen-dice du pouvoir d'État. Dans le troisième gouverne-ment Raffarin (2004-2005), la proportion de figurespolitiques nationales est similaire mais traduit desréalités bien différentes: presque aucun n'est pari-sien et ces élus sont aussi dépositaires de mandatslocaux importants, loin d'être de simples "cartes devisite". Ce changement est moins linéaire que lelaisse à penser le raccourci historique présenté -nous y reviendrons. Mais que retenir, schématique-ment, d'une telle composition? Des éléments bienconnus, mais aussi des réalités peut-être moinsexplorées.

Une région poids lourdTout d'abord, Paris, la région parisienne, aujourd'huil'Ile-de-France, incarnent, par excellence, le pouvoiren France. Ou plutôt les pouvoirs, car cette concentra-

tion est loin de se limiter au champ politique. On yretrouve un précipité où se concentrent le pouvoircentral bien sûr, celui des ministères et des grandscorps de l'État, le pouvoir économique, celui desentreprises du CAC40, de la finance, des hautes tech-nologies, etc., le pouvoir intellectuel, scientifique etmédiatique - mais aussi celui de la rue, que mar-quent régulièrement les grandes manifestations ouencore, plus brutalement, les émeutes urbaines. Rienque d'égrener quelques lieux, de la Bastille à LaDéfense, de Bercy à Roissy, de la place Beauvau àSaint Denis, de la rue d'Ulm à Saclay, de Billancourt àRungis etc., se dessine sans peine la carte du tendredes pouvoirs nationaux.

Ensuite, cette concentration n'a pas été boulever-sée par des décennies, ô combien actives, de poli-tique d'action régionale et de décentralisation. Saufpeut-être pour ce qui est du ... système local des pou-voirs franciliens, que la centralisation gaullienneavait, plus encore qu'ailleurs, étouffés. À cet égard, ladonne a largement changé. Mais s'est-elle pourautant normalisée? Rien n'est moins sûr. Si l'onreprend l'indicateur que constituent les élus d'Ile-de-France devenus ministres, dans la dernière décennie,on devine que cet accès au pouvoir central reposeaussi sur leur position au sein des appareils poli-tiques. En fait, l'Ile-de-France est devenue pour qua-siment tous les partis une base stratégique: nous yreviendrons.

Enfin, cette concentration interdit pourtant la tenta-tion extra territoriale qui pourrait saisir la région laplus riche de France. Au cœur de l'économie monde,celle des métropoles en « archipel» (P.Yeltz), l'Ile-de-

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France est la plus grande région urbaine d'Europe,avec Londres, forte de 11 millions d'habitants, de prèsde 30 % du PISnational. En un certain sens, la régioncapitale pèse trop lourd. Prenons l'exemple du sys-tème des transports urbains, c'est plus de la moitiédes réseaux, du versement transport, ou encore dudevenir des opérateurs nationaux qui se jouent là.Alors toute évolution, fut-elle portée par des ministresou des parlementaires très bien positionnés, est forcé-ment délicate. A fortiori dans un pays dont la mystiquepolitique survalorise tellement l'enracinement local -entendu de préférence comme un territoire rural dumassif central! -, qu'il est nécessaire de faire oublierque l'on est francilien!

Alors, l'exception francilienne est-elle ingérable?Ainsi posée, la question est double. D'un côté, elleconduit à observer ce que produit l'alchimie entrepouvoirs locaux et pouvoirs nationaux en Ile-de-France: qui instrumente qui? De l'autre, elle renvoieaux débats concernant la « gouvernabilité » desmétropoles urbaines de par le monde: la région pari-sienne a-t-elle une configuration spécifique? On avan-cera brièvement une série d'hypothèses, parfois para-doxales, selon laquelle l'Ile-de-France pourrait bienêtre le cadre prometteur d'évolutions territoriales.

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Puissances tutélairesTout d'abord, à rebours de ce classique qu'est l'excep-tion francilienne, on peut aussi analyser Paris et l'Ile-de-France comme l'illustration, certes excessive maisnéanmoins fidèle, du système ... national: une sorte de« France en réduction ».

Durant toute la première période de lave République,si l'ile-de-France est effectivement sous tutelle du pou-voir central, on conviendra que c'est le cas de l'en-semble des pouvoirs locaux en France. Bien sûr, à la dif-férence de la province, le jacobinisme n'a nul besoind'être apprivoisé pour reprendre la célèbre formule dePierre Grémion. Les« bons» et les « grands» préfets seconfondent puisque les notables locaux sont bien sou-vent les hérauts du gaullisme territorial en marche. Desnuances pourraient être apportées, car nombre demaires fidèles au Général n'en sont pas moins réticentsdevant l'immixtion de l'État. Il n'empêche, le planDelouvrier est l'exemple le plus abouti de la modernisa-tion territoriale venue d'en haut'. Quant à l'autre puis-sance tutélaire - communiste -, qui domine à cetteépoque sans partage la banlieue rouge, elle quadrilleson territoire mais sans investir idéologiquement sur le"local", convaincue que c'est ailleurs, dans les usines,que se joue le rapport de force politique.

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Bases arrières stratégiquesÀ relativiser l'exception francilienne, on retient sur-tout que la région parisienne, loin d'être l'hydre toutepuissante fantasmée, n'est au fond que le réceptaclede mutations qui s'initient ailleurs. L'évolution du sys-tème universitaire français, autre type de pouvoir, enest un bon exemple. Malgré, ou peut-être justement àcause de sa puissance, le système universitaire pari-sien - le reste de l'Ile·de·France se rapprochant net-

•• Paris, la régionparisienne, aujourd'hui

l'Ile-de-France, incarnent,par excellence, les

pouvoirs. On y retrouve unprécipité oÙ se concentrentle pouvoir politique central

bien SÛr, celui desministères et des grands

corps de J'État, mais aussile pouvoir économique,

celui des entreprises duCAC 40, de la fÏnance, deshautes technologies, etc.,

le pouvoir intellectuel,scientifique et médiatique- et celui de la ruc ... "

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De même, si l'instrumentation du territoire que met·tent à profit les grands groupes industriels nationauxtrouve en lle-de·France un terrain particulièrementpropice, il est difficile d'y voir une différence de natureavec ce qui se construit ailleurs en France. Prenonsl'exemple des services de l'eau pour lesquels sedéroule depuis le XIX' siècle une histoire mouvemen·tée d'encerclement et de conquête des marchés et desterritoires entre deux puis trois grandes compagnies.Le partage entre rive droite et rive gauche de la Seineque connaît l'Ile-de-France illustre bien l'enjeu crucialque constitue la région parisienne. Mais il ne déparepas vraiment dans le système d'équilibres territoriauxque l'on retrouve partout en France. Il s'appuie peut-être seulement dans la région capitale sur une interpé-nétration encore plus forte qu'ailleurs avec ['appareilet les grands corps de l'État.

En fait, si exception francilienne il y a, elle semblemoins géographique que chronologique. Le rythme de

la décentralisation l'illustre bien: cen'est qu'avec une décennie de retardque la municipalisation du systèmepolitique français - entendue commela montée en puissance d'entrepre-neurs politiques locaux - touche larégion parisienne. Dès les années1980, de nouveaux maires se fontconnaître partout en France par descapacités d'initiatives et le lancementd'opérations phares marquant aumoins symboliquement leur autono·misation par rapport au pouvoir cen-tral comme dans leur propre parti (cequi leur permet, en retour, d'en inté·grer les rouages ...). Il faut attendre lesannées 1990 pour voir ce phénomènes'étendre à l'Ile-de· France. D'ailleurs,pour reprendre notre exemple initiald'élus locaux·ministres, la composi-tion gouvernementale intègre à partirdes gouvernements Cresson et Béré·govoy (1991-1993) des élus issus desvilles nouvelles ou, pour les gouverne-ments Balladur et Juppé (1993-1997),

aussi des non·parisiens. Ce "retard à l'allumage"réside aussi certainement dans l'ombre que la munici-palité parisienne, à partir de 1977, projette sur tousles autres pouvoirs locaux d'Ile·de-France.

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tement de la configuration provinciale - se révèlebeaucoup plus inerte que ses compétiteurs régionaux,tant dans ses liens avec les pouvoirs locaux que dansson développement à l'international. Même s'il s'agitlà de la résultante d'une histoire longue plongeant sesracines dans différentes initiatives individuelles etlocales cherchant à fuir une Sorbonne sclérosée pen-dant l'entre-deux-guerres.

Ensuite, une telle concentration de pouvoirs semblemécaniquement tendre à leur neutralisation. D'autantqu'à Paris, les... contre-pouvoirs sont au moins aussiconcentrés. Pour paraphraser le slogan d'une célèbreenseigne qui avait une vue imprenable sur la Seine:« On trouve tout en région parisienne»!

D'un point de vue politique, une des caractéris-tiques contemporaines de Paris/lle-de-France estdésormais - à nouveau si l'on se place sur le tempslong - son multipartisme. Progressivement, la(re)conquête par le parti socialiste d'un certainnombre de bastions, à partir des villes nouvelles puisde certaines places fortes en banlieue, et enfin deParis, a modifié une donne jusque·là marquée par unebipolarisation historique. À cela, il faut ajouter l'an·crage d'autres forces politiques en Ile-de-France, illus-trant encore l'hypothèse de cette France en réduction.Qu'il s'agisse de forces tribuniciennes, à l'extrême-droite comme à l'extrême-gauche, des Verts ouencore, de façon moins spectaculaire en raison d'uneplus large couverture nationale, de l'UDF,pour tous, àl'instar des partis majoritaires, l'Ile-de-France estdésormais un bastion stratégique. Ce point est capital.D'un côté, les territoires franciliens jouent une fonc-tion ressources en tout genre: l'Ile-de·France totaliseau moins 15 % des élus de la République (hors éluscommunaux'), ce qui est peu au regard de son poidsdémographique mais néanmoins très conséquent envolume global. De l'autre, cette ressource est d'autantplus stratégique qu'elle constitue aussi un bastion derepli3 en cas de défaite nationale. Sauf lors dequelques courtes périodes, Paris et la région, pour selimiter à ces deux institutions, sont d'une couleur poli·tique opposée au gouvernement, quelles que soientles majorités depuis vingt cinq ans. Les mécanismesd'alternance, le décalage chronologique évoqué plushaut et bien sûr le rôle très particulier qu'a joué Parisdans la carrière d'un certain président de la Répu-blique expliquent largement ce fait. Ce peut être aussiune simple coïncidence. Mais il n'empêche, cetteconfiguration produit des effets, renforçant tant lecaractère stratégique que la neutralisation politiquede la base arrière toujours en guerre de positions quesont les territoires d'lle·de·France.

On retrouve d'ailleurs dans d'autres champs cetteconfiguration dense, nécessairement concurrentielle,parfois conflictuelle. C'est aussi le cas... de l'État ausein duquel, en Ile-de-France plus qu'ailleurs, semesurent et parfois s'affrontent administrations cen·trales, administrations déconcentrées, établissementspublics et grands établissements4• De véritables

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•• Qu'iJ s'agisse de forcestribuniciennes, à J'extrêmedroite comme à J'extrêmegauche, des Verts ouencore de J'UDF,pOUl' tous,à J'instar des partismajoritaires, J'IIe-de-}l'rance est désormaisun bastion stratégique. "

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enclaves publiques existent là et, parfois, nulle partailleurs: l'assistance publique des hôpitaux de Paris(ApHP),la RATP,Aéroports de Paris, de grandes écoles,les directions centrales des organismes nationaux derecherche. On citera également les puissants syndi-cats techniques comme le Syndicat interdépartemen-tal pour l'assainissement de l'agglomération pari-sienne (SIAAP),le syndicat des eaux d'lle-de-France(SEDIF),le Syndicat intercommunal de la périphérie deparis pour l'électricité et les réseaux de communica-tion (SIPPEREC),les opérateurs du logement, etc. Aux-quels on pourrait ajouter les pouvoirs économiques,et tout particulièrement la très influente Chambre decommerce et d'industrie de Paris (CClP).

De la « France en réduction », on est progressive-ment passé à 1'« lle-de-France en miettes»

Un équilibre précairemais pour l'instant « moteur»Or, ce système structurellement inerte ou neutralisése révèle néanmoins assez créatif car « ...pourtant,elle tourne ... ! )}

Bien sûr de cette densité de pouvoirs, et de leurfragmentation, on peut conclure à /' ingouvernabilité

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de la région parisienne. D'autant que l'on retrouve làles caractéristiques bien étudiées propres aux métro-poles mondiales: une impuissance politique résultantà la fois de l'internationalisation de l'économie, de ladécentralisation institutionnelle et de la dépendance àl'égard du pouvoir national.

Pour autant, on peut aussi faire l'hypothèse d'unealchimie plus féconde qu'il n'y parait dans le jeu despouvoirs locaux et nationaux. Et c'estpeut-être là que réside véritablementl'exception francilienne.

Tout d'abord, le profil de nombred'élus franciliens actuels peut êtreperçu comme prometteur. Entre lesfigures nationales et les "secondscouteaux" qui ont longtemps carac-térisé la région, Paris et l'Ile-de-France voient désormais émergeraussi ceux que l'on peut qualifier de« lieutenants ». Soit des personnali-tés suffisamment positionnées, dansleur territoire comme dans leur parti,pour disposer d'une véritable autonomie doubléed'une capacité d'influence au national, sans pourautant pouvoir ou chercher à quitter l'échelon régio-nal et local. Plusieurs d'entre eux ont su exploiter

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" iliJalgré, ou peut-êtrejustement à cause de sa

puissance, le systèmeunhrersitaire parisien - lereste de J'Ile-de-Fmnce serapprochant nettement de

la configuration provinciale- se réFèle beaucoup plus

inerte que sescompétiteurs régionaux,

tant dans ses liens avec lespouvoirs locaux que dans

80n déFeloppement àJ'international. "

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ces dernières années, à l'occasion de grands projets,les formidables potentiels de l'Ile-de-France, dans lechamp du développement local, de l'urbanisme, del'innovation, etc. et les ressources nationales5•

Ensuite, la région parisienne coïncide peu ou prouavec le cadre institutionnel régional. Bien entendu, rienne permet d'exclure un possible affrontement entre lecœur parisien et la région, clivage qui handicape denombreuses métropoles européennes. D'autant que de

nombreux facteurs entrent en ligne decompte, au premier rang desquelsl'État dont l'intervention se fait ponc-tuelle territorialement, bien que tou-jours massive. Toutefois, on peut aussifaire le pari d'une convergence, moti-vée pour d'évidentes raisons fonction-nelles propres au dimensionnement del'aire urbaine de Paris.

En fait, l'équilibre des forces poli-tiques en présence induit par le mil-lefeuille institutionnel et le multi-partisme francilien6 - ce dernierdistinguant peut-être la métropoleparisienne de ses consœurs euro-péennes généralement bipartites -, semble aujourd'hui constituer unmoteur politique. En témoigne lefonctionnement d'outils spéci-fiques, inventés par l'État mais

1.Sans même parler de la partition en 1964 des départements de la Seine et dela Seine-et-Oise.

2. Au regard des 36000 communes, les quelque 1 300 communes franciliennespèsent peu, mais l'IIe-de-France compte un quart des conseils municipaux desvilles de plus de 50000 habitants

3. Au moins pour les appareils, ce qui n'exclut pas une moindre sécurité pourles individus concernés ..

4. Paris et l'Ile de France constituent bien souvent le lieu où l'on commence sacarrière et celui où, à condition de l'avoir brillamment réussie, on la finit, avecgénéralement ia fonction de patron du corps concerné, qu'il s'agisse des pré-fets, des recteurs, des directeurs régionaux de l'équipement, etc.

5. Même s'il est difficile aujourd'hui de préjuger de la capacité de cette géné-ration à se maintenir au moins dans leurs territoires.

6. Qu'atteste la diversité politique des conseils généraux ou des grandes com-munes d'Ile de France, à laquelle on pourrait ajouter les fractionnementsinternes aux différentes coalitions ou aux partis mêmes.

7. Quoiqu'a contrario, l'échec de la création d'un établissement publiC fon-cier unique à l'échelle régionale est aussi l'indice de cette obligation de dealpolitique.

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désormais décentralisés, comme le schéma direc-teur de la région Ile-de-France (SORIF), le syndicatdes transports d'Ile-de-France (Sm) et, peut-être, àterme, un Syndicat du logement d'Ile-de-France sil'on suivait les recommandations du Haut comitépour le logement des personnes défavorisées? S'yrattachent également des processus plus « flous »,tout aussi multipartites et multi niveaux, commecertaines coopérations territoriales ou encore laconférence métropolitaine. Bien sûr, une telleconfiguration a un coût, induisant de multiples"arrangements" locaux (auxquels l'État participeparfois ...). Et, plus encore, elle conduit certaine-ment à survaloriser la gestion fonctionnelle: leprojet métropolitain au détriment du projet poli-tique en quelque sorte.

Pour conclure, on reconnaîtra que cet équilibre desforces reste précaire et que rien ne permet d'exclure la(re)constitution de Paris et de l'Ile-de-France commeun fief instrumenté nationalement. Mais on parieraplus volontiers sur le renforcement des pouvoirsmétropolitains franciliens portés par le conseil régio-nal, statu quo politique aidant. Reste à observer àquelle vitesse ce système pourrait se sédimenter. Et,in fine, s'il conservera son statut d'exception ououvrira la voie à une innovation institutionnelle au-delà de la seule Ile-de-France.

C.F.

Bibliographie sommaire-Philippe Estèbe,SophieGonnard,Les villes nouvelles dans le

système politique en Ile de France, rapportdans le cadre duProgramme d'histoire et d'évaluation des villes nouvellesfrançaisesdu PUCA,Paris,janvier 2005.

-PierreGrémion,Modernisation et progressisme, EditionsEsprit,Paris,2005

-Vincent Hoffmann-Martinot, Sellers Jeffrey, Politique etmétropole, une comparaison internationale, CNRSédition,Paris,2007

-Bernard Jouve, Christian Lefèvre (dir), Métropolesingouvernables: les villes européennes entre globalisation etdécentralisation, Elsevier,Paris,2002

-DominiqueLorrrain,PatrickLe Galès(dir),« Gouvernerles trèsgrandes métropoles, institutions et réseaux techniques ",Revue Française d'Administration Publique, n01 07. 2004

- Territoires de Pouvoirs en France, Hérodote, La Découverte,Paris,2éme trimestre2004

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Le SORIF, illustration d'une décentralisationinachevée?

Pour la première fois, le conseil régional d'Ile-de-France élabore son schéma directeur. Cela peutparaître anodin et ne pas mériter que l'on s'y attarde. En réalité, des jeux complexes sont en cours,dont ce schéma directeur est à la fois un reflet et un vecteur. Marquant la décentralisation de laplanification en Ile-de-France née de la loi Pasqua de 1995, il reflète un nouveau partage deresponsabilités entre l'État et la région, mais aussi entre la région et les autres collectivités.Plaçant la région au cœur des problématiques lourdes d'aménagement et en situation de faire deschoix, il est le vecteur d'une redistribution des rôles, dans un rapport de forces qui n'était pas decette nature auparavant. Cet article vise à illustrer quelques aspects des enjeux nouveaux liés à ceschéma directeur. Il s'appuie sur la version du SDRIF telle qu'elle ressort du vote par l'assembléerégionale le 15 février 2007 (la procédure se poursuivant, avec la consultation du ministère del'écologie et des « personnes publiques associées », puis l'enquête publique, puis le passage enConseil d'État, le SDRIF est encore susceptible d'évoluer). Ce n'est pas faire injure aux protagonistesni être polémique, souligne V. Fouchier, que de s'interroger sur leurs rôles respectifs, en pointantdu doigt les difficultés posées par leur action autour de la planification.

Le schéma directeur de la région Ile-de-France(SORIF)n'est comparable à aucun autre document d'ur-banisme français. I[ tient sa singularité d'articles de loispécifiques, qui lui accordent un rôle particulier dansla hiérarchie des normes d'urbanisme. C'est notam-ment l'article L.141-1du code de ['urbanisme qui pré-cise à la fois sa fonction, son contenu et sa procédured'élaboration.

Un document unique en son genreLe SORIFtient lieu de schéma régional d'aménagementdu territoire, même s'il n'en est pas un. Il a donc unevocation stratégique et offre un cadre transversal à['action régionale sur le territoire francilien.

Le SORIFest également un document d'urbanismerégional prescriptif. Sans être une directive territorialed'aménagement (DTA),telles que l'État les élabore, leSORIFproduit [es mêmes effets: les documents d'urba-nisme locaux doivent être compatibles avec ses dispo-sitions. Les schémas de cohérence territoriale et, enleur absence, les plans locaux d'urbanisme (PLU)oules cartes communales, doivent par conséquentrépondre à ses orientations et ne pas compromettre laréalisation de ses objectifs.

Seules les régions d'outre-mer et la (orse peuventbénéficier de ce type de document régional prescriptif.Cette particularité confère au SORIFun poids énormevis-à-vis des collectivités locales franciliennes quivoient leur développement spatial soumis aux orienta-tions régionales. Elle explique aussi [e fait que l'Étatsoit associé à la procédure d'élaboration ou de révi-sion, comme garant du respect de [a subsidiarité, duprincipe de non tutelle d'une collectivité sur une autre

et de la position particulière en France de [a régioncapitale. C'est d'ailleurs par un décret en Conseild'État que la révision du SORIFest ouverte et close.

Un changement profond dans Je moded'élaborationLa planification spatiale francilienne s'inscrit dans unehistoire déjà longue, essentiellement portée par l'État,ponctuée par des schémas directeurs qui ont connudes destins divers, selon les périodes et selon larépartition des compétences de l'époque. Chacunconnaît [e schéma directeur d'aménagement et d'ur-banisme de [a région parisienne de 1965 (SOAURP),éla-boré par ['État, sous la houlette visionnaire de PaulDe[ouvrier: de ce schéma sont notamment nés [esvilles nouvelles, [e RER,les bases de plein air et de [oi-sirs, etc. Avant le SDAURP,il y avait déjà eu [e plan Prosten 1939 puis le plan d'aménagement et d'organisationgénérale (PAOOG)en 1958.

Le SORIFde 1994, dans la continuité du SOAURP(etdu SOAURIFde 1976, dont ['impact fut globa[ementfaible), restait de compétence étatique d'un bout à['autre de sa procédure. Imposé par l'État à des col-lectivités territoriales disposant depuis 10 ans deresponsabilités décentralisées importantes, [e SORIFde 1994 avait reçu un avis négatif de [a plupart descollectivités franciliennes, ce qui n'engageait pasbien sa mise en œuvre ...

Au lendemain de son approbation par l'État, la loidu 4 février 1995, dite loi « Pasqua », transférait à [arégion l'élaboration et la révision du SORIF,qui nesera ouverte dans les faits qu'en 2005, soit dix ansplus tard.

parVINCENT FOUCHIER,Directeur déléguéde l'IAURIF, chargéde la révision du SDRIF,et vice-présidentdu groupe Urbainde l'OCDE,où il représentela France

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U La région Ile-de-Franceprésente la singularité decorrespondre assez bien à

J'échelle de la régionurbaine fonctionnelle: il

s'agit d'un des rares casd'adéquation entre

J'échelle de j'institution ctcelle de la métropole vécue

et pratiquée. Le concept« un territoire, un projet,un contmt », qui suppose

aussi une gouvernance,trouve une application

vertueuse en Ile-de-Fmnce. "

Dossier: ILE DE FRANCE

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La première différence marquante avec le SORIFde1994 tient à [a concertation exceptionnelle qui a nourrila révision, dépassant les exigences imposées par laprocédure du code de l'urbanisme. Tous les canaux ettous les supports ont été sollicités (y compris la miseen ligne d'une version inachevée du projet): 26 ate-liers territoriaux organisés dans toute la région, 12

ateliers thématiques, des forums ou états généraux desynthèse (regroupant chacun plus de 1000 per-sonnes), de multiples conférences dédiées à l'interré-gional, aux intercommunalités, aux maires, unedémarche participative originale à travers des « confé-rences de citoyens », un questionnaire diffusé à 4 mil-lions de ménages, une place singulière accordée à lasociété civile (à travers le rôle important du conseiléconomique et social régional, mais aussi à travers demultiples réunions avec des associations ou représen-tants du monde socio-économique) sans compter l'en-

semble des échanges techniques oupolitiques plus directement tournésvers la négociation du projet.

Quel que soit le devenir du SDRIFd'ici la fin de sa procédure, la concer-tation menée et l'ensemble desdébats qui ont eu lieu ont permis deforger progressivement un discoursrégional d'aménagement du territoire,et dans le même temps de propagerdes préoccupations majeures, quilaisseront des traces bien au-delà duschéma. Par exemple:

• La nécessaire augmentation signi-ficative de la construction de loge-ments (l'objectif est de passer demoins de 40000 logements construitsannuellement dans la région à 60000)

est à présent dans tous les esprits etles documents d'urbanisme locauxmalthusiens sont clairement vus enopposition des attentes régionales;

• la densification urbaine, au départplutôt rejetée, s'est progressivement

imposée comme une solution jugée pertinente audouble enjeu de la construction de logements et de lalimitation de la consommation d'espace (dans lasphère politico-technique).

Par ailleurs, un SORIFvoté par une assemblée éluechange nécessairement la nature de ses orientations,fruit de compromis ou d'accords politiques peut-êtreplus complexes que dans le scénario du SORIFconçupar l'État. Il faut noter le caractère totalement inéditde la séance du vote du SORIF,sur deux jours (les 14 et15 février 2007), avec une partie du débat portant surla carte de destination générale des territoires, proje-tée en séance et source de multiples demandesd'amendement.

Avant-même le vote, la région a souhaité faire circu-ler deux versions du projet à ses partenaires, susci-

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tant de ce fait près de 3000 demandes de modification(toutes traitées mais pas toutes acceptées!) sur la ver-sion « zéro », puis 1000 sur la version « 1 », et enfin350 demandes d'amendement déposées pour laséance du vote par les groupes de l'assemblée ou parl'exécutif.

Grâce à cette intense concertation, l'impact du SORIFtiendra autant de son contenu prescriptif à portée juri-dique qu'à la diffusion de ses attentes auprès de ceuxqui doivent l'appliquer et au partage « volontaire» deses objectifs, là où le SORIFprécédent n'avait guèreréussi.

Une décentralisation inaboutie maisforcément différenteLes lois d'aménagement du territoire des années 1999et 2000, la loi Voynet (loi d'orientation pour l'aména-gement durable du territoire: SRAOT,projets d'agglo-mération, contrats de territoire ...), la loi Gayssot (loisolidarité et renouvellement urbains: schémas decohérence territoriale, 20 % de logements sociaux ...)et la loi Chevènement (intercommunalités, taxe pro-fessionnelle unique ...), n'ont pas cherché à s'adapter à('lIe-de-France. Elles s'y appliquent donc commeailleurs, malgré un contexte peu similaire.

La principale adaptation faite à la gouvernance fran-cilienne depuis la scission du département de [a Seinea été la loi Paris-Lyon-Marseille ... mais elle n'a traitéque de Paris intra-muros! Les grandes métropolesfrançaises souffrent du même morcellement institu-tionnel (de multiples intercommunalités, voire plu-sieurs départements, dans une seule aire métropoli-taine) et de l'absence de prise en compte réelle dansles récentes lois d'aménagement du territoire. Des lois« sectorielles» ont pu cependant faire évoluer signifi-cativement divers aspects de la gouvernance, maissans vision globale pour l'Ile-de-France.

L'échelon régional, dans le cas des métropoles fran-çaises, pourrait avoir des compétences plus étenduesqu'ailleurs. Il faudrait pour cela une loi « INPR» (Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Provence-Alpes-Côted'Azur, Rhône-Alpes) ... ce que plusieurs métropoleseuropéennes ont déjà accompli.

L'appel à coopération métropolitaine, lancé en 2003

par la DATAR(devenue DIACT),qui cherchait à conforterla gouvernance à l'échelle des métropoles, sansréforme législative, avait exclu l'Ile-de-France. Était-cepar souci de ne pas perturber un jeu déjà particulière-ment compliqué ou une confirmation de sa spécificitéinstitutionnelle?

La région lIe-de-France présente la singularité decorrespondre assez bien à l'échelle de la régionurbaine fonctionnelle: il s'agit d'un des rares casd'adéquation entre l'échelle de l'institution et celle dela métropole vécue et pratiquée. Ce concept déjàancien porté par la DATARdans les diverses aggloméra-tions françaises,« un territoire, un projet, un contrat»,

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qui suppose aussi une gouvernance, trouve une appli-cation vertueuse en lIe-de-France. Certes le conseilrégional n'a pas les compétences d'une communautéd'agglomération ou d'une communauté urbaine, maisil en acquiert progressivement les fonctions straté-giques d'aménagement du territoire. Le transfert déci-sionnel sur les transports, avec le syndicat des trans-ports d'ile-de-France (Sm), la création d'unétablissement public foncier régional, le schémarégional de développement économique, le SORIF, etc.,consolident chacun la présence de la région dans lesgrands choix territoriaux.

La région a inscrit, dans le rapport de délibérationsur le SORIF, des « voeux» de réforme, adressés àl'État. Elle y souligne la nécessité d'une adaptation dedivers dispositifs, pour y jouer un rôle plus affirmé.C'est le cas, par exemple:

• de la politique des conventions d'agrément, régu-lant les constructions de bureaux et devant permettreun meilleur équilibre habitat-emploi;

• du taux de 20 % de logements sociaux commu-naux fixé par la loi SRU est jugé trop faible par la région(où ce chiffre est globalement déjà dépassé) et préco-nise un taux de 30 %.

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Quelle place pour les conseils générauxet les intercommunalités?

L'existence du SORIF interroge directement le contenudes SCOT en lIe-de-France et, par là-même, le mouve-ment intercommunal. Le SORIF de 1994, considéré sou-vent comme un « super-PLU», ne laissait que peu deplace à l'échelon intercommunal et aux SCOT. Bien quecertaines de ses dispositions pouvaient encouragerindirectement l'élaboration de SCOT, son niveau dedétail et de précision décourageait les (rares) volon-taires.

L'intercommunalité francilienne n'a pas connu unessor équivalent à celui observé ailleurs en France. Cen'est que tardivement qu'on a vu se multiplier les nou-veaux établissements publics de coopérationintercommunale, communautés de communes oucommunautés d'agglomération. Dans le cas de l'IIe-de-France, ces intercommunalités ne peuvent être quedes parcelles de métropoles. À part quelques excep-tions notables, elles sont très souvent petites et rela-tivement timides dans leur partage de compétences etde moyens. Les villes nouvelles avaient pourtantmontré le chemin, dès les années 1980. La révision duSORIF a donné l'occasion aux intercommunalités de

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pleinement jouer le relais de la planification entre larégion et les communes. Elles ont été sollicitées dansles débats et ont fait entendre leurs messages. Cer-taines ont insisté pour être citées dans le SORIF,cher-chant une forme de reconnaissance.

Les conseils généraux ont tous préparé une contri-bution au SORIF;ils ont tous conduit une concertationau sein de leur territoire; ils ont tous fait des proposi-tions d'aménagement... certains exprimant leur sou-hait de voir repris leur contribution in extenso dans leSORIF.Le code de l'urbanisme prévoit en effet qu'ilsformulent des propositions et qu'ils donnent ensuiteleur avis sur le SORIF,lequel avis est d'ailleurs joint audossier d'enquête publique ... mais ils n'ont pas decompétence stricto sensu en matière d'aménagementdu territoire! Leur poids dans la démarche de révisiondu SORIFest cependant conséquent, à commencer parle département de Paris...

Cœur d'agglomération, logique des faisceaux,associations d' intercommunalités:des tentatives de planifier autrement?

Un foisonnement d'initiatives originales pour mettreen place de nouvelles échelles de réflexion territorialea eu lieu pendant la révision du SORIF,témoignantd'une situation encore instable quant au maillage dela planification infra-régionale.

Entre l'échelle départementale et les intercommu-nalités, une variété de « plateformes n se sont organi-sées pour construire des projets de territoire et menerdes actions communes, prenant appui sur le SORIFpour progresser dans leur démarche. Citons, sans êtreexhaustif, la Vallée scientifique de la Bièvre, l'ACTEP(association de l'Est parisien), le Cône sud de l'innova-tion ... Ces territoires regroupent tous plusieurs com-munes ou plusieurs intercommunalités et sont une« génération spontanée n de gouvernance locale, endehors des cadres classiques. Il faudrait considérer,dans le même esprit, les agences d'urbanisme localesdu Mantois ou Evry-Seine-Orge, accompagnées quantà elles par l'État. Elles peuvent jouer un rôle équiva-lent, certes plus technique, d'amortisseur de com-plexité institutionnelle.

Sur un espace plus large encore, celui du cœur d'ag-glomération, la conférence métropolitaine initiée parParis et quelques villes voisines a fait couler beau-coup d'encre. Elle n'a pas reçu l'adhésion de nom-breuses collectivités faisant partie de son périmètre« naturel n, mais elle a contribué à nourrir la problé-matique majeure du cœur de la métropole dans la pla-nification francilienne. Le SORIFaffiche de fortes ambi-tions pour cet espace stratégique et y affecte une partsignificative de logements et des bureaux à construired'ici 2030, en lien avec de nouvelles liaisons de trans-ports collectifs. Faut-il pour autant y créer un nouveau

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support de gouvernance?Le débat régional hésite. L'exemple du Grand

Londres peut sembler séduisant: la capitale britan-nique dispose à présent d'un maire compétent sur unterritoire assez vaste. Mais, en comparaison avec l'Ile-de-France, le Grand Londres équivaut à Paris agrégé àla proche couronne: un espace toujours beaucoupplus petit que la métropole fonctionnelle. C'est-à-direun pas dans la bonne direction, mais pas assez loinpour franchir l'obstacle!

Pour suivre et évaluer le SORIF,la région a quant àelle proposé d'associer ses partenaires à la créationd'une conférence territoriale régionale, incluant laconférence métropolitaine et se déclinant en cinq fais-ceaux: chacun de ces faisceaux inclut Paris et rejointles espaces interrégionaux le long des grands axes(fleuve ou autoroutes). L'idée est ici de faciliter la miseen œuvre du SORIFpar un dialogue des collectivitéslocales comprises dans une dynamique complémen-taire: par exemple, le faisceau Ouest incluant le tri-angle d'or parisien avec La Défense, avec Seine Aval, ycompris jusqu'au Havre pour les questions portuaires.

L'association de l'État:quel(s) État(s)?L'association de l'État est prévue par le code de l'urba-nisme. Elle doit garantir en particulier le respect de lasubsidiarité, la prise en compte des enjeux nationaux,des opérations d'intérêt national et des projets d'inté-rêt général.

L'association de l'État à la révision du SORIFa étésystématique, dès la phase de bilan du SORIFde 1994et d'expression des enjeux, dans un dispositif de pilo-tage à trois niveaux:

• le comité de pilotage: président de région, préfetde région, président du conseil économique et socialrégional (CESR);

• le comité de pilotage élargi: le comité de pilotage,élargi aux chambres consulaires, aux départements, àl'association des maires d'Ile-de-France ;

• le comité technique: les services des institutionsmembres du comité de pilotage, ainsi que le maîtred'œuvre, "Institut d'aménagement et d'urbanisme dela région Ile-de-France (IAURIF).

De nombreux groupes d'experts associant systéma-tiquement l'État et la région ainsi que l'IAuRIFontpermis d'échanger régulièrement pour alimenter encontenu le projet de SORIF.

L'État, « un et indivisible », masque différenteslogiques et différentes attentes à l'égard du SORIF.Pour simplifier à ['excès, sans entrer dans des consi-dérations politiques ou politiciennes et sans lancer depolémique, on pourrait évoquer quelques cas où l'Étatest amené à peser sur le SORIF.

• L'État régalien: un mandat a été donné par le gou-vernement au préfet de région, donnant le cap desprincipales exigences de contenu du SORIF,servant de

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Rouen

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Ce schéma comprend des projets dont le maÎtrise d'ouvrage relfive de l'ttatou de l'un de ses établissements publics, ne recevant pas l'adhiJsion de la Région

~L-...JOkmSou/'ON:/aurifC/tAHlf2007

etOrléans

Toulouse

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guide à la négociation entre l'État et la région. Lepréfet a par la suite fourni deux« dires» de l'État, pré-cisant les attentes de l'État et servitudes à prendre encompte. Parallèlement au mandat, des décisionsimportantes peuvent être prises par le gouvernement,ayant un impact sur le SDRIFou sa mise en œuvre: parexemple, la création des établissements publics fon-ciers départementaux de Yvelines, du Val d'Oise et desHauts-de-Seine, en même temps que l'établissementpublic foncier régional ... ou le lancement de la négo-ciation du nouveau contrat de projet État-région:contrairement au SDRIFpour lequel la région fixe letempo et propose le contenu, c'est l'État (et l'Étatnational) qui établit les règles de la contractualisationet donne le cadre à la négociation régionale. Le SDRIFtenant lieu de SRADT,le caractère simultané entre laplanification et la programmation peut être vu commeun avantage, mais conduit à un SDRIFplutôt « contrai-gnant » (par ses règles prescriptives) et un contrat deprojets plutôt « attrayant» (par ses crédits). À noterque ce dernier est signé avant que le nouveau SDRIFsoit exécutoire.

• Le ministère de l'Écologie: en application de latransposition d'une directive européenne sur l'évalua-tion environnementale, il est consulté sur la prise en

compte de ['environnement par le projet de SDRIFvotépar l'assemblée régionale. C'est paradoxalement leseul avis officiel de l'État prévu par les textes au coursde la procédure (il y aura un avis du gouvernementlors de la transmission au conseil d'État, mais à la finde la procédure)! Cet avis sera joint au projet de SDRIFlors de l'enquête publique.

• L'État aménageur: les établissements publicsd'aménagement, tels que ceux des villes nouvelles deMarne-la-Vallée et de Sénart, mais aussi de LaDéfense, de Nanterre Seine-Arche, de Plaine de France,du Mantois et Seine-Aval sont de puissants aména-geurs, dont les intérêts sont protégés par l'État-tutelle.Parfois en conflit avec les collectivités locales (c'est lecas à Marne-la-Vallée), ils jouissent d'une vaste capa-cité décisionnelle vis-à-vis de leur tutelle qui les placedans l'obligation d'équilibrer leurs comptes (et lesponctionne en cas de bénéfice important O. Les EPArécents (Plaine de France et Mantois) laissent uneplace de choix aux collectivités locales dans leurconseil d'administration. L'État aménageur intervientnotamment en complément de l'État propriétaire fon-cier: par les acquisitions foncières menées grâce auxzones d'aménagement différé, l'État est propriétaire defoncier qu'il peut avoir intérêt à urbaniser.

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À cette description de quelques facettes de l'Étatintervenant dans la planification, il faudrait inclure les« démembrements» de l'État (SNCF,RFF,AFTRP,Port

" Pour Slzjvre et évaluerle SDRfF, la région a

proposé d'associer sespartenaires à la création

d'une conférenceterritoriale régionale,

incluant la conférencemétropolitaine et se

déclinant en cinqlaisceaux: chacun de ceslaisceaux inclut Paris et

rejoint les espacesinterrégionaux le long des

grands axes (fleuve ouautoroutes). "

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• Le Conseil d'État: il aura le dernier mot sur leSDRIF... et on ne doit pas le confondre avec le gouver-nement! Pour le décret d'ouverture de la révision, legouvernement n'a pas été suivi par le Conseil d'État. Ilproposait un décret assez long, fixant les grandeslignes de contenu de la révision; or, le Conseil d'État afinalement produit un décret de quelques lignes,ouvrant simplement une révision générale. Qu'ensera-t-il du décret de clôture?

• L'État parlementaire: le poids politique de nom-breux élus franciliens fait que des initiatives parle-mentaires ont des conséquences importantes en Ile-de-France et peuvent soit faciliter soit contrecarrer lesobjectifs visés par le schéma directeur. On peut ainsiciter les dispositifs législatifs spécifiques proposéspour exonérer le quartier de La Défense de la taxeadditionnelle sur les bureaux par un sénateur parailleurs président d'un groupe d'opposition au sein del'assemblée régionale (au final, cette mesure a étéétendue à toutes les surfaces de bureaux en renouvel-lement en Ile-de-France).

• L'État-contrôle de légalité (desdocuments d'urbanisme locaux):pour le SoRIFde 1994, l'État disposaitde beaucoup de pouvoir, se situant enamont et en aval. Il concevait leschéma et il utilisait ses propresoutils pour le mettre en œuvre: lesétablissements publics de l'État ycontribuaient en termes de concréti-sation opérationnelle (pour les trans-ports comme pour les villes nou-velles, aidés en cela par les crédits dela Nation) et, de manière moinsvisible mais très opiniâtre, le contrôlede légalité visant à faire appliquer leSoRIF dans les documents d'urba-nisme locaux. Les directions départe-mentales de l'Équipement sont char-gées de faire appliquer le SoRIF,viales « porter-à-connaissance » dans lecours d'élaboration des documentslocaux et via le contrôle de légalité

postérieur, sous l'autorité de la direction régionale,laquelle avait conçu le SDRIF.Cet aspect, fondamentalpour le droit de l'urbanisme, se trouve à présent dansune configuration différente: l'État devra faire appli-quer un SoRIFqu'il aura alors approuvé mais qui auraété conçu principalement par la région. Le mode asso-ciatif dans la révision du SoRIFest ainsi utile au-delàde la révision elle-même, pour faciliter un contrôle delégalité soucieux de mettre en œuvre des orientationspartagées.

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Autonome ...), ainsi qu'Aéroport de Paris, récemmentprivatisé mais agissant sur un périmètre d'opérationd'intérêt national.

Un~ confrontation entre régionet Etat sur quelques projets lourdsMalgré le mode associatif, certains projets font l'objetd'un désaccord entre l'État et la région, quant à leurinscription ou non dans le SORIF.Le préfet de région l'arendu public lors des états généraux du SDRIF.Les prin-cipaux points de discussion sont:

- plusieurs infrastructures routières, notamment lebouclage de la Francilienne, le prolongement de l'A12ou le contournement nord de Melun et quelques pro-jets (CoGexpress, Villages Nature), tous inscrits dansle mandat de l'État pour le SDRIF,mais ne recevant pasl'adhésion de la Région.

- le plan de renouveau de La Défense (augmentantde 300000 m2 son parc de bureaux) : la Région préco-nise de maintenir son volume actuel tout en renouve-lant les bureaux vétustes. L'enjeu est triple: commentintervenir sur les équilibres Est-Ouest de la région sil'on poursuit l'aménagement de La Défense? com-ment éviter une saturation des réseaux de transports(déjà patente)? où loger les personnes supplémen-taires qui viendraient y travailler?

- la délimitation par l'État des plans de gênessonores en fonction des zones de survol autorisées,conditionne les plans d'exposition au bruit autour desaéroports et la constructibilité des villes concernées.Bien que n'ayant pas de compétence dans cedomaine, la Région a voulu exprimer sa volonté de voirplafonner les vols sur Roissy et instaurer un « couvre-feu» (comme celui en vigueur sur Orly), afin de mieuxmaîtriser les nuisances alentour;

- de nouvelles opérations d'intérêt national: lepréfet de région a annoncé l'intention de l'État delancer de nouvelles OIN lors du forum sur le SDRIFenseptembre 2006, juste avant que le travail de concep-tion du SoRIFne soit réellement lancé. Cette décisionunilatérale a crispé les relations, même s'il est peucontestable que les territoires concernés sont effecti-vement importants à traiter. D'autres territoires,cependant, pourront également justifier une actionvigoureuse au titre du schéma directeur révisé, identi-fiés comme territoires stratégiques ou sites priori-taires.

L'État peut, en dernier recours, imposer les projetsqu'il souhaite à travers les procédures de projet d'in-térêt général ou à travers les opérations d'intérêtnational. Le SDRIFn'a d'autre choix que de les prendreen compte, tôt ou tard. Vis-à-vis de l'enquêtepublique, acte rare pour un tel document et politique-ment sensible, la région avait deux options peu satis-faisantes l'une et l'autre:

- ne pas tenir compte des projets de l'État qui nereçoivent pas son adhésion, ce qui aurait pour consé-

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quence de soumettre à enquête publique un SDRIFnecomprenant pas quelques opérations lourdes quel'État imposerait ultérieurement: cette option n'a pasété retenue car peu satisfaisante pour la concertation;

- inclure les projets de l'État, malgré ses réti-cences, mais apparaître lors de l'enquête publiquecomme supportant des projets sur lesquels jusque-làelle s'était opposée: cette option n'a pas non plusété retenue car peu acceptable politiquement pour lamajorité régionale.

C'est donc finalement une troisième option - origi-nale - que le SDRIFutilise à ce stade de la procédure:les projets souhaités par l'État apparaissent en tantque tels sur les cartes, avec une couleur spécifique etavec une mention inhabituelle: « Projet(s) d'infra-structure ou opération(s) dont la maîtrise d'ouvragerelève de l'État ou de l'un de ses établissementspublics, ne recevant pas l'adhésion de la région ».

La redécouverte des opérations d'intérêtnational (OIN)

Les OINdes villes nouvelles ou de La Défense ont faitla preuve de l'efficacité de l'aménagement d'État.Rétrospectivement, on s'aperçoit que la production de

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logements et de locaux d'activités en Ile-de-Francedepuis les années 1970 doit beaucoup aux OIN, à lafois en termes quantitatifs et en termes qualitatifs(cohérence de l'aménagement, équilibres, dessertes).Certains quartiers produits en villes nouvelles ne sontpeut-être pas des réussites intégrales, mais il fautadmettre que cet aménagement d'État a su répondre àune demande pressante que les collectivités localesn'auraient pas pu satisfaire seules.

Parmi les cinq villes nouvelles, deux gardent encoreleur statut: Sénart et Marne-la-Vallée ont toujours unEPA, une partie de leur territoire en OIN,des intercom-munalités en syndicat d'agglomération nouvelle, etc.

L'État a, comme on l'a dit plus haut, lancé unedémarche en vue de créer de nouvelles OINdans troissecteurs: Seine-Amont, Seine-Aval, autour du Plateaude Saclay. Il a également doté les plateformes aéro-portuaires de nouveaux périmètres d'OIN fin 2006,

accompagnant, dans une logique de maîtrise foncière,la privatisation d'Aéroports de Paris.

La proportion de l'espace régional couvert par desOINou projets d'OIN est sans doute sans équivalent enFrance, ce qui atténue notablement la portée de ladécentralisation de la planification francilienne. C'estd'abord et surtout un message politique indiquant quel'État va agir et qu'il « reprend la main» sur le SDRIF.

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Mais la principale conséquence juridique d'une QINestde retirer la responsabilité du permis de construire aumaire, c'est-à-dire une recentralisation du droit de l'ur-banisme. Et c'est une épée de Damoclès qui n'a de réelintérêt que par les moyens effectivement débloquéspar l'État: moyens financiers (y compris et notammentpar la prise en charge du risque d'aménagement) etmoyens opérationnels à travers un établissementpublic d'aménagement. Dans les trois QINà l'étude, cesmoyens restent à définir et l'État déploie tous sesefforts pour faire accepter sa démarche.

Comment la subsidiarité, surlaquelle l'État est très vigilant, sereflète-t-elle dans le nouveau SDRIFetcomment cette notion influence-t-elleson contenu par rapport au SDRIFde1994? Qutre le mode d'élaborationtrès ouvert à la concertation (quin'empêchera pas des avis négatifs dequelques personnes publiques asso-ciées, inhérents au jeu politique et àune planification qui doit faire deschoix entre des attentes contradic-toires), de ce fait fort différent du SDRIFde 1994, comme on l'a montré plushaut, plusieurs illustrations peuventêtre prises, d'abord en termes carto-graphiques:

• l'échelle retenue pour la carte dedestination générale des territoires (laplus prescriptive) et le niveau dedétail qu'elle implique: le SDRIFde1994 reposait sur une échelle du 1:150000, alors que le nouveau SDRIFaopté pour le 1: 200000. Cechoix n'estpas neutre, car il entraîne un niveaude détail moindre et donc une plusgrande {( liberté» locale. /1faut noter

que la proposition initiale était le 1: 300000, mais levote du conseil régional a retenu, après amendement,le 1: 200000 pour faciliter la lecture de la carte - sanschanger son contenu;

• le mode de représentation des zones à vocationurbaine, à savoir les {( secteurs d'urbanisation pré-férentielle » et les {( secteurs de densification préfé-rentielle »: il a été choisi des {( pastilles» de cou-leur, placées sur une trame homogène, et non deszones précisément délimitées. Ceci permet à larégion de s'exprimer sur les seuls sujets qui relè-vent d'un intérêt non local: le {( préférentiel» autitre du schéma directeur. /1reviendra aux collectivi-tés locales de périmétrer précisément ces secteursdans leurs propres documents d'urbanisme: leniveau régional n'a pas à dicter le détail de l'aména-gement local. Le SDRIFde 1994 était quant à lui

•• La proportion deJ'espace régional couvert

par des Opérationsd'intérêt national ou

projets d'QIN est sansdoute sans équhralent en

France, ce qui atténuenotablement la portée dela décentralisation de la

planification francilienne.C'est d'abord et surtout un

message politiqueindiquant que J'État va

agir et qu'il « reprend lamain» sur le SDRIF. lHais la

principale conséquencejuridique d'une OIN est de

retirer la responsabilité dupermis de construire aumaire, c'est-à-dire une

recentralisation du droitde J'urbanisme. "

La subsidiarité dansle schéma directeur

extrêmement précis dans sa cartographie des zonesurbanisables, ne laissant pratiquement aucunemarge d'appréciation aux collectivités locales;

• une capacité de développement urbain non car-tographiée est offerte aux documents d'urbanisme:le texte du SDRIFpermet d'urbaniser en dehors dessecteurs d'urbanisation préférentielle figurant sur lacarte de destination générale, dans le respect dequelques règles fortes. Parmi celles-ci, outre lesconditions d'urbanisme (proximité d'une gare parexemple), la condition liée à un projet intercommu-nal montre le souci d'un encouragement à l'égard del'échelon intermédiaire entre la commune et ledépartement.

Une autre proposition de la région, allant dans lesens de la subsidiarité, cette fois pour anticiper lamise en œuvre du schéma, est de lancer un appel àprojets pour de nouveaux quartiers urbains: il s'agitde proposer à des collectivités volontaires, de lesaccompagner dans leurs projets urbains, lorsqu'ilss'inscrivent dans les orientations du SDRIFet dans lessecteurs préférentiels figurant dans la carte de desti-nation générale.

Faute d'QIR (opération d'intérêt régional), que ledroit ne connaît pas, la région doit convaincre et favo-riser les partenariats.

La région s'affirme progressivement dans l'aména-gement du territoire francilien. L'État y tient encore uneplace importante, directe ou indirecte. Le SDRIFest uneétape décisive dans la décentralisation de la planifica-tion en lIe-de-France, mais il n'est qu'une étape dansun transfert de compétences entre l'État et la région.

V.F.

Bibliographie sommaireBELLIOT Marcel et FOUCHIERVincent (dir.), L'offre métropolitaine

française vue par les emplois métropolitains supérieurs, Paris,DATAR- FNAU, mai 2004, 96p.

CONSEILECONOMIQUEETSOCIALEUROPEEN,Avis du Conseil économiqueet social européen sur les aires métropolitaines.' implicationssocio-économiques pour l'avenir de l'Europe, Bruxelles, CESE,juillet 2004.

DATAR,Appel à coopération métropolitaine, Paris, juin 2005, 25p.

FOUCHIERVincent et MESQUIOALise, Les leviers de l'attractivité desmétropoles, Note Rapide de l'IAURIF, octobre 2006, 6p.

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

Le CESR approuve le SORIF mais rappelleque la question des moyens reste posée

Le Conseil économique et social de la région lIe-de-France (CESR)a rendu public un « avis» sur leprojet du conseil régional de « Schéma directeur de la région Ile-de-France (février 2007). Présentépar Pierre Moulié, au nom de la Commission de l'aménagement du territoire élargie et adopté le8 février 2007 en séance plénière du CESR,cet « avis» exprime « globalement» la « satisfactiondu CESRd'avoir été entendu» et estime que les objectifs du SDRIFsont « ambitieux mais réalistes»« Mais, rien se sera acquis, a-t·il toutefois souligné, sans un pilotage efficace du dispositif de miseen œuvre» et la question des « moyens» reste posée.

tion publique doivent porter. Le CESRconstate cepen-dant qu'il manque une carte qui aurait permis de s'as-surer de la répartition équilibrée sur le territoire fran-cilien de ces sites et territoires « d'effort».

Le CESRretient particulièrement deux types de terri·toires et sites prioritaires: le fleuve et les aéroportspour lesquels il y a un vrai souci de conciliation entrela préservation du bon fonctionnement et des capaci·tés d'accueil et de développement du trafic, et d'autrepart la maîtrise indispensable des nuisances et pollu-tions imposées à l'environnement urbain. Mais le CESRsouhaite que le SDRIFne fasse pas l'économie d'unerelance des études de besoins, à son échéance, d'une« troisième plate-forme ».

Enfin, le CESRapprouve les objectifs généraux d'éco·nomie d'espace, de préservation des espaces ouverts,agricoles forestiers et naturels, qui sont à respecter aumême titre et en même temps que les objectifs de quasidoublement du nombre de logementsconstruits .

« Sur le cadre général (principes directeurs et cadred'action) :

• Le CESRtient à rappeler l'importance à accorderaux notions d'identité régionale et d'intérêt régionalqui ne lui paraissent pas suffisamment prises encompte, en termes concrets.

• Conscient de la complexité de l'exercice de révi-sion, le CESRtient malgré tout à souligner que ce projetest un document très long, très détaillé, avec lesrisques que cela peut représenter ultérieurement entermes de contentieux potentiels.

• Malgré le toilettage et la prise en compte de nom-breux amendements, le CESRreste « sur sa faim» en cequi concerne l'approche démographique, donnéemajeure et incontournable dans un projet où la robus-tesse est revendiquée comme principe directeur.

• Le CESRse félicite en revanche de la permanenteréférence à la dimension « Bassin parisien» élargie auNord-Pas-de-Calais et à l'approche par faisceau quitraite les « espaces inter-régionaux » comme deszones d'échanges et de contacts, ce que le terme de« franges» n'impliquait pas.

Sur le parti d'aménagementGlobalement, le CESRapprouve le parti d'aménage-ment général proposé car il s'inscrit dans la continuitéde l'œuvre fondatrice de Paul Delouvrier, avec le soucidu renforcement et de l'achèvement d'un polycen-trisme rénové et hiérarchisé.

Le CESRest satisfait de voir reprise, même partielle-ment, son approche matricielle, combinant l'approchetraditionnelle concentrique (cœur d'agglomération,ceinture verte, grande couronne ...) et l'approche nou-velle par faisceau.

Il approuve le principe de présentation d'une « géo-graphie stratégique et prioritaire » (dont les opéra-tions d'intérêt national font bien partie) déclinée pargrand faisceau. Cette présentation identifie d'une partdes territoires stratégiques, d'autre part des sitesprioritaires sur lesquels les principaux efforts de l'ac-

Quelques interrogations demeu-rent: quelle prescriptivité pour leSDRIF?Quel support cartographique?Comment et où densifier?

• Quelle prescriptivité pour leSDRIF?

Le CESRreste perplexe devant un arse-nal juridique qui présente quelquesmanques: absence de Schémas deCohérence Territorial; absence d'obli-gation d'en créer; absence de délais àrespecter pour leur approbation;non-obligation d'accompagnementdes SCOTpar des cartes; absence decoordination « obligée» entre com-munes voisines concernées par descontinuités nécessaires (frontsurbains, corridors biologiques).

•• Sur J'offre d'unlogement à tous lesFrancjfjens et J'objecUf des60000 logements/an soÏt1,5 mi]]jon de logementssupplémentaires àconstruire d'ici 2030,le CESR réaffirme que cetteexigence s'impose à tous,sur J'ensemble du territoirerégional, au moment oÙréapparaissent ici ou là,doutes et réservessur la capacité àatteindre J'objectifdans les délais prévus! "

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La transcription du SORIFrisque ainsi d'être lente,incomplète, mal coordonnée. Le principe de « non tutelled'une collectivité territoriale sur une autre « ne doit pasréduire la volonté prescriptive de la Région, gage debonne mise en œuvre des orientations retenues.

30 - stimulation de l'activité économique et commer-ciale, en accueillant plus d'emploi, pour renforcer l'at·tractivité et le rayonnement internationaux,

4° - gestion durable des ressources naturelles,5° - dotation de la métropole, d'équipements et de

services de qualité.• Quel support cartographique?

• Comment et où urbaniser et densifier?

Sur les objectifs majeurs du SORIFLe projet retient cinq objectifs majeurs que le CESRapprouve:

1°' promotion d'une politique de transports répon-dant au parti d'aménagement,

2°_ offre de 1,5 million de logements à construire àl'horizon du Schéma Directeur,

1°- Sur la promotion d'une politique de transportsrépondant au parti d'aménagement, le CESRestimequ'il y a une présentation trop énumérative d'opéra-tions de natures très différentes dont certaines nesont pas d'échelle régionale; il appelle à la mise encohérence des projets en cours d'étude (liaisons debanlieue à banlieue) avec les nouveaux objectifs dedensification et de localisation des développementsurbains; il souhaite privilégier des considérationsd'urgence à réaliser tel ou tel projet par rapport à uneproposition de phasage, alors que les moyens finan-ciers ne sont pas connus; il souligne la nécessité depréserver les infrastructures de transport, là où ellesexistent.

Le CESRestime que les projets de transports encommun constituent un riche début de catalogueimpressionnant d'opérations mais dont on peutdouter a priori de la réalisation totale aux termes duSDRIFcompte tenu des investissements énormes à réa-liser. Sur les liaisons routières, les positions du CESRsont claires: il est favorable aux opérations de l'A12 etde l'A104, au bouclage de la Francilienne, en commen-çant par la liaison Cergy Pontoise/Orgeval, et au pro-longement de l'A12 j favorable de l'aménagement dela liaison Meaux-Melun ...

3° - Sur la stimulation de l'activité économique etcommerciale, en accueillant plus d'emploi, pour ren-forcer l' attractivité et le rayonnement internationaux,le CESRapprécie que l'objectif retenu soit la poursuitede la réduction accélérée des disparités du taux d'em-ploi entre Départements et la réduction des déséqui-libres entre taux d'emploi des faisceaux. Sur les quar-tiers d'affaires, le CESRconfirme son approbation derénovation et de développement du quartier-phareinternational de la Défense, mais corrélativement, il

2° - Sur l'offre d'un logement à tous les Franci-liens et l'objectif des 60000 logements/an soit1,5 million de logements supplémentaires àconstruire d'ici 2030 : Le CESRréaffirme que cetteexigence s'impose à tous, sur l'ensemble du terri-toire régional, au moment où réapparaissent ici ou là,doutes et réserves sur la capacité à atteindre l'objec-tif dans les délais prévus! Le CESRexprime unedemande de répartition repère de 43 000 logementsen secteur privé et 17000 logements en secteur aidé,en prenant en compte les surfaces habitables (envi-ron 4 millions de m') et la taille des logements. LeCESRsouhaite aussi une réforme législative avec lapossibilité d'imposer une « densité minimale» pourles constructions neuves.

Le projet envisage trois types de sec-teurs sur lesquels nos observationssont claires:

- pour les secteurs préférentiels dedensification (pastilles de couleurbrune), le CESRpréconise que les pas-tilles correspondent à une surface deSHONminimale souhaitable à construire;

- pour les secteurs préférentiels d' ur-banisation, le CESRsouhaite que les« trames de pois}) définissant ces sec-teurs soient plus précises, plus contrai-gnantes, qu'un minimum de densitésoit défini pour chaque secteur (à partirde critères simples comme l'éloigne-ment du cœur de l'agglomération);

. pour les secteurs d'urbanisation conditionnelle, leCESRpropose que la durée d'incertitude soit limitéedans le temps et que des mécanismes soient prévuspour éviter toute spéculation foncière sur ces secteu rs;

- sur les espaces agricoles, boisés ou naturels, leCESRconsidère que ces espaces trouvent dans leprojet de SDRIFune bonne protection et une bonnevalorisation, avec le souci des nécessaires compen-sations à assurer. Bien évidemment, pour le CESR,unjuste équilibre doit être trouvé entre cette protectionrenforcée contre "étalement urbain en tache d'huileet l'établissement nécessaire de grands équipe-ments et grandes infrastructures.

Les préconisations du CESRsur des cartes au 1/50 000'dans les secteurs où l'équilibre régional et les objec-tifs généraux du SORIFnécessitent des limites précisesd'urbanisation possible (ceinture verte) n'ont pas étésuivies. La carte générale au 1/300 000' n'est pas suf-fisante si la numérisation ne permet pas des agrandis-sements locaux « opposables n. L'objectif du CESRavec cette proposition est de limiter les contentieux àvenir fondés sur l'imprécision ou l'absence de limiteclaire entre zones de nature différente.

•• Le CESR esUme que lesprojets de transports encommun constituent un

rjche début de cataloguejmpressjonnan 1

(J'opéraUons majs dont onpeut douter a prjoâ de la

réajjsaUon totale auxtermes du SDRIF compte

tenu des invesUssementsénormes à réaliser. "

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Lesfinancements: LeCESRsouhaite qu'une réflexionprospective soit rapidement conduite sur les capacitésfinancières que la région serait amenée à dégagerpour contribuer au financement des investissementsconsidérables prévus dans le SORIF.Des questions d'équité fiscale restentégalement posées et l'affectation deressources nouvelles ou actuelles(charge foncière dégagée par les pro-jets d'aménagement, ressources del'ex-FARIF...) reste une forte préoccupa-tion.

Indicateurs de suivi et évaluations: le projet pro-pose une batterie de questionnements et indica-teurs permettant l'établissement d'un « tableau debord )} régional reprenant les objectifs program-mables et quantifiables, dans le cadre de la géogra-phie stratégique et prioritaire du SORIF.Le CESRapprouve naturellement cette intention qui doit,sans attendre, faire ('objet d'études approfondiespour une mise en place concomitante avec la miseen route du SORIF.» •

nisme) s'inscrivent dans le processus continu dedécentralisation, tendant à augmenter significative-ment les compétences et les ressources propres dela région. Le CESRy est favorable et approuve le soucid'un meilleur suivi « partagé» entre l'État et larégion, en matière d'élaboration des documentslocaux d'urbanisme. Le CESRtient également à souli-gner qu'il existe une difficulté de coordination. Parexemple, comment les départements pour lesquelsdes « objectifs» de construction neuve ont été rete-nus, peuvent-ils en assurer l'atteinte, avec unerépartition-repère entre collectivités locales infra-départementales?

demande que les moyens de transports et les loge-ments soient au rendez-vous des conséquences posi-tives en matière d'emploi; il approuve aussi la volontéde l'Exécutif régional d'un fort développement sur lacouronne Nord-Est et Sud-Est, de pôles tertiairesmajeurs à dominante financière et administrative.

4° - Préserver, restaurer et valoriser les ressourcesnaturelles: le CESRa mis l'accent sur l'importance à accor-der à ce sujet dès son avis du 20 décembre 2004. C'estpourquoi, il a approuvé l'ambition de la Régiond'être « lapremière éco-région d'Europe », mais en disant claire-ment que la Région devait démontrer, par des comparai-sons avec les autres grandes métropoles, la réalité decette ambition. C'est ainsi que le CESRrappelle sa propo-sition d'éco-bilan périodique, afin de s'assurer, ressourcepar ressource, de leur correcte préservation, valorisationet restauration chaque fois que possible au regard del'ambitieux programme de construction.

5° - Sur la dotation de la métropole en équipe-ments et services de qualité: ces équipements etservices sont des éléments de cohésion sociale quidoivent participer à la réduction des déséquilibresspatiaux. C'est pourquoi le CESRest favorable àl'implantation de nouveaux équipements dans lessecteurs carencés, où la desserte sera adaptéepour en favoriser l'accès. Il regrette que les NTICnesoient abordés qu'au niveau des principes; il rap-pelle son souhait de regroupement des sites d'en-seignement supérieur; en matière de santé, ilexprime son souci d'une meilleure prise en comptedes évolutions démographiques dans la répartitionterritoriale des équipements de proximité; enmatière de tourisme, sports et loisirs, le souci decréation d'installations au travers d'un réseaustructurant; en matière de commerce, la volonté defaire prévaloir les requalifications des équipementssur les opérations nouvelles pour éviter le dévelop-pement des friches commerciales et l'extensionpéri-urbaine.

Sur la mise en œuvre du SORIFSur la mise en œuvre du SDRIF(pilotage, suivi et éva-luation), de fortes attentes restent à satisfaire.

Ce point est l'un des éléments du bilan négatif de1994. Le thème de « la boîte à outils» (relations entreacteurs, information, financement, gouvernance,suivi, évaluation, etc.) devant accompagner le nou-veau SDRIFa été fréquemment évoqué par MireilleFerri, vice-présidente de la région en charge du dos-sier. Les propositions présentées vont dans le bonsens mais nécessitent un travail complémentaireimportant pour satisfaire les attentes exprimées.

Les acteurs: les propositions de réforme législa-tive ou réglementaire exprimées par la région (verse-ment transport, péréquation de ressources, révisionde redevances; modification du code de l'urba-

La gouvernance: le Comité de pilo-tage mis en place pour le travail derévision a été un outil efficace dans laconduite du processus d'élaboration.C'est pourquoi le CESRest d'accord surson maintien et sa transformation en« Comité de pilotage et de suivi », enlui imposant un rythme semestriel (leprojet propose une réunion annuelle)et en suggérant le maintien du Comitétechnique en charge de la préparationdes dossiers. Le CESRapprouve le prin-cipe de création des « conférences ter-ritoriales », mais considère qu'au-delàdes représentants des collectivitésterritoriales concernées, les représen-tants de l'État et du CESRont vocationà être associés aux réunions de laconférence territoriale, régionale,comme ils l'ont été tout au long duprocessus de révision.

•• Le CESRsouhaitequ'une réflexionprospectÏve soUrapklement conduite surles capacités financièresque la région seraitamenée à dégager pourcontribuer au flnancementdes investÏssementsconsidérables prévus dansle SDRIF.Des questÏonsd'équité fiscale restentégalement posées etJ'affectation de ressourcesnouvelles ou actuelles(charge foncière dégagéepar les projetsd'aménagement,ressources de J'ex-F4RIF.. .)reste une fortepréoccupation. "

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lIe-de-France: les nouveaux défisde l'aménagement régional

Date de parution: 11.05.2007

··La mjcropolarjsation deJ'emploi qui est à J'œuvreau sein de la premièrebanlieue engendre unedemande d'accessibilitéhors de portée des budgetspubliCS courants. Lesprojets d'extension dumaj]]age de type parisienà cette couronne(prolongements de lignesradiales, rocades) relèventd'un réveil tardif,et il ne s'agit encoreque de projets dont lefinancement resteproblématique. "

La mise en révision du schéma directeur de l'Ile·de-France (initiée par la région en juin 2004 et ouverte parun décret en Conseil d'Ëtat en août 2005) a débouchéen février 2007 sur l'adoption par la région d'un projetde nouveau schéma (la position de l'Ëtat sera connuedans quelques mois). Durant près de deux ans, uneimpressionnante collection d'expertises et d'avis ontété produits par de nombreuses instances, qui se sontlégitimement emparées de la question de l'aménage-ment régional, qu'elles aient été sollicitées ou non.Les acquis de la recherche, notamment en économie,en géographie, en science politique, en aménagementet en environnement, ont également été versés audébat'. Tout semble donc avoir été dit et écrit, confirmémême par les citoyens réunis en conférences, confor-mément à la méthode voulue par la région: ségréga-tion sociale dans l'espace géographique, transports,logement, qualité de la vie, identité régionale ... Peut-être les conditions de l'attractivité de la métropole etde la production de richesse par les activités écono-miques n'ont-elles été abordées que de façon plus dif-fuse, sauf par les instances spécialisées dans cettedimension essentielle de la dynamique régionale.

Alors que dire de plus, que dire d'autre, sans laissersupposer que tant de compétence, tant de pertinenceauraient finalement manqué des cibles importantes,faute de les avoir détectées? Auraient manqué de per-cevoir les pistes de solutions adaptées à la résolutiondes problèmes identifiés, faute d'avoir conduit uneanalyse appropriée de ces problèmes? Mais les orien-tations contemporaines de l'aménagement, tellesqu'elles se dégagent du projet de nouveau schéma,sont-elles, elles-mêmes, nouvelles? S'appuient-ellessur un socle d'expertises qui auraient renouvelé lesinterrogations et du même coup reprofilé les finalitésde l'aménagement régional?

Du schéma de 1965 au SDRIFde 2007Pour sortir de cet embarras, replaçons, pour commen-cer, le projet de SDRIFde 2007 dans la généalogie desschémas qui ont scandé l'histoire urbaine de la régionparisienne au cours de la deuxième moitié du siècledernier. Celui de ses prédécesseurs dont il paraît sin-gulièrement le plus proche, est le schéma de 1965;celui dont il paraît relativement le plus éloigné est

celui de 1994. Mais il s'agit probablement moins d'unebifurcation, voire d'une rupture, que du retour à uncap qui avait été abandonné ou simplement perdu.

Le problème récurrent de l'étalement urbain est eneffet en bonne place dans l'inventaire des menacesqui pèsent sur le développement régional, un pro-blème dont la résolution a structuré le schéma direc-teur de 1965, d'où sont sortis des projets anciens revi-sités, comme la création du réseau RER,et des projetsnouveaux, comme les villes nouvelles. Sous d'autrestermes alors, la vision métropolitaine de l'Ëtat a tenduvers une sorte de polycentrisme hiérarchisé, forte-ment « ficelé)} par un double réseau de transports fer-roviaire et autoroutier chargé d'en assurer la cohé-rence fonctionnelle à l'échelle régionale.

Cette vision constitue aujourd'hui le fond de com-merce culturel sur lequel s'appuient les solutionsproposées pour répondre aux défisénoncés par le projet de SDRIF:égalitésociale et territoriale, anticipation duchangement climatique et du renché-rissement des coûts énergétiques,dynamisme économique de rangmondial. Une formulation des défisqui ne semble mise en cause par per-sonne. Mais face à ces nouveauxdéfis, la question territoriale sembleimmuable.

Rappelons que, quoique dans descontextes économiques, démogra-phique et politique différents, lesdéfis des années soixante ne se pré-sentaient pas avec une moindreintensité, et que les objectifs du SDAUde 1965 ont fait l'objet durant quatredécennies des réalisations qui confi-gurent aujourd'hui largement - maispas seulement, certes - l'organisa-tion territoriale dans laquelle viventonze millions de franciliens et tra-vaillent de nombreux habitants desrégions limitrophes. Insistons: les franciliens viventquatre décennies plus tard dans un espace structurépar des décisions que l'on qualifierait aujourd'huide vues de l'esprit.

parFRANCIS BEAUCIRE,prOfesseur àl'Université Pans1Panthéon-Sorbonne,LaboratOIre CRIA (UMRGéographie-Cités)

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1. Ëvolution des soldes d'habitants et d'emploispar zones géographiques depuis 1975

SOLDESD'HABITANTS 1975-1990 % 1990-1999 %

« couronne»

hors villes nouvelles 476000 56 % 181000 67 %

villes nouvelles 380000 44 % 87000 33 %total périphérie 856000 100% 268000 100 %

pour mémoire: Paris -147000 -27000

pour mémoire: banlieues 74000 51000

Il s'agit du découpage en zones morphologiques de l'IAuRIF.(couronne:franges, villes isolées et communes rurales; banlieues: banlieue intérieureet banlieue extérieure)

SOLDESD'EMPLOIS 1975-1990 % 1990-1999 %

{( couronne»

hors villes nouvelles 145 000 44 % 83000 52 %

villes nouvelles 182000 56 % 78000 48%

total périphérie 327000 100% 161000 100%

pour mémoire: Paris -103000 -214000

pour mémoire: banlieues 178000 19000

Il s'agit du découpage en zones morphologiques de l'IAuRIF.(couronne: franges, villesisolées et communes rurales; banlieues: banlieue intérieure et banlieue extérieure)

2. Ëvolution en points de la partdes catégories socioprofessionnelles entre 1990 et 1999

Paris petite couronne g-rande couronnecadres +1 0 -1Professions intermédiaires 0 -1 +1employéS -3 +1 +2ouvriers -2 -2 +4Retraités toutes catégories -4 -1 +5

D'après données Atlas des Franciliens, IAURIF

3. Vitesses pratiquées (km/h) par les navetteurs franciliensselon la distance de leur domicile au centre de l'agglomération en 1994

Distance au centre 0-9 km 10-19km 20-29 km 30-39 km 40-49 km 50-59 kmcadres 17 22 26 31 35 35employés 15 20 25 30 34 35ouvriers 16 20 25 29 33 34

D'après l'EGTde 1994.Les vitesses dépendent de la localisation des emplois par rapport aux domiciles.

4. Répartition géographique (en %) de la construction de logementset de locaux d'activité de 1990 à 2004

logements logements locaux locaux1990 à 1999 2000 à 2004 1990 à 1999 2000 à 2004

Paris 14 % 10% 15 % 11%banlieue intérieure 37% 51 % 35 % 34%banlieue extérieure 23 % 18 % 20% 20%franges 11% 7% 10% 14 %villes nouvelles 15 % 14 % 20% 21 %total 100% 100% 100 % 100 %

D'après le fichier des permis de construire

Date de parution: 11.05.2007

Et il faut argumenter durement pour soutenir lepoint de vue d'un certain succès des orientations duschéma de 1965, tout particulièrement en ce quiconcerne les cinq villes nouvelles de la région, Pourapprécier les questions d'aujourd'hui, on n'échapperapas au rappel rapide de quelques données simplesmais fondamentales et impossibles à balayer de notrepoint de vue.

Ce rapide rappel, destiné à être rapproché desgrandes orientations du SORIF de 2007 révèle,comme on l'a dit, la permanence de la question de lastructuration géographique, dans un contexte pro-fondément transformé tant par les principes de ceque l'on appelle désormais la gouvernance que pardes arguments inédits qui donnent une nouvellelégitimité à l'impératif de cohérence territoriale; unimpératif dont les mots de passe sont « compacité etmixités », ou encore {( centralités et accessibilité ».Voici ce que disait en 1984 Michel Piquard, membrede l'équipe de Paul Delouvrier, revenant sur lesintentions du schéma de 1965: « la réflexion sur lespectacle de la banlieue a été quelque chose de trèsimportant. Nous avons voulu à la fois faire de lacontinuité et faire de l'anti-banlieue, quelque chosequi ne soit pas ce tissu indifférencié dans lequel lesgens sont contraints, ou d'avoir des services deproximité d'un niveau extrêmement bas, ou d'avoirdes transports très compliqués pour aller dans lecentre de Paris. » 2

Bilan: entre 1975 et 1990, les villes nouvelles fixent44 % du solde démographique et 56 % du solde d'em-plois de la seule périphérie, celle-là même dont il fautassurer la structuration géographique pour réduire etcontrôler sa dilution, dans un contexte de transfusionentre le centre de l'agglomération et sa couronne.Cela signifie que les franges diffuses de l'aggloméra-tion, les centres urbains isolés et l'espace rural, c'est-à-dire les lieux privilégiés de l'étalement urbain (plusde 900 communes), font seulement part égale avecles cinq villes nouvelles (une soixantaine de com-munes). Mais entre 1990 et 1999, l'étalement l'em-porte sur la polarisation par les villes nouvelles: lapart du diffus dans le solde de la périphérie monte à67 % de la population (+ 11 points) et à 52 % desemplois (+ 8 points). Mais le rapport emplois/habi-tants, (indication certes rudimentaire puisqu'elle nedit rien de la proximité réelle entre résidence et lieuxde travail), s'y maintient en l'état entre 1982 et 1999(et se dégrade à Paris), alors qu'il s'accroît de plus de30 % dans les villes nouvelles. (cf, tableau 1)

Le malthusianisme des populationsdisperséesC'est à partir du milieu des années quatre-vingt que lecap est perdu au profit d'une pluie intense de petitesinitiatives locales en périphérie, exploitant sans vision

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Source: POUVOIRS LOCAUX

d'ensemble les gains d'accessibilité octroyés par lemaillage des autoroutes et le prolongement des des-sertes ferroviaires de banlieue, l'affaissement du prixéquivalent-travail du carburant et les possibilitésoffertes par la décentralisation politique en matièred'urbanisme (chacun chez soi, chacun pour soi).

Durant cette période, la ségrégation sociale s'accen-tue, y compris dans le mouvement généralisé de périur-banisation3 et la géographie de la résidence se dissociede celle de l'emploi. Mais les réseaux de transport com-pensent en grande partie cette distanciation, autorisantaux classes moyennes la conquête du sol périurbain,aux marges de la zone de hautes pressions foncières,sans remettre fondamentalement en cause les bud-gets-temps de transport. Les conditions de transport,servies par une efficace politique d'infrastructures,absorbent en quelque sorte les effets de la fragmenta-tion spatiale de l'aire urbanisée, repoussant à plus tard,peut-être à jamais, la nécessité d'une politique de maÎ-trise foncière. Plus tard, c'est maintenant. Mais le pro-cessus de la décision publique a changé entre-temps.

Date de parution: 11.05.2007

Le malthusianisme des populations dispersées et deleurs édiles a fait obstacle à la construction de masse.(cf. tableau 2 et 3)

Le résultat est connu: insuffisance de création delogements, au point que le futur SDRIF fixe un volume àconstruire de 60000 logements par an pendant 25

ans, soit 1,5 million de logements dont il faut évidem-ment dire où ils doivent être construits, en conformitéavec des impératifs nés de problèmes d'un nouvelordre qui ont fini par s'imposer à la conscience aucours de la dernière décennie: incertitude avérée surle maintien dans la longue durée d'un prix peu élevéde l'énergie, décisions politiques peu réversibles rela-tives au réchauffement climatique, difficultés budgé-taires de la puissance publique à financer de nou-veaux réseaux lourds, problèmes auxquels s'ajoutentles effets sociaux destructeurs de la ségrégation despopulations dans "espace régional. Et redisons-le, letout dans un refus général latent (et parfois vertementexplicite) de la mixité sociale et de la densification dubâti, partagé équitablement par les populations rési-

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dantes et les conseils municipaux, notamment partoutoù existent des occasions de bâtir conformes auxobjectifs énoncés de compacité et d'accessibilité.

" Il est devenu dÏffÏcjle dene pas admettre que la

quesUon énergéUque (prÏxde la ressource, éVÏtement

de J'effet de serre) fjnÏrapar remettre en cause le

prÏncÏpe de dÏlataUonspaUale de l'aire

urbanisée. Commentaccuej]]jr alors la large

base des classes moyennesdans un tissu densifié, si la

densifÏcaUon produit soninévitable effet dans les

conditions économiques envigueur, c'est-à-dire la

hausse du prj;!{ du sol là oùl'on pourra s'installer? "

Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

Mais ce n'est pas tout. Dans la zone urbanisée encontinu, là où le principe de renouvellement urbain,par recyclage de sols industriels abandonnés ou par« reprise d'urbanisme en sous-œuvre» dans des quar-tiers anciens à très faible densité, la reconquête a déjàcommencé. Elle étend la zone de haute intensité pari-sienne à une couronne de communes dont les réseauxde transport et parfois les niveaux d'équipement sontrestés très en retrait des besoins qui ont émergé. Lagouvernance territoriale y demeure très cloisonnée,source de redondances, et la congestion des réseauxporte atteinte à son fonctionnement économique.L'élargissement de l'horizon politique central est

certes engagé, mais il demeure à latraîne du processus de réinvestisse-ment démographique et économiquede la première banlieue. La micro pola-risation de l'emploi qui est à l'œuvreau sein de cette première banlieueengendre une demande d'accessibilitéhors de portée des budgets publicscourants. Les projets d'extension dumaillage de type parisien à cette cou-ronne (prolongements de lignesradiales, rocades) relèvent d'un réveiltardif, et il ne s'agit encore que de pro-jets dont le financement, excluant jus-qu'à présent la contribution des béné-ficiaires des gains d'accessibilité,reste problématique. (cf. tableau 4)

Le rappel même simpliste de cestendances et des problèmes d'aména-gement qu'elles soulèvent est néces-saire, pour apprécier la hauteur desprincipes d'aménagement retenus parle projet de SORIF. Par rapport auxméthodes lourdes déployées par leSOAU de 1965, chargé en quelque sorte

du gros œuvre, le projet de 2007 introduit dans l'amé-nagement régional ce que l'on pourrait qualifier d' es-prit de finesse: valorisation systématique des lieuxvides ou recyclables, commune à commune, pour éco-nomiser l'espace et rejointoyer les plaques urbaniséesde proche en proche, assurant ainsi la continuité de lanappe urbaine, sa compacité aussi, qui passe proba-blement par une densité minimale du bâti, un « ni tropni trop peu» apte à éviter le rejet des habitants et desélus. Plus loin de la zone continue, mais en son seinaussi, concentration de logements, d'activités etd'équipements autour des points d'entrée dans lesréseaux de transport collectif, moyennant des pointe-ments de densité supérieure en ces lieux de hauteaccessibilité, plus peuplés de résidants et d'actifs, bienservis en commerces et bien reliés à d'autres pôles.

Date de parution: 11.05.2007

La question à laquelle on ne peut échapper nousvient de l'écart que l'on pressent entre les énormesbesoins en logements et la délicatesse de l'interven-tion sur le tissu urbain, entre d'une part le maintientoujours élevé de ['accessibilité générale au service dela qualité de la vie urbaine (se déplacer dans desconditions acceptables pour aller travailler doitdemeurer un objectif majeur de la politique d'aména-gement) et de l'attractivité économique de l'airemétropolitaine à des échelles qui dépassent la région,et d'autre part l'appel de budget que cela représente,entre la cohérence régionale du projet et la multitudede centres de décision locaux peu porteurs d'unevision à /' échelle et tout au perfectionnement desformes participatives de la vie de proximité.

Il est devenu difficile de ne pas admettre que laquestion énergétique (prix de la ressource, évitementde l'effet de serre) finira par remettre en cause le prin-cipe de dilatation spatiale de l'aire urbanisée, lorsquetous les expédients auront été utilisés pour échapperà cette remise en cause. Comment accueillir alors lalarge base des classes moyennes dans un tissu densi-fié, même si peu que ce soit, si la densification produitson inévitable effet dans les conditions économiquesen vigueur, c'est-à-dire la hausse du prix du sol là oùl'on pourra s'installer? La dimension économique etpolitique d'une alternative massive à la dispersion a-t-elle été reconnue à sa juste hauteur?

Bref, on chemine pour finir vers une idée pas très àla mode: une nouvelle configuration problématique,due d'un côté à l'insouciance de la planificationpublique durant deux décennies, elle-même résul-tante de l'obsession de renforcer les pouvoirs locauxcontre l'État, et de l'autre côté à l'irruption de facteursexternes, le climat et le pétrole, semble requérir undeuxième âge du gros œuvre. Mais il faut aussi unporteur puissant à l'échelle du projet, la région quandelle le pourra, et l'État, encore, d'ici là, le temps que lagouvernance composite des territoires trouve les bonspoints de calage entre le local, le régional et l'ailleurs.Pour l'État, penser désormais le gros œuvre avecfinesse, et le faire partager, là réside précisément sondéfi propre ...

F.B.

1. Par exemple: Urbanisme, n029 hors série, novembre 2006: " SDRIF, défis,planification, identité ".

2. Dans: L'aménagement de la région parisienne, le témoignage de paui Oelou-vrier, Institut Paul Oelouvrier et Programme d'histoire et d'évaluation des villesnouvelles françaises, Presses des Ponts et Chaussées, 2003.

3. On peut se reporter à: Mobilités résidentiel/es, navettes et recomposition dessystèmes résidentiels en région parisienne, M. Berger et J. Brun, PUCA-recherche, 2006

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

Les non-choix du SORIF en font un catalogue,mais pas un projet stratégique

La complexité institutionnelle, politique et urbaine de la région Île-de-France a pesé lourdement surla conception du SDRIF. Celui-ci, estime François Ascher, additionne les bonnes intentions, mêmelorsqu'elles sont contradictoires, les revendications des diverses collectivités, les soucis desdifférents acteurs et groupes de pression. Il ne hiérarchise pas les objectifs et n'établit pasvéritablement de priorités. Les débats qui ont accompagné sa conception n'ont pourtant pas étésans intérêt du point de vue de l'animation de la vie collective régionale, mais ont-ils porté sur lesenjeux stratégiques de la région? Ce schéma peut-il dans ce contexte devenir un instrument pourarbitrer entre les diverses possibilités et demandes, pour aider la région à être concurrentielle parrapport aux autres mégapoles européennes, pour lutter contre les inégalités socio-spatiales, pourrépondre aux exigences environnementales?

Le projet de schéma directeur de la région Ile·de-Francene propose pas véritablement un schéma direc-teur. C'est une sorte de plan-catalogue, qui met en évi-dence beaucoup de besoins, qui propose de multiplessolutions, mais qui ne hiérarchise pas les urgences,qui n'arbitre pas véritablement entre les diversesoptions, et qui ne propose pas de réelles stratégies.Son élaboration n'a pas été inutile car elle a permis àbeaucoup d'acteurs très différents de s'interroger surce qu'ils attendaient de l'avenir de la région lIe-de-France, et parfois d'en débattre ensemble. Probable-ment aussi ceux qui ont participé de très près à sonélaboration ont le sentiment d'avoir tranché sur denombreuses questions, tant ils ont argumenté etcontre argumenté autour de points qui leur sem-blaient importants. Mais pour un lecteur extérieur, leschéma directeur ne propose ni une vision d'avenirclaire pour la région, ni une stratégie pour essayer dela réaliser dans les meilleures conditions.

Le précédent schéma de 1994 présentait déjà lesmêmes défauts. La faute n'en incombe que très par-tiellement aux autorités chargées de l'élaborer. Eneffet, non le seulement le pouvoir régional est institu-tionnellement limité, mais il est fondé sur une alliancepolitique « plurielle» et très hétérogène. Par ailleurs,il doit composer avec une quantité incroyable de pou-voirs locaux, fortement enracinés politiquement etsocialement: 1280 communes, 8 départements et 94intercommunalités à fiscalité propre. Quant à l'État,qui joue encore un petit rôle dans le processus deconception du schéma directeur, il a vu ses possibili-tés de réflexion stratégique limitées, tant par la situa-tion politique - une région de gauche et un gouverne-ment de droite - que par l'érosion accélérée de sescompétences techniques. Mais il faut bien reconnaîtreaussi, au-delà de ces complications institutionnelles,que les difficultés objectives de l'exercice sont gigan-tesques: penser ['avenir, à moyen et long terme, d'un

territoire hétérogène et distendu, où habitent plus dedix millions de personnes, n'est pas une mince affaire,et peu de grandes agglomérations urbaines ont étécapables de le faire. Et plus encore, faire partager àcette population aux intérêts immédiats souventcontradictoires, un projet commun à long termenécessite des conditions sociopolitiques qui sont par-ticulièrement compliquées à réunir en France aujour-d'hui.

Il n'est donc pas question de donner des leçons àquiconque sur les bonnes manières de faire unschéma directeur, mais il faut insister sur quelquesquestions qui, certes, ne sont pas absentes du projetactuel, mais qui auraient mérité davantage de déve-loppements ou des réponses différentes. Le plussimple pour les exposer est de reprendre le fameuxtriptyque du développement durable: il s'agit pour leschéma directeur de la région Ile-de-France d'assurerle développement économique, l'équité sociale et laprotection des patrimoines naturels et culturels.

Quelle stratégie de développementéconomique?S'agissant du développement économique, il est clairque le premier enjeu est celui de la compétition entrela région Ile-de-France et les autres grandes mégalo-poles. L'Ile de Francea des avantages compétitifs pourun certain nombre d'activités par rapport aux métro-poles moyennes qu'il lui faut préserver. Mais dans uneéconomie largement ouverte comme la nôtre, il luifaut par ailleurs s'assurer d'avantages compétitifsdans la concurrence avec les autres mégalopoles. Or,aujourd'hui, la première ressource urbaine du point devue du développement économique est la présence oula capacité à attirer des travailleurs hautement quali-fiés. Et l'on n'accorde probablement pas suffisammentd'importance à cet enjeu dans le projet de schéma. En

parFRANÇOIS ASCHER,professeur à l'Institutfrançais d'urballisme(Université de Paris VIII)

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•• Aujourd'huÎ, lapremière ressource

urbaine, du point de vuedu développementéconomique, est la

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Source: POUVOIRS LOCAUX

effet, d'une part, les ménages des couches moyennesqualifiées avec enfants tendent à quitter la régionpour des métropoles de province où elles trouvent demeilleures conditions de vie. D'autre part, la régionpeine de plus en plus à attirer des couches hautementqualifiées qui constituent cette « classe créative» quiest un des principaux leviers du développement desvilles compétitives aujourd'hui à l'échelle mondiale.Paris et sa région apparaissent de fait de plus en plus« ringardes» pour beaucoup de jeunes par rapport àd'autres métropoles européennes (Londres notam-ment, mais aussi Barcelone, Milan et quelquesautres), tandis que les universités franciliennesbrillent peu à l'échelle internationale. Paris semblevivre sur ses acquis et être en train de passer à côté demutations sociétales profondes.

Pour le dire autrement et de façon un peu provoca-trice, si la région veut d'une part garder ses couchesmoyennes, il faut qu'elle soit capable de produire del'habitat individuel de haute qualité, pas trop cher etenvironnementalement correct. Proposer à cesménages un habitat plus dense est un contresens.Espérer que de nouvelles typologies architecturales delogements semi-collectifs et des projets urbanistiques

fondés sur ces circulations piéton-nières vont les dissuader de rêverd'une maison avec jardin et vue sur lacampagne est une illusion pédagogi-sante dont malheureusement un cer-tain type d'urbanisme n'arrive pas à sedéfaire. Certes, réaliser des expé-riences exemplaires de haute qualitépourra peut-être convaincre un petitsegment de marché d'arbitrer pour unelocalisation plus centrale et un habitatplus dense. Mais cela n'est pas àl'échelle des enjeux que représententpour la région ces couches moyennesjeunes et avec enfants. On peut refuserde croire ce que toutes les enquêtesnous disent à propos des désirs et desimaginaires d'habitat des Français, quiplébiscitent à 80 % les différents typesde maisons individuelles'. On peutconsidérer qu'il s'agit là d'études demarketing et que la responsabilité desurbanistes n'est pas de répondre auxdemandes, mais de les changer. Maisdans une société démocratique, etdans un contexte de décentralisationaccentuée, il est probable que cet urba-

nisme militant se révélera de moins en moins efficace.D'autre part, si Paris veut attirer des jeunes haute-

ment qualifiés, il faut essayer de favoriser le dévelop-pement d'un cadre urbain qui les séduise, qui corres-ponde à leurs modes de vie. Il faut donc probablementadmettre une ambiance urbaine un peu plus trépi-dante dans un certain nombre de quartiers. Il faut queParis reste un lieu d'agitation, de rencontres, d'accueil

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de marginalités créatrices. Il faut que le cœur de l'ag-glomération continue de créer les conditions de lasérendipité, c'est-à-dire de cette capacité à trouver cequ'on ne cherche pas et qui est une qualité urbaineaujourd'hui économiquement, scientifiquement etculturellement plus nécessaire que jamais. Or siMichel Deguy exagère un peu lorsqu'il écrit que« Paris n'est plus une très grande ville: c'est uneagréable cité, qui ressemble à un gros bourg pai-sible »\ il pointe toutefois un véritable enjeu: le cœurde l'agglomération, qui profite d'une quantité extraor-dinaire d'équipements et d'infrastructures, est aujour-d'hui de plus en plus soumis aux exigences des rive-rains de ses rues, de ses avenues et de ses places.Certes, il faut améliorer la vie quotidienne des rési-dents parisiens. Mais le débat lors des concours pourl'aménagement des Halles a témoigné de façon exem-plaire du poids excessif qu'ont pris les revendicationsde quelques milliers d'habitant d'un quartier alorsque ce lieu est fréquenté par des millions de per-sonnes. Certes, il ne faut pas négliger les intérêts deshabitants des quartiers centraux de Paris, mais il fautinsister sur le fait que ces quartiers ne leur appartien-nent pas et que l'avenir de la région dépend en partiede leur vitalité économique et culturelle.

Quelle stratégie d'équité sociale?S'agissant des enjeux sociaux, le schéma directeur metbien en évidence les graves problèmes qui se posentdans la région, mais n'aborde pas la question de lalutte contre la ségrégation à son échelle métropoli-taine. Certes, il faut continuer d'agir dans les quartiersd'habitat social pour y améliorer les conditions de vie,mais il faut surtout aider les populations qui y résidentà en sortir. Continuer d'essayer d'apporter les emplois,les écoles, voire les nouveaux logements dans cesquartiers ne fait que renouveler les formes de la ghet-toïsation. Il faut au contraire aider à en sortir les popu-lations qui sont aujourd'hui piégées dans ces quartierset qui sont prêtes à aller autre part, pour travailler, étu-dier, ou résider? Cela met l'accent sur la thématique dela mobilité. La dite« politique de la ville» devrait beau-coup plus viser à aider tes enfants de ces quartiers àaller étudier ailleurs, les jeunes à se déplacer dans larégion pour trouver du travail, les familles à déménagerquand elles le souhaitent. Or la conception de la poli-tique du logement comme celle du transport n'inscri-vent pas cela comme de véritables priorités. L'enjeudevrait être moins de reloger sur place des habitantsque d'aider à l'employabilité et à l'intégration métro-politaine de ces populations. Cela suppose uneréflexion spécifique sur leurs moyens de déplacement.Il n'est pas évident que la réalisation d'infrastructuresde transport tangentielles lourdes soit de ce point devue la plus appropriée.

Il faut aussi empêcher que Paris et la zone centralede la région ne continuent d'évacuer leurs populationsles plus pauvres et les jeunes ménages aux revenus

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modestes. Il faut donc y construire beaucoup plus delogements que ce que l'on fait actuellement. Les pos-sibilités foncières et urbanistiques existent, notam-ment par la construction d'immeubles de grande hau-teur à quelques portes de Paris. La qualité de ceslocalisations et leur excellente desserte, ajoutée à unehaute qualité architecturale permettrait d'y promou-voir une réelle mixité sociale et fonctionnelle.

Mais ces enjeux sociaux débordent évidemment duniveau des collectivités locales. Les élus de celles-ciétant soumis à la sanction électorale d'une partie deleurs habitants - celle qui a le droit de vote - troppeu d'entre eux sont vraiment favorables à des poli-tiques de mutation des territoires. Quant aux intercom-munalités, qui finissent par se développer un peu dans"Ile-de-France, elles ne sont, pour la plupart, pas beau-coup plus à même de mener des politiques plus volon-taristes en matière de logement social, d'autant queleurs responsables restent élus au niveau communal.

Quelle stratégie environnementale?S'agissant des enjeux environnementaux, le schémadirecteur est plein de bonne volonté, mais ses propo-sitions risquent de ne pas être toujours efficaces. Ils'agit en effet, si l'on se place réellement dans laperspective du développement durable, d'élaborerdes politiques urbaines construites sur des compro-mis entre les exigences environnementales, écono-miques et sociales. En revanche, juxtaposer des ratio-nalités différentes et espérer qu'elles convergerontrisque d'être peu opératoire. On peut certes espérerqu'un cadre environnementalement correct sera dansles années à venir plus attractif et sera en mêmetemps porteur d'activités économiques liées aux éco-nomies d'énergie et la lutte contre l'effet de serre.Mais pour l'heure, ce n'est pas vraiment le cas et ilfaut faire attention à ce que les mesures Il écolo-giques » ne pénalisent pas les populations modesteset n'hypothèquent pas le développement écono-mique. N'oublions pas que ce sont les populationsmodestes qui habitent et travaillent en périphérie, etqui sont les plus dépendantes de l'automobile, et quele dynamisme économique de la partie centrale del'lle-de-France est un élément décisif du développe-ment de toute la région. Son accessibilité ne doit pasêtre négligée, même si la croissance des déplace-ments de banlieues à banlieues doit être améliorée,voire favorisée.

Une politique environnementale efficace doit doncêtre fondée sur des analyses scientifiques sérieuseset sur un réalisme opérationnel. Il faut s'attaquerprioritaire ment aux déplacements qui produisent leplus de gaz à effets de serre et où des solutions alter-natives sont possibles. Pour cela, il faut raisonnerplus en termes de passagers-kilomètres que denombres de déplacements. La portée de la bicycletteet celle de l'automobile ou du RER n'ont évidemmentaucune mesure.

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Il faut également prendre en compte la manière dontles individus arbitrent entre les différents moyens detransport. Les études ont montré que les reportsmodaux en banlieue, et en particulier le passage de l'au-tomobile aux transports collectifs, sont assez faiblesmême quand les transports collectifs sont fortementaméliorés et rendus moins chers. En effet, le temps detransport, son confort, sa sécurité sont évidemment deséléments importants dans les choix individuels, et ilsont été trop négligés dans le PDU de la région et danscelui de Paris plus récemment. L'intermodalité apparaîtégalement comme une solution efficace, mais la poli-tique de construction de parcs de stationnement relaisdans la région est quasi inexistante. À la différence debien des villes en Franceet à l'étranger, on projette ainside nouvelles lignes de transports collectifs, de tram-ways notamment, sans programmer ce type d'équipe-ment qui très efficaces parce que jouant sur ['intermoda-lité. De fait, les communes n'en veulent souvent pas carelles ne souhaitent pas (1 stériliser» des zones bien des-servies pour accueillir les véhicules de gens qui I( n'ha-bitent même pas la commune ».

L'intermodalité passe aussi par la possibilité deprendre le RER, le métro voire le bus avec son vélo. Etce type de projet participe aussi à des stratégiesd'aménagement métropolitain et d'articulation entreles différentes échelles de la vie urbaine.

Par ailleurs, il faut mettre en œuvre de façon plusgénérale une très vigoureuse politique d'infrastruc-tures et cela suppose d'énormes investissements

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publics. Certes, l'État pourrait faire un effort plusgrand pour aider à leur financement; mais même ungouvernement mieux disposé à l'égard de la région nepourra apporter les sommes qui seront nécessaires. Ilfaut donc les trouver ailleurs. Cela suppose de réfor-mer profondément le mode d'organisation, le finance-ment et les tarifications des transports dans la région.De plus, la tarification est aussi un puissant moyend'action structurelle. Et aujourd'hui, le système de lacontribution patronale a atteint à ses limites et serévèle anti-écologique car les prélèvements qu'ilopère sont indépendants de la longueur et de lanature des déplacements engendrés par les activités.Enfin, le zonage de la « carte orange» est aussi pro-fondément injuste et peu stimulant du point de vueenvironnemental.

Quelle stratégie spatiale?Ces remarques faites, il faut en venir aux options spé-cifiquement spatiales du schéma directeur. La problé-matique qui y est développée et le recours à la notionde faisceaux ne me semblent pas particulièrementclairs, ni vraiment en rapport avec une stratégie d'en-semble. Certes, toutes les mégalopoles sont aujour-d'hui confrontées à des enjeux spatiaux complexes.Mais partout, il s'agit d'articuler trois « métriques»différentes.

• Il y a en premier lieu l'enjeu de la proximité. Celui-ci est relativement bien pris en compte dans la régionIle-de-France en raison du poids des communes et deslogiques de riverains qui avec la décentralisation sontaujourd'hui de plus en plus puissantes. Il s'agitd'aménager les quartiers de façon à améliorer ce quidans la vie quotidienne se passe à cette échelle. Lescommunes n'ont d'ailleurs pas attendu le schémadirecteur pour s'occuper de cette échelle et de fait onassiste à un curieux renversement, le schéma direc-teur essayant de rendre compatibles des PLUalors quethéoriquement ceux-ci devraient être conformes à unschéma d'ensemble.

• Il y a en second lieu l'enjeu de l'échelle régionale.La force et l'attractivité de la région, c'est en effet lepotentiel varié qu'elle offre pour l'habitat, le travail, laculture, les loisirs, l'éducation, les sports etc. La régionfrancilienne n'est en effet ni une addition de com-munes, ni une grosse métropole: c'est une mégapole,et c'est cette taille et cette variété qui font ses perfor-mances et lui donnent ses qualités. Cette échellenécessite plus et mieux que ce qui est prévu dans leschéma directeur. Il faut améliorer le fonctionnementd'ensemble de cette région urbaine, rendre sa traver-sée possible de part en part, jour et nuit, par les habi-tants comme par les acteurs économiques. De fait, ledéveloppement des services, l'externalisation de nom-breuses tâches, les livraisons à domicile, font aujour-d'hui de la logistique un des enjeux urbains majeurs.Cette échelle mégapolitaine est aussi celle des centra-lités spécialisées, qui rendent la mégapole particuliè-

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rement compétitive par rapport à des villes de taillesplus modestes. L'accessibilité mégapolitaine des cen-tralités spécialisées est donc stratégique.

• Enfin, en troisième lieu, il y a l'échelle urbaineintermédiaire, celle qui correspond aux grands équi-pements publics et privés qui existent en assez grandnombre dans la mégapole et qui doivent la mailler àune échelle supracommunale. C'est à cette échelleque doivent être organisées les diverses centralités{( généralistes », qui mêlent autant que possible desfonctions diverses, commerciales, éducatives, cultu-relles, sanitaires etc.

Ces trois échelles, ces trois métriques écriraitJacques Lévy, renvoient à des types de pouvoirs locauxdistincts, à des types d'équipements et dans une cer-taine mesure, à des priorités différentes en matière detransports. Le schéma directeur aurait gagné à lesprendre en compte de façon plus explicite, en classantles priorités pour chacune d'entre elles. De même, leschéma directeur serait plus convaincant s'il faisait deschoix clairs sur la ou les manières d'articuler ces diffé·rentes échelles. Il ne suffit pas en effet de parler depolynucléarité, mais il faut expliciter les manières donton va précisément polariser des activités et articulerces polarités de tailles et de natures différentes. Peut-on ainsi à la fois fermer de fait la zone centrale à lafaçon londonienne (même si c'est sans péage), déve-lopper une centralité périphérique sur le modèle deTokyo (tout le long du périphérique), conforter leslogiques départementales en pétales sur le modèle deMadrid Sur, renforcer les grands pôles à vocation inter·nationale existants tout en rééquilibrant la région àl'Est, conforter de fait les lignes de structuration héri-tées de la politique des villes nouvelles tout en ran-geant tout cela dans des « faisceaux », {( assemblagesde choses semblables, de forme allongée, liéesensemble» (selon le Robert) dont on peine à trouverune trace dans l'espace et dont on voit mal sur quelleslogiques et sur quels acteurs ils pourraient s'appuyer?Peut-on à la fois, comme l'ambitionne le schéma,{( articuler compacité, densité, cohérence, mixité etproximité », dans une région dilatée et hétérogène,dans laquelle les modes de vie et les attentes des habi-tants sont diversifiés? Peut-on « rendre le cœur d'ag-glomération plus accessible », {(densifier tout en « ren-forçant la place de la nature dans la ville»?

Décidément, on trouve tout dans ce schéma direc-teur et c'est bien finalement ce qui constitue sa princi-pale faiblesse ...

F.A.

1.TNS-SOfRES, Les Français et leur habitat. Perception de la densité et desformes d'habitat. Ëtude réalisée du 10 au 12 janvier 2007 en face â face auprèsd'un échantillon de 1 000 personnes représentatif de la population françaiseâgée de 18 ans et plus. Méthode des quotas (sexe, âge, profession du chef deménage) avec stratification géographique. (http://www.tns-sofres.com/etudes/pol/150207 _ville.htm)

2." La destruction de Paris ", par Michel Deguy, Libération, mercredi 24 janvier 2007

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Le dessous des cartes du SORIF

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La première version du projet de SDRIF,rédigée en novembre 2006, met ['accent sur trois grandsdéfis pour la région lle·de·France: luUer contre les inégalités internes, faire face aux changementsclimatiques et mieux positionner la région dans la mondialisation. Trois défis certes majeurs, etlonguement développés, mais très peu d'éléments de diagnostic socio-économique. Est réaffirméela position « triomphante, à biens des égards, de l'Ile-de-France, comparée aux autres grandesmétropoles mondiales - par exemple à travers le classement Fortune 2006 qui en fait le deuxièmepôle mondial d'implantation des 500 plus grandes entreprises du monde, ou le fait que l'indicateurde développement humain de l'ONUla classe également en seconde position pour la qualité de lavie, ou encore que la région soit, avec Londres, le premier pôle de recherche européen ... Tout cela,et bien d'autres choses, est vrai et réjouissant. On y précise aussi que « la position de l'Ile-de-Francesemble s'éroder: sa croissance moyenne de 2,4 % fan (1995-2002) a été beaucoup plusfaible que celles des principales métropoles américaines, européennes (Londres, 8 %; Istanbul,3,9 %; Madrid, 3,7 %); coréennes (Busan, 7,S % ; Séoul,6,S %) ... )} - mais, estime LaurentDavezies, sans véritablement faire mine de "soulever le capot" et d'identifier d'où proviendraientla ou les pannes. Or l'avenir souhaité de la région ne se joue-toi! pas aussi dans la façon donton identifiera et traitera les mécanismes qui contribuent à en ralentir le développement?Sans viser à l'exhaustivité, l'auteur décrit et analyse ici quelques-unes de ces tendances lourdes',et parfois ignorées, qui affectent aujourd'hui la région Ile-de-France.

Quelle que soit la source, on observe une forte pénali-sation de l'emploi francilien depuis 15 ans jusqu'au-jourd'hui: en termes d'emploi total (Insee), la régionperd entre 1990 et 1999 de l'emploi (-35000) quand laprovince en gagne (+746000). Le décrochage franci-lien représente t'équivalent de 270 000 emplois (parrapport à ce qu'aurait été une croissance au mêmerythme que la province), pour l'essentiel dans Paris.

L'emploi en panne,le chômage en routeLàoù beaucoup d'experts lisent un étalement de l'em-ploi entre Paris et la banlieue, il faut voir un véritabletrou d'air pour l'ensemble de la région. L'emploi sala-rié privé, entre 1993 et 2005 progresse de 12 % contre22 % en province. Contrairement à ce que l'on entendsouvent, la période récente, d'après 2000, n'est pasmarquée par un redressement de la position franci-lienne, au contraire, et encore moins parisienne (c'estmême à une forte chute de l'emploi salarié privé quel'on assiste à Paris depuis 1999 et surtout 2002).L'emploi public ne se porte pas mieux et progressedeux fois moins vite en Ile·de-France qu'en province(respectivement + 11% et + 19% entre 1989 et 2002).En dépit d'un ralentissement démographiqueentre 1990 et 1999, la croissance d'individus en âge detravailler (+ 171000 personnes de 20 à 59 ans) seheurte à la réduction de 35000 emplois dans le mêmetemps dans la région. Cette tension se traduit par uneaugmentation du nombre d'actifs (+ 136 000), uneréduction légère du nombre d'actifs occupés (- 24 000)

et une explosion du nombre de chômeurs (+ 160000).Le taux marginal de chômage de ta région a donc étéde 120 % (contre 36 % en province). Résultat: le tauxde chômage de l'ile-de-France converge vers le tauxnational.

Une jeunesse illusoire de sa populationOn entend souvent dire, et te SDRIF y revient, qu'unavantage majeur de la région tient à sa jeunesse liéeà son fort solde naturel: 19 % de la population fran-çaise, avec 22 % des naissances pour 15 % des décès.Cette « jeunesse }) tient largement au fait que larégion a peu de « vieux », qui la fuient (14,6 % desplus de 60 ans français), en emportant leurs reve-nus ... Si l'on mesure la part des moins de 20 ans dansla population de moins de 60, la position francilienneest moins flatteuse: 30,3 % contre 31,5 % en pro-vince! Cette jeunesse initiale est également contra-riée par le très fort solde migratoire négatif desjeunes: leur solde migratoire (- 184000) est presqueaussi mauvais que celui des plus de 60 ans (-207 000). On propose un « taux grossier de natalitérégionalement utile }} (TGNRU), qui calcule un taux denatalité net des migrations des moins de 10 ans. Il estle même que celui de la province (12 %). La « fuite»des jeunes (et de leurs jeunes parents) fait que larégion a nettement moins de 10-20 ans dans sa popu-lation que la province! Cette fuite des populations nese fait pas par étalement vers les territoires limi-trophes du Grand Bassin, 80 % du solde négatifmigratoire se faisant avec le reste du pays.

parLAURENT DAVEZIES,professeur à l'Institutd'urbanisme de Pans,Université de Paris XII

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• Une substitution actifs du public-actifs du privé

•• Contrairement à ce queJ'on entend souvent, la

période récente, d'après2000, n'est pas marquée

par un redressement de laposiUon francilienne, au

contraire, et encore moinsparisienne (c'est même à

une forte cilute de J'emploisalarié privé que l'on

assiste à Paris depuis 1999et surtout 2002). "

Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

Une fragmentation de la population entre desménages plus nombreux

Une autre évolution problématique tient aux désajus-tements liés aux différences de rythme de croissanceentre nombre d'habitants (+ 290 000 entre 1990et 1999), nombre de ménages (+280000) et nombrede titulaires de revenu (+ 168000). À la différence dela province dans laquelle l'augmentation du nombrede titulaires de revenus est supérieure à celle desménages, en Ile-de-France, avant même de parler deménages dotés de deux titulaires, le taux marginal decouverture des ménages par des titulaires de revenun'est que de 60 %. Mécaniquement, cela signifie plusde ménages sans revenu (du travail ou de pensions) etdonc plus de pauvres. En 2004, 214000 ménages fran-ciliens vivent du RMI et leur nombre a augmenté beau-coup plus rapidement, depuis 2000, qu'en province.

Entre 1990 et 1999, comme en Province mais plusencore en Ile-de-France, le nombred'emplois masculins recule quandcelui des femmes augmente en com-pensant - partiellement - lespertes mascu lines: 128000hommes pour + 78000 femmes. Leplus gros des pertes nettes d'emploismasculins a été le fait des industries,du commerce, de l'artisanat et del'agriculture. Le plus gros des créa-tions d'emplois féminins a été le faitdes services et parmi eux des servicespublics. L'emploi public a contribué,au minimum, à la moitié des créationsnettes d'emploi du pays entre 1989et 2002, et cela plus nettement enprovince qu'en Ile de France.

La montée en puissance de l'em-ploi féminin, particulièrement dans

les services publics, a favorisé les femmes de la classemoyenne et la progression de la part de ses ménagesbi-actifs. Une analyse par quintile de population de lapremière couronne, classée selon le niveau de revenumoyen de leur commune de résidence, rend compte,pour les cinq quintiles, du fait que plus les secteurssociaux/spatiaux sont pauvres plus ils sont pénalisésen termes de pertes d'emploi masculin et moins ils sontbénéficiaires des gains d'emplois féminins. Ce méca-nisme est à l'origine d'un creusement spectaculaire desdisparités sociales entre les ménages et les communesde la région.La montée en puissance des ménages bi-actifs constitue un puissant facteur d'accélération de laségrégation spatiale avec la fuite des bi-actifs vers desterritoires résidentiels pour beaucoup de deuxièmecouronne). Les500 communes d'Ile-de-France dans les-quelles la part des femmes dans la population active ale plus augmenté se trouvent en deuxième couronne!

Date de parution: 11.05.2007

De fortes discriminationsdans l'accès à l'emploiOn ne dispose pas de statistiques ethniques permet-tant de mesurer les effets négatifs des phénomènes dediscrimination dans l'accès à l'emploi en France ou enIle-de-France. Cette question se pose pourtant d'au-tant plus que la part des emplois « exposés» au regarddes consommateurs - avec la montée des services -a fortement augmenté alors que celui des emplois« protégés », derrière le mur des usines, a décru. Lasuperposition des géographies de la pauvreté dans larégion et de celle des populations issues de l'immigra-tion, ainsi que la montée des phénomènes de pauvreté- plus rapide en Ile-de-France qu'en province depuisune dizaine d'années - suggèrent, dans ce registre, laprésence dans la région d'importants gisements degraves problèmes pour les politiques publiques ...

La désorganisation du marché de l'emploifrancilienCes dernières années, déclin socio-économique et éta-lement urbain se sont produits simultanément. Laquestion est de savoir s'ils sont indépendants ou liésentre eux... L'étalement des logements et de leurs habi-tants a été plus fort que celui des emplois entre 1982et 1990. Sur la période censitaire suivante, c'est l'in-verse. Entre 1990 et 1999, l'essentiel des créationsnettes d'emploi de la région est le fait des départe-ments de la deuxième couronne. On entend souventdire que le fait que les emplois « rejoignent » les actifsqui se sont portés vers des résidences périphériquesest une bonne nouvelle et permet de rapprocheremplois et logements. De plus, cette évolution introdui-rait plus «d'équité» de développement territorial entrele cœur de l'agglomération parisienne dotée d'un tauxd'emploi insolent et les espaces périphériques « dor-toirs ». Ces deux points de vue sont discutables. Sur« l'équité », d'abord. Si la nouvelle géographie de l'em-ploi est plus favorable aux espaces périphériques, c'estmoins au bénéfice de leurs actifs que de leurs collecti-vités locales - avec notamment le reste d'effets fis-caux que l'impossible réforme de la Tp autorise. La« justice» dans le partage de l'emploi entre sous-terri-toires d'un même bassin d'emploi n'a aucun rapport, aumieux, avec la justice pour les populations de ces terri-toires. La péri-urbanisation des logements et la concen-tration des emplois au centre, également accessibleaux actifs de tous les quadrants via des transportsradiaux économiques et amicaux avec ['environnementne pose que des problèmes de consommation d'es-pace. C'est le « petit enfer ». L'étalement simultané desactifs et des emplois ne garantit pas que pour un actifdonné, ['emploi qui l'intéresse se localise près de chezlui. Si cet emploi se localise dans d'autres quadrants, iln'y a plus accès ou seulement, pour les plus proches,en voiture. La solution « à l'Américaine» consistant àdéménager pour se rapprocher de l'emploi est exclue

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

du fait des « artefacts» que constituent les freins à lamobilité résidentielle que l'on soit propriétaire ou loca-taire social ou privé. C'est le « grand enfer ». L'ile-de-France semble passer du petit au grand ...

Le coût économique de l'étalementLes théories actuellement dominantes éclairant les rap-ports entre dispositifs territoriaux et croissance sont una-nimes, derrière les auteurs de la « Nouvelle GéographieÉconomique» à considérer que la concentration des fac-teurs de production constitue un facteur de succès desmétropoles des pays industriels. La productivité (valeurajoutée par unité de production) dépend de la présence etde l'accessibilité d'un grand nombre de ressources diver-sifiées dont ont besoin les firmes. Plusieurs auteurs> ontanalysé de façon intéressante le redéploiement actuel del'activité sur le territoire régional, mais sans en tirer deconclusion particulière sur ses implications sur l'efficacitééconomique de la région. Les chercheurs de l'Institut d'ur-banisme de Paris (université Paris Xli) ont essayé d'appor-ter des éléments de réponse à cette question.

On sait que plus les marchés, à commencer par celuidu travail, sont grands, denses et accessibles, mieux ilsfonctionnent. Le modèle Prud'homme & Chang-Lee3 apermis de mettre en lumière La taille effective du marchéde l'emploi (TEME) qui est une mesure de l'emploi acces-sible en un temps donné aux actifs d'une ville. CetteTEME dépend de trois facteurs: la taille, la densité et lavitesse moyenne des déplacements. De cette TEME

dépendent la productivité et le niveau du PIBde la ville.Les travaux ultérieurs menés par Wenglenski et Orfeuil4

ont permis de mesurer la dégradation de la TEME de l'lle-de-France entre 1990 et 1999: l'étalement des emploiss'est accompagné d'une réduction des vitesses rou-tières de l'ordre de 8 %. L'auteur de cet article a intégréces dernières données au modèle Prud'homme-ChangLee, en considérant que la TEME francilienne s'est réduitede 5 % entre 1990 et 1999. Il résulte de ces calculs uneperte annuelle de PIB de l'ordre de 4 milliards d'euros(en gros l'équivalent du budget du conseil régional...)liée à la montée des dysfonctionnements du marché del'emploi combinant étalement, changements modaux etralentissement des déplacements.

Le coût social de l'étalement

Wenglenski (2006) le mesure précisément: ['étalementdes emplois et des actifs en Ile-de-France est surtout lefait des employés et ouvriers. Les cadres restant aucœur de l'agglomération. S'il y a nette dégradation desconditions d'accès aux emplois, c'est surtout au détri-ment des premiers. De façon générale, on assiste à uneréduction des échanges domicile-travail entre la ban-lieue et Paris et à une forte augmentation des déplace-ments concentriques entre zones de banlieue, orthogo-nalement aux grands axes de transport. Le nombre desParisiens travaillant à Paris se réduit quand celui des

Date de parution: 11.05.2007

Parisiens allant travailler en banlieue augmente. Maisce n'est pas vrai pour tout le monde. Dans une analysepar quintile, on observe que les actifs des zones lesplus riches de banlieue sont plus nombreux à aller tra-vailler à Paris - en bénéficiant des infrastructures detransport abondantes - alors que ceux du quintile leplus pauvre se sont réduits. L'étalement de l'emploi etl'effondrement de l'économie parisienne se traduisentpar une augmentation de ('aire géographique périphé-rique d'emploi des quintiles les plus défavorisés et parson maintien pour les plus favorisés. Ce sont donc lesactifs les plus vulnérables qui voient le plus augmenterla distance à leur emploi, et cela dans des espaces maldesservis par les transports collectifs.

• Des déplacements domicile-travail moinsnombreux ... mais plus souvent en automobile

Le déplacement des emplois se traduit par un change-ment modal au profit de l'automobile. Alors que lenombre de déplacements domicile-travail (aller-

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retour) s'est réduit de 67000 entre 1990 et 1999, dufait de la crise francilienne de l'emploi, le nombre deceux effectués en voiture a augmenté (de l'ordre de14000). À Paris, on peut mesurer que le nombre dedéplacements domicile-travail concernant un emploiparisien s'est réduit de 24700 déplacements alorsque le nombre de parisiens allant travailler en ban-lieue en voiture a augmenté de 23500 ... dans uncontexte de réduction de l'emploi francilien del'ordre, au minimum, de 160000 sur la période! L'es-sentiel de l'augmentation des déplacements domi-cile-travail en voiture est le fait de la deuxième cou-ronne, avec de l'ordre de + 87000 déplacementssupplémentaires

• Lafracture automobile

L'lIe-de-France, traditionnellement faible consomma-trice de combustibles fossiles commence à rattraperson retard: pour une augmentation de 3 % de sapopulation, le nombre d'automobiles en Ile-de-France progresse de 12 % entre 1990 et 1999. D'équi-pement du ménage, l'automobile tend à devenir unéquipement de la personne et particulièrement enbanlieue (les Parisiens voient leur nombre de voi-tures se réduire légèrement) : 67 % de la variation dunombre de véhicules de la région sont desdeuxièmes voitures (la « voiture de madame »). À lamontée et la périurbanisation des ménages bi-actifscorrespond une montée des ménages bi-motorisés.Si les plus aisés des ménages franciliens restentvivre et travailler au cœur de l'agglomération enbénéficiant des infrastructures de transport public,les péri-urbains de la classe « moyenne-moyenne»sont plus dépendants de l'automobile. Les pluspauvres, quant à eux (le quintile le plus pauvre de lapopulation communale de la première couronne),sont dans la catégorie qui a le moins progressé entermes de motorisation (alors qu'on a vu que leuraire d'emploi s'agrandissait et que leurs emploisparisiens se réduisaient) et subissent, par rapportaux autres quintiles, une aggravation de l'inégalitéde taux de motorisation en leur défaveur.

• « Paris et le désert français»

On observe en France, comme dans quelques autrespays mais peut-être plus fortement encore, une désaf-fection générale vis-à-vis de sa capitale. Moteur de lacroissance nationale, première pompe à redistribuerle revenu vers les autres territoires, l'Ile-de-Francereste pourtant, aux yeux de la plupart des acteurspublics, toutes tendances confondues, une sorte desystème parasitaire et pantagruélique vis-à-vis d'uneprovince qui resterait pénalisée. Pariset le désert fran-çais semble rester le livre de chevet de beaucoup desdirigeants de ce pays, qui entendent, par des poli-tiques d'aménagement du territoire, opérer un« rééquilibrage» en sa défaveur.

Date de parution: 11.05.2007

La « régionalisation de la recherche»

Une des politiques les plus réussies, et encore en cours,de rééquilibrage entre l'Ile-de-France et la province estcelle de la « régionalisation de la recherche ». On sou-haite à d'autres politiques publiques, comme cellesconcernant l'endettement de la France ou les quartiersdits de la politique de la ville, un même succès. Desannées 1980 à aujourd'hui, comme l'ont souligné plu-sieurs études de l'IAuRIF,le poids de la recherchepublique en Ile-de-France passe de l'ordre de 55 % desmoyens nationaux à moins de 40 %. La recherche privéedécline aussi, en termes relatifs vis-à-vis de la province,mais se maintient plus près des 50 %. Alors que larecherche constituerait le premier facteur de compétiti-vité du pays et que l'on sait que l'effort, en part du PIS,yest encore faible, le fait que l'Ile-de· Francesoit légère-ment au-dessus de l'effort national moyen européen estconsidéré comme inéquitable vis-à-vis des régions deprovince. Déshabiller Pierre pour habiller Paul commeon le fait suggère que tous les territoires français sontsusceptibles de contribuer également et avec la mêmeefficacité aux efforts nationaux de recherche. Saconcen-tration serait un obstacle plus qu'un facteur d'efficacitéde la recherche. L'analyse des succès franciliens enmatière de recherche (notamment mesurés par la fré-quence des prix Nobel et des médailles Field) suggèrepourtant que si la région doit être comparée, à cet égard,avec d'autres, ce n'est ni avec les autres régions fran-çaises ou des pays industriels mais avec Boston et SanFrancisco, les deux autres villes mondiales les plus spé-cialisées dans la matière grise.

• L'arbitrage des migrants entre revenu nominal,parité locale de pouvoir d'achat et qualité de la vie

L'lIe-de-France subit un phénomène nouveau et quicontredit ce que ['on connaît des flux migratoires. Tousles modèles migratoires montrent que les actifs par-tent toujours de territoires moins développés pour seporter vers d'autres plus développés. Ce n'est plus lecas. Le déficit migratoire francilien se creuse, et enfaveur de territoires moins développés que l'Ile-de-France, par une sorte d'effet d'écho par rapport à ceque l'on connaissait dans les décennies passées. Deplus, comme le montre Sophie Gonnard5 les régionsles plus attractives pour les migrations d'actifs sontcelles dans lesquelles le revenu des nouveaux arri·vants progresse le moins! Il existe donc d'autres fac-teurs de migrations que sont le coût de la vie et la qua-lité environnementale, au sens large, (encore quecette qualité soit en partie inclue dans le niveau desprix). Dans un contexte dans lequel les différencesinterrégionales de salaires, à emploi donné, se sontréduites, et dans lequel les écarts inter-territoriaux deparité de pouvoir d'achat sont très importants (dumoins peut-on le penser, en l'absence de données offi-cielles), il est normal que les actifs non captifs d'em-plois spécifiquement franciliens partent en masse

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s'installer en province. On a tenté, dans le cadre de cerapport, d'estimer un indice de pouvoir d'achat dépar-temental (sur la base des données de loyers de biensimmobiliers comparables). On voit qu'alors que lesfranciliens ont un indice de revenu par habitant (Ros)de 124 (pour un indice de PIS par habitant de 154),leurpouvoir d'achat est de 107 (alors que l'indice de tauxd'emploi de la population francilienne est de 112!). Sil'on effectue le calcul net des effets de structure, pourun actif donné ayant le même emploi en Ile-de-Francequ'ailleurs en France, son indice de pouvoir d'achatest de 95 (pour un indice de salaires de 110). Cesquelques indices PIS, Ros, pouvoir d'achat 654 ... 124...112... 95) sont, réunis, une sorte de haïkou décrivanten quatre chiffres une grande part des phénomènesaffectant aujourd'hui la région.

La sous-consommation et ses effetssur l'emploi francilienLa géographie de la consommation des ménages déter-mine largement la géographie de la création nette d'em-plois « domestiques» qui, étant souvent faiblementqualifiés, sont susceptibles de réinsérer les actifs lesplus vulnérables. En bref, la géographie de la consom-mation détermine largement, en négatif, celle de la pau-vreté. Dans le cas francilien, on observe une doublepénalisation: c'est l'une des régions françaises danslesquelles le volume de revenu distribué aux ménages ale moins progressé et c'est celle dans laquelle laconsommation des ménages aurait le moins progressé.

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La mesure de l'impact sur l'emploi de cette doublepénalisation pose des problèmes méthodologiques malrésolus dans la littérature Une méthode peut être pro-posée, fondée sur l'analyse détaillée, pour chacun des220 secteurs d'emploi salarié privé, de la corrélationentre variation du volume de revenu des ménages etvariation du volume de l'emploi dans les départementsfrançais. Les 6,2 millions d'emplois qui semblent voirleur évolution la plus corrélée depuis 13 ans à celle durevenu (au total, coefficient de corrélation de 0,85)constituent sinon la totalité des emplois « domes-tiques» du moins une part significative (ils représen-tent 40 % des emplois salariés privés français en 2003).

L'estimation ainsi proposée permet de constaterque ces emplois ne progressent que de 7 % en Ile·de-France entre 1993 et 2003 contre 24 % en province. Autotal, on voit que l'emploi domestique francilien estdoublement pénalisé: d'abord du fait de ['inflexion dela croissance de revenu qui produirait un manque àgagner de ['ordre de 120 000 emplois et ensuite du faitde la mauvaise transformation de son revenu enconsommation (ou de sa faible propension à consom-mer localement) qui produirait un autre « manque àembaucher» de l'ordre de 105000 emplois. Au total,ces deux déficits, pour avoir un ordre de grandeur,représentent 8 % de l'emploi salarié privé francilien en2004! Finalement, infortunes de la vertu, l'Ile-de-France, contrairement à la province, apparaît meilleuredans la création d'emplois productifs « exportateurs )}de biens et de services vers l'extérieur de la région

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Le décalage PIB-revenudes ménages-consommation

•• I.;/Je-de-France compteplus de ménages sans

revenu (du travail ou depensjons) que la province,

et donc plus de pauvres.En 2004, 214000 ménagesfranciliens vÎVent du Rlvl1 et

leur nombre a augmentébeaucoup plus rapidement,

depuis 2000, qu'enprovince. "

Dossier: ILE DE FRANCE

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que dans celle d'emplois « domestiques ». Cesont cesderniers qui pourtant permettent de maintenir unecohésion sociale que les premiers tendent à déstabili-ser... et il est donc normal que la situation sociale de]'lle-de-France (chômage, pauvreté, ségrégations ...) sesoit plus rapidement dégradée ces dernières annéesqu'ailleurs en France (sachant que de nombreux terri-toires « de consommation» en province enregistraientune évolution sociale inverse 1)

Pour mieux comprendre le fonctionnement de cemodèle francilien, on peut tenter d'éclairer, avec lesrares données disponibles, les mécanismes successifsde dégradation des fondamentaux, du PISau revenupuis du revenu à la consommation. Le décalage entrele PIS et le revenu francilien tient' aux transfertspublics liés au budget de l'État6 - de l'ordre de 5 % deson PIS-, par le jeu des géographies contrastées desprélèvements et des dépenses publiques. L'lle-de-France se trouve là dans une situation proche de celled'autres grandes métropoles occidentales, comme

Londres.' Un mécanisme de mêmetype et de même intensité joue avec lejeu des cotisations-prestationssociales. Avec 22 % des actifs fran-çais, la région ne retient que 15 % desretraités ... 3 un troisième mécanismeporte sur l'exportation des revenus dutravail dans les activités franciliennes,du fait des 260000 actifs de provincetravaillant en lIe-de-France et quiramènent à leur région de domicile del'ordre de 5 % des revenus du travailde l'Ile de France.4 On ignore le mon-tant des revenus du capital d'activitésfranciliennes qui sont exportés en pro-vince et à l'étranger.

La deuxième pénalisation de la région, après ce pas-sage du PISau revenu, tient à l'apparente sous-propen-sion à consommer localement et à l'insuffisante trans-formation de son revenu en consommation locale. Lapublication récente de statistiques de « présence» 7

dans les départements français permet de lever unepartie du voile sur ce phénomène: les franciliens sont,en hommes-année, beaucoup plus nombreux dansl'année (2003) à se déplacer ailleurs que les touristesfrançais et étrangers à venir en lle-de-France. Le déficitest de l'ordre de 4 % (500000 habitants) de la popula-tion recensée francilienne. Cela signifie que le déficitde consommation lié à cette performance déplorableen termes de « tourisme net» correspond à quelquechose comme un million d'habitants (du fait du pouvoird'achat des mobiles double de la moyenne), soit laconsommation d'aires urbaines comme Nantes ouStrasbourg! On peut penser, une nouvelle fois, que la

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panne sociale de l'Ile-de-France trouve une grande partde son origine dans cette panne de « solidarité mar-chande » qu'est la consommation.

Solidarité, proximité, mixité, connexité, ...

Tout cela amène à rediscuter et actualiser les analysesd'auteurs comme Damette (<< la ségrégationdissociée »), Sassen (<< les métropoles tournant le dosau reste du pays ») ou Donzelot (<< la ville à troisvitesses »). On peut avancer que la ségrégation hierassociée dans l'entreprise n'est pas dissociée - entreles ménages et les activités domestiques - tant queles « gagnants» de la mondialisation consommentlocalement; que la métropole francilienne metaujourd'hui en œuvre des mécanismes de solidaritéde développement pour l'essentiel sur un mode -puissant, voire suicidaire? - interrégional et moinsque jamais intrarégional. La« ville à trois vitesses» deDonzelot pourrait être complétée par une quatrième:la « ville à la campagne » (les franciliens sont leschampions du monde de la maison de campagne 1).Finalement, là où le déficit de « mixité» est souventprésenté comme le facteur majeur de perte desolidarité dans la région, on peut penser qu'il ne faitque marquer un essai que transforme le déficit de« connexité », d'échange marchand entre « riches» et« pauvres », dans le secteur domestique.

On le voit, tous ces problèmes n'appellent pas desolution simple dans le registre des politiquespubliques régionales. Parfois, certains de ces pro-blèmes échappent même largement à des stratégiespolitiques connues. Pour autant, ne pouvant y trouverde réponses toutes faites, faut-il les ignorer?

l.D.

1. Cet article résume ies conclusions d'un rapport préparé pour l'InstitutCaisse des Dépôts pour la Recherche et la Caisse des Dépôts.

2. Gill! Frédéric, " La région parisienne entre 1975 et 1999: une mutation géo-graphique et économique ", Économie et Statistiques n'387-2006. Halbert,Ludovic, " Les métropoles, moteurs de la dématérialisation du systéme produc-tif urbain français: une lecture sectorielle et fonctionnelle (1982-1999) ", Bui-letin de l'Association des Géographes Français, 3, 279-297

3. Prud'homme, R., Chang Lee, 1999, " Size, Sprawl, Speed and the Efficiencyof Cities ", Urban Studies. Vol. 36, No 11, pp. 1849-58

4. Wenglenski Sandrine, (2003). Une mesure des disparités sociales d'acces-sibilité au marché de l'emploi en ile-de-France, thèse de doctorat, IUP-Univer-sité de Paris XII -Val-de-Marne

5. Sophie Gonnard (2006), L'inversion des /lux migratoires interrégionaux: denouveaux rappot1s entre migrations internes et développement territorial?Thèse de doctorat CRETEIL-Institut d'urbanisme de Paris-Université Paris-Valde Marne. Polyg. 375 pages.

6. Davezies L (1999), Économie et Prévision, n0138-139, 11/111, 1999.

7. Terrier CH (Sous la dir.), 2006, Mobilité Touristique et population présente.Les bases de l'économie présentieile des dépat1ements, Ministère du Tourisme.Paris 128 pages

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lIe-de-France :tempéraments, classes sociales et centralité

«La division ancienne de la France en tempéraments avait ses inconvénients et ses ridicules à laPeppone et Don Camillo, ses guerres de cent ans comme celle de ('enseignement libre, mais elleempêchait que la question sociale et la question territoriale fusionnent. Or la fusion est en trainde s'opérer sous nos yeux. Au lieu de la regarder en face et d'envisager les moyens de reconstruireune citoyenneté à la périphérie, nous faisons une fixation sur le problème des cités qui est pourune large part un problème du passé en voie de règlement. »

Relocalisation des classes sociales

Ces quelques chiffres montrent que les effets desdeux catégories s'additionnaient ou se superposaient,ce qui obligeait à tenir compte des deux à la fois.

Cette description appartient largement au passé carde nouvelles différenciations se sont développées jus-qu'à exercer une influence dominante en 2002, puisau referendum sur la constitution de l'Europe en 2005

et sans doute en 2007. Les classes sociales se sontterriorialisées. Auparavant, il existait des quartiersbourgeois et ouvriers dans les grandes villes. Mainte-nant, les ouvriers ont été repoussés des villes. Ils sontdevenus les plus nombreux dans les campagnes inter-médiaires. Leur répartition spatiale suit trois lignes dedémarcation: ils sont rares au centre et à la premièrepériphérie des grandes villes (la petite couronne pourParis), ils restent peu fréquents dans le Sud-Est et au

par enquête simple, tandis que l'analyse des tempéra-ments suppose des instruments plus élaborés. Jus-qu'à une époque récente les deux catégories faisaientjeu égal. D'un côté, les différences d'affiliation parti-sane mettaient les ouvriers à gauche et les cadres àdroite, de l'autre côté, les régions de l'Ouest, l'Alsace,le sud du Massif Central, votaient à droite, le Limou-sin, le Sud-Ouest, le Languedoc à gauche. Les deuxcatégories s'ignoraient car elles n'étaient pas saisiespar les mêmes instruments. Avec la carte, les géo-graphes travaillaient sur les tempéraments, avec lesondage, les sociologues s'occupaient de classessociales. Comment s'effectuait le croisement desdeux? Une tentative d'évaluation sur les résultats desélections Législatives de 1978 donnait par exemple lesproportions suivantes de votes exprimés pour le PKdans deux régions:

parHERVÉ LE BRAS,directeur d'étudesà l'EHESS, directeurdu laboratoire dedémographie histOrique(CNRS-EHESS)

Limousin35 %22 %

Alsace7%2%

Ouvrierautres

L'espace électoral français a longtemps été décrit àl'aide de deux catégories: les tempéraments et lesclasses sociales. Les tempéraments, nom choisi parAndré Siegfried dans son magnifique Tableau poli-tique de la France de /' Ouest, reflètent l'histoirelongue des pays français au sens de Vidal de LaBlache, ces communautés relativement homogènesdont plusieurs centaines d'entre elles composent laFrance entière. Siegfried recourt à de nombreux fac-teurs pour décrire l'orientation politique des pays. Ilprivilégie d'abord le sol ou plutôt le sous-sol, qui semanifeste souvent par une agglomération ou une dis-persion de population rurale. C'est le sens de sacélèbre formule selon laquelle le granit produit le curéet le calcaire l'instituteur. Mais il tient aussi compte durégime de propriété, remarquant que lorsque celle-ciest morcelée, l'esprit républicain est plus fort quelorsqu'elle est constituée par de grands domaines.Dans l'Anjou où de grands propriétaires possèdentpresque tout le sol, le château et le clocher imposentleur opinion note le géographe, mais au sud deNantes, dans le vignoble où la petite propriété est larègle comme dans la plupart des régions vinicoles,c'est l'esprit démocratique qui l'emporte. Enfin, arrivéau nord de la Bretagne, puis parcourant le Cotentin,Siegfried croit distinguer la trace de mouvements trèsanciens de population, l'installation de Normands aucap de la Hougue, l'arrivée de Bretons à la suite deNominoé au Vil" siècle, dans le Trégor et le pays deLéon, populations qui auraient transmis et conservédes types de sociabilité différents, donc des attitudespolitiques particulières.

La seconde catégorie, celle des classes sociales estsuffisamment connue pour qu'on ne la développe pastrop. C'était au départ une composante indispensableà la vision marxiste de la lutte des classes. À l'arrivée,elle s'est combinée avec la notion plus ancienne demétiers pour donner naissance aux catégories socio-professionnelles ou Cs utilisées et recensées par l'IN-SEE. Les instituts de sondage privilégient ['analyse desclasses sociales car ils peuvent mesurer les opinions

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•• Lorsqu'on addWonneles votes tribuniciens dansla région parisienne et quel'on trace la carte de leur

importance au niveaucommunal, on est saisi par

la régularité duphénomène: à partir d'un

centre situé à peu près surNeujJly où le vote

tribunicien est inférieur à20 %, ce dernier gagne

progressivemen t enimportance. Cinq

kilomètres plus loin, ildépasse 25 %, puis 35 % à

dix kilomètres. Il atteint45 % dans pratiquement

tout le Vald'Oise, la Seineet Marne, le sud de

J'Essone et le nord-ouestdes Yvelines ... "

Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

sud d'une ligne Dax-Chateauroux-Montpellier. Enfinils ne se sont pas encore installés dans le rural le plusprofond, plaines de la Meuse, Bretagne intérieure,Cotentin ou Nivernais. Le malaise des cités fait partiede ce mouvement général. Autrefois bastions ouvriers,elles ont été encerclées par \a croissance des classesmoyennes et supérieures. Elles deviennent géographi-quement des sortes de kystes dans un tissu social quileur est hétérogène. D'ailleurs, alors que la répartitionspatiale des cadres et des professions libérales faitressortir les centre-villes, celle des professions inter-médiaires est au contraire beaucoup plus étendueautour des centres urbains de la première périphériejusqu'au péri-urbain, cette zone indistincte entre villeet campagne, sans urbanisation concertée ni servicespublics adaptés. La relocalisation des classes socialess'est accompagnée d'une perte de ses affiliations poli-tiques traditionnelles. Au cours des vingt dernièresannées, les ouvriers dont le vote à gauche dépassait lamoyenne nationale de 14 % (63 % contre 49 % auxprésidentielles de 1988) ont rejoint exactement \amoyenne nationale en 2002 (43 %).

Dans le même temps, les tempéra-ments ont perdu une partie de leurinfluence. Certes, le pays de Léon, laVendée, l'Alsace, l'Ouest profond, [epays basque, bastions de la religioncatholique, continuent de pencher àdroite, mais des régions laïquescomme la Champagne ont basculé àdroite et de vastes parties de la Bre-tagne catholique votent maintenant àgauche. Il est difficile de cerner lescauses de cet affaissement. Les expli-cations habituelles par la modernisa-tion, l'influence de [a télévision, lesmigrations interrégionales ne sontpas suffisantes et ne permettent pasde comprendre a contrario le maintiendes tempéraments jusqu'aux années1990. Personnellement, je relierai lesdeux composantes du changement.En se territorialisant, les classessociales ont diminué l'homogénéitédes pays traditionnels. Désormais depetites villes qui étaient intégrées àleur région et fonctionnaient enosmose avec elle se retrouvent sou-vent en opposition. On le voit claire-ment quand on suit le vote pourChasse, pêche nature et tradition en2002 (Saint Josse) ou celui pour de

Villiers en 1995 qui évitent tous deux les aggloméra-tions alors qu'inversement (et ironiquement) le voteen faveur des candidats écologistes Mamère et Voynetet le vote en faveur du candidat des racines françaises,Chevènement, sont urbains (sauf dans une portion del'Est, adossée à la Suisse) et banlieusards.

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L'une des raisons de ces changements, tant dans ladistribution spatiale des classes sociales que dans l'af-faiblissement des tempéraments, tient à l'accroisse-ment rapide de la mobilité journalière des Français (etnon de leurs migrations internes dont la fréquence eststabilisée). Les enquêtes de l'Institut de recherche surles transports (INRETS) indiquent qu'entre 1975 et 2005,

le temps moyen de transport domicile-travail est restéle même, mais que la distance parcourue a doublégrâce à l'amélioration du réseau routier et à un usageplus fréquent de la voiture. Dans le même temps, lagénéralisation du travail féminin a grossi la proportionde couples bi-actifs pour qui la vie dans une grandeagglomération permet d'envisager plus facilement deschangements professionnels (en cas de migration, ilfaut trouver non pas un emploi mais deux emplois, cequi peut être difficile dans une petite ville quand cesemplois sont spécialisés). La distance des déplace-ments de loisir et de chalandise s'est aussi accruedans la même proportion, coupant les individus deleurs liens de voisinage. la fermeture des commercesde proximité a accentué ce mouvement non pas dedéterritorialisation mais de désaffiliation locale pourreprendre le terme du sociologue Robert Castel.

Les paradoxes du vote tribunicienCes changements n'ont pas eu véritablement de réper-cussion en termes de gauche et de droite de l'échiquierpolitique. Une troisième dimension du vote est apparueque l'on a qualifiée de "tribunicienne", reprenant leterme employé par le politologue Georges Lavau pourcaractériser ['attitude contestataire du parti commu-niste avant 1981. Les voix des ouvriers perdues àgauche ne sont pas allées à droite; les voix des rurauxperdues à droite ne sont pas allées à gauche. Les uneset les autres ont préféré les extrêmes de droite et degauche. Elles ont grossi au premier tour de 2002 [esscores de Le Pen, Laguiller, Mégret, Besancenot, Gluck-stein (pas beaucoup) et Saint Josse. Lorsqu'on addi-tionne ces votes tribuniciens dans la région parisienneet que l'on trace la carte de leur importance au niveaucommunal, on est saisi par la régularité du phénomène:à partir d'un centre situé à peu près sur Neuilly où levote tribunicien est inférieur à 20 %, ce dernier gagneprogressivement en importance. Cinq kilomètres plusloin, il dépasse 25 %, puis 35 % à dix kilomètres. Ilatteint 45 % dans pratiquement tout le Val d'Oise, laSeine et Marne, le sud de l'Essone et le nord-ouest desYvelines. Au-delà de l'ile-de-France, il dépasse locale-ment 50 % dans la plus grande partie de l'Oise (surtoutà l'ouest), le sud de l'Aisne, le nord du Loiret, l'ouest etle nord-ouest de l'Yonne, de l'Aube et de la Marne. Laperte d'intérêt pour la politique effective, celle querevendiquent en 2002 les candidats qui ont participé augouvernement à un moment ou à un autre (les Bayrou,Chirac, Jospin, Taubira, Chevènement, Mamère, Lepage,Hue) se révèle d'une autre manière tout aussi frap-pante: plus on s'éloigne du centre, plus la part repré-

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sentée par Jospin et Chirac dans l'ensemble des votespour les partis de gouvernement croît, ce qui indiqueune myopie de plus en plus accentuée, une incapacité àdistinguer des nuances au sein de la droite et lagauche. Au-delà de vingt kilomètres de Paris, on voitseulement la différence entre les deux grandes massesde gauche et de droite mais non leurs détails taubi-resques ou bayrousiens. Quand on compare les scoresdes tribuniciens de gauche et de droite en 1995 et en2002,leur croissance suit la même géographie. Elle estd'autant plus forte que l'on s'éloigne du centre. Onretrouve ces traits autour des autres métropoles régio-nales, mais de manière moins marquée.

Écartons rapidement quelques idées trop simples:la croissance des suffrages tribuniciens serait due àcelle de la proportion d'ouvriers dont on vient de voirqu'elle augmentait à mesure que l'on s'éloignait ducentre ville. Cette proportion est beaucoup trop faiblepour pouvoir expliquer un déplacement de 30 à 35 %des voix dans la direction des tribuniciens. Serait-cealors la présence des étrangers et des immigrés quipousserait à bout les électeurs? Les répartitions spa-tiales disent plutôt l'inverse puisque la proportiond'étrangers diminue régulièrement à mesure que l'ons'éloigne de Paris. Paradoxalement, ce sont enmoyenne dans les zones où ils sont le moins présentsque le vote d'extrême-droite atteint des sommets.Serait-ce le chômage? Il est nettement plus faible enrégion parisienne et même particulièrement faible làoù sévit le vote tribunicien. S'il faut chercher une cor-rélation, on la trouve plus brutalement du côté desrevenus des ménages: la carte du vote tribunicien enrégion parisienne et celle du revenu moyen sont trèsproches. Des détails fins sont communs aux deuxcartes, par exemple, en dehors de la petite couronne,l'existence de deux enclaves riches et non tribuni-ciennes, l'une autour de Fontainebleau et l'autreautour de Chantilly et de Roissy. On serait tenté deconclure que les différences de revenu et sans douteplus encore de patrimoine sont devenus insuppor-tables au point que de nombreux Français pensentqu'elles ne peuvent plus être résolues par les voiestraditionnelles de la politique, qu'elle soit le fait d'ungouvernement de gauche ou de droite.

Les personnes qui vivent en zone péri-urbaine à lalisière de l'ile-de-France ne sont pas des chômeurs nides assistés mais des travailleurs à la limite de leursressources. Ils se sont installés loin du centre à causedu coût du logement, donc faute d'héritage, de dona-tion ou d'aide de leur famille. Ils ont de longs trajetsdu domicile au travail avec l'angoisse du retard causépar un disfonctionnement de la SNCFou d'un embou-teillage suite à un accident de la route. Le temps prispar le transport est aussi pris sur la vie de famille, surles possibilités de s'informer et de discuter avec sesproches. Ils résident dans un territoire souventdéstructuré où ils ont peu de relations de voisinage etpeu de commerces ou de loisirs disponibles. Leurs voi-sins sont dans la même situation qu'eux alors qu'au

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contraire, d'anciens habitants des lieux, agriculteurset résidences secondaires comprises les voient s'ins-taller d'un mauvais œil. Ce sont dans ces communespériphériques que la rotation des habitants par suitede migrations est la plus importante. Ces éléments nesont heureusement pas toujours tous réunis. Pour lesbesoins de l'énumération, nous les avons rassemblés.Il existe, autour de Paris, nombre de lieux où la socia-bilité est bien développée, mais il existe aussi desconditions telles qu'on vient de les décrire. La situa-tion n'est pas comparable à celles des cités, mais lapauvreté réelle et l'insécurité financière y sont peut-être plus grandes.

La question-clef de la « centralité »Avons-nous épuisé la description? Non, pour le faire, ilfaudrait descendre au niveau de chaque bureau de vote,de chaque îlot pavillonnaire ou collectif car chacun a sonhistoire et ses particularités. Cependant, lié à ces diffé-rences sociales, il existe un autre phénomène majeur quirenforce le vote tribunicien et empêche le recours auxpartis traditionnels. Nommons-le "centralité". Il apparaîtquand on passe en revue systématiquement les diffé-rences entre la carte du vote tribunicien et celle des reve-nus. Parvenus à la frontière de la Marne, les revenusenflent brusquement. On pénètre dans l'une des régionsles plus riches de France,celle des producteurs de Cham-pagne. Plus généralement, la carte de la richesse enFrancedépend de deux variables seulement: la centralitéurbaine et la production de vin d'appellation contrôlée(ou de Cognac et d'Armagnac). Or, la Champagne a unvote tribunicien autant que la Picardie beaucoup moins

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exposé dèwilÙ}. de la méthode.

tribuniciens au premier tour de la prési-dentielle de 2002 et de la répartitiondes revenus: la Champagne vote unpeu moins pour le non qu'elle n'est tri-

wtiw;" d" ",i"'Cts ,,,,,,,.,uidda bunicienne et la Seine Saint-Denis unSltT-repreSl!1ltee . ~7Ir.T{!prisell[{Jtifl!r·

peu plus. Or, dans tous les referen-dums, la question implicite portait surla centralité de l'État français, qu'ils'agisse d'accorder plus de droits àl'Europe ou aux régions françaises,voire à la Nouvelle Calédonie donc d'enretirer à Paris. Les régions qui se sen·taient à l'écart de Paris approuvaient laquestion posée au referendum, lesrégions jacobines étaient à la traînevoire désapprouvaient.

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Les disparités infra-communales de revenu des ménages (1999)

la carte du vote tribunicien en région parisienne et celle du revenu moyen sant très proches,

riche, particulièrement dans les alentours de Creil ou deChateau-Thierry. De même, Etampes, Compiègne,Nemours, des villes moyennes ou petites à plus de trentekilomètres de la capitale, bien qu'assez riches, votentpour les candidats tribuniciens comme le fait leur entou-rage. Inversement, la Seine Saint-Denis, ce 93, haut lieudes fantasmes français, vote beaucoup moins pour les tri-buniciens qu'on ne le penserait étant donné la faiblessedu revenu moyen. La clé pour comprendre ces écarts à larègle: commune pauvre = vote tribunicien, c'est la cen-tralité. La Marne est riche mais elle est à l'écart. Reims està l'autre bout du département et ce n'est pas une grandemétropole même si elle possède un certain dynamisme.Paris est à plus d'une heure de route ou deux de train.Inversement, les habitants de la Seine Saint-Denis sontaux portes de Paris auquel ils peuvent facilement accéderpar le métro ou l'autoroute. Pourquoi la centralité est-elleimportante? La réponse serait celle des Grecs si on leurdemandait pourquoi ils construisaient des Agoras. Lacentralité permet la rencontre des citoyens et des déci·deurs, l'accès et le contrôle de l'information, donc la défi-nition des actions utiles. Ceux qui vivent à proximité ducentre sont des insiders, ceux qui vivent loin ne sont pasdes outsiders mais des personnes souvent hors du coupou plus difficilement dans le coup. En dernière analyse, ladifférence porte donc sur les possibilités de la citoyen-neté. Logiquement la privation de possibilités se réper-cute sur les résultats électoraux. Dès lors, la congruenceentre la carte des hauts revenus et celle des forts votespour les partis de gouvernement s'éclaire. Ceux qui veu-lent être dans le coup et qui en ont les moyens se rappro·chent du centre. Le résultat du referendum sur la consti-tution de l'Europe en 2005 a confirmé cette nouvellegéographie politique. La répartition spatiale des votes enfaveur du non est à mi-chemin de la répartition des votes

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La division ancienne de la France entempéraments avait ses inconvé-nients et ses ridicules à la Peppone etDon Camillo, ses guerres de cent anscomme celle de l'enseignement libre,mais elle empêchait que la questionsociale et la question territoriale

fusionnent. Or la fusion est en train de s'opérer sousnos yeux. Au lieu de la regarder en face et d'envisagerles moyens de reconstruire une citoyenneté à la péri-phérie, nous faisons une fixation sur le problème descités qui est pour une large part un problème du passéen voie de réglement. Mais dans ces cités résident denombreux immigrés et surtout des enfants ou petitsenfants d'immigrés que l'on remarque à leurs "signesvisibles" comme on les nomme pudiquement. La ques-tion des cités devient la question ethnique, ethno-raciale comme commencent à la nommer certainsadmirateurs de l'Amérique. Elle occulte alors la ques-tion sociale que l'on ne sait plus traiter, ne serait-ceque parce qu'elle n'a plus de représentation, de signevisible idéologique: plus de syndicat, plus de classeouvrière, plus de grèves industrielles. Elle ne parleplus, elle n'émet plus un langage politique audible etcompréhensible, donc elle n'existe pas en dehors desurnes qu'elle finira peut-être par faire déborder.

H.L B.

BibliographieLescartes,lesdonnéeset lesréférencesqui serventdebaseaux

descriptionset aux raisonnementsde ce texte peuventêtreconsultéesdans:

H.Le Bras,Une autre France: Vote, réseau de relations et classessociales, Paris,OdileJacob,2002.

H.Le Bras:"La mémoiredesterritoires" in Le jour où la France adit non, ouvragecollectif,Paris,Plon,2006.

At/as électora 1:qui vote quoi, où, comment? Paris,LesPressesde SciencesPo,2007.

A. Siegfried,Tableaupolitique de la Frane de /'Ouest, Paris,1911(rééd.Slatkine,Genève,1976).

H. Le Braset E.Todd,L'invention de la France, Paris,Hachette,1981.

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Transports et mobilité durableen lIe-de-France : enjeux et issues

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La situation des transports en lIe-de-France est si paradoxale qu'elle va nécessiter de la partdes politiques publiques une bonne dose de pédagogie auprès des habitants, mais aussi auprèsdes élus et des techniciens qui seront au moins aussi difficiles à convaincre. La prise en comptedes contraintes spatio-temporelles et environnementales rend en effet obsolètes deux croyancesimplicites, et les deux caricatures de discours qu'elles produisent. Les envolées lyriques en faveurdes transports en commun doivent être fortement relativisées ; le parti pris en faveur del'automobile et des investissements routiers et autoroutiers doit lui aussi constater ses propreslimites. À Paris comme à Londres, il va devenir de plus en plus évident que la mobilité ne peut êtredurable que si elle envoie des signaux explicites sur la rareté de l'espace et du temps ...

L'INSEEvient de publier une étude indiquant que lesFrançais se déplacent de plus en plus loin et de plusen plus longtemps chaque jour pour se rendre à leurtravail. Ce constat général est encore plus net lorsquel'on s'intéresse à l'Ile-de-France. Alors que les Fran-çais mettent en moyenne 32 minutes pour se rendreau travail le matin, les habitants de l'Ile·de-France yconsacrent plus de 40 minutes. En outre, à ces dépla-cements contraints, il faut ajouter la mobilité, de plusen plus importante, liée aux activités de loisir, achat,culture et autres relations sociales. Un constat s'im-pose donc : notre mode de vie est de plus en plusconsommateur d'espace et de temps.

La consommation croissante d'espace est assez bienconnue. Elle découle de l'augmentation des distancesparcourues et du développement de l'usage de l'auto-mobile. Il en résulte, entre autres, une progression desémissions de CO2, des problèmes de bruit et des besoinscroissants en voirie. L'allongement des déplacementssuppose en effet le recours aux modes de transportmotorisés, essentiellement la voiture, gourmande enespace et en infrastructures. Dans les zones urbaines etsurtout périurbaines, toute nouvelle offre de voirieengendre spontanément une hausse du trafic qui se tra-duit par une accentuation de l'étalement urbain. Lavilledévore progressivement son environnement.

La maîtrise des budgets temps est une préoccupa-tion récente. Elle est pourtant en train de devenir unedes questions clés de la mobilité durable. Une récenteétude de l'INSERMa montré que, quotidiennement,nous dormons en moyenne une heure et demie demoins qu'il y a cinquante ans. La hausse du pouvoird'achat a mu ltiplié les activités potentielles, au domi-cile (télévision, navigation Internet...) et à l'extérieur(loisirs, restaurants, culture ...). Pour répondre à cessollicitations, nous avons mordu sur le temps de som-meil et, souvent, notamment dans la région pari-sienne, nous avons accru le temps passé dans lestransports.

Nous consommons donc de plus en plus d'espace.Mais comme les journées ne durent que 24 heures, laconcurrence s'intensifie entre les activités poten-tielles et, finalement, s'aiguise le sentiment que letemps nous fait défaut. Ainsi, nous sommes confron-tés à une rareté spatio-temporelle croissante quidevient l'enjeu majeur de la mobilité durable. Contrai-rement à l'habitude qui consiste à aborder cette ques-tion exclusivement en termes environnementaux(émissions de C02, bruit, pollution ...) nous considére-rons les questions environnementales comme le sous-produit de notre gestion du temps et de l'espace. Celasignifie que pour explorer les voies d'une mobilitéurbaine durable dans les grandes agglomérations, etnotamment en Ile de France, il faut d'abord s'intéres-ser aux arbitrages spatio-temporels et aux contraintesqui les guident. Sur cette base, nous pourrons nousintéresser aux issues. Comment faire en sorte quedans les vingt prochaines années, la mobilité desFranciliens soit durable, en termes spatio-temporelset en termes environnementaux.

Congestion et infrastructuresde transportLes embarras de Paris sont connus de longue date etils constituent un bon point de départ pour com-prendre les enjeux de la mobilité durable en Ile·de·France, à condition de ne pas se mettre dans la peaud'un automobiliste. Il est en effet très difficile de réflé-chir convenablement aux problèmes de la mobilitéurbaine lorsque l'on se trouve au volant d'un véhiculeconstruit pour rouler à 150 ou 200 km/h, et réduit parles contraintes urbaines à se déplacer entre 15 et 20km/h, vitesse moyenne des automobiles dans Paris. Àla rage débilitante de l'automobiliste coincé dans lesembouteillages, substituons donc la raison statis-tique. Observons ce que nous dit de la mobilité desFranciliens l'Enquête Globale Transports (EGT)

parYVES CROZET,professeurà l'université de LyonDirecteurdu LaboratOired'Économie desTransports -LET-lsH

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conduite en 2001-2002 en Ile-de-France, et essayonsde comprendre pourquoi la question de la congestion,illustration des contraintes spatio-temporelles, est aucœur de [a problématique de la mobilité durable

Le rôle dominant de l'automobile

L'EGT nous rappelle d'abord qu'il y a une vie hors deParis intra muras. Même s'il est évident que l'activitéde l'ile-de-France est polarisée par la ville capitale,d'autres forces d'attraction existent, dont témoigne legraphique nOl. Les déplacements des habitants de lapetite et de la grande couronne parisienne ne sont pasuniquement aimantés par la ville centre.

Les déplacements motorisés en Ile de France (2002)

Sur les 22,8 millions de déplacements motorisésquotidiens que compte l'ile-de-France, 6,8 millions,soit moins d'un tiers, concernent Paris. Sur ce total, 3millions sont des déplacements internes à Paris, 2,7millions sont des déplacements Paris - Petite Cou-ronne et 1,1 million (seulement !) relient Paris et laGrande Couronne. Il est notable que ces déplacementsayant Paris pour origine et/ou destination, sont majo-ritairement, mais pas totalement, réalisés en trans-ports en commun : respectivement 63 %, 58 % et63 %. Rappeler ces chiffres suffit à montrer l'impor-tance que conserve l'automobile (et marginalementles deux-roues motorisés). Plus du tiers des déplace-ments concernant Paris intra-muros et 80 à 90 % desdéplacements ayant pour origine et/ou destinationuniquement la petite et la grande couronne. Toutesorigines et destinations confondues, on dénombrechaque jour plus de 16 millions de déplacementsmotorisés en véhicule particulier. L'EGT nous apprendaussi que le nombre total de déplacements impliquantParis intra-muros a diminué entre 1991 et 2001. Au

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contraire les déplacements internes à la petite cou-ronne et les déplacements internes à la grande cou-ronne ont progressé, respectivement de 9,2 et 11,8%

en dix ans. Il en va de même pour les déplacementsreliant petite et grande couronne (+ 3,7 %).

Ce phénomène s'explique très largement par la pro-gression sensible du nombre d'habitants et d'emploisdans la périphérie parisienne. Or même si la densitéde cette dernière progresse, les déplacements qui s'ydéveloppent sont moins adaptés aux transports encommun, d'autant plus qu'ils sont de moins en moinsradiaux et de plus en plus longs. Effet de structure liéà la péri-urbanisation, la distance moyenne entredomicile et lieu de travail est passée de 6,6 km en1976 à 9,8 km en 2001. La vitesse moyenne des dépla-cements en transport en commun (11,7 km/hl étantplus faible que celle de l'automobile, il n'est pas sur-prenant de voir se renforcer la place de cette dernière.

Face à une telle prégnance de l'automobile, les phé-nomènes de congestion sont quotidiens. Mais ces der-niers doivent être abordés de façon prudente. S'il estvrai que chaque jour les réseaux routiers et autorou-tiers d'Ile-de-France connaissent plusieurs centainesde kilomètres de bouchon, il n'en demeure pas moinsque l'automobile est souvent le moyen le plus rapided'aller d'un point à un autre. Lorsque l'on regarde nonpas le temps perdu dans les embouteillages, notionpeu fiable, mais la vitesse moyenne, porte à porte, desdéplacements en automobile, on constate une situa-tion qui n'a rien d'alarmant si l'on veut bien se souve-nir que nous sommes en zone urbaine. Dans toutes lesgrandes agglomérations européennes, la vitesse auto-mobile moyenne est supérieure à celles des trans-ports en commun, sauf sur certains axes ... Car si, surune portion du parcours, les embouteillages et lesfeux tricolores réduisent la vitesse moyenne, surd'autres segments, nous sommes proches de lavitesse routière inter-urbaine (60 km/hl. En d'autrestermes, il n'est pas souhaitable de se polariser sur lacongestion routière ce que l'on peut comprendre endistinguant les trafics où les transports en communont une certaine pertinence et ceux où ils n'en ont pas,ou peu.

La mobilité automobile,un succès problématiqueIntéressons nous d'abord aux déplacements qui ontParis comme origine et/ou destination dont plus de lamoitié se font déjà en transports en commun.

Pour ce type de déplacements, la congestion toucheplus les transports en commun que l'automobile. Auxheures de pointe, certaines lignes de métro et de RERont de plus en plus de difficultés à écouler les flux devoyageurs et la vitesse moyenne des déplacements Tcest souvent faible de porte à porte. N'oublions pasque les Tc supposent un usage important de la marche

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" Les enquêtes montrentJ'importance que conserveJ'automobile en lle-de-France. Plus du tiers desdéplacements concernantParis intm-muI'Os et 80à 90 % des déplacementsayant pour origine et/oudestination uniquementla petite eLla grandecouronne. Toutes origineset destinations confondues,on dénombre chaque jourplus de 16 mjlJions dedéplacements motorisésen vé/1iculeparticulier. "

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à pied, par définition lente. Si des améliorations devitesse sont nécessaires sur ces axes, c'est avant toutdans les transports en commun qu'il faut les recher-cher. Se polariser sur les embarras de la circulationautomobile, c'est tout simplement s'intéresser à uneminorité.

Imaginons toutefois que nous souhaitions amé-liorer la vitesse des déplacements automobilesayant Paris comme origine et/ou destination,notamment parce que cette minorité est économi-quement importante pour l'attractivité de la capi-tale. Compte tenu du fait qu'il est pratiquementimpossible de construire de nouvelles autoroutesentrant dans Paris, la seule issue est la réduction dunombre de véhicules en circulation (nous revien-drons plus loin sur les diverses manières d'at-teindre ce résultat). Ce peut être un choix cohérent,mais observons qu'il réduit la taille de la minoritéayant recours à l'automobile. Symétriquement, ilaccroît le nombre d'utilisateurs des transports encommun. Nous arrivons donc au même résultat queprécédemment. Un simple raisonnement démocra-tique montre que pour les déplacements ayant Pariscomme origine et ou destination, il est nécessaired'améliorer l'offre de transports en commun et donc

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d'investir! C'est encore plus nécessaire si l'on sefie aux dernières livraisons statistiques qui annon-cent, pour la première fois depuislongtemps, une augmentation dunombre d'habitants et du nombred'emplois dans Paris intra muras.

Observons maintenant ce qui sepasse pour les très nombreux dépla-cements qui concernent exclusive-ment la Petite et la Grande Couronne.

Il est sans doute possible, comme lepropose la RATP, de mettre en place surquelques « axes lourds» de la petitecouronne, des transports publics ensite propres performants. Mais cela nesaurait se substituer à l'ensemble desdéplacements automobiles.

Le constat est encore plus évident engrande couronne, les transports encommun y conserveront une part demarché modeste, même si certainspôles périphériques se dotent de sys-tèmes de transports performants, enréponse à une demande croissante demobilité locale.

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Investissement, financement,exploitation : trois questionsqui fâchent !

" Pour les déplacementsqui ont Paris comme

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Il n'est pour autant pas souhaitable de voir se multi-plier les investissements routiers et autoroutiers. Carce que nous enseignent les dernières décennies estque tout développement de l'infrastructure routière nefait qu'accentuer la dilatation spatio-temporelle desvilles. Les gains de vitesse ne sont pas transformés engains de temps, mais réinvestis en consommationd'espace (Crozet, Joly 2006). La généralisation de ceprocessus se manifeste par une demande croissanted'infrastructure qui, ne pouvant être satisfaite, se tra-duit in fine par un alourdissement des budgets tempsconsacrés aux transports. Si l'on ajoute à cela lesmesures de contrôle des vitesses routières et l'accrois-sement du prix des carburants, se renforce t'idée selonlaquelle le signal à envoyer aux ménages et aux entre-prises ne peut être le toujours plus: toujours plusloin, toujours plus longtemps !

La situation des transports en Ile-de-France est siparadoxale qu'elle va nécessiter de la part des poli-tiques publiques une bonne dose de pédagogie

auprès des habitants, mais aussiauprès des élus et des techniciens quiseront au moins aussi difficiles àconvaincre. La prise en compte descontraintes spatio-temporelles etenvironnementales rend en effetobsolètes deux croyances implicites,et les deux caricatures de discoursqu'elles produisent.

Les envolées lyriques en faveur destransports en commun doivent êtrefortement relativisées. Plus précisé-ment, si des investissements et desaméliorations de service sont néces-saires dans ce domaine, il ne peuts'agir que de solutions partielles,ciblées sur certains axes. Nous nedisons pas qu'il faut se croiser lesbras et abandonner les projets. Nousrappelons seulement qu'ils ne sontqu'une contribution à la résolution du

problème de la mobilité durable.Le parti pris en faveur de l'automobile et des inves-

tissements routiers et autoroutiers doit lui aussiconstater ses propres limites. Compte tenu de sesimpacts sur la consommation d'espace et de temps, etpar conséquent sur les divers types d'émissions pol-luantes (sonores, gazeuses...), la circulation automo-bile ne peut être encouragée sans discernement.

Il est donc nécessaire de tenir un langage clair surles objectifs à moyen terme en matière de mobilitédurable, et sur leurs implications en termes de tarifi-cation des déplacements.

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Vitesse et prix ; la nécessaire clarificationdes signaux

Cette double remise en cause est délicate. Elle seradoublement contestée, victime d'un feu croisé. Elleest pourtant le préalable à une clarification dessignaux à envoyer aux ménages et aux entreprises.Des signaux peu agréables car ils sont inspirés parl'analyse économique, une science « lugubre»comme la définissait au XIX' siècle Thomas Carlysle,.Par définition, l'économie s'intéresse aux phéno-mènes de rareté. Or, face à la double contrainte queconstituent d'une part la rareté spatio-temporelle etd'autre part les raretés environnementales et énergé-tiques, le signal nécessaire est celui d'une hausse ten-dancielle des prix. En matière de mobilité, le prix cor-respond au coût généralisé qui, en zone urbaine, estappelé à progresser dans ses deux composantes, lacomposante prix et la composante temporelle.

Même si cela peut surprendre, il est nécessaired'abandonner, pour la mobilité urbaine, l'idée selonlaquelle il sera toujours possible d'aller plus vitepour moins cher. Cela reste bien sûr une demandesociale forte comme en témoigne, face aux phéno-mènes de congestion, le développement des deuxroues motorisés. Mais il s'agit pour les usagers de cetype de véhicules d'un combat perdu d'avance ; neserait ce que du fait de la surmortalité qui accom-pagne la progression de l'usage des motos et scoo-ters, sans oublier les émissions sonores et pol-luantes. Bien que cela soit un crève-cœur pour lerebelle et le resquilleur qui sommeille (d'un sommeilléger !) en chaque Français, nous allons devoir nousrésoudre à aborder la mobilité quotidienne commeun problème collectif, un phénomène de masse quiimplique un coût relatif croissant et le respect derègles contraignantes. Et qui le seront d'autant plusque dominera la mobilité automobile, la plus gour-mande en espace public.

Dans cette perspective, le signal à envoyer aux usa-gers est double, il concerne les vitesses et les prix.

Il doit être évident que les vitesses automobilesmoyennes ne vont plus progresser et qu'elles vontsans doute diminuer comme elles le font depuisquelques années. Du fait du renforcement des limita-tions de vitesse mais surtout parce que les investisse-ments routiers et autoroutiers seront limités. Il doitdevenir connaissance commune qu'à terme, les seulesaméliorations de vitesse se feront sur quelques axesmajeurs des transports collectifs, généralement ensite propre. Ces éléments doivent apparaître dans leschéma directeur de la région Ile de France. Des tempsde parcours moyen points à points doivent être indi-qués à l'horizon 2020 pour différents modes. Les choixde localisation des ménages et des entreprises ne doi-vent pas seulement être guidés pas un schéma direc-teur des infrastructures, mais par une indication surles temps de parcours types.

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

Le constat est le même à propos des prix. La mobi-lité sera de moins en moins subventionnée et les diffé-rents modes devront contribuer plus largement auxdépenses d'exploitation et d'investissement.

Les usagers des transports en commun ne peuventguère accroître directement leur contribution. Mais lespropriétaires et résidents des immeubles desservispar les axes lourds le peuvent. Dans la mesure où lesfuturs investissements auront de forts impacts sur lesvaleurs foncières, il est nécessaire de prévoir unecontribution de la fiscalité foncière au financementdes transports en commun.

Automobilistes peuvent plus facilement accroîtreleur contribution, pour la simple raison qu'ils sontplus nombreux et qu'un péage relativement faiblepeut rapporter des sommes importantes à la collecti-vité, au point qu'elles pourraient servir à financer desinfrastructures de transport routières et ferroviaires.

L'avènement paradoxal du péage urbain

Le thème du péage urbain est réapparu sur le devantde la scène à la suite du rapport de Boissieu sur le fac-teur 4. Au risque de choquer, disons que le réchauffe-ment climatique est très largement un prétexte à poser

Date de parution: 11.05.2007

des questions déjà anciennes sur la tarification desdéplacements en zone urbaine. L'idée d'instaurer unpéage de congestion dans les villes est déjà ancienne,mais derrière l'expression générique ({ péage urbain», se trouvent des objectifs assez différents.

La logique économique du péage pur vise à rationa-liser l'usage d'une voirie non-extensible. Une raretéabsolue exige une tarification destinée à réserver lavoirie à ceux qui ont une forte valeur du temps. C'estle cas du péage de Londres ou de Singapour. Ladimension environnementale du péage est doncsecondaire par rapport à la question clé de la rareté de['espace, et du temps pour ceux qui sont prêts à payer.

Une autre logique a prévalu dans les quelquesagglomérations françaises (Marseille, Lyon) qui ontdéveloppé localement le péage. Il s'agissait pour ellesde financer de nouvelles infrastructures. La dimensionenvironnementale est ici pratiquement absente, voiredélibérément ignorée.

Ces deux modèles inspirent peu ou prou les promo-teurs du péage urbain en France, sans réussir àconvaincre car les objectifs implicites (plus de fluiditépour l'un, plus de trafic pour l'autre) sont difficiles àfaire partager. Une autre forme de péage a donc été

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" Elle-de-France pourraits'orienter vers un péage

urbain, non pas destiné àaméliorer les vitesses

l'Uutières, mais surtoutdestiné à dégager des

fonds pour financer lesnouvelles infrastructuresque nous avons évoquées

plus avant. Comme cesinfrastructures vont

concerner les routes et lestransports collectifs, la

vme centre mais aussi laGrande et la Petite

Couronnes, ce péage doitconcerner J'ensemble

de la zone. "

Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

mise en œuvre, un péage temporel qui réduit les voi-ries et rend le stationnement plus difficile ; non pasun péage de congestion, mais un péage par la conges-tion. Un tel choix, fut-il implicite, n'est pas que pari-sien, on le retrouve dans de nombreuses villes centresen France et en Europe. Il n'est pas dénué d'intérêtpour les habitants et les élus car il constitue pour lesautomobilistes un signal clair dont les effets ne sontpas la fuite mais le retour au centre ville des popula-tions les plus aisées. Loin d'être environnemental, ils'agit d'une forme patrimoniale de péage qui, quoi-qu'en pensent les automobilistes, a de réels avan-tages pour protéger les centres villes.

Mais outre le fait qu'il accentue la gentryficationdes centres villes, ce péage temporel a un gros incon-vénient, il ne rapporte rien ! Il ne donne pas de res-

sources supplémentaires, ni pour lavoirie, ni pour les transports encommun. Il est donc permis de sedemander si, dans les années à venir,nous n'allons pas avoir affaire à uneconvergence des modèles londonienet parisien de péage. L'ile-de-Francepourrait s'orienter vers un péageurbain, non pas destiné à améliorerles vitesses routières, mais surtoutdestiné à dégager des fonds pourfinancer les nouvelles infrastructuresque nous avons évoquées plus avant.Comme ces infrastructures vontconcerner les routes et les transportscollectifs, la ville centre mais aussi laGrande et la Petite Couronnes, cepéage doit concerner l'ensemble dela zone. Il peut être modulé dans l'es-pace, et même dans le temps. Il peut,au moins au départ, être de niveaurelativement modeste. N'oublions pasque « l'assiette » est large. Avec 30centimes d'euro par déplacementautomobile, on dégage près de 5 mil-lions d'euros par jour, plus de 100 mil-lions par mois, de quoi faire rêver tousles porteurs de projets!

Le péage de Londres a déjà amorcé sa mue. En éten-dant la zone de péage, le Grand Londres se rapproche(lentement) d'une approche plus globale de la tarifica-tion des déplacements. Mais comme cet élargissementva se traduire par une circulation accrue dans cettezone (car les résidents ne paient que 10 % du prix), lesexperts s'attendent à une baisse des vitessesmoyennes au sein de la zone actuelle de péage. Ce quiest à {'œuvre est bien un accroissement des deux com-posantes du coût généralisé. De plus en plus les auto-mobilistes circulant dans Londres vont devoir payerplus sans pour autant gagner en fluidité. Rappelonsque malgré le prix élevé du péage (12 euros par jour) letrafic a repris sa croissance au sein de la zone.

Date de parution: 11.05.2007

Ainsi, à Londres comme à Paris, il va devenir de plusen plus évident que la mobilité ne peut être durableque si elle envoie des signaux explicites sur la raretéde l'espace et du temps.

Le signal sur la rareté de l'espace concerne essen-tiellement les automobilistes. Ils doivent s'attendre àune montée en puissance d'une rationalisation par lesprix qui s'accompagnera de plus en plus d'un ration-nement par les quantités. Du fait même de sonimmense succès et de sa grande souplesse d'utilisa-tion, l'automobile verra croître son coût généralisé.

Le signal sur l'usage du temps concerne l'ensembledes usagers de la ville. Faute de pouvoir poursuivrel'amélioration des vitesses, l'accessibilité devra sefaire par un accroissement des densités.

Comme chacun le sait, les transports mènent àtout... à condition d'en sortir. Un schéma directeur nedoit pas être polarisé sur les infrastructures de trans-port, mais sur les lones d'habitat et d'activité à des-servir. C'est la localisation et la structure de ces zonesqui est déterminante!

Y.c.

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Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

Cycles immobiliers, problème foncieret développement urbain de l'ile-de-France

Les enjeux du développement de l'Ile-de-France sont considérables. Les demandes sontimportantes sur tous les marchés, logement, bureaux, plateformes logistiques, et bien sûr tous leséquipements collectifs correspondants ... Faceà cette demande multiforme, émanant de toutessortes d'acteurs, français ou étrangers, la parcellisation des pouvoirs urbains et la faiblecoordination des acteurs locaux conduit à une certaine impuissance des politiques publiques. Lesoutils de politique publique existent, nombreux et potentiellement puissants - qu'il s'agissed'outils réglementaires, financiers et fiscaux, ou de moyens d'intervention directe des collectivitéspubliques sur les marchés. Mais la fragmentation du pouvoir urbain se conjugue avec la « dictaturedu parcellaire» pour conduire cette région urbaine à une évolution où les décisions, en l'absenced'une planification forte, paraissent à la remorque des marchés. Devenus de plus en plus cycliques,ceux-ci ne devraient pas être le seul guide de l'action à moyen et long terme.

La région Ile-de-France concentre toute la gamme desproblèmes posés par la « fabrique urbaine », de façonsouvent paroxystique. Il en va ainsi par exemple de laquestion du logement, posée avec acuité en cettepériode électorale, avec les tentes installées au chœurde Paris, au bord du canal Saint Martin, et l'actionmenée par les « Don Quichotte », qui a contribué auvote en grande urgence d'une loi sur le « droit au loge-ment opposable ».

Au-delà de cette vague conjoncturelle, qui traduitun problème de fond, nous voudrions présenter danscet article quelques caractéristiques de l'évolutionrécente des marchés fonciers et immobiliers - etmontrer comment ces évolutions mettent en questionles objectifs visés par les politiques publiques, parexemple en matière de mixité sociale ou d'étalementurbain.

Ces questions sont posées avec une acuité particu-lière alors que la préparation du Schéma directeur dela région Ile-de-France arrive en phase terminale. Lesannées écoulées depuis l'approbation du SDRIFen1994, ont mis en évidence un certain nombre d'inadé-quations et de dysfonctionnement qui conduisent àmettre en question l'efficacité même de l'outil. Lepoint principal qui retient ici notre attention est celuide l'articulation de l objet «schéma directeur» avec lefonctionnement des marchés fonciers et immobiliers.

On y analysera en particulier ta question de ('offrefoncière, dans une situation dans laquelle de nom-breux acteurs de l'immobilier déplorent la « pénuriefoncière », source de hausse des prix, mais dont on adu mal à identifier les origines et les mécanismes, etpar voie de conséquence les remèdes à y appliquer.Dans le cadre du problème qui est posé, la questionest donc de réfléchir au rôle que pourrait jouer leSchéma directeur dans une politique d'ensembled'offre foncière adéquate par rapport aux marchés

immobiliers. Il est clair que ce n'est pas le seul objet"Schéma directeur" qui peut être générateur de cetteoffre foncière et réguler l'ensemble des marchés, maisil mérite que l'on s'interroge sur les carences actuellesdu système foncier qui conduisent à cette inadéqua-tion, et les conditions dans lesquelles il pourraitcontribuer à résoudre le problème.

Sur le plan de la question foncière, nous nous entiendrons ici principalement à l'outillage, ainsi quequelques remarques relatives au financement del'aménagement. Si le droit européen joue un rôlecroissant dans un certain nombre de domaines, enparticulier celui de ['environnement, les mécanismesd'aménagement gardent une forte spécificité dans lesdifférents pays européens, à la fois sur les responsabi-lités du secteur public et du secteur privé, et les méca-nismes de décision qui sont mis en œuvre.

Ces remarques seront faites en gardant à l'espritl'objectif d'attractivité de la région, en soulignantcomment cet objectif peut être compatible ou nonavec d'autres objectifs généralement retenus, en par-ticulier ceux de mixité sociale et de renouvellementurbain.

L'état des marchésLes marchés du logement franciliens continuent à êtreen forme, si l'on s'en tient au niveau des prix. " y amaintenant plus de deux ans que les premiers avertis-sements et craintes d'un retournement ont été expri-més. Des dossiers sur les marchés immobiliers intitu-lés « c'est le moment de vendre» ont commencé à êtrepubliés dès le début de l'année 2005. Et pourtant, ence printemps 2007, ledit retournement ne s'est pasproduit, et le commentaire le plus fréquent est celuide ['atterrissage en douceur, avec la poursuite de lahausse - certes à un niveau nettement moins rapide,

parVINCENT RENARD,Directeurde recherches au CNRS

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

200-

Source: !NSEE conioncture, informations rapides, 17 Février 2007

Indices des prix des logements anciensen Île-de-France

déterminent largement ce choix, avec toutes lesconséquences évidentes en termes de temps et decoût de transport.

y a-t-il pénurie foncière?Des commentaires savants aux titres de gazettes, ['af-faire semble entendue: si les prix immobiliers s'envo-ient, c'est à cause de la rareté foncière. Et les diffé-rents indicateurs disponibles montrent en effet queles prix fonciers manifestent depuis de nombreuxmois une tendance marquée à la hausse. La suite del'analyse peut ensuite diverger, et l'analyse retenueest évidemment un élément clé pour définir le rôle quel'on entend faire jouer au Schéma directeur pour assu-rer l'offre foncière.

Une interprétation traditionnelle repose sur le rôlede l'hypertrophie réglementaire dans la hausse desprix. Et il est vrai que le maquis réglementaire, outre lerisque juridique qu'il introduit, limite au moins poten-tiellement la constructibilité. Il suffirait alors de déré·glementer, de mener une politique d'offre foncière;['accroissement de l'offre se traduirait alors mécani-quement par une baisse des prix, et tout rentreraitdans l'ordre. Cette optique est théoriquement sédui-sante. Le Schéma directeur devrait alors s'en tenir àune simple réflexion prospective, sans articulationtrop explicite avec les plans d'urbanisme, et 1'«abon-dance foncière» résoudrait le problème.

L'expérience conduit toutefois à être prudent avecce type d'interprétation, et surtout avec les préconisa-tions qui peuvent en être tirées en matière de poli-tique foncière. Les échecs passés de ce type de poli-tique, joints à la grande flexibilité de fait des règlesd'urbanisme, ont fait perdre une part de son crédit àcet enchaînement de principe entre le fait, l'explica-tion et la préconisation.

La déréglementation de l'urbanisme, considéréecomme un générateur d'offre foncière, appelle donc àla prudence. En outre, ta retenir ne pourrait queconduire à affaiblir davantage la portée du Schémadirecteur. Le cœur de la question, qui sera présentéensuite, est que les terrains disponibles ne sont sim-plement pas mis sur le marché, pour un ensemble deraisons qui seront décrites.

Un autre élément d'interprétation de la hausse desprix fonciers repose simplement sur les mécanismescycliques qui se développent sur les marchés immobi-liers, et l'effet multiplicateur de la hausse de ('immo-bilier sur le foncier. Dans les phases de hausse, la« rétention» est alors un comportement économique-ment rationnel de la part des propriétaires. Le« civisme foncier» conduisant les propriétaires, privésou publics, à alimenter l'offre foncière, aurait besoind'incitations ...

Les évolutions qui précédent conduisent d'autrepart à des stratégies des principaux acteurs sur lemarché, en particulier les grands investisseurs, parexemple les foncières cotées, à se« caler» sur [es évo-

L'évolution des revenus étant ce qu'elle est, cetteévolution se traduit par une perte du « pouvoir d'achatlogement », quel que soit l'indicateur que l'on retientpour mesurer cette grandeur, en général le nombre demètres carrés de plancher d'un logement « moyen »

que ('on peut s'acheter avec un revenu « moyen ». Au-delà des conventions qui sont retenues pour le calcul

d'un tel indice, ils convergent touspour indiquer une perte de pouvoird'achat substantielle depuis unedizaine d'années. Cette perte est par-ticulièrement accentuée en régionparisienne.

Les conséquences en sont doubles:diminution de la taille du logementet/ou éloignement du centre. En l'ab-sence de travaux d'enquête précis, onne peut s'en tenir ici qu'à des indica-tions qualitatives sur l'arbitrage quefont les ménages entre la réduction dela surface de leur logement et l'éloi-gnement du centre, sans oublier lapart croissante du revenu qui peut yêtre consacrée. Mais il est clair que ladeuxième composante prend mainte-nant une place croissante dans larégion parisienne, jusqu'à l'exil dansles départements limitrophes de l'Ile-de-France.

Le choix de la maison individuelle et de l'espace yjoue certes un rôle important, mais le niveau des prixfoncfers et la contrainte de revenus des ménages

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mais restant supérieur à la hausse des prix. Le gra-phique suivant, résultant des données INsEE-notaires,montre l'impressionnant cycle ascendant qui s'estdéveloppé depuis 1998 à peu près. La durée de cettephase de croissance est sans précédent. On peut rap-peler que la « bulle» de la fin des années 1980 a durémoins de cinq ans.

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Source: POUVOIRS LOCAUX

lutions des cycles de l'immobilier et à pratiquer le« market timing », c'est-à-dire à ajuster les décisionsd'investissement en fonction de la phase du cycle,donnant ainsi un caractère auto aggravant à ces phé-nomènes cycliques.

Notons ici encore qu'une plus grande transparencedu marché devrait contribuer à réduire la volatilité desmarchés. Ce pourrait être un élément important pourla région francilienne, dans la poursuite des travauxmenés par l'Observatoire régional du foncier.

De l'offre foncière à la productionfoncièreRappelons d'abord les chiffres: entre 1990 et 2005, lamoyenne des logements mis en chantier s'est élevée à43000, et 37000 seulement en 2006. Face à la pénu-rie accumulée, le projet de Schéma directeur proposele chiffre de 60000 par an jusqu'en 2030, {(en prioritédans les pôles existants ou en devenir, à proximitéd'une desserte en transports satisfaisante ».

Un tel renversement de tendance constituerait doncun changement très radical. Sans parler de quadraturedu cercle, on mesure le défi ... Comment y répondre?

L'outillage qui permettrait de passer du conceptd'offre foncière à celui de {( production foncière »

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effective constituerait un progrès important. Encorefaut-il qu'il soit mis en œuvre par ceux qui en ont lacharge, en l'occurrence les municipalités. Et l'on seheurte là au pouvoir des maires, dont la priorité n'estpas toujours la construction de logements, et moinsencore de celle de logements sociaux.

Sur ce point, la combinaison entre le particularismemono communal, la flexibilité de la planificationurbaine au niveau local et ['absence de conséquencesjuridiques directes du Schéma directeur ne permet-tent guère de se rapprocher des objectifs fixés.

Sur cette question délicate de l'identification descauses de la pénurie foncière, il importe de tenircompte des pratiques locales réelles des municipali-tés en la matière. Fondamentalement, au-delà descauses invoquées de façon répétitive, c'est bien lapolitique des collectivités locales qui est la sourcepremière de la {( pénurie foncière ». Un maire qui nesouhaite pas que l'on construise sur sa commune, eten particulier pas de logements sociaux, dispose detous les moyens pour y parvenir. Les maires malthu-siens sont nombreux, et ils reflètent bien souvent lavolonté explicite de la fraction de la population récem-ment installée, qui ne souhaite pas que le développe-ment se poursuive. C'est le cœur du problème, et laplanification régionale ne peut prendre sa pleine

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U Sur le plan du pouvoirfanciel; c'est-à-dire pOUl'

J'essentÎelle zonage du PLU

et la délivrance desautorisations individuelles,

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et les trois Opérationsd'intérêt national, on se

retrouve dans un étatcaractérisé

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Source: POUVOIRS LOCAUX

effectivité que si elle aborde explicitement ce pro-blème, de façon contraignante pour les communes, ouau moins de façon très fortement incitative.

Quant à la pénalité de l'article 55 (les 20 % de loge-ments sociaux), sa légèreté même (moins de 20 eurospar habitant) peut la transformer en argument électo-ral pour une population peu soucieuse de mixité.

L'écart qui existe entre les communes riches mal-thusiennes et les communes pauvres réceptacle despopulations - ou des activités - à problème, nesemble pas se réduire; en analyser l'évolution seraitnécessaire.

L'existence de terrains constructibles dans lesdocuments d'urbanisme locaux ne garantit donc rienen la matière, sinon rassurer les propriétaires de ter-rains sur leurs perspectives d'enrichissement à terme,quand bien même d'autres moyens pourraient être uti-lisés ultérieurement pour limiter ou interdire laconstruction. Peut-être serait-il fécond d'observer lesméthodes suivies en Allemagne ou aux Pays-Bas, oùla planification urbaine, suivant des modalités diffé-rentes, s'accompagne d'une véritable décision d'ou-

verture à l'urbanisation et non d'unesimple distribution de droits deconstruire. Ce pourrait être un aspectdu Schéma directeur de définir lesmodalités de mise en œuvre et le«timing» de la production foncière, etnon plus seulement l'observation desdisponibilités foncières théoriques.Une timide mesure a été introduitedans la loi ENLavec l'examen du PLUàmi-mandat, mais on pourrait songerdans le cas de la région parisienne àaller sensiblement plus loin en inté-grant PLHet PLU,et en les soumettantà examen annuel.

L'incitation en faveur des « mairesbâtisseurs » a été souvent évoquéependant la préparation de la loi« Engagement national pour le loge-ment ». Il en est résulté quelquesmesures d'importance modeste, et onpeut considérer aujourd'hui encoreque les maires n'ont intérêt à dévelop-per la construction de logements nifiscalement, ni politiquement, l'atti-tude de « nimbism » (de l'acronyme« nimby », {( not in my back-yard »)continuant à prospérer.

Dès lors qu'il n'existe pas d'articu-lation systématique entre le Schéma directeur et lesPlans locaux d'urbanisme, on ne voit pas par quelmiracle la construction nouvelle, estimée nécessaire,permettrait d'atteindre le saut quantitatif envisagé,pas plus que la {( compacité », pourtant explicitementrevendiquée par le projet de Schéma directeur ...

Cette interrogation est renforcée par le comporte-ment - économiquement rationnel - de proprié-

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taires fonciers qui préfèrent conserver leur terraindans une période où les prix fonciers ne cessent des'élever, tandis que le stockage de ce bien est prati-quement gratuit (la possible hausse de la taxe fon-cière sur les propriétés non bâties, possibilité ouvertepar la loi ENL,à supposer que des maires choisissentde l'appliquer, ne pourrait avoir qu'un effet modeste).

Une vraie question: le risque juridique

Au-delà de la question un peu théorique de ['opposabi-lité aux tiers du Schéma, directe ou indirecte, se poseplus généralement le problème de l'insécurité juri-dique. La croissance continue de ['hypertrophie juri-dique, qui n'a pas vraiment été atténuée par lesrécentes lois « Engagement national sur le logement»et la toute fraÎChe « Droit au logement opposable », quiattendent un certain nombre de décrets d'application,conduit à ce que les décisions de justice, lorsqu'il y a unrecours, conduisent à des résultats de moins en moinsprévisibles. Et on constate en même temps que lenombre de ces recours s'accroît. Certes cette questionn'est pas spécifique à la région parisienne, mais tant lenombre important de grandes opérations complexes,souvent fragiles juridiquement, que la densité du tissuassociatif susceptible de faire des recours, donnent àcette insécurité juridique un caractère particulièrementdommageable dans le cas qui nous occupe.

On peut ajouter la jurisprudence rapidement crois-sante des cours européennes, qu'il s'agisse de la Courde Justice des Communautés européennes ou de laCour européenne des droits de l'homme. Ce contexteinstable ne crée pas seulement une situation domma-geable pour les aménageurs et les promoteurs, pourqui cette incertitude, outre les délais et les surcoûtsqu'elle induit, les place en situation difficile. Il l'estaussi évidemment pour les collectivités publiques,dont la responsabilité peut être engagée, et plus lar-gement pour l'intérêt général d'un bon aménagementqui nécessite une coordination efficace dans le tempsdes opérations.

Cette interférence entre le droit français et le droiteuropéen ne peut qU'ajouter à la fragilité de l'édificejuridique, et il importe d'intégrer que les règles dudroit européen s'imposent - sous des formesflexibles et adaptables - dans les droits nationaux. Iln'existe pas une réponse simple à la question posée,elle conduit à s'interroger sur les modalités de la régu-lation juridique aux différents niveaux, le rôle crois-sant de la jurisprudence et aussi le fonctionnement ducontrôle de légalité. C'est là une condition importantepour la mise en œuvre effective du Schéma directeur.

L'« application» du SchémadirecteurLa notion de « mise en œuvre » du Schéma directeurest rien moins qu'évidente, et les différents élémentsdu bilan (cf. les « notes rapides sur le bilan du SDRIF»

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

publiées par l'IAURIF)montrent bien à la fois les écartsimportants, sur un plan global, par rapport aux objec-tifs qui étaient assignés au schéma, et la grande diffi-culté de les analyser, aussi bien sur un plan spatialque dans la mise en œuvre des politiques sectorielles.

Ce n'est pas anormal compte tenu à la fois de lanature du document et de la façon dont il a été mis enœuvre, mais pose clairement la question de1'«outillage» nécessaire, si du moins l'on pense quele Schéma doit avoir une influence sur les décisionslocales.

Si l'on observe l'évolution induite par 1'« applica-tion » du SD depuis une dizaine d'années, on peutavoir l'impression qu'il n'a pas modifié de façon évi-dente les grands changements intervenus sur le terri-toire francilien.

En matière de droit des sols, la question posée, quin'est pas radicalement modifiée concerne la portéejuridique dudit Schéma, la « compatibilité» des docu-ments d'urbanisme locaux et son effet sur les déci-sions individuelles. Sur ce point, le particularismemono communal fait trop sentir ses effets. Certes, enmatière d'intercommunalité, une évolution certaine seproduit depuis quelque temps dans la région. L'ile-de-Franceest sur ce point en train de rattraper son retard,et une bonne partie des communautés d'aggloméra-tion qui ont été créées ces dernières années l'ont étédans la région. Reste à analyser le fonctionnement decette intercommunalité dans le champ de l'urbanisme.

Certains auteurs soulignent, en même temps que lapléthore de structures intercommunales, ce qu'ilsappellent « la faiblesse de l'intercommunalité forte,qui s'oppose à la force de l'intercommunalité faible ».Sur le plan qui nous intéresse ici, celui du pouvoir fon-cier, c'est-à-dire pour l'essentielle zonage du PLUet ladélivrance des autorisations individuelles, on restedans cette situation ({ abracadabrantesque » danslaquelle ce sont plusieurs centaines d'autorités dis-tinctes qui l'exercent. Hormis quelques intercommu-nalités fortes, et les trois Opérations d'intérêt natio-nal, on se retrouve donc dans un état caractérisé defragmentation du pouvoir urbain.

Attractivité de la région lIe-de-France

La notion d'attractivité est d'une fausse simplicité, àl'image du critère qui est habituellement retenu, celuide ['investissement en immobilier d'entreprise. Dansun contexte mondialisé, on le spécifiera en général enprécisant l'investissement étranger, éventuellementraffiné en précisant les origines du capital investi.

On peut y ajouter le niveau des prix, celui des loyersainsi que le rendement. Sur tout cet ensemble de cri-tères, l'agglomération parisienne occupe une placetrès honorable. Dans les divers palmarès des « Wardwinning cities », Paris se retrouve régulièrement dansle « top ten » du classement.

Cet ensemble de critères est certes important, maisil n'est peut-être pas le seul, et il mérite en tout cas

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d'être précisé de façon à mettre en évidence ses impli-cations en termes de stratégie spatiale. En particulier,il est utile de se rappeler que, en termes écono-miques, ('attractivité d'un investissement immobilierest faite de deux éléments: le rendement annuel etl'appréciation de la valeur vénale. Dans un contexte devolatilité des marchés et de comportement de« market timing » de la part des investisseurs, ilimporte, pour que le Schéma directeur puisse éclairerles choix à moyen et long terme, qu'il dispose d'unvéritable tableau de bord régulièrement actualisé desvaleurs et des rendements.

La spatialisation des données relatives aux valeurset aux rendements permettrait d'augmenter la crédibi-lité économique du Schéma directeur, en lui donnantune lisibilité économique, en identifiant les zones de

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Création d'une agence de régulationdes marchés fonciers et immobiliers

pression, en anticipant les retournements et surtouten aidant à définir des stratégies.

La réflexion sur ce thème pourrait conduire dans unpremier temps à définir les différents critères qui pour-raient être pris en compte (valeurs foncières et immo-bilières? Rendement? Divers critères deperformance?) pour s'interroger ensuite sur les poli-tiques publiques à mettre en œuvre pour atteindre lesobjectifs fixés suivant les différents critères.

U En matière d'actionfoncière, les pouvoirs

publics, aux différentsniveaux, disposent d'unebatterie considérable de

moyens pour peser sur lesmarchés correspondants,

depuis J'arme ultime deJ'expropriation jusqu'à desoutils plus fins permettantd'influencer J'évolution des

prix, par exempleJ'exercice du droU de

préemption, ou les règlesde fixation des loyers. Leur

usage est très diflérenciéd'un territoire à lm autre,

et dans J'ensemble peucoordonné. "

Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

Pour réguler des marchés, quels qu'ils soient, une pre-mière question est celle de leur transparence, néces-saire pour exercer une action efficace. Dans le cas quinous intéresse, il existe en théorie tous les outils d'ob-servation et d'information sur les marchés fonciers etimmobiliers. Pourtant, nous avons vu qu'un longchemin reste à parcourir vers la transparence. 111n'estpas risqué d'affirmer que les marchés immobilierssont moins transparents que d'autres. Cela peutparaître paradoxal si l'on considère la « visibilité» dubien économique en cause et l'importance des

sommes mises enjeu. C'est pourtantun trait marquant, lié à des caractéris-tiques psychosociales plus ou moinscommunes à de nombreux pays, quede respecter une certaine confidentia-lité en la matière. Le cas françaisreprésente une certaine exceptiondans le contexte européen.

Pour s'en tenir à l'Europe, l'héritageculturel rejoint les pratiques adminis-tratives pour opposer le Nord et leSud, la transparence et l'opacité. Ilsuffit de comparer les systèmes sué-dois ou danois de cadastre et depublicité des mutations foncières àleurs équivalents italiens ou espa-gnols pour mesurer la différence. LaFrance s'apparenterait plutôt sur ceplan à l'Europe méridionale. Le sys-tème français dit de « publicité fon-cière », s'il fonctionne techniquementde façon assez fiable, incarne biencette tradition de confidentialité, et ledébut d'informatisation des donnéesfiscales ne se poursuit actuellementqu'avec lenteur, très loin de marchéstransparents, par exemple dans le

Nord de l'Europe.Cette opacité pose aujourd'hui un problème de

compatibilité avec le droit européen: L'Union euro-péenne s'invite elle aussi au débat sur la question duprix des biens immobiliers, ici dans une affaire d'ex-propriation: avec l'arrêt Yvon ci France du 24 avril2003, la Cour européenne des droits de ['homme acondamné la France, pour violation de l'article 6, § 1

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de la Convention européenne des droits de l'homme,en l'occurrence le principe d'égalité des armes aucours de la procédure d'expropriation.

En matière d'action foncière, les pouvoirs publics,aux différents niveaux, disposent d'une batterie consi-dérable de moyens pour peser sur les marchés corres-pondants, depuiS ['arme ultime de l'expropriation jus-qu'à des outils plus fins permettant d'influencer['évolution des prix, par exemple l'exercice du droit depréemption, ou les règles de fixation des loyers. Leurusage est très différencié d'un territoire à un autre, etdans l'ensemble peu coordonné.

Une question s'est évidemment posée: celle de lacréation d'un Établissement public foncier pour larégion, dans l'esprit de mutualiser l'action foncièreentre les différents secteurs, très contrastés en termesde fonctionnement des marchés fonciers et de niveaude prix. La décision a donc été prise en 2006 de créercette Banque foncière de la région. Mais les jeux poli-ticiens et la fragmentation du pouvoir urbain se sontconjugués pour limiter la portée de l'initiative puis-qu'il n'a pas fallu plus de quelques semaines pour quele département des Hauts-de-Seine, suivi par celuides Yvelines et celui du Val-d'Oise, décident à leurtour de créer le leur. L'action foncière mutualisée auniveau de la région reste donc à l'état de projet.

Ces ambivalences ou ces contradictions, dans uncontexte d'explosion des prix fonciers et immobilierssur l'ensemble de la région, pourraient conduire àenvisager la mise en place d'une agence de régula-tion, comme il en existe déjà dans différents secteurs,par exemple les télécommunications (ART), où desimpératifs d'intérêt général doivent être mis en regarddes préoccupations d'efficacité et de respect desrègles de concurrence pour définir les modes de régu-lation des marchés. De ce point de vue, s'il existe deséléments de contrôle des loyers, il n'en existe aucundont le rôle explicite soit de contrôler le prix du foncierou celui des logements. Une vision d'ensemble desdifférents marchés devrait permettre à une telleagence de régulation de définir à la fois les modalitéset les caractéristiques des interventions. L'observa-tion et l'analyse du fonctionnement des marchésseraient évidemment un ingrédient de premièreimportance pour une telle agence.

La mise en œuvre du Schéma directeur devrait s'ap-puyer sur un usage plus coordonné de cet outillage, etune telle agence pourrait alors jouer un rôle clé danssa mise en œuvre.

V.R.

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Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

Les émeutes en lIe-de-France: entre inégalitésterritoriales et stratégies institutionnelles

Les émeutes d'octobre et novembre 2005 ont fortement touché l'Ile-de-France, mais de façontrès inégale. Si le département de Seine-Saint-Denis a été le théâtre d'affrontements violentset de dégâts importants, la ville de Paris a été quasiment épargnée. De la même façon,on note de nombreux contrastes entre villes, alors même que celles-ci présentent des indicateurssocio-démographiques proches. Cet article propose quelques pistes de réflexion concernantles variations sur le territoire francilien, le rôle des autorités publiques et les mobilisationsde la population dans le déclenchement et la gestion des émeutes.

Les émeutes de l'automne 2005, on le sait, ont consti-tué un événement exceptionnel; tant par leur diffu-sion sur le territoire national, par leur ampleur quepar leur durée, elles représentent un phénomèneinconnu en France et, plus largement, sur l'ensemblede l'Europe. Au sein des pays occidentaux, seuls lesÉtats-Unis des années 1960 avaient connu desémeutes d'une telle durée et à ce point diffuses. Danscet article, nous proposons d'esquisser des réponsesaux questions suivantes: quelle est la part de l'ile-de-France dans le bilan national des violences? Com-ment se sont distribuées les émeutes au sein de cetterégion? Dans quelle mesure leur localisation peutêtre rapportée à des variables socio-démogra-phiques? Quel rôle ont joué les autorités publiques etplus largement les acteurs sociaux dans la gestiondes émeutes?

Diffusion et répartition des émeutesen lIe-de-FranceNées en lIe-de-France, les émeutes se diffuserontsur l'ensemble du territoire, ce qui conduit à s'inter-roger sur la contribution de la région parisienne aubilan global des violences. En outre, en lIe-de-France, les contrastes territoriaux sont particulière-ment significatifs.

• Quelle place de l'lIe-de-France dans le bilan desémeutes?

C'est, rappelons-le, en lIe-de-France que démarrentles émeutes, plus précisément à Clichy-sous-Boisdans les quartiers du Chêne-Pointu et du Bois-du-Temple, le 28 octobre. C'est également dans cetterégion qu'elles ont connu certains de leurs actes lesplus spectaculaires et les plus violents: c'est dansl'Essonne qu'ont été tirés les principaux coups de feucontre les policiers; c'est en Seine-Saint-Denis qu'estdécédée la seule personne dont la mort est directe-ment liée aux émeutes.

Mais si l'on y regarde de plus près, le poids de l'IIe-de-France dans l'ensemble des émeutes est pluscontrasté. La région est initialement la plus touchée:entre le 28 octobre et le 4 novembre, s'y concentrent2/3 des voitures brûlées et la quasi-totalité des affron-tements violents entre jeunes et forces de l'ordre.C'est essentiellement en Seine-Saint-Denis, dans lesvilles à proximité de Clichy-sous-Bois, qu'ont lieu lesprincipaux affrontements et dégradations. À partir du5 novembre, les émeutes se généralisent, touchantd'autres régions (notamment l'Alsace, la Bretagne, leNord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côtes d'Azur). Dans la nuit du 6 au 7 novembre, cesont 243 communes qui sont concernées dans 64départements et 1308 véhicules qui sont incendiés. Àla fin de la crise (entre le 10 et 19 novembre), l'Île-de-France ne représente plus que 21 % des véhiculesincendiés.

Le nombre de voitures brûlées est symptomatiquede cette place paradoxale de la région parisienne. Auregard du total de voitures brûlées, l'ile-de-France estla région la plus touchée avec 3470 véhicules incen-diés contre 1159 pour Rhône-Alpes et 927 pour leNord-Pas de Calais, les deux autres régions les plusaffectées. Mais si l'on rapporte ces chiffres à lapopulation, on obtient des résultats différents:l'ile-de-France est la 8ème région (36 véhicules incen-diés pour 100000 habitants contre 45 pour Haute-Nor-mandie, Nord-Pas-de-Calais, etc.). Ceci s'explique à lafois par la population particulièrement importante dela région, mais également, comme nous allons le voir,parce que certaines parties de la région n'ont été quefaiblement affectées.

• Des contrastes intra-régionaux importants

On observe de fortes disparités intra-régionales.Incontestablement, le département de Seine-Saint-Denis est celui qui a payé le plus lourd tribut auxémeutes. Selon les chiffres de la Fédération françaisedes sociétés d'assurance, ce département concentre

parJACQUES DE MAILLARrprofesseur de sciencepolitique, Universitéde Rouen-PACTE-Sciences Po Grenobie

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10,8 % des véhicules sinistrés et, surtout, 35,5 % dumontant total des sinistres. Les autres départementssont concernés mais très inégalement, comme on peutle voir dans les tableaux ci-dessous. On notera que laSeine-et-Marne et, surtout Paris, sont les départe-ments les moins touchés.

Les départements d'ile-de-France et le nombre de véhicules sinistrésDépartement Rang national Part des véhicules sinistrésSeine-Saint-Denis 1 10.8 % (1053 véhicules)Yvelines 4 5.2 %Essonne 5 5.2 %Val d'Oise 6 4.9 %Hauts-de-Seine 7 4·9 %Val de Marne 8 4.2 %

Les départements d'ile-de-France et le montant des sinistresDépartement Rang national Montant des sinistresSeine-Saint-Denis 1 35.5 %Val d'Oise 2 6.9 %Essonne 5 4 %Yvelines 6 3.7 %Val de Marne 8 3.2 %Hauts-de-Seine 10 2.8 %

Sources: Fédération française des sociétés d'assurance, tiré de Cazelles, Morel et Roché, ZOO?

Ces chiffres ne sont pas complètement surprenantssi on les rapporte aux indicateurs socio-démogra-phiques. Le département de la Seine-Saint-Denis, onle sait, présente une situation singulière: c'est undépartement jeune (29,2 % de moins de 20 anscontre 25 % de moyenne nationale en 2004), avec destaux de chômage (11,5 % au 4eme trimestre 2006contre 8,6 de moyenne nationale) et de pauvretéimportants. Par contraste, le faible niveau de vio-lences à Paris intra-muros mériterait d'être plus lon-guement analysé. Deux pistes pourraient être pour-suivies: une interprétation politico-institutionnelleinsistant sur la centralité de la capitale, et la néces-sité pour les autorités de « protéger )} Paris; uneseconde interprétation plus socio-démographiquesoulignant le fait que peu de quartiers parisiensconnaissent le degré de ségrégation sociale et eth-nique de banlieue et que, surtout, la mobilité et leséchanges constants à l'intérieur de la capitale favori-sent un plus grand brassage des populations'.

Des villes inégalement touchées:facteurs socio-démographiqueset lien socialSelon les données disponibles, ce sont essentielle-ment les villes prioritaires de la politique de la ville(donc comportant des zones urbaines sensibles) quiont fait l'objet de violences urbaines au cours des

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émeutes. En outre, en regardant la chronologie, on serend compte que ce sont ces villes qui sont touchéesle plus tôt par les émeutes. Mais la relation n'est pasdéterministe et l'intensité est susceptible de varierfortement. Ces disparités font naître une série dequestions: dans quelle mesure, est-ce que l'intensitédes émeutes peut être rapprochée d'indicateurs socio-démographiques? Comment les différents facteurs(âge de la population, taux de chômage, etc.) affectentla distribution des émeutes sur le territoire francilien?Si répondre à de telles questions est difficile métho-dologiquement (notamment en raison de la difficulté àmesurer précisément l'importance des émeutes dansles villes et, surtout, à localiser les violences à uneéchelle infracommunale), on compte aujourd'hui cer-tains résultats intéressants.

Selon H. Lagrange, la survenue des émeutes dansune ville dépend des facteurs suivants: importancedes grandes familles (comportant 6 personnes ouplus) et part des moins de 25 ans parmi les chômeurs.Il insiste également sur la corrélation qui existe entreles programmes de l'agence nationale de rénovationurbaine et les émeutes, suggérant que le lancementd'une opération de rénovation génère une inquiétudeau sein de la population qui a pu alimenter la partici-pation des jeunes. Enfin, le revenu médian dans lesquartiers rapportés au reste de la ville est essentiel:les émeutes sont plus probables dans les zonesurbaines sensibles dont le revenu médian est éloignéde la ville dans laquelle elles se situent3. Dans unelogique similaire, à partir de données communales surle nombre de voitures brûlées, C. Cazelles, B. Morel etS. Roché montrent l'importance de la ségrégation spa-tiale intra-communale dans le déclenchement desémeutes. Plus les disparités sont fortes (en termes derevenu, de nombre de personnes par logement, detaux de chômage et de taille de famille), plus les pro-babilités de violences sont importantes; le facteur leplus prédictif étant l'écart existant entre le taux dechômage communal et celui des quartiers sensibles4•

Il reste, au plan comparatif, que les autres grandescapitales européennes qui connaissent aussi la ségré-gation ne voient pas éclore de vagues d'émeutes àleur périphérie.

La nécessité de regarder précisément les facteurssocio-démographiques peut être illustrée par la com-paraison entre deux villes de Seine-Saint-Denis,Aulnay-sous-Bois et Saint-Denis5• Si Aulnay a étél'une des villes les plus touchées par les émeutes (98sinistres et 21 millions d'euros selon la Fédérationfrançaise des sociétés d'assurance, avec en outredes dégâts ayant eu un impact médiatique importantcomme l'incendie d'un concessionnaire Renault oud'un entrepôt de moquettes), Saint-Denis l'a été net-tement moins (moitié moins de sinistres ont étédéclarés). Comment expliquer l'écart important entreces deux villes que l'on pourrait penser à bien deségards similaires? À y regarder de plus près cepen-dant, les facteurs socio-démographiques diffèrent

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quelque peu. Quand on compare les données de lalus des Francs Moisins-Bel Air à Saint Denis et cellesde la lus des quartiers Nord d'Aulnay, on obtient desécarts plutôt significatifs: 32,2 % de moins de 20 ansà Saint-Denis, contre 41 % à Aulnay; 8 % de ménagesde 6 personnes ou plus à Saint-Denis, contre 17,9 %à Aulnay; 16,5 % de couples dont l'homme et lafemme sont sans emploi à Saint-Denis, contre 22,5 àAulnay; 38,1 % de ménages dont la personne de réfé-rence est étrangère à Saint-Denis contre 45,1 % àAulnay. Autrement dit, les facteurs socio-démogra-phiques (taille des familles, chômage, jeunesse de lapopulation) ou liée à l'immigration (part des famillesétrangères) sont positivement corrélés avec le niveaudes violences, ce qui indique leur importance pourexpliquer la survenue des émeutes sur le territoirede l'Île-de-France. On ajoutera que les clivagesinternes à la ville d'Aulnay sont essentiels: Aulnay-sous-Bois est une ville clivée, disposant d'entre-prises importantes (L'Oréal, Peugeot-Citroen, Garo·nord) situés à proximité des quartiers lesquels,situation qui a pu susciter des mobilisations selonune logique de frustration relative.

Si ces facteurs jouent un rôle non négligeable, ils nerendent compte que pour partie de la survenue des

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émeutes. Il semblerait de ce point de vue que lesémeutes ont pu avoir plus ou moins d'intensité enfonction de la nature du lien social dans les quartiersainsi que des relations entretenues par les autoritéspolitiques locales avec leur population. H. Lagrangedistingue entre « des situations d'embrayage des ins-titutions sur la société civile et les jeunes; des situa-tions de coupure entre les jeunes et les institutions;et enfin des situations intermédiaires» 6. Si les don-nées sont encore de ce point de vue fragmentaires,des travaux comparatifs seraient ici particulièrementbienvenus.

Les institutions face aux émeutesPour examiner les relations entre les politiques insti-tutionnelles et les émeutes en banlieue parisienne,une distinction doit être établie entre le rôle desacteurs sociaux et institutionnels dans l'émergencedes émeutes (dans quelle mesure le rapport aux insti-tutions a favorisé la survenue d'émeutes?) et leurcapacité à gérer, voire à endiguer la dynamique émeu-tière (comment l'action plus ou moins coordonnée desacteurs sociaux et institutionnels a induit une baissedes tensions ?).

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Les ressorts des émeutes:une forte dimension anti-institutionnelle

U Incontestablement, ledépartement de Seine-

Saint-Denis est celui qui apayé le plus lourd tribut

aux émeutes. 11 concentre10,8 % des Fél1iculessinistrés et, surtout,

35,5 % du montant totaldes sinistres. Les autres

départements sontconcernés mais très

inégalement. La Seinc-et-lvlarne et, surtout Paris,

sont les départements lesmoins toucl1és. "

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Source: POUVOIRS LOCAUX

Les émeutes de novembre 2005 ont eu essentielle-ment pour objet des affrontements avec la police, l'in-cendie de véhicules et la dégradation de bâtimentspublics (écoles, antennes de police, etc.) et privés(notamment commerces). Elles comportent peu depillages (dépouillement de voyageurs dans les trans-ports publics, vols dans les automobiles) mais essen-tiellement des saccages, avec une forte dimensiondémonstrative. Par ces actes de violences, ces jeunesdes quartiers défavorisés veulent faire comprendreque leur parole n'est pas prise en compte; plusencore, certains témoignent d'un fort sentimentd'abandon. À partir des entretiens conduits à Aulnay-sous-Bois, il nous a semblé que ces émeutes devaientêtre interprétées comme une façon de se montrer dansl'espace public, de « se faire entendre» sans que,d'ailleurs, il existe un message très construit à trans-mettre. Cette situation aporétique laisse apparaître encreux l'absence de construction d'une parole politiqueet la difficulté à passer de la violence à des conflitssociaux (et donc l'entrée dans des logiques de discus-sion publique et de négociation).

Outre les facteurs évoqués plushaut (taux de chômage, opérations derénovation urbaine), la relation entre-tenue avec deux institutions a consti-tué un ressort essentiel des émeutes.Il faut commencer par souligner l'étatparticulièrement délétère des rela-tions entre les jeunes et la police.Dans les différentes enquêtes, les rap-ports conflictuels entre forces del'ordre et jeunes (et notammentjeunes issus des minorités visibles)reviennent comme une antienne. ÀAulnay-sous-Bois, nous ont été racon-tés les défis permanents qui existaiententre jeunes et forces de l'ordre, lesentiment d'humiliation d'une partiede la jeunesse à l'égard des interven-tions de la police (<< ils traitent », « ilsrabaissent les gens c'est humiliant »).Si ces relations sont structurellementdifficiles, l'oubli de la police de proxi-

mité par le gouvernement de l'époque n'a visiblementpas été sans effet sur la dégradation des relations. Lesentiment de relégation est également alimenté parl'échec scolaire, et donc les relations difficiles avecl'institution scolaire. Si environ un jeune sur cinq ter-mine ses études avec au mieux en poche le brevet descollèges, ce taux d'échec est beaucoup plus élevédans les quartiers sensibles: un tiers des jeunes demoins de 25 ans de la Zus d'Aulnay ayant terminéleurs études n'ont obtenu aucun diplôme. De plus, aété exprimé à plusieurs reprises, un sentiment d'arbi-traire de l'orientation scolaire dont les jeunes ne com-

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prennent pas la logique (ou qu'ils comprennent tropbien). Si l'on ne peut réduire les émeutes à cette seuledimension anti-institutionnelle, tant les motifs d'im-plication des jeunes ont été divers (de la solidaritéavec les jeunes morts à la compétition intercités), ilnous semble que l'on aurait tort de négliger ce rapportconflictuel aux institutions étatiques.

Les acteurs institutionnelset sociaux dans la gestion des émeutesTournons nous maintenant vers la façon dont lesacteurs politiques, institutionnels, professionnels etsociaux ont géré cette crise. Un constat majeur res-sort: les autorités publiques ont été complètementdésarçonnées par la dynamique émeutière. C'est iciune véritable difficulté d'anticipation de la part desresponsables politiques et professionnels qui appa-raît.

S. Roché a montré que les forces de police ne sontpas prêtes au moment du déclenchement desémeutes, que la coordination entre les différents seg-ments de la Police nationale est erratique et laconnaissance des territoires d'intervention souventlimitée? Le ministère de l'Intérieur n'a plus depuis ledébut des années 2000 d'indicateurs qui lui permet-tent de mesurer le niveau des violences urbaines. Untel instrument, construit au début des années 1990 ausein de la direction des renseignements généraux, aété mis de côté, et les nouveaux indicateurs présumésplus performants n'ont pas commencé à donner desretours satisfaisants. Ensuite, les divergences organi-sationnelles (notamment entre police de sécuritépublique et forces de maintien de l'ordre) ne jouentpas en faveur d'une réponse coordonnée. La gestionde crise est, en outre, marquée par la centralisation dudispositif policier. Il existe une chaîne hiérarchique quiva du cabinet du ministère de l'Intérieur aux commis-sariats locaux. Symboliquement, le ministre de l'Inté-rieur endosse totalement dans la gestion de cettecrise le rôle de chef de la police. Cette centralisationdu dispositif ne favorise pas, initialement, uneréponse adaptée aux difficultés posées par lesémeutes, surtout que les jeunes n'ont, eux, aucuneorganisation structurée, ce qui rend leur action parti-culièrement imprévisible. En Seine-Saint-Denis, le dis-positif de réaction est très centralisé autour de lapréfecture de département et de la direction départe-mentale de sécurité publique. Si une telle centralisa-tion a l'avantage de conférer une vision globale desévénements sur le département - si tant est que lesresponsables opérationnels aient le temps de faireremonter les informations -, elle a le désavantage del'éloignement par rapport aux territoires. C'est unreproche qui lui sera fait à Aulnay, où les forces depolice arriveront toujours en retard par rapport auxévénements et aux besoins locaux.

En même temps, la police est parvenue à contenir lesviolences: en dehors des deux enfants électrocutés

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J.M.

paroles devant des jeunes déterminés, sur « la diffi-culté à leur faire entendre raison ». Dans certains cas,ces habitants mobilisés ont même pu se sentir isolés,voire menacés, car soupçonnés d'être à la solde dugouvernement et de son ministre de l'intérieur honni.

•• Les émeutess'jnscrjvent dansles ÙlégaUtés socjo-terrÜorjales de la régjonparjsjenne. Le taux dcchômage, la part de lapopulaUon jeune, la partdes famjJJes nombreusesconsUtuent des ÙldjcateursprescrjpUfs ... "

Dossier: ILE DE FRANCE

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dans le transformateur auxquels les policiers ne portentpas secours, on ne dénombre pas de tués de son fait (ilya 1mort par ailleurs du fait des émeutiers) au cours decette période et les seuls débordements connus desforces de l'ordre ont été immédiatement sanctionnés; lapolice a su adapter son dispositif pour se rendre plus àmême de réaliser des interpellations et de contenir lesémeutiers. Dans la durée, la direction départementalede la sécurité publique de Seine-Saint-Denis, parexemple, est conduite à déconcentrer le dispositif enlaissant une marge d'appréciation plus importante auxcommissaires dans les différentes villes, les forces demaintien de l'ordre ont constitué des petits groupesmobiles capables de poursuivre les incendiaires.

Ensuite, s'il est difficile à mesurer, le poids des actionsnon répressives (discours des maires, présence demédiateurs plus ou moins professionnalisés, actionsd'animations, etc.) ne doit pas être négligé dans la ges-tion des émeutes. Dansdiverses villes, des mobilisationsd'habitants, plus ou moins suscitées par les municipali-tés, ont cherché à provoquer la discussion avec lesjeunes, pour les convaincre de cesser les violences. ÀGrigny,pendant quelques jours, à l'initiative de la munici-palité, des habitants ont joué le rôle de veilleurs des bâti-ments publics et ont tenté d'engager le dialogue dansl'espace public. À Asnières, le maire a également orga-nisé des patrouilles de citoyens (composées principale-ment d'employés municipaux et de militants politiques)pour protéger les équipements publics et tenter de fairerentrer les jeunes présents dehors dans l'espace public.À Aulnay-sous-Bois, cette mobilisation des acteurs asso-ciatifs s'est accompagnée d'une manifestation républi-caine appelant à la fin des violences organisées par lamairie le samedi 5 novembre et d'une action continue desservices de la ville (médiateurs, centres sociaux) pourdiminuer le niveau de tensions dans les quartiers.

Ces mobilisations sont notables: elles témoignentdu tissu social existant dans ces quartiers et des capa-cités des municipalités pour les activer, elles ontpermis d'assurer une visibilité des adultes dans l'es-pace public, évitant que ces violences se résument àune confrontation entre les jeu nes et les forces del'ordre. Il ne faut cependant pas en surestimer l'impor-tance et l'impact. Elles ont été loin, d'abord, d'êtregénéralisées: elles n'ont pas concerné toutes lesvilles, et dans les villes où elles ont été organiséeselles n'ont pas nécessairement touché les quartiersles plus concernés, elles ont souvent rassemblé desmilitants proches de la municipalité en place, ce quiconstitue un biais politique et social non négligeable.Ensuite, les comptes rendus qu'en font les acteurseux-mêmes évoquent une relative impuissance face àdes jeunes déterminés, tout au moins dans la phaseeuphorique des violences, celles où elles touchentleur paroxysme. La détermination des jeunes, la forcedes relations qu'ils entretiennent entre eux, semblentici déterminantes. Dans les entretiens que nous avonsconduits reviennent fréquemment des paroles désillu-sionnées de ces acteurs sur le faible impact de leurs

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En conclusion, on ne peut que rappeler l'imprépara-tion des acteurs institutionnels devant les violencesde l'automne 2005. Les villes ne dis-posaient pas de plans de gestion descrises, la police nationale ne possé-dait pas d'indicateurs fiables lui per-mettant d'anticiper les émeutes. Cesdifficultés de l'anticipation viennentnous remémorer que la dimensiontemporelle des émeutes a été essen-tielle, et que les dispositifs de gestionde crise étaient cruellement absents.La capacité des collectivités territo-riales à travailler en ce sens (à échan-ger des pratiques, à mettre en placedes systèmes d'alerte) sera, à l'avenir,essentielle. Ensuite, les émeutess'inscrivent dans les inégalités socio-territoriales de la région parisienne. Le taux de chô-mage, la part de la population jeune, la part desfamilles nombreuses constituent des indicateurs pres-criptifs, même si leur degré de précision reste encoreà mesurer plus précisément. Enfin, mais cela dépassela seule région Ile-de-France, ces émeutes ont pourtoile de fond les relations conflictuelles entre jeunesdes minorités visibles et représentants institution-nels, au premier chef desquels on trouve les policiers,tensions dont il nous semble que l'interprétationdonnée a posteriori par les acteurs politiques et insti-tutionnels n'a pas suffisamment pris la mesure.

1. Nous nous appuyons ici sur le recensement le plus complet, effectué parC. Cazelles, B. Morel et S. Roché, Les violences urbaines de l'automne 2005.Evènements, acteurs: dynamiques et interactions, Document du Centre d'Ana-lyse stratégique, 2007. Pour les véhicules incendiés, les chiffres proviennent duministère de l'Intérieur; pour les sinistres de la Fédération française des socié-tés d'assurance. Tous les rapports réalisés pour le CAS sont disponibles surwww.strategie.gouv.fr.

2. Voir de ce point de vue la comparaison opérée par H. Lagrange entre le Valde Seine et le 18'me arrondissement parisien (<< Ethnicité et déséqUilibressociaux en lIe-de-France », in H. Lagrange (diL), L'épreuve des inégalités, Paris,PUF, 2006).

3. « La structure et l'accident », in H. Lagrange et M. Oberti (dir.), Émeutesurbaines et protestations. Une singularité française, Paris, Presses de SciencesPo, 2006.

4. C. Cazelles, B. Morel et S. Roché, op. cit., p. 28-29.

5. Nous nous appuyons ici sur deux monographies commandées par le Centred'analyse stratégique: M. Kokoreff, P. Barron et O. Steinauer. Enquête sur lesviolences urbaines. L'exemple de Saint-Denis, 2006; et V. Cicchelli, O. Galland,J. de Maillard etS. Missel, Enquête suries violences urbaines. L'exempled'Aul-nay-sous-Bois, 2006 (disponibles sur www.strategie.gouv.fr).

6." La structure et l'accident ", art. cité, p. 126.

7. S. Roché (2006), Le frisson de l'émeute, Paris, Seuil, p. 158-183.

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Les deux visages de Paris

Date de parution: 11.05.2007

Hank Savitch est américain. Politiste, il est professeur dans le département des affaires urbainesde l'université de Louisville dans le Kentucky. Spécialiste des villes américaines, il s'est depuisune dizaine d'années intéressé aux effets de la globalisation sur l'évolution des grandes villesmondiales, principalement dans leurs dimensions de gouvernance et de production de politiques,ce qui lui a valu notamment de travailler sur Paris. Il est, avec Paul Kantor, l'auteur de l'ouvrageCities in the international market place: the political economy of urban development in NorthAmerica and Western Europe, paru chez Princeton University Press en 2002, livre qui a obtenul'année suivante le prix du meilleur ouvrage américain sur les politiques urbaines octroyé parl'Association américaine de science politique. Son prochain ouvrage, Cities in a time ofterror,paraitra en 2007.

parH.V. SAVITCH,

University of Louisville

Les Américains ont toujours considéré Paris commeune ville unique, que l'on ne pouvait comparer auxautres villes du monde. New York et Londres souffrentdu même mal : des villes surpeuplées, dont l'obses-sion économique domine l'activité et dont les taudisde la périphérie détonnent avec le centre ville gla-mour. Ainsi, le terme de « ville duale »est apparu pourdécrire New York et Londres, avec d'un côté unerichesse opulente et de l'autre une pauvreté extrême.New York a son Wall Street et son Upper East Sidecossus, mais aussi son Harlem et son South Bronxdécrépits. Londres a son Westminster et son vivantWest End, mais également un East End à la dérive et lequartier ouvrier de South bank,

La ville centenaireÉvidemment, on aurait pu distinguer une telle dualitésociale à Paris. Les Américains auraient pu se rendrecompte de l'autre visage de Paris, comme Belleville,et consulter de nombreuses études sur « la ségréga-tion sociale de l'espace ». Mais peut-être que, déses-pérés par les maladies de leurs propres villes, ils ontfait le choix de ne pas regarder dans cette direction.

Pour bon nombre d'américains, et particulièrementles New Yorkais, Paris est une ville à part. Dans l'in-conscient américain, elle est proche de la perfection:une grande ville cosmopolite composée de quartiersoù il fait bon vivre, avec ses boutiques à taillehumaine. Aux yeux des Américains, Paris semble rem-plir toutes les qualités. Ses atouts résident dans desquartiers très spécialisés dont la somme formequelque chose de bien plus grand. De ce point de vue,le tissu et la morphologie de la ville coïncident bienavec l'opinion qu'en a la population américaine.

Paris a aussi longtemps illustré « la théorie desclusters » de la vitalité urbaine, devenu monnaie cou-rante parmi les urbanistes, les chercheurs et les déci-deurs. L'art de découvrir des "cluster" urbains a été

élaboré par Jane Jacobs et adapté plus tard parMichael Porter en une stratégie rigide de développe-ment. Jacobs démontrait que, quand une multituded'activités complémentaires étaient réunies dans unespace rapproché, elles constituaient une masse cri-tique et un puissant déclencheur de synergies. Onpourrait comparer ce phénomène à une banale réac-tion nucléaire où une masse d'énergie potentielle estconvertie en une chaîne continue d'innovations.

De fait, plus que la plupart des villes, Paris offre unaperçu de la manière dont la concentration permet àune ville de fonctionner. Pour donner quelquesexemples, le X' arrondissement est un espace d'indus-tries légères, de commerces de vêtements et de four-rures ; un peu plus loin se trouvent les V' et VI " quar-tiers généraux de la « matière grise », où se mêlent lesinstitutions culturelles, les librairies et les intellec-tuels ; entre ces arrondissements, le IV' présente undécor pittoresque composé de boutiques et de lieuxde détente - et, bien sûr, il yale "triangle d'or"autour du VIII', XVI' et du XVII', qui offre une multituded'équipements pour les cadres supérieurs. Lorsqu'ar-rivent les beaux jours, les quartiers de Paris se peu-plent de festivals de musique, de concerts à l'air libreet autres événements publics. Et tout ceci, qui sedéroule sur 105 km' au maximum, se trouve connectépar un grand épicentre, la place du Châtelet, impo-sante par les monuments qui l'entourent.

Une image renforcée par Delanoë

Cette image a eu un tel succès que Paris, malgré unepériode de frénésie économique, a pu se présentercomme une ville globale à visage humain. À l'inversed'autres villes internationales, Paris donne l'impres-sion de choisir la consommation plutôt que la produc-tion et le développement collectif plutôt que la compé-tition économique. Que cette vision soit complète est

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une autre question, mais ce qui reste dans l'esprit desAméricains c'est l'image d'une ville globale et enmême temps humaine.

Paris a été capable de s'adapter à la révolution post-industrielle du XX' siècle, tout en offrant la promessed'un XXI' siècle meilleur; en même temps elle aconservé le cadre culturel d'une ville du XiX' siècle.Voyez, par exemple, ce qu'on pouvait lire dans unarticle du New York Times Magazine intitulé {( Pour-quoi Paris fonctionne» : « Les Parisiens ... ont suconstituer une métropole moderne et fonctionnellesur une ville médiévale et de la révolution du XVIII'siècle. Et ils ont réussi royalement. Les ordures sontenlevées sept jours sur sept, le courrier est livré troisfois par jour et les 1200 kms de rues de Paris sontbalayées à la main quotidiennement. Aux heures depointe, le métro passe toutes les 80 secondes et denombreuses boutiques dans les stations sont déco-rées de mosaïques et de peintures murales. Lesfamilles aisées se précipitent, non pas pour fuir enbanlieue proche, mais pour acheter un appartementdans un quartier recherché de Paris et pour inscrireleurs enfants dans une école publique. »

L'article continue en encensant le Jardin du Luxem-bourg par ces mots: « A une période où les villes, deLagos à Los Angeles, sont envahies par les sans abriset la délinquance, le célèbre parc de Paris est uneoasis au milieu de l'agitation urbaine» ; il couvred'éloges tout ce que Paris peut recouvrir, de la solida-rité sociale et des « traditions républicaines » aux

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écoles publiques et au Louvre. Même si la descriptionet le ton sont exagérés, la clé de voûte de l'article estque Paris constitue l'antithèse de l'inhumanité desvilles américaines. Même les plus petites communesau-delà du périphérique se distinguent comme uneantithèse de banlieues homogènes et sans dyna-misme qui se sont développées jusque dans les cam-pagnes américaines.

L'élection, en 2001, d'un maire de Paris, homo-sexuel et socialiste, a encore renforcé cette image.Delanoë n'a d'ailleurs pas déçu ces idéaux. Certes,l'opération Paris-plage a attiré énormément l'atten-tion, mais pas plus que les efforts de la mairie pourrendre les rues aux piétons, aux cyclistes et aux pati-neurs. Peu importe la pollution qui flotte toujoursdans l'air, les embouteillages, la difficulté de trouverun taxi ou la recrudescence de la délinquance. Compa-rée à tout ce que les Américains peuvent connaître,Paris est une grande et joyeuse fête.

Le retour à la normePuis sont survenues les émeutes de 2005. Pendantdeux semaines, des jeunes ont saccagé les banlieuesenvironnant Paris, des voitures ont été incendiées etdes émeutiers ont tiré des coups de feu dans les rues.Tandis que les images de policiers effrayés de pénétrerdans ces quartiers défilaient en boucle sur les écransdes télévisions, la violence semblait s'être emparée detoutes les banlieues. On a pu voir des bâtiments brûlés,

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Paris et New York, vers 2000

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Sources: U.S. Bureau of the Census, Washington, ne, USA and Institut National de la Statistique et des Etudes (INSEE)Paris, France

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une autre question, maisce qui reste dans J'esprit

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des rues enfumées, des milliers de policiers mobiliséspour endiguer cette violence, des hélicoptères survo-lant les lieux ... Alors que nombre de Français considé-raient cette situation comme une abberration, celle-ciest sans nul doute apparue comme plus familière auxAméricains, qui ont interprété assez naturellement cesévènements marquants à travers leur propre expé-rience et le souvenir des scènes de chaos à LosAngeles, en 1992, ou encore de la destruction deDetroit quelques dizaines d'années auparavant.

Surtout, les Américains se sontefforcés de comprendre ce que cesémeutes urbaines signifiaient. Poureux, le mot « banlieue» renvoie auxfamilles de classe moyenne, aux mai-sons individuelles et aux pelouses par-faitement tondues. Assez vite, l'autrevisage de Paris a surgi. Ils ont décou-vert un autre type de banlieue, faite deHLM, de dalles de béton, et habitée pardes immigrés ou des enfants d'immi-grés du Maghreb. Ils ont alors entenduparler du chômage des jeunes, de lapauvreté, de la ségrégation résiden-tielle, des accusations de discrimina-tion raciale et d'une "bombe" prête àexloser à nouveau.

Mais il y avait aussi autre chose quiprovenait de la vue des énormes toursde logements sociaux. Dans les villesaméricaines, les logements sociauxsont stigmatisés comme des lieux bas

de gamme, criminogènes, inhospitaliers. Les « pro-jets » comme les Américians les appellent, ont étéconsidérés comme des erreurs architecturales. Desétudes ont montré que le fait de confiner des minori-tés pauvres dans d'immenses édifices "standard"

contribuaient à priver ces populations de repères oude capacité de contrôle sur leur environnement -aggravant les distances entre individus et faisant obs-tacle à la constitution de quartiers viables. Les « pro-jets» sont devenus si impopulaires, que les villesaméricaines les ont vidés de leurs habitants et les ontensuite fait exploser, pour le plus grand plaisir desbadauds. Les émeutes qui ont débuté dans les com-munes de Seine-Saint-Denis n'ont donc pas été trèsétonnantes; ce qui a surpris, en revanche, c'est queles Français aient pu répéter les mêmes erreurs queles Américains .

Qu'il soit possible de corriger de telles erreurs n'estpas certain, mais les solutions proposées ont eu unson familier pour les américains. La « discriminationpositive» leur rappelait leur« affirmative action », les« aides gouvernementales » leur propre « guerrecontre la pauvreté» et 1'« intégration des immigrés»ressemblait fortement aux lois sur les droits civiques.À tort ou à raison, ils ont donc conclu que la Franceétait en train de vivre le même problème que les Etats-Unis - à ceci près qu'en France le problème se pose àla périphérie des centre villes alors qu'aux Etats-Unisla crise est dans leur coeur.

Puis cette prise de conscience de l'autre visage deParis a été mise en perspective. Evidemment, les Amé-ricains n'ont pas confondu le centre avec la banlieue,mais désormais Paris n'est plus dissociée de sa ban-lieue, et c'est très bien ainsi. Paris est toujours tenueen estime, mais elle prend maintenant plus les traitsd'une ville « normale », où se mêlent splendeur et lai-deur. D'une certaine manière, Paris commence à res-sembler à New York avec un visage attrayant et unvisage repoussant. Le premier visage est celui devilles aux citoyens prospères, habitant et travaillantdans une société florissante. Le second montre des

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quartiers dégradés avec des minorités ethniques auchômage. La figure ci-dessous permet d'effectuer descomparaisons à partir de quelques indicateurs.

Paris est une fête

Les deux villes ont une forte proportion de cadresdans leurs populations actives. Les Parisiens et lesNew Yorkais sont tout autant diplômés. En outre, lesdeux villes suivent une politique de centre gauche etsont intervenues sur leurs marchés immobiliers res-pectifs pour offrir un logement à ceux qui ne peuventse permettre des loyers élevés. Alors que New York atoujours été une ville d'immigrés (qui constituentaujourd'hui plus d'un tiers de sa population), Parisaussi a une grande communauté d'immigrés quicompte aujourd'hui pour plus d'un quart de sa popu-lation. La pauvreté, qui n'a jamais été étrangère auxvilles américaines, touche 20 % des new-yorkais, maisatteint aussi 14 % des Parisiens. Les taux de chômagediffèrent, celui de Paris étant deux fois supérieur àcelui de New York, mais beaucoup de parisiens préfè-rent utiliser les avantages sociaux de leur pays plutôtque d'occuper un emploi mal payé.

Ce que le graphique ne montre pas, c'est le taux dedélinquance. New York a une réputation de délin-quance élevée, mais ces dernières années, ce tauxs'est réduit. Dans une direction diamétralement oppo-sée, Paris a toujours eu une réputation de ville sûre,mais ces dernières années la délinquance a augmenté.Les données sur la délinquance de Paris intra murassont difficiles à obtenir, mais les données de la régionsont révélatrices. En 2005, la région parisienne a subi

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754 délits avec violence pour 100 000 habitants,contre seulement 448 délits pour 100 000 habitantspour la région à peu près similaire de New York. Letaux d'homicide est toujours plus bas en région pari-sienne, mais de peu. Durant la même année, elle aenregistré 510 homicides, alors que son homologueNew Yorkais enregistrait 688 homicides.

Que peut-on conclure de ces chiffres? L'environne-ment urbain parisien et new-yorkais est très large-ment différent et il est évident qu'il en va de mêmepour les cultures. Mais dans un sens, Paris et NewYork ont démontré qu'elles présentent des points deconvergence sur des caractéristiques fondamentalesliées aux profils sociaux et aux styles de vie. Ceci estparticulièrement vrai lorsque nous comparons, l'unavec l'autre, les centres urbains de chacune des villes.

Est-ce que cette « familiarité» ternit l'image deParis ? Pas le moins du monde. Au contraire, elleaurait plutôt tendance à « normaliser» Paris et, enbien des points, à la rendre plus réelle. Bon an mal an,Paris garde sa place si particulière. Les sentimentsd'Ernest Hemingway restent partagés par les Améri-cains d'aujourd'hui lorsqu'il écrivait: « Si vous avezsuffisamment eu de chance pour avoir vécu à Parisdans votre jeunesse, alors, quoi que vous fassiezdurant le reste de votre vie, cette ville demeure envous, car Paris est une fête incessante. »

H.S.

Nos remerciements à Xavier Pesenti qui a réalisé une première traduction dece texte - ainsi qu'à Christian Lefèvre, qui j'a finalisée.

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Les relations entre milieux économiques et politiques

Date de parution: 11.05.2007

Londres et Paris: deux métropoles aux antipodesEn France, la participation des acteurs économiques au gouvernement des métropoles resteproblématique. Visiblement les relations entre le monde politique local et les sphères économiquesne vont pas de soi, apparaissent méfiantes, voire conflictuelles. Pourtant le discours ambiantsur la globalisation, largement repris par bon nombre d'acteurs politiques et économiques,parce qu'il insiste sur la compétition et sur la compétitivité économique des métropoles,devrait faciliter une implication du monde de l'entreprise dans ce qu'il est aujourd'hui convenud'appeler la gouvernance des grandes villes. Dans ce contexte, Christian Lefèvre présente ici unecomparaison des modalités d'implication des acteurs économiques dans la gouvernance des deuxplus grandes métropoles européennes, Londres et Paris, en s'attachant à comprendre le pourquoide leurs différences en la matière.

parCHRISTIAN LEFÈVRE,professeur à l'Institutfrançais d'urbanisme

(université de Pans VIII),chercheur au LATIS,

ENPC

Nous qualifierons les systèmes de gouvernance denos métropoles à partir de quatre éléments:1. le degré de fragmentation/structuration des acteurspublics;2. le degré de fragmentation/structuration desacteurs économiques;3. le degré de structuration des relations entre acteursau niveau métropolitain; et4. l'existence et l'intensité de structuration de leursrelations à d'autres échelles spatiales que l'échellemétropolitaine, notamment au niveau infra-métropoli-tain.

Londres: un systèmede gouvernance lâche et instableDu point de vue des institutions publiques, le GrandLondres se caractérise par un système peu fragmentéavec seulement 32 municipalités (boroughs) aux-quelles vient s'ajouter depuis 2000 l'autorité duGrand Londres (Greater London Authority - GLA)quicouvre le comté de Londres et l'État. À noter quecontrairement à l'Ile-de-France, la métropole londo-nienne ne possède pas de commune-centre. Parailleurs, la GLA n'a pas de compétences opération-nelles, hormis dans le domaine non négligeable destransports publics. Il s'agit en effet d'une autoritéstratégique qui, de par la loi qui la crée, est chargéed'élaborer des stratégies dans de nombreux domainescomme l'aménagement, le développement écono-mique ou l'environnement. La GLAne dispose pas defiscalité propre et avec un budget fortement dépen-dant et contraint par l'Etat, elle possède peu de com-pétences et reste donc une collectivité territorialerelativement faible.

Du point de vue des acteurs économiques, lesystème semble, là aussi, peu fragmenté avec troisprincipales associations d'entreprises, la chambre de

commerce de Londres (LCCI)qui ne rassemble qu'en-viron 3500 entreprises (mais contrairement auxchambres de commerce françaises qui sont des éta-blissements publics, il ne s'agit ici que d'une simpleassociation volontaire d'entreprises), la Confedera-tion of British Industry (Csl) London,la branche métro-politaine de la principale union patronale britanniqueet London First, association représentant les princi-pales grandes firmes londoniennes ouvertes à l'inter-national. À ces trois structures, qui sont en partieimbriquées (certaines entreprises de la CBI étantmembres de London First), il convient d'ajouter la CityCorporation of London, collectivité locale originale etfort ancienne, située en plein cœur de Londres, quireprésente les intérêts de la City, autrement dit princi-palement de la Finance.

Au niveau métropolitain, la structuration des rela-tions entre acteurs existe, mais reste relativementfaible. La GLA pilote l'agence de développement deLondres, la London Development Agency (LOA),dont leconseil d'administration est majoritairement composéde chefs d'entreprise. Viennent s'y ajouter trois autres"agences" dépendantes en tout ou partie de la GLAdans le domaine des transports publics, de la police etde la lutte contre l'incendie et les situations d'urgence.Par l'intermédiaire de ses stratégies, la GLAa égalementtissé des relations avec les acteurs économiques,notamment lorsqu'il s'agit de sa stratégie de dévelop-pement économique et de sa stratégie d'aménagement.

Enfin, le territoire du Grand Londres se trouvemorcelé par un certain nombre de structures de parte-nariat public-privé, qui développent pour certainesdes visions stratégiques; elles associent collectivitéslocales, entreprises et associations mais leur territoired'action se limite à des portions de la métropole seu-lement, comme le London Thames Gateway Partner-ship ou le Central London Partnership.

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En résumé, le Grand Londres se caractérise par unsystème de gouvernance où les catégories d'acteurssont peu fragmentées mais où la structuration métro-politaine de leurs relations demeure faible, du faitnotamment d'une GLAfaible. Il s'agit là d'un systèmeinstable et potentiellement conflictuel. Les conflitssont potentiels entre l'Ëtat et la GLAd'une part car legouvernement central demeure fortement présent,par le Government Office for London (GOL), sorte demini-préfecture mais aussi et surtout par un encadre-ment fort des politiques publiques et un souci de nepas produire sur la capitale britannique une autoritémétropolitaine forte; et entre la GLAet les boroughsd'autre part, ceux·ci craignant la montée en puissancede la GLA.Cette instabilité et conflictualité est aujour-d'hui confirmée par le processus de réforme en coursqui vise à renforcer les pouvoirs de la GLAet qui voits'opposer ces trois acteurs. Dans ce système et danscette réforme, les acteurs économiques occupent uneplace importante comme nous le verrons.

Paris-lle-de-France: une métropOlefragmentée et conflictuelleL'organisati on politico-institution neIle francilien neest complexe avec près de 1300 communes, 8 dépar-tements, une région et l'Ëtat auxquels vient s'ajouter

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une petite centaine de structures intercommunales àfiscalité propre. Cette fragmentation ne serait pas for-cément problématique si des modalités de régulationdes conflits ou permettant de parvenir à des décisionspartagées existaient. Auparavant l'Ëtat par son leader-ship jouait en partie un tel rôle, mais les évolutionspolitico-institutionnelles comme la décentralisation etle développement de ('intercommunalité ne le lui per-mettent plus et les conflits territoriaux aujourd'hui sedéveloppent.

La situation est similaire du côté du monde écono-mique. Au moins quatre chambres de commercereprésentent sur des territoires infra-régionaux lesentreprises. La seule chambre régionale est une struc-ture plutôt faible et qui ne joue que peu le rôle decoordination et de régulation. Les unions patronalescomme le Medef ou la CGPMEsont relativement frag-mentées par branches et leur organisation territoriale,notamment au niveau régional, pèsent peu parrapport aux organisations sectorielles.

Cette fragmentation et conflictualité des acteurspolitiques et économiques ne trouve aucune structura-tion significative au niveau métropolitain ou régional.Le Conseil économique et social d'Ile-de-France esttrop faible pour prétendre représenter les acteurs éco-nomiques auprès des pouvoirs publics, l'Agence régio-

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Londres et Paris:Une mobilisation contrastéedes acteurs économiquesVis-à-vis de l'implication des acteurs économiques,les métropoles de Paris et de Londres offrent unevision très contrastée, ceux-ci étant au cœur dusystème de la gouvernance londonienne alors qu'ilsn'occupent qu'une place marginale en Ile-de-France.

nale de développement (ARD) relativement récentepuisque créée en 2001 et rassemblant la région, lesdépartements et les chambres de commerce ne peutnon plus jouer le rôle de lieu de formulation d'une stra-tégie métropolitaine partagée contrairement auxpremiers espoirs car les parties prenantes n'ont pus'accorder pour lui octroyer une telle mission.

U À la djfférence de lasUuation londonienne où

ces derniers occupent uneplace importante dans le

système décisionnel etinstitutionnel, en Ile-de-

France, J'implication desentreprises reste à la [oismoins forte et se situe en

amont, se réduisant le plussouvent à une consultation

de la part des pouvoirspublics, nationaux et

locaux"

En 1998, se constitue le London Development Part-nership (LDP). Le Lop est en partie l'héritier du Lpp. Eneffet il est établi par les grandes entreprises (son pré-sident est le POG de British A irways , membre deLondon First) mais accueille, beaucoup plus que le Lpppar exemple, l'ensemble des collectivités locales duGrand Londres, notamment par le biais de l'Associa-tion of London Governements (ALG), organisme quifédère depuis 1994 l'ensemble des municipalités lon-doniennes, quelle que soit leur appartenance poli-tique. En 1999, le Lop et l'MG publient un seconddocument, the London Study, sorte d'agenda straté-gique dont la future GLA pourrait se saisir.

En 1994, l'Etat propose une réflexion stratégiqueaux trois plus grandes métropoles britanniques (Bir-mingham, Londres, Manchester), baptisée City Pride.Pour y répondre, une structure ad hoc est créée: leLondon Pride Partnership (LpP). Constitué à l'initiativede London First, le Lpp rassemble les grandes entre-prises, la chambre de commerce, la CSI, la City ofLondon et la City of Westminster et une partie dumonde associatif. En 1995, il produit le London PrideProspectus, le premier document stratégique londo-nien de l'après GLC.

En 1992 est créée London First. Associationd'hommes d'affaires constituée dans le but de pro-mouvoir la capitale et d'améliorer sa situation écono-mique notamment en participant aux décisions straté-giques pour les questions qui les concernent, LondonFirst n'ambitionne pas de représenter le monde écono-mique dans son ensemble, mais les grandes entre-prises ouvertes à la compétition internationale (ellecompte environ 300 membres aujourd'hui). Persua-dées que les collectivités locales n'ont pas les moyensde développer Londres et que le gouvernement centrals'en désintéresse (aucune mesure n'est prise parexemple pour endiguer la chute du prix du foncier oupour améliorer les transports publics, deux problèmesclé de l'époque), ces grandes entreprises se mobili-sent. En 1994, London First crée le London First Centre,sorte d'agence de promotion de Londres visant àattirer les investissements. Cette structure reçoit pource faire des ressources du ministère de l'Industrie, descollectivités publiques (City of London, City of West-minster (un borough), de la London Docklands Deve-lopment Corporation, structure mixte chargée del'aménagement de la zone des Docklands et dusecteur privé.

Les milieux économiques se montrent égalementtrès actifs dans la création de la GLA en 2000. Ils ontfortement contribué d'une part à son établissement eninsistant sur la nécessité pour la capitale d'avoir une« voix pour Londres» personnalisée par un maire éluau suffrage universel direct et d'autre part à sa confi-guration même en souhaitant une autorité métropoli-taine principalement stratégique et peu gestionnaire

Londres: une implication forteet structurée des entreprisesEn 1986, le Greater London Council(GLC), autorité métropolitaine élue etpuissante, est aboli par le gouverne-ment conservateur de Mme Thatcher.Cette disparition crée un vide politiqueet stratégique pour la capitale britan-nique dans la mesure où aucune insti-tution ne peut parler pour elle. Ce vide,ce sont les acteurs économiques et sin-gulièrement la City Corporation quivont chercher à le combler. Très vite, laCity of London assume un rôle dereprésentation du Grand Londres,notamment dans ses relations interna-tionales (elle reçoit les chefs d'État etmissions diplomatiques en visite àLondres, elle parle pour le Grand

Londres à l'étranger) et commissionne plusieursrapports sur la situation économique et sociale de lamétropole, se substituant de fait au GLC,mais en défen-dant bien évidemment ses intérêts propres.

En revanche, l'Ile-de-France assiste aujourd'hui àune multiplication de structuration d'acteurs poli-tiques et économiques à des niveaux infra-métropoli-tains, comme dans certains départements et inter-communalités, sans compter la ville-département deParis et la zone centrale, ces structurations portant unrisque de morcellement de l'aire métropolitaine. Lamétropole francilienne apparaît alors comme un terri-toire en cours de morcellement sans institution ouacteur disposant de ressources nécessaires et à cetitre capable de jouer légitimement un rôle de leaderou même de fédérateur qui permettrait de compenserla fragmentation existante et de réguler significative-ment les principaux différents et divergences depoints de vue, voire de stratégies.

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U La culture politiquefrançaise considère quele public doit primel' surle privé dans la conduitedes affaires collectiveset que dans tous les casce dernier ne sauraitdétenir une positioninstitutÏonI1elle forle dansles sphères décisionnelles.Dans ce cadre, j] est clairque le système degouvernance londonienaccorde une placeinstitutionnelle plusimportante aux acteurséconomiques que celuide J'IIe-de-France. "

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de services. On peut dire qu'ils ont été en grandepartie comblés puisque la loi sur Londres de 1999reprend un bon nombre de leurs suggestions.

Depuis la constitution de la GlA, les entreprisesjouent le jeu et s'impliquent fortement. Tout d'abord,elles sont fortement présentes dans le conseil d'admi-nistration de la London Development Agency, agencequi a pour tâche d'élaborer la stratégie de développe-ment économique de la métropole et de la mettre enœuvre. En second lieu, elles se sont réorganisées encherchant à parler d'une seule voix, ce qui a donnélieu à l'établissement du London Business Board(Lss), structure légère de coordination de la LondonChamber of Commerce, de London First et de CBILondon. Individuellement ou par l'intermédiaire duLBB, les acteurs économiques ont progressivementdéveloppé des relations régulières et intenses avec laGlA. Enfin, ce sont eux qui aujourd'hui s'occupent offi-ciellement de la promotion internationale du GrandLondres (inward investment agency) avec la récentecréation de Think London, agence conjointementfinancée par la London Deve/opment Agency, LondonFirst et par la City of London et dont le conseil d'admi-nistration est entièrement composé de représentantsdes entreprises.

Paris-lle-de-France: des acteurs économiquesrarement parties prenantes des décisionsLe processus de décentralisation et le développementde l'intercommunalité en Ile-de-France représententdeux phénomènes qui structurent aujourd'hui l'implica-tion des acteurs économiques franciliens dans lesaffaires de la cité. Cependant, à la différence de la situa-tion londonienne où ces derniers occupent une placeimportante dans le système décisionnel et institu-tionnel, en Ile-de-France, l'implication des entreprisesreste à la fois moins forte et se situe en amont, se rédui-sant le plus souvent à une consultation de la part despouvoirs publics, nationaux et locaux. Parailleurs, cetteimplication s'effectue de manière fragmentée, chaqueinstitution politique faisant appel aux acteurs écono-miques sur les territoires qu'elle contrôle, à travers desstructures ad hoc, établies ou non par la loi, et enfonction de leurs compétences propres, dans le cadrenotamment de procédures formalisées d'élaborationdes politiques publiques qui requièrent explicitementla participation des acteurs économiques. Il en ressortune implication "patchwork" reposant sur des basessectorielles et territoriales multiples sans réelle coordi-nation et non pérenne.

La région a progressivement développé des relationsavec le monde économique à mesure que se renfor-çaient ses compétences en la matière. Les ËtatsGénéraux pour l'emploi de 1999 ont probablement étéla première véritable tentative régionale de mobilisa-tion des entreprises sur l'avenir de l'économie franci-

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tienne, mais cette mobilisation est rapidementretombée. Forte de ses nouvelles compétences enmatière d'aménagement et de l'opportunité que luioffrait la loi de décentralisation de 2004 de jouer unplus grand rôle en matière de développement écono-mique, la région a récemment lancé deux schémas, leSchéma directeur régional d'Ile-de-France (SDRIF)et leSchéma régional de développement économique (SRDE)auxquels elle a cherché à associer les entreprises. Cetteassociation s'est tout d'abord effec-tuée par le biais du Conseil écono-mique et social régional qui, comme laloi l'oblige, a été consulté en tantqu'assemblée régionale sur ces deuxschémas. En second lieu, la région ainvité les structures de représentationdu monde économique (chambres decommerce, fédérations profession-nelles, etc.) a participer à l'élaborationde ces deux documents stratégiquesqui ont donné lieu à une intenseactivité de consultation, allant parfoisau-delà de ce que requiert la loi. Ainsi,pour le SRDE,la région a constitué ungroupe de proposition auquel ont par-ticipé une quarantaine d'entreprises.

Mais elle n'est pas la seule à déve-lopper ce genre de relations avec lemonde économique. De son côté, lamairie de Paris a créé en 2002 le CODEV,conseil de développement, organeconsultatif chargé d'aider la municipa-lité à définir ses actions en matièred'économie et d'emploi et composépour partie de responsables d'entreprises. Par ailleursdans le cadre de l'élaboration de son Plan local d'urba·nisme (PLU), la municipalité a invité les entreprisesparisiennes à s'exprimer sur l'aménagement et ledéveloppement de la capitale. Certains départementscomme le Val d'Oise ont eux aussi initié des démarchesde consultation et de mobilisation des entreprisesavec l'aide ou non d'agences de développement nou-vellement créées comme celle du Val-de-Marne en2003 et qui la plupart du temps associent les acteurséconomiques dans leurs structures de gouvernance.

Les deux métropoles de Londres et Paris présententdonc des situations très contrastées entre d'un côtéune participation et une implication centrale desentreprises à Londres et de l'autre des acteurs écono-miques que l'on invite de temps en temps à la table enlle-de-France, même si pour le cas francilien deuxbémols peuvent être introduits: une ouverture vers lesreprésentants d'un autre modèle économique commel'économie sociale et solidaire et une mobilisationplus effective et plus structurée des entreprises dansle cadre de la politique des pôles de compétitivité oùles collectivités territoriales semblent accepter un

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relatif leadership régional. Qu'est-ce qui explique unetelle différence? C'est vers cette question que nousnous tournons maintenant.

Cette légitimité est d'autant moins contestée, que leGrand Londres se situe résolument dans le contexte dela globalisation et de la compétition territoriale entregrandes métropoles. Lesstratégies élaborées par la GLAsont explicites sur ce point qu'il s'agisse du Londonplan, sa stratégie spatiale, ou de sa stratégie de déve-loppement économique, Sustainaing Success. Londress'affiche haut et fort comme une grande métropole de

Londres et Paris: des conceptionsdivergentesA priori ce n'est pas dans la situation économique denos deux métropoles qu'il faut chercher les diffé-rences de mobilisation du monde entrepreneurial carLondres et Paris sont grosso modo de rang équivalentet confrontées aux mêmes enjeux et défis, mais dansdes conceptions divergentes des relations entre lepolitique et l'économique et du rôle des métropolesdans la globatisation. C'est donc plutôt dans ce qui lesdifférencie intrinsèquement dans leur système degouvernance qu'il faut trouver des débuts de réponse.

Depuis le début des années 1980, laGrande Bretagne a opéré une transfor-mation radicale de sa conception desrelations entre le pu blic et le privé,entre le politique et l'économique.Ceci a été initié par la révolution th at-chérienne que le gouvernement tra-vailliste n'a pas fondamentalementremise en cause, en tout cas sur cepoint précis. Aujourd'hui le partenariatpublic-privé est toujours le paradigmede nombreuses politiques publiquesbritanniques et notamment des poli-tiques urbaines. Ce partenariat ne selimite pas à des questions opération-nelles, mais est aussi au cœur de cer-taines structures stratégiques commela composition des instances décision-nelles de la LDA(et plus généralementdes autres agences régionales dedéveloppement) l'illustre. Même si le

public, et singulièrement l'État, demeure fort et centralsur le territoire britannique et tout particulièrement àLondres car s'y ajoute son rôle de capitale, il n'endemeure pas moins que la légitimité des milieux d'af-faires à participer aux décisions concernant le devenirde la métropole n'est plus contestée.

Nous avons vu que les entreprises ont répondupositivement et ont joué le jeu en se mobilisant, ens'organisant, en restructurant leurs modes de repré-sentation. Cette attitude s'explique comme nousvenons de le dire par la légitimité que leur octroient laloi et l'évolution de la conception des politiquespubliques, mais plus largement par la crédibilité del'autorité du Grand Londres qui en fait un acteur fiablepour les milieux d'affaires. Cette crédibilité est assisesur plusieurs éléments. En premier lieu la naturemême de la GLA,autorité stratégique et relativementfaible qui l'oblige à nouer des alliances et à être res-pectueuse des forces économiques si elle veut queses options de développement soient mises enœuvre; ainsi elle ne prétend pas se substituer ausecteur privé et affiche une conception modeste deson rôle. En second lieu, l'attitude même du maire quia montré clairement ses choix et les a défendus. « I<enle rouge », comme on l'appelait lorsqu'il était prési-dent de l'ex GLCet membre influent de la gauche duparti travailliste, s'est en partie reconverti en affichantun discours pro-développement économique, pro-compétitivité qui est celui que souhaitaient entendreles milieux économiques. Homme charismatique, il afortement personnalisé la fonction de maire et s'estmis en avant sur de nombreux dossiers et notammentsur celui des Jeux Olympiques, un succès qu'unegrande partie de la société londonienne et particuliè-rement les entreprises lui attribuent volontiers. Cefaisant il a montré aux acteurs économiques qu'ilspouvaient compter sur lui.

rang mondial qui a comme objectif principal l'améliora-tion de sa compétitivité, base de son développement.Dans ce registre, la participation et le soutien du mondeéconomique est cruciale et recherchée.

Mais la mairie de Londres s'est montrée égalementun partenaire du monde économique métropolitain.Dès son arrivée au pouvoir, 1<.Livingstone produit undocument intitulé« The ayo rand his relations with theBusiness community ». Ce document de 26 pages estun engagement du maire vis-à-vis des entreprisesmais aussi une demande. Il se déclare prêt à travailleren commun avec elles mais il souhaite des positionsclaires et communes de la part des milieux d'affaires.Très vite il donne des garanties de sa bonne volonté. Àpeine élu, il constitue un cabinet qui fait la part belleau monde économique. Il choisit la présidente de laCity of London comme conseillère et le Laadevient unesorte de forum consultatif avec lequel il discute régu-lièrement. Tous les 15 jours une réunion formelle estorganisée et les conseillers du maire sont en relationsquasi-quotidiennes avec les principales associationsd'entreprises.

Le maire touche les dividendes de cette attitude"pro-business". Les acteurs économiques le soutien-nent lors de la réforme en cours sur l'organisation et

Londres: un contexte historico-politique favorable aux acteurséconomiques

•• Eabsence destructuration des mmeux

économiques dans desorganes de représentation

peu nombreux,représentatifs et puissants

ajoute à la difficulté deleur mobilisatioll. Elle

reflète une fragmentationsignificative des milieux

économiques f'ranciliens,qui repose sur

l'indifférence ou même surla conflictualité interne à

ces milieux, notammententre les unions patronales

et entre ces dernières etcertaines chambres

consulaires. "

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les compétences de la GLA,en faisant pression pour unaccroissement de ses responsabilités, notammentdans les domaines du logement et de la planification,secteurs de conflits avec les boroughs. Les choix dumaire de Londres ont cependant un revers, celui d'unecritique de nombreuses forces sociales, base tradi-tionnelle du parti travailliste, qui l'accusent de virer debord en privilégiant les intérêts des grandes firmes.

Paris-lle-de-France :une implication faible et fragmentéeLa culture politique française considère que le publicdoit primer sur le privé dans la conduite des affairescollectives et que dans tous les cas ce dernier nesaurait détenir une position institutionnelle forte dansles sphères décisionnelles. Dans ce cadre, il est clairque le système de gouvernance londonien accordeune place institutionnelle plus importante aux acteurséconomiques que celui de l'Ile·de-France. Cette diffé-rence repose sur la plus ou moins grande légitimitéoctroyée aux milieux économiques, et singulièrementaux milieux d'affaires.

En Ile-de-France, l'organisation politico-institu-tionnelle et son évolution récente imprime fortementla nature et l'ampleur de l'implication des acteurséconomiques. La multiplicité et la fragmentation desacteurs politiques franciliens, le processus de décen-tralisation et la non hiérarchie entre collectivitésterritoriales, tout comme le développement de l'in-tercommunalité la plus intégrée (communautés d'ag-glomération par exemple) sont en train de produireun système politica-institutionnel très compétitif auplan territorial. Chaque niveau de collectivité estlégitime pour élaborer ses propres stratégies de déve-loppement, notamment économique, de manière rela-tivement autonome, en comptant premièrement surses propres forces. Outre qu'une telle situation estpréjudiciable à une vision métropolitaine partagée,elle explique en partie une mobilisation fragmentéedes acteurs économiques et une faiblesse de toutestructure de mobilisation métropolitaine ou régionalede ces mêmes acteurs. Pas de leadership territoriallégitime en Ile-de-France mais une compétition pource leadership, donc pas ou peu de mobilisation desforces économiques et sociales à cette échelle par lesinstitutions politiques.

L'absence de structuration des milieux écono-miques dans des organes de représentation peunombreux, représentatifs et puissants ajoute à la diffi-culté de leur mobilisation. Cette absence de structura-tion n'est pas non plus le fait du hasard, mais reflèteune fragmentation significative des milieux écono-miques franciliens, fragmentation qui repose sur l'in-différence ou même sur la conflictualité interne à cesmilieux, notamment entre les unions patronales etentre ces dernières et certaines chambres consulaires.

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Dans un tel contexte, on comprend que la mobilisationet l'implication des acteurs économiques au niveau dela métropole soient si difficile, si rare et si temporaire.

Mais au-delà des caractéristiques que nous venonsd'évoquer, il ya un élément propre au monde politiquefrancilien qui sur-détermine, en tout cas aujourd'hui,la nature des relations entre le monde politique et lesentreprises et qui, sur ce point, oppose ce territoire àsa voisine londonienne. Alors que, nous l'avons vu, leGrand Londres se place résolument dans la mondiali-sation et la compétition entre métropoles, il n'en estpas de même de l'IIe-de-France. Le pouvoir politiquerégional et de nombreux départements et municipa-lités, dont Paris, ne se considèrent pas en concurrenceavec les grandes villes mondiales ou tout au moins, sicertains admettent un tel cadre, ne le jugent-t-il passtructurant de leurs stratégies. Lorsque la question dudéveloppement économique est traitée, lorsque lacompétitivité francilienne est abordée, comme c'est lecas dans les récents documents stratégiques (SRDE,

SDRIF, PLUde Paris, contrat de projet Etat-région, etc.),elle n'apparaît jamais prioritaire et reste au mieuxadossée à d'autres enjeux comme ceux autour desquestions environnementales ou des disparités socio-spatiales. En effet, ces questions sont estiméescomme plus cruciales, plus déterminantes pour laplupart des élites politiques au pouvoir dans les col-lectivités franciliennes, ce qui les met en porte-à-fauxavec le monde des entreprises. Dans ce contexte, oncomprend que pour le monde économique et contrai-rement au cas londonien, les pouvoirs politiqueslocaux apparaissent moins fiables et sont donc moinsdignes de leur attention.

Au-delà d'une rhétorique commune qui associeclassiquement enjeux économiques, sociaux et envi-ronnementaux, les métropoles londonienne et franci-lienne développent des agendas politiquescontrastés, ce qui explique en partie leurs différencesquant à l'implication des acteurs économiques dans lagouvernance de ces territoires.

eL.

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Faut-il un gouvernement à l'ile-de-France?

Intercommunalités, apparition de nouvelles formes de regroupements territoriaux, activisme deconseils généraux qui s'associent pour traiter de questions de niveau régional, velléités de la villede Paris de se projeter au-delà du périphérique, voire de jouer un rôle dans l'animation de l'espacepolitique régional - mais aussi retour de l'État à travers la multiplication de dispositifsd'intervention: si le pouvoir régional en lIe-de-France a réussi une véritable montée en puissance,il continue d'être entamé à la fois par le haut et par le bas. Une situation qui le rapproche del'ensemble des autres régions françaises, qui peinent à s'imposer face à la fragmentationterritoriale issue de la décentralisation et un État qui n'entend renoncer à aucune de sesprérogatives "jacobines". Pourtant, si ces spécificités du système territorial français pèsent pluslourdement sur le pouvoir régional en lIe-de-France, Daniel Béhar et Philippe Estèbe montrent aussiune lIe-de-France logée à peu près à la même enseigne que la plupart des très grandes métropoles,contraintes de négocier, elles aussi, avec une multiplicité de pouvoirs et d'organismes.Bref, comparées à d'autres régions métropolitaines, les potentialités de la région lIe-de-Francene seraient pas véritablement « rongées» par son défaut de gouvernance ...

parDANIEL BÉHAR

& PHILIPPE ESTÉBE,Coopérative Acadie

L'lle-de-France cumule, à première vue, les signes du« bon» gouvernement régional, bien plus peut-êtreque d'autres régions dans l'hexagone. Le périmètreadministratif englobe, grosso modo, l'espace d'in-fluence de la métropole parisienne (même si l'on peuttoujours s'interroger sur le sort des « franges franci-liennes »). L'institution régionale est « à l'échelle» etsusceptible de disposer de la hauteur de vue et de lapertinence que procure un territoire consistant. Lesinstruments sont maintenant à la hauteur de la tâche:le syndicat des transports d'Ile-de-France (Sm), ['éta-blissement public foncier régional ou le schéma direc-teur de la région (SDRIF).Bref, l'Ile-de-France réunit unensemble de conditions que la plupart des autresrégions sont loin de maîtriser.

Pourtant, l'impression persiste que la régiondemeure largement ingouvernable et que l'institutionrégionale peine à s'affirmer comme « chef de file» dela planification, de l'aménagement et du développe-ment de l'Ile-de-France. Ainsi, à l'occasion de ['élabo-ration du SDIF,on a pu constater combien tout à la foisla région était en mesure de conduire un exerciceinédit et se trouvait à son terme confrontée et au"veto" de l'État et à l'inflation revendicative locale.

Le pouvoir régional n'émerge, en Ile-de-France, quecomme un des pouvoirs territoriaux, dont le moindren'est pas celui de l'État. Ceux qui souhaitent un « gou-vernement métropolitain» d'échelle régionale devrontprendre patience: la région n'est pas une institutionde gouvernement territorial; elle doit prendre sa placedans un système de gouvernance complexe, et setailler son propre espace. S'agit-il d'un retard de l'Ile-de-France par rapport aux autres régions? S'agit-ild'une conséquence du système institutionnel fran-

çais, qui, à la différence des autres pays, ne sauraitpas faire émerger des gouvernements métropolitainsà la hauteur de l'enjeu? Ou bien, plus simplement, nefaut-il pas faire notre deuil de l'espérance d'un gou-vernement métropolitain d'échelle régionale? Bref,s'il y a une exception francilienne ou française, quelsen sont les fondements?

Pour tenter d'éclairer ces questions, il faut revenirsur la montée en puissance du pouvoir régional en Ile-de-France j il faut ensuite tenter de comprendre pour-quoi cette montée en puissance ne parvient pas àcréer un espace politique régional spécifique etreconnu. Ceci nous permettra de mettre la gouver-nance de la région Ile-de-France en perspective, parcomparaison avec d'autres métropoles: l'Ile-de-France souffre-t-elle du mal français (concurrence ins-titutionnelle, jacobinisme rampant) ou bien illustre-t-elle la tendance dominante de la gouvernance desgrandes métropoles?

La montée du pouvoir régionalen lIe-de-FranceLe Conseil régional, depuis 1984, a pris consistancedans le paysage politico-institutionnel francilien. L'al-ternance politique, en 1998, a, plus tôt qu'ailleurs,contribué à politiser le débat régional. On le sait, c'estle changement de majorité politique qui confère samaturité à une institution. La gaUChe« plurielle}) a étéconfirmée au pouvoir régional en 2004, ce qui contri-bue à asseoir l'institution régionale dans le paysagepolitique local; plus que dans la plupart des régionsfrançaises (hormis celles qui disposent d'un territoireconsistant ou d'une culture politique régionale,

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comme la Bretagne, Rhône-Alpes, le Nord-Pas-de-Calais ou l'Alsace), la région compte en Ile-de-France.

D'autre part, l'État et le législateur ont progressive-ment concédé à la région des instruments décisifs: lesyndicat des transports d'Ile-de-France (Sm), leschéma directeur d'Ile-de-France (SORIF),qui disposed'une capacité normative supérieure aux schémasrégionaux d'aménagement et de développement duterritoire (SRAOT).La région a renforcé les moyens del'Agence régionale de développement et créé un éta-blissement public foncier, qui complètent sa panoplieinstrumentale.

Enfin, troisième processus, l'échelon régional com-mence d'être reconnu par les acteurs économiques.Le MEOEF,par exemple, qui a régionalisé son organi-sation, s'est engagé dans un « plaidoyer pour l'Ile-de-France »: « Les gouvernements successifs ontlongtemps pris comme livre de chevet Paris et ledésert français pour alimenter leur réflexion surl'aménagement du territoire. Récemment encore, leslois Pasqua de 1995 ont confirmé cette tendance. Ilest temps aujourd'hui de voir la situation en face: le"déshabillage" de l'Ile-de-France ne profite pas aureste de notre pays mais plutôt à nos concurrentsétrangers tels que Londres, Milan, Barcelone ou

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Berlin. Une région Ile-de-France économiquementforte aura des retombées positives sur l'ensemble duterritoire national.' »

La convergence de ces atouts nouveaux s'est tra-duite dans l'exercice réussi du SORIF.La région aconduit un processus d'élaboration et de concertationauquel se sont pliés, d'assez bonne grâce, l'ensembledes acteurs politiques, économiques et sociaux. Desfranciliens y ont été associés, au moyen de confé-rences citoyennes qui ont contribué à renforcer uneforme de culture régionale. À travers le SORIF,larégionest parvenue à construire ses propres scènes dedébats, à partir d'une lecture régionale des questionsfranciliennes. Celle-ci s'est incarnée dans une visionspatiale nouvelle, combinant la « zone dense» aux« faisceaux» radiaux, et proposant une lecture de lamétropolisation associant les enjeux d'une placemondiale aux questions de vie quotidienne. En propo-sant cette vision spatiale, la région introduisait unerupture dans la représentation classique, partagée par['État et les collectivités territoriales, d'un territoiretraversé par la fracture Est-Ouest. Cette représenta-tion ouvrait un champ politique spécifique, de natureà fonder une intervention régionale différente de celleque l'État avait conduite jusqu'alors.

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L'évidement du pouvoir régional

U Il est temps aujourd'hujde vojr la sUuaUon en face,

affjrme le MEDEF:le"déshabmage" de J'Ile-de-France ne proflte pas aureste de notre pays maisplutôt à nos concurrents

étrangers tels que Londres,MjJan, Barcelone ou BerUn.

Une régjon Ile-de-Franceéconomjquement forte

aura des retombéespositives sur l'ensemble du

terrUojre naUonal.? "

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Cependant, malgré ces succès, l'institution régionalefait face à un processus permanent d'évidement, parle haut et par le bas.

Par le bas, l'ile-de-France connaît, de façon bienplus marquée que les grandes métropoles françaises,un processus rapide d'incorporation intercommunale.Les communautés d'agglomération issues de la loiChevènement ont connu un succès considérable dansla région capitale, d'autant plus aisé que le seuil des50000 habitants requis pour fonder une intercommu-nalité est, en lIe-de-France, facile à atteindre. La cartepolitique locale devient un puzzle, offrant à l'observa-teur des formes d'autant plus bizarres que la conti-nuité urbaine permet aux élus de tailler, bien plusaisément qu'ailleurs, des territoires affinitaires.

À ces intercommunalités, qui s'organisent plutôtautour de la question des services urbains, se sontajoutés des « machins », nouvelles formes de regrou-pements territoriaux, rassemblant plusieurs intercom-munalités, autour d'enjeux de développement empié-tant sur les plates-bandes régionales'. C'estl'association des communes du territoire de l'Est pari-sien (AcrEP)à cheval sur la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne et la Seine-et-Marne, de la Vallée-de-la-Bièvre àcheval sur les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne. À ladifférence des intercommunalités, ces formations nou-velles s'emparent de questions d'aménagement et dedéveloppement qui concernent leur territoire mais qui

apparaissent comme des enjeux deniveau régional: le rééquilibrageà l'Est (encore et toujours), portépar l'ACTEP, le renforcement de larecherche et de l'innovation en lIe-de-France (le « cône sud» de ['innovationporté simultanément par l'associationde la vallée de la Bièvre et le conseilgénéral de l'Essonne).

Certains Conseils généraux se révè-lent particulièrement actifs sur cesquestions d'aménagement régional:les Hauts-de-Seine, l'Essonne, le Val-de-Marne, le Val d'Oise, etc. énoncentleur projet stratégique. Plus frappantencore, certains départements s'asso-cient pour traiter de questions deniveau régional: l'Essonne et le Val-de-Marne organisent ensemble les«Assises du pôle d'Orly», où la régionest invitée, au titre de ses compé-

tences mais pas comme « chef de file)} de l'aménage-ment du territoire.

Surtout, la ville de Paris commence à sortir de sonisolement. Ici aussi, l'alternance politique a eu poureffet de renforcer les ambitions de ['institution munici-pale. La ville s'est d'abord intéressée au « dedans )}(avec les questions de circulation, de plan local d'ur-banisme, de démocratie participative et de «décentra-

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lisation » parisienne). Mais, depuis un an, elle a prisl'initiative d'une conférence métropolitaine, large-ment ouverte aux« acteurs de la zone dense» (la défi-nition de cette zone dense étant volontairementfloue). Tout se passe comme si la ville commençait àse projeter au-delà du périphérique et à envisager dejouer un rôle dans l'animation de l'espace politiquerégional. On comprend le sentiment de concurrence(déloyale) que peuvent éprouver les responsablespolitiques régionaux.

Dans le même temps, le pouvoir régional subit unprocessus d'évidement « par le haut », du fait duretour de ['Ëtat en lIe-de-France, par les fenêtres, sil'on peut dire, alors qu'il semblait être sorti par laporte de la décentralisation. L'État semble, depuis lafin des années 1990, progressivement rompre avec lapolitique d'équilibre Paris-province. Celle-ci a eu deseffets notoires au cours des années 1990, particulière-ment dans le domaine de la recherche, où la région lIe-de-France s'est trouvée amputée, au profit d'autresrégions, d'une part non négligeable de son potentiel.Les différents Signaux d'alarmes, comme la montée dela pauvreté et du chômage dans la région capitale, lesindicateurs de performances montrant que la régionperdait des points dans certains domaines straté-giques comme les biotechnologies et ne parvenait pasà faire décoller ses fonctions de place financière et decentre d'affaire (notamment par comparaison avec lebassin de Londres) ont eu raison d'une politique tren-tenaire de repeuplement du « désert français ».Cependant, la redécouverte du « champion national»n'a pas eu pour conséquence de donner plus demarges de manœuvre au pouvoir régional, aucontraire: l'Ile-de-France semble une affaire tropimportante pour la laisser au pouvoir local. D'où lesdispositifs d'intervention qui se sont multipliés cesdernières années. dans lesquels l'État entend jouer unrôle direct d'impulsion, voire de commandement. Laconcentration des pôles de compétitivité « mondiaux)}entend relancer les locomotives industrielles, dansune alliance directe entre l'État et les grandes entre-prises, et ne laissent pas de place très claire à larégion. L'attribution de 3°0000 m'à ['établissementpublic d'aménagement de la Défense participe decette volonté d'intervention directe pour muscler lesatouts franciliens, en contradiction avec l'objectifd'équilibre territorial régional. Plus encore, les opéra-tions d'intérêt national (OIN)s'ajoutant aux villes nou-velles qui ont conservé leur ancien statut, taillent dansle territoire régional des « enclaves » où l'Ëtat seréserve la possibilité de donner le ton. Le directeurrégional de l'équipement s'en explique très clairementdans la revue Urbanisme: « L'intervention de ['Ëtat sejustifie par la présence d'enjeux métropolitainsmajeurs (un aéroport international par exemple) etpar des situations de crise très aiguë résultant d'unvide de gouvernance: crise du logement en lIe-de-France (on ne réalise chaque année que 35000 à40000 logements sur les 60000 qu'il faudrait

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Le pouvoir régional, malgré sesatouts, est victime de la mala-die infantile de la décentralisa-tion. Il est vrai que cette mala-die est chronique, et de longuedurée. Elle tient en deuxtermes.

D'une part, le refus de choisirentre les échelons confère, onle sait bien, à chacun, une légi-timité « monopolistique n surson territoire, qui tend à s'af-fronter à toutes les autres. Larégion Ile-de-France ne consti-tue pas, en ce sens, une excep-tion dans l'ensemble national.Elle subit, de manière peut-êtreexacerbée, du fait de la puis-sance des pouvoirs locaux infrarégionaux, les mêmes difficul-tés que les autres Conseilsrégionaux, à savoir qu'elle doit,en permanence, composer avectous les autres échelons, quidisposent qui plus est, d'unavantage important, que l'onpourrait appeler la « prise deterre n. En effet, une grandepartie des enjeux régionauxd'aménagement et de dévelop-pement demeure lettre mortesans la capacité d'action et de régulation des départe-ments, des intercommunalités et des communes quidisposent de services, qui maîtrisent les sols, qui ontconstitué des réseaux d'interlocuteurs dans lesmilieux économiques et sociaux. L'exception franci-lienne n'en est donc pas une; elle apporte même unedémonstration supplémentaire à la difficulté desrégions à s'imposer dans un paysage politique singu-lièrement complexe. En effet, disposer d'un pouvoirnormatif, comme c'est le cas avec le SDRIF, ne procurepas nécessairement une ressource supplémentaire,dès lors que toute décision, pour prendre effet, doitêtre négociée avec l'empilement des pouvoirs territo-riaux qui, chacun à bon droit, peut la contester, laretarder, voire la dénaturer. Il faut noter aussi quel'État, lorsqu'il disposait du pouvoir planificateur n'apas fait mieux: la consommation d'espace depuis

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construire), crise des trans-ports, de l'emploi, de l'environ-nement, des paysages. Enfin,l'État prend le relais sur un ter-ritoire qui n'a aucune chance dese constituer lui-même enéchelon de gouvernance ».

L'ile-de-Francebanalisée

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Le maire de Paris, Bertrand Delanoë. "Tout se passe comme si la ville commençait à se projeter au-delàdu périphérique et à envisager de jouer un rôle dans l'animation de l'espace poUtique régional. On comprendle sentiment de concurrence (déloyale) que peuvent éprouver les responsables politiques régionaux."

10 ans a été le double de ce que prévoyait le précédentschéma directeur en 1995 et ceci, bien qu'il s'imposâtaux plans d'occupation des sols.

D'autre part, on le voit, l'État n'a pas renoncé à sesprérogatives de « propulseur» pour reprendre l'ex-pression de P. Rosanvallon. Au sein des ministères etdans les grands corps, la méfiance reste entière surles capacités réelles du pouvoir régional à faire faceaux questions de «gouvernance n. Il est vrai que cetteattitude relève de la prophétie auto réalisatrice: plusl'État contrôle (même si les formes de ce contrôle ontévolué), moins les régions parviennent à se constituercomme chef de file de l'aménagement et du dévelop-pement régional.

Cependant, cette attitude des ministères tech-niques et financiers et des grands corps n'est pas nonplus sans fondement. Elle montre combien, malgré la

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décentralisation institutionnelle, les réseaux de ladécision publique et les interfaces entre la puissancepublique et les acteurs privés sont demeurés natio-naux, dès lors qu'il s'agit d'affaires considéréescomme stratégiques (ici l'industrie, la recherche et lelogement). Malgré la régionalisation du MEDEF,larégion ne dispose pas des ressources qui lui permet-traient d'apparaître comme un interlocuteur valable, àhauteur de ce que font (ou croient faire) les ingénieursdes ponts et les inspecteurs des finances, des pou-voirs économiques et des corps constitués.

L'exception francilienne?Il existe cependant une dimension spécifique de l'Ile-de-France, qui apporte une explication supplémen-taire aux difficultés du pouvoir régional. L'ile-de-France n'est pas une région ordinaire, elle constitue lecœur du système productif français, de ce que P.Bec-kouche appelle {( France incorporated ». C'est iciqu'est réalisé le tiers du produit intérieur brut national(par 18 % de la population); c'est le principal foyer deproduction de richesses et, par conséquent, de res-sources à redistribuer vers le reste du territoire. Laplupart des questions franciliennes, notamment lors-qu'elles touchent à l'économie, à la recherche (etmême au logement et aux transports) se trouventdonc, très vite, hissées à l'échelle nationale. Lessuccès franciliens sont des succès nationaux et lescrises franciliennes sont des crises françaises. D'oùune incertitude permanente: dans un système natio-nal autant intégré, qu'est-ce qui relève véritablementde la {( gouvernance régionale»? Autrement dit, com-ment constituer un agenda régional qui n'interfère niavec les autonomies locales, ni avec les grandes ques-tions nationales? De fait, le gâteau est toujours par-tagé entre le local et le national, et la part régionaleest singulièrement réduite, bien plus sans doute, quedans d'autres régions où le pouvoir régional, s'il a tou-jours maille à partir avec les départements, les inter-communalités et les communes, peut trouver plusfacilement du "grain à moudre" et, partant, la recon-naissance de son utilité et de sa pertinence, dans desdomaines qui, s'ils ne lui sont pas réservés, fondentnéanmoins sa capacité d'agir.

Pourtant, cette exception francilienne vis-à-vis desautres régions s'estompe si l'on élargit le regard: lespotentialités de la région Ile-de-France sont-elles véri-tablement rongées par ce défaut de gouvernancerégionale, si on la compare à d'autres régions métro-politaines? Les travaux de Bernard Jouve et de Chris-tian Lefèvre apportent des comparaisons utiles. Ilsmontrent que, nulle part, l'unité de gouvernement desrégions métropolitaines n'a été véritablement réali-sée) Partout, les pouvoirs métropolitains, lorsqu'ilsexistent, ce qui n'est pas toujours le cas, doivent com-poser avec des autorités infra métropolitaines (mêmesi elles sont souvent moins nombreuses et moinsombrageuses que les collectivités territoriales fran-

Date de parution: 11.05.2007

çaises). Partout, surtout, l'État central, fédéral oufédéré, se montre particulièrement sourcilleux de sesprérogatives concernant les affaires métropolitaines.Il n'est pas de métropole, et particulièrement la sœurrivale de Paris - Londres - où l'autorité métropoli-taine ne soit prise entre un plancher local et un pla-fond national. Pis, ces strates du pouvoir local sontentrelacées d'organismes spécifiques, qui disposentde compétences limitées mais {( multi échelons »,comme les chambres de commerce, les autorités por-tuaires ou aéroportuaires, les organismes de trans·port, de logement, etc. Il n'existe pas de système({ simple» de gouvernance métropolitaine.

L'ile-de-France n'est donc pas, institutionnelle mentdu moins, une exception dans le club fermé desgrandes métropoles. Tout au plus peut-on dire que, dufait de l'héritage français, le système territorial est iciplus fragmenté qu'ailleurs.

D'autre part, la comparaison de Londres et de NewYork est éclairante: dans le cas londonien, après biendes difficultés, l'autorité métropolitaine (GreaterLondon Authority), dispose du soutien de l'État cen-tral; mais dans le cas new-yorkais, il n'existe aucuneautorité métropolitaine, c'est la ville de New-York, etson maire, qui assument le leadership du développe-ment. La conclusion est nette: ce n'est pas l'institu-tion qui fait la métropole, ce sont les formes du leader-ship, le soutien de l'État et, surtout la structurationdes relations entre le public et le privé.

Cependant, ce leadership n'est jamais global, il esttransversal; il n'est jamais donné, pas plus qu'il nes'impose à tous, et de la même façon. Il dépend desprojets mis en œuvre et du type d'alliance qui lesfonde, tout autant que des ressources institution-nelles. Le leadership diffère fondamentalement de{( gouvernement », et même de la {( gouvernance »: ils'agit de la capacité d'un des acteurs à tenir les autresalignés sur certains de ses énoncés et de ses projets.Les très grandes métropoles sont gouvernées de lasorte: un maillage complexe de compétences tech-niques et financières relevant d'échelon et d'institu-tions différentes d'où surgissent des projets portéspar des leaders. Le système politico-institutionnel del'Ile-de-France est-il si éloigné de cette figure?

D.B. & Ph. E.

1. Didier Durand, président du MEDEFÎle-de-France, Les Echos, 1er août 2003.

2. Voir l'article de Daniel Béhar dans le même numéro.

3. Urbanisme, hors série n'31, mars 2007, p. 42.

4. Lefévre, Christian, (2007), Etude de la gouvernance des métropoles mon-diales: Londres, New- York, Tokyo, des références pour la métropole pari-sienne? Lire également dans ce dossier l'article de Ch. Lefèvre: " Les relationsentre milieux économiques et politiques - Londres et Paris: deux métropOlesaux antipodes"

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Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

Roland Castro: « Créer une institution fédéralede 80 communes»

Ancien maoïste, candidat malheureux à l'élection présidentielle du « Mouvement des utopiesconcrètes », Roland Castro, qui se définit comme un « citoyen» et un « intermittent de lapolitique» est avant tout architecte et urbaniste. Engagé de longue date dans une réflexionsur les métamorphoses de l'espace urbain, et notamment de ['Ile-de-France' (il fut l'animateurde Banlieue 89 sous la présidence de François Mitterrand) il a réalisé de nombreuses opérationsde rénovation ou de réhabilitation de cités HLM. Dans cet entretien publié sur un site Interne!>, dontnous reproduisons quelques extraits, Roland Castro dessine sa vision du « Grand Paris », plaidantpour une « institution fédérale qui taille dans les fiefs sans aliéner l'essentieldes compétences des maires. »

En quoi consiste votre projet de Grand Paris?

Roland Castro: Passer de Galilée à Copernic. Jem'explique: dans l'espace métropolitain, la centralitéest concentrée dans le Paris historique. L'idée duGrand Paris est de créer une centralité périphériqueautour de Paris. aux environs de l'A86 et de la lignedes Forts autour de Paris, en y installant toutes lesinstitutions de la République de façon à remplacerl'attractivité du centre par une attractivité dans la péri-phérie, et donc de créer à travers cette question insti-tutionnelle, une égalité de traitement entre les quar-tiers de banlieue et les quartiers du centre. Celacontribuerait à combattre « l'apartheid urbain ». Il y a14 forts autour de Paris, qui sont des « Montmartrepotentiels ». Ils appartiennent aujourd'hui à ['Armée,mais n'ont évidemment plus aucun enjeu stratégique,et ce sont des friches urbaines très belles. Quand jedis « Montmartre potentiel », c'est qu'il y a tous lesingrédients pour y trouver des éléments poétiques.

Enfin pour compléter le Grand Paris, il est possiblede faire tourner le grand Tram qui existe déjà entreSaint Denis et Bobigny, La Défense et Saint Cloud. Cegrand Tram mettrait en réseau 40 communes de ban-lieue donc 40 théâtres, 40 maisons de la Culture. Celachangerait le fait que chaque ville de banlieue vitessentiellement dans un rapport à Paris, et ainsi s'ins-tallerait un rapport de banlieue à banlieue. Une descauses de l'apartheid urbain, c'est ['enclavement.Pour résumer, c'est un projet qui a l'ambition de sup-primer les aspects négatifs de la banlieue, c'est unprojet pour l'égalité urbaine.

Pourquoi ne pas déménager les lieux de pouvoir enprovince ?

Roland Castro: Le déménagement de l'ENAà Stras-bourg a fait co-exister deux institutions au lieu d'une.À partir du règne de Louis XI, le pouvoir est légitime-

ment dans la capitale. Dans ce projet, il est au milieudu peuple. Par contre, il y a des institutions que l'onpeut déconcentrer en province avec la même légitimité.Ce que je propose dans le Grand Paris est valable dansn'importe quelle ville de province. Par exemple il esttout à fait pertinent à Soisson que la médiathèque soitconstruite dans le quartier le plus populaire plutôtqu'à côté de la cathédrale. La question que vous posezsouligne celle de l'aménagement du territoire. Souventcertaines décisions de délocalisation sont prises demanière clientéliste ou politicienne. Il serait judicieux

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Dossier: ILE DE FRANCE

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que le Grand Paris, les grandes décisions de l'aména-gement du territoire soient prises devant les citoyenset pas simplement par des experts frileux, attachés àleurs beaux quartiers. j'ajoute que je propose que lesministères soient en banlieue et que l'ENA soit dis-soute, et j'ajoute que lors d'une grande fête, on donnele droit de vote aux étrangers aux élections locales.

Économiquement, que donnerait le Grand Paris?Quelle différence cela fait-il avec la région?

Roland Castro: 1\ faudrait créer une institution fédé-rale de 80 communes et 20 arrondissements avecd'énormes pouvoirs dans chaque commune et arron-dissement, mis à part ceux qui sont dans l'intérêtgénéral (circulation entre communes, tram, décisiond'implantation de ministères) qui dépendraient d'unpouvoir fédéral. Actuellement, on n'ose pas parler duGrand Paris de peur de bousculer des habitudes et desfiefs, mais si la pertinence du projet l'emporte dansl'esprit public, il faut une institution fédérale qui tailledans les fiefs sans aliéner l'essentiel des compé-tences des maires.

Pensez-vous que les gens accepteraient de quitterParis?

Date de parution: 11.05.2007

Roland Castro: Le Quai d'Orsay à la Courneuve,c'est à Paris! Le Grand Paris dont je parle c'est25 km de diamètre au lieu de 10 km aujourd'hui etdans ce territoire, on a tout ce qui nous fait aimer lagrande ville.

Avez-vous déjà présenté votre projet devant les fonc-tionnaires? Quelles ont été leurs réactions?

Roland Castro: Quitte à perdre beaucoup d'élec-teurs, je pense qu'il faut soumettre ce projet auxcitoyens quels qu'ils soient en premiern et en dernieraux énarques qui seront bien obligés d'obéir pourune fois. Mais comme Pierre Bourdieu, je neconfonds pas la noblesse d'État avec les valeureuxde la fonction publique, qu'il appelait la main gauchede l'État...

1. Roland Castro est l'auteur de plusieurs ouvrages consacrés aux enjeuxurbains: La ville à livre ouvert (avec A. Stinco, La Documentation française,1979), 1989, (éd. Barrault, 1984), Civilisation urbaine ou barbarie (Plon, 1994),Impressionnisme urbain (avec Sophie Denissof, éd. ESA Productions, 2000),(Re)modeier, métamorphoser (avec Sophie Denissof, Le Moniteur, 2005), Faut-il passer la banlieue au kàrcher(L'Archipel, 2007)

2. Untemaute Magazine, Laurence Matesco, Mai 2006.

Le budget et les priorités de la région

Le budget 2007 de la région lIe-de-France s'élève à 4,018 milliards d'euros. La hausse de 6,6 % par rapport à 2006 ne setraduira pas par une augmentation fiscale sur les foyers.Ce budget marque « les axes prioritaires de l'action régionale pour améliorer la qualité de vie des Franciliens ».

Transports en communEn consacrant environ un quart de son budget aux transports, 943,5 millions d'euros, la région renouvelle sa volonté d'affi-cher l'amélioration des transports collectifs comme une priorité majeure de sa politique, Parmi ses objectifs : étendre l'offrede banlieue, L'année 2007 sera significative, notamment avec le lancement des travaux de 11 opérations inscrites au contratde plan État-Région et l'inauguration du Trans-Val-de-Marne (TVM) ouest à la Croix de Berny. Autres grandes mesuresinscrites au budget 2007 : la suppression des zones 7 et 8 de la carte orange ainsi que la mise en place de la gratuité destransports pour les bénéficiaires du Revenu minimum d'insertion (depuis le mois d'avril),

Apprentissage et formation professionnelleLa hausse des crédits octroyés à l'apprentissage et à la formation continue se poursuit en 2007 (+ 15,9 % soit 648,4millions d'euros). Avec 366 millions d'euros dédiés à l'apprentissage, l'ile-de-France devrait franchir le cap des 80 000apprentis en 2007 et atteindre son objectif de 100 000 en 2010, La région finance les 82 missions locales du territoire et,depuis le 1er janvier, les activités de l'Association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), Par ailleurs,le dispositif des chéquiers Validation des acquis de l'expérience (VAE) est renouvelé.

Enseignement secondaire773,98 millions sont consacrés aux lycées. L'année 2007 sera marquée par le lancement de la construction de deux lycées(à Gonesse et à la Plaine Commune) et la poursuite de 55 chantiers de rénovation, A noter aussi, le renouvellement del'intégralité des livres de classes de premières et l'augmentation des budgets d'aides sociales aux familles.

ÉcorégionLa région lIe-de-France consolide aussi ses nouvelles politiques, en allouant 131,33 millions d'euros aux dispositifsd'écorégion. Le budget du Plan Energie, qui encourage les économies d'énergie et soutient le développement des énergiesrenouvelables, augmente de 60 %,

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La Conférence métropolitaine

Paris-Métropole ouverte sur la vie,sur le monde, sur le futur

Date de parution: 11.05.2007

Pour Pierre Mansat, le destin de la capitale et de sa banlieue ne sont pas dissociables.Le développement de l'une comme de l'autre, affirme-Hl, sera synergique ou ne sera pas.«A l'opposé de la concurrence, la métropole appelle 1'« en commun », le partenariat et le partagedes richesses, des pouvoirs et des savoirs. » Mai au contraire d'un « Grand Paris» entendu commeune annexion de la « périphérie» par le centre dominant, c'est ce territoire multipolairequi doit trouver sa coherence. Pour cela, souligne P.Mansat, il faut promouvoir une autre façonde gouverner démocratiquement la métropole ...

Dansl'imaginaire, dans la représentation, Parisc'est Paris{( version grand angle ». Les spectateurs du stade deFranceà Saint-Denis, les touristes à Marne-la-Vallée, lesscientifiques à Orsay-Saclay,les salariés de La Défense,les jeunes de Vitry ou d'Evry se retrouvent aux Halles, lesParisiens à Bel Est ou au théâtre des Amandiers à Nan-terre. Ils pensent et vivent à ('échelle métropolitaine.

Les pratiques des personnes, des entreprises, des-sinent une zone dense - Paris Métropole - quiconstitue un bassin de vie au cœur de l'aggloméra-tion. 800000 habitants de cette zone dense travaillentà Paris, et 300000 Parisiens, quant à eux, travaillenten banlieue. Des milliers de décisions quotidiennes,loisirs, activités culturelles, achats, mobilité résiden-tielle ... font et défont la ville et dessinent un espace devie partagé.

La ville vécue ignore les frontières administrativesfigées. Lesenjeux économiques du développement decette aire métropolitaine sont évidents. C'est à cetteéchelle que les groupes internationaux décident deleur localisation. Mais ce qui est sans doute le plusimportant aujourd'hui, c'est l'imbrication toujoursplus complexe des différents enjeux auxquels doiventfaire face tes acteurs publics. Comment penser ledéveloppement durable de la métropole sans modifierradicalement notre manière de concevoir l'urbanisme,en y incluant résolument la question de la desserte entransports collectifs des zones les plus habitées, maisaussi celle de la gestion des déchets par exemple.

Pour prendre sa pleine mesure et s'ouvrir sur le futur,ce territoire de vie doit innover et répondre à plusieursdéfis: politique, démocratie, égalité et solidarité.

Le défi politiqueIl est sans doute temps de s'éloigner d'un mode depensée qui refuse de voir la réalité d'une centralitémajeure - qui s'étend par contiguïté autour de Paris

et qui anime et entraîne tout ce qui l'entoure en pro-duisant simultanément de l'intégration et de t'exclu-sion, de la continuité et de la ségrégation de part etd'autre du périphérique, devenu le boulevard centralde l'agglomération, le boulevard Circulaire. Admettrela centralité parisienne, cela ne signifie pas minorer lepoids d'autres centres qui structurent la métropole,qui produisent du développement pour leur popula-tion. C'est affirmer plutôt la solidarité de fait qui unitces différentes échelles de centralité et reconnaîtreque si Paris va mal, si son attractivité recule, c'esttoute la métropole qui en souffre.

Pierre Mansat. {{ La Conférence métropolitaine de l'agglomération parisienne,scène pOlitique innovante et moderne, s'est invitée, durablement dans laréussite de Cf ({ pari métropolitain )).

parPIERRE MANSAT,Adjoint (Pc) au Mairede Paris, chargédes relations avec lescollectivités territOrialesd'ile-de-France.

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Le défi démocratiqueAu contraire d'un {( Grand Paris» entendu comme uneannexion de la « périphérie» par le centre dominant,c'est ce territoire multipolaire qui doit trouver sa cohé-rence. La Conférence métropolitaine - lieu d'échangeset de dialogue composée des maires et présidentsd'exécutifs de la métropole - est la reconnaissancede la diversité, de l'égalité: chaque ville, chaque col·lectivité, quelle que soit sa taille compte pour une. Etle Conseil régional en est un partenaire indispensable.

•• Admettre la centralitéparisienne, cela ne signifie

pas minorer le poidsd'autres centres qui

structurent la métropole,qui produisent du

développement pour leurpopulation. C'est affirmerplutôt la solidarité de fait

qui unit ces différenteséchelles de centralité et

reconnaître que si Paris 'lamal, si son attractiFité

recule, c'est toutela métropole

qui en souffre. "

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Parce que cet espace de vie s'est construit dans unrapport de domination, la défiance - parfois même larivalité - est grande entre la banlieue et la capitale.Pourtant, le développement de l'une comme de l'autresera synergique ou il ne sera pas. À l'opposé de laconcurrence, la métropole appelle l'{( en commun »,lepartenariat et le partage des richesses, des pouvoirset des savoirs. Si les élus ne sont pas capables depenser leurs actions à cette échelle, les interventionspubliques perdront de leur force face à la loi dumarché, aux grands groupes qui eux mettent en œuvreleur décision à cette échelle métropolitaine.

Mais là encore il ne s'agit pas d'ignorer l'histoire. Ladomination de Paris (qui, rappelons-le, fut dirigéedirectement par l'État pendant des siècles et qui n'élitun maire que depuis 1977) a été réelle. Le cœur de larégion a bien souvent été conçu comme un territoire{( servant» de la capitale, comme d'ailleurs dans laplupart des métropoles du monde. Dans ce contextecomplexe, des collectivités ont construit leur légiti-mité et leur utilité pour les citoyens grâce à des poli-tiques souvent innovantes en matières sociale ou cul-turelle notamment. C'est une raison de plus,aujourd'hui, pour ne pas décider d'en haut que telleou telle de ces échelles administratives et politiques

ne serait plus pertinente. Par contreon peut affirmer avec force qu'il esttemps que de la commune à la région,en passant par l'intercommunalité etle département, un dialogue structurésoit mis en œuvre entre chaqueéchelle territoriale pour faire face auxdéfis quotidiens que mettent enlumière la vie et les pratiques descitoyens.

Conscients de ces enjeux, un cer-tain nombre d'élus ont déjà engagéun travail collectif au sein d'intercom-munalités constituées (Plaine Com-mune, Val de Seine, Val de Bièvre ...)mais aussi de formes associativesplus souples (Actep, Vallée scienti-fique de la Bièvre), qui mettent enœuvre des projets de territoire inter-pellant l'interaction et les synergiesavec Paris.

Date de parution: 11.05.2007

La Conférence métropolitaine doit favoriser l'appro-priation citoyenne du territoire métropolitain, la cul·ture métropolitaine au travers de projets comme la« Cité de la Ville» à Ivry.

La Conférence métropolitaine est une réponse quinous semble adaptée à la maîtrise d'un espace vécupar des millions de citoyens. Elle doit être un moteurde la culture de coopération favorisant des rapportspermanents et respectueux avec des territoires pluslarges comme la région, ou plus resserrés, comme lescommunes, les intercommunalités, les départements.De nombreux élus - au-delà des querelles de prin-cipes et de représentation - portent la Conférence etlui permettent de se construire en marchant, sans avispréconçu sur tel ou tel point d'organisation. Ici le prin-cipe « un élu égale un élu» est fondamental. C'est unescène de dialogue politique qui se construit, au-delàdes clivages partisans. C'est le contraire d'une déci-sion imposée, car elle procède du choix de chacun d'yparticiper en fonction de la pertinence du sujet pourson territoire.

La Conférence métropolitaine ne résume pas à elleseule les modes de coopération que la ville de Parismet en œuvre avec ses voisins pour faire face à desdéfis partagés, différentes formes de structuration dutravail sont mises en œuvre (charte de coopérationavec des communes ou des intercommunalités, confé-rences interdépartementales, organisation d'un dia-logue inédit pour l'élaboration du Plan local d'urba-nisme et du Plan de déplacements de Paris,émergence de projets urbains partagés de grandeampleur (Docks de Saint-Ouen, Paris Nord-Est avecPlaine Commune) ou tout simplement rencontresrégulières tenues entre élus ou services sur des dos-siers ponctuels).

Et des actes ont été pris en faveur d'une gouver-nance plus démocratique : au SIAAPqui est présidépar un élu Val de Marnais, au SVCTOMdont les statutsont été modifiés pour une représentation équitable ...

Nous avons cassé symboliquement le « périphé-rique ».

C'est donc une méthode qui a repoussé l'entréedans les problématiques par, d'emblée, un débat ins-titutionnel autour d'un mode de coopération institu-tionnalisé. Non que le principe en soit à rejeter pourtoujours en lui-même, mais il nous semble que lesenjeux se dessinent à des échelles très diverses etqu'il ne faut pas à ce stade figer le processus decoopération.

Il existe aujourd'hui des territoires qui exercentdes fonctions de centralités directement liées à lacapitale, c'est par exemple le cas de Plaine Com-mune, de tout le secteur Orly-Rungis au sud du Val-de-Marne et au nord de l'Essonne. Certains enjeux seposent à une échelle clairement identifiée et que l'onpourrait sans doute délimiter; d'autres par contre,

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Source: POUVOIRS LOCAUX

comme la question de l'en-vironnement au sens large(gestions des déchets,prévention des risquesnaturels, lutte contre l'éta-lement urbain ...), doiventêtre traités à des échellestrès larges, qui ne peuventqu'être dessinées que parla volonté des élus de tra-vailler ensemble sur cessujets.

Le défi égalitaireet solidaireIl existe bien évidemmentdes inégalités entre le« centre» et la « péri phé-rie », mais ces inégalitéstraversent aussi Parismême, et sont peut-êtreencore plus criantes entreles diverses banlieues.Nous aurons à choisirentre une métropole où secôtoient pôles d'excel-lences et cités reléguées,productivité très élevée etpauvreté et une métropoledu partage où le bien êtrede chacun sert l'intérêt detous. Rééquilibrer les terri-toires, est un enjeu huma-niste mais aussi de dyna-misme et de stabilité. Nousdevons prendre résolu-ment le parti, de dévelop-per la recherche, l'emploiet la mobilité au Nord et àl'Est de la métropole. C'estle choix que porte la villede Paris, comme d'ailleurs le Conseil régional àl'heure de la révision du Schéma directeur. Les terri-toires seront toujours différents, ils n'exercerontjamais les mêmes fonctions, économiques notam-ment, mais si cette diversité n'est pas pensée, discu-tée et assumée en commun, quitte à ce que cela nour-risse des confrontations, elle sera synonyme deségrégations renforcées.

Parce que le rayonnement de la capitale est unmoteur régional, national, européen incomparable,parce que son aura sert les valeurs de liberté, d'éga-lité de fraternité auxquelles elle est identifiée, Parisdoit garder sa place de premier plan. Franchir le capmétropolitain en est une condition - pour l'avenir deParis, comme pour celui de la métropole, de la régionet du territoire national dans son ensemble.

Date de parution: 11.05.2007

Pour cela il faut promouvoir une autre façon degouverner démocratiquement la métropole, Com-ment? Sous quelle forme? Dépasser les clivagespartisans et territoriaux classiques, coordonner lespolitiques publiques afin de répondre plus active-ment, aux besoins de déplacements, de logements,d'emplois, d'écologie aux enjeux d'une métropolecapitale.

En s'emparant de la question des déplacements, dudéveloppement économique, du logement, la Confé-rence métropolitaine de l'agglomération parisienne,scène politique innovante et moderne, s'est invitée,durablement dans la réussite de ce « pari métropoli-tain ». Elle est un tournant dans ['histoire des relationsentre collectivités.

P.M.

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Région lIe-de-France à l'horizon 2030

La question du "grand Paris"

Date de parution: 11.05.2007

Le SDRIF est un acte politique majeur. Plusieurs grands principes lui sont essentiels:l'équité, la solidarité entre les territoires, un polycentrisme plus dynamique, la robustesse,la proximité, l'accessibilité et la mobilité, ou encore le principe de la cohérence entre les politiquessectorielles. Ce qui implique de concevoir le "Grand Paris" comme l'une des pièces, à la foisessentielle mais aussi complémentaire et interdépendante de ce puzzle régional en constructionpour l'avenir.

parMIREILLE FERRI,

vice- présidente(Les Verts) de la région

lIe-de-France

Aujourd'hui et pour la première fois, c'est la région, enassociation avec l'Etat qui a la charge du schéma direc-teur de la région Ile-de-France. Il s'agit là d'un change-ment fondamental, qui va bien au-delà du simple pas-sage de témoin entre l'Etat et la collectivité régionale.

L'aménagement du territoire commecompétence régionale

Depuis 1965, date du schéma directeur d'aménage-ment et d'urbanisme de la région parisienne (SOAURP),auquel ont succédé en 1976 le SOAURIFpuis en 1994 leSORIF,la planification de la région parisienne par l'Etat a,en effet, modelé une certaine vision de l'Ile-de-France etdes leviers géographiques à actionner : sur fond derééquilibrage est-ouest, la région a été pensée en diffé-

rentes couronnes successivesallant du centre à la périphé-rie, chaque couronne caracté-risant un territoire spécifiqueet s'articulant autour d'unprincipe hiérarchique: com-mandement au centre et des-serrement en périphérie.

Engagée par le Conseilrégional en 2004, la révisiondu SORIFa été l'occasionde revisiter complètementcette approche.

Les mobilités, les nou-velles aspirations et pra-tiques sociales, la placenouvelle des femmes, l'évo-lution des modes de viefamiliaux, le vieillissementdes populations, les ques-tions énergétiques, environ-nementales et économiqueschangent la manière depenser l'aménagement duterritoire. Or, face à ces

enjeux, il s'agit tout à la fois d'agir sur le fonctionne-ment d'ensemble de la région et le devenir des diffé-rents territoires et bassins de vie qui la composent. Etc'est bien ce « foisonnement territorial » que laconcertation a mis en lumière, bien au-delà de la seulequestion des limites actuelles de Paris.

La nécessaire concertation de tous les acteursC'est avec le Conseil économique et social régional(CESR),les Conseils généraux, les communes et leursgroupements, les chambres consulaires, les entre-prises, les syndicats, les associations et les citoyensque le projet de SORIFa été construit. Transversal parnature, ce schéma est né du croisement de ces diffé-rents regards. Il en ressort de fortes convergences, quise dégagent aussi des avis des citoyens, dans leschoix et les stratégies nécessaires à l'aménagementdu territoire régional.

Le SORIFn'est cependant pas une synthèse des pro-jets et propositions des collectivités et acteurs d'Ile-de-France: il constitue un projet d'ensemble. C'est lefruit d'un dialogue entre ceux qui offrent les grandesorientations, ceux qui sont censés les appliquer etceux vers qui elles sont destinées. Certes, la région ala compétence pour fixer les grandes orientations, leséléments de cadrage en matière d'aménagement,mais ce sont bien les collectivités territoriales quiauront la charge de les mettre en oeuvre localement.

Le processus de concertation a été l'occasion deconstruire avec tous les acteurs locaux, un référentielrégional commun, demain peut-être une identité. Lamétropole francilienne n'est plus seulement l'agglomé-ration parisienne, cette représentation selon laquelle leterritoire serait structuré par couronnes concentriqueset dont chaque élément est caractérisé par sa distancepar rapport à Paris, n'est plus suffisante.

Nouveaux défis et nouvelleslogiques territorialesDéfinir la destination des territoires en Ile-de-Francepour une durée allant jusqu'à 2030 est complexe.C'est pourtant l'objectif du SORIF,document de planifi-

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cation. Cela exige de s'interroger sur tous les élé-ments qui fondent la vie quotidienne de chacune et dechacun: le logement, les services, les déplacements,l'activité, les loisirs, la qualité de l'air, l'accès auxespaces naturels. Cela conduit à anticiper le visagenouveau de la métropole, l'organisation hiérarchiséedes pôles urbains ainsi que la destination des espacesouverts franciliens. L'ile-de-France dispose, pourorganiser son devenir, d'un patrimoine et de moyensexceptionnels. Cette richesse doit nous permettre derépondre aux défis majeurs qui se posent aujourd'hui.

Premièrerégion d'Europe par son PIS,elle est fragiliséepar les processus ségrégatifs incompatibles avec la qua-lité de vie et par le développement de nombreuses frac-tures: entre Paris et sa banlieue, la petite couronne et lagrande couronne, l'Est et l'Ouest... les événements del'automne 2005 ont démontré l'urgence de cette question.

À ce contexte, s'ajoute une dimension majeure: celuid'un avenir incertain. Le SDRIFdoit être perçu comme unoutil nous permettant de nous adapter demain à unmonde en mutation. Il s'agit d'anticiper les mutations àvenir car le contexte social, environnemental et écono-mique actuel engendre de nouvelles exigences.

Le changement climatique et la raréfaction desénergies fossiles vont avoir des conséquences de plusen plus notables sur la vie des franciliens. Il est impor-tant de repenser le système de consommation de larégion, en s'adaptant au contexte en termes d'espace,de déplacements ...

Dernier constat: celui de la nouvelle donne écono-mique. Le rayonnement de notre région, son attracti-vité et sa compétitivité ne pourront continuer de sedévelopper qu'en pensant les circuits d'échangesmatériels ou immatériels à l'aune de cette nouvelleorganisation planétaire. Nous devons lier exigencessociales, transformations environnementales et enfaire découler un nouveau dynamisme économique,c'est là le cœur de notre projet.

Alors même que la région Ile-de-France figure parmiles régions les plus riches et dynamiques du monde,elle s'avère marquée par un contraste de plus en plusfort entre d'un côté, espace dynamique, et de l'autreespace pauvre. Ces inégalités économiques etsociales sont d'autant plus graves qu'elles vont sou-vent de pair avec des inégalités d'ordre environne-mental, et avec un cadre de vie dégradé, des pollu-tions et des risques accrus. Ainsi, l'équilibre quicaractérise les relations entre les individus, la sociétéet le territoire, n'a jamais été aussi proche de la rup-ture du fait d'une tension croissante.

L'idéal de justice sociale implique de mettre enplace certains principes pour que le fossé ne se creusepas et ainsi favoriser une cohésion sociale du terri-toire régional. Dès lors la démarche suivie dans l'éla-boration du SDRIFpropose de mettre au cœur du déve-loppement territorial, une dimension sociale etécologiq ue forte.

Date de parution: 11.05.2007

En premier lieu, la construction de 60000 loge-ments par an, soit 1,5 millions de logements sur 10 ansen réponse aux besoins constatés. Ceci implique undoublement de notre rythme de construction qui va depair avec la nécessité de trouver de l'espace. Ensuitela volonté de doter la métropole d'équipements et deservices de qualité et au rayonnement international.L'activité et l'emploi doivent aussi être pensés en fonc-tion de la localisation des logements. Autre objectif:la volonté de faciliter une mobilité raisonnée etdurable des biens et des personnes. Il s'agit donc demodifier l'offre de déplacement pour trouver un équi-libre entre urbanisation et transports comme réponseà la crise énergétique. Face à la crise environnemen-tale, devenue une véritable question de santépublique, les ressources naturelles doivent être pré-servées, restaurer et valoriser.

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX Date de parution: 11.05.2007

La logique du cadran et des faisceaux

Les principes clés de ce schémad'aménagement reposent sur la res-ponsabilité de chacun des territoiresfranciliens, sur notre appui sur le

polycentrisme pour développer l'ensemble de l'lle-de-France, sur une logique nous permettant desortir de l'affrontement entre l'Est, ['Ouest et [esfranges pour nous orienter vers une logique de

Au croissement de ces exigences se trouve la néces-saire densification. Une densité urbaine acceptablepar tous exigera de la qualité urbaine. Le défi, c'est dereconstruire des villes non seulement avec un habitatà « visage humain» mais aussi et surtout avec de vraisespaces publics: des rues, des places, des com-merces, des activités de services, des espaces de res-piration ... Pour cela, il s'agit de favoriser le petit col-lectif et la maison de ville et de réfléchir véritablementà de nouveaux quartiers de villes.

Il s'agit aujourd'hui de ne pas nous laisser enfermerdans un système de vision concentrique, cet empile-ment de couronnes qui a segmenté l'Ile de Francesans pour autant apporter de réponses au développe-ment local. La logique polycentrique qui a vu notam-ment la création des villes nouvelles doit être préser-vée, avec son apport fécond de réseaux entre lespôles de développement. Mais nous souhaitons lacompléter par une vision du territoire qui fasse queles pôles d'entraînement et de développement decette région soient en interaction avec tous les terri-toires. Par la création d'un cadre de dialogue de l'en-semble des territoires franciliens avec le cœur del'agglomération; d'où cette logique du cadran et desfaisceaux - qui propose des lieux de négociation,des jeux d'acteurs qui permettent à cette identitéfrancilienne de se nouer à travers les négociations surles questions de mobilité, des logements, de la pré-servation des espaces ouverts, et réunissent l'en-semble des acteurs, du cœur dense jusqu'aux

franges. Ceci doit se faire dans cettelogique de grands territoires vécus,qui englobent aussi bien les terri-toires prioritaires, auxquels nous res-tons attachés, que les bassins de vieque nous voyons se structurer.

M.F

Face à ces défis, la région est ['échelle de gouver-nance à même d'appréhender de manière cohérenteles questions de développement et les questionssociales. À même de traiter d'un seul mouvement lesenjeux internes (cohésion de l'agglomération et horsagglomération) et les enjeux externes en tant querégion capitale et métropole internationale: mobili-tés, réalités économiques, urbaines, sociales et envi-ronnementales constituent de nouveaux espacesterritoriaux de part et d'autres des limites adminis-tratives de la région. D'autres enjeux émergentautour de certains équipements majeurs (port 2000

et Canal Seine Nord), d'infrastructures de transports,de problématiques environnementales, de complé-mentarités économiques et de synergies sur larecherche et l'enseignement supérieur. Ils appellentde nouveaux dialogues entre les régions et le Bassinparisien, notamment dans le cadre de l'élaborationde leurs documents de planification, SDRIFet Schémarégionaux d'aménagement et de développement duterritoire (SDRADT).C'est à ce titre, que nous avonstenu à organiser une conférence interrégionale desprésidents de Conseil régional et de Conseil écono-mique et social du Bassin Parisien, élargie au Nord-Pas-de-Calais.

concertation et de négociation pour penser à un sys-tème de transport plus égalitaire, des villes denses,compactes, humaines et solidaires, pour réinvestirun certain nombre de quartiers, aller vers une plani-fication souple et évolutive nous permettant de nousadapter et de réinterroger chacun d'entre nous parrapport à ce que sont [es programmations que nouspouvons déterminer.

Lorsque les villes nouvelles s'étalent et que les ter-ritoires alentours s'urbanisent, la relation centre-péri-phérie est insuffisante pour décrire les interdépen-dances qui s'instaurent et inapte à structurer lesnouvelles modalités politiques d'administration duterritoire. Ainsi, au-delà de la politique polycentrique,il s'agit de créer des nouveaux lieux de dialogue pourtous les territoires franciliens.

Négociation, concertation et souplesse de la planifi-cation doivent permettre une mise en œuvre effectivede ce schéma.

Le SDRIFest un acte politique majeur. Plusieursgrands principes lui sont essentiels: l'équité, la soli·darité entre les territoires, un polycentrisme plusdynamique, la robustesse, la proximité, l'accessibilitéet la mobilité, ou encore le principe de la cohérenceentre les politiques sectorielles. Ce qui implique deconcevoir Paris, y compris dans sa récente politiqued'ouverture avec les communes limitrophes, commel'une des pièces, à la fois essentielle mais aussi com-plémentaire et interdépendante de ce puzzle régionalen construction pour l'avenir.

Compte tenu des défis, des enjeuxet des objectifs que pose le projet deSDRIF,il nous faut travailler en harmo-nie avec l'ensemble des départe-ments et pas seulement ceux de lazone dense. Sans oublier les inter-communalités au rôle essentiel carles plus proches de ces bassins de viedont nous avons besoin pour mieuxorganiser la région.

•• Première régiond'Europe par son PIE,

J'Ile-de-France estfl'agj]isée pal' les proceSSllS

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entre Paris el sa banlieue,la peUte cOllronne et la

grande couronne, J'Est etJ'Ouest ... les événements

de J'automne 2005ont démontré J'urgence

de cette quesUon. "

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Logement, transport, environnement

Paris avec les franciliens ·jalons pour une autre politique

Date de parution: 11.05.2007

« L'avenir de notre métropole, nous allons le définir en commun au travers de projets urbainspartagés. Que ce soit pour le logement, les transports ou demain le développement économique,Paris n'imposera plus, Paris écoutera, Paris négociera, Paris construira pour les métropolitains,pour les parisiens, pour les franciliens. »

Françoise de Pannafieu. (, Je suis particulièrement frappée du manque actuelde concertation entre Paris et les communes de la zone dense: Paris continuede décider seul, sans schéma d'ensemble,»

Parmi les préoccupations locales de la population pari-sienne et francilienne, deux ressortent en tête systéma-tiquement: le logement et les transports. À l'évidenceet pour toute une série de sujets, Paris doit aujourd'huise tourner vers le cœur de l'agglomération: le temps dumaire de Paris « Roi Soleil» est révolu.

Révolu, parce que le « splendide isolement» de lacapitale ne correspond plus aux interactions qui sesont nouées entre Paris et la Petite Couronne. Révoluégalement, parce qu'un dossier comme celui du loge-ment ne peut être traité sur un territoire de 105 km'seulement. Révolu enfin, parce que la politique menéepar Bertrand Delanoë depuis 2001 n'a pas amélioré lasituation de Paris, bien au contraire.

L'échec d'une politiqueMalgré les moyens financiers considérables mis enœuvre par l'État (560 M d'euros sur la période 2005-

2010), la construction de logements neufs à Paris s'esteffondrée. Le nombre de logements commencés estpassé de 4300 unités en 2001 à 967 en 2005: un effon-drement massif, qu'aucun autre département francilienn'a connu sur la même période. L'explication estsimple: la politique menée à Paris depuis 2001 est inef-ficace, irréaliste, injuste, inadaptée - et enfin isolée.

Inefficace: en 2005, le nombre de demandeurs delogements a progressé de 15 % depuis avril 2001 pouratteindre le record de 103000 actuellement. Ce mau-vais résultat démontre à l'évidence que la réalisationeffective de logements sociaux, dont se vante le mairede Paris, relève plus de l'incantation que de la réalité.

Irréaliste: en 2005, le maire de Paris a annoncé lefinancement de 4000 logements sociaux. Or, 75 % deces projets sont effectués par acquisition d'im-meubles existants. Cette procédure, très onéreuse, necrée pas une offre sociale conséquente, puisque letaux de rotation dans ces immeubles n'est que de 10 à15 % par an, compte tenu des baux locatifs en cours.Cela représente donc seulement 350 à 400 logementsdisponibles par an. Il n'y a donc pas création de nou-

veaux appartements, mais simplement remplacementà moyen terme d'un type de population par un autretype de population, pour un prix exorbitant (coût d'ac-quisition de ces immeubles multiplié par 2 en 5 ans).

Injuste: la municipalité actuelle a abandonné totale-ment la construction de logements locatifs intermé-diaires et de logements en accession à la propriété.Ces choix, purement politiques, pénalisent toute unecatégorie de la population parisienne et, notamment,les jeunes ménages avec enfants, dont les revenus dé-passent les plafonds de ressources des logements so-ciaux, sans avoir pour autant les moyens de se logerdans le parc privé,compte tenu de laflambée des prix pa-risiens. Une seulesolution: quitterParis pour la GrandeCouronne! Demême,renoncer au loge-ment intermédiaire,c'est accentuer lafaible rotation duparc HLM, puisqueles locataires préfè-rent payer un sur-loyer plutôt quede quitter notrecapitale.

Inadaptée: onveut nous fairecroire depuis 2001

qu'il y a deux Paris:à l'Est, le Paris dulogement social;à l'Ouest, le Parisdes beaux quartiers.Cette affirmation, pé-remptoire et infon-dée, justifiait la fa-meuse reconquête

parFRANÇOISEDE PANNAFIEU,député-maire (UMP) duXVIIe arrondissementcandidate officiellede l'UMP à la mairiede Paris

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Une autre politique

Seule cette relance pourra permettre d'atteindre àParis les 20 % de logements sociaux.

• Mon deuxième objectif visera à reconstruire lachaîne du logement.

sociale de l'Ouest. En achetant à prix d'or des im-meubles entiers, Bertrand Delanoë pensait pouvoirfaire évoluer la mixité à Paris. Mais, sait-il que le XVII'compte plus de logements sociaux que le Xie, le Xeoule IXearrondissement? C'est donc plutôt à l'Est et àgauche que M. Delanoë devrait orienter sa politiquedu logement.

• Mon troisième objectif aura pour but d'accélérer laremise sur le marché des logements vacants. Des esti·mations sérieuses font état de 35000 logements dansce cas, soit l'équivalent de 10 années de production.Toutes les mesures, qu'elles soient d'ordre réglemen-taire, financier ou fiscal, doivent être étudiées. Dès monélection, je chargerai un groupe de travail de réfléchir àce sujet pour me rendre des propositions sous 3 mois,propositions qui d'ailleurs pourraient être reprises pard'autres communes du cœur d'agglomération.

Transports, mobilitéset environnement

Je suis particulièrement frappée du manque actuelde concertation entre Paris et les communes de lazone dense: Paris continue de décider seul, sansséhéma d'ensemble. Et pourtant, nous avons partieliée dans la compétition accrue que se livrent lesgrandes métropoles européennes et mondiales. Pariset la région disposent pourtant d'atouts indiscutablesen matière d'accessibilité: un réseau de transportscollectifs parmi les plus développés au monde dans lazone centrale, un réseau de voies rapides parmi lesplus performants en périphérie.

• Mon quatrième objectif concernera la lutte contrele logement insalubre.

À mon initiative, le gouvernement a confié auxmaires les moyens juridiques d'accélérer les procé-dures d'acquisition. Le recours à cette législationdoit être utilisé beaucoup plus massivement, afinque la ville de Paris soit en mesure d'accélérer le trai-tement de ces immeubles. De même, il fautconvaincre les propriétaires d'accepter les travauxnécessaires en utilisant davantage l'injonction souspeine d'expropriation prévue dans les périmètres derestauration immobilière. Il y a donc urgence à tra-vailler ensemble; il Y a donc urgence à définir desprojets communs; il ya donc urgence à ne plus setourner le dos mais, au contraire, à instaurer un vraidialogue entre nous.

Tout parisien devra pouvoir passer du logement HLMau logement intermédiaire quand sa situation person-nelle évolue. De même, un locataire doit pouvoir quitterson habitat pour devenir propriétaire de son logement.

Deux chiffres: entre le boulevard périphérique etl'A86, il n'y a pas une personne en Ile-de-France qui setrouve à moins de 4 kilomètres d'une autoroute oud'une voie rapide; dans Paris « intra-muros », la mailletransport est particulièrement fine, même si certainsquartiers restent encore enclavés.

Tant pour Paris que pour l'Ile-de-France, la qualitédes infrastructures du transport, individuel ou collectif,est source d'efficacité économique, et donc de perfor-mances sociales plus élevées, gage d'un développe-ment harmonieux de notre capitale et de notre région.

Alors, aujourd'hui, face à ce constat, il faut changer lapolitique du logement à Paris, en nous fixant des objec-tifs précis. Ces objectifs, nous devons bien évidemment

les envisager ensemble, sans tabou,sans exclusion, sans particularisme etsans irrédentisme, au sein de ce Cœurd'agglomération qui rassemble 9,5 mil-lions d'habitants et 86 % des emploisfranciliens.

• Mon premier objectif sera de relan-cer la construction de logements neufsà Paris pour toutes les catégories deparisiens. Les résultats de l'Ile-de-France en matière de logements sontfragilisés par ceux enregistrés dans lacapitale. Il faut inverser cette ten-dance: 4000 logements neufs par anpeuvent être construits à 3 conditions:

- apporter une garantie juridique etadministrative dans l'obtention despermis de construire: aucune instruc-tion ne devra dépasser un an;

- dégager du foncier en accélérantles cessions des terrains de l'État et en

créant un établissement foncier départemental ali-menté par les recettes des droits de mutation: l'argentdu logement doit aller au logement;

. revoir le PLUpour l'inscrire dans une perspectiverégionale de « densification raisonnée ».

Enfin isolée: ni le Plan local de l'habitat, ni le Planlocal d'urbanisme n'ont été élaborés en concertationavec les communes limitrophes. Pour cette majorité,« Paris, Cœur d'agglomération» n'existe pas! Et pour-tant, les enjeux communs sont déjà une réalité: l'OPACde Paris ne possède-t-il pas déjà 15 % de son parc àl'extérieur du périphérique? De même, les nouvellesrègles de l'urbanisme à Paris, en réduisant laconstructibilité, vont à l'encontre de la volonté régio-nale de « densification raisonnée », affirmée dans lecadre de la révision du SORIF. Huchon, versus Delanoë:ce n'est pas la première fois, ce ne sera pas la der-nière...

•• Mon premjer objectifsera de relancer la

construction de logementsneufs à Parjs pour toutes

les catégorjes de parjsjens.Les résultats de J'lle-de-

France en matière delogements sont fragjJjsés

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cette tendance:4000 logements neufs

par an peuvent êtreconstrujts ... "

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La politique menée par le maire deParis depuis 2001 est donc une absurditéet son coût devient exorbitant. Coûtexorbitant en matière économique à lafois pour Paris et pour la zone dense,mais aussi coût exorbitant pour lesfinances de la Ville.

Depuis 2001 sous l'impulsion desVerts, Paris est devenu un véritable labo-ratoire expérimental en matière de trans-ports. Sans aucune concertation, oncasse, on redessine, on réduit, oncontraint, on détourne, on recasse, avecquels résultats? :

- une augmentation des embou-teillages et donc une réduction de lavitesse de déplacement dans Paris intra-muros, qui gêne considérablement celleset ceux qui viennent travailler à Paris;

- une action sur la pollution sujette àcaution: AIRPARIFa démontré que les pro-grès dans ce domaine étaient dus avanttout aux améliorations des constructeursautomobiles.

- enfin, une exaspération des popula-tions qui «vivent un enfer» selon l'expres-sion de M. Contassot: voilà à peu près laseule promesse tenue par cette équipe.

Il ne s'agit pas pour autant de revenirau tout voitures des années 1970. Mais sil'on constate aujourd'hui dans notrerégion un recours excessif aux modes dedéplacements individuels motorisés, c'est tout simple-ment parce que les transports collectifs n'apparaissentpas comme une vraie alternative. Le retard d'investis-sement dans ce domaine est malheureusement trèsimportant, notamment en proche et moyenne cou-ronne. La politique de circulation actuelle à Paris péna-lise donc les parisiens, mais aussi l'ensemble des fran-ciliens qui, compte tenu des changements récentsdans les conditions de travail, souhaitent pouvoirconserver le choix de leur mode de déplacement.

Faceà ce constat, je voudrais faire part de quelquespistes de réflexion pour tenter d'améliorer la fluidité de lacirculation, et donc la mobilité des populations. Cesobjec-tifs, nous devons bien évidemment les discuter ensemble,sans tabous, sans exclusives, sans particularisme et sansirrédentisme...Jerappelle que nos concurrents européensne nous attendent pas: Madrid vient de décider, parexemple, un plan d'investissements de 14 milliards d'eu-ros pour la création d'un métro en rocade.

Les transports en commun doivent être attractifs.Les efforts d'investissement doivent donc porter enpriorité sur 2 volets:

- une amélioration de la qualité des transports encommun existants (accessibilité, sûreté, confort,accueil, information, permanence et qualité du service);

Date de parution: 11.05.2007

- une amélioration du réseau de transport encommun dans le cœur d'agglomération et la métro-pole fonctionnelle.

La circulation automobile dans Paris peut diminuer,à condition que les habitants de la zone dense aientun avantage en terme de temps, de souplesse et d'ac-cessibilité à choisir les transports en commun.

Nous devons donc réfléchir à deux pistes quej'évoque sans certitude absolue: le lancement parle Sm d'un grand emprunt et un recours plus fré-quent au partenariat public-privé, comme cela serale cas pour le financement de Charles deGaulle/Express, ce partenariat concernant plutôtles infrastructures routières (bouclage de l'A86 etde la francilienne).

L'avenir de notre métropole, nous allons le définiren commun au travers de projets urbains partagés.Que ce soit pour le logement, les transports oudemain le développement économique, Paris n'impo-sera plus, Paris écoutera, Paris négociera, Parisconstruira pour les métropolitains, pour les parisiens,pour les franciliens

F.P.

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Jean-Paul Huchon:« La métropole, c'est la région ~»

Date de parution: 11.05.2007

Pour le président de la région Ile-de-France, ce qui est en jeu aujourd'hui, c'est le fonctionnementde l'ensemble du système métropolitain - et aussi la cohésion territoriale de l'ensemble de larégion qui dépend du devenir de son agglomération centrale. « C'est pourquoi, souligne Jean-PaulHuchon, je crois qu'il nous faut plutôt intégrer la question parisienne dans une approche plusglobale: l'évolution institutionnelle de la "région urbaine" ... »

JEAN-PAUL HUCHONest président (Ps)

du Conseil régionald'Ile-de-France

Pouvoirs Locaux: Les débats autour du Grand Paris nesemblent pas recueillir l'adhésion de la région. Quepensez-vous des initiatives prises en ce sens par lemaire de Paris?

Jean-Paul Huchon: Précisons de quoi nous parlons.La région se félicite des initiatives prises par BertrandDelanoë, tout particulièrement en direction des com-munes limitrophes, longtemps ignorées par la ville-capitale. Par sa dimension symbolique et ses consé-quences fonctionnelles, cette démarche estexemplaire. Elle s'inscrit d'ailleurs dans un processusde coopération territoriale engagé par nombre de ter-

Jean·Paul Huchon. « Conférer à la région un véritable pouvoir de coordination,voire de prescription sur les politiques publiques locales d'intérêt métropolitain,»

ritoires d'Ile-de-France: le développement de ['inter-communalité - certains yvoient un rattrapage -, lesinitiatives territoriales de différents conseils générauxou encore des formes diverses d'associations et deprojets de territoires le montrent. Dans ce contexte, la«conférence métropolitaine », à laquelle la région par-ticipe pleinement, constitue une étape de cetteréflexion collective à l'oeuvre. Pour autant, la perspec-tive d'un Paris élargi, structuré en communautéurbaine, c'est une toute autre chose et je n'y suis pasfavorable. D'un côté, la complexité du paysage institu-tionnel est déjà très grande. De l'autre, on ne doit pasnégliger les enjeux véritablement en cause, à savoir ledéveloppement, la cohésion et, sur certains aspects,la viabilité d'un des plus grands systèmes urbainsd'Europe: sujets qui sont posés à l'échelle régionale.

N'est-ce pas justement ce qui fonde la légitimitéd'une communauté urbaine à créer à l'échelle du« Grand Paris» ?

Jean-Paul Huchon: L'ile-de-France a besoin d'inno-vation institutionnelle. Historiquement, pour des rai-sons d'efficacité mais aussi pour des motifs moinsavouables de contrôle politique par ['État jacobin,cette région a été le cadre de statuts spécifiques(exemple de la loi PLM)ou d'expérimentations promet-teuses (l'intercommunalité des villes nouvelles, bienavant les lois de 1992 et 1999). Pour imaginer le dispo-sitif de demain, ne peut-on avoir d'autre horizon quecelui de la communauté urbaine, forme inventée en...1966 ? D'autant que - soyons clairs! - recréer l'an-cien département de la Seine ne ferait que déplacer lemur d'octroi qu'a pu être le périphérique. Et une tellecommunauté urbaine serait forcément amputée

~ puisque les champs de compétences obligatoires~ (transports, planification notamment) sont déjà~ portés au niveau régional et à juste titre! La métropoleg francilienne ou parisienne, peu importe les mots,:~ s'étend sur un vaste périmètre, a minima d'échelle~ régionale, et son fonctionnement ne s'épuise pas dans

le seul équilibre Paris-proche banlieue. La métropoledispose en fait de nombreux centres, en lien avec son

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Dossier: ILE DE FRANCE

Source: POUVOIRS LOCAUX

cœur parisien: les différents pôles de recherche (leplateau de Saclay en est un bon exemple), les hubs detransport et les plates formes logistiques (Roissy, Orlymais également toute une partie seine-et-marnaise),les vallées industrielles, etc.). D'ailleurs, les mobilitésaujourd'hui en pleine explosion se situent bien entreun cœur parisien très élargi et les grands pôles dureste de l'agglomération. Ce qui est en jeu aujour-d'hui, c'est le fonctionnement de l'ensemble du sys·tème métropolitain. C'est aussi la cohésion territorialede l'ensemble de la région qui dépend du devenir deson agglomération centrale. C'est pourquoi, je croisqu'il nous faut plutôt intégrer la question parisiennedans une approche plus globale: l'évolution institu-tionnelle de la « région urbaine ».

Si la notion de région urbaine est bien familière pourles économistes ou les géographes, que faut-il encomprendre en termes institutionnels?

Jean-Paul Huchon: Paradoxalement, la longuetutelle exercée par l'État sur la région capitale a donnéà l'ile-de-France, au titre de la décentralisation, desoutils exceptionnels. Je pense d'abord au schémadirecteur de la région Ile-de-France (SORIF),prescriptifen matière d'urbanisme et d'infrastructures, que l'as-semblée régionale vient d'adopter. En étroite associa-tion, et surtout négociation, avec les différentes col-

Date de parution: 11.05.2007

lectivités, ce schéma constitue un outil d'arbitrage etde régulation extrêmement précieux qui façonne l'Ile-de-France de demain. Autre outil, le Syndicat desTransports d'Ile-de-France (Sm), qui constitue leconseil régional et les conseils généraux en autoritésorganisatrices du réseau exploité notamment par laRATPet la SNCF.Avec le Sm, nous sommes d'emblée àla bonne échelle: métropolitaine car régionale, ce quifait justement défaut dans d'autres métropoles y com-pris européennes. Ces outils, et d'autres à construire,gagneraient sans doute à être généralisés pour lesgrandes régions urbaines françaises. On a bien eu undispositif institutionnel dérogatoire avec la loi PLM,pourquoi ne pas ouvrir le débat sur un éventuel sys-tème « NIRP» (pour Nord-Pas-de-Calais, Ile-de-France,Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d'Azur)?

À vous entendre, ce système urbain régional existedéjà?

Jean-Paul Huchon: Pas tout à fait, car il ne s'agitque d'un état de fait en pointillé si je m'en tiens à l'Ile-de-France. Il lui manque deux éléments fondamen-taux. Tout d'abord, un système fiscal et financier à lahauteur des enjeux. Sans maîtrise des ressources, unpilotage efficace des régions urbaines, que j'appellede mes vœux, reste lettre morte. Or, nous sommes tri-butaires, comme toute la France, d'un système à bout

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Peut-on s'essayer à une prospective de la nouvelleorganisation des collectivités en I/e-de-France ?

Jean-Paul Huchon: Ils relèventbien sûr des spécificités de la« décentralisation à la française »:l'ambivalence du partage des rôlesentre l'État et les collectivités, laclause générale de compétence, la

règle désormais constitutionnalisée de non tutelleentre collectivités, l'entre-deux que constitue aujour-d'hui l'intercommunalité, etc. Or, en lle-de-France,comme dans d'autres régions métropolitaines, lasuperposition et l'enchevêtrement des niveaux insti-tutionnels sont d'autant plus sensibles qu'ils concer-nent le même espace: chacun tient un bout de lamétropole! La question du Grand Paris l'illustre par-faitement. C'est bien sûr un enjeu d'équilibre desforces entre le cœur d'agglomération et la région,une hypothèque pour le devenir des intercommunali-tés de première couronne mais aussi une mise enquestion, quoique moins débattue médiatiquement,de la place des conseils généraux.

de souffle. Il est fondamentalement inégalitaire endépit même d'un réel accroissement des dotations depéréquation depuis une décennie. Il est fondé sur desprincipes de localisation des bases qui confortent etamplifient le désordre urbain. Il ne permet pasd'orienter suffisamment nos politiques d'investisse-ment, dans les transports publics et, plus encore,dans le logement et les services qui doivent l'accom-pagner. Ensuite, nous avons besoin d'un nouvelaggiornamento des pouvoirs locaux - certainsdiraient une autre gouvernance. En Ile-de-France, cesoutils exceptionnels aux mains de la région fonction-nent paradoxalement parce que le conseil régional. ..ne peut en avoir le pilotage exclusif! En raison dessubtils équilibres politiques propres à la région pari-sienne, la négociation, le donnant-donnant sontincontournables: le paysage institutionnel est dense,souvent imbriqué, appuyé sur des positionnementsmultiples et les enjeux politiques et financiers sontcolossaux. D'ailleurs, en cette région, personne -même en utilisant les moyens d'État, et nous connais-sons certains précédents! - ne peut prétendre à un

leadership hégémonique. Je suisconvaincu que le fait métropolitainconduit à la concertation, voire à lacomposition avec les forces et les mul-tiples acteurs en présence. Mais pasau détriment du volontarisme poli-tique.1l faut que nous organisions l'in-tégration des pouvoirs plutôt que denous épuiser tous à leur constanteneutralisation.

"Je suis convaincu que lefaU métl'Opontain conduUà la concertation, voire à

la composition avec lesforces et les muJUples

acteurs en présence. Maispas au détriment du

volontarisme pontique. Ilfaut que nous organisionsl'intégration des pouvoirs

plutôt que de nous épuisertous à leur constante

neutraUsation. "

Quels sont les obstaclesà cet « aggiornamento» francilien?

Jean-Paul Huchon: Il le faut! Même si c'est unematière plus que complexe, voire explosive ... Bien sûr,beaucoup dépend d'une relance effective de la régio-nalisation - j'insiste sur ce terme -, en fonction durésultat des élections présidentielles et, pour le direclairement, du succès de la candidate que je soutiens.Il ne s'agit pas de chercher à accroître nécessairementles champs de compétences régionaux, à l'exceptionpeut-être du logement, mais de conférer en droit unvéritable pouvoir de coordination, voire de prescrip-tion, sur les politiques publiques locales d'intérêtmétropolitain (transports et mobilités, aménagement,urbanisme et logement, risques et environnement,formation, recherche et innovation, développementéconomique). En l'accompagnant du redéploiemententre niveau régional et niveau local de certainsgrands services urbains. C'est une condition demeilleure lisibilité politique et fonctionnelle de larégion-métropole en interne comme à l'exportation sij'ose dire. Ceci étant posé, deux spécificités franci-liennes doivent être interrogées. Tout d'abord, la placequ'y tient l'État central. C'est une donnée historiquetoujours très présente, qu'illustre par exemple lenombre d'opérations d'intérêt national actuelles ou enprojet. Notons d'ailleurs que l'État, via ses ministères,ses établissements publics, etc. est certainement l'undes plus gros propriétaires fonciers de l'ile-de-France... L'intérêt national que constitue la régioncapitale n'exclut pas de débattre des objectifs, desmodalités et des moyens que trop souvent encoreaujourd'hui l'État nous impose, y compris en interve-nant à un niveau régional mais aussi parfois très loca-lement. Ensuite, peut être soulevée la question del'organisation des pouvoirs locaux. Vu de loin, ons'étonnera du morcellement institutionnel d'unespace urbain pourtant quasiment continu. Mais nenous y trompons pas: de réelles identités commu-nales et une véritable aspiration à une gestion deproximité le fondent aussi. Ce qui pose vraiment pro-blème, c'est la ségrégation sociale que cela peut pro-duire. Le devenir des conseils généraux - qui fait l'ob-jet de débats très contrastés notons-le -, mais surtoutde l'intercommunalité doit être apprécié aussi sous cetangle. Et, quel que soit le mécano institutionnelretenu, il doit nous permettre de mutualiser les res-sources, à la fois localement et régionalement, ce quiest très loin d'être le cas. Quitte à ce que ceci conduiseaussi à une évolution de la composition de l'assembléerégionale, afin qu'y soient explicitement représentésles divers territoires franciliens (par exemple en pana-chant élus au scrutin de liste et représentants de droitdes niveaux communaux et intercommunaux dans unesorte de « sénat régional »). Comme vous le voyez, laprospective peut nous entraîner bien loin. Mais, vousl'aurez compris, à mon sens le cœur du débat c'estl'unité et la cohésion de l'agglomération francilienne.Profitons-en: la métropole, c'est la région!

Propos recueillis parChristine Nodier-Koller

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