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LES CAGES INTERVERTÉBRALES CERVICALESDr Norbert MANZO.

Depuis la fin des années 50, les techniques de Smith-Robinson et Cloward constituent incontestablement les « Gold Standard » dans le traitement des névralgies cervico-brachiales d’origine discale ou dégénérative ostéophytiques (Fig. 1 et 2). Néanmoins, l’évaluation des résultats est difficile au regard de la littérature.

En effet, ces résultats varient de façon très sensible en fonction :

- de la procédure : Smith-Robinson ou Cloward - du nombre de niveaux opérés - de la greffe utilisée : pas de greffe, autogreffe, allogreffe, xénogreffe, biomatériau - de l’adjonction ou non d’une ostéosynthèse - des critères utilisés pour affirmer un bon résultat : clinique, radiographique - de l’indication opératoire : névralgie, myélopathie

Bien que les résultats de ces interventions soient reconnus comme bons, des inconvénients, liés, d’une part à la chirurgie cervicale et d’autre part à la prise de greffe iliaque sont admis.

L’amélioration des résultats obtenus par les techniques de référence peut donc se faire à deux niveaux :

- Au niveau cervical en améliorant les taux de pseudarthrose, impaction et migration et en garantissant la restauration de la lordose - Au niveau iliaque, en diminuant la morbidité au site donneur qui constitue la première source de complications de cette chirurgie par une amélioration de la technique de prélèvement iliaque ou au mieux par la suppression de ce temps opératoire.

L’introduction, à la fin des années 80 des techniques de cages, inspirées des travaux de Bagby chez le cheval semble constituer une avancée intéressante, mais dont peu d’études méthodologiquement fiables apportent la preuve. L’application humaine a débuté au niveau lombaire avec des cages en titane cylindriques vissées (BAK, TFC) ou des cages en carbone impactées (I/F C). L’application au rachis cervical a débuté en France dans les années 90.

Nous avons voulu, ici, revoir les différentes études publiées dans la littérature jusqu’en 2004 et y associer les résultats de notre propre travail. Nous avons conduit une étude évaluant une cage en PEEK impactée (Samarys, Scient’X) associée à de l’os autologue ou un implant de céramique biphasée (MBCP, Biomatlante), tout d’abord sur modèle animal, puis selon une étude prospective randomisée multicentrique (cf. remerciements) avec un recul de un an. Les résultats de ce travail sont cités ici en complément de ceux rapportés dans la littérature.

L’analyse de la littérature concernant les cages cervicales se heurte aux mêmes problèmes que ceux concernant les résultats des techniques de Cloward et Robinson. En dehors des restrictions d’ordre méthodologique (peu d’études prospectives, randomisées), la diversité de ces études ne

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permet pas d’apporter des conclusions formelles mais nous avons tenté de dégager quelques idées directrices.

Fig 1 Fig 2a Fig 2b

-I- GÉNÉRALITÉS

Les cages intersomatiques ont été conçues pour jouer d’une part le rôle de maintien de la hauteur discale et de restauration de la courbure rachidienne (par la rigidité, la stabilité primaire et la forme lordosante éventuelle de l’implant) et d’autre part de promouvoir la fusion osseuse par comblement avec de l’os spongieux autologue (évitant le prélèvement tricortical) ou par un substitut osseux.

Les différents types de cages peuvent être définis en fonction, du dessin de la cage, du matériau constitutif de celle-ci, ou du matériau de comblement utilisé pour obtenir la fusion osseuse.

En fonction de leur dessin, on distingue :

- les cages vissées ou cylindriques dont la philosophie se rapproche de l’intervention de Cloward - les cages impactées, dont la philosophie se rapproche de la technique de Smith Robinson

En fonction du matériau dont elles sont constituées, nous distinguerons trois groupes principaux :

- les cages métalliques, en titane pour la plupart - les cages en PEEK dont on rapproche les cages carbone - les cages résorbables

En fonction du tissu de comblement qui leur est associé, nous avons distingué :

- les cages associées à une greffe osseuse autologue - les cages pleines (bloc titane) dont on peut rapprocher les blocs d’hydroxyapatite.

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- les cages implantées vides - les cages associées à des biomatériaux

L’analyse de la littérature retrouve trois grands groupes d’étude :

- Etudes biomécaniques - Etudes sur modèle animal - Etudes cliniques, le plus souvent associées à une étude radiographique

Nous avons tenté, au sein de ces trois types d’études, d’analyser les résultats en fonction des caractéristiques de l’implant définies ci-dessus (dessin, matériau constitutif, matériau de comblement).

Stabilité

La discectomie est responsable d’une perte de stabilité en extension, que Wilke explique par la résection de la partie antérieure de l’annulus. Elle ne semble que partiellement corrigée par l’implantation de cages. Greene et al. ont évalué l’effet d’une arthrodèse du rachis cervical inférieur par greffe iliaque ou cage vissée avec ou sans adjonction d’une plaque antérieure. La stabilité immédiate obtenue avec une cage vissée est proche de celle obtenue avec une greffe iliaque. L’adjonction d’une plaque augmente de façon significative la stabilité du montage dans les deux cas.

Shimamoto et al ont testé la cage RABEA et montré qu’elle n’obtenait pas la stabilité primaire suffisante pour être posée en « stand-alone » et que la stabilisation par plaque obtenait la meilleure stabilité en flexion-extension et en rotation sans changer de façon significative l’inclinaison latérale par rapport à la stabilisation par greffe iliaque seule ou par cage RABEA.

Wilke et al. ont évalué la stabilité primaire de trois types de cage (Wing, BAK/C, AcroMed cervical I/F) versus une cale en ciment. Si tous les implants obtenaient un effet stabilisateur, la cage AcroMed obtenait la meilleure stabilité primaire en flexion, rotation axiale et inclinaison latérale. Le ciment obtenait la meilleure stabilité primaire en extension.

Maiman a évalué les augmentations de rigidité rachidienne et de sollicitation des disques adjacents à l’arthrodèse. Elles sont liées à la rigidité du matériel implanté (bloc Titane>cage titane>crête iliaque>bloc tantale>cage tantale).

Il semble donc que la stabilité primaire des cages soit réelle mais qu’il faille être prudent dans le mouvement d’extension. Le dessin trapézoïdal semble le plus favorable. Le matériau constitutif de la cage a une influence sur la rigidité du segment arthrodèsé avec des conséquences sur les disques adjacents.

Impaction

Wilke a évalué les risques d’impaction pour trois types de cages (Wing, BAK/C, AcroMed cervical I/F) sur 24 rachis cervicaux humains, en simulant des mouvements physiologiques. Il en conclue que tous les types de cages présentent un risque d’impaction.

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Eysel a également testé trois types de cages (BAK, NOVUS, WING) en situation intercorporéale sur rachis de brebis et les a comparé à un montage autogreffe associé à une ostéosynthèse par plaque vissée. Il montre alors une tendance à un défaut de résistance aux sollicitations répétées en compression avec migration dans les corps vertébraux de la cage BAK tandis que les autres montages restent stables. Il en conclue que les dessins de cages détruisant les plateaux vertébraux selon la technique de Cloward ont un risque plus élevé d’impaction.

Teo et al ont évalué sur une étude par éléments finis l’effet de la mise en place de cages intervertébrales sur la distribution des contraintes à l’os spongieux adjacent qui semble plus conditionnée par les dimensions de la cage et sa position dans l’espace intervertébral, que par sa rigidité.

Ainsi, il semble que les cages vissées présentent un plus grand risque d’impaction que les cages impactées.

Hauteur discale

Peolsson a montré que, contrairement à une idée communément admise, la cyphose segmentaire et la hauteur discale n’ont pas d’effet sur le résultat clinique au terme du suivi. Pour cet auteur l’importance des facteurs radiologiques comme éléments prédictifs de la fusion ou du résultat clinique est limitée.

Si les auteurs sont unanimes pour affirmer que les cages sont aptes à restituer la hauteur discale, les conclusions, concernant leur capacité à maintenir ce gain de hauteur dans le temps, sont plus mitigées selon les séries. Cette perte secondaire de hauteur discale est due à un effet d’impaction.

Cependant, le choix de la hauteur de la cage a son importance. Il a été montré que les forces de distraction et de compression exercées sur le greffon dans la technique de Smith-Robinson sont liées à la hauteur du greffon mis en place. Les forces de compression et distraction augmentent avec la hauteur du greffon. Ainsi, il est recommandé de ne pas distracter l’espace discal d’une hauteur dépassant de plus de 3mm la hauteur du disque normal ou du disque résiduel afin de mettre en charge le greffon, maintenir la lordose et éviter la surcharge des articulaires postérieures.

Bartels et al. ont montré par une étude scannographique que l’implantation d’une cage en carbone augmente la hauteur foraminale permettant une décompression de la racine nerveuse correspondante et restaure la lordose locale. Ces objectifs ont été atteints dans les deux groupes de notre étude. La hauteur de l’espace discal a été restaurée ou conservée en post-opératoire et est stable à un an post-opératoire. Un planning pré-opératoire peut décider de la hauteur de cage à implanter afin d’éviter le choix d’un implant sous ou sur dimensionné en per-opératoire. Le dessin lordosant de la cage permet également de restituer la lordose locale. Celle-ci se maintien à un an post-opératoire dans notre étude. Cependant, lorsqu’il existe une cyphose locale pré-opératoire, l’implantation de la cage ne corrige la déformation que dans 50% des cas dans notre étude.Autrement dit, la cage semble efficace pour conserver une lordose locale préexistante, mais ne corrige une cyphose locale que dans 50% des cas.

Ainsi, l’effet de correction de la courbure locale semble plus lié à la restauration de la hauteur discale qu’à un réel effet lordosant de la cage.

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Migrations, impactions et translations

Migrations et impactions des greffons osseux sont des complications classiques de la technique de Smith-Robinson. Samaha retrouve 14 tassements de greffon sur 68 (20,5%) et 4 expulsions (5,8%). Hadley rapporte une expulsion complète du greffon dans 1% à 2% des cas.

Concernant les cages, nous n’avons retrouvé qu’un cas de migration postérieure responsable de compression médullaire dans la littérature.

Le dessin de la cage semble jouer un rôle important dans les migrations antérieures, postérieures ou latérales et dans les effets d’impaction. Si les déplacements antérieur ou postérieur occasionnent des reprises chirurgicales, cela est rarement le cas pour les déplacements latéraux. Cependant la migration latérale peut être responsable de douleurs cervico-scapulaires transitoires. Elles ont été rapportées essentiellement pour un type de cage. Soulignons alors, l’intérêt d’une cage dont le dessin prévoit un appui latéral sur les uncus, ce qui évite les effets de translation (cage Wing chez Matgé) et présente également l’avantage d’un appui à la périphérie des plateaux vertébraux, plus résistants mécaniquement.

La perte de rigidité en extension après discectomie, révélée par les études biomécaniques, renforce l’effet « noyau de cerise » dans les mouvements en extension avec risque d’expulsion antérieure de l’implant discal. Le dessin lordosant des cages impactées peut également favoriser la migration antérieure. Ces constatations semblent indiquer qu’il est peu prudent de ne pas immobiliser les patients dans un collier en post-opératoire, au moins jusqu’à ce que la fusion soit suffisamment avancée pour résister à ces forces. De plus, l’existence de micromouvements à l’interface plateaux-cages et son contenu est vraisemblablement un facteur de pseudarthrose supplémentaire. Ce risque d’expulsion de l’implant est très rare pour les cages cylindriques vissées. Ainsi, lors de l’utilisation de cages impactées, il parait prudent de tester la stabilité primaire de l’implant à l’aide du fantôme. Une tendance spontanée à l’expulsion ou une résistance insuffisante à l’extraction du fantôme doit pousser l’opérateur à un changement de technique ou à l’association d’une ostéosynthèse à la cage.

Pour Furderer, le dessin de la cage et le respect des plateaux vertébraux sont deux facteurs ayant une influence directe sur l’effet d’impaction. Les cages cylindriques semblent associées à un fort taux d’impaction, avec perte de hauteur discale. Türeyen a conduit une étude évaluant spécifiquement les changements de hauteur discale après implantation d’une cage titane vissée. La perte de hauteur dans sa série est de 35,6%+/-9% en moyenne. Il conclue que cet implant ne permet pas de prévenir la perte de hauteur discale.

D’une manière générale, l’analyse de la littérature semble montrer que les cages vissées ont plus tendance à l’impaction tandis que les cages impactées tendent à la migration.

Par ailleurs, Hakalo et al. ainsi que Tureyen ont démontré que l’effet d’impaction est directement proportionnel à la différence de modules d’élasticité et inversement proportionnel à la surface de contact entre les deux corps. Ceci pourrait expliquer le taux d’impaction observé par Payer lors de l’implantation de cages vides pour lesquelles la surface de contact avec les plateaux vertébraux est très faible (limitée aux montants de la cage). Les cages en titane semblent donner un fort taux d’impaction qu’il s’agisse de cages

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vissées (30% pour Zevgaridis, 55,5% pour Gercek ou impactées (22% pour Moreland). Pour les cages impactées, l’enfoncement se produit préférentiellement au coin antéro-inférieur de la cage, ce qui est confirmé par le seul cas d’impaction constaté dans notre série (Fig.18)

Fig.18 : impaction progressive au coin antéro-inférieur de la cage. Radiographies, pré-opératoire (a), 6 semaines (b), 3 mois (c) et 1 an post-opératoire (d). L’arthrodèse est obtenue.

L’utilisation de cages en PEEK dont le module d’élasticité est proche de celui de l’os présente l’intérêt théorique, que semble confirmer notre étude, de diminuer le risque d’impaction. Cette rigidité a donc des conséquences sur l’impaction secondaire de l’implant et la perte de hauteur discale qui en résulte mais également sur la sollicitation des disques adjacents. Le taux d’intervention à distance sur des disques cervicaux adjacents à une arthrodèse pour la technique de Smith-Robinson est évalué à 10% par Hillibrand et concerne 16% des patients dans la série de 50 patients revus avec 21 ans de recul de Gore.

Maiman et al. ont montré l’importance des conséquences sur la rigidité du rachis et la sollicitation des disques adjacents à l’arthrodèse de la rigidité du matériel implanté. Ainsi, plus l’arthrodèse est haute, plus le rachis est rigidifié, plus l’arthrodèse est basse, plus les disques adjacents sont sollicités. Par ailleurs, plus le matériel implanté est rigide plus les deux facteurs (rigidification rachidienne et sollicitations discales) sont augmentés. Ainsi, les deux facteurs influençant la dégénérescence discale adjacente à l’arthrodèse sont, le niveau de l’arthrodèse et la rigidité du matériel implanté. Le fait même de réaliser une arthrodèse est donc un facteur susceptible d’accélérer la dégénérescence des

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disques adjacents à celle-ci. Il paraît donc essentiel d’utiliser un matériel dont le module de Young se rapproche de celui de l’os. En effet, le but de l’intervention étant d’obtenir une arthrodèse, la rigidité du segment arthrodèsé, sera, à terme, équivalente à celle de l’os. Il est donc peu utile de chercher à être moins rigide que l’os, mais essentiel de ne pas l’être plus, ceci risquant d’accélérer la dégénérescence des niveaux discaux adjacents. Matgé retrouve 8 cas sur 250 (3,2%) de dégénérescence discale accélérée aux niveaux adjacents à celui implanté qu’il attribue directement à l’augmentation de rigidité secondaire à l’implantation de la cage.

Ainsi : Les cages sont susceptibles d’apporter une restitution de la hauteur de l’espace discal. Le dessin et le matériau constitutif de la cage sont les facteurs essentiels du risque d’impaction ou de mobilisation de celles-ci. Les cages vissées apportent un plus fort taux d’impaction et les cages impactées un plus haut risque de mobilisation. Les cages les plus rigides s’impactent plus. Le respect des plateaux vertébraux et le bon centrage de la cage diminuent les risques d’impaction et de mobilisation. Une grande distraction de l’espace discal n’est pas garante d’une meilleure stabilité. La restitution de la lordose locale du segment arthrodèsé est réelle mais n’est obtenue que dans 50% des cas lorsqu’il existe une cyphose pré-opératoire.

CONCLUSION

Les cages constituent un réel progrès par rapport à la technique initiale de Smith-Robinson, en particulier par la diminution de la morbidité au site donneur. Dans le but d’améliorer la technique en diminuant les taux de pseudarthrose, migration et impaction, les cages doivent améliorer leur stabilité primaire, en particulier en extension. Leur module de Young doit s’approcher au maximum de celui de l’os. Si le PEEK est en soit un excellent compromis, le concept de cage résorbable laissant place à l’os hôte semble constituer l’étape suivante.

L’utilisation de certains biomatériaux semble constituer une alternative fiable à la prise de greffe iliaque au moins pour de faibles volumes.

La difficulté que nous avons à tirer des conclusions à partir de l’analyse de la littérature permet d’insister encore sur l’importance de la mise en place de systèmes d’évaluation fiables de nouvelles techniques ou nouveaux implants chirurgicaux.