Les Almoravides Et Lasarisme

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    Les Almoravides et l'a!"arisme

    Autour de l'uvre d'al-Mur#d$al-%a&ram$

    Dans un entretien accord en janvier 2005 Bertrand Hirsch du Centre de Recherche Africaines

    de l'Universit Paris I, et publi sous le titre "Un historien entre trois mondes", P. F. de Moraes

    Farias donne quelques indications sur l'itinraire, premire vue assez improbable, qui conduisit

    le jeune mdecin de Bahia, produire l'un des travaux les plus originaux crits sur l'histoire du

    mouvement almoravide dans sa phase saharienne partir de l'Universit d'Accra. Au lieu de se

    lancer, comme on pourrait s'y attendre, dans la qute des racines yoruba de la culture afro-

    brsilienne dont il avait commenc se proccuper, le jeune disciple de Thomas Hodgkin choisit

    de s'orienter vers les relations entre l'Afrique de l'ouest et la pninsule ibrique au travers des

    Almoravides, premiers unificateurs d'un vaste empire (environ : 1050-1150) qui s'tendait des

    rives du Sngal aux confins des Pyrnes. C'tait, explique Farias, dans le but "de saisir un autre

    mode d'insertion de l'Afrique dans l'histoire universelle."1, une poque o les rapports

    d'hgmonie du continent avec l'Europe taient assez loigns, et mme, pourrait-on dire,

    inverses, de ce qu'ils allaient devenir des sicles plus tard. A sa faon toute en finesse et en

    rudition, Farias amorait dj avec ce premier travail sur les Almoravides (1967), la subversiontranquille des tudes historiques africaines qui allait montrer toute sa mesure, une quarantaine

    d'annes plus tard, avec la publication de ses Arabic Medieval Inscriptions from the Republic of

    Mali (2003). La contribution pionnire de Farias sur les dbuts sahariens du mouvement

    almoravide n'a pas seulement fait dfinitivement justice du lien que l'on tablissait entre leur nom

    et un rib!" qui n'a probablement jamais exist2, mais elle a propos la premire bibliographieexhaustive de ce mouvement et largement contribu prciser les profils de ses principaux

    acteurs. Parmi ces derniers figure un personnage aux contours incertains, tout en mme temps

    historique et mythique, al-Mur!d" al-#a$ram". Evoqu dans les traditions sahariennes(mauritaniennes) comme une sainte icne de la prdication arme de ces vigoureux propagateurs

    du malikisme au XIesicle, al-Mur!d"est aussi donn dans les rares sources dont nous disposons

    comme l'un des ultimes dfenseurs du kal!m a#$arite parmi les lettrs almoravides. Or, lesAlmoravides semblent avoir entretenu avec cette cole de pense thologique des relations pour le

    moins ambiges, faites la fois d'allgeance et de suspicion. Quoi que Farias (1999), dans sa

    grande gnrosit, ait voulu laver l'initiateur idologique du mouvement %Abd All!h b. Y!s"n de l'image de ruralit un peu fruste que lui attribuent certains chroniqueurs arabes et

    notamment al-Bakr" le penchant la simplification attach l'cole d'al-A&%ar" choisie ourejete par les Almoravides semblerait sinon avr, du moins assez notoire. Dans les

    paragraphes qui suivent je commencerai par rappeler succinctement les grandes lignes de

    l'a&%arisme avant d'en venir al-Mur!d"et ses tribulations travers miracles et profession de foia&%arite.

    I. L'a!"arisme

    Je regrouperai par commodit sous ce label, comme le faisait dj les vieux traits

    d'hrsiographie3, un ensemble de penseurs (al-A&%ar" lui-mme, Ibn Fawrak, al-B!qill!n", al-'uwayn", al-Isfar!(in", al-)az!l", etc.) qui, malgr la diversit de leurs opinions sur certains

    1Bertrand Hirsch, 2005, p. 177

    2Les traditions locales tablissent un lien entre le nom al-mur!bi"%net une enceinte fortifie (rib!") qui les

    auraient accueilli dans l'le de T"dr, sur la cte atlantique mauritanienne. Une mission archologique de l'IFAN, laquelle Farias avait particip, avait tabli, en 1966, l'absence de toute trace de fortification sur cette le. Cf.

    Farias, 1967.

    3Celui d'al-A&%ar"lui mme -Maq!l!t al-isl!miyy%n-, celui d'al-*ahrast!n"- al-Milal wa al-ni&al-, etc.

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    points, se reconnaissent pour l'essentiel dans l'enseignement d'Abu-l-#asan al-A&%ar"(m. 324/935-6).

    Dans sa prsentation de ce thologien originaire d'al-Ba+ra, al-Q!$" %Iyy!$(m. 544/1149-50)que nous ne manquerons pas de recroiser affirme qu'al-A&%ar"tait malikite4, en insistant toutparticulirement sur son opposition aux mu%tazilites, lui qui passe pourtant pour avoir t dansleur sillage durant plus de vingt ans5, avant de quitter ces rationalistes de l'islam pour se faire le

    champion d'une tradition qui ne ddaigne pas toutefois de recourir une partie de leur arsenal

    argumentatif6.

    %Iyy!$dit ceci d'al-A&%ar":

    "Il rdigea pour ahl al-sunnades ouvrages et dveloppa des argumentaires pour asseoir leurposition (aq!ma al-&u'a'$al!i(b!t al-sunna) et dfendre ce qu'ont ni les innovateurs impies(m! naf!h ahl al-bida$) concernant les attributs de Dieu (min )if!t All!h ta$!l!), Sa vision(ru$yatih), l'ternit de Sa parole (qidam kal!mih), Son omnipotence (qudratih), et les chosesrapportes par la tradition (um*r al-sam!$) relativement au Pont (al-)ir!"), la Balance (al-

    m%z!n), l'Intercession (al-#af!$a), au Bassin (al-&aw+) et l'preuve de la tombe (fitnat al-qabr), choses nies par les mu%tazilites. Il dfendit d'autres aspects des positions des ahl al-

    sunna wa al-&ad%(. Il dveloppa les preuves claires de ces positions (aq!ma al-&u'a' al-w!+i&a $alayh!), issues du Livre et de lasunnaainsi que de claires preuves rationnelles (waal-dal!,il al- w!+i&a al-$aqliyya). Il rfuta les arguments confus des innovateurs blmables etde leurs suivants parmi les athes et les &i%ites (wa dafa$a #ubah al-mubtadi$a wa minba$dihim min al-mul&ida wa al-r!fi+a). Il consacra ces thmes de larges crits qui rendirentgrand service la umma. Il polmiqua contre les mu%tazilites (n!-ara al-mu$tazila) auprsdesquels il se rendait de lui-mme cet effet (wa k!na yaq)iduhum bi-nafsihi li-l-mun!-ara)(V, 24).

    %Iyy!$ ajoute que ses partisans sunnites, de plus en plus nombreux, furent appels d'aprs sonnom a#$arites, alors qu'ils taient dnomms auparavant par leurs adversaires mu%tazilites al-mu(abbita("les affirmateurs"), car ils affirmaient ce que les mu%tazilites niaient. (V, 25).

    Il ne s'agit l en ralit que de quelques aspects de la doctrine dveloppe par al-A&%ar"dansses crits7 et explicite par ses principaux disciples, tout particulirement dans Maq!l!t al-.ay/Ab%al-0asan al-A#$ar%d'Ibn Fawrak (m. 406/1015-6). Or, en juger par la puissantemonographie que lui a consacre Daniel Gimaret (1990), il s'agit d'un vritable systme

    embrassant et intgrant l'ensemble des grandes questions physiques, mtaphysiques, moraleset politiques dbattues parmi les cercles cultivs musulmans l'poque d'al-A&%ar".

    4Mad!rik, V, pp. 24-30

    5Gimaret, p. 22

    6 %Iyy!$rapporte (Mad!rik, V, 28-9), d'aprs %Abd All!h al-Azd", la "vision" qu'al-A&%ar"aurait eu du Prophte

    qui lui aurait conseill de quitter les mu%tazilites sans abandonner leur mode de raisonnement pour le mettre auservice des ahl al-sunna. Indications reprises par Montgomery Watt dans l'article A&%ar" de l'EI2, I, 715-716.%Iyy!$(V, 26) voque galement la dnonciation vigoureuse d'al-A&%ar"et de son cole par Ibn #azm deCordoue (m. 456/1064) dans sesal-Na)!,i&al-muna''iyya min al-fa+!,i&al-mu/ziyya, quoi que Farias (1999)ait suggr un rapprochement intressant entre les opinions du thologien cordouan et celles du prdicateur

    initial des Almoravides, %Abd All!h b. Y!s"n (m. 451/1059)

    7En particulierKit!b al-ib!na(que je n'ai pu consulter) etMaq!l!t al-isl!miyy%n

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    Les interrogations et les constructions relatives la nature, si elles procdent chez al-A&%ar"d'une vision entirement crationniste de l'univers, ne sont pas indemnes de considrationsvenues, par l'intermdiaire des mu%tazilites, des vieux dbats grecs retravaills dans lecontexte de la thologie musulmane. Quelle est la nature de la matire premire de l'univers? A-t-il pour point de dpart une substance unique ou une pluralit de composants ? Quelle

    place y tiennent les contraires (rare et dense, plein et vide, tre et non tre, haut et bas, avantet arrire) ? etc.

    Pour al-A&%ar"l'architecture de l'univers, tout entier cr par Dieu, repose sur une pluralit de"substances" ('aw!hir) susceptibles d'tre affectes par des transformations dnommes"accidents" (a$r!+)8. Les substances elles mmes sont des composs de particulesirrductibles que sont les "atomes" (a'z!,, sg. 'uz,). Je n'entrerai pas ici dans les dbats quesoulvent, aux yeux des a&%arites et de leurs adversaires, les considrations, tanttsophistiques, tantt assez basiques, auxquelles donnent lieu les thses a&%arites relatives lanature des "substances" et des "accidents", leurs rapports entre eux comme au mouvement et

    l'espace, etc9. Mon propos se limite donner un trs bref aperu d'ensemble de la doctrine

    professe par al-A&%ar"et ses disciples en vue d'clairer les positions dveloppes plus loin paral-Mur!d".

    La vision de la constitution du monde propose par l'a&%arisme repose sur une thorie de laconnaissance, une dfinition du savoir ($ilm) et de l'examen rationnel (al-na-ar), avec poursige le cur (al-qalb) (al-B!qill!n", 2000, 14-15). Le processus notique tel qu'envisag paral-A&%ar"fait cependant une place significative aux organes de sens et ce que l'on pourraitappeler les donnes immdiates de la conscience, sans oublier le savoir issu de latransmission. "Toutes les connaissances (al-$ul*m kulluh!) sont acquises de trois manires(tudrak min (al!(at aw'uh) : par la sensibilit (al-&ass), par la transmission (al-/abar) et parl'examen rationnel (al-na-ar)", crit Ibn Fawrak (2006, 14).

    Sur la base de sa physique et de sa thorie de la connaissance, l'a&%arisme a dvelopp uncertain nombre de prises de position par lesquelles il se distingue des autres coles de pense

    thologiques de l'islam (al-A&%ar",Maq!l!t, I, 290-297; Ibn Fawrak).

    Sur la question de la responsabilit humaine et de la capacit' (qudra) des hommes

    engendrer leurs actes, al-A&%ar" et ses disciples s'en tiennent la notion d'une capacitdlgue par All!h, Seul vritable crateur de leurs actes. C'est la thorie du kasb("acquisition") (al-*ahrast!n", 1982, I, 97).

    Parmi les sujets dbattus par l'a&%arisme figurent les preuves de l'existence de Dieu et sesprincipaux attributs. La principale preuve de l'existence de Dieu rsiderait dans la ncessit

    d'un crateur, d'un "adventeur" (mu&di(), pour toutes les substances "adventes" (mu&da(a)10.Quant aux attributs, dont la dfinition repose sur un arrire plan grammatical, ils sontdistingus en "caractres essentiels" et "attributs de l'essence" (Gimaret, 247-289). Au titre

    des "caractres essentiels" de Dieu, les a&%arites retiennent Son ternit (qidam), Sonincomparabilit (l! yu#bihuhu #ay,), Son unicit (wi&d!niyya), Son absence de corporit

    8Les notions de substance, d'accident, de genre ('ins), de contraire (+idd), etc. doivent sans doute quelque

    chose l'architecture de l'univers telle que la concevait dj Aristote. Voir Ross, 1971, pp. 89-93

    9L'ouvrage de Gimaret (1990) offre l-dessus d'amples dveloppements

    10Je reprends ici la traduction nologique, mais, me semble-t-il, assez adquate de Gimaret (1990, 219)

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    (laysa bi-'ism) et le fait qu'il est "subsistant par soi" (q!,im bi-nafsihi). En ce qui concerne les"attributs de l'essence", ils en dnombrent huit : puissance (qudra), science ($ilm), vie (&ay!t),volont (ir!da), oue (sama$), vue (ba)ar), parole (kal!m) et dure (baq!,).

    A la diffrence des mu%tazilites, l'a&%arisme soutient que Dieu est visible pour les hommes et

    que se vision fait partie des rcompenses des croyants dans l'Au-del, les mcrants tantprivs de ce privilge. Tandis que les mu%tazilites penchent pour une interprtationmtaphorique des expressions coraniques "main de Dieu", "visage de Dieu", sa "session surLe Trne (al-$ar#)", etc., les a&%arites les prennent au pied de la lettre, s'interdisant toutefois des'interroger plus avant sur ce qu'ils signifient prcisment pour une entit Dieu dclare

    incorporelle.

    Autre grand sujet de controverse opposant al-A&%ar", son ancien matre mu%tazilite, al-'ubb!(": il affirme, contre l'avis de ce dernier, pour lequel le Coran est une cration divine,que Le Livre est "parole incre" de Dieu (al-B!qill!n", 2000, 68). Les a&%arites interprtentgalement la lettre les traits essentiels de l'eschatologie musulmane (le Bassin, la Balance, le

    Pont) et croient en l'intercession (#af!$a) du Prophte au jour du Jugement Dernier,contrairement aux disciples d'al-'ubb!(".

    L' a&%arisme professe que le bien et le mal, la nature des rcompenses et des punitions qui leursont associes, n'ayant gure de fondement en raison, c'est par le message divin transmis parles prophtes que ces matires nous sont enseignes. L'authenticit de la mission des

    prophtes et leur impeccabilit ($isma) sont attestes par des miracles probatoires (mu$'iz!t,sg. mu$'iza). Ils en donnent quelques exemples pour Mu,ammad, dont le premier est"l'inimitabilit" (i$'!z) du texte coranique (al-B!qill!n", 2000, 59-60).

    Parmi les consquences de leur conception de la foi, les a&%arites considrent, la diffrencede certains sectateurs du -!ri.isme pour lesquels le "grand pcheur" (f!siq) est assimil aux"mcrants" (k!fir%n) et par rapport aux mu%tazilites, partisans de lui confrer un "statutintermdiaire" (al-manzila bayn al-manzilatayn) entre le croyant et le mcrant, qu'il s'agit

    d'un musulman qui sera puni dans l'Au-del la mesure de ses pchs et qui mrite ici-bas

    que l'on traite avec lui comme avec un musulman (en matire d'change matrimonial,

    d'hritage, d'abattage rituel, etc.).

    S'agissant de ses enseignements en matire de droit, l'a&%arisme retient quatre fondementsessentiels pour la lgislation musulmane : Le Coran, les &ad%( authentifis, le consensusomnium de la umma (i'm!$) et l'effort personnel d'interprtation (i'tih!d) fond sur leraisonnement analogique (qiyy!s). Il proclame que l'institution d'un dirigeant (im!m) de lanation musulmane (umma) est une obligation collective (far+ kif!ya), dont il dfinit lesrgles en continuit avec le mode de dsignation des quatre premiers califes bien guids (al-r!#id*n) et de la pratique ultrieure du califat, mme devenu monarchie.

    Telles sont, brosses trs gros trait, les ides essentielles dfendues par al-A&%ar" et sadescendance spirituelle. Il s'agit d'une position marque avant tout par le souci de respecter les

    lments essentiels du dogme tels que les veut la tradition (sunna) majoritaire de la

    communaut musulmane. On y peroit encore toutefois quelques traces de la volont de

    raisonner des anciens matres mu%tazilites d'al-A&%ar". Et c'est sans doute, au moins en partie,la crainte des effets de toute intrusion excessive de la raison dans les affaires religieuses qui

    serait l'origine des rticences des Almoravides l'gard de l'appareil argumentatif de

    l'a&%arisme, le $ilm al-kal!m. Au reste, les relations entre le milieu lettr almoravide etl'hritage a&%arite semblent avoir t marques d'une forte ambivalence.

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    Le matre que la plupart des sources11 situent au sommet de la filiation spirituelle des

    Almoravides, Ab/%Imr!n al-F!s"al-)af.um"al-Zan!t"(m. 430/1038-9), passe pour avoir reudirectement les enseignements d'al-B!qill!n" (m. 403/1012-13)12, le principal disciple etcontinuateur d'al-A&%ar"13. On connait le rcit qui voudrait qu'Ab/ %Imr!n ait crit celuiqu'Ibn 0ald/n donne pour son "disciple" (min al-!/i1%n $anhu)14, Wagg!g b. Zalw al-Lam1"15,

    pour lui demander de fournir un lettr capable d'enseigner aux futurs Almoravides la droitereligion. Et l'on sait que le choix de Wagg!g se serait port sur %Abd All!h b. Y!s"n (m.451/105916) dont on connait le rle dcisif, ce qu'il semble dans l'mergence et la

    russite de la prdication arme des Almoravides. al-Q!$"%Iyy!$l'affirme, Ibn Y!s"n qu'ilpare de toutes les vertus tait bien un disciple de Wagg!g17. Nous avons donc une filiationa&%arite assez nette de la direction spirituelle initiale des Almoravides qui conduit d'al-B!qill!n" Ibn Y!s"n en passant par Ab/%Imr!n et Wagg!g. Notons, par ailleurs, qu'al-Q!$"%Iyy!$, sans doute la figure la plus notable de l'intelligentia almoravide, relve clairement dela filiation a&%arite, comme le Ta$r%f que lui a consacr son fils Mu,ammad18 en atteste etcomme il l'indique lui-mme lorsqu'il affirme dans sa 2unya19avoir tudi le kal!ma&%ariteauprs de Ysuf b. Ms al-Kalb al-2ar"r. C'est prcisment auprs de ce Y/suf, prsent

    comme un adepte du kal!m la mode a&%arite20 que %Iyy!$dit avoir tudi les uvres d'al-Mur!d"al-#a$ram", l'autre personnalit de l'a&%arisme almoravide dont il sera question dans laseconde partie de cette note.

    D'un ct donc, il y a une claire filiation des leaders spirituels et des inspirateurs du

    mouvement almoravide l'gard de l'a&%arisme, mais cette allgeance semble tempre ou

    11%Iyy!$,Mad!rik, VII, 243-252 ; Collectif,Ab*$Imr!n al-F!s%, 2009, notamment, pp. 19-78. L'auteur de cette

    contribution, %Abd al-H!d"Hammaytu, prte cependant Ab/%Imr!n un agenda politique unificateur qui meparait solliciter un peu trop les sources, plutt maigres, qu'il invoque.

    12

    %Iyy!$,Mad!rik, VII, qui lui consacre sa plus longue notice aux pages 44-70; Ibn Far,/n, al-D%b!', 267-8;McCarthy inEI2, I, 988

    13%Iyy!$,Mad!rik, VII, 244

    14Ibn 0ald/n, VI, 182. al-Bakr"(p.165), qui semble l'avoir inspir, voque simplement une "rencontre" (qad

    laqiyyan%, aurait dit Ab/%Imr!n) entre Ab/%Imr!n et Wagg!g. al-T!dil"(89) donne Wagg!g pour "disciple"(a/a1a $an Ab%$Imr!n) du matre kairouanais, tandis que l'anonyme al-0ulal(20) se contente d'voquer des"changes rciproques" (k!nat baynahum!qir!,a wa ma$rifa) entre Wagg!g et Ab/%Imr!n.

    15Edificateur d'un tablissement d'enseignement coranique qu'il dnomma d!r al-mur!bi"%n, il est donn par al-

    T!dil"(89-90) comme un faiseur de miracle, notamment celui de faire tomber la pluie, par ex. en faveur d'unedlgation de Ma+m/da venue le solliciter cet effet.

    16Date donne par Ibn 0ald/n, VI, 184 et par Ibn %I3!r", IV, 16

    17k!na awwalan min "alabati Wagg!g b. Zalw al-lam"%,Mad!rik, VIII, 81

    18Cit par Mu,ammad T!w"t al-4an."dans son introduction au premier volume des Mad!rik, page z.al-4an."

    qui crit dans la mme introduction (page ,) : "Le recours rpt (i&ti'!'mutakarrir), dans al-.if!,, auxarguments d'Ab/al-#asan al-A&%ar", d'al-Q!$"Ab/Bakr al-B!qill!n", d'Ab/Bakr b. Fawrak et d'Ab/al-Ma%!l"Im!m al-#aramayn al-'uwayn", tablit (yu(bitu) la fermet de son [%Iyy!$] lien avec la doctrine a&%arite et saconnaissance de leurs ouvrages dans le domaine des croyances. Sa prsentation d'al-B!qill!n"et d'Ab/Bakr b.Fawrak, en disant "parmi nos matres" (min a,immatin!) montre qu'il adhre la doctrine a&%arite."

    19%Iyy!$, al-2unya, p. 227

    20k!na min al-mu#ta3il%n bi-$ilm al-kal!m $al!ma1hab al-a#$ariyya, crit %Iyy!d dans la notice 97 de sa 2unya(p. 227) consacr Y/suf.

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    mme contrebalance par leur aversion l'gard la fois de tout ce qui pouvait ressembler

    de la philosophie21

    et par leur mfiance envers les courants mystiques et millnarisantsauxquels ils avaient pourtant pu ressembler dans la phase initiale de leur entreprise 22. En tout

    cas si l'on en juge par les indices que l'on peut recueillir ici et l. Mus probablement par unevolont d'alliance de revers contre les &i%ites et -!ri.ites maghrbins, les Almoravides auraient

    marqu leur allgeance au lointain califat de Baghdad, d'o leur serait parvenue, si l'on encroit Ibn 0ald/n (T!r%/, VI, 187), une fatw! d'al-)az!l" (m. 505/1111) et d'al-4ur1u&" (m.520/1126) peut-tre l'instigation du calife %abb!side al-Mustan+ir lui-mme lgitimant et encourageant leur intervention contre les mul*k al-"aw!,if d'al-Andalus, surdemande notamment des %Abb!dides de Sville. Le ton quelque peu comminatoire que l'onattribue cette fatw! aurait-il t pour quelque chose dans le dissentiment que lesAlmoravides semblent avoir nourri partir d'un certain moment l'gard d'al-)az!l" ?L'incinration Cordoue d'I&y!,$ul*m al-d%n qu'ils auraient ordonne procderait-elle d'unehostilit plus profonde l'gard de l'a&%arisme23, d'une manire plus gnrale ?

    Pour Mu,ammad T!w"t al-4an."24, se rfrant un passage du .if!, de %Iyy!$, l'attitude

    critique des $ulam!,maghrbin de l'poque almoravide et de %Iyy!$lui-mme l'garddu matre ouvrage d'al-)az!l"ne fait pas de doute, mais elle procderait plutt d'un souponde fidlit en quelque sorte dvoye au credo a&%arite. Ils lui feraient grief de son attitudengative l'gard des sciences islamiques, except le ta)awwuf. Ils lui reprochent galementla place qu'il confre aux "sciences de la prmonition" ($ul*m al-muk!#afa), les conclusionsqu'il en tire et les rgles juridiques qu'il btit l-dessus. En somme ce qu'ils auraient perucomme des relents &i%itisants et millnarisants, malgr l'abondant recours d'al-)az!l" l'appareil argumentatif a&%arite et son hostilit dclare la falsafa. Tout autre sera l'attitudedveloppe par Ibn T/mart et ses disciples muwwa&&id%n, a&%arites militants et dfenseursdvous d'al-)az!l", l'gard des Almoravides, accuss de corporisme (ta's%m), et dedviance l'gard de la vritable foi a&%arite en s'en tenant de manire fige la perptuation

    des enseignements du pass ('um*dihim $al! ma1hab al-salaf)25. Derrire cette querelledoctrinale Almoravides/Almohades se profile galement la question de "l'impeccabilit"

    ($isma) de leur im!m que les seconds souhaitaient accrditer alors que les Almoravides nevoulaient pas en entendre parler.

    Une approche salafiste contemporaine (Ibn Bayya, 2000), invoquant la ccit prne par al-

    Im!m M!lik telle que rapporte par %Iyy!$ propos de la session (istiw!,) d'All!h sur LeTrne (al-$ar#), affirme que les $ulam!, mur!bi"*n, par dtestation de tout ce qui pourraitressembler de la philosophie, auraient "rsolu de stigmatiser (taqb%&) le $ilm al-kal!met (des'inspirer) de l'aversion qu'il suscitait parmi le salaf, de fuir ceux qui s'y adonnaient; de le

    considrer comme une innovation blmable (bid$a) dont une partie essentielle pouvait

    21Ceux parmi les lettrs qui se risquaient exprimer un intrt pour la philosophie devaient s'en cacher, en

    raison des menaces qui pesaient sur eux, mme quand ils occupaient de hautes fonctions comme le vizir de Al

    b. Ysuf, Mlik b. Wahb rapporte Ibn Bayya, 2000, p. 121, se rfrant Ibn Ab Usaybia, %Uy*n al-anb!,f%"abaq!t al-a"ibb!(, Beyrouth, D!r Maktabat al-#ay!t, 1965, p. 515.

    22Ibn Ab"Zar%, dansRaw+al-qir"!s(1972, 132) qualifie %Abd All!h b. Y!s"n de "mahd%des Almoravides"

    (mahd%al-mur!bi"%n)

    23Dont on sait qu'al-)az!l", disciple d'al-'uwayn", tait l'une des grandes figures.

    24Introduction au volume I desMad!rik, pp.yw

    25Du moins les choses sont elles ainsi prsentes par Ibn 0ald/n, T!r%/, VI, pp. 227-29

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    conduire altrer la foi.". "Ainsi, poursuit cet auteur, nous observons am%r al-muslim%n%Al"b.Y/suf crivant sans cesse ses administrateurs territoriaux pour insister sur l'exclusion del'espace public du $ilm al-kal!m"26. Tout le monde, cependant, parmi ces $ulam!,, ne semble

    pas avoir renonc s'intresser $ilm al-kal!m comme le montre l'uvre de cette figuretrange et multiple qu'est al-Mur!d"al-#a$ram".

    II. L'a!"arisme d'al-Mur#d$al-%a&ram$

    Il s'agit la vrit d'un personnage crpusculaire, un tantinet borgsien, dont la double

    carrire de savant a&%arite, de conseiller du prince, et de saint extatique crdit de toutes sortesde prodiges par les traditions populaires du Sahara maure, ne laisse pas d'intriguer. Je ne

    reviendrai pas ici sur la figure mythique laquelle les rcits lgendaires mauritaniens

    attribuent un rle dcisif dans la conqute de l'5dr!r et plus particulirement du sited'Az/gi, ni sur les circonstances miraculeuses de la (re)dcouverte de sa tombe par un

    personnage non moins singulier de cette rgion al-Im!m al-Ma.3/b al-Samsad" quidisait, au milieu du XVIIesicle, avoir reu de ce lointain visiteur, dans des conditions tout

    aussi prodigieuses, mission d'crire une uvre que le dfunt al-Mur!d"al-#a$ram", mort sixsicles plus tt, n'aurait pas eu le loisir d'crire27. Je m'en tiendrai ce l'on peut dire, partirdes maigres sources historiques disponibles, sur ce lettr au parcours pour le moins sinueux.

    al-Q!$" %Iyy!$ constitue quasiment le point de dpart unique des lments de donnesbiographiques que l'on peut trouver sur al-Mur!d", si l'on exclut une ou deux remarquesaigres-douces de son contemporain, Ibn Bass!m al-*antar"n" (m. 543/1148-9) dans sa al-4a/%ra f%ma&!sin ahl al-5az%ra(I, 364-67). %Iyy!$ne consacre pas d'entre indpendante al-Mur!d"dans son monumental who's whode la tradition malikite, al-Mad!rik. En revanche,dans l'ultime notice (n 97) de sa 2unyaconsacre l'un de ses matres, Ab/al-#a..!.Y/suf

    b. M/s!al-Kalb"al-2ar"r28, il nous apprend que ce Y/suf devait l'essentiel de son instruction al-Mur!d" al-#adram". "Il tait, ajoute %Iyy!$parlant de Y/suf, fru de $ilm al-kal!m lamode a&%arite"29 et le dernier le pratiquer au Ma6rib30. %Iyy!$ rapporte que Y/suf lui aconfr une habilitation (i'!za) relative toutes les uvres d'al-Mur!d"parmi lesquelles ilcite Kit!b al-ta'r%d31.Dans la mme notice, %Iyy!$cite quelques vers d'al-Mur!d", rapports

    par son lve Y/suf, o il affirme son adhsion au credo a&%arite de ngation de toute capacit

    26Ibn Bayya, 2000, p. 119, citant al-Murr!ku&", al-Mu$'ib f%tal/%)a/b!r al-Ma3rib, Rabat, D!r al-Kit!b, 1978,

    p. 225. Une autre lecture salafiste de l'histoire des Almoravides, s'appuyant sur une citation d'Ibn %Abd al-Barr,extraite de son5!mi$bay!n al-$ilm wa fa+lih, et condamnant sans appel $ilm al-kal!m, prtend que : qad-alla

    ma1hab al-salaf huwwa al-s!,id f%$ahd al-mur!bi"%n, al-4iyyib b. %Umar in B!ba b. al-*ay-Sidiyya,Ir#ad,1997, pp. 56-57

    27Sur ces aspects et sur le site mauritanien Az/gi qui leur sert de cadre, voir Ould Cheikh et Saison, 1987.

    Le regrett Pierre Bonte a dvelopp une analyse plus complte du mythe d'al-#a$ram", dans son livre (souspresse),Rcits d'origine, notamment Chapitre 4

    282unya, 227. Ce matre est galement qualifi de : al-na&w%al-mutakallim...

    29k!na min al-mu#ta3il%n bi-$ilm al-kal!m $al!ma1hab al-a#$ariyya

    30wa k!na !/ir al-mu#ta3il%n bi-$ilm al-kal!m bi-al-Ma3rib

    31%Iyy!$ne prcise pas de quoi traite ceKit!b al-ta'r%d, mais la racine 5RDrenvoyant au sme du "dcorticage",

    du "dvoilement", de la mise nu, du nivellement, on peut supputer, d'aprs le contexte, qu'il s'agit d'unouvrage de simplification, de vulgarisation, en matire de croyances par exemple

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    (qudra) effective chez l'homme d'inflchir son destin. Al-Mur!d", conclut %Iyy!$, "est mort Azk", au Sahara, en 489/1096"32

    Ibn Ba&kuw!l (m. 578/1182-3), en revanche, a consacr une entre indpendante (n 1326) al-Mur!d"dans sonKit!bal-6ila( pp. 604-5). Il se fait, dit-il, appeler Ab/Bakr Mu,ammad

    b. al-#asan al-#a$ram" al-Mur!d". Il aurait sjourn en al-Andalus et y aurait enseign(a/a1a $anhu ahluh!). C'tait un esprit "vif" (nab%h), dit-il, "une autorit dans le domaine desfondements de la religion" (im!m f%u)*l al-d%n) o il composa des uvres instructives. Il estdcrit en mme temps comme un orateur habile et un pote. Ab/ al-%Abb!s al-Kin!n", le

    prsentant comme un kairouanais (ra'ul min al-qarawiyy%n), rapporte qu'il serait arriv Cordoue en 487/1094. "al-Q!$" Ab/ al-Fa$l [%Iyy!$] m'a crit de sa main, poursuit IbnBa&kuw!l, disant qu'il est mort dans la ville de Azkid [(ZKD] au Sahara occidental, o il taitq!+%, en 489/1096"33.

    Dans les pages que lui consacre Ibn Bass!m, il est galement fait tat des talents littrairesd'al-Mur!d", mais aussi de son ambition et de son emportement34. Il aurait, suggre l'auteur

    d'al-4a/%ra, propos ses services tous les roi(telet)s des "aw!,ifsans grand succs, avant derejoindre, au Sahara, la cour de "Mu,ammad b. Ya,y! b. %Umar"35 o il devint q!+%. Ilesprait, crit l'anthologiste, pouvoir remplacer %Abd All!h b. Y!s"n, mais ce fut peine perdue.Ibn Bass!m cite des vers d'al-Mur!d"(p. 366) o celui-ci, dans la ligne de pense a&%arite, s'en

    prend aux positions d'un adversaire qui prtendait que les lettres (du texte sacr) sont

    "ternelles".

    Voici donc notre personnage : unfaq%het un lettr appartenant la tribu Mur!d (al-Mur!d%)du #a$ramawt (al-0a+ram%) dont la famille tait tablie Kairouan (al-Qayraw!n%) et qui acircul pour sa formation et sa carrire entre les grandes cits andalouses et le Maghreb,

    avant de finir Az/gi36 (dans l'actuelle Mauritanie septentrionale) auprs d'un dirigeantalmoravide dont l'identit demeure entoure de quelque incertitude. S'agirait-il de ce

    Mu,ammad b. Ya,ya b. %Umar mentionn par Ibn Bass!m37, fils, peut-on conjecturer, deYa,ya b. %Umar (m. 448/1056-57), le premier grand dirigeant des Almoravides, intronis par%Abd All!h b. Y!s"n, et auquel allait succder, son dcs, son frre Ab/ Bakr b. %Umar(480/1087-88), le dernier chef de quelque envergure de la branche mridionale (saharienne)

    32wa k!na waf!t al-Mur!d%bi-Azk min bil!d al-)a&r!,sanat tis$wa(am!n%n wa arba$mi,a

    33wa kataba ilayya al-q!+%Ab*al-Fa+l bi-/a""ih%ya1kuru annahu tawaff!bi-mad%nat Azkid bi-)a&r!,al-

    Ma3rib wa huwwa q!+in bih!sanat tis$wa(am!n%n wa arba$mi,a

    34Ibn Bass!m rapporte les gifles qu'il aurait infliges, durant son sjour Murcie, un pote dnomm Ibn al-

    Muqaddam qui aurait os s'en prendre lui dans sa posie. Comme il rapporte les vers o al-Mur!d"se vante luimme de cette agression :

    Ta$arra+an-%kalbunbi-ha'winmu/a11alin ka-qay,ial-suk!r!aw hur!,i al-mubarsami

    Fa-anfa1t-u min waqt-%ilayh-i sa&!,iban min al-)af&iya&d*wafdah!Ibn al-Muqaddami

    4a/%ra, 366

    354a/%ra, 364

    36Sur cette identification et sur le site archologique d'Az/gi voir Ould Cheikh et Saison, 1987

    37Mais, ma connaissance, nulle part ailleurs...

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    du mouvement almoravide38 ? L'allure trs pdagogique, faon manuel, des uvres

    retrouves ce jour d'al-Mur!d"laisse en tout cas penser qu'il pourrait avoir eu s'occuper del'ducation de quelque dirigeant en herbe la formation inacheve.

    Deux ouvrages d'al-Mur!d"ont t jusqu' la date d'aujourd'hui identifis et publis.

    Le premier, publi sous le titre Kit!b al-i#!ra il! adab al-im!ra par Ru$w!n al-Sayyid en1981 Beyrouth

    39, est un miroir du prince fortement inspir des crits de %Abd All!h b. al-

    Muqaffa% (m. vers 139/756-7)%40. al-Mur!d" s'adresse clairement, dans l'exorde de cetouvrage

    41, un ddicataire dans la fleur de l'ge, crdit des vertus juges propres cette

    tape de la vie : "rapidit de mmorisation" (sur$at al-&if-), "vivacit d'esprit" (1ak!,al-fahm),"manque d'exprience" (fiqd!n al-ta'!rib), [possibilit d'inculquer] "la sagesse avant lesmauvaises habitudes" (taqd%m al-&ikma qabl s*,al-$aw!,id). L'ouvrage droule tous les lieuxcommuns propres ce genre des "miroirs des princes" : l'exhortation l'tude (al-ta$allum) et l'examen prcautionneux (al-na-ar); la conduite l'gard des conseillers, descollaborateurs (kutt!b, &u''!b, a$w!n), de l'arme et de la cour; le protocole princier (al-

    -uh*r wa al-&u'ba, etc.); la gestion du corps et les vertus morales, etc. Malgr le caractrepassablement conventionnel de ce genre littraire et quoi que al-Mur!d"n'ait pas eu plthorede prdcesseurs dans ce champ en Occident musulman, on dcle travers les clichs

    imposs des lments d'une orientation raliste, rationalisante et presque proto-

    machiavlienne dans ce texte d'al-Mur!d". Une orientation dont on retrouve les traces dans laversion simplifie, elle aussi en quelque sorte scolaire, du credo a&%arite qu'il propose dans lesecond ouvrage qu'on lui attribue, $Aq%dat Ab%Bakr al-Mur!d%al-0a+ram%, dite par 'am!l%All!l al-Ba-t" Rabat en 2012.

    Rsumant une somme d'indices synthtise par %Abd al-La1"f al-'"l!n"42, al-Ba-t" tablit defaon convaincante la paternit d'al-Mur!d" l'gard de cette uvre, gure mentionne

    pourtant par les recueils biographiques qui ont daign faire quelque mention de notre

    thologien. L'ouvrage, crit dans un style dpouill qui se veut rsolument (d)monstratif, se

    dploie en seize chapitres (b!b) d'ingale longueur43, rpartis en 83 sous-chapitres (b!b), dontcertains se rduisent une ou deux phrases44. L'auteur s'y revendique clairement de la pense

    38Pour un rsum des sources sur la phase saharienne du mouvement almoravide voir Farias, 1967 et al-N!n"

    wuld al-#usayn, 6a&r!,al-mula((am%n, 2007

    39S!m"al-Na&&!r en avait propos auparavant (1978), une dition marocaine sous le titre al-Siyy!sa aw al-i#!ra

    f%tadb%r al-im!ra. Pour le contenu de cet ouvrage cf Ould Cheikh et Saison, 1987

    40 al-Adab al-kab%ret sa traduction deKal%la wa Dimna. Voir les rfrences fournies par Ru

    $w!n al-Sayyid,

    1981

    41al-Mur!d", al-I#ara, p. 43

    42Aux pages 142-145 de son introduction la $Aq%da

    43De 24 pages pour le plus long le chapitre relatif la rsurrection et au jugement dernier (f%al-i$!da wa

    ibtid!,al-!/ira), pp. 313-337 5 pages pour le plus court sur la vision de Dieu (f%ru,yat All!hsub&!nahu), pp. 265-269. Au reste cette estimation en nombre de pages ne donne qu'une apprciation trsapproximative de l'ampleur des chapitres compte tenu de la mise en page particulirement are et du poids

    diffrentiel des commentaires et notes de bas de page de la main de l'diteur qui fournissent le gros du volume de

    l'ouvrage.

    44Par exemple lefa)lconsacr la privation des mcrants de la vision de Dieu, imtin!$al-ru,ya $al!al-kuff!r,p. 269

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    a&%arite. A propos des noms applicables All!h, al-Mur!d"invoque (p. 239) les opinions d'ailleurs lgrement divergentes des deux matres derrire lesquelles il s'abrite : al-A&%ar"affirmant qu'il ne convient d'attribuer All!h que des qualificatifs par lesquels il s'est dsignlui-mme (i. e. dans Le Coran), tandis qu'al-B!qill!n" suggre "qu'il peut tre dsign partoute appellation qui le magnifie et qui ne soit pas proscrite par la loi religieuse" 45. al-Mur!d",

    rappelle, p. 305 de sa $Aq%da, la qualification par al-B!qill!n" des pchs mineurs ()a3%ra)commis par le grand pcheur (f!siq) venu rsipiscence (t!,ib) pour marquer une lgrediffrence d'opinion avec le matre : alors qu'al-B!qill!n" serait partisan de requalifier ces

    pchs mineurs ()a3%ra) dans ce cas pour en faire des pchs majeurs (kab%ra) parce que leurpratique dlibre quivaut une annulation du repentir, al-Mur!d" est d'avis qu'il faut leurmaintenir leur statut de pchs mineurs. Ailleurs encore (354-56), abordant la question des

    mrites respectifs des compagnons (al-)a&!ba), et plus particulirement des quatre premierscalifes, al-Mur!d"voque les diffrents classements proposs par son camp doctrinal46 lessunnites dont il attribue le rsum al-B!qill!n".

    Cette rfrence explicite aux matres a&%arites s'accompagne d'une nette conformit des

    opinions exprimes par al-Mur!d"dans son manuel l'essentiel de leurs options doctrinalestelles qu'exposes plus haut, conformisme doubl d'une trs grande retenue dans l'expressionde toute opinion personnelle. J'utilise dessein le terme manuel car, tout comme pour son

    Kit!b al-i#!ra, al-Mur!d"semble avoir dlibrment opt pour une prsentation simplifie etpdagogique dans cet opuscule destin selon toute vraisemblance des dbutants ou des

    non spcialistes. Aucune sophistication dans le choix des mots et expressions, aucunerecherche d'approfondissement dans la dmarche dmonstrative parfois simplement

    monstrative, si l'on peut dire o les preuves se rduisent frquemment une citationcanonique issue du Coran ou du &ad%( : tels sont les traits dominants du texte d'al-Mur!d". Il

    poursuit ici, en le rduisant sa plus simple expression, le penchant a&%arite s'appuyer autantet davantage sur la tradition/transmission que sur la dmonstration.

    Comme dans les manuels defiqh, et la diffrence de la manire dont dbutent frquemment

    les ouvrages d'u)*l l'ambition spculative plus affirme, le texte d'al-Mur!d"s'ouvre sur ladlimitation des subdivisions des conduites rituelles (ma$rifat aqs!m al-$ib!d!t). Il y a ce quirelve de l'obligation stricte (w!'ib), ce qui est formellement proscrit (&ar!m), ce qui estvivement recommand (mand*b), ce qui est fortement dconseill (makr*h) et ce qui est licite(mub!&) (p. 178). al-Mur!d" donne une dfinition de ces divers statuts lgaux, rpartis endeux classes : ceux qui concernent les esprits al-Mur!d"dit les "curs" (al-mutawa''iha$al!al-qul*b) et ceux qui s'adressent aux corps (al-mutawa''iha $al!al-abd!n). Pour ceconformer aux prescriptions divines il faut tre "responsable" (mukallaf). Ce qui nous vaut un

    bref dveloppement sur "la responsabilit" (takl%f) et ses rquisits (#ur*"), parmi lesquels

    notamment l'entire possession de "la raison" ($aql). Le $aqla pour sige le cur et il consisteen "connaissances qui distinguent leur dtenteur de l'enfant, de la bte et du fou" (180)

    comme de connatre l'impossible conjonction des contraires (anna al-+iddayn l!ya'tami$!n).

    Au titre des premires obligations connaitre, al-Mur!d"voque les qualificatifs et attributsde Dieu. La premire obligation, crit-il, est celle de "l'examen" (na-ar) pour connatre All!h.Car il n'est pas visible l'il nu et n'est connaissable que par les preuves que fournit le

    45yusamm!bi-kull m!lahu f%hi ta$-%m m!lam yamna$al-#ar$minhu, $Aq%da, 239

    46Leurs mrites suivraient leur ordre historique de succession pour les uns; M!lik disait tre s/r de la primaut

    d'Ab/Bakr, puis de %Umar, mais ne savait comment classer entre eux %U7m!n et %Al", la prfrence de l'un surl'autre ne relevant que de l'opinion personnelle, compte tenu de l'immensit de leurs mrites tous les deux.

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    na-ar47. al-Mur!d"recourt la preuve cardinale de l'existence de Dieu pour l'a&%arisme : quetout ce qui vient l'tre (et qui n'y tait point) a besoin d'un adventeur

    48. Cet argument du

    crateur est insparable de celui de l'unicit et de l'ternit (qidam) de ce dernier qu'al-Mur!d"s'efforce d'tablir avec les mmes arguments et dans le mme vocabulaire ('awhar, $ar+,'uz,,'ism...) que ses matres a&%arites.

    Les principaux qualificatifs ()if!t) et attributs applicables Dieu sont ensuite numrs dansdiffrents chapitres de l'ouvrage d'al-Mur!d", sans gure d'originalit par rapport au corpusreu des textes fondateurs a&%arites. S'cartant lgrement de la bipartition opre par ces

    prdcesseurs entre attributs lis aux actions divines ()if!t al-af$!l) et "attributs de l'essence"()if!t al-1!t), al-Mur!d", se rfrant avant tout au Coran, suggre une subdivision en quatredes qualificatifs que Dieu s'est lui-mme attribus. Il y aurait ainsi : (a) ceux qui caractrisent

    Sa propre nature (yar'i$ il!nafsih)49 comme l'ternit; (b) ceux qui sont lis Son essence(al-q!,ima bi-1!tihi) comme la connaissance ($ilm), la puissance (qudra), la vie (&ay!t); (c)ceux qui tendent nier les attributs ngatifs dont on pourrait Le qualifier (ex : l!#ar%ka lahu,l! il!ha 3ayrahu); (d) ceux qui sont lies des actes qu'Il peut commettre : la cration

    (/alq), la subsistance (rizq) qu'Il accorde, Ses bienfaits (i&s!n), Sa gnrosit (karamihi)(221).

    Sur la base de la manire dont Il se dsigne Lui-mme, Dieu doit donc, affirme al-Mur!d",tre dit : Voulant, Vivant, Connaissant, Omnipuissant, Audiant, Voyant, Conscient50. Il est

    crdit des facults de sens correspondant au toucher (lams), au got (1awq) et l'odorat(#amm), mais on ne les appellera pas ainsi, car chez l'homme ces sens sont associs une"chaine de contacts"

    51 matrielle incompatible avec la majest divine. Pour justifier

    l'attribution de ces sens Dieu, al-Mur!d" en fait un instrument de connaissance. Celui quin'en est pas dot pouvant tre affubl des proprits inverses et qualifi d'ignorant. A l'instard'al-A&%ar", il admet les sens comme instruments de connaissance. De ce qu'il est Connaissant,

    on dduit que Dieu est Parlant, car argumente sommairement52

    al-Mur!d", on ne sauraitconcevoir un $!lim qui ne (se) parle pas, 1!kiran lah! [les connaissances] f% nafsihi. Lesarguments relatifs l'unicit de Dieu et sa radicale diffrence d'avec ses cratures sont

    galement puiss dans le fond commun a&%arite et/ou dans des rfrences coraniques53. Dansla mme veine, al-Mur!d"souligne la gratuit de l'agir divin : il n'est command ni par unerecherche d'avantage ni par une volont de nuire

    54.

    "#li-annhu3ayr mur,!bi-l-ab)!r wa innam!yu$rafu bi-l-burh!n(189)

    "$ dal%l &!'at al-&!di(il!mu&di((191)

    49La distinction entre nafset 1!t dans le groupe de qualificatifs qui suit n'est pas trs claire.

    %&mur%dan, wa &ayyan, wa $!liman, wa q!diran... sam%$an, wa ba)%ran, wa mudrikan(193-194)

    %'li-itti)!l subu&!t al-&aw!ss bi-l-ma&s*s!t(194)

    52La question de la parole divine qui intervient dans l'apprciation de la nature du verbe coranique et dans la

    double nature des mots (signifiant et signifi) est trait de manire un peu plus sophistique dans les dbats

    opposant mu%tazilites et a&%arites que ne le prsente ici al-Mur!d"

    53Notamment Coran, XXI, 22 et XXIII, 92

    %" af$!luhu yaf$aluh!l!li-manfa$a wa l!li-ma+arra(201)

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    Toujours au chapitre des qualificatifs et attributs divins et l nous sommes dans le versant

    purement "traditionnel" d'une doctrine a&%arite qui essaie de "coller" au plus prs aux textes,loin de tout effort d'interprtation rationnelle al-Mur!d"affirme, concernant la questionde la session (istiw!,) d'All!h sur "le trne" (al-$ar#)55qu'il faut en admettre la ralit sans

    poser la question du o-quand-comment ? De mme mais l il s'agit, ce qu'il semble,

    d'une opinion personnelle proscrit-il la dnomination d'All!h en persan et en berbre, lesdclarant illicites (241).

    En rsum, crit-il, il y a "unanimit des imams" (ittafaqa al-a,imma) sur dix attributs divins :(a) quatre attributs lis aux actes ($ilm, qudra, ir!da, &ay!t); (b) cinq sont lis aux "sens" parlesquels il saisit les tants (les cinq sens); (c) sa parole, vectrice de ses injonctions (amr), de

    ses prohibitions (nah%) et ses rcits (/abar). Ils ont diverg sur sept attributs : l'ternit (al-baq!,, al-qidam) et cinq autres dont les preuves sont lies l'interprtation de la tradition.(222). Les dix attributs qui font consensus sont prsents comme des "siginifis" (ma$!nin) considrer comme "supplmentant" (z!,ida) le soi divin (al-nafs) par analogie avec lesattributs des cratures divines elles-mmes. Il s'agit ici de ce que les a&%arites appellent )if!t

    al-ma$!n%, participant de la mme ternit que celle de Dieu Lui mme. Au passage, et sansentrer dans les dtails de cette pineuse question, objet d'une controverse fameuse avec lemu%tazilisme, al-Mur!d" raffirme la position a&%arite sur le caractre "incr" (qad%m, q!,imbi-1!tihi) de la parole divine (227). Sur les passages ambigus, voire contradictoires (al-muta#!bih) des texte canoniques Coranet &ad%(, la seule explication qu'al-Mur!d"en

    propose est qu'il s'agit d'une "preuve" inflige par Dieu ses cratures en vue dercompenser les $ulam!,qui les apprhendent convenablement et punir les athes auxquels Ilaura inflig l'ignorance de leur vritable statut lgal

    56.

    L'argumentation en faveur de la croyance en la possibilit de voir All!h (dans l'Au-del,mais dj ici-bas pour le Prophte) repose, elle aussi, sur une base rationnelle plutt

    sommaire : "il existe et tout existant peut tre vu"57

    .

    Le statut et la mission (al-ris!la) des envoys divins sont abords par al-Mur!d", qui voquegalement leurs miracles probatoires (mu$'iz!t), dont le premier et le plus important ici aussi,comme chez les autres a&%arites, est l'i$'!z du Coran. Il convient, prcise-t-il, mais c'estgalement un toposde toute cette littrature de bien distinguer la mu$'izadu prophte dusimple miracle (kar!ma) dont peuvent tre crdits les saints (awliyy!,), mme si une certainecontinuit est souvent tablie entre les deux, notamment par les awliyy!,.

    Au chapitre de l'pineuse question du qadar, de la capacit de la crature humaine d'imprimer

    (ou non) sa volont ses propres actes, al-Mur!d"s'en tient la doctrine mentionne plus hautdu kasb. "La crature, explique al-Mur!d", est en capacit de commettre ses actes en raisond'une capacit acquise qui lui confre une diffrence d'avec l'assujetti commis raliser ses

    actes par la volont d'un tiers58

    . Cette capacit d'agir acquise n'a pas d'effet [direct] sur l'objetde son action. Elle agit sur la personne du capacit qui en est dot en assurant la diffrence

    55Coran, XX, 4

    56imta&ana All!h bih!$ib!dihi li-yu(abbita al-$ulam!,$al!$ilmih!wa yu$!qiba al-mul&id%na f%h!$al!al-'ahli

    bi-&ukmih!(251)

    57al-dal%l $al!anna al-ru,ya'!,iza annahu ta$!l!maw'*d wa kullu maw'*d ta'*zu ru,yatuhu(265)

    58fa-inna al-ma/l*q q!dir $al!af$!lih bi-qudra tuksibuhu al-farq baynahu wa bayn al-mu+"ar al-mul'a,il!m!y*'adu bi-1!tihi min af$!li3ayrihi, crit al-Mur!d"(274)

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    qu'il peroit en lui avec celui qui est assujetti tre agi par autrui 59. C'est cette diffrence qui

    en fait un capacitant"60

    . (274). L'acteur humain n'a que "la sensation" d'agir librement maisc'est en fait Dieu qui dcide rellement de ses actes, estime al-Mur!di, reprenant lacomparaison utilise par ses prdcesseurs entre le parkinsonien soumis un tremblementinvolontaire et l'agitation volontaire de l'individu sein. Ne s'embarrassant gure des

    contradictions pointes du doigt par les mu%tazilites auxquelles cette thse expose, al-Mur!d" affirme la suite de ses matres a&%arites que c'est Dieu qui met en l'homme lacapacit de commettre le bien ou le mal, dont Il est seul en dfinitive Le vritable oprateur.

    Au chapitre des opinions sur la socit et la politique, la vision d'al-Mur!d"n'a non plus riende bien original par rapport aux opinions de ses prdcesseurs de mme orientation doctrinale.

    Il rsume en deux phrases l'conomie politique a&%arite61 : contrairement, dit-il, auxapparences qui pourraient laisser penser que l'action des thsaurisateurs et des fauteurs de

    guerres civiles, les actions des agriculteurs et leveurs, ou l'intervention du souverain et des

    instances tarifaires, ont une quelconque incidence sur les prix62

    , ceux-ci procdent

    uniquement de la volont divine (al-as$!r kulluh!'!riyya bi-i1n All!h). La $Aq%dacomporte

    un chapitre consacr la question de l'imamat. Il s'agit d'un sujet trait ordinairement pluttdans lesfur*$, dans les "branches" dufiqh, mais tant donne la place "fondamentale" que luidonne la#%$aet probablement aussi en raison de l'intrt personnel que lui voue l'auteur le

    pouvoir est le thme, je le rappelle, de sonKit!b al-i#!raplus haut voqu , il est abordpar certains sunnites comme un sujet des "fondements" (u)*l). al-Mur!d"ne fait que reprendreici la vision sunnite commune du califat telle qu'on la trouve rsume par exemple chez sonquasi contemporain, al-M!ward" (m. 450/1058)63. Il dveloppe les conditions d'accs lafonction. Tout comme al-M!ward", il considre que "l'assemble qui dlie et qui lie" ('am!$atal-&all wa al-$aqd) peut, ventuellement, se rduire une seule personne. Il prconise unesolution radicale en cas d'lection de deux im!m-s en mme temps ce qui n'est pas

    permis : il faut excuter le second tre intronis (344). Comme le grand lgiste &!fi%ite, il

    prconise la soumission un calife devenu impie (f!siq) aprs son accession au pouvoir. Ilconfirme la lgitimit de la succession des quatre premiers califes sujet, comme l'on sait,

    qui fut la base des principaux schismes de l'islam sans se prononcer fermement sur leur

    classement en termes de mrites. De toute faon, estime-t-il dans la droite ligne de l'opinion

    a&%arite, les compagnons, dans leurs confrontations, avaient tous raison et il convient de ne paspermettre au commun des croyants de dbattre de ce qui s'est pass entre eux.

    Enfin, sur l'valuation des pchs et sur ce qui attend les cratures dans l'Au-del, al-Mur!d"ne fait que reprendre, l aussi, les ides matresses de ses principaux inspirateurs, al-A&%ar"etal-B!qill!n". J'ai dj mentionn l'opinion qu'il leur prte sur le thme du sort rserver au"grand pcheur" (al-f!siq) et sur l'incidence sur son repentir des pchs qu'il pourrait tre

    59wa h!1ihi al-qudra3ayr mu,a((ira f%maqd*rih!, wa innam!tu,a((ir f%nafs al-q!dir bih!bi-(ub*t al-farq al-

    la1%ya'iduhu f%nafsihi baynahu wa bayna al-mu+"ar il!fi$li3ayrihi(274)

    60wa 1!lika al-farq huwa kawnuhu q!diran(274)

    61L aussi sur la base de considrations identiques que l'on trouve chez al-B!qill!n",Kit!b tamh%d al-aw!,il wa

    tal/%)al-dal!,il, Beyrouth, Mu(assat al-Kutub al-8aq!fiyya, 1987, pp. 372-73, cit par al-Ba-t", note 1, p. 290d'al-$Aq%da

    62wa laysat al-as$!r min fi$l mufsid al-"a$!m wa mu(%r al-fitan wa l!min fi$l ahl al-&ar(wa al-&alab wa l!min

    af$!l al-mul*k wa al-musa$$ir%n(290)

    63al-M!ward", al-A&k!m al-sul"!niyya, Beyrouth, D!r al-Kutub al-%Ilmiyya, 1978

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    amen commettre une fois ce repentir effectu. Dans le champ des topode l'eschatologie

    musulmane, les ides avances par la $Aq%dane s'cartent gure non plus du canevas dessinpar les uvres de ses grands prdcesseurs a&%arites. Les tourments de la tombe etl'interrogatoire des deux anges (munkar wa nak%r) sont asserts, les signes de l'heure (al-

    s!$a) rappels. L'approche de la fin du monde sera signale par "l'amenuisement du savoir et

    le dveloppement de l'ignorance" (qillat al-$ilm wa -uh*r al-'ahl); "la multiplication desguerres civiles" (ka(rat al-fitan); "la sortie de l'Antchrist" (/ur*' al-da''!l); "l'arrive duMessie" (nuz*l al-mas%&) (319-20). Signes confirms par "le lever du soleil au couchant"("ul*$al-#ams min al-ma3rib) et "la sortie de La Bte de terre" (/ur*'al-d!bba min al-ar+)(320).

    Au Jour du Jugement, il y aura "l'installation du bassin pour Le Prophte" (na)b al-&aw+li-l-nab%), dont l'intercession (#af!$a), comme celle des savants et des saints est pleinementreconnue. Aliment par une rivire ayant sa source au paradis, le &aw+permettra d'abreuversa ummaau jour du jugement. L'intercession du prophte permettra "d'acclrer" le jugement

    (ya#fa$u f%ta$'%l al-&is!b). Les livres des comptes (kit!b) seront ports sur leur "droite" par les

    musulmans, et installs leur gauche ou derrire leur dos pour les mcrants (323-325)64

    . La"pese des actions" (wazn al-a$m!l) de tous le adultes "comptables" (mukallaf%n) aura lieu aumoyen de balances "relles" (326)65 qui pseront leurs "livres" ()u&uf) de comptes. Lesjusticiables auront traverser "le pont" qui enjambe l'Enfer en direction du Paradis et le

    succs (ou l'chec) de cette traverse est fonction de leur bilan. Ils seront rpartis entre ces

    deux destinations dont la ralit est confirme par le texte coranique66

    et la localisation "au-dessus des sept cieux" (fawqa al-sam!w!t al-sab$) (333) pour Le Paradis et "au-dessousdes deux terres du bas" (ta&t al-ar+ayn al-sufl!) pour l'Enfer galement67.

    Au terme de ce bref parcours des rapports entre les Almoravides et l'a&%arisme, je crainsd'avoir succomb un travers qui ne devrait gure plaire P. F. de Moraes Farias : la

    tentation (ou l'illusion) "orientaliste" de penser que les textes peuvent tre interrogs endehors des contextes o ils ont t produits. Il eut fallu sans doute interroger les conditions

    cologiques (scheresse...) qui ont pu prsider au dveloppement de ce mouvement, les

    rivalits conomiques et leurs arrires-plans communautaires tribaux et ethniques (Zan!tavs. 9anh!.a, %Arab et A%.!m...), les structures sociales et parentales ($a)abiyy!t) productricesde conflits et de vendettas qui ont pu en nourrir les factionnalismes et les crises de

    succession... Et je n'aurais pour seul alibi que les dimensions fort modestes alloues

    cette contribution.

    64al-Mur!d"justifie ces dtails par des citations coraniques : LXIX, 19 24, 33; LXXXIV, 10-11

    65wa laysa 1!lika kin!yatan $an al-$adl wa l!kinnah!f%ma$n!al-maw!z%n al-ma$h*da f%al-a)l(326)

    66Coran, II, 23, 34; III, 131, 133; XXXIII, 64; XXXVI, 25

    (#)***+ ',-'%. )*+ //. 0*+ $-# 1234 562 324 78129:9;1281

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