LEÇONS D’UN TUEUR

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Saul Black LEÇONS D’UN TUEUR Roman Traduit de l’anglais par Sophie Duval

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Saul Black

LEÇONS D’UN TUEUR

Roman

Traduit de l’anglais par Sophie Duval

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Titre original : The Killing Lessons

Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-5, 2e et 3e a), d’une part, queles « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisationcollective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration,« toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de sesayants droit ou ayants cause est illicite » (art. L. 122-4).Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon,sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

L’édition originale de cet ouvrage a paru chez Orion Books, Londres, en 2015.© Glen Duncan, 2015.

© Presses de la Cité, 2015 pour la traduction française.ISBN 978-2-258-11485-2

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Quand, à peine sortie de sa cuisine chaude embaumantles cookies, Rowena Cooper découvrit les deux hommesdans le couloir, leurs bottes dégoulinant de neige fondue,elle comprit immédiatement que tout était sa faute. Depuisdes années qu’elle ne verrouillait ni les portes ni les fenêtreset qu’elle laissait les clés sur le contact, persuadée que riende tel ne pouvait se produire, qu’elle était en sécurité… Toutcela n’était qu’un mensonge qu’elle avait eu la bêtise de seraconter. Pire, un mensonge auquel elle avait eu la bêtise decroire. Une vie entière se résume parfois à attendre lemoment de se prendre en pleine figure l’ampleur de sapropre stupidité. C’est ainsi qu’elle se retrouvait dans unemaison située à plus d’un kilomètre du plus proche voisinet à cinq de la ville (Ellinson, Colorado, 697 habitants), seuleavec son fils de treize ans à l’étage et sa fille de dix en trainde jouer sous la véranda, face à deux intrus dont l’un étaitarmé d’un fusil et l’autre d’une longue lame qui, malgré lasensation de chute vertigineuse qu’elle éprouvait, lui fit aus-sitôt penser à une machette, même si c’était bien la premièrefois qu’elle en voyait une ailleurs que dans un film. Par laporte ouverte derrière eux, elle constata que la neige tom-bait toujours dru en cette fin d’après-midi, se détachant joli-ment sur la lisière sombre de la forêt. On n’était qu’à cinqjours de Noël.

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Elle eut soudain une conscience aiguë de la présence deses enfants : Josh allongé sur son lit défait, casque sur lesoreilles ; Nell emmitouflée dans son anorak rouge NorthFace, en contemplation devant les flocons, vidant rêveuse-ment le paquet de Reese’s Peanut Butter Cups qu’elle avaitnégocié dix minutes plus tôt… Il lui semblait qu’une sortede nerf invisible les reliait à elle, à son nombril, à son ventre,à son âme. Le matin même, Nell avait affirmé à brûle-pourpoint : « Ce chanteur, Steven Tyler, ben, il ressemble àun babouin. » Elle faisait souvent ce genre de déclarationsinattendues. Plus tard, après le petit déjeuner, Rowena avaitentendu Josh lancer à sa sœur : « Eh, t’as vu ? Ce truc-là,c’est ton cerveau. » Le « truc » en question, avait devinéRowena, devait être un flocon d’avoine ou une crotte denez. C’était devenu une sorte de compétition entre eux : àqui trouverait l’objet le plus petit ou le plus moche pour lecomparer au cerveau de l’autre. Rowena songea confusé-ment à quel point il était merveilleux d’avoir des enfants quinon seulement s’aimaient, mais avaient un respect prudentl’un pour l’autre, et aussi à quel point elle avait été combléepar la vie – tandis que son corps s’engourdissait, quel’espace autour d’elle se resserrait et qu’elle sentait sa peauparcourue de fourmillements comme sous l’assaut d’unenuée de mouches, sa bouche desséchée s’ouvrir, le cri mon-ter de…

Non, ne crie pas…Si Josh ne fait pas de bruit et si Nell reste…Ils ont peut-être juste l’intention de me violer oh Seigneur…quoi qu’ils…la carabine…La carabine était enfermée dans le placard sous l’escalier,

la clé était sur le trousseau dans son sac, lequel était restépar terre dans la chambre, et la chambre était loin, tellementloin…

Laisse-toi faire, c’est tout. Prends sur toi pour…

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Puis le plus costaud des deux inconnus avança de troispas et, comme au ralenti (Rowena eut le temps de percevoirson odeur, mélange de sueur âcre, de cuir mouillé et de che-veux sales, de voir ses petits yeux noirs, sa grosse tête etjusqu’aux pores autour de son nez), leva la crosse du fusilet lui en assena un coup terrible en plein visage.

Josh Cooper n’était pas allongé sur son lit, mais il avait bienson casque sur les oreilles. Assis à son bureau, il avait bran-ché sa Squier Strat (achetée d’occasion 225 dollars sur eBay ;afin de compléter la somme allouée par sa mère, il avait dûutiliser les 50 dollars que sa grand-mère lui avait envoyéspour son anniversaire trois mois plus tôt) sur son minusculeampli d’entraînement pour suivre une leçon sur YouTube :Comment jouer « The Rain Song », de Led Zeppelin. Ils’efforçait de ne pas penser au clip porno qu’il avait regardéchez Mike Wainwright trois jours plus tôt, dans lequel deuxfemmes – une rousse d’âge mûr aux yeux fardés de vert etune jeune blonde qui ressemblait à Sarah Michelle Gellar –se léchaient consciencieusement les parties intimes. « Unsoixante-neuf entre meufs, avait lâché Mike. Dans deuxminutes, elles feront le cul-à-cul. » Si Josh n’avait aucune idéede ce que son copain entendait par là, il savait bien, à sagrande honte, qu’il mourait d’envie de les voir en action.Mike Wainwright, son aîné d’un an, était incollable sur lesexe ; ses parents étaient tellement distraits et irresponsablesqu’ils n’avaient même pas pris la peine de mettre uncontrôle parental sur son PC. Contrairement à sa propremère, qui en avait tout de suite installé un en décrétant quec’était la condition pour avoir un ordinateur.

Le souvenir des deux femmes l’avait fait bander – un étatque le cours de guitare était justement censé éviter. Or iln’avait pas envie de se branler ; la sensation qu’il éprouvaitaprès coup le déprimait trop : à l’impression de lourdeur dansses mains et dans sa tête s’ajoutait un profond sentiment

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d’ennui qui le mettait toujours de mauvais poil. Du coup, ilse défoulait sur Nell et leur mère.

Il se força à se concentrer sur « The Rain Song ». Il nevoyait pas trop comment prendre le morceau, jusqu’aumoment où Internet lui révéla qu’il se jouait dans une tona-lité différente. Quand il eut réaccordé (ré-sol-do-sol-do-ré),tout s’éclaira sous un jour nouveau. Il y avait bien quelquespassages traîtres entre les accords dans l’intro, mais c’étaitjuste une question d’entraînement. Dans une semaine, ilserait au point.

Nell Cooper n’était pas sous la véranda. Immobile dansl’épaisse couche de neige à l’orée de la forêt, elle observaitune biche mulet qui se tenait à environ cinq mètres – uneadulte aux grands yeux sombres bordés de cils si longs qu’ilsparaissaient faux. Il n’était guère possible de s’en approcherplus. Nell la nourrissait depuis deux semaines ; elle lui jetaitles trognons de pomme qu’elle mettait de côté, ainsi que despoignées de fruits secs et de raisins de Corinthe pris dans leplacard où sa mère rangeait les provisions. La biche laconnaissait, à présent. Nell ne lui avait pas donné de nom.Elle ne lui parlait même pas. Elle préférait ces rencontressilencieuses, et d’autant plus intenses.

Après avoir enlevé ses gants, elle fouilla sa poche à larecherche d’une moitié de pomme. Le soleil qui se réfléchis-sait sur la neige fit briller le bracelet que sa mère lui avaitoffert pour ses dix ans, en mai : une chaîne en argent ornéed’une fine breloque en or représentant un lièvre en pleinecourse, de profil. Il avait appartenu à son arrière-grand-mère,puis à sa grand-mère, puis à sa mère, et maintenant il étaità elle. La famille maternelle éloignée de Rowena était origi-naire de Roumanie ; la tradition ancestrale voulait qu’elle sesoit mêlée de sorcellerie, et que le lièvre soit un talismangarantissant un voyage sûr. Nell avait toujours adoré cebijou. Dans l’un de ses tout premiers souvenirs, elle se voyaitfaire tourner autour du poignet de sa mère la chaîne qui

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scintillait au soleil. Pour elle, le lièvre possédait une viepropre, mystérieuse et lointaine, même si son œil n’était riende plus qu’un trou minuscule en forme d’amande. Nell nes’y attendait pas du tout lorsque, le soir de son anniversaire,longtemps après que les autres cadeaux avaient été déballés,sa mère était entrée dans sa chambre pour le lui attacher aupoignet gauche. « Tu es assez grande pour le porter, main-tenant, avait-elle dit. J’ai fait raccourcir la chaîne. Mets-le àgauche, comme ça, il ne te gênera pas quand tu dessineras.Mais pas pour aller à l’école, d’accord ? Je ne voudrais pasque tu le perdes. Garde-le pour les week-ends et lesvacances. » Ces mots, « Tu es assez grande pour le porter »,avaient empli Nell d’amour et de tristesse. Ils avaient faitparaître sa mère plus vieille, tout d’un coup. Et plus seuleque jamais. Ils les avaient aussi toutes les deux rendues dou-loureusement conscientes de l’absence du père de Nell.Celle-ci avait alors éprouvé un grand élan de tendresse poursa mère qui, elle l’avait compris dans un terrible éclair delucidité, devait assumer toutes les tâches du quotidien – lesemmener à l’école, Josh et elle, faire les courses, préparer ledîner – en solitaire, avec courage, parce que son mari avaitdisparu.

L’évocation de ce moment la chagrina de nouveau, et ellerésolut de donner plus souvent un coup de main à la mai-son, sans qu’on ait besoin de le lui demander.

La biche fit quelques pas hésitants pour aller reniflerl’endroit où le trognon de pomme était tombé, puis leva latête, soudain en alerte, les grandes oreilles qui lui avaientvalu son nom s’agitant rapidement comme des ailes d’oiseau.Nell n’aurait su dire ce que l’animal avait entendu. Pour elle,la forêt demeurait une présence imposante, réconfortante etsilencieuse. (Neutre, aussi. Certaines choses sont de votrecôté, d’autres contre vous, quelques-unes ne prennent pasparti. « Le mot, c’est “neutre”, lui avait expliqué Josh. Et detoute façon, tu te goures : les choses, c’est que des choses.Elles ont pas de sentiments. Elles savent même pas que

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t’existes. » Josh lui sortait de plus en plus souvent ce genrede trucs, depuis quelque temps, mais Nell ne pouvait pascroire qu’il puisse être sincère. Une partie de lui s’éloignaitd’elle ; ou plutôt, il forçait une partie de lui à s’éloignerd’elle. Leur mère lui avait dit : « Sois patiente avec lui, mapuce. Il n’y peut rien, c’est la puberté. Tu verras, dansquelques années, tu seras peut-être encore pire que lui. ») Labiche était toujours tendue, aux aguets. Etait-ce à cause duVieux Bonhomme Mystère dans le chalet de l’autre côtédu ravin ? se demanda Nell.

Le bruit circulait en ville que le Vieux Bonhomme Mys-tère s’appelait Angelo Greer. Arrivé depuis une semaine, ils’était installé dans la cabane délabrée de l’autre côté dupont, à un peu plus d’un kilomètre à l’est de la maison desCooper. Il avait commencé par se prendre de bec avec leshérif Hurley qui, ignorant ses protestations, comme quoi lapropriété lui appartenait (il en avait hérité des années plustôt, à la mort de son père), n’avait pas voulu le laisser tra-verser au volant de son véhicule. Le pont n’était pas sûr, luiavait-il expliqué. De fait, il était fermé depuis plus de deuxans. Les réparations n’avaient pas été jugées prioritaires, dansla mesure où la cabane, inhabitée depuis des lustres, était laseule résidence à trente kilomètres à la ronde de ce côté duravin. Les automobilistes qui voulaient franchir la Loop Riverempruntaient l’autopont plus au sud pour rejoindre la 40.En fin de compte, M. Greer avait garé sa voiture à l’ouestdu précipice et franchi le pont à pied en traînant toutes sesaffaires. Ce n’était pas prudent non plus, avait souligné leshérif Hurley, mais les choses en étaient restées là. Pour sapart, Nell n’avait encore pas vu M. Greer : Josh et elle étaienten classe lorsqu’il était passé devant chez eux. Ce n’étaitcependant que partie remise, car il serait bien obligé deretourner en ville un jour ou l’autre. D’après leur mère, iln’y avait même pas le téléphone dans la cabane. QuandJenny Pinker s’était arrêtée pour bavarder la semaine précé-dente, Nell l’avait entendue dire : « Qu’est-ce qu’il peut bien

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fabriquer ici, bon sang ? » Ce à quoi sa mère avait répondu :« Dieu seul le sait. Il marche avec une canne. Je medemande comment il va se débrouiller. Peut-être qu’il estvenu chercher Dieu ? »

Nell palpa ses poches en vain. Il ne restait plus de fruitssecs ni de raisins de Corinthe. La biche détala.

Au même instant, un coup de feu claqua dans la maison.

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Nell s’élança.Se répétant que ce n’était pas un coup de feu.Sachant que c’en était un.Le sol sous ses pieds semblait constitué de blocs de glace

brisés qu’un courant rapide entraînait en sens inverse. Lesang affluait à son visage et dans ses mains. L’air lui-mêmelui paraissait animé, comme s’il grouillait de particules chu-chotant entre elles. Des détails la frappaient avec une nettetéinédite : le chuintement de la neige sous ses bottes ; l’odeurdes cookies tout juste sortis du four en provenance de la cui-sine ; un nœud tarabiscoté dans le grain du parquet enchêne ; la couleur bordeaux des Converse de Josh, abandon-nées près de la porte du salon, la lumière filtrant à traversles œillets…

Sa mère gisait sur le côté au pied de l’escalier. Le sangformait autour d’elle une flaque sombre aux reflets brillants.Elle n’avait plus sa jupe, et sa culotte était entortillée autourde sa cheville gauche. Ses cheveux étaient tout décoiffés.Elle avait les yeux grands ouverts.

Nell se sentit étrangement légère, comme si elle flottait. Ils’agissait sûrement d’un cauchemar dont elle pouvait émer-ger si elle le voulait. Quand on est sous l’eau, il suffit debattre des pieds en retenant son souffle jusqu’à crever la sur-face et déboucher à l’air libre… Mais elle avait beau battre

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des pieds, encore et encore, la surface restait inaccessible ; iln’y avait aucune réalité dans laquelle se réveiller – juste unconstat glaçant : la vie la préparait à ce moment depuis sanaissance, tout le reste n’avait été qu’une diversion destinéeà l’abuser. La maison, qui avait toujours été une présencebienveillante, se révélait soudain impuissante : en état dechoc, elle ne pouvait qu’assister aux événements.

Les jambes maternelles dénudées pédalaient lentementdans la mare rouge, et Nell éprouva l’envie irrépressible deles recouvrir. C’était horrible de voir les fesses pâles de samère et les tortillons des petites veines violettes sur sacuisse gauche ainsi exposés en plein milieu du couloir.« Maman… maman… maman », répéta-t-elle, sans toutefoisproduire le moindre son ; seul son souffle s’échappait de sabouche par saccades précipitées, comme si sa gorge avait dumal à l’expulser. Sa mère cilla, puis ramena à elle une mainensanglantée et posa un doigt sur ses lèvres. « Chuuut… »Son geste laissa une traînée verticale rouge sur ses lèvres,évoquant le maquillage d’une geisha.

— Maman !— Sauve-toi, chuchota sa mère. Ils sont encore là.Elle referma lentement les yeux, et Nell se rappela toutes

ces fois où elles avaient échangé des baisers papillon, cilscontre joue.

— Maman !Sa mère souleva de nouveau les paupières.— Cours chez Jenny. Ne t’en fais pas pour moi, ça va

aller, mais toi, il faut que tu te sauves.De l’étage leur parvinrent des bruits de meubles qu’on

déplaçait.— Tout de suite, Nell ! la pressa sa mère d’un ton furieux.

Va-t’en ! Vite !Elles entendirent du mouvement beaucoup plus près.

Dans le salon.Sa mère l’attrapa par le poignet et cracha :

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— Sauve-toi tout de suite, Nell. Ce… c’est pas un jeu.Dépêche-toi, ou je vais me fâcher. Va-t’en. Maintenant !

Quand Nell recula, il lui sembla que la fine membrane quiles unissait se déchirait. La fillette ne cessait de marquer despauses, arrêtée par une intense sensation de vide dans seschevilles, ses genoux et ses poignets. Elle ne parvenait pasà avaler. Mais plus elle s’éloignait, plus sa mère l’encoura-geait de la tête – « Oui, c’est ça, oui, continue, ma chérie,continue… »

Nell avait parcouru toute la distance jusqu’à la porte dederrière lorsque l’inconnu sortit du salon.

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