Leçon 2 – Le statut de l’Etat

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Leçon 2 – Le statut de l’Etat I) Le statut de l’Etat dans l’ordre international §1-La liberté de l’Etat 1) La présomption de liberté reconnue au bénéficie de l’Etat CPJI, arrêt du 17 août 1923, Affaire du Vapeur Wimbledon (T. Versailles ; canal de Kiel) CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, Affaire du Lotus : « Les limitations de la souveraineté de l’Etat ne se présument pas » 2) Le domaine réservé de l’Etat CPJI, avis du 7 février 1923 relatif aux Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et au Maroc

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Leçon 2 – Le statut de l’Etat

I) Le statut de l’Etat dans l’ordre international

§1-La liberté de l’Etat

1) La présomption de liberté reconnue au bénéficie de l’Etat

CPJI, arrêt du 17 août 1923, Affaire du Vapeur Wimbledon

(T. Versailles ; canal de Kiel)

CPJI, arrêt du 7 septembre 1927, Affaire du Lotus : « Les limitations de la souveraineté del’Etat ne se présument pas »

2) Le domaine réservé de l’Etat

CPJI, avis du 7 février 1923 relatif aux Décrets de nationalité promulgués en Tunisie et auMaroc

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3) Le principe de non-ingérence

art. 2 §7 Ch. NU = « Aucune disposition de la présente Charte n'autoriseles Nations Unies à intervenir dans des affaires qui relèventessentiellement de la compétence nationale d'un État »

Rés. 2625 AGNU (1970)

MAE France :

« La position de la France, comme celle des Européens, a toujoursété sans ambiguïté : nous ne reconnaissons pas la légitimité d’AlexandreLoukachenko, nous sanctionnons les responsables des violations gravesde l’État de droit et nous soutenons la population biélorusse et lasociété civile. »

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Déclaration du 28/09/2020 de M. Loukachenko, en réponse à M. Macron

« En tant qu’homme politique expérimenté à un immature, je voudraisrecommander à M. Macron de regarder moins autour et, au lieu de cela, des’occuper, enfin, des affaires intérieures de la France »

Art. 25 PIDCP : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune desdiscriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables: a) Deprendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit parl'intermédiaire de représentants librement choisis; b) De voter et d'être élu,au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et auscrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs »

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§2- La liberté de s’engager

CPJI, 1923, Vapeur Wimbledon

La CPJI « se refuse à voir dans la conclusion d’un traité quelconque, parlequel un Etat s’engage à faire ou à ne pas faire quelque chose, unabandon de sa souveraineté » ;

Car, selon la Cour : « sans doute, toute convention engendrant uneobligation de ce genre, apporte une restriction à l’exercice des droitssouverains de l’Etat (…) Mais la faculté de contracter des engagementsinternationaux est précisément un attribut de la souveraineté del’Etat »

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Opinion individuelle du juge D. Anzilotti sous l’avis de la CPJI de 1931,Régime douanier entre l’Allemagne et l’Autriche :

« Les limitations de la liberté d’un Etat, qu’elles dérivent du droitinternational commun ou d’engagements contractés, n’affectentaucunement en tant que telles son indépendance »

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Coutume internationale = « pratique générale acceptée comme étant le droit) (art. 38 Statut de la CIJ)

Effet relatif des traités

res inter alios acta

Art. 34 Convention de Vienne sur le droit des traités (1969) : « Un traité necrée ni obligations ni droits pour un État tiers sans son consentement. »

Pacta sunt servanda

Art. 26 Conv. Vienne sur le droit des traités : « Tout traité en vigueur lie lesparties et doit être exécuté par elles de bonne foi »

Art. 27: « Une partie ne peut invoquer les dispositions de son droit internecomme justifiant la non-exécution d’un traité »

SA, 25 juillet 1875, Affaire du Montijo, Colombie c. États-Unis d'Amérique

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CIJ, 1974, Affaire des Essais nucléaires (Australie et Nouvelle-Zélande c. France)

Cour EDH, 1989, Soering c. RU

Conseil d’Etat, 1993, Joy Davis Aylor

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II) Statut de l’Etat dans les ordres juridiques internes

Exemptions / Immunités

§1- L’Etat étranger

A) Les exemptions de l’Etat

Art. 27 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961)« 2. La correspondance officielle de la mission [diplomatique] est inviolable (…)3. La valise diplomatique ne doit être ni ouverte ni retenue. »

Art. 22« Les locaux de la mission sont inviolables. Il n’est pas permis aux agents de l’Étataccréditaire d’y pénétrer, sauf avec le consentement du chef de la mission »

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B) Les immunités de l’Etat

Immunité de juridiction / d’exécution

Par in parem non habet imperium

Convention des Nations Unies de 2004 sur les immunitésjuridictionnelles de l’Etat

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Champ d’application des immunités

Activités de jure imperii / de jure gestionis

Immunité de l’Etat et crimes internationaux

CIJ, 3 fév. 2012, Immunités juridictionnelles de l'État (Allemagne c.Italie; Grèce (intervenant))

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Cour EDH, 21 novembre 2001, Al-Adsani c. Royaume-Uni, req. n°35763/97

« Nonobstant le caractère particulier que le droit internationalreconnaît à la prohibition de la torture, la Cour n’aperçoit (...) aucunélément solide lui permettant de conclure qu’en droit international unEtat ne jouit plus de l’immunité (...) devant les cours et tribunaux d’unautre Etat devant lesquels sont formulées des allégations de torture. »

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§2-Immunités des agents étatiques

A) Fondement

Fondement fonctionnel :

CIJ 2002 Affaire du Mandat d’arrêt : « En droit international coutumier,les immunités reconnues au ministre des affaires étrangères ne lui sont pasaccordées pour son avantage personnel, mais pour lui permettre des’acquitter librement de ses fonctions pour le compte de l’Etat qu’ilreprésente »

Conv. Vienne sur les relations diplomatiques (1961) : « le but des (...)immunités est non pas d’avantager des individus mais d’assurerl’accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tantque représentants des États »

Champ d’application : Immunités « personnelles » / « matérielles »

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B) Les immunités personnelles des agents étatiques

- Convention de Vienne sur les relations diplomatiques (1961)

Article 29 : « La personne de l’agent diplomatique est inviolable. Il nepeut être soumis à aucune forme d’arrestation ou de détention. »

Article 31 §1 : « L’agent diplomatique jouit de l’immunité de la juridictionpénale de l’État accréditaire. »

Etat accréditant / Etat accréditaire

persona non grata

- CIJ 2002 Affaire du Mandat d’arrêt

"il est clairement établi en droit international que, de même que lesagents diplomatiques et consulaires, certaines personnes occupant un rangélevé dans l'État (...) jouissent dans les autres États d'immunités de juridiction,tant civiles que pénales"

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CIJ, 2002, Aff. Du Mandat d’arrêt (RDC c. Belgique)

« 54. La Cour en conclut que les fonctions d’un ministre des affairesétrangères sont telles que, pour toute la durée de sa charge, ilbénéficie d’une immunité de juridiction pénale et d’une inviolabilitétotales à l’étranger. Cette immunité et cette inviolabilité protègentl’intéressé contre tout acte d’autorité de la part d’un autre Etat quiferait obstacle à l’exercice de ses fonctions.

55. A cet égard, il n’est pas possible d’opérer de distinction entre lesactes accomplis par un ministre des affaires étrangères à titre« officiel » et ceux qui l’auraient été à titre « privé », pas plus qu’entreles actes accomplis par l’intéressé avant qu’il n’occupe les fonctionsde ministre des affaires étrangères et ceux accomplis durant l’exercicede ces fonctions. »

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Quelles fonctions ouvrent droit à immunité personnelle ?

CIJ 2002 :

« il est clairement établi en droit international que (...) certainespersonnes occupant un rang élevé dans l’État, telles que le chef de l’État, lechef du gouvernement ou le ministre des Affaires étrangères, jouissent dansles autres États d’immunités de juridiction »

CCass, 15 décembre 2015, Aff. Obiang (« biens mal acquis »)

Cass. crim., 28 juillet 2021 (Aff. Obiang)

CIJ, Immunités et procédures pénales, Guinée équatoriale c. France

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C) Les immunités matérielles des agents étatiques

- situation des titulaires d’immunité personnelle une fois leur fonctions achevées

- situation des autres agents étatiques :

Cass. crim., 23 novembre 2004, Agent judiciaire du Trésor c. MaltaMaritime Authority et Carmel : octroi de l’immunité de juridiction pénale audirecteur de la marine marchande de l’Autorité maritime maltaise pour les actesaccomplis dans l’exercice de ses fonctions qui « relev[aient] de la souveraineté del’Etat concerné »

Cour EDH, 14 janvier 2014, Jones et autres c. Royaume-Uni

« l’immunité de l’Etat offre en principe aux employés ou agents d’un Etatétranger, à raison des actes accomplis pour le compte de celui-ci, une protectionsous le même voile que celui qui protège l’Etat lui-même »

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D) Immunités des agents étatiques et crimes internationaux

- Régime applicable aux anciens chefs d’Etat :- aff. Pinochet ;

- résolution de l’IDI (2001)

- Cass. Crim., 13 janvier 2021 :

« [i]l appartient à la communauté internationale de fixer les éventuelles limites de ceprincipe [de l’immunité], lorsqu’il peut être confronté à d'autres valeurs reconnues parcette communauté, et notamment celle de la prohibition de la torture » (§ 26)

« [e]n l’état du droit international, les crimes dénoncés, quelle qu’en soit la gravité, nerelèvent pas des exceptions au principe de l'immunité de juridiction » (§ 27

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- Régime applicable aux autres agents bénéficiant d’une immunitématérielle :

- Cour EDH, 2014, Aff. Jones ;

- Cour suprême du Canada, 2014, Kazemi et Hashemi

- Cass. Crim., 13 janvier 2021

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- Régime applicable aux titulaires d’une immunité personnelle :

- CIJ 2002 Affaire du Mandat d’arrêt :

« pas d’exception à la règle consacrant l’immunité de juridiction pénale etl’inviolabilité des ministres des affaires étrangères en exercice, lorsqu’ils sontsoupçonnés d’avoir commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité »

Cass. Crim., 2 septembre 2020, arrêt n° 18-84.682 :

24. La coutume internationale s’oppose à ce que les chefs d’État en exercice puissent,en l’absence de dispositions internationales contraires s’imposant aux partiesconcernées, faire l’objet de poursuites devant les juridictions pénales d’un Étatétranger.

25. Il appartient à la communauté internationale de fixer les éventuelles limites de ceprincipe, lorsqu’il peut être confronté à d’autres valeurs reconnues par cettecommunauté, et notamment celle de la prohibition de la torture.

26. En l’état du droit international, le crime dénoncé, quelle qu’en soit la gravité, nerelève pas des exceptions au principe de l’immunité de juridiction des chefs d’Etatétrangers en exercice.

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CIJ, 2002, Aff. Du Mandat d’arrêt (RDC c. Belg.)

« 60. La Cour souligne toutefois que l’immunité de juridiction dontbénéficie un ministre des affaires étrangères en exercice ne signifie pasqu’il bénéficie d’une impunité au titre des crimes qu’il aurait pucommettre, quelle que soit leur gravité.

(...)

61. Les immunités dont bénéficie en droit international un ministre ouun ancien ministre des affaires étrangères ne font en effet pas obstacle àce que leur responsabilité pénale soit recherchée [sous certainesconditions] »

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« [Un ministre ou en ancien ministre des affaires étrangères] nebénéficient, en premier lieu, en vertu du droit international d’aucuneimmunité de juridiction pénale dans leur propre pays et peuvent parsuite être traduits devant les juridictions de ce pays conformément auxrègles fixées en droit interne »

« En deuxième lieu, ils ne bénéficient plus de l’immunité de juridiction àl’étranger si l’Etat qu’ils représentent ou ont représenté décide de levercette immunité »

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« En troisième lieu, dès lors qu’une personne a cessé d’occuper la fonctionde ministre des affaires étrangères, elle ne bénéficie plus de la totalité desimmunités de juridiction que lui accordait le droit international dans lesautres Etats.

A condition d’être compétent selon le droit international, un tribunal d’unEtat peut juger un ancien ministre des affaires étrangères d’un autre Etatau titre d’actes accomplis avant ou après la période pendant laquelle il aoccupé ces fonctions, ainsi qu’au titre d’actes qui, bien qu’accomplis durantcette période, l’ont été à titre privé »

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« En quatrième lieu, un ministre des affaires étrangères ou un ancienministre des affaires étrangères peut faire l’objet de poursuites pénalesdevant certaines juridictions pénales internationales dès lors quecelles‐ci sont compétentes »