Lemordant, EDUCATION CANINE / SECOND VOLET … · que la loi n’autorise pas ... Un dressage...

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/ Tous azimuts 05 Z N o 47 - Lundi 26 novembre 2007 REF TE Région 5 Le mordant, apprentissage cadré Dresser des chiens au mor- dant est une responsabilité que la loi n’autorise pas n’importe qui à endosser. N’y sont autorisées que les personnes détenant un certi- ficat de capacité, qui peut être fondé sur une attesta- tion de connaissances et de compétences, délivrée par l’établissement public local d’enseignement et de forma- tion professionnelle agricole des Combrailles (à Saint- Gervais) d’Auvergne ou par la commission d’utilisation de la société centrale canine. Seront entre autres évalués, pour la délivrer, la capacité de mesurer l’état physique et comportemental du chien, la maîtrise qu’en a son maître, celle d’organiser les séances avec le concours d’un hom- me d’attaque dans le respect des règles d’hygiène et de sécurité. Seules ces person- nes peuvent acquérir les ob- jets et le matériel nécessaire à une activité qui ne pourra s’exercer que dans un cadre associatif ou professionnel, comme un club canin ou dans le cadre de l’adminis- tration : armée, gendarmerie, police, douane, ainsi que dans les secteur profession- nel des transports de fonds ou des sociétés de gardien- nage. « Dans l’éducation au mor- dant, il faut un chien très stable qui apprend à mordre sur certaines parties du corps et sait s’arrêter sur or- dre de son maître, explique Nadia Clément. Le danger est que le chien n’identifie que la morsure comme re- mède pour s’apaiser quand il est excité. Les élevages et les dressages sauvages sont à ce titre très dangereux. An- goissé par le noir, des brûlu- res de cigarettes etc, les chiens ne savent que mordre pour se calmer. Ils ne feront plus la différence et repro- duiront cette réaction au moindre stress. Un dressage encore plus redoutable quand le chien a été séparé de sa mère avant que celle- ci ne lui ait appris la morsure inhibée au sein de la fratrie. » Etre éleveur ou éducateur pour chiens est une vraie responsabilité. En acquérir un en est une autre. Il faut le faire pour de bonnes raisons. EDUCATION CANINE / SECOND VOLET DE NOTRE REPORTAGE A CHACUN SON CARACTÈRE Pour les professionnels de l’éducation canine, c’est en fonction du caractère du chien qu’il faut le former à la vie en société et le préparer aux multiples situations qu’il rencontrera au quotidien. Cela vaut pour les chiens de gendarmerie, « pros » des situations extrêmes. Au Club canin de Bischheim, deux disciplines sont enseignées : l’obéissance et l’agility. (Photo Archives DNA) et qu’il ne réagisse qu’au com- mandement ou à l’agression du maître, explique Franck. Nous les familiarisons avec une multitude de situations : contacts avec des cyclistes, des individus en groupe, l’eau, l’hélicoptère etc. » Les trois dresseurs se rejoignent pour dire qu’il faut acquérir un chien pour de bonnes rai- sons, savoir qu’il a des crocs et l’éduquer pour qu’il reste le meilleur ami de l’homme et de ses semblables. Véronique Leblanc Selon ceux dont le métier est de les éduquer, chaque chien est un individu avec son histoire, sa morphologie et ses réactions. Aucun n’est « méchant » a priori et la mé- diatisation dont font l’objet les rottweilers classés catégo- rie 2 par la loi de 1999 les exaspère. « Cela devient insupportable pour les propriétaires, expli- que Nadia Clément, éducatri- ce pour chiens au club de Colmar. On les regarde com- me s’ils promenaient un arme au bout de la laisse ! » Nadia éduque tous les chiens et c’est en souriant qu’elle ra- conte n’avoir été mordue − sans qu’il ait fallu recou- dre ! − que par deux petits pinschers élevés « comme des bébés » par des personnes âgées. Elle a un grand rott- weiler à qui elle doit parler doucement et un jack russel qui « saute sur les grands chiens comme il le ferait sur un enfant ou sur un jogger » et qu’il faut canaliser avec plus de fermeté. Une école pour chiots à Bischheim Chaque animal est à édu- quer selon son caractère, d’après Nadia, qui a l’habitu- de d’organiser des sorties de chiens avec leur maître en ville afin de confronter les uns et les autres à un maxi- mum de situations différen- tes et leur donner les bons ré- flexes. Gérard Suplon, éduca- teur à Bischeim, travaille ex- clusivement au Club canin où deux disciplines sont ensei- gnées : l’obéissance et l’agili- ty. Formateur dans la premiè- re, Gérard enseigne le mer- credi soir et le dimanche ma- tin. Des séances de 20 minu- tes. « Un premier niveau corres- pond à l’obéissance simple, ex- plique-t-il : assis, couché et la marche au pied. On peut aller plus loin et former le chien à rapporter, développer son odorat, lui enseigner la haie etc. En quatre mois, on a déjà des résultats. » Il insiste égale- ment sur l’école des chiots, mise en place au club et qu’il qualifie « d’école de la vie ». Franck Bernard est, quant à lui, maître-chien du groupe d’investigation Cyno de la gendarmerie nationale de Ha- guenau, spécialisé dans la re- cherche de personnes, la dé- fense et les stupéfiants. « Après une phase de dressage, nos chiens − des malinois, un berger allemand et un golden retriever − reçoivent un en- seignement continu avec une règle d’or : un maître, un chien. Les chiens sont sélec- tionnés entre l’âge de 1 et 3 ans en fonction de leurs apti- tudes. » « Un chien joueur est une priorité pour la recherche, ex- plique Franck, car le dressage se fera sur la base du jeu et que l’animal apprendra à re- chercher son jouet auquel ont associe les différentes odeurs liées aux stupéfiants, explosifs etc. » Pour les chiens d’assaut ou de défense, pas question de sélectionner des individus agressifs qui risquent de se déclencher de manière im- prévisible. « Il faut que le chien ait une grande force mentale Cernay / Chiens-guides d’aveugles Les yeux de son maître L’Ecole alsacienne de chiens-guides d’aveugles de Cernay a présenté ce week-end le centième chien éduqué par ses soins. Dune, labrador fe- melle, sera bientôt les yeux de Myriam. ce », « passare » pour « traver- se »...) est inculqué à l’animal. Une fois sa formation ter- minée, le compagnon à qua- tre pattes rejoint son maître. Ce fut le cas ce week-end pour Dune, labrador femelle couleur sable, qui a fait la connaissance de Myriam, non-voyante thannoise, à l’occasion du salon d’art et d’artisanat « Plaisir des yeux » que l’Ecole organise chaque année à l’Espace Grün de Cernay. Dans les prochaines semai- nes, Céline Cuche, l’éducatri- ce de Dune, se rendra régu- lièrement au domicile de My- riam afin de parfaire les ré- flexes du chien dans son nouvel environnement. Et ainsi garantir un passage har- De gauche à droite : Danielle Griffanti, Myriam Heitz, Dune et Céline Cuche. (Photo DNA − F.S.) En un peu plus de quinze ans, l’Ecole alsacienne de chiens-guides d’aveugles de Cernay a acquis ses lettres de noblesse. Fondée en 1991, el- le se distingue des autres ins- titutions par la méthode d’éducation qu’elle applique. Celle de Walter Rupp. La mé- thode Rupp consiste à édu- quer le chien au domicile même de l’éducateur. Une technique qui a fait ses preu- ves. Un vocabulaire composé d’ordres simples (« casa » pour « maison », « vaï » pour « avan- monieux de l’une à l’autre. Ce choix opéré par la direc- trice de l’Ecole alsacienne, Danielle Griffanti, a ses contraintes : « La formation d’un chien demande plus d’un an d’efforts. Son coût s’élève à 13 000 ! en moyenne. Il faut préciser que le chien est remis gratuitement à son maître ». Labellisation Heureusement, l’Ecole peut compter sur ses donateurs, de plus en plus nombreux : associations, clubs services, entreprises, collectivités, par- ticuliers. « Un homme que je ne connaissais pas la minute d’avant m’a remis un chèque de 1000 ! », s’étonne encore Louis Griffanti, président de la structure. Samedi, ce sont les hôteliers-restaurateurs du Pays Thur-Doller qui ont fait un geste. Cette générosité vient consacrer l’engagement du couple et de son équipe, son sérieux. En juin dernier, l’Ecole a reçu la labellisation comme centre d’éducation de chiens pour aveugles délivrée par le préfet du Haut-Rhin. Une bel- le reconnaissance qui inter- vient dix années après l’ob- tention d’un autre label, ce- lui, déjà très encourageant, de mission d’utilité publique. Mais, sans cesse, de nou- velles demandes affluent. Sans parler des premiers chiens-guides qui, arrivés en fin de carrière, doivent être remplacés. Et il n’est pas faci- le de recruter de bons « élè- ves ». Les Griffanti, parfois, traversent la France pour trouver la perle rare ! L’aven- ture n’en est qu’à son com- mencement. Frédéric Stenger Ecole alsacienne de chiens-guides d’aveugles, 20, Faubourg de Colmar, BP 40161, 68702 Cernay (03 89 39 81 32).

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/ Tous azimuts 05No 47 - Lundi 26 novembre 2007 REF TE Région 5

Le mordant,apprentissagecadréDresser des chiens au mor-dant est une responsabilitéque la loi n’autorise pasn’importe qui à endosser.N’y sont autorisées que lespersonnes détenant un certi-ficat de capacité, qui peutêtre fondé sur une attesta-tion de connaissances et decompétences, délivrée parl’établissement public locald’enseignement et de forma-tion professionnelle agricoledes Combrailles (à Saint-Gervais) d’Auvergne ou parla commission d’utilisationde la société centrale canine.Seront entre autres évalués,pour la délivrer, la capacitéde mesurer l’état physique etcomportemental du chien, lamaîtrise qu’en a son maître,celle d’organiser les séancesavec le concours d’un hom-me d’attaque dans le respectdes règles d’hygiène et desécurité. Seules ces person-nes peuvent acquérir les ob-jets et le matériel nécessaireà une activité qui ne pourras’exercer que dans un cadreassociatif ou professionnel,comme un club canin oudans le cadre de l’adminis-tration : armée, gendarmerie,police, douane, ainsi quedans les secteur profession-nel des transports de fondsou des sociétés de gardien-nage.« Dans l’éducation au mor-dant, il faut un chien trèsstable qui apprend à mordresur certaines parties ducorps et sait s’arrêter sur or-dre de son maître, expliqueNadia Clément. Le dangerest que le chien n’identifieque la morsure comme re-mède pour s’apaiser quand ilest excité. Les élevages etles dressages sauvages sontà ce titre très dangereux. An-goissé par le noir, des brûlu-res de cigarettes etc, leschiens ne savent que mordrepour se calmer. Ils ne ferontplus la différence et repro-duiront cette réaction aumoindre stress. Un dressageencore plus redoutablequand le chien a été séparéde sa mère avant que celle-ci ne lui ait appris la morsureinhibée au sein de la fratrie. »Etre éleveur ou éducateurpour chiens est une vraieresponsabilité. En acquérirun en est une autre. Il faut lefaire pour de bonnes raisons.

EDUCATION CANINE / SECOND VOLET DE NOTRE REPORTAGE

A CHACUNSON CARACTÈRE

Pour les professionnels de l’éducation canine, c’est en fonction du caractère du chien qu’il faut le former à la vie en société et lepréparer aux multiples situations qu’il rencontrera au quotidien. Cela vaut pour les chiens de gendarmerie, « pros » des situationsextrêmes.

Au Club canin de Bischheim, deux disciplines sont enseignées : l’obéissance et l’agility. (Photo Archives DNA)

et qu’il ne réagisse qu’au com-mandement ou à l’agressiondu maître, explique Franck.Nous les familiarisons avecune multitude de situations :contacts avec des cyclistes, desindividus en groupe, l’eau,l’hélicoptère etc. » Les troisdresseurs se rejoignent pourdire qu’il faut acquérir unchien pour de bonnes rai-sons, savoir qu’il a des crocset l’éduquer pour qu’il restele meilleur ami de l’hommeet de ses semblables.

Véronique Leblanc

■ Selon ceux dont le métierest de les éduquer, chaquechien est un individu avecson histoire, sa morphologieet ses réactions. Aucun n’est«méchant » a priori et la mé-diatisation dont font l’objetles rottweilers classés catégo-rie 2 par la loi de 1999 lesexaspère.

«Cela devient insupportablepour les propriétaires, expli-que Nadia Clément, éducatri-ce pour chiens au club deColmar. On les regarde com-me s’ils promenaient un armeau bout de la laisse ! » Nadiaéduque tous les chiens etc’est en souriant qu’elle ra-conte n’avoir été mordue−sans qu’il ait fallu recou-dre !− que par deux petitspinschers élevés « comme desbébés» par des personnesâgées. Elle a un grand rott-weiler à qui elle doit parlerdoucement et un jack russelqui « saute sur les grandschiens comme il le ferait surun enfant ou sur un jogger» etqu’il faut canaliser avec plusde fermeté.

Une école pour chiotsà Bischheim

Chaque animal est à édu-quer selon son caractère,d’après Nadia, qui a l’habitu-de d’organiser des sorties dechiens avec leur maître enville afin de confronter lesuns et les autres à un maxi-mum de situations différen-tes et leur donner les bons ré-flexes. Gérard Suplon, éduca-teur à Bischeim, travaille ex-clusivement au Club canin oùdeux disciplines sont ensei-gnées : l’obéissance et l’agili-ty. Formateur dans la premiè-

re, Gérard enseigne le mer-credi soir et le dimanche ma-tin. Des séances de 20 minu-tes.

«Un premier niveau corres-pond à l’obéissance simple, ex-plique-t-il : assis, couché et lamarche au pied. On peut allerplus loin et former le chien àrapporter, développer sonodorat, lui enseigner la haieetc. En quatre mois, on a déjàdes résultats. » Il insiste égale-ment sur l’école des chiots,mise en place au club et qu’ilqualifie «d’école de la vie ».

Franck Bernard est, quantà lui, maître-chien du grouped’investigation Cyno de lagendarmerie nationale de Ha-guenau, spécialisé dans la re-cherche de personnes, la dé-fense et les stupéfiants.«Après une phase de dressage,nos chiens −des malinois, unberger allemand et un goldenretriever− reçoivent un en-seignement continu avec unerègle d’or : un maître, unchien. Les chiens sont sélec-tionnés entre l’âge de 1 et 3ans en fonction de leurs apti-tudes. »

«Un chien joueur est unepriorité pour la recherche, ex-plique Franck, car le dressagese fera sur la base du jeu etque l’animal apprendra à re-chercher son jouet auquel ontassocie les différentes odeursliées aux stupéfiants, explosifsetc. »

Pour les chiens d’assaut oude défense, pas question desélectionner des individusagressifs qui risquent de sedéclencher de manière im-prévisible. « Il faut que le chienait une grande force mentale

Cernay / Chiens-guides d’aveugles

Les yeux de son maître■ L’Ecole alsacienne dechiens-guides d’aveugles deCernay a présenté ce week-endle centième chien éduqué parses soins. Dune, labrador fe-melle, sera bientôt les yeux deMyriam.

ce», «passare» pour « traver-se »...) est inculqué à l’animal.

Une fois sa formation ter-minée, le compagnon à qua-tre pattes rejoint son maître.Ce fut le cas ce week-endpour Dune, labrador femellecouleur sable, qui a fait laconnaissance de Myriam,non-voyante thannoise, àl’occasion du salon d’art etd’artisanat «Plaisir des yeux»que l’Ecole organise chaqueannée à l’Espace Grün deCernay.

Dans les prochaines semai-nes, Céline Cuche, l’éducatri-ce de Dune, se rendra régu-lièrement au domicile de My-riam afin de parfaire les ré-flexes du chien dans sonnouvel environnement. Etainsi garantir un passage har-

De gauche à droite : Danielle Griffanti, Myriam Heitz, Dune et CélineCuche. (Photo DNA − F.S.)

En un peu plus de quinzeans, l’Ecole alsacienne dechiens-guides d’aveugles deCernay a acquis ses lettres denoblesse. Fondée en 1991, el-le se distingue des autres ins-titutions par la méthoded’éducation qu’elle applique.Celle de Walter Rupp. La mé-thode Rupp consiste à édu-quer le chien au domicilemême de l’éducateur. Unetechnique qui a fait ses preu-ves. Un vocabulaire composéd’ordres simples («casa» pour«maison», «vaï » pour «avan-

monieux de l’une à l’autre.Ce choix opéré par la direc-trice de l’Ecole alsacienne,Danielle Griffanti, a ses

contraintes : «La formationd’un chien demande plus d’unan d’efforts. Son coût s’élève à13000 en moyenne. Il faut

préciser que le chien est remisgratuitement à son maître ».

LabellisationHeureusement, l’Ecole peut

compter sur ses donateurs,de plus en plus nombreux :associations, clubs services,entreprises, collectivités, par-ticuliers. «Un homme que jene connaissais pas la minuted’avant m’a remis un chèquede 1000 », s’étonne encoreLouis Griffanti, président dela structure. Samedi, ce sontles hôteliers-restaurateurs duPays Thur-Doller qui ont faitun geste. Cette générositévient consacrer l’engagementdu couple et de son équipe,son sérieux.

En juin dernier, l’Ecole areçu la labellisation commecentre d’éducation de chiens

pour aveugles délivrée par lepréfet du Haut-Rhin. Une bel-le reconnaissance qui inter-vient dix années après l’ob-tention d’un autre label, ce-lui, déjà très encourageant,de mission d’utilité publique.

Mais, sans cesse, de nou-velles demandes affluent.Sans parler des premierschiens-guides qui, arrivés enfin de carrière, doivent êtreremplacés. Et il n’est pas faci-le de recruter de bons «élè-ves ». Les Griffanti, parfois,traversent la France pourtrouver la perle rare ! L’aven-ture n’en est qu’à son com-mencement.

Frédéric Stenger

◗ Ecole alsacienne dechiens-guides d’aveugles, 20,Faubourg de Colmar, BP 40161,68702 Cernay (✆03 89 39 81 32).