Leibniz Petites Perceptions

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  • 7/22/2019 Leibniz Petites Perceptions

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    Leibniz (1646-1716), les petites perceptions insensibles

    Dailleurs il y a mille marques qui font juger quil y a tout moment une infinit de perceptions en nous, mais sans

    aperception [conscience de la perception, qui vient aprs la perception elle-mme, lorsque notre attention est attire surcelle-ci] et sans rfleion, cest--dire des c!angements dans l"me mme dont nous ne nous apercevons pas, parce que

    les impressions sont ou trop petites et en trop grand nom#re ou trop unies, en sorte quelles nont rien dasse$ distinguant

    part, mais jointes dautres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusment dans

    lassem#lage% &'est ainsi que laccoutumance fait que nous ne prenons pas garde au mouvement dun moulin ou une

    c!ute deau, quand nous avons !a#it tout auprs depuis quelque temps% &e nest pas que ce mouvement ne frappe

    toujours nos organes, et quil ne se passe encore quelque c!ose dans l"me qui y rponde, cause de l!armonie de l"me

    et du corps, mais ces impressions qui sont dans l"me et dans le corps, destitues des attraits de la nouveaut, ne sont pas

    asse$ fortes pour sattirer notre attention et notre mmoire, attac!es des o#jets plus occupants% &ar toute attention

    demande de la mmoire, et souvent quand nous ne sommes point admonests ( pour ainsi dire et avertis de prendre

    garde quelques-unes de nos propres perceptions prsentes, nous les laissons passer sans rfleion et mme sans tre

    remarques ) mais si quelquun nous en avertit incontinent [immdiatement] aprs et nous fait remarquer par eemple

    quelque #ruit quon vient dentendre, nous nous en souvenons et nous nous apercevons den avoir eu tant*t quelque

    sentiment% +insi ctaient des perceptions dont nous ne nous tions pas aperus incontinent, laperception ne venant

    dans ce cas que de lavertissement aprs quelque intervalle, tout petit quil soit%

    t pour juger encore mieu des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, jai coutume de

    me servir de leemple du mugissement ou du #ruit de la mer dont on est frapp quand on est au rivage% .our entendre ce

    #ruit comme lon fait, il faut #ien quon entende les parties qui composent ce tout, cest--dire les #ruits de c!aque vague,

    quoique c!acun de ces petits #ruits ne se fasse conna/tre que dans lassem#lage confus de tous les autres ensem#le, cest-

    -dire dans ce mugissement mme, et ne se remarquerait pas si cette vague qui le fait tait seule% &ar il faut quon soit

    affect un peu par le mouvement de cette vague, et quon ait quelque perception de c!acun de ces #ruits, quelque petits

    quils soient ) autrement, on naurait pas celle de cent mille vagues, puisque cent mille riens ne sauraient faire quelque

    c!ose% 0n ne dort jamais si profondment quon nait quelque sentiment fai#le et confus ) et on ne serait jamais veill

    par le plus grand #ruit du monde, si on navait quelque perception de son commencement, qui est petit ) comme on ne

    romprait jamais une corde par le plus grand effort du monde, si elle ntait tendue et allonge un peu par de moindres

    efforts, quoique cette petite etension quils font ne paraisse pas%

    &es petites perceptions sont donc de plus grande efficace par leurs suites quon ne pense% &e sont elles qui forment

    ce je ne sais quoi, ces go1ts, ces images des qualits des sens, claires dans lassem#lage mais confuses dans les parties, ces

    impressions que des corps environnants font sur nous, qui enveloppent linfini) cette liaison que c!aque tre a avec tout

    le reste de lunivers [toutes les c!oses communiquent dans lunivers% 2!omme vit dans un monde o3 rien nest comme

    une /le dans la mer, je communique o#scurment avec le reste des c!oses sans en avoir une claire conscience]%

    4ottfried 5il!elm 2ei#ni$ 67898-7:78;,Nouveaux essais sur lentendement humain67: