Possibilité Et Existentiabilité Chez Leibniz

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Possibilité et existentiabilité chez Leibniz La métaphysique leibnizienne est un récit, une histoire: celle de la réalité. L’auteur, pour nous la conter, emprunte un escalier. Sur l’horizon du nihil, il interpelle l’aliquid: pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien? Puis, sur la marche de l’aliquid, il somme l’existens: pourquoi existe-t-il telle chose, plutôt que telle autre? 1 La métaphysique leibni- zienne est un itinéraire, un parcours: celui de la possibilité vers l’exis- tence. Les égarements de l’écriture et l’inévitable dilution à laquelle est soumise toute œuvre n’ont pas permis à Leibniz de présenter une théorie unifiée de la possibilité et de l’existence, deux notions qui constituent respectivement le départ et l’arrivée de son ontologie. Les définitions sont éparpillées, les relations esquissées seulement. Il n’est pas d’édifice plus fragile et plus important à la fois. Nous examinerons ici les deux premières étapes du chemin de la possibilité vers l’existence. Quelle est la conception leibnizienne de la possibilité? Comment peut-on la définir? Après avoir étudié la possibi- lité en tant que telle, nous verrons dans quelle mesure l’existence en fait déjà partie: cette possibilité est déjà possibilité d’exister, tous les pos- sibles tendent à l’existence. C’est ce que l’on peut nommer l’existentia- bilité. Possibilité et existentiabilité posent ainsi les premières pierres d’une ontologie leibnizienne qui peut être définie comme le plus court chemin de la possibilité à l’existence 2 . I. LA POSSIBILITÉ Pourquoi commencer par la possibilité? Tout simplement parce qu’il s’agit, de l’aveu même de Leibniz, d’une notion primitive: «Ainsi de 1 Il s’agit de répondre aux deux questions fondamentales posées dans les Principes de la Nature et de la Grâce: «pourquoi il y a plutôt quelque chose que rien? (…) De plus, supposé que des choses doivent exister, il faut qu’on puisse rendre raison, pourquoi elles doivent exister ainsi, et non autrement» (Principes de la Nature et de la Grâce, §7, in Leibniz, 1996, p. 228). 2 La dernière étape, l’existence elle-même, fait l’objet d’un article distinct, intitulé «L’existence leibnizienne», à paraître dans les Archives de philosophie. Revue Philosophique de Louvain 104(1), 23-45. doi: 10.2143/RPL.104.1.2005411 © 2006 Revue Philosophique de Louvain. Tous droits réservés.

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Définition de la possibilité et étape du passage à l'existence.

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  • Possibilit et existentiabilit chez Leibniz

    La mtaphysique leibnizienne est un rcit, une histoire: celle de laralit. Lauteur, pour nous la conter, emprunte un escalier. Sur lhorizondu nihil, il interpelle laliquid: pourquoi y a-t-il quelque chose plutt querien? Puis, sur la marche de laliquid, il somme lexistens: pourquoiexiste-t-il telle chose, plutt que telle autre?1 La mtaphysique leibni-zienne est un itinraire, un parcours: celui de la possibilit vers lexis-tence. Les garements de lcriture et linvitable dilution laquelle estsoumise toute uvre nont pas permis Leibniz de prsenter une thorieunifie de la possibilit et de lexistence, deux notions qui constituentrespectivement le dpart et larrive de son ontologie. Les dfinitions sontparpilles, les relations esquisses seulement. Il nest pas ddifice plusfragile et plus important la fois.

    Nous examinerons ici les deux premires tapes du chemin de lapossibilit vers lexistence. Quelle est la conception leibnizienne de lapossibilit? Comment peut-on la dfinir? Aprs avoir tudi la possibi-lit en tant que telle, nous verrons dans quelle mesure lexistence en faitdj partie: cette possibilit est dj possibilit dexister, tous les pos-sibles tendent lexistence. Cest ce que lon peut nommer lexistentia-bilit. Possibilit et existentiabilit posent ainsi les premires pierres duneontologie leibnizienne qui peut tre dfinie comme le plus court cheminde la possibilit lexistence2.

    I. LA POSSIBILIT

    Pourquoi commencer par la possibilit? Tout simplement parce quilsagit, de laveu mme de Leibniz, dune notion primitive: Ainsi de

    1 Il sagit de rpondre aux deux questions fondamentales poses dans les Principesde la Nature et de la Grce: pourquoi il y a plutt quelque chose que rien? () De plus,suppos que des choses doivent exister, il faut quon puisse rendre raison, pourquoi ellesdoivent exister ainsi, et non autrement (Principes de la Nature et de la Grce, 7, inLeibniz, 1996, p. 228).

    2 La dernire tape, lexistence elle-mme, fait lobjet dun article distinct, intitulLexistence leibnizienne, paratre dans les Archives de philosophie.

    Revue Philosophique de Louvain 104(1), 23-45. doi: 10.2143/RPL.104.1.2005411 2006 Revue Philosophique de Louvain. Tous droits rservs.

  • toutes les choses qui sont actuellement, la possibilit mme ou impossi-bilit dtre est la premire3. Ce qui, chronologiquement, se rencontredabord nest certes pas la possibilit (possibilitas) mais les possibles(possibilia); aussi faudra-t-il abstraire les dfinitions de la possibilit du comportement des possibles. En ce sens nous pouvons dire avec S. Madouas que Ce que Leibniz appelle la Possibilit (Possibilitas) cestla possibilit logique, cest la vrit des possibilia4. Puisant sa raisondtre dans le divers, la possibilit leibnizienne, si elle est une, se dclineen plusieurs modes, selon diffrents attributs: le concept est particulire-ment polysmique. Leibniz lui-mme rappelle Spinoza que les chosessont possibles en beaucoup de manires5. De ces manires nous ddui-rons cinq dfinitions. La plupart des confusions naissent de ce que lonveut rduire la possibilit lune de ces dfinitions, quand au contraireces dfinitions ne sont que des expressions, dans des modes diffrents, viades attributs diffrents, de la mme substance. Ainsi nest-il pas faux dedire, par exemple, que le critre de la possibilit est un critre logique6,mais il serait faux de nen faire quun critre logique.

    Dfinition 1 (critre logique): la possibilit est la non-contradiction

    Leibniz tablit lquivalence de la possibilit et de la non-contra-diction de deux manires: par la via positiva (la possibilit est ce quinimplique pas contradiction) et par la via negativa (limpossibilit est cequi implique contradiction). Dans quel ordre les exposer? La prioritchronologique de la via positiva nest pas suggre que par le seul bonsens: cest, dans les faits, la manire pratique par lauteur, qui souventfait suivre la dfinition de la possibilit de celle de limpossibilit7. Cestgalement, et surtout, un point de philosophie, car la racine de ce choixrside dans la prsomption de possibilit: toujours il y a prsomptiondu ct de la possibilit: cest--dire toute chose est tenue possiblejusqu ce quon en prouve limpossibilit; la possibilit est toujours

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    3 Lettre Foucher de 1676; GP I 370, 12. GP est labrviation usuelle des uvresphilosophiques, et GM celle des uvres mathmatiques, dans ldition Gerhardt. Voir labibliographie pour la rfrence exacte.

    4 S. Madouas, 1999, p. 364.5 Leibniz, 1999, p. 31.6 F. B. DAgostino, 1994, p. 246: The criterion of possibility is, then, a logical one:

    all substances are possible whose complete individual concepts do not involve logical self-contradiction.

    7 Par exemple en Thodice, II, 174, en reprenant Bayle.

  • prsume et doit tre tenue pour vritable jusqu ce quon en prouvelimpossibilit8. Commenons donc par la via positiva, lquivalencepositive de la possibilit et de la non-contradiction.

    Les occurrences dune telle quivalence peuvent se regrouper entrois formulations gnriques: Possibilis quae non est impossibilis9,Possibilia sunt, quae non implicant contradictionem10, et Possibileest quod non continet contradictiorum11. La relation dquivalence estalors signifie par trois verbes diffrents: est, implicant ou conti-net. La possibilit est, implique ou contient la non-contradiction.

    Le terme dimplication doit nous alarmer sur un point. Lquivalenceest logiquement dfinie par la double implication: (A B) x, (xA xB) (xB xA)12. Si donc lon veut montrer que limplicationdont il est question (la possibilit implique la non-contradiction) dsigneune quivalence, il faut pouvoir montrer limplication rciproque: la non-contradiction implique la possibilit, ou tout ce qui nest pas contradic-toire est possible. Le peut-on? Oui, Leibniz use galement de limplica-tion rciproque: Je demeure daccord du principe de M. Bayle, et cestaussi le mien, que tout ce qui nimplique point de contradiction est pos-sible13. Aussi pouvons-nous conclure que les diffrentes formulationsutilises par lauteur (la possibilit est, implique ou contient la non-contra-diction) sont quivalentes entre elles, ce qui dailleurs conforte linter-prtation selon laquelle limplication leibnizienne doit tre interprte entermes dinclusion, plus prcisment dinclusion du prdicat dans lesujet14. De cette manire la possibilit est ce qui nimplique pas contra-diction, et cest la raison pour laquelle lauteur peut dfinir les mondes

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    8 Lettre la princesse Elisabeth (?) de fin 1678, in Leibniz, 1940, p. 58; et Lettre Jacquelot du 20 novembre 1702 (Raisons que M. Jacquelot ma envoyes pour justifierlArgument contest de des-Cartes qui doit prouver lexistence de Dieu, avec mesrponses), GP III 444.

    9 Leibniz, 1903, p. 387, soulign par nous (spn). Voir aussi Generales Inquisitiones, 2.10 GM III 574, spn. Formulations similaires en Generales Inquisitiones, 2; en

    A VI-1 514 et 540 et A VI-2 495; Lettre Bernoulli du 21 fvrier 1699, GM III 574. A est labrviation usuelle pour les Smtliche Schriften und Briefe de lAkademie. Voir labibliographie pour la rfrence exacte.

    11 Generales Inquisitiones, 2, in Leibniz, 1903, p. 364, spn.12 A est quivalent B si et seulement si, quelque soit x, si x appartient A, alors

    x appartient B, et si x appartient B, alors x appartient A.13 GP VI 252.14 Comme le note G. Roncaglia, 1988, p. 45, aprs avoir remarqu que Leibniz

    prfre mme utiliser continet implicat.

  • possibles comme tant des sries de choses15 qui nimpliquent pascontradiction: Autant de sries de choses nimpliquant pas de contra-diction peut-on fabriquer (fingere), autant y a-t-il de mondes possibles16.

    Notons sans y consacrer de dveloppement quil en va de mmepour la via negativa, cest--dire lquivalence ngative de limpossibi-lit et de la contradiction, pour laquelle lon retrouve les formulationshabituelles: Impossibile est quod involvit contradictionem, Si Aexplicando prodit B non B, A est impossibile, ou encore Quod conti-net B non B, idem est quod impossibile17.

    Aprs avoir cit ce que Bayle prsente comme une maxime (Toutce qui implique contradiction est impossible, et tout ce qui nimpliquepoint contradiction est possible), Leibniz ajoute: ce quon vient demarquer comme une maxime est mme la dfinition du possible et delimpossible18. De cette dfinition du possible, il va dduire, la fin dela Thodice (413), le concept des mondes possibles, travers le mythede Sextus.

    Dfinition 2 (critre mtaphysique): la possibilit est lessence

    quivalence fondamentale, que lauteur tablit gnralement par ladfinition de lessence. Lessence est la possibilit: Lessence dans lefond nest autre chose que la possibilit de ce quon propose19. Lensest le possibile: tre, cest--dire possible20; TRE: terme pos-sible21. Nombreuses, effectivement, sont les occurrences o lon trouve

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    15 Lexpression systmes de choses in Leibniz, 1948, p. 315. Notre but ici nestpas de pntrer le dbat qui sest trs largement construit dans la littrature anglo-saxonneautour de la notion de monde possible et qui a conduit llaboration de vritablesPossible Worlds Semantics. Comme le montre G. Kalinowski, 1983, ces smantiquesqui se rclament de la notion leibnizienne de monde possible surinterprtent Leibniz plusquelles nen suivent le texte.

    16 Conversation avec Wagner, mars 1698, in Leibniz, 1948, p. 389.17 Respectivement Leibniz, 1903, p. 253; Leibniz, 1970, p. 56 et Leibniz, 1903,

    p. 368. Voir galement: Je dis ncessairement, cest--dire en sorte que le contraireimplique contradiction, ce qui est le vritable et unique caractre de limpossibilit. Enoutre, de mme qu limpossible rpond le ncessaire, la proposition impliquant contra-diction rpond la proposition identique, car dans les propositions, limpossible premierest: A nest pas A, de mme que le premier ncessaire est: A est A (Lettre Conring du19 mars 1678, in Leibniz, 2001a, pp. 138-139).

    18 Thodice, II, 174 (la citation de Bayle clt le 173).19 Nouveaux Essais, III, III, 15; GP V 272, orthographe corrige par nous (ocpn).20 Recherches gnrales sur lanalyse des notions et des vrits, in Leibniz, 1998,

    p. 211.21 Dfinitions (1679-1686), in Leibniz, 1998, p. 108.

  • soit lessence dfinie en terme de possibilit, soit essence et possi-bilit simplement utiliss comme synonymes (par exemple: lesessences ou possibilits en Monadologie, 44)22. Dire de la possibilitquelle est lessence, cest du mme coup dire quelle est la positivit, carlauteur tablit une seconde quivalence entre tre et positif: Le positifest identique lTRE23.

    On a donc la ligne suivante: possible tre positif. Et lon pour-rait y joindre la ralit de la manire suivante: le rel est tout ce qui estpositif, Realitas est praedicatum positivum24, cest--dire tout ce quiest, donc tout ce qui est possible.

    Dfinition 3 (critre pistmologique): la possibilit est lintelligibilitdistincte

    Il nest pas, dans les textes, question de lintelligibilit distincte,mais du pensable distinctement. Le choix, qui est le ntre, du sub-stantif intelligibilit plutt que pensabilit est motiv par des rai-sons purement esthtiques, et ne dnote en rien une diffrence entre lesdeux termes. Cest donc bien de la dmonstration de ce que la possibi-lit est lintelligibilit distincte quil sagit en montrant que le possible estle pensable de manire distincte. Pour ce faire, nous procderons en deuxtemps, en dcoupant lexpression pensable de manire distincte en songenre (le pensable) et sa diffrence spcifique (de manire distincte).

    1. Le possible nest pas seulement le pensable. Ce qui est possibleest certes pensable: Possibile est quicquid potest intelligi25. Lensemblepossible est inclu dans lensemble pensable, cest--dire que legenre du possible est le pensable. Mais cela suffit-il pour le caractriser?Oui, si le possible nest que le pensable, si donc il puise son genre, en

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 27

    22 Voir Lettre Simon Foucher, GP I 370; Definitiones, in Leibniz, 1948, I, p. 324;De iis, quae per se concipiuntur, GP I 271; Leibniz, 1903, pp. 259, 360, 259, 271, 376,392; Leibniz, 1948, pp. 325, 326; Jagodinski, 1913, p. 8.

    23 Leibniz, 1998, p. 201. Ltre est littralement ce dont le concept enveloppequelque chose de positif: Ens est, cujus conceptus aliquid positivi involvit sive quod anobis concipi potest, modo id quod concipimus sit possibile nec involvat contradictionem() (GP VII 319). Voir aussi: Ens, seu pure positivum (Leibniz, 1948, p. 325);Positivum idem est quod Ens (Leibniz, 1903, p. 356).

    24 Note sur une lettre dEckhard, GP I 226.25 Et Impossibile est quod intelligi non potest, sive quod contradictionem invol-

    vit, ut Triangulum quadrilaterum (Definitiones: aliquid, nihil, opposita, possibile, aot1688 janvier 1689?, A VI-4-A 937).

  • se confondant avec lui. Non, sil ne sy rduit pas. Pour le savoir, exa-minons la question suivante: Tout ce qui est pensable est-il possible? Larponse de Leibniz est clairement ngative: non omnia, de quibus cogi-tamus, esse possibilia26, et la raison en est que Oui sans doute on pensequelques fois des choses impossibles27 des choses impossibles, travers les expressions classiques de linfini par exemple (la vitesse la plus grande, le nombre de tous les nombres), et non limpossiblelui-mme: Cependant, au premier abord, il peut sembler que nous pos-sdons lide du mouvement le plus rapide; car nous comprenons par-faitement ce que nous disons, et nanmoins de choses impossibles nousne possdons absolument aucune ide28.

    Par cette tape que tout ce qui est pensable nest pas possible,Leibniz carte la rduction de la possibilit la simple pensabilit.Putnam fait de mme lorsquil crit: it is conceivable that water isntH2O. It is conceivable but it isnt possible! Conceivability is no proof ofpossibility29. Ainsi le possible nest-il pas seulement le pensable: il fautcomplter le genre par une diffrence spcifique.

    2. Le possible est le pensable de manire distincte. La diffrencespcifique en question est que le pensable, pour tre le possible, doit treun pensable de manire distincte. Il y a deux faons de sen apercevoir.La premire est directe. Leibniz utilise diffrents adjectifs qualificatifs,notamment parfaitement ou distinctement, pour la manifester:Jappelle possible tout ce qui est parfaitement concevable30; Possibileest quicquid clare distincteque cogitabile est*. Impossible contra31; que

    28 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    26 Colloquium cum Dno. Eccardo Professore Rintelensi Cartesiano, praesente Dni.Abbatis Molani fratre, 5 avril 1677, GP I 213.

    27 Lettre la princesse Sophie, GP IV 293, ocpn. Voir Lettres Malebranche, 22juin 1679, GP I 331 sq.; Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424; Lettre Heinrich Oldenburg, 16/26 avril 1673, GP VII 9, 28 dcembre 1675, GM I 85; DeSynthesi et Analysi universali seu Arte inveniendi et judicandi, GP VII 294; Lettre Bernouilli, GM III 535; Jagodinski, 1913, p. 8.

    28 Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424, in Leibniz, 2001b, pp. 21-23.

    29 H. Putnam, 1973, p. 709. Par opposition Wittgenstein qui, dans le Tractatus,3.02, crit: La pense contient la possibilit de ltat de choses quelle pense. Ce qui estpensable est galement possible (1961, p. 36).

    30 Lettre Bourguet de dcembre 1714, GP III 573-574, spn.31 Vorarbeiten zur Characteristica Universalis. Definitionentafel, 1671-1672,

    A VI-2 494, spn. * en note est rappele la dfinition 1: Possibile est quod non implicatcontradictionem (n. 46).

  • ces Mondes soient possibles ou, ce qui est la mme chose, intelligiblesdistinctement32; distincte cogitabile est, sive possibilis33. Et cetteclart et distinction implique vrit et certitude, car Verum est quicquidclare distincteque est. ((Certum) est quicquid clare distincteque sentitur.Seu certitudo est claritas veritatis)34.

    La seconde faon de mettre en vidence cette diffrence spcifiqueest indirecte, elle consiste transiter par la dfinition de ltre, dans lesyllogisme suivant: on sait que le possible est ltre (dfinition 2), orLTRE est le pensable de manire distincte35, donc le possible est lepensable de manire distincte. Quelle est cette manire distincte? Lencore, transiter par ltre savre utile. Ltre (comme le possible) est cequi peut tre conu: Ltre est ce qui peut tre conu propos de a, b,c, quels quils soient. Mais plus prcisment, ce qui peut tre conusans contradiction: Ltre est ce qui est conu consentienter, cest--dire en tant quil nimplique pas contradiction36. Ainsi se recoupent lestrois dfinitions de la possibilit: le possible est ltre (dfinition 2), cequi peut tre conu distinctement (dfinition 3), cest--dire ce qui nim-plique pas contradiction (dfinition 1). Possibile est quicquid distinctecogitari potest, seu cujus notio non involvit contradictionem37.

    Nous pouvons donc conclure, avec H. H. Knecht, que ce qui carac-trise le possible, ce nest pas le fait de pouvoir tre pens, () mais depouvoir tre conu de manire adquate38.

    Dfinition 4 (critre physique): la possibilit est-elle la probabilit?

    Concernant la question de savoir si la possibilit peut tre dfiniecomme probabilit, il est un dbat fameux qui a oppos, en 1971, I. Hacking et M. Wilson. Lun comme lautre, cependant, ont assimil lafaisabilit (makeability) ou facilit et la probabilit (probability, doctrine

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 29

    32 GP V 246, spn.33 Leibniz, 1903, p. 77, spn. Voir galement Lettre Louis Bourguet, dcembre

    1714, GP III 573; Meditationes de Cognitione, Veritate et Ideis, GP IV 424; Discours demtaphysique, XXIV sq., GP IV 449 sq.; Essais de Thodice, 26, GP VI 432.

    34 Vorarbeiten zur Characteristica Universalis. Definitionentafel, 1671-1672, A VI-2 493.

    35 Dfinitions (1679-1686), in Leibniz, 1998, p. 110.36 Leibniz, 1998, p. 189.37 Definitiones: aliquid, nihil, possibile, positivum, aot 1688 janvier 1689?,

    A VI-4-A 938.38 H. H. Knecht, 1981, p. 228.

  • of chances): pris comme synonymes chez Wilson (probability or makea-bility39), ils ne sont distingus chez Hacking que pour montrer commentWhat is facile in re corresponds to what is probable in mente40. Or, ilnous semble prfrable, au moins mthodologiquement, de les consid-rer distinctement, car le rsultat ne sera pas le mme pour lun et lautre:la faisabilit est indiscutable, la probabilit lest beaucoup moins.

    La faisabilit, condition quelle soit entendue comme facilit, peutsans aucun doute tre considre comme une dfinition leibnizienne dela possibilit, tout simplement parce que quelque chose de possible arriveplus facilement quune chose impossible: Quia facilius evenit aliquidpossibile quam impossibile esse41. Ainsi lauteur peut-il prendre facilitet possibilit comme synonymes: Si les ventualits sont dgale faci-lit, cest--dire dgale possibilit42. Et M. Parmentier, qui expliquequest possible ce qui comporte moins de rquisits que son contraire,note: Cette quation entre le possible et le faisable ou le ralisable (faci-lis) montre bien que la dfinition leibnizienne du probable na que peude rapport avec le possible mtaphysique. En remplaant ventualit parcondition, cette formule pourrait noncer un principe du droit constitu-tionnel43.

    La probabilit, quant elle, fait davantage problme. Certains inter-prtes, et en tout premier lieu I. Hacking, dfinissent purement et simple-ment la possibilit leibnizienne en terme de probabilit, et en font la preuvedun lien troit entre ontologie et physique: I am glad to find thatMahnke44 anticipated my interpretation, and took the probability-possibi-lity-facility-creatibility nexus as a final proof of the way that Leibniz lin-ked ontology and physics45. Ce qui pose problme nest pas tant le lien,indiscutable, que lunit interne du concept de possibilit-probabilit.Hacking sappuie sur une seule expression tire du De incerti aestimationede Leibniz, qui dfinit la probabilit en terme de possibilit: Probabilitas

    30 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    39 M. Wilson, 1971, pp. 615-616.40 I. Hacking, 1971, p. 603, qui sappuie sur Facile est valde possibile, seu cujus

    pauca sunt requisita. Quod facile est in re, id probabile est in mente (A VI-2 492).41 Elementa Juris Naturalis, 1671 (?), A VI-1 471.42 De incerti Aestimatione, sept. 1678, in Leibniz, 1995, p. 164.43 Leibniz, 1995, respectivement p. 11 et p. 164, n. 88.44 I. Hacking, 1971, p. 604, n. 4, renvoie Dietrich Mahnke, Leibnizens Synthese

    von Universalmathematik und Individualmetaphysik, Jahrbuch fr Philosophie und ph-nomenologische Forschung, VII (1925): 305-611, esp. P. 384.

    45 I. Hacking, 1971, pp. 602-604.

  • est gradus possibilitatis46. Aussi la probabilit implique-t-elle effective-ment la possibilit, et Hacking a raison de montrer comment Leibniz, decette manire, est lorigine de la tradition qui dfinira la probabilit entermes dquipossibilit47. Mais pour obtenir une quivalence, qui nous per-mettrait de parler dun concept de possibilit-probabilit ayant une unitinterne, une seule implication ne suffit pas: comme nous lavons vu tout lheure, limplication rciproque est ncessaire. Il faudrait donc montrerque non seulement la probabilit implique la (est dfinie en terme de) pos-sibilit, mais encore que la possibilit son tour implique la (est dfinie enterme de) probabilit, et cette seconde proposition est loin dtre tablie. Il est mme un argument que Wilson objecte Hacking et qui montre demanire frappante comment cette implication rciproque ne peut tre satis-faite: le combat de tous les possibles pour lexistence nimpliquant aucundegr de chance ou dindterminisme (puisquil est rgl par Dieu), ilne saurait en aucune manire y tre question de probabilit48. Aussi suivons-nous la conclusion de Wilson, contre Hacking: I do not wish to deny thatthere may have been some connection in Leibnizs mind between the tworealms of discourse. I do however doubt that the metaphysical propensi-ties of Leibnizs possibles can be either an underpinning or a reflectionof weights assigned to various alternatives in probable reasoning49. Touten reconnaissant lexistence dun lien troit entre la possibilit mtaphy-sique et la probabilit (la probabilit implique la possibilit), en labsencedimplication rciproque donc dquivalence nous refusons lunit interneque Hacking semble suggrer.

    II. LEXISTENTIABILIT

    Dfinition 5: la possibilit est possibilit dexister

    Le mot mme de possible, lorsquil est la suite de lauxiliairetre, semble appeler dj en lui lexistence50, car tre possible, dira-t-on,

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 31

    46 Notons quon retrouve la mme formule chez B. Van Fraassen, 1977, p. 159:What is probable is a gradation of the possible.

    47 I. Hacking, 1975.48 M. Wilson, 1971, p. 612.49 M. Wilson, 1971, pp. 615-616. Cest la position galement adopte par L. Krger,

    1981, pp. 58-59.50 M. Guroult, 1947, p. 63: le possible, dont le nom mme implique dj une

    rfrence, si tnue quelle soit, lexistence.

  • nest autre quavoir la possibilit dexister. A rigoureusement parler, cepen-dant, tre possible est (n) avoir la possibilit (que) dtre. Cest donc unpoint de doctrine, et non une vidence grammaticale, si, chez Leibniz, trepossible, ce nest pas avoir la possibilit dtre, mais bien dexister. Et lonen peut rendre raison en deux tapes.

    Dune part, il ne peut en tre autrement dans un systme qui identi-fie la possibilit lessence, cest--dire dans lequel tre possible est lamme chose qutre (dfinition 2). Car lexpression tre possible estalors redondante en ce quelle ne signifie rien dautre qu tre: lapossibilit ne sajoute pas ltre, elle lest. De la mme manire,lexpression avoir la possibilit dtre na absolument aucun sens, puis-quelle prsuppose un tat dans lequel ce qui a la possibilit dtre nestpas encore, tat pr-ontologique exclu par lontologie leibnizienne dontle donn, le premier niveau, qui donc nen connat pas dantrieur, estcelui de ltre possible, en tant qutre-possible, cest--dire en tant queltre et le possible ne font quun, ne sont quune seule et mme chose.Ainsi tre possible, chez Leibniz, ne peut-il se traduire par avoir lapossibilit dtre, comme le voudrait pourtant la grammaire.

    Dautre part, donc, et plutt que de se rendre lvidence grammati-cale qui traduit directement tre possible en avoir la possibilit dtre,il faut pour comprendre Leibniz passer par une tape intermdiaire: trepossible, cest avoir la possibilit de. Dire quun possible est possible, estdonc dire quil a la possibilit de. Or, de quoi, prcisment, a-t-il la possi-bilit? Dexister. Dans la doctrine leibnizienne, le possible est possible ence quil a la possibilit dexister. Cest ainsi qutre possible, pour Leibniz,nest pas autre chose quavoir la possibilit dexister.

    Nous suivons sur ce point lexcellente analyse que fait M. Heideggerdans son bref commentaire des 24 Thses mtaphysiques51:

    La possibilit dun possible est, en tant qutre, dj un exister, cest--dire se rapportant par essence lexistentia. Le possible est dj, parce quiln est quen tant que tel absolument ce quil est, quelque chose se pou-vant vouloir [Mgendes], une propension sessayer soi-mme [vorge-neigtes Sichversuchen] et ainsi un fonder et un effectuer. Ltre-possibleconu et concevable seulement partir de lessence de ltre provoque ensoi lapptition re-prsentante et cela de telle sorte que ce provoquer estdj un pro-duire au-dehors [Herausfhren] et un excuter (ex-sequi), effec-tuer [Ausfhren] de lexistentia52.

    32 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    51 M. Heidegger, 1971, pp. 350-365.52 M. Heidegger, 1971, pp. 357-358.

  • Lanalyticit de lexistence (linternalit)

    Cest en ce sens, parce qutre possible nest autre quavoir la pos-sibilit dexister, que saffirme la tendance ou la prtention du possiblevers lexistence53. Cest effectivement en vertu de ce quils contiennentdj en eux, mus par une force interne, que tous les possibles tendent lexistence, quil y a, dans les choses possibles ou dans la possibilitmme, cest--dire dans lessence, une certaine exigence dexistence, oubien, pour ainsi dire, une prtention lexistence, en un mot, que lessencetend par elle-mme lexistence54. Si cest par elle-mme que lessencetend lexistence, cest que lexistence est dj contenue55 dans la dfi-nition mme de lessence comme possibilit, qui est possibilit dexister.On peut donc parler de lanalyticit de lexistence au sens kantien din-clusion du prdicat (lexistence) dans le sujet (lessence)56.

    Vis, praetensio, exigentia et conatus ad existentiam (la nature decette internalit)

    Cette force interne se manifeste dans diffrents mots: Leibniz parlede tendance (vis), de prtention (praetensio) et dexigence (exigentia)

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 33

    53 Vers lexistence et non vers ltre, bien entendu. Il semble donc ny avoir aucunsens, dun point de vue leibnizien, parler, comme le fait J.-P. Sartre, 1943, II, I, 4, p. 136,de donner une tendance vers ltre aux possibles (spn). Cest qu cet instant lauteurne parle sans doute plus au nom de Leibniz mais, sans prvenir, en son sien propre. Si lepossible leibnizien tend vers lexistence et non vers ltre, cest parce que Leibniz nedistingue pas le possible de ltre. Mais il ne faut pas pour autant en dduire que, si le pos-sible sartrien peut tendre, lui, vers ltre et non vers lexistence, cest parce que Sartredistinguerait, lui, le possible de ltre, car la position sartrienne est sur ce point bien plusproche de Leibniz quelle nen a lair, comme en tmoigne cette explication qui, sansidentifier franchement comme le fait Leibniz le possible et ltre, nie la ralit du possible prcder ltre, et affirme du mme coup leur coexistence, sinon chronologique (ltatpossible nest pas encore), au moins ontologique: Ainsi, le possible ne saurait se rduire une ralit subjective. Il nest pas non plus antrieur au rel ou au vrai. Mais il est uneproprit concrte de ralits dj existantes. Pour que la pluie soit possible, il faut quily ait des nuages au ciel. Supprimer ltre pour tablir le possible dans sa puret est unetentative absurde; la procession souvent cite qui va du non-tre ltre en passant par lepossible ne correspond pas au rel. Certes, ltat possible nest pas encore; mais cestltat possible dun certain existant qui soutient par son tre la possibilit et le non-tre deson tat futur (ibid., p. 137).

    54 De Rerum originatione radicali, GP VII 303, in Leibniz, 2001b, p. 173, spn.55 L. Couturat, p. 14: En un mot, on peut dire que son existence est inscrite

    davance dans son essence, quelle fait partie de sa comprhension.56 Sans dire pour autant que lexistence est un prdicat ou, du moins, un vritable

    prdicat, comme nous lavons montr ailleurs (voir notre article Lexistence leibni-zienne, paratre dans les Archives de philosophie).

  • dexister (ad existentiam). La prtention pourrait tout aussi bienscrire pr-tension car, dune part, elle na de raison dtre quen tantquelle est un pr-alable ( lexistence en acte) et, dautre part, cet tatpar dfinition provisoire est effectivement une tension, tension de ltrevers lexistence: la praetensio ad existentiam du possible est une pr-tension.

    La question qui se pose demble, pour le lecteur spinoziste, est desavoir si cet effort de ltre pour persvrer non dans ltre mais dans ouvers lexistence peut tre nomm conatus. La rponse doit tre affirma-tive, sous rserve dune condition. On trouve effectivement que Leibnizlui-mme utilise lexpression conatus ad existentiam pour dsignercette tendance, dans la cinquime de ses 24 thses mtaphysiques cequi na pas chapp M. Heidegger qui en conclut que La vis a le carac-tre du conatus, de lentreprise tendant dj tenter une possibilit57.La rserve rside en ce quun tel conatus ne doit pas tre entendu en unsens strictement spinoziste, car Leibniz soppose tout aussi expressment Spinoza sur ce point: Cest tort que lauteur appelle la volontleffort de chaque chose pour persister dans son tre; car la volont a desfins plus particulires et tend un mode plus parfait dexistence. I1 a tortaussi de dire que leffort est identique lessence, tandis que lessenceest toujours la mme et que les efforts varient. Je ne saurais admettre quelaffirmation soit leffort de la raison pour persvrer dans son tre, cest--dire pour conserver ses ides. Nous avons cet effort mme sans rienaffirmer58. Le conatus ad existentiam, sil est, est donc proprementleibnizien. On peut dire de lessence quelle est un conatus envelopp, etde lexistence quelle est un conatus dvelopp: ltre, chez Leibniz, nestpas immobile, il est dynamique.

    Lexistentiabilit. Le possible existe dj, dune certaine manire. Cettemanire dexister du possible, qui nest pas encore lexistence, est lexis-tentiabilit.

    Cette prtention vers lexistence est si forte quelle signifie que lepossible existe dj, dune certaine manire, comme le prsupposeLeibniz dans cet extrait: A quoi je rponds que ni les essences ni ce quelon appelle les vrits ternelles, qui sy rapportent, ne sont fictives, maisquelles existent, pour ainsi dire, dans une rgion des ides, savoir en

    34 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    57 M. Heidegger, 1971, t. II, p. 356. Voir galement J. Moreau, 1956, p. 77.58 Rfutation indite de Spinoza, in Leibniz, 1999, p. 35.

  • Dieu lui-mme qui est la source de toute essence et de lexistence de tousles autres tres59. Les essences existent () pour ainsi dire. Or, lonpeut substituer possibles essences puisque le possible et ltre nefont quun. Donc lauteur affirme ici que les possibles existent () pourainsi dire. Voil qui, premire vue, semble contradictoire si lon tient,et cest le cas, la distinction irrductible entre tre et exister, entrepossibilit et existence. Mais la difficult sefface, la contradiction serduit en simple paradoxe, si lon comprend que lexistence-pour-ainsi-dire de tous les possibles dont il est ici question nest pas lexistence laquelle accdent seulement certains dentre eux. On distinguera doncdsormais lexistentiable de lexistant.

    Lexistentiabilit est lexistence-pour-ainsi-dire des possibles, elleest la manire pour le possible dexister par sa simple possibilit: Carlessence de la chose ntant que ce qui fait sa possibilit en particulier,il est bien manifeste quexister par son essence, est exister par sa possi-bilit60. Lexistentiabilit est, en somme, et pour reprendre les mots deHeidegger, le caractre dexistence de la possibilit61. Tous les pos-sibles sont existentiables, tous existent dune certaine manire. La ques-tion de la nature de cette manire (comment existent-ils?) revient celledu lieu: o existent-ils? Leibniz, en effet, ne reconnat lexistentiabilitdes possibles quen tant quelle est localise: dans une rgion des ides, savoir en Dieu lui-mme62. Cest parce que lentendement divin est largion des essences et des vrits ternelles63, quil est galement le lieude la prtention lexistence de ces essences, et du mme coup la condi-tion de lexistentiabilit: lexistentiable est un possible qui existe en tantet en tant seulement quil est dans lentendement de Dieu. Voil quirpond la deuxime des trois objections que J. Hostler formule en 1973 lencontre de l omne possibile exigit existere et qui consistait demander: si les mondes possibles sont seulement possibles, commentpeuvent-ils avoir une exigence actuelle?64 Les possibles ont une relleexistence in quadam ut sic dicam regione idearum, nempe in ipso

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 35

    59 De Rerum originatione radicali, GP VII 305, in Leibniz, 2001b, p. 179.60 Sans-titre, sur Descartes; GP IV 406, 1.61 M. Heidegger, 1971, t. II, p. 358.62 ibid.63 Pour appeler quelque chose possible, ce mest assez quon en puisse former une

    notion, quand elle ne serait que dans lentendement divin, qui est pour ainsi dire le paysdes ralits possibles (Lettre Arnauld, du 1er juillet 1686, GP II 55); lentendementde Dieu est la rgion des vrits ternelles (Monadologie, 43).

    64 J. Hostler, 1973, p. 282.

  • Deo65, ce qui revient interprter le omne possibile exigit existerecomme une description mtaphorique du choix divin66.

    La question se pose alors de savoir si lon doit considrer lexisten-tiabilit comme un intermdiaire entre potentia et actus, entre le possibleet lexistant. Lobjection devrait tre immdiate: lexistentiabilit ne peuten aucun cas constituer un intermdiaire entre la possibilit et lexistence,puisquelle nest autre que la possibilit elle-mme, et rien de plus. Il enva effectivement ainsi dans le rfrentiel leibnizien. On notera que les inter-prtes qui en font un intermdiaire, tel Heidegger qui crit La vis, eu gard la traditionnelle distinction de potentia et actus, y est caractrise pourainsi dire en tant quune essence intermdiaire entre lune et lautre67, lefont dans le rfrentiel aristotlicien de la traditionnelle distinction depotentia et actu68. En somme, lexistentiabilit nest pas un intermdiaireentre les notions leibniziennes de possibilit et dexistence, pour la bonneraison quelle est cette possibilit, mais peut tre entendue comme un inter-mdiaire entre les notions aristotliciennes de potentia et actus.

    Lexistentiabilit est proportionnelle la perfection

    Les possibles, on le sait, sont divers: les choses sont possibles enbeaucoup de manires69 aime rappeler lauteur. Que dire, ds lors, deleur prtention lexistence? Est-elle la mme en chacun deux? Tousles possibles tendent lexistence: prtendre que certaines essencespossdent cette inclination alors que dautres ne la possdent pas, cestavancer quelque chose sans raison, puisquil semble quen gnral onrapporte lexistence toutes les essences de la mme manire70; maisy tendent-ils galement? En droit, oui: tous les possibles tendent dundroit gal exister71. Mais en fait, non: chaque possible ayant droit deprtendre lexistence mesure de la perfection quil enveloppe72, leur

    36 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    65 De Rerum originatione radicali, GP VII 305.66 Voir J. Hostler, 1973, p. 284.67 M. Heidegger, 1971, t. II, p. 356.68 Cest moins clair chez M. de Gaudemar, 1994, p. 48, qui parle d intermdiaire

    entre la possibilit et lexistence en acte, mme si elle fait aussitt rfrence la dyna-mis aristotlicienne.

    69 Rfutation indite de Spinoza, in Leibniz, 1999, p. 31.70 Sur les vrits premires, in Leibniz, 1998, pp. 447-448.71 De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, pp. 177-179.

    Voir aussi GP VII 303, p. 173.72 Monadologie, 54.

  • tendance est proportionnelle leur perfection respective. Le mesuresignifie effectivement proportionnellement , comme en tmoigne latraduction latine de 1721, qui dira pro ratione perfectionis quam invol-vit. Quil enveloppe signifie quant lui, comme le note E. Boutroux,quil contient ltat denveloppement. Les possibles, avant le fiat divin,sont comparables des germes, o est entirement prform ltre qui estsusceptible den natre. Lexistence nest que le dveloppement de cesgermes73.

    Chaque possible, donc, enveloppe, cest--dire contient, une perfec-tion qui lui est propre. Que dire de cette perfection? Quelle est chezLeibniz comme chez de nombreux autres rationalistes de son sicle laquantit dessence ou de ralit: la perfection nest autre chose que laquantit dessence74. Spinoza, aprs Descartes, crit la mme chose:puisque pouvoir exister, cest puissance, il sensuit que plus il y a de ra-lit dans la nature dune chose, plus elle a par elle-mme de forces pourexister75. La perfection, en somme, est le principe de lexistence: demme que la possibilit est le principe de lessence, de mme la perfec-tion ou le degr de lessence (dfini par le maximum de compossibles)est le principe de lexistence76.

    Rcapitulons: tous les possibles, cest--dire tout ce qui exprimeune essence ou ralit possibles, tendent dun droit gal lexistence, enproportion de la quantit dessence ou de ralit, cest--dire du degr deperfection quils impliquent. Car la perfection nest autre chose que laquantit dessence77.

    Le caractre mcanique de lexistentiabilit

    Dans plusieurs textes, Leibniz insiste sur laspect mcanique de laprtention des possibles lexistence, en recourant ce quil appelle lui-mme une comparaison dun mcanisme mtaphysique dterminantavec le mcanisme physique des corps graves78. En voici deux mor-ceaux:

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 37

    73 E. Boutroux, notes Leibniz, 1880, p. 172, n. 3.74 De rerum originatione radicali, GP VII 303, in Leibniz, 2001b, p. 173. Voir aussi

    Perfectio est gradus < seu quantitas > realitatis (Leibniz, 1948, p. 11).75 Ethique, I, prop. 11, scolie, in Spinoza, 1954, p. 319. Voir galement et avant lui

    Descartes, Mditation III, AT IX 32-33.76 De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, p. 179.77 De Rerum originatione radicali, GP VII 303, in Leibniz, 2001b, p. 173.78 De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, p. 179.

  • toute essence ou ralit exige lexistence comme tout effort exige le mou-vement ou leffet, si bien sr rien ne lempche. () Ainsi, de mme quesur une balance chaque poids sefforce et tend sur son bras en fonction desa pesanteur, et exige de descendre, si rien nempche, et que le plus pesantlemporte, de mme chaque chose aspire lexistence en fonction de saperfection, et la plus parfaite lobtient. Par suite, tout possible existe, si unplus parfait nen empche lexistence79.

    Ainsi encore et surtout en mcanique ordinaire, de laction de plusieursgraves concourant entre eux rsulte le mouvement par lequel en fin decompte se ralise la plus grande descente. Et de mme que tous les possiblestendent dun droit gal exister, en proportion de leur ralit, ainsi tous lespoids tendent aussi dun droit gal descendre, en proportion de leur gra-vit; de mme quici se produit le mouvement dans lequel se remarque lemaximum de descente des graves, de mme le monde qui se ralise estcelui qui ralise le maximum de possibles80.

    Lauteur lui-mme introduit une objection pour lcarter aussitt etaisment: cette comparaison pche cependant en ceci que les corpsgraves pourvus de force existent vritablement, tandis que les possibili-ts ou essences, antrieurement lexistence ou hors delle, sont imagi-naires ou fictives, et que par suite on ne saurait en tirer aucune raison delexistence81. Conformment la nature existentiable des possibles enquestion, Leibniz rpond en niant leur ficticit, puisquils existent, pourainsi dire, dans lentendement divin.

    Les possibles tendent-ils rellement vers lexistence? Literalist viewversus Figurative view

    Pour certains commentateurs, les possibles leibniziens ne tendentpas rellement vers lexistence, mais seulement mtaphoriquement stratagme que lauteur utiliserait pour signifier plus abstraitement quelessence tend vers lexistence. Cest ce que lon nomme la Figurativeview . Nicolas Grimaldi lexprime ainsi:

    En effet, ce ne sont pas les pures essences ou les purs possibles qui tendenten soi lexistence. Cest seulement la volont de Dieu qui tend faireexister chacun deux proportion de la perfection quil renferme. Le rsul-tat tant dailleurs le mme, Leibniz peut bien mtonymiquement attribuer leffet les caractres de la cause; tout se passe finalement comme si lessence (tendait) par elle-mme lexistence. Leibniz prend soin

    38 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    79 Remarques gnrales, in Leibniz, 1998, p. 455.80 De Rerum originatione radicali, GP VII 304, in Leibniz, 2001b, pp. 177-179.81 De Rerum originatione radicali, GP VII 304-305, in Leibniz, 2001b, p. 179.

  • cependant de prciser le caractre mtaphorique de ce dplacement: il ya, dans les choses possibles ou dans la possibilit mme, cest--dire danslessence, une certaine exigence dexistence, ou bien, pour ainsi dire, uneprtention lexistence (De rerum originatione radicali, trad. P. Schrecker, p. 85). Cf. aussi Thodice, 201, G. vi.236: il y a un com-bat entre tous les possibles Il est vrai que tout ce combat ne peut trequidal, cest--dire il ne peut tre quun conflit de raisons dans lenten-dement le plus parfait82.

    La premire citation (de rerum) ne prouve rien: le pour ainsi direde Leibniz ne sapplique pas lexigence, ou la prtention, elle-mme,mais lusage du mot prtention pour dsigner cette exigence. Laseconde (Thodice) ne porte pas sur lexigence, mais sur la somme dela pluralit et de la rivalit de ces exigences, qui donc forment un com-bat; et lidalit du combat ne signifie pas que lexigence est mtapho-rique, mais seulement quelle nest, elle aussi, quidale.

    La Figurative view semble ainsi faire deux confusions, qui nesont pas dnues dintrt car, malgr tout, la fausset de sa conclusionest drive de deux vrits. Elle tire la non-ralit de la tendance des pos-sibles vers lexistence (son caractre mtaphorique), dune part, du faitque les possibles ne tendent pas en soi et par eux-mmes vers lexistencemais par Dieu, si lon peut dire, ce qui est exact mais nimplique pas queces possibles ne tendent pas rellement vers lexistence, moins deconfondre tendre en soi et tendre rellement, cest--dire insit etralit. Dautre part, elle tire sa conclusion du fait que cette tendance, dumme coup, nest quidale, ce qui est aussi exact, mais qui nimpliquepas davantage sa non ralit, moins de confondre idalit et non-ra-lit. Or, cest prcisment de cela que se dfend Leibniz dans la rponsequil fait Arnauld concernant la question de la ralit des substancessimplement possibles: tre idal, cest--dire tre dans lentendement deDieu, nest pas pour autant ntre quune chimre, comme nous lavonsvu prcdemment; ce nest pas davantage ntre quune mtaphore. On peut donc sen tenir une lecture littrale, dite Literalist view83.

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 39

    82 N. Grimaldi, 1980, p. 182, n. 31.83 C. Shields, 1994, p. 18, rpond Blumenfeld en lui montrant que sa critique de

    linterprtation littrale est tout entire base sur une prmisse (The literalist interpreta-tion implies necessitarianism), qui assimile fallacieusement interprtation littrale et inter-prtation ncessitariste. Or, selon Shields, la Literalist view nest pas forcment ncessi-tariste. Le ncessitarisme est la thse selon laquelle chaque existence est ncessaire (voirL. Pea, 1997, p. 429: According to Leibniz existence, every existence, is necessary.That is why he defines () ens as possible), par opposition au contingentisme (voir parexemple Robinet et J. Skosnik, 1980).

  • CONCLUSION

    De lexistentiabilit lexistentialisme

    Lexistentiabilit est le moyen terme dun syllogisme implicite quiidentifie dune certaine manire lessence lexistence: (1) lessence estidentifie lexistentiabilit. Lexistentiabilit est tellement essentielle lessence quelle lest: la nature de la possibilit ou de lessence est deprtendre lexistence84. (2) Or, lexistence est identifie lexistentia-bilit. A propos de la proposition que tout possible prtend exister,Leibniz note effectivement en marge: Si lexistence tait autre chosequune prtention de lessence, alors elle aurait elle-mme une essence etquelque chose de nouveau viendrait sajouter aux choses, propos de quoion pourrait nouveau se demander si cette essence existe ou nexiste paset pourquoi celle-ci plutt que celle-l85. (3) Donc, dune certaine manire,lessence et lexistence sont identifies lune lautre. Et cette manire estle moyen terme qui sefface dans le syllogisme: lexistentiabilit.

    Ce rsultat na rien dexceptionnel: il est bien connu de la plupartdes interprtes. Ainsi Jalabert interprte-t-il la tendance des possibles verslexistence comme une certaine identit de lessence et de lexistence,totale en Dieu, partielle chez les cratures: Le possible logique est unexistant virtuel; il enveloppe une certaine exigence dexistence. On peutparler dune certaine identit de lessence et de lexistence. En Dieu, cetteidentit est absolue; son essence est existence. Chez les tres contingentslessence est existence virtuelle et tendance exister en acte. Cest ladynamique des essences qui est la source des existences. Si lessencentait pas existence quelque titre, elle ne serait pas lorigine radicaledes choses86.

    Il nous semble nanmoins important dinsister sur la consquenceque lessence (la possibilit) nest du mme coup chez Leibniz absolu-ment pas indpendante de lexistence: sa prtention lexistence (son existentiabilit) lui est trop essentielle pour que lon puisse len

    40 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    84 Note en marge de Sur les vrits premires, in Leibniz, 1998, pp. 447-448.85 Sur les vrits premires, in Leibniz, 1998, p. 447.86 J. Jalabert, 1968, p. 13, renvoie Deus est Ens, de cujus essentia est existen-

    tia, GP I 212, pour lidentit totale en Dieu et De rerum originatione radicali, GP VII302, pour lidentit partielle chez les cratures. Voir aussi, p. 14: Il y a identit de ltreet de lagir; mais, dans ltre et lagir, il y a des formes et des degrs. Lexistence pro-prement dite, cest la forme suprieure de lagir, celui o lexigence dexistence spanouiten acte plein.

  • dtacher87. Cest donc juste titre que J.-L. Marion critique sur ce pointla lecture de Cassirer, qui dfend lindpendance: Cette csure peut sur-prendre dabord parce que toute la thorie leibnizienne de la possibilitvise rendre pensable le passage leffectivit en vertu de l exigencedexistence; car cest partir de soi seule que possibilitas exig[i]t exis-tentiam88. En dtachant ce point lessence de son exigence dexis-tence, Cassirer ne dforme-t-il pas la doctrine de lessence elle-mme?89.Cest effectivement dformer la thorie leibnizienne de la possibilit quede la concevoir indpendante de lexistence. Et nous allons plus loin: nonseulement lessence (la possibilit) est dpendante de lexistence, maisencore elle lui est dune certaine manire (lexistentiabilit) identifie.

    Plus gnralement, lexistentiabilit leibnizienne, cest--dire la partdexistence dans lessence, parce quelle est la manifestation dune conti-nuit entre lessence et lexistence, appelle refuser, avec J.-P. Paccioniet avant lui J.-F. Courtine90, le dualisme simpliste qui voudrait quonoppose, la suite de Ltre et lessence dE. Gilson, les philosophies delessence (essentialisme) aux philosophies de lexistence (existentia-lisme). Lexistentiabilit est la preuve quil nest pas dessentialisme leib-nizien sans existentialisme.

    Au sein mme des tudes leibniziennes, maintenant, il convient pourles mmes raisons de rejeter le dualisme que certains interprtes tablis-sent entre possibilisme et actualisme. F. Nef oppose le domaine possibi-liste, dans lequel les possibles ne sont classs que par leur prtention lexistence, et le domaine actualiste, dans lequel le possible nest pensou dcrit que relativement de lactuel, pour finalement conclure queLespace logique des possibles a donc une structure possibiliste AVANTla cration et actualiste APRES91. Lobjection est simple: moins deprsupposer que lexistence voque dans le domaine possibiliste nestpas la mme chose que lactualit voque dans le domaine actualiste,dans les deux cas le possible nest pens que relativement lexistence-actualit. Le soi-disant possibilisme, tel quil est dcrit ici, est doncabsorb par lactualisme. On peut mme aller plus loin, et mettre au dfi

    Possibilit et existentiabilit chez Leibniz 41

    87 L. Pea, 1997, p. 427: In summary, for Leibniz, essence grounds existence, butessence itself needs an existential support.

    88 Marion cite XXIV Propositiones, in Leibniz, 1903, p. 534, et renvoie en note GP VII 195 et 303.

    89 J.-L. Marion, 1990, p. 40.90 Voir notamment J.-P. Paccioni, 2002, p. 65, et J.-F. Courtine, 1990, p. 9.91 F. Nef, 1999, pp. 292-293.

  • lauteur de dfendre un possibilisme pur, pur comme la coupure quilvoque entre un avant la cration et un aprs. Car aucun moment le pos-sible nest pens indpendamment de lactuel cest--dire indpen-damment de lexistence: Je trouve aussi fort solide ce que vous ditesensuite, quon ne conoit jamais aucune substance purement possible quesous lide de quelquune (ou par les ides comprises dans quelquune)de celles que Dieu a cres92. Cest la raison pour laquelle la possibi-lit peut se dmontrer a posteriori par lexprience, cest--dire par lac-tualit: Tout ce qui est actuel, peut tre conu comme possible; cequi existe actuellement ne saurait manquer dtre possible93. Ainsi lepossible est-il apprhend par rapport lactuel. Avant la cration, sonrapport lactuel est virtuel, cest lexistentiabilit (existence en puis-sance). Aprs la cration, son rapport lactuel est actuel, cest lexistence(existence en acte). Mais dans les deux cas, donc toujours, il a un rapport lactuel. Autrement dit: il ny a chez Leibniz que de lactualisme94.

    Dpartement de philosophie Jean-Baptiste JEANGNE VILMER.Universit de MontralC.P. 6128, succursale Centre-villeMontral, QCH3C 3J7Canada

    42 Jean-Baptiste Jeangne Vilmer

    92 Lettre Arnauld du 14 juillet 1686, GP II 55.93 Respectivement Lettre Arnauld du 14 juillet 1686, GP II 55 et Lettre Thomas

    Burnett de Kemney, 1699, GP III 257 (ocpn). Notons que la possibilit peut galement sedmontrer a priori. Le texte complet de cette dernire citation est: la marque dune idevraie et relle est lorsquon en peut dmontrer la possibilit, soit a priori en donnant sesrquisits, soit a posteriori par lexprience: car ce qui existe actuellement ne saurait man-quer dtre possible. Voir aussi Je tiens que la marque dune ide vritable est quonpuisse prouver la possibilit, soit a priori en concevant sa cause ou sa raison, soit a pos-teriori, lorsque lexprience fait connatre quelle se trouve effectivement dans la nature(GP II 63). La dmonstration a priori de la possibilit de lide vraie et relle ne consti-tue en rien une objection lactualisme car lon ne peut jamais partir que dune ide vraieet relle, donc en un sens actuelle, pour chercher sa cause ou sa raison. Lactuel pr-cde toujours chronologiquement le possible: il en est la condition daccs. Voir aussi GPIV 403, GP IV 425 et GP V 272.

    94 S. Madouas, 1999, p. 386: Leibniz est actualiste et non pas possibiliste.

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    RSUM. On sait que lontologie leibnizienne trace, pour ainsi dire, leplus court chemin de la possibilit lexistence. On mesure moins que cette ligneest parcourue dtapes dont la premire, assurment, est lexistentiabilit des pos-sibles. Cet article examine dabord la conception leibnizienne de la possibilit, travers cinq dfinitions. Il analyse ensuite la nature et le rle de cette existen-tiabilit, dans ses rapports la possibilit dune part et lexistence elle-mmedautre part, pour finalement conclure sur lexistentialisme dun auteur dont onsouligne habituellement lessentialisme. De cette manire, possibilit et existen-tiabilit permettent de redcouvrir nouveaux frais tout un pan de la pense deLeibniz.

    ABSTRACT. It is well-known that Leibnizs ontology as it were traces theshortest path from possibility to existence. The fact is measured less that this lineis covered by stages, the first of which is assuredly the existentiability ofpossibles. This article first examines Leibnizs conception of possibility by meansof five definitions. It then analyses the nature and role of this existentiability inits relations to possibility, on the one hand, and existence, on the other, andconcludes finally with the existentialism of an author whose essentialism isusually emphasized. In this way possibility and existentiability make it possibleto discover again a whole area of Leibnizs thought. (Transl. by J. Dudley).

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