L’édition de la bande dessinée, -...

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Anta Diaw Agnès Vizy Aurélie Rocher Nadine Khalil PMO-2 Equipe O Dossier environnement L’édition de la bande dessinée, le paradoxe d’une expansion sans profit

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Anta DiawAgnès Vizy

Aurélie RocherNadine Khalil

PMO-2Equipe ODossier

environnement

L’édition de la bande dessinée,

le paradoxe d’une expansion sans profit

Sommaire 

Introduction…………………………………………………………………………………p.3

I) Le foisonnement mondial d’un art mineur dont l’avenir est semé d’embûches…......p.4

A. La bande dessinée : composition et enrichissement du secteur………………………………………………..….. p.4

B. L’histoire d’une réussite auprès d’un public fidèle…………………………………………………………….....… p.5

C. Les lois et normes en vigueur, entre avantage et désavantage….................................................................... p.7

II) Le marché de la bande dessinée : un marché concurrentiel avec divers acteurs…...p.8A.L’ampleur grandissante d’internet sur le marché de la BD…………………………..…………………...……..... p.8

B. La numérisation des bandes dessinées : une pratique dangereuse pour le secteur qui se développe………... p.8

C. L’harmonisation des prix de la BD empêche une non concurrence sur les tarifs de vente……………...……. p.9

D. Le pouvoir des libraires et éditeurs : des avantages significatifs……………………………………….…….….p.9

E. Les spécifiés du marché de la bande dessinée : identification des acteurs……………………….…………… p.10

III) Les acteurs du marché ont différentes manières de tirer leur épingle du jeu……p.10

A. Généralités : la stratégie de la surenchère……………………………………………………………….………..p.10

B. Dans ce contexte les grandes structures s’en sortent-elles mieux ?................................................................p.11

C. Les petites structures luttent contre la crise du secteur avec plus ou moins de succès…………………….…..p.13

D. Les sites de BD en ligne et de vente de BD ont le vent en poupe…...p.13

IV) Un marché en légère période de crise………………………………………………. p.14A. Un marché qui paradoxalement progresse tout en reculant……………………………………………………….p.15

B. Une situation engendrée par de nombreux facteurs……………………………………………………….. ……..p.16

Conclusion………………………………………………………………………………….p.18

Le cas Delcourt, « une success story »……………………...…………...………………..p.19

Le cas des Allusifs, des éditeurs qui ont fait faillite……………………..…..….……….p.21

IntroductionLe domaine de l’édition est un secteur en pleine restructuration. En effet, il est soumis

à des mutations profondes résultant notamment de l’apparition sur le marché de l’électronique, de nouveaux supports de lecture et aux récents progrès dans le domaine de la vente de livres. Dans cette optique, les entités doivent ainsi faire face à ces bouleversements en adoptant des lignes stratégiques innovantes. Plus particulièrement dans le secteur de la bande dessinée, la situation du marché est paradoxale.

Autrefois la bande dessinée était étiquetée comme étant une sous-littérature dont la

cible principale était les enfants. Désormais ce marché rencontre plus de succès auprès des adultes. Le marché de la bande dessinée représente 14% du marché de l’édition.

Depuis les années 1980, essor de la bande dessinée, le marché accueille de nouvelles séries publiées en nombre d’exemplaires toujours croissants. Cependant, malgré ce signe de bonne santé économique, depuis 2008 le marché est cruellement déficitaire. La hausse du prix de la BD est notamment due à plusieurs facteurs tels que la surproduction, le téléchargement illégal et la multiplication des versions de luxe. De plus, récemment, la hausse de la TVA n’a fait qu’accroitre ce phénomène.

Le secteur de l’édition est caractérisé par un phénomène que l’on pourrait appeler surproduction depuis quelques années. En effet, la production de bandes dessinées et l’arrivée de nouvelles œuvres sur le marché se sont multipliées, mais les ventes n’évoluent pas de façon proportionnelle à ce fait.

Il est aussi pertinent de mettre en évidence la hausse des prix de la bande dessinée qui a profondément affectée ce marché, rendant son achat difficile pour certains publics. En outre, l’apparition du manga dans les années 1980 a été une innovation importante pour le secteur de la bande dessinée, et s’est révélé être un véritable coup de pouce pour le marché.

I. Le foisonnement mondial d’un art mineur dont l’avenir est semé d’embûches

A. La bande dessinée : composition et enrichissement du secteur

1- La vitrine de la bande dessinée s’enrichit

La bande dessinée est un livre de nature mixte de part l’alliance de l’écriture littéraire et l’écriture graphique, le tout formant un ensemble complémentaire. Elle se définit comme étant une suite de dessins contant une histoire où les personnages s’expriment par des textes courts inscrits sous forme graphique au sein de bulles. Cette succession d’images peut se présenter sur des supports très variés (en planche, en illustré, en petit format, en album, etc).

En outre le produit en lui-même, les bandes dessinées les plus connues inspirent la création de nombreux produits dérivés tels que les figurines, les posters, etc. Certains héros de bandes dessinées sont également à l’effigie d’articles dits « avec licence » comme les vêtements et les articles de papeterie.

2- La composition type du secteur de l’édition

Différents profils d’éditeurs de bandes dessinées en langue française composent le secteur :

- Les grandes maisons d’édition qui doivent principalement leur succès à la bande dessinée franco-belge « classique ».

- Les éditeurs plus récents qui essayent de renouveler le genre « classique » influencé par les comics et les mangas.

- Les éditeurs spécialisés dans la bande dessinée dite d’ « auteur » mettant en avant l’autofiction intimiste.

- Les éditeurs spécialisés dans la traduction de bandes dessinées en langue étrangère (pour la plupart d’origine anglaise).

3- L’évolution d’un art très particulier

De part les moyens techniques et financiers qu’elle met en œuvre, la création d’une bande dessinée peut être assimilée à la création littéraire. Cependant, l’apparenter à un genre littéraire ou paralittéraire relèverait d’un consensus, alors qu’elle appartient de plein droit à la sphère des arts visuels.

Depuis quelques années, la mise en couleur des bandes dessinées, traditionnellement effectuée sur papier, est désormais de plus en plus souvent réalisée sur écran grâce à l’expansion de l’électronique. Mais si la palette graphique tend à remplacer les encres et la

gouache, ce saut technologique ne marque un progrès que dans la mesure où il permet un gain de temps non négligeable pour le dessinateur dans sa conception.

B. L’histoire d’une réussite auprès d’un public fidèle

1- Le succès fulgurant de la bande dessinée touche le monde entier

La bande dessinée fait son apparition dans les années 1830 avec les premiers albums de Rodolphe Töpffer. Par la suite, elle se diffuse tout au long de ce siècle dans le monde entier via les revues et journaux satiriques. La bande dessinée devient ainsi populaire à la toute fin du siècle dans les journaux américains sous la forme du comic strip, elle devient alors un produit de « masse » relativement diversifié aux Etats-Unis tandis qu’en Europe, elle est davantage réduite à l’humour et à la presse enfantine.

A partir des années 1950, la bande dessinée se développe avec l’arrivée au Japon des mangas qui ont pour public essentiellement des adultes. C’est ainsi que s’est fermée la parenthèse historique pendant laquelle la bande dessinée était réservée aux enfants prônant des valeurs morales et éducatives.

Cette distinction se remarque surtout depuis les années 1980, le public est désormais composé majoritairement d’adultes et la bande dessinée est considérée davantage comme un produit de librairie plutôt qu’un phénomène de presse. La production s’est développée et la diffusion devient beaucoup plus massive grâce au succès de certaines séries.

Evidemment, toute bande dessinée n’est pas vouée au succès. Le renouveau de la création s’incarne depuis le début des années 1990 dans la production de petites structures éditoriales indépendantes avec une production qui ne dépassent guère les 2 000 exemplaires. Cependant, c’est là qu’on trouve les auteurs les plus prometteurs de la nouvelle génération. A défaut des grands éditeurs qui cherchent essentiellement à fluctuer leurs commerces, ces auteurs font figure de modèles artistiques recherchant avant tout, la reconnaissance du grand public.

2- La bande dessinée : toujours populaire grâce à un lectorat diversifié

Afin d’observer la répartition entre le goût des lecteurs et les différentes catégories de bandes dessinées, cinq grandes familles se distinguent : albums traditionnels, séries franco-belge ou européennes, journaux d’humour et de bandes dessinées, comics et autres bandes dessinées américaines, mangas et autres bandes dessinées asiatiques, romans graphiques et bandes dessinées alternatives.

Il faut distinguer les acheteurs et des lecteurs de bandes dessinées. La majorité des acheteurs ont pour la plupart environ la trentaine et ayant une situation relativement confortable du fait que ce produit est relativement coûteux (en moyenne 20 euros). Quant aux lecteurs, les tranches d’âges sont beaucoup plus diversifiées.

Les bandes dessinées les plus lues sont les albums traditionnels (franco-belges et européens), puis les journaux d’humour et de bandes dessinées suivis de près par les comics et autres bandes dessinées américaines, ensuite les mangas et les autres bandes dessinées asiatiques, pour finir, les romans graphiques.

Plus l’âge avance, plus le lecteur s’oriente vers d’autres genres mais les albums traditionnels font exception à ce phénomène car ils attirent tous les âges. Il a même été constaté que ce sont pour la plupart des personnes âgées de plus de 40 ans qui en sont les plus friands tandis que les romans graphiques sont plus appréciés chez les jeunes adultes.

D’après le graphique ci-dessus, les plus jeunes âgés de 15 à 25 ans sont les plus grands lecteurs de bandes dessinées (60 %) à défaut des plus âgés de plus de 60 ans (15 %). Plus l’âge avance, moins les personnes sont lecteurs.

3- L’esthétisme à la française confirme le statut de « produit de luxe »

En parallèle, la bande dessinée jouit d’une plus grande considération en France que dans certains pays car bien que gouvernée par l’idéologie du marketing et de la diffusion de masse, son aspect extérieur est primordial. Cette influence inconsciente sur l’esthétisme se remarque dans l’utilisation des couleurs, du papier, etc, dont le support est souvent coûteux. Les auteurs s’attardent sur le moindre détail afin de renvoyer une image très illustrative plutôt que spontanée, pouvant refléter sa médiocrité. La bande dessinée y est ainsi considérée comme un produit de luxe et constitue une exception culturelle.

En comparaison avec l’Italie, où les fumetti italiens qui sont des fascicules vendus en gare, les comics américains ou les mangas japonais sont très peu soignés dans l’apparence et le prix est relativement peu élevé, ce qui diffère fortement de la vision française.

C. Les lois et normes en vigueur, entre avantage et désavantage

1. Loi Lang : un atout pour les éditeurs spécialisés

Parmi les lois mis en vigueur concernant le livre, une se démarque et se nomme la loi Lang. C’est une loi qui instaure depuis 1985 un prix unique du livre en France, qui doit son nom à l’ancien ministre de la culture du gouvernement Mauroy, Jack Lang. Elle a pour but de limiter la concurrence sur le prix de vente au public afin de protéger la filière et de développer la lecture.

Cette loi n’est pas une spécificité française, d’autres pays l’ont instaurée. La loi Lang édicte une politique culturelle en créant une obligation légale et générale dans le domaine au lieu de privilégier la concurrence. Elle profite essentiellement aux éditeurs spécialisés car les grands distributeurs ont la facilité de modifier les prix.

2. La hausse de la TVA pour les livres, le moral en baisse pour les commerçants

La décision d’augmenter de la TVA sur le livre papier a été prise par l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy qui passe de 5,5 % à 7 % et est en vigueur depuis le 1er janvier 2012. Elle concerne les distributeurs, les libraires et les éditeurs.

Les conséquences sont significatives sur les bénéfices des commerçants qui voient leurs ventes diminuer du fait de l’augmentation naturelle du prix du livre.

II. Le marché de la bande dessinée : un marché concurrentiel avec divers acteurs

Aujourd’hui, plusieurs acteurs se partagent le marché de la bande dessinée en France. Ces acteurs sont principalement les libraires détaillants, les grands distributeurs, et les sites de vente en ligne qui jouent un rôle primordial depuis l’essor d’internet. Etant donné la conjoncture, ces acteurs doivent s’adapter aux changements structurels afin de devenir plus compétitifs.

A. L’ampleur grandissante d’internet sur le marché de la BDTout d’abord, nous allons nous intéresser à internet qui est devenu une menace

grandissante pour les éditeurs et vendeurs de bandes dessinées, qui surveillent ce phénomène de près.

En effet, avec l’explosion d’internet de nombreux sites de ventes en ligne ont fleuris, et ce phénomène touche aussi la vente de bandes dessinées. Ces sites deviennent donc une menace et un concurrent supplémentaire pour les petits éditeurs et vendeurs. En effet, il est possible de trouver énormément d’œuvres diverses et variées sur les sites de vente en ligne, ce qui est un avantage considérable pour les acheteurs, qui n’ont en plus pas besoin de se déplacer pour pouvoir acheter.

Cependant, le manque de conseils et d’informations que peuvent apporter les vendeurs et les professionnels en magasin n’est pas un service possible pour les acheteurs en ligne.

B. La numérisation des bandes dessinées : une pratique dangereuse pour le secteur qui se développe.

Concernant la numérisation des données dans le domaine de la bande dessinée, les éditeurs ne veulent pas réitérer les mêmes erreurs que dans le milieu de la musique ou du cinéma. En effet, le développement des bandes dessinées numérisées est une menace conséquente pour le marché de la bande dessinée.

Afin de pallier ce phénomène, les acteurs ont tenté de mettre en place plusieurs solutions en vue de s’adapter aux nouvelles technologies et donc de travailler avec internet sans trop perdre en contrepartie. A titre d’exemple, Ave Comics, un catalogue de BD numériques en ligne, a mis en place un service qui permet aux lecteurs et potentiels acheteurs, de prévisualiser certains albums déjà parus, gratuitement ou en payant. Ainsi, ce système permet de séduire le client sur certaines œuvres et certains auteurs et leur donner goût à la bande dessinée si ces derniers ne sont pas des adeptes, ou tout simplement leur faire découvrir de nouvelles œuvres et de nouveaux auteurs de la BD. Cette pratique permet aux éditeurs et vendeurs de limiter les pertes en termes de profit.

Dans la même lancée, le syndicat de l’édition, afin de protéger les différents éditeurs, cherche à mettre en place une plateforme de distribution numérique commune, afin de soutenir ces derniers, et qu’ils ne soient pas lésés par l’ampleur d’internet dans le domaine de la bande dessinée.

Concernant le marché concurrentiel de la BD, l’impact des bandes dessinées numérisées est un facteur significatif, et devient un fait émergeant. Cependant, le marché n’est pas encore très répandu et l’accès à la bande dessinée sous forme numérique reste une pratique minoritaire. Seulement 14% des lecteurs de bandes dessinées âgés de 11 ans se servent d’un support numérique et 29% pour la tranche d’âge des 18-24 ans.

Finalement, par la numérisation des œuvres, se pose le problème important des droits d’auteurs qui sont bafoués et empêchent donc ces derniers de bénéficier des redevances sur leurs œuvres.

C. L’harmonisation des prix de la BD empêche une non concurrence sur les tarifs de vente

Avant 1980, date de l’adoption de la loi Lang, il était très difficile pour les petits libraires et éditeurs détaillants de faire le poids face aux structures la grande distribution. Les magasins de la grande distribution dans le domaine du livre, ayant un pouvoir important sur le marché du livre et plus particulièrement de la bande dessinée, pouvaient ainsi se permettre d’acheter en grandes quantités et de bénéficier de prix beaucoup plus intéressants que les petits éditeurs. Ainsi, les grandes enseignes étaient capables de casser les prix bien au-delà du prix concurrentiel, ce qui entrainait la perte des libraires indépendants, ne pouvant pas concurrencer.

D. Le pouvoir des libraires et éditeurs : des avantages significatifs

Au sujet des libraires détaillants, tel que Temps Libre, ils sont au nombre de 40 sur Paris à exercer cette profession, tandis qu’ils étaient tout juste 10 dans le domaine spécifique de la bande dessinée en 1980. Ce phénomène met en évidence l’importance accrue du marché de la bande dessinée qui a su se développer sensiblement en 30 ans.

L’avantage que prônent les petits libraires ou éditeurs face aux grands distributeurs est la diversité de leurs produits et surtout la spécificité de leurs articles. En effet, les libraires ont souvent des ouvrages très spécifiques ou encore rares, et peuvent davantage renseigner le client sur les spécificités et les complexités des livres de bande dessinée.

E. Les spécifiés du marché de la bande dessinée : identification des acteurs

De plus, il peut être aussi pertinent de faire la distinction entre les éditeurs professionnels et les éditeurs occasionnels sur le marché de la bande dessinée. En effet, les éditeurs professionnels vivent de leur métier tandis que les éditeurs occasionnels en font un emploi parallèle.

Sur le marché de la bande dessinée comme sur de nombreux marchés, un autre type d’acteurs sont à analyser, ce sont les multicartes. Temps Libre comme d’autres éditeurs et vendeurs, font appel à ces agents. Les multicartes sont des agents commerciaux autonomes et indépendants qui travaillent pour plusieurs sociétés à la fois.Ainsi, ces agents sont des intermédiaires entre le fournisseur et les distributeurs et ont pour mission de promouvoir les produits afin que les distributeurs soient séduits et le revendent aux clients, ce sont des potentiels concurrents. Ils sont rémunérés à la commission et doivent écouler toute la marchandise qu’on leur donne. Ils en ont généralement l’exclusivité afin de pouvoir séduire plus facilement les distributeurs.

En ce qui concerne les barrières à l’entrée du marché de la bande dessinée, elles sont quasiment inexistantes, il n’y a pas d’obstacles spécifiques pour un vendeur ou éditeur qui souhaiterait s’installer. Cela peut-il expliquer la surproduction qui caractérise le marché de la BD depuis quelques années ?

III. Les acteurs du marché ont différentes manières de tirer leur épingle du jeu.

Malgré son statut de fer de lance du secteur de l’édition depuis les quinze dernières années, comme nous l’avons vu plus haut la bande dessinée est à l’heure actuelle un secteur en crise. Malgré cela les différents protagonistes du marché développent des stratégies pour tenter de passer au travers de cette période difficile.

A. Généralités : la stratégie de la surenchère.

Il est important de mettre en évidence aujourd’hui la quantité de nouvelles séries parues chaque semaine : elles s’élèvent au nombre improbable de quinze ! Ce chiffre laisse songeur quand on sait qu’en un mois plus de 440 albums sont publiés. Cette saturation du marché de la BD, outre le fait qu’elle nous conduit à nous interroger sur la qualité tant scénaristique que graphique des œuvres, oblige les éditeurs à calculer et négocier au plus près leurs coûts pour rester bénéficiaires, avec des impacts dramatiques sur la rémunération des auteurs.

De plus ce phénomène pose le problème de l’espace de vente, devenant cher et rare du fait de cette profusion de titres. La solution est souvent et sans surprises le sacrifice des albums n’ayant pas généré le chiffre de ventes escompté. De la même manière les temps d’exposition sont eux aussi considérablement raccourcis. La hausse importante du prix moyen d’une bande dessinée (autour de 14.5 euros en 2012) ne fait que rajouter, pour les auteurs, à la difficulté de faire leurs preuves.

B. Dans ce contexte les grandes structures s’en sortent-elles mieux ?

Par « grandes structures » nous entendons les grands éditeurs de BD (principalement Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Casterman et Bamboo Edition) ainsi que la grande distribution (Carrefour, Auchan etc…) et les enseignes spécialisées (Fnac, Cultura…). Contrairement aux idées reçues les grandes structures n’auraient pas usurpé les parts de marchés des plus petites, puisqu’elles subissent elles aussi une chute des ventes de BD. Il s’agit donc bien d’un essoufflement du marché lui-même.

En effet, entre 2005 et 2011, les grandes structures occupaient tout d’abord un tiers puis un quart du total des ventes d’albums en volumes, sans compter les ventes via internet. Cette évolution n’est pas si étonnante, puisque le circuit lui-même de la grande distribution est victime d’une perte de succès du modèle de l’hyper, qui répond à ce dernier en limitant tous ses référencements.

Effectivement, le rôle de la grande surface est de fournir en nombre les produits soumis à une demande important de la part des consommateurs. Il fonctionne sur un panel limité de produits déjà populaires (comparé aux boutiques spécialisées). Il fait donc la part belle aux titres « performants » et est impitoyable pour les autres.

Pour la BD les effets sont donc contrastés puisque les œuvres « marginales » sont mises au rebut comme par exemple la série Quai d’Orsay de Christophe Blain et Abel Lanzac (chez Dargaud) qui s’est vendue deux fois plus sur internet que par les grandes structures ; ses ventes se partageaient entre les distributeurs spécialisés (48 %) et les librairies (39 %). A l’inverse certaines séries à succès ou dites « familiales » pouvaient voir dans la grande distribution un bon vecteur de ventes, puisque cette structure permettait la mise à disposition d’un grand nombre d’albums, seul moyen pour ces séries de battre des records de vente.

Pour preuve la série Boule et Bill de Roba qui voyait la moitié de ses ventes s’accomplir sur ce réseau. Entre 2006 et 2011, cette série a perdu 20% de ses ventes du fait du « déclin » des grandes surfaces. Malgré cela, les « classiques » ont encore de beaux jours devant eux, surtout grâce aux films tirés des BD, comme Tintin récemment.

Volume (en milliers) par circuit de distribution

Marché global Segment des albums

Segment des Mangas

Source : IPSOS MediaCT

C. Les petites structures luttent contre la crise du secteur avec plus ou moins de succès.

La promotion et la vente de nouvelles bandes dessinées est certes d’autant plus difficile pour ces dernières qu’elles ne disposent pas de moyens illimités.

Cependant ces structures ont un point fort que n’ont pas leurs concurrentes plus imposantes : elles s’adressent à un public plus averti et sont les seules à pouvoir présenter des talents nouveaux ; cette capacité au renouveau constitue la force vitale de tout marché, surtout dans la mesure où d’aucuns considèrent la BD comme le « neuvième art ».

En ce qui concerne les petits éditeurs, certains trouvent des moyens d’expansion comme la petite maison d'édition indépendante Bac@BD. En plus du travail de création, cette entreprise s’allie avec des distributeurs, Volumen et Diff, qui prennent sur eux la distribution, la logistique, le stockage et la gestion des commandes, ce qui permet à Bac@BD d’être présente sur toute le France et même sur certains pays francophones. Ils s’occupent même de prospecter auprès des enseignes spécialisées qui pourraient se montrer intéressées par les parutions de Bac@BD.

De plus, les petites structures ont le loisir de choisir des moyens de ventes qui leurs sont propres. Les exports, traductions vers l’étranger, enseignes spécialisées, salons et festivals ainsi que la vente au format numérique sur des plateformes de téléchargement sont autant de biais qui peuvent être adaptés ou non aux parutions, suivant leurs caractéristiques. Pour finir il est possible à ces petites structures dans certains cas d’optimiser leurs réseaux commerciaux.

Tout d’abord la participation aux divers salons et manifestations est un moyen d’augmenter la visibilité de l’entreprise et de faire connaître directement les albums au public. Pour ce faire, plusieurs méthodes sont applicables (publicité par la presse ou internet, envoi de dossiers de presse et d’albums chez des distributeurs plus importants, échanges de bannières

entre les sites internet, intervention dans les forums etc…) si l’entreprise en a les moyens financiers.

D. Les sites de BD en ligne et de vente de BD ont le vent en poupe

Les sites proposant la vente de BD d’occasions (eBay, Amazon…) ne sont bien sûr pas pour plaire aux autres acteurs du marché, qui vendent leurs albums neufs et au prix forts. Il est utile néanmoins de les citer en tant que concurrents. Mais internet propose aussi une offre de bandes dessinées qu’on pourrait considérer comme plus légitime. Comme vu dans la partie II. Il existe des sites qui, en échange du prix d’un abonnement, mettent à disposition des BD, comme par exemple la série Les autres gens disponible de cette manière.

Depuis l’annonce de sa création en 2010 au salon du livre, Iznéo, appartenant à Média Participations, montre un nouvel aspect de la vente par internet. Cette plateforme, composée initialement des cinq principaux éditeurs cités plus haut (Dargaud, Dupuis, Le Lombard, Casterman et Bamboo Edition) est un moyen pour les auteurs de vendre leurs œuvres. Ils sont libres de fixer le prix qui leur convient.

La différence tient au fait que l’éditeur compte une décote du prix du livre numérique par rapport au livre papier, qui le fait donc chuter de 50 à 70%. Pour un livre vendu à 10 euros en boutique, il sera accessible par internet pour 5 euros approximativement. Cependant les nouveautés sont vendues à un prix moins réduit pendant leur période de promotion.

Iznéo a aussi pour but de regrouper les influences conjuguées des éditeurs de petite taille pour paraître plus forts sur ce marché instable. Ce pari semble tenu puisque l’on constate que 80% de la BD francophone est représentée sur cette plateforme.

IV. Un marché en légère période de crise

Le secteur de la bande dessinée est généralement découpé en deux segments : d’un côté le segment du manga, qui regroupe toutes les œuvres de production asiatique en général, et de l’autre le reste de la production des bandes dessinées appelé le segment album.

A. Un marché qui paradoxalement progresse tout en reculant

1- Le segment album en net recul

Le marché de la bande dessinée est l’un des seuls marchés à connaître l’étrange paradoxe qui est d’être à la fois en recul et en progression. En effet, courant 2010, un ralentissement des ventes a été enregistré sur le segment des albums avec une baisse de 5,7 % des ventes en volume et une perte de 2 % des ventes en valeur selon IPSOS. 

Malgré ces chutes au niveau des ventes en volume, les recettes se maintiennent principalement grâce à l’augmentation régulière du prix moyen (+ 13, 8 % en cinq ans)

Cette politique de hausse des prix a pour principal but de compenser la baisse des ventes en volume. Etant donné que les bandes dessinées se vendent moins bien d’années en années, le prix de vente moyen est plus élevé afin de garder un chiffre d’affaire stable au cours des exercices. Elle est généralement associée à d’autres facteurs tels que la hausse de la TVA et du prix du papier.

En 2005, les ventes du segment album ont fortement chutées. En l’espace de cinq ans, une décroissance de 17% a été enregistrée. Pendant que le segment album connaissait une période noire, le segment manga, lui, s’installait sur le marché national.

2. Le segment manga touché à son tour par cette crise

L’arrivée du manga sur le marché français a permis aux acteurs du marché de cibler un public jusqu’alors délaissé : celui des adolescents.

Entre 2001 et 2008, les ventes au niveau de ce segment ont plus que quadruplés. Les bons résultats du manga permettaient donc de rééquilibré la balance face aux pertes de plus en plus dense sur le segment album : le marché de la bande dessinée reposait ainsi essentiellement sur la bonne marche de ce segment.

Ventes de mangas entre 2001 et 2011 (France)

Cependant, le marché du manga a connu les mêmes difficultés que celui des albums. En 2008, le manga termine son installation et atteint son apogée en termes de vente. Depuis, il fait face à son tour à des pertes de ventes en volumes ce qui induit la chute du marché de la bande dessinée dans sa globalité. Le seul facteur qui permet à ce marché de garder des recettes est la hausse des prix moyens de vente.

B. Une situation engendrée par de nombreux facteurs

1. Les « classiques » autrefois valeur sûre s’essoufflent

En 2001, les ventes cumulées du Top 50, que l’on retrouve chaque année dans Livres-Hebdo, sont passées de plus de 8 millions de titres, au début des années 2000, à un peu moins de 4 millions en 2011 : elles ont été divisées par deux. Mêmes les albums qui, durant la période 2001-2005 avaient été vendus à des nombres d’exemplaires record, tels qu’Astérix, ne parviennent pas à inverser la donne.

Cette situation affecte en tout premier lieu les grands groupes d’édition tels que Média Participations.

2. Une réponse inadaptée au problème : la surproduction

Pour la seizième année consécutive, le nombre de titres publiés est en augmentation. Selon l’Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée, 5 327 bandes dessinées ont été publiées en 2011, contre 5 165 en 2010.

Ce phénomène de surproduction est le fait des gros éditeurs. Afin de remédier au problème que constitue la baisse des ventes sur les deux segments composants du marché de la bande dessinée, les éditeurs adoptent une stratégie curieuse, celle d’inonder le marché. Ils ont décidé d’augmenter le nombre de sorties, en espérant que cette vague de nouveaux titres aide à pallier les pertes subit au niveau des ventes.

Rapport 2010 de Gilles Ratier, secrétaire général de l’ACBD

Dans le tableau ci-dessus, on peut constater que chacune des maisons d’éditions présentées a répondu à une baisse du nombre de ventes par une hausse des sorties. Cette stratégie mise en place par ces grands groupes du secteur de la BD n’est pas toute récente puisqu’on pouvait observer ce phénomène dés 2003.

Le problème qui apparaît ici est donc le fait que cette hausse de la production n’est pas en corrélation avec le nombre de lecteur de bandes dessinées. En effet, ces deux facteurs

évoluent dans un sens contraire. Lorsque le nombre de lecteurs diminue, celui des parutions augmente.

CONCLUSiON

Pour conclure, le marché de la bande dessinée offre une situation contrastée. En effet, le chiffre d’affaire du marché de la BD reste stable voire augmente légèrement, bien que le nombre d’exemplaires vendus en volume, lui, diminue (TVA, prix du papier, numérisation…).

Cette conjoncture est la résultante de 4 forces. Les caractéristiques de l’offre et de la vente, la concurrence, les stratégies ainsi que les performances.

La bande dessinée connait un développement certain depuis plusieurs dizaines d’années. Avec l’entrée sur le marché de nouveaux moyens de production et de nouveaux genres, la bande dessinée attire ainsi un lectorat large et très hétérogène. Du fait de son succès, ce produit devient souvent inaccessible car très coûteux. Les lois et les normes mis en place n’arrangent pas la situation, bien au contraire, les prix s’envolent.

Malgré ce contexte relativement morose les structures s’adaptent et parviennent plus ou moins à survivre. Selon qu’elles sont grandes ou petites, spécialistes ou généralistes et selon leur mode de distribution, elles fondent leurs stratégies.

Le cas Delcourt : « une success story »

Cette grosse maison d’éditions de BD, comics et manga a vu le jour en 1986, avec un apport initial de 150 000 francs, avec la parution en mai du premier album, Galères balnéaires de Cailleteau et Vatine, qui donne l’élan au fondateur de Delcourt, Guy Delcourt, ancien analyste financier reconvertis dans le journalisme spécialisé dans la BD.

Très tôt, ce connaisseur de bandes dessinées flaire le bon filon dans l’apparition en Europe des mangas ; en 2002 Delcourt publie certains titres avec le label Akata, dont les plus connus sont Fruits Basket, Le Vagabond, Nana, Global Garden. Ce coup de poker a servi à cette maison d’édition de rampe de lancement pour le développement de projets à plus grande envergure.

Toujours dans le domaine des mangas, Delcourt s’est emparée en 2005 de l’un des pionniers, Tonkam, qui représente 600 titres et 100 nouveautés par an.

En juin 2011, Delcourt réalise l’une des plus importantes opérations de son histoire en rachetant la maison d’édition Soleil, qui a elle aussi connu le succès par le biais des mangas et de l’héroïc fantasy. Déjà associés dans une structure de diffusion commune (DelSol, fondée en 2003), ces deux acteurs se voient réunis durablement.

Cette fusion offre l’avantage pour le directeur de la maison Soleil, Mourad Boudjellal, directeur du rugby club de Toulon, de laisser son affaire mal en point aux mains d’une maison aux lignes éditoriales semblables à la sienne du fait de leur précédente concurrence. Cette revente lui permet en outre de se recentrer sur son activité de dirigeant du rugby club. De la même manière cette acquisition permet à Delcourt de continuer son expansion. Par ailleurs il peut être intéressant de voir comment ces deux maisons vont fonctionner ensemble et sans aboutir à une situation de cannibalisation.

En termes de chiffres, les éditions Delcourt représentent à l’heure actuelle plus de 200 auteurs à l’origine de 1 200 titres. Le manga pèse toujours une part importante dans les publications des éditions (35% des parutions) ainsi que dans les recettes (16% du chiffre d’affaires).

Les raisons de ce succès sont multiples, selon Guy Delcourt. Tout d’abord la richesse des mangas proposés a fait la notoriété de la maison et le bonheur des lecteurs. Ensuite la qualité du produit lui-même et le souci du détail inhérent à ce dernier le rendent appréciable. Par exemple les lexiques expliquant les termes ardus et les points de culture rendent le manga authentique. Pour finir, la réussite de Delcourt réside dans un plan de communication orchestré autour de rencontres avec certains auteurs, et d’évènements (par exemple celui au Club Med World pour les 20 ans de Delcourt).

Le cas des Allusifs, des éditeurs qui ont fait faillite

Nous allons nous intéresser à une maison d’édition québécoise, les Allusifs, qui n’a pas su gérer correctement son activité et a récemment fait faillite. En effet, les documents officiels indiquent un passif de pratiquement 800 000 $.

Les Allusifs se consacrait à l’édition de romans courts, francophones ou non. L’éditeur proposait ainsi principalement des traductions étrangères, mais publiait cependant moins d’auteurs canadiens.

Brigitte Bouchard, fondatrice des éditions les Allusifs en 2001, a réalisé 80% de son chiffre d’affaire en Europe où elle y à passer plusieurs mois par an. Lors de ses voyages, elle rencontra des auteurs, des journalistes et des distributeurs afin de promouvoir l’activité de son entreprise. Cependant l’activité fructueuse n’a pas perdurée, suite à de nombreuses erreurs de gestion.

La faillite de cette édition peut s’expliquer par plusieurs points. Un nombre important de dettes en est à l’origine, s’expliquant par le coût des déplacements de Brigitte Bouchard, qui s’élèverait à près de 150 000$ du chiffre d’affaire annuel, somme que ne pouvait pas se permettre une si petite structure.Ces dépenses somptuaires abusives ont entrainé des problèmes de gestion importants et rédhibitoires.

Sous le poids des dettes, les éditions les Allusifs n’ont pas eu d’autre choix que de faire appel aux éditions Leméac qui ont racheté 55% des actions de l’entreprise en 2010. Ainsi, les éditions Leméac ont investi plus de 500 000$ en vue de résoudre les difficultés financières.

Selon Lise Bergevin, directrice des éditions Leméac, cette stratégie financière n’a pas était bénéfique puisque les Allusifs n’ont pas subsisté à la faillite. Ainsi, Leméac doit impérativement poursuivre sa politique éditoriale et ses publications afin de palier ce déficit engendré par cet investissement, et ce pendant au moins 10 à 15 ans.