Lecommerce extérieur français - CNCCEF · avec les allégements de charges du pacte de...

3
économie & entreprise Le commerce extérieur français s’est encore dégradé en 2018 L’alourdissement de la facture énergétique a pesé sur le solde commercial de la France. Dans l’Europe des vingt-huit, seul le Royaume-Uni fait pire E t de quinze ! Quinze an- nées consécutives de dé- ficit commercial pour la France. Et la balance se dégrade à nouveau. D’après les chiffres publiés par les Douanes, jeudi 7 février, le pays a importé 59,9 milliards d’euros de biens de plus qu’il n’en a exporté en 2018. Le commerce extérieur essen- tiellement les exports aurait tout de même contribué positi- vement à la croissance du pro- duit intérieur brut (PIB), à hau- teur de 0,6 point en 2018 selon l’Institut national de la statisti- que et des études économiques (Insee). Mais la performance est bien piètre, si on la compare aux 280 milliards d’euros d’excédent de l’Allemagne. C’est simple : dans l’Europe des 28, seul le Royaume-Uni fait pire que l’Hexagone. Certes,les expor- tations ont accéléré l’an passé,pro- gressant de 3,8 %.Mais la dynami- que, soutenue au quatrième tri- mestre par les livraisons d’Airbus et celle d’un paquebot, reste infé- rieure à l’évolution de la demande adressée à la France (+ 4,2 %). Tra- duction : les parts de marché des 125280 entreprises tricolores ex- portatrices n’ont pas bougé. «On observe, et c’est positif, un début de stabilisation par rapport à nos partenaires de la zone euro. Resteà voir si ça seconfirme »,sou- ligne Emmanuel Jessua, écono- miste chez Rexecode, un think tank proche du patronat. La pru- dence, en effet, s’impose : le made in France, qui n’a cesséde reculer depuis le début des années 2000, représente environ 3% des expor- tations mondiales de marchandi- ses,selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Contre 8,4 % pour les biens allemands. Une embellie se dessine-t-elle ? Pasvraiment. Si le solde commer- cial s’est révélé en 2018 un peu meilleur qu’en 2017,c’est surtout parce que les importations ont ra- lenti (3,8 % après 6,8 %). Dopées par la consommation et l’investis- sement au moment de la reprise, ellesont pâti en 2018de la faiblesse de la demande intérieure. Les en- treprises ont continué à s’équiper, mais les dépenses desménages, el- les,ont quasiment stagné l’an der- Si les entreprises françaises exportent moins, c’est parce qu’elles produisent beaucoup à l’étranger Tous droits de reproduction réservés PAYS : France PAGE(S) : 4 SURFACE : 35 % PERIODICITE : Quotidien RUBRIQUE : Économie et entreprise DIFFUSION : 275310 JOURNALISTE : Élise Barthet 8 février 2019 - Eco et Entreprise

Transcript of Lecommerce extérieur français - CNCCEF · avec les allégements de charges du pacte de...

Page 1: Lecommerce extérieur français - CNCCEF · avec les allégements de charges du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétiti-vité et l’emploi (CICE).Des

économie & entreprise

Lecommerce extérieur françaiss’estencore dégradé en2018L’alourdissement de la facture énergétique a pesésur le solde commercialde la France.Dans l’Europe desvingt-huit, seul le Royaume-Uni fait pire

Et de quinze ! Quinze an-nées consécutives de dé-ficit commercial pour laFrance. Et la balance se

dégrade à nouveau. D’après leschiffres publiés par les Douanes,jeudi 7 février, le pays a importé59,9 milliards d’euros debiens deplus qu’il n’en a exporté en 2018.Le commerce extérieur – essen-tiellement les exports – auraittout de même contribué positi-vement à la croissance du pro-duit intérieur brut (PIB), à hau-teur de 0,6 point en 2018 selonl’Institut national de la statisti-que et des études économiques(Insee). Mais la performance estbien piètre, si on la compare aux280 milliards d’euros d’excédentde l’Allemagne.

C’est simple : dans l’Europe des28, seul le Royaume-Uni fait pireque l’Hexagone. Certes,les expor-tations ont accéléré l’an passé,pro-gressant de 3,8%.Mais la dynami-que, soutenue au quatrième tri-mestre par les livraisons d’Airbuset celle d’un paquebot, reste infé-rieure à l’évolution de la demandeadresséeà la France (+ 4,2%).Tra-duction : les parts de marché des125280 entreprises tricolores ex-portatrices n’ont pasbougé.

«On observe, et c’est positif, undébut destabilisation par rapport ànos partenaires de la zone euro .Resteà voir si ça seconfirme »,sou-

ligne Emmanuel Jessua, écono-miste chez Rexecode, un thinktank proche du patronat. La pru-dence, en effet, s’impose : le madein France,qui n’a cesséde reculerdepuis le début des années 2000,représente environ 3% desexpor-tations mondiales de marchandi-ses,selon l’Organisation mondialedu commerce (OMC).Contre 8,4 %pour les biens allemands.

Une embellie se dessine-t-elle ?Pasvraiment. Si le solde commer-cial s’est révélé en 2018 un peumeilleur qu’en 2017,c’est surtoutparce que les importations ont ra-lenti (3,8 % après 6,8 %).Dopéespar la consommation et l’investis-sement au moment de la reprise,ellesont pâti en2018de la faiblessede la demande intérieure. Les en-treprises ont continué à s’équiper,mais lesdépenses desménages,el-les,ont quasiment stagné l’an der-

Si les entreprisesfrançaises

exportent moins,c’est parce

qu’ellesproduisentbeaucoupà l’étranger

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 4SURFACE : 35 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : Économie et entrepriseDIFFUSION : 275310JOURNALISTE : Élise Barthet

8 février 2019 - Eco et Entreprise

Page 2: Lecommerce extérieur français - CNCCEF · avec les allégements de charges du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétiti-vité et l’emploi (CICE).Des

nier. Résultat : un peu moinsd’achats de robots japonais, demachines-outils allemandes et,surtout, de jouets, de smartpho-nes ou de postes de télévision fa-briqués aux antipodes.

Le montant total des importa-tions aurait dû s’enressentir, maisla flambée concomitante desprixdu pétrole arenchéri la facture. En-tre février et octobre 2018,lebaril aaugmenté de35,5%,passant de 62à 84 dollars. Soit un surcoût de6,7 milliards d’euros par rapport à2017.«Sans cela, insiste Bruno deMoura Fernandes, économisteauprès de l’assureur-crédit Coface,le déficit aurait été nettementmoins important. »

Un meilleur accompagnementMais pourquoi la France peine-t-elle autant à rétablir sa balancecommerciale ? Quand le décro-chage a eu lieu, au tournant duXXI e siècle, elle souffrait, c’estvrai, d’une mauvaise compétiti-vité. Coût de production, niveaude gamme… Les produits et lesusines français ont fait les fraisde l’irruption sur la scène mon-diale des émergents, et notam-ment de la Chine. La désindus-trialisation, déjà bien amorcée,s’est accélérée. Lacrise de 2008 afait le reste. Mais depuis, des me-sures ont étéprises pour réduit lecoût du travail. Elles ont culminésous le précédent quinquennatavec les allégements de chargesdu pacte de responsabilité et ducrédit d’impôt pour la compétiti-vité et l’emploi (CICE).Des coupsd’épée dans l’eau?

Pour beaucoup d’entreprises, leCICEa surtout permis la reconsti-tution des marges. «La baisse descoûts n’a pasété vraiment répercu-tée. La compétitivité prix a plutôtstagné », selon Bruno de MouraFernandes. En outre, « les exoné-

rations de cotisations sociales pa-tronales en France ou la mise enplace du salaire minimum enAlle-magne ont principalement portésur les bas salaires », ce qui con-cerne peu les entreprises expor-tatrices, relève Sébastien Jean, di-recteur du Centre d’études pros-pectives et d’informations inter-nationales (Cépii).

D’après une note cosignée par cedernier sur « l’étonnante atonie desexportations françaises », l’Hexa-gone se distingue surtout de sesvoisins par l’internationalisationdesesimplantations industrielles.Si ses entreprises exportentmoins, c’estparce qu’elles produi-sent beaucoup à l’étranger tout enconservant en France les centresde direction et les activités de re-cherche et développement. Cefai-sant, «ellesengendrent desrevenusd’investissement nets importants,qui atteignaient 43 milliardsen2017,soit 1,9%du PIB»,selon leCépii. Des montants qui permet-tent à la balance courante (cellequi intègre les échanges de biens,deservices, de revenus et de trans-ferts avec le reste du monde) d’ap-procher l’équilibre.

Lesautorités, qui misent sur unmeilleur accompagnement, espè-rent beaucoup du rapprochemententre Business France, les cham-bres decommerce et lesrégions ausein de la Team Export France. «Iln’y a pas de fatalité, le redresse-ment est une œuvre de longue ha-leine», veut croire Alain Bentéjac,président desConseillers du com-merce extérieur. Toutefois, il y afort à parier que 2019 ne sera pasl’année du grand retournement. Sila consommation desménages re-prend, comme le laisse présager lahausse attendue de leur pouvoird’achat, ce sont les importationsqui enprofiteront. p

élise barthet

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 4SURFACE : 35 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : Économie et entrepriseDIFFUSION : 275310JOURNALISTE : Élise Barthet

8 février 2019 - Eco et Entreprise

Page 3: Lecommerce extérieur français - CNCCEF · avec les allégements de charges du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétiti-vité et l’emploi (CICE).Des

Un déficit commercial surestimé en 2017Estimé jusque-là à 63,9 milliards d’euros, le déficit commercialde la Francese serait plutôt situéaux alentours de 57,8millardsen 2017.D’où viennent cesmilliards réinjectés dans les statisti-ques ?D’une erreur dans les déclarations d’une «entreprise dela brancheaérospatiale », selon les Douanes.Lemontant desimportations de la sociétéen provenance du Royaume-Uniaurait longtemps été surestimé,explique-t-on de même source.Ledéficit commercial s’en trouve allégéde 2 milliards d’eurosen 2014,2015 et 2016.

Tous droits de reproduction réservés

PAYS : France PAGE(S) : 4SURFACE : 35 %PERIODICITE : Quotidien

RUBRIQUE : Économie et entrepriseDIFFUSION : 275310JOURNALISTE : Élise Barthet

8 février 2019 - Eco et Entreprise