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Le traitement journalistique du « printemps érable » : Comprendre les logiques agissant sur le processus de fabrication de la nouvelle Sonia Cléroux Thèse soumise à la Faculté des études supérieures et postdoctorales dans le cadre des exigences du programme de maîtrise en communication Département de communication Faculté des Arts Université d’Ottawa © Sonia Cléroux, Ottawa, Canada, 2015

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Le traitement journalistique du « printemps érable » : Comprendre les logiques agissant sur le processus de fabrication de la nouvelle

Sonia Cléroux

Thèse soumise à la Faculté des études supérieures et postdoctorales

dans le cadre des exigences du programme de maîtrise en communication

Département de communication Faculté des Arts

Université d’Ottawa

© Sonia Cléroux, Ottawa, Canada, 2015

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » ii

Table des matières

Table des matières .................................................................................................................. ii

Liste des tableaux ................................................................................................................... iv

Remerciements ........................................................................................................................ v

Sommaire ................................................................................................................................ vi

1. Introduction ......................................................................................................................... 1

2. Cadre théorique et revue de la littérature ........................................................................ 5

2. 1 Définition des concepts .................................................................................................. 5

2. 2 Les logiques influençant le processus de fabrication de la nouvelle ............................. 9

2. 2. 1 Logique idéologique ............................................................................................... 9

2. 2. 2 Logique extramédias ............................................................................................ 13

2. 2. 3 Logique organisationnelle .................................................................................... 19

2. 2. 4 Logique des routines journalistiques .................................................................... 26

2. 2. 5 Logique individuelle ............................................................................................ 32

2. 3 Une question empirique ............................................................................................... 34

2. 3. 1 Le « printemps érable » ........................................................................................ 34

2. 3. 2 Questions de recherche et hypothèse de travail ................................................... 40

3. Méthodologie ..................................................................................................................... 42

3. 1 Analyse de contenu ...................................................................................................... 42

3. 2 Entretiens semi-dirigés ................................................................................................. 47

3. 3 Les limites de notre recherche ...................................................................................... 49

4. Résultats de l'analyse de contenu ..................................................................................... 51

4. 1 La description de l'évènement ...................................................................................... 51

4. 1. 1 Les façons de qualifier l'évènement ..................................................................... 51

4. 1. 2 Les manifestants et leurs sympathisants .............................................................. 52

4. 1. 3 Le nombre de manifestants .................................................................................. 53

4. 1. 4 Le déroulement de l'évènement ............................................................................ 57

4. 1. 5 Les raisons d'être de l'évènement et les raisons d'y participer ............................. 61

4. 2 Les sources ................................................................................................................... 65

4. 3 Les mises en contexte ................................................................................................... 69

4. 4 Les inclassables ............................................................................................................ 72

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » iii

4. 5 Analyse de la couverture journalistique du « printemps érable » ................................ 72

5. Résultats et analyse des entretiens ................................................................................... 75

5. 1 L'opinion que les journalistes interrogés ont du « printemps érable » ......................... 75

5. 2 Les logiques ayant influencé les nouvelles produites par nos participants .................. 80

5. 2. 1 La logique individuelle ........................................................................................ 82

5. 2. 2 La logique des routines journalistiques ................................................................ 88

5. 2. 3 La logique organisationnelle ................................................................................ 90

5. 2. 4 La logique extramédias ........................................................................................ 96

5. 2. 5 La logique idéologique ....................................................................................... 104

5. 3 La couverture journalistique du « printemps érable », selon nos participants ........... 105

5. 4 Ce qu'il faut retenir des journalistes qui ont couvert les « manifestations du 22 » .... 108

6. Conclusion ........................................................................................................................ 110

7. Références ........................................................................................................................ 114

Annexe A : Corpus d'analyse (analyse de contenu) ......................................................... 127

Annexe B : Grille d'analyse (analyse de contenu) ............................................................ 127

Annexe C : Canevas d'entrevue ......................................................................................... 132

Annexe D : Grille d'analyse (entretiens) ........................................................................... 134

Annexe E : Aperçu des thèmes abordés (analyse de contenu) ........................................ 136

Annexe F : Certificat d’approbation déontologique ........................................................ 138

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » iv

Liste des tableaux

Tableau 1 – Aperçu des thèmes qui ont été abordés dans les articles analysés en fonction du

journal dans lequel ils sont parus .......................................................................................... 136

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » v

Remerciements

Ces quelques remerciements ne sauront jamais exprimer toute la gratitude que

j'éprouve à l'égard des personnes et des organisations qui ont contribué de près ou de loin à

l'accomplissement de cette thèse. Cela étant dit, je souhaitais tout de même les remercier.

Tout d'abord, je tiens à remercier mon directeur de thèse, Luc Bonneville, ainsi que

mes évaluateurs, Marc-François Bernier et Sylvie Grosjean. Vos révisions, vos

commentaires, vos conseils et vos suggestions de lecture m'ont été d'un grand secours.

Ensuite, je souhaite profiter de l'occasion pour remercier les huit journalistes

travaillant pour La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette qui ont accepté

de participer à cette recherche. J'apprécie sincèrement le temps que vous m'avez accordé,

d'autant plus qu'il s'agit d'une ressource limitée en journalisme.

Par ailleurs, je tiens à souligner la contribution financière du Conseil de recherches en

sciences humaines du Canada, du Régime de bourses d'études supérieures de l'Ontario, du

Fonds de recherche du Québec – Société et culture ainsi que de l'Université d'Ottawa.

Enfin, je souhaite remercier mes parents, Lynne et François, ainsi que mon

amoureux, Benoit, pour leur soutien précieux. Non seulement m'ont-ils encouragé à

poursuivre des études supérieures, ils m'ont donné la force de mener à bien ce projet qui m'a

fait passer par toute la gamme d'émotions. Merci !

Sonia Cléroux

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » vi

Sommaire

Au printemps 2012, les journalistes québécois ont largement traité du mouvement étudiant

contre la hausse des droits de scolarité. Considérant la façon péjorative dont les journalistes

traitent habituellement les mouvements sociaux et leurs activités – attitude révélée par les

études en sociologie du journalisme – nous avons voulu savoir comment certains aspects du

« printemps érable » avait été couvert par les journalistes et quelles logiques avaient

influencé en amont ce traitement journalistique. Pour ce faire, nous avons d'abord analysé le

contenu des nouvelles qui traitaient des « manifestations du 22 ». Puis, nous nous sommes

entretenus avec une partie des journalistes ayant signé ces textes. Ce faisant, nous avons

constaté que (a) ces évènements n'ont pas fait l'objet d'un traitement journalistique

dépréciatif et (b) les logiques individuelles, des routines journalistiques, organisationnelles,

extramédias et idéologiques ont influencé le processus de fabrication de ces nouvelles. Nous

pensons, en toute modestie, avoir contribué à l’avancement des connaissances en sociologie

du journalisme, tout en améliorant la compréhension de la dimension médiatique du

« printemps érable ».

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 1

1. Introduction

Au printemps 2012, le Québec a été le théâtre de nombreuses manifestations contre la

hausse des droits de scolarité au niveau collégial et universitaire annoncée par le

gouvernement alors en place. En raison de leur importance en termes de nombre de

participants, de fréquence et de durée — durant les six mois qu'a duré la grève étudiante, plus

de 400 manifestations ont été recensées (Cyr, 2012), certaines réunissant, selon les sources,

jusqu'à 500 000 personnes (Giroux, 2013) — ainsi que leur répression policière, judiciaire et

politique, ces manifestations ont fait couler beaucoup d’encre autant au Québec qu'ailleurs au

Canada et à l'international.

Avant d'aller plus loin, rappelons que déjà à l'hiver 2010, les associations étudiantes

des différents cégeps et universités du Québec avaient commencé à se mobiliser lorsque le

gouvernement avait annoncé son intention d’augmenter les droits de scolarité. En dépit des

oppositions à cette possible hausse, le gouvernement a décrété dans son budget 2011-2012

une augmentation des droits de scolarité de 1 625 $ étalée sur cinq ans à partir de la rentrée

scolaire 2012. S’en suivit une mobilisation de plus en plus soutenue qui déboucha, en février

2012, sur le déclenchement d'une grève générale illimitée par la Coalition large de

l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), suivi de la Fédération

étudiante collégiale du Québec (FECQ) et de la Fédération étudiante universitaire du Québec

(FEUQ). Malgré l'intensification de la mobilisation et l'élargissement des appuis à la cause

étudiante, le gouvernement dirigé par Jean Charest, chef du Parti libéral du Québec, a pris le

pari de ne rien concéder aux étudiants (Frappier et collab., 2012). Dans l'impasse, il

déclencha des élections qu’il perdit le 4 septembre 2012 au profit du Parti québécois, ce qui

mit fin à la grève étudiante. Bref, c'est sur fond de manifestations, de diverses actions de

désobéissance civile, d'arrestations multiples, d'injonctions et de polarisation des positions

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 2

que se déroula sur le plan social et politique le printemps 2012 au Québec. Autant d’actions

rapportées dans les médias qui ont été au cœur des débats entourant la question de la hausse

des droits de scolarité et du recours à la manifestation comme moyen de pression.

Sachant que les médias façonnent en partie notre représentation de la réalité et que les

processus de sélection et de construction des évènements qui la composent ne sont pas

totalement objectifs comme l’ont déjà montré plusieurs — dont Hall, Chritcher, Jefferson,

Clarke et Roberts (1981) dans leur étude portant sur la production sociale de la nouvelle —

de multiples questions se posent quant à la couverture journalistique du « printemps

érable »1. D'autant plus que, si l’on se réfère à Hallin (1986, p. 116-118), les journalistes

couvrent généralement différemment une situation selon qu'elle fasse l'objet d'un consensus,

qu'ils saluent, ou d'une controverse légitime, qu'ils cherchent à équilibrer, ou encore d'une

déviance, qu'ils condamnent. Considérant alors la façon dont le gouvernement au pouvoir

avait nié la légitimité politique du mouvement étudiant (Cyr, 2012, para. 15; Guilmain, Le

Saux et Thellen, 2012, p. 1; Julien, 2012, p. 157; Langlois, 2012, p. 170; Mascotto & Coutu,

2012, p. 4; Savard & Carel, 2012, p. 9; Weinstock, 2012) et le fait que le débat sur la hausse

des droits de scolarité polarisait les Québécois, il est pertinent de s’interroger à savoir

comment les journalistes ont vécu la situation en tant que professionnels de l'information

chargés de couvrir ces évènements.

Sans compter que les études en sociologie du journalisme et en sociologie des

mouvements sociaux révèlent la façon péjorative dont les journalistes traitent habituellement

des mouvements sociaux. Toujours selon celles-ci, cette attitude trouve son origine dans le 1 « Printemps érable », « conflit étudiant » et « crise étudiante » sont des expressions qui ont été employées pour désigner cette grève étudiante historique. Si certains considéraient qu'il était déraisonnable de la part des étudiants de désigner leur lutte sous le vocable « printemps érable » en référence et en révérence au « printemps arabe », nous le préférons aux expressions « conflit étudiant » ou « crise étudiante », qui semblent désigner d'office les étudiants comme étant les seuls responsables de ce conflit qui a dégénéré en crise (Boushel & Sheftel, 2012, p. 159-161; Lafontaine, 2012, p. 45).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 3

contexte idéologique et politique dans lequel les enjeux soulevés par les mouvements

sociaux s'inscrivent (logique idéologique); dans l'état des relations que les médias

entretiennent avec leurs annonceurs, leurs publics, leurs instances règlementaires et leurs

sources (logique extramédias); dans la nature des organisations médiatiques (logique

organisationnelle) et des journalistes (logique individuelle) qui les couvrent ainsi que dans

leurs routines de travail (logique des routines journalistiques).

Or, force est de constater que même les travaux qui se sont efforcés de s'intéresser à

la perspective des journalistes ont négligé de prendre en considération la marge de manœuvre

individuelle dont ces acteurs disposent (ou disposeraient) quant au traitement médiatique

d’un évènement en particulier. Ainsi, dans le cadre de cette thèse, nous souhaitons

approfondir la compréhension des logiques influençant le processus de fabrication de la

nouvelle portant sur les mouvements sociaux en considérant les journalistes comme des

« acteurs [jouissant] d'une marge de liberté à l'intérieur des contraintes qu'impose le système

et [dont les] comportements sont l'expression de stratégies rationnelles d'action » (Charron,

1994, p. 44). Ce faisant, nous souhaitons contribuer, même modestement, à l’avancement des

connaissances dans le domaine de l'étude des médias, tout en améliorant la compréhension

que nous avons d’un cas en particulier, soit celui du « printemps érable ».

Plusieurs questions méritent d’être posées : comment les journalistes d'information

québécois ont-ils traité du sujet ? Qu’ont-ils dit du « printemps érable » et pourquoi ? Quelles

interprétations pouvons-nous en tirer ? Quelles logiques ont influencé en amont le traitement

journalistique de ces évènements ? Quels en sont les enjeux ? D'ailleurs, en nous intéressant

tout autant au produit final, la nouvelle, qu'aux différentes logiques ayant pu influencer son

processus de fabrication en amont, nous tenterons de répondre aux questions de recherche

suivantes : comment le « printemps érable » a-t-il été couvert par les journalistes québécois ?

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 4

En quoi les logiques individuelles, des routines journalistiques, organisationnelles,

extramédias et idéologiques, en prenant appui sur ce qu’ont vécu les journalistes québécois

appelés à couvrir les évènements, ont-elles influencé le processus de fabrication des

nouvelles portant sur les manifestations étudiantes ? Voilà autant de questions auxquelles

nous tentons de répondre dans le cadre de cette thèse en communication.

Notre thèse comporte six chapitres. Au chapitre 1 (« Introduction ») nous

contextualisons notre objet de recherche et présentons nos questions de recherche ainsi que la

contribution que nous envisageons faire à l'avancement des connaissances (dans les limites

d’une thèse de maîtrise). Au chapitre 2 (« Cadre théorique et revue de la littérature »), nous

définissons les concepts fondamentaux qui structurent le cadre théorique de notre recherche

et présentons une revue des principaux travaux en sociologie du journalisme ainsi que ceux

traitant des rapports entre les médias et les mouvements sociaux. Ce qui nous amène à

contextualiser les évènements du « printemps érable » et à formuler nos questions de

recherche en ce sens. Au chapitre 3 (« Méthodologie »), nous décrivons et justifions la

stratégie de recherche et les instruments de collecte de données mobilisés. Par ailleurs, nous

présentons les limites ainsi que la portée de notre méthodologie. Au chapitre 4 (« Résultats

de l'analyse de contenu ») et au chapitre 5 (« Résultats et analyse des entretiens »), nous

présentons les résultats de nos analyses. Enfin, au chapitre 6 (« Conclusion »), nous

présentons un sommaire de nos résultats, suivi d'une discussion de leur implication et ce

faisant d'une réflexion quant à aux limites de notre recherche et aux perspectives de

recherches futures.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 5

2. Cadre théorique et revue de la littérature

Comme nous l’avons évoqué en introduction, nous souhaitons approfondir la

compréhension des logiques influençant le processus de fabrication de la nouvelle portant sur

les mouvements sociaux en considérant les journalistes comme des acteurs stratégiques. Pour

ce faire, nous proposons d'abord de définir les concepts fondamentaux qui structurent le

cadre théorique de notre recherche. Ensuite, nous présenterons une revue des principaux

travaux qui traitent de la question. Ce qui nous amènera, enfin, à contextualiser les

évènements du « printemps érable » et à formuler nos questions de recherche en ce sens.

2. 1 Définition des concepts

Comme nous le remarquions précédemment, constatant que même les travaux qui se

sont efforcés de s'intéresser à la perspective des journalistes ont négligé de prendre en

considération leur marge de manœuvre2, nous avons, comme Charron (1994), fait appel à la

théorie de l'acteur stratégique de Crozier et Friedberg (1977). Selon cette théorie, les acteurs

stratégiques sont des individus qui, en contexte organisationnel, orientent leurs

comportements en fonction « des opportunités qui s'offrent à [eux et] des contraintes qui sont

les [leurs] » dans le but maintenir ou de renforcer leur capacité d'agir et, par conséquent, leur

pouvoir (p. 39). Si ces objectifs ne sont pas toujours clairs ou cohérents, les comportements

des acteurs, eux, sont toujours rationnels en ce sens qu'ils se rapportent « à des opportunités

et à travers ces opportunités au contexte qui les définit [ainsi qu'] au comportement des

autres acteurs, au parti que ceux-ci prennent et au jeu qui s'est établi entre eux » (Crozier &

Friedberg, 1977, p. 47). Ainsi, les actions des acteurs sont indissociables du contexte

2 S'il est vrai que la marge de manœuvre des journalistes est moins grande lorsqu'ils couvrent des manifestations, nous partageons l'avis de Champagne (1984 et 2000) à savoir que ce genre d'occurrences doit tout de même être transformé en évènements, puis en nouvelles. Ce qui laisse une certaine marge de manœuvre aux journalistes d'information.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 6

organisationnel. Non seulement les relations qui s'établissent entre les acteurs façonnent

l'organisation, considérée comme un construit social, mais les structures et les règles qui

régissent son fonctionnement délimitent les zones d'incertitude que les acteurs tentent de

maitriser afin de maintenir ou de renforcer leur capacité d'agir et, par le fait même, leur

pouvoir. Effectivement, selon Crozier et Friedberg (1977), « le pouvoir réside [...] dans la

marge de liberté dont dispose chacun des partenaires engagés dans une relation de pouvoir,

c'est-à-dire dans sa possibilité plus ou moins grande de refuser ce que l'autre lui demande »

(p. 59-60). Cette marge de liberté, l'acteur l'acquiert par la maitrise (a) d'une compétence

particulière ou d'une spécialisation fonctionnelle, (b) des relations entre l'organisation et son

environnement, (c) des communications et des informations ou (d) du fonctionnement de

l'organisation (Crozier & Friedberg, 1977, p. 71).

Ce qui rejoint l'étude d'Ericson, Baranek et Chan (1987) qui a permis d'établir que les

journalistes qui ont assimilé, ce qu'ils nomment, le vocabulaire des précédents peuvent se

ménager une marge d'autonomie en utilisant les contraintes structurelles et circonstancielles

à leur avantage (p. 349). Selon leur définition, le vocabulaire des précédents se réfère au

savoir que les journalistes acquièrent au gré de leur expérience et des interactions qu'ils

entretiennent avec leurs collègues, leurs supérieurs, leurs sources et leur public, ajouterons-

nous, qui de nos jours sont plus réactifs que jamais. Ce savoir leur permet à la fois (a) de

reconnaitre les évènements dignes d'intérêt, (b) de collecter les informations et les

témoignages nécessaires à leur explication, (c) de traduire les données recueillies dans un

format qui répondent aux besoins et aux normes de l'organisation et (d) de justifier leurs

choix auprès de leurs collègues, leurs supérieurs et leurs sources (p. 348).

Par ailleurs, en abordant les différentes influences qui façonnent le contenu

médiatique (Shoemaker & Reese, 1991) en termes de « logiques », au sens sociologique de

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 7

« logique d'action », nous réaffirmons la marge de manœuvre individuelle des journalistes.

En effet, selon la définition d'Amblard, Bernoux, Herreros et Livian (2005, p. 198-199), les

logiques d'action font référence « aux choix opérés par l'acteur et [rendent] compte de ce qui

les fondent ». Par conséquent, il assimile la conduite humaine à « l'expression et la mise en

œuvre d'une liberté, si minime soit-elle » (Crozier & Friedberg, 1977, p. 39). Alors que le

concept d’« influence », selon la définition du logiciel Antidote (2012), renvoie à l'« action

qu’exerce quelque chose sur quelqu’un ». Ce qui, à notre sens, assimile la conduite humaine

« au produit mécanique de l'obéissance ou de la pression des données structurelles » (Crozier

& Friedberg, 1977, p. 39).

Du reste, « [la] sociologie des logiques d'action renvoie à cet effort d'analyse qui vise

à rendre compte des différents niveaux où s'enracinent les comportements des acteurs —

seraient-ils contradictoires » (Amblard et collab., 2005, p. 203). Ce qui concorde avec

l'approche que nous privilégions, puisque les logiques, parfois convergentes et parfois

contradictoires, qui agissent sur le processus de fabrication de la nouvelle se situent à

différents niveaux. Qu'il s'agisse de l'idéologie dominante, soit une vision du monde qui

assimile les intérêts de la classe exécutante aux intérêts de la classe dominante (logique

idéologique), des sources, des publics, des annonceurs et des instances règlementaires qui

font pression sur les journalistes et leurs employeurs (logique extramédias), de leur

appartenance à une organisation spécifique (logique organisationnelle), de leurs routines de

travail (logique des routines journalistiques), ou encore de leur personnalité propre (logique

individuelle). Ainsi, par « processus de fabrication de la nouvelle », nous entendons

l'opération par laquelle un évènement est sélectionné et transformé en nouvelle dans le cadre

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 8

d’un processus d’interprétation lui-même façonné par les logiques dont nous venons de

parler.3

La « nouvelle », quant à elle, est un genre journalistique à part entière. Si son contenu

varie, sa structure demeure prévisible (Park, 1976, cité dans Charron & Lemieux, 1991, p. 6).

Effectivement, la nouvelle respecte un certain format, son titre se veut accrocheur et son

amorce intéressante, le corps de la nouvelle doit se conformer à la technique de la pyramide

inversée et comprendre des citations ainsi que des formules-chocs (Charron, 1994, p. 59-60).

Afin de privilégier sa lisibilité et son intelligibilité, la nouvelle puise dans le vocabulaire

courant, s'appuie sur une syntaxe simplifiée (Kientz, 1971, p. 87-89), ignore « les causes et

les origines historiques et structurelles des évènements », en plus d'en personnaliser et d'en

dramatiser les enjeux (Charron, 1994, p. 59-60). Enfin, si d'ordinaire, elle transmettait de

l'information « pure et dure », dorénavant elle peut subir une coloration éditoriale (Watine,

2005, p. 48-49). Ce qui fait dire à plusieurs chercheurs, dont Champagne (2000), Charron

(1994, p. 10), Charron et Lemieux (1991, p. 6), Fishman (1980, p. 13) et Tuchman (1978,

p. 12), que la nouvelle est une co-construction des journalistes et de leurs sources.

Considérant ceci et le fait, comme nous l'avons évoqué en introduction, que les médias

façonnent en partie notre représentation de la réalité, il est pertinent de s’interroger à savoir

comment les journalistes ont vécu la situation en tant que professionnels de l'information

chargés de couvrir ces évènements. D'autant plus que les études en sociologie du journalisme

3 Si la théorie de l'acteur stratégique de Crozier et Friedberg (1977) semble privilégier la notion de « logiques d'acteur », nous avons préféré aborder les différentes influences qui façonnent le contenu médiatique en termes de « logiques d'action ». Effectivement, pour reprendre Amblard et collab. (2005), « en situant les logiques chez l'acteur et non dans l'action, [on] met l'accent sur une dimension assez statique. [...] C'est pourquoi il nous semble préférable de parler de logiques d'action, les logiques pouvant évoluer en fonction des actions envisagées et non être définies à partir des acteurs pris en eux-mêmes. » (p. 200-201) Ainsi, le concept des logiques d'action tient autant compte de l'acteur que de la situation d'action.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 9

et en sociologie des mouvements sociaux révèlent la façon péjorative dont les journalistes

traitent habituellement des mouvements sociaux.

Enfin, selon Neveu (2011, ch. 1), un mouvement social se reconnait à la volonté

affirmée des individus appartenant à une même catégorie sociale (ou à différentes catégories

sociales ayant des intérêts communs, ajouterons-nous) d'agir collectivement contre un

adversaire sur une question sociale. Si cette définition se veut aussi large, c'est que les

objectifs, les tactiques ainsi que le degré d'organisation, d'institutionnalisation et de

politisation des mouvements sociaux varient considérablement.

2. 2 Les logiques influençant le processus de fabrication de la nouvelle

Les logiques influençant le processus de fabrication de la nouvelle s'expliquent

suivant différentes approches ou perspectives théoriques. Pour les besoins de cette thèse, en

nous appuyant sur les travaux de plusieurs auteurs4, nous allons identifier celles qui jouent

un rôle central dans le processus de fabrication de la nouvelle portant sur des mouvements

sociaux, comme celui qui a donné naissance au « printemps érable ».

2. 2. 1 Logique idéologique

Selon Croteau et Hoynes (2003, ch. 5), Gingras (2009, ch. 1), Hall, Chritcher,

Jefferson, Clarke et Roberts (1978, ch. 3 et 7) ainsi que Shoemaker et Reese (1991, ch. 9), les

auteurs qui se situent dans une approche critique vont essayer de mettre en lumière les

logiques idéologiques qui sous-tendent le processus de fabrication de la nouvelle, en

montrant que celle-ci opère une reproduction de l'idéologie dominante qui viserait à assurer

4 Notamment, Adler et Mittelman (2004), Boykoff (2006), Boyle, McLeod et Armstrong (2012), Champagne (1984, 2000), Charron, Lemieux et Sauvageau (1991), Cohen et Young (1981), Cottle (2008), Croteau et Hoynes (2003), Ericson, Baranek et Chan (1987), Gamson et Wolfsfeld (1993), Gatchet et Cloud (2012), Gingras (2009), Gitlin (1980), Golding et Murdock (1996), Greenberg (2004), Hall (1981), Hall et collab. (1978, 1980), Halloran, Elliott et Murdock (1970), Herman et Chomsky (2002), Langelier (2012), McLeod (2007), McManus (2002), Morley (1981), Murdock (1981), Neveu (1999, 2010), Rock (1981), Schlesinger (1992), Shoemaker et Reese (1991, 1996), Smith et collab. (2001) et Tuchman (1978).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 10

le statu quo sur les plans économique, culturel, social et politique. Issue originellement des

travaux de Marx (1857, 1974), de Gramsci (1971) et de l’École de Francfort, les approches

critiques expliquent que le pouvoir s'exerce par la production, la reproduction et la

circulation d'une certaine idéologie définie par ceux qui détiennent le pouvoir et consentie

par ceux qui le subissent, plutôt que par l'usage de la force. Croteau et Hoynes (2003)

définissent l'idéologie comme étant « un système de significations qui contribue à définir et à

expliquer le monde et qui rend des jugements de valeur sur ce monde » (p. 159, traduction

libre). Autrement dit, la classe sociale qui détient le contrôle des moyens de production

matérielle et idéologique est en mesure de construire une vision du monde qui assimile les

intérêts de la classe exécutante à ses intérêts particuliers. Ainsi, cette domination idéologique

semble non seulement être consentie par la majorité, elle apparait comme « universelle (ce

que tout le monde veut) et légitime (obtenue sans faire l'usage d'une force coercitive) » (Hall

et collab., 1978, p. 216, traduction libre). Si elle n'est pas figée, il n'en demeure pas moins

qu'en maintenant un certain ordre politique, juridique et social au service du capitalisme, elle

naturalise les inégalités de tout ordre et occulte l'aspect économique des rapports de classe.

Assorties à l'étude des médias, les approches critiques affirment que les conglomérats

médiatiques propagent une idéologie capitaliste empreinte de libéralisme (Adorno &

Horkheimer, 1947; Althusser, 1970; Kellner, 1990, cités dans Gingras, 2009, p. 47-49). Non

seulement prônent-ils le système politique et économique qui sous-tend cette idéologie —

puisque leurs propriétaires, qui appartiennent à la classe dirigeante, ne souhaitent pas voir

l'ordre des choses les favorisant être perturbé — leur pouvoir et leur prestige dépendent

également de l'existence de ce même système. Effectivement, selon Gitlin (1980, ch. 10), en

tentant d'augmenter leur marge de profits, les propriétaires de ces conglomérats médiatiques

vont mettre en œuvre des opérations qui, au final, renforcent leur légitimité et leur stature et

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 11

affectent la nature de l'information. De fait, ces opérations, qui visent à élargir leur public en

produisant un certain type de nouvelles qui a l'avantage de plaire à un plus grand nombre

d'individus, s'alignent sur la norme d'objectivité journalistique et les pratiques qu'elle prévoit.

Ce qui leur permet de revendiquer leur légitimité (en se déclarant objectifs) et de la conforter

(en fonction de l'étendue de leur public, puisque les médias les plus lus, écoutés ou regardés

sont considérés de meilleure qualité [Champagne, 2000, p. 424]), sans nier la légitimité de

l'idéologie qu'ils propagent.

Maintenant, pour aborder la question des mouvements sociaux en regard de la

logique idéologique, il nous faut examiner deux courants de recherche relevant des

approches critiques, soit l'économie politique et les cultural studies.

Considérant l'évolution des relations qui se sont établies entre les industries

culturelles et les pouvoirs politiques et économiques (cf. Schiller, 1989), les chercheurs qui

s’inscrivent dans une perspective d’économie politique affirment que les conglomérats

médiatiques sont aux mains de la classe dirigeante et que, par conséquent, leurs produits

favorisent le maintien de l'ordre établi (Golding & Murdock, 1996; Gingras, 2009, ch. 1;

Herman & Chomsky, 2002; Schiller, 1989; Shoemaker & Reese, 1991, ch. 9). Que ce soit en

influençant le choix des sujets ou la façon dont ils sont abordés, le fait que les médias soient

au service des élites politiques et économiques pèse sur le processus de fabrication de la

nouvelle (Golding & Murdock, 1996, p. 14).

Pourtant, selon Herman et Chomsky (2002), l'ascendant que la classe dirigeante

exerce sur les médias n'incite pas nécessairement ces derniers à offrir des produits simples ou

sans nuance et homogènes ou uniformes. Non seulement les journalistes disposent-ils d'une

certaine autonomie, la politique d'information d'une organisation médiatique peut être

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 12

contournée. Par ailleurs, il n'est pas impossible que celle-ci puisse permettre la présentation

de certaines opinions divergentes. Toutefois, comme ils le disent si bien :

The beauty of the system [...] is that such dissent and inconvenient information are

kept within bounds and at the margins, so that while their presence shows that the

system is not monolithic, they are not large enough to interfere unduly with the

domination of the official agenda. (p. xii)

Ce qui est d'autant plus vrai lorsque les médias couvrent des mouvements sociaux qui

critiquent ou s'opposent aux valeurs individualistes, capitalistes ou libérales en vogue en

Occident (Abercrombie, Hill & Turner, 1980, cité dans Jackson, Nielsen & Hsu, 2011, p. 49-

50; Charron, Lemieux & Sauvageau, 1991, p. 210).

Cependant, Cottle (2008) soutient que les rapports entre les médias et les élites

politiques ainsi que la façon dont ils couvrent leurs priorités varient en fonction du contexte

politique :

les médias vont indexer leurs positions [à celles des élites politiques] selon le degré

de consensus ou de dissension au sein de l'élite (Bennett, 1990), le niveau de certitude

ou d'incertitude politique (Robinson, 2001), le succès ou l'échec des stratégies [...]

déployées par les gouvernements (Entman, 2004), ainsi que le succès [ou l'échec des

stratégies] de l'opposition politique (Wolfsfeld, 1997). (p. 857, traduction libre)

Quant à ceux qui adhèrent à la perspective des cultural studies, ils ont démontré, en

s'intéressant au phénomène de la construction du sens (Golding & Murdock, 1996, p. 12),

que « les médias adoptent généralement les présupposés dominants et s'appuient sur une

vision du monde issue du sens commun » (Croteau & Hoynes, 2003, p. 168, traduction

libre). En effet, ils soutiennent que le langage employé par les médias (Hall et collab., 1978,

p. 61, 1981, p. 344-345), comme l'espace alloué à certains types d'évènements (Rock, 1981,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 13

p. 66) et la disposition des nouvelles (Ericson et collab., 1987, p. 325) découlent d'une vision

consensuelle de la politique et de la société que les médias assument partager avec leur

public (Hall et collab., 1978, p. 61, 1981, p. 344-345). En conséquence, ils privilégient la

résolution de désaccords politiques et économiques par des moyens légitimes et

institutionnels plutôt que par le recours au conflit ouvert, caractérisé par la confrontation

extraparlementaire et la désobéissance civile (Hall, 1981, p. 151-152).

Pourtant, selon Neveu (1999, p. 57; 2010, p. 258), les formes d'action collective

(pétitions, rassemblements et manifestations) sont non seulement en expansion, elles sont de

moins en moins perçues par le public comme étant incompatibles et contraires à l'exercice

démocratique. Par ailleurs, Cottle (2008), en s'appuyant sur les conclusions d'Altheide

(2006), Bauman (2007), Beck (1999), Furedi (2002) et Giddens (1991), soutient qu'un

nombre croissant d'individus sont prêts à manifester pour différentes raisons (p. 862). Ce qui

contribue à banaliser et à légitimer les actions des mouvements sociaux ainsi qu'à empêcher

la tenue d'un discours médiatique systématiquement dépréciatif à leur égard (Neveu, 1999,

p. 57).

2. 2. 2 Logique extramédias

Selon Shoemaker et Reese (1991, p. 5, ch. 8), l'approche du marché, l'approche de la

responsabilité sociale ainsi que l'étude des relations sources-médias ont permis de cerner la

logique extramédias, comme nous serons à même de le constater dans les paragraphes

subséquents. Suivant cette logique, des acteurs externes à l'organisation médiatique, tels les

sources, les publics, les annonceurs et les instances législatives, influencent le processus de

fabrication de la nouvelle.

L'approche du marché, décrite par McManus (2002), amène à constater l'influence

des propriétaires ou des actionnaires (dont nous discuterons plus loin), des annonceurs et des

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 14

publics (en tant que commodités vendues aux premiers) sur le processus de fabrication de la

nouvelle. Considérant que « la publicité constitue généralement 60 % de l'espace dans un

journal, sans compter l'espace dédié aux sections voyages, loisirs, divertissement, sports et

autres qui servent directement les intérêts des annonceurs » (Smith, 1980, p. 11; Royal

commission on newspapers, 1981, p. 69, cités dans Ericson et collab., 1987, p. 33, traduction

libre), il convient d'affirmer que la survie et la rentabilité d'une organisation médiatique en

dépend. Par conséquent, le processus de fabrication de la nouvelle est devenu le résultat

d'une analyse coûts-bénéfices visant à réduire les coûts de production et à augmenter les

revenus publicitaires (McManus, 2002, p. 271). De ce fait, les organisations médiatiques

tentent de satisfaire leurs annonceurs ou, à tout le moins, de ne pas les indisposer (Charron et

collab., 1991, p. 212). Par ailleurs, elles privilégient les sujets axés sur la consommation et

ceux ayant une dimension humaine, puisqu'ils sont les plus économiques à produire, en plus

d'être populaires (McManus, 2002, p. 274). Dans le même ordre d’idées, elles confient de

plus en plus la responsabilité « [des] coûteuses opérations de collecte et de traitement des

informations » aux sources (Charron et collab., 1991, p. 211-212) et, ajouterons-nous, aux

usagers générateurs de contenu. Ainsi, les annonceurs, bien plus que les publics-

consommateurs, influencent le choix des sujets ainsi que la forme et le fond des nouvelles

diffusées (Charron et collab., 1991, p. 212; Gingras, 2009, p. 120-121; Herman & Chomsky,

2002, p. 14).

Dès lors, nous sommes en droit de nous demander en quoi le public influence le

processus de fabrication de la nouvelle. Si selon Champagne (2000), la survie d'un journal

dépend de sa capacité à offrir un produit conforme aux attentes de son public (p. 417), aux

dires de Gingras (2009), les produits médiatiques façonnent les attentes du public plus qu’ils

y répondent (p. 110-111). Pour notre part, nous adopterons la posture voulant que le

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 15

jugement des journalistes « [repose] moins sur une connaissance réelle des demandes et des

besoins du public que sur le constat que certains produits journalistiques se vendent mieux

que d'autres » (Charron, 1994, p. 187; voir également Ericson et collab., 1987, p. 194). Cela

pour une raison bien simple : si les attentes du public en la matière sont difficilement

identifiables, puisqu'elles sont, selon Bernier (2005), bien souvent latentes, plurielles et loin

de faire l'unanimité (p. 18), la popularité d'un produit, quant à elle, est facilement mesurable

par le service de marketing de l'entreprise. Ainsi, ce ne sont pas tant les attentes véritables du

public que leurs comportements d'achat qui influencent le processus de fabrication de la

nouvelle.

En revanche, l'approche de la responsabilité sociale, présentée par Bernier (2004,

ch. 1) et Nerone (2002), devrait permettre de relever l'influence des instances législatives et

des publics, en tant que citoyens, sur le processus de fabrication de la nouvelle. En effet,

cette approche veut que le milieu journalistique assume ses responsabilités, d'une part, en

produisant des nouvelles qui permettent aux citoyens de participer pleinement à l'exercice

démocratique et, d'autre part, en s'imposant ses propres règles déontologiques. Pourtant,

l'autorégulation journalistique est problématique à deux égards. D'une part, « le journalisme

ne constitue pas une profession au sens légal du terme. [Il] n'existe pas, comme dans les

autres, d'autorité légalement habilitée à règlementer l'entrée dans la profession, à en édicter

les normes spécifiques et à en assurer le respect » (Charron, 1994, p. 183-184). D'autre part,

les journalistes, en tant qu'employés, doivent se conformer aux exigences de leur employeur

(Bernier, 2008, p. 175; Langelier, 2012, para. 29), soit, dans la majorité des cas, des

entreprises privées qui tendent à servir leurs intérêts bien avant ceux du public (Charron,

1994, p. 184).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 16

Ainsi, même si le milieu journalistique n'est pas en mesure d'assumer ses

responsabilités, que le public se méfie des journalistes (Bernier, 2005, p. 20; Bernier, 2008,

p. 31; Ericson et collab., 1987, p. 359) et que les instances juridiques « prennent le relais des

organisations professionnelles et des entreprises de presse en matière de respect des principes

éthiques et des règles déontologiques reconnues » (Bernier, 2008, p. 177), les instances

législatives, quant à elles, se gardent d'intervenir. Que ce soit par peur des représailles — les

organisations médiatiques lésées pourraient tenter de dresser l'électorat contre elles

(Langelier, 2012, para. 35) ou par complaisance — pour certains élus démagogues et

populistes, un public mal informé s'avère salutaire (Bernier, 2008, p.172), les instances

législatives s'abstiennent de restreindre la liberté des entreprises médiatiques, et ce, malgré

les conclusions formulées en ce sens par différentes commissions d'études (cf. Centre

d’études sur les médias, 2001, ch. 2 et 7).

Quant aux études des relations sources-médias, elles ont démontré que l'influence des

sources sur le processus de fabrication de la nouvelle est relativisée par leur capacité à mettre

en œuvre des stratégies médiatiques efficaces (Schlesinger, 1992). Effectivement, « la source

parvient à exercer une influence sur la production de l'information à condition qu'elle se

soumette elle-même à l'influence des médias, qu'elle produise une matière première

conforme à ce que recherchent les journalistes et les médias » (Charron et collab., 1991,

p. 206). Selon Gans (1979, cité dans Shoemaker & Reese, 1991, p. 151), cette capacité est

fonction de l'étendue des pouvoirs politiques et économiques dont elles disposent. Ce qui

rejoint Schlesinger (1992), qui affirme qu'elle repose sur leur niveau d'institutionnalisation,

leur situation financière ainsi que leur capital symbolique en termes de légitimité, d'autorité

et de respectabilité (p. 93-95). Charron et collab. (1991) soutiennent, quant à eux, que la

capacité d'influence des sources dépend de la connaissance qu'elles ont du fonctionnement

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 17

des médias (p. 208). Ainsi, les sources qui connaissent les routines journalistiques de

sélection et de construction de la nouvelle peuvent développer des stratégies visant

à augmenter la valeur journalistique d'un évènement en l'adaptant aux critères d'intérêt

journalistique (Charron, 1994, p. 106). Par ailleurs, en diminuant ou en augmentant « le coût

inhérent à la collecte et au traitement de l'information », les sources peuvent respectivement

contribuer ou nuire à la médiatisation de l'évènement (Charron, 1994, p. 106-107).

Considérant que les annonceurs et les sources influencent bien plus le processus de

fabrication de la nouvelle que les publics ou les instances règlementaires, nous allons

maintenant examiner l'influence que ces derniers ont sur la couverture journalistique réservée

aux mouvements sociaux. Comme nous le mentionnions plus haut, les organisations

médiatiques, en dépendant de leurs revenus publicitaires, sont non seulement obligées

d'offrir un produit qui plaise à un vaste public, tout en n'indisposant pas leurs annonceurs

(McManus, 2002), elles doivent également produire un certain nombre de nouvelles pour

combler les espaces vides entre chaque publicité (Fishman, 1980, p. 146-147; Tuchman,

1978, p. 16). Ainsi, les journalistes présenteront les leaders des mouvements et leurs actions

d'une façon qui, croient-ils, saura plaire à leur public (Gitlin 1980, p. 122) et tolérée de leurs

annonceurs (Smith, McCarthy, McPhail et Augustyn, 2001, p. 1403). D'autre part, ils

s'appuieront davantage sur les témoignages factuellement sûrs et facilement accessibles des

sources officielles, afin de réduire la charge de travail que leur imposent les quotas de

production (Fishman, 1980, p. 148).

Or, les sources non officielles ne sont pas en reste ! Effectivement, l'étude des

relations médias-sources permet de constater que la couverture journalistique des

mouvements sociaux est une question complexe (Cottle, 2008, p. 857). Non seulement les

mouvements sociaux disposent-ils de ressources institutionnelles, financières et symboliques

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 18

différentes, ils diffèrent également au niveau de leur alignement politique, de leurs objectifs,

de leurs tactiques, de leur affinité avec les médias ainsi que leur degré d'autonomie vis-à-vis

de ces derniers (Boyle et collab., 2012, p. 128; Cottle, 2008, p. 858; Gamson & Wolfsfeld,

1993, p. 116 et 120; Hall et collab., 1978, p. 64; Schlesinger, 1992, p. 93-95). Ce faisant,

l'influence des mouvements sociaux sur le processus de fabrication de la nouvelle varie

considérablement d'un groupe à l'autre.

Ainsi, les mouvements sociaux qui disposent de ressources institutionnelles et

financières importantes sont plus à même d'agir sur la couverture journalistique qui les

concerne, puisqu'ils sont plus expérimentés en matière de relations médiatiques et ils

disposent d'un bassin de permanents, de militants, de sympathisants et d'adhérents qui

« représente une force de mobilisation considérable » (Champagne, 1984, p. 33). Par ailleurs,

l'importance de ces ressources ne diminue pas avec l'arrivée d'internet et des réseaux sociaux,

bien que ces outils leur permettent de communiquer entre eux sans avoir recours aux médias

d'information de masse (Bennett, 2003; Dahlberg & Siapera, 2007; Donk et collab., 2004,

cités dans Cottle, 2008, p. 854). Néanmoins, pour faire entendre leur point de vue et ainsi

mobiliser leurs troupes, légitimer leur existence et élargir la portée de leurs revendications

(Gamson & Wolfsfeld, 1993, p. 116), les mouvements sociaux ne peuvent faire abstraction

du rôle central des médias d'information de masse (Cottle, 2008, p. 854, McCurdy, 2012,

p. 248, Millette, 2013).

Parallèlement, les mouvements sociaux considérés comme radicaux en fonction de

« l'extrémité de leurs objectifs (à savoir, l'ampleur des changements qu'ils souhaitent apporter

au système) et le militantisme de leurs tactiques (c'est à dire, leur propension à employer des

tactiques qui violent les normes sociales) » ont tendance à être traités négativement par les

médias (McLeod & Hertog, 1992, p. 310, cités dans McLeod, 2007, p.188, traduction libre).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 19

D'un autre côté, les médias se montreront plus sympathiques ou à tout le moins plus

compréhensifs vis-à-vis des mouvements sociaux qui défendent des causes pouvant

difficilement être critiquées publiquement ou encore vis-à-vis de ceux qui s'efforcent

d'employer des tactiques symboliques qui ont l'avantage de plaire aux journalistes

(Champagne, 1984, p. 33; Charron et collab., 1991, p. 208; Neveu, 2010, p. 258-259). Ainsi,

les mouvements sociaux qui sollicitent le concours des médias doivent adoucir leurs actions

et leurs discours pour obtenir une couverture journalistique qui leur soit favorable (Neveu,

2010, p. 250).

Par ailleurs, l'accélération du processus de médiatisation de l'espace public a fait en

sorte que les mouvements sociaux envisagent de plus en plus leurs relations avec les

journalistes avec professionnalisme (Neveu, 1999, p. 42; Millette, 2013) ou réflexivité

(Cottle, 2008, p. 863-864). Ainsi, toujours plus au fait du fonctionnement des médias, les

mouvements sociaux vont tenter d'attirer l'attention et les bonnes grâces des journalistes en

élaborant des stratégies médiatiques efficaces, que ce soit en adaptant leurs évènements aux

critères d'intérêt journalistique ou encore en préparant des dossiers de presse qui facilitent la

collecte et le traitement de l'information (Cottle, 2008, p. 864, Neveu, 1999, p. 42;

Greenberg, 2004, p. 355-356).

Enfin, il faut noter que les relations médias-mouvements sociaux ne sont pas

exclusives (Neveu, 1999, p. 38). En effet, les journalistes s'appuient aussi sur les

témoignages des autorités publiques et des forces de l'ordre ainsi que sur ceux de leurs alliés

et de leurs opposants (contremouvements) pour fabriquer leurs nouvelles.

2. 2. 3 Logique organisationnelle

La logique organisationnelle tient compte de l'influence que peut avoir la forme de

propriété, les objectifs organisationnels, la structure hiérarchique et la politique d'information

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 20

sur le processus de fabrication de la nouvelle (Hirsch, 1977, cité dans Shoemaker & Reese,

1991, p. 115).

D'abord, la forme de propriété qu'adopte une organisation médiatique influence le

contenu des nouvelles qu'elle produit, et cela est d'autant plus vrai lorsqu'elle prend la forme

d'un conglomérat à capital ouvert, c'est-à-dire un regroupement d'entreprises cotées en

bourse, qui s’adonnent à des activités diverses ou offrent des produits différents (Bernier,

2008; Croteau & Hoynes, 2003, p. 44). Effectivement, ses hauts gestionnaires mettent en

œuvre des opérations qui permettent à l'organisation d'être plus efficiente et rentable, afin

d'augmenter le montant des dividendes versés aux actionnaires (Croteau & Hoynes, 2003,

p. 44). Ces opérations, qui visent à réduire leurs coûts de production, à contrôler leur

environnement et à créer une synergie entre leurs produits, affectent la nature de

l'information (Gingras, 2009, p. 132-133; Centre d'études sur les médias, 2001, p. 24;

Croteau & Hoynes, 2003, p. 46). En effet, l'information est dorénavant considérée comme

une marchandise qu'on « apprécie [...] pour sa valeur d'échange (ce qu'elle vaut sur le

marché) et non pour sa valeur d'usage ([sa valeur éducative, politique ou sociale]) »

(Gingras, 2009, p. 123). Quand bien même cela compromet la qualité, la diversité et

l'intégrité de l'information (Bernier, 2008). Par ailleurs, ces conglomérats médiatiques sapent

la capacité de résistance des journalistes et de leurs syndicats, et par la même occasion,

entrainent une déconsidération de leurs normes déontologiques (Langelier, 2012, para. 7 et

11).

Ensuite, les objectifs organisationnels, qu'ils soient économiques (profits et

valorisation des actions) ou symboliques (influence, prestige et réputation), influencent le

processus de fabrication de la nouvelle (Bernier, 2008, p. 10 et 16; Champagne, 2000,

p. 419-425; Charron & Lemieux, 1991, p. 19). Si ces objectifs semblent inconciliables de

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 21

prime abord, dorénavant la perception de la qualité d'un journal va de pair avec l'étendue de

son lectorat : plus celui-ci est large, plus le journal sera perçu comme étant de qualité, et vice

versa (Champagne, 2000, p. 424). Ce faisant, les organisations médiatiques tenteront

d'élargir leur public et, par le fait même, leurs annonceurs en produisant des nouvelles

compréhensibles, attrayantes et non partisanes, en plus d'être généralement peu critiques des

excès du système capitaliste et de la société de consommation (Charron et collab., 1991,

p. 212; Croteau & Hoynes, 2003, p. 63-72; Murdock, 1981, p. 216-217). Par ailleurs, elles

réduiront leurs coûts de production afin de rentabiliser leurs opérations (Croteau & Hoynes,

2003, p. 62-72; Shoemaker & Reese, 1991, p. 122). Ce faisant, elles préconiseront « une

organisation du travail rationnelle et optimale » (Bernier, 2008, p. 16). Ce qui « [incite] les

journalistes à favoriser des évènements et des secteurs qui garantissent la collecte des

informations les plus lucratives au moindre coût possible » (Champlin & Knoedler, 2002,

cité dans Bernier, 2008, p. 19).

La structure hiérarchique, quant à elle, influence le processus de fabrication de la

nouvelle en ce sens que les décisions affectant le travail des journalistes ainsi que le contenu

de la nouvelle sont prises à chaque niveau hiérarchique.

Tout d'abord, le propriétaire ou l'éditeur, en fixant les objectifs organisationnels

(Gingras, 2009, p. 106), a une incidence sur le processus de fabrication de la nouvelle

comme nous avons pu le constater ci-haut. Ensuite, les membres du comité de rédaction, soit

l'éditeur et les éditorialistes, en déterminant ce qui dans l'actualité mérite d'être commenté

par l'organisation par le biais d'un éditorial, influencent le contenu des nouvelles. En effet,

Ericson et collab. (1987) affirment que « les affectateurs et les journalistes perçoivent à

travers les éditoriaux ce que leurs supérieurs jugent être les problèmes les plus importants et

les approches permettant leur résolution » (p. 302, traduction libre). Le directeur de la

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 22

rédaction ou le rédacteur en chef, en tant que responsable du produit journalistique, affecte

tout autant le travail des journalistes que le contenu de la nouvelle. Effectivement, en prenant

des décisions qui « [concernent] l’affectation des ressources humaines et matérielles, [il]

détermine le cadre de travail des journalistes (charge de travail, délais, moyens, priorités,

sujets couverts, etc.) » (Gingras, 2009, p. 106).

Le chef de pupitre, quant à lui, oriente quotidiennement le travail des journalistes

(Charron, 1994, p. 240-241). Non seulement détermine-t-il ce qui doit être couvert, que ce

soit en fonction de ce que la concurrence couvre (Gitlin, 1980, p. 99), de l'angle ou des

thèmes qui pourraient être exploités, ou encore, parce que l'évènement en question pourrait

être inséré dans un cadre interprétatif plus large (Ericson et collab., 1987, p. 199). Le chef de

pupitre désigne également ceux qui seront assignés à la couverture d'un évènement en

particulier (Ericson et collab., 1987, p. 209-210). De surcroit, il est « responsable des

décisions finales quant à la publication des articles » (Charron, 1994, p. 240-241). Ainsi, il

est en droit de décider de l'étendue de la surface rédactionnelle attribuée à chaque article, de

choisir le titre de l'article, de modifier le corps du texte en ajoutant ou supprimant des

éléments et de donner son avis quant aux articles pouvant figurer sur la page couverture

(Ericson et collab., 1987, p. 210, 303-304, 307-308). Dans le même ordre d’idées, il doit

s'assurer de l'exactitude des faits relatés, de la clarté du propos, de la cohérence entre le

cadre retenu et celui précédemment proposé par l'organisation et celui issu du sens commun

ainsi que de la conformité à la politique informationnelle de l'organisation (Ericson et collab.,

1987, p. 311-312).

Enfin, le journaliste « détient une autorité professionnelle qui l'habilite à prendre des

décisions en ce qui concerne le repérage, la collecte, la sélection et le traitement des

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 23

nouvelles dans son champ d'action » (Charron, 1994, p. 240-241). Néanmoins, cette autorité

professionnelle est relativisée par plusieurs facteurs :

1) L’organisation qui l'emploie (Gingras, 2009, p. 112).

2) La fonction qu'il occupe (Charron, 1991b, p. 185; Ericson et collab., 1987, p. 128-

129; Langelier, 2012, para. 12). Effectivement, les spécialistes sont plus autonomes que les

généralistes, qui sont, à leur tour, plus autonomes que les pigistes. Comme les spécialistes

possèdent une meilleure connaissance des sujets qu'ils couvrent et sont moins contraints par

le temps, en plus d'être mieux payés (Charron, 1991b, p. 185; Ericson et collab., 1987,

p. 128-129), ils sont plus difficilement contrôlables que les généralistes et les pigistes (Smith

et collab., 2001, p. 1402).

3) Son appartenance à un syndicat (Bernier, 2008, p. 36; Gingras, 2009, p. 112;

Langelier, 2012, para. 7 et 11). Si un syndicat renforce la capacité de résistance de ses

membres en matière de respect des normes déontologiques, celle-ci est toutefois minée par la

création de conglomérats médiatiques.

4) Le fait que les journalistes cherchent à faire reconnaître leur professionnalisme et

leur crédibilité auprès de leurs pairs, de leurs supérieurs et de leurs sources (Charron, 1994,

p. 185). Effectivement, ceux-ci peuvent évaluer la capacité de jugement du journaliste,

puisqu'ils sont soit « en contact direct avec la réalité rapportée par le journaliste [...], ou bien

ils sont en mesure [d'établir] une comparaison systématique entre son compte-rendu et celui

des autres journalistes » (Charron, 1994, p. 186-187). Afin de confirmer la justesse de leur

jugement (Shoemaker & Reese, 1991, p. 103) et de se prémunir contre les erreurs

d'interprétation qui pourraient les exposer à des sanctions (Charron, 1994, p. 240), les

journalistes s'entraident en partageant leurs idées, leurs informations, leurs questions, leurs

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 24

angles et leurs sources (Ericson et collab., 1987, p. 264; Gitlin, 1980, p. 98). Ce qui au final

mène au mimétisme (Charron, 1994, p. 248).

5) Des éléments circonstanciels (Ericson et collab., 1987, p. 212). Il peut s'agir de la

possibilité pour un journaliste de couvrir un autre évènement que celui qui lui a été assigné

ou de démontrer que l'évènement dont la couverture lui a été assignée ne répond pas aux

exigences journalistiques, que ce soit parce qu'il est inintéressant ou parce qu'il a déjà été

couvert de toutes les manières possibles (Ericson et collab., 1987, p. 212-214). Il peut

également s'agir de la possibilité pour un journaliste de jouer avec le temps et l'espace dont il

dispose (Ericson et collab., 1987, p. 309).

Si la forme de propriété, les objectifs organisationnels et la structure hiérarchique

tendent à uniformiser le contenu, la politique d'information ou la ligne éditoriale tend plutôt à

le différencier (Ericson et collab., 1987, p. 101). Breed (1955) définit la politique

d'information comme étant « l'orientation plus ou moins cohérente que démontre un journal,

non seulement dans son éditorial, mais aussi dans ses chroniques et ses titres, concernant des

enjeux et des évènements donnés » (p. 327, traduction libre). Nous ajouterons qu'elle

concerne également la façon dont l'organisation médiatique s'adresse à son public (cf. Hall et

collab., 1978, p. 61, 1981, p. 344-345) ainsi que sa mise en page (cf. Ericson et collab., 1987,

p. 325, Rock, 1981, p. 66). Effectivement, tout autant le langage qu'elle emploie (Hall et

collab., 1978, p. 61, 1981, p. 344-345), l'espace alloué à différents types d'évènement (Rock,

1981, p. 66) que « l'ordre et la cohérence de l'ensemble du produit » (Ericson et collab.,

1987, p. 325) laissent percevoir l'orientation idéologique de l'organisation.

Bien que la politique d'information exerce une certaine influence sur le fond et la

forme des nouvelles, Breed (1955), dont l'étude est un classique selon plusieurs auteurs, dont

Reese et Ballinger (2001, p. 641), affirme que le respect de celle-ci n'est pas automatique du

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 25

fait de raisons et de situations relevant des autres logiques examinées. Tout d'abord, la

politique d'information n'est pas nécessairement explicite (Breed, 1955, p. 333). Ainsi, les

journalistes doivent la transgresser pour en constater l'existence et la teneure (Gingras, 2009,

p. 107). Ensuite, ils peuvent choisir, par conviction personnelle, de déroger à la politique

d'information (Breed, 1955, p. 333) ou de refuser d'écrire un texte s'il doit absolument s'y

conformer (Ericson et collab., 1987, p. 219). Par ailleurs, les journalistes disposent d'une

certaine autonomie décisionnelle en ce qui concerne la sélection de l'évènement et sa

construction en nouvelle. Effectivement, comme les journalistes contrôlent étroitement les

informations obtenues de leurs sources (Ericson et collab., 1987, p. 309), ils peuvent décider

« quelles questions poser, quelles citations retenir, et en rédigeant la nouvelle, quels éléments

mettre en évidence [...], quels escamoter, et en général, quel ton donner [à ces] différents

éléments » (Breed, 1955, p. 333, traduction libre). Enfin, selon leur fonction au sein de la

salle de nouvelle, les journalistes peuvent plus aisément déroger à la politique d'information

(Breed, 1955, p. 334).

Quant à l'influence de la logique organisationnelle sur le processus de fabrication de

la nouvelle portant sur les mouvements sociaux, Croteau et Hoynes (2003, p. 49-50) ainsi

que Smith et collab. (2001, p. 1403) affirment que la forme de propriété limite la tenue de

discours critiques à l'endroit du système capitaliste. Par ailleurs, comme la prédominance des

objectifs économiques a pour effet d'uniformiser le fond et la forme des nouvelles, des

organisations médiatiques différentes présenteront un évènement de façon similaire, voire

identique (Charron et collab., 1991, p. 212; Croteau & Hoynes, 2003, p. 63-72; Murdock,

1981, p. 216-217). Ce qui est d'autant plus dommageable pour les mouvements sociaux,

puisque cela n'incite pas les organisations médiatiques à publier des nouvelles concernant des

groupes dont les idées rompent avec le statu quo (Allan, 2004; Chalaby, 1996; Coman, 2003,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 26

cités dans Francoeur, 2012, p. 28; Smith et collab., 2001, p. 1403). Sans compter que la

structure hiérarchique tend à limiter l'autonomie décisionnelle du journaliste en vue

d'accroître la rentabilité de l'organisation médiatique. Smith et collab. (2001) soutiennent que

celle-ci, comme les routines journalistiques, limite l'accès des mouvements sociaux aux

médias (p. 1402). Quant à l'influence de la politique d'information sur le processus de

fabrication de la nouvelle portant sur les mouvements sociaux, Champagne (1984) et Smith

et collab. (2001) la nuancent. Effectivement, Champagne (1984), sans en nier l'influence,

soutient que les rapports qui s'établissent entre les journalistes et les mouvements sociaux

agissent sur la politique d'information (p. 25). Smith et collab. (2001), quant à eux, affirment

que la politique d'information, jumelée à l'idéologie procapitaliste véhiculée par les médias

ainsi qu'aux routines de sélection et de construction des journalistes, fait en sorte que la

couverture journalistique réservée aux mouvements sociaux marginalise ou minimise les

problèmes sociaux qu'ils soulèvent (p. 1416).

2. 2. 4 Logique des routines journalistiques

L'organisation médiatique, en tant que « système ouvert sur son environnement »,

doit apprendre à gérer « l'incertitude et l'indétermination de son environnement », puisqu'elle

y trouve les « ressources nécessaires à sa survie » qui est, elle-même, conditionnée par des

« principes de rationalité (efficacité, productivité, profitabilité) » (Charron, 1994, p. 114). Ce

qu'elle fait en standardisant le processus de fabrication de la nouvelle (Charron, 1994, p. 117)

et en préférant miser sur le professionnalisme de ses journalistes (Tuchman, 1978, p. 65-66).

C'est-à-dire leur capacité à reconnaître les évènements dignes d'intérêt, à collecter des

informations factuelles permettant de les expliquer ainsi qu'à les traduire dans un format qui

réponde aux besoins et aux normes de l'organisation et de la profession (Ericson et collab.,

1987, p. 133; Tuchman, 1978, p. 65-66).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 27

Considérant la variété et l'infinité d'évènements survenant quotidiennement, leurs

contraintes de temps et d'espace ainsi que le niveau d'attention et les intérêts limités de leur

public (Shoemaker & Reese, 1991), les organisations médiatiques ont développé « des

méthodes d'exposition et des systèmes permettant d'interpréter l'intérêt journalistique

d'éventuels évènements » (Fishman, 1980, p. 33, traduction libre). À cet effet, les journalistes

ont tendance à se concentrer sur un territoire géopolitique donné, sur certaines organisations

qui d'ordinaire génèrent des évènements ou des informations dignes d'intérêt, ou encore sur

des sujets d'intérêt général (finance, sports, famille, culture et éducation) (Tuchman, 1978,

p. 25-29). Par ailleurs, si le journaliste spécialisé est censé tirer ses idées de nouvelles du

secteur qu'il couvre, le journaliste généraliste peut être assigné à la couverture d'un

évènement ou encore suggérer des idées qui lui proviennent de son entourage, de ses

collègues, de ses sources ou d'autres médias (Ericson et collab., 1987, p. 184-189).

Quant au jugement de l'intérêt journalistique d'un évènement, Ericson et collab.

(1987, p. 139) affirment qu'il est multifactoriel et circonstanciel. D'une part, il tient compte

des intérêts et des objectifs du journaliste, de l'organisation médiatique, de la source, du

public et de la société. D'autre part, il prend en considération les contraintes (matérielles, de

temps et d'espace) limitant le travail des journalistes ainsi que les autres évènements pouvant

faire l'objet d'une couverture journalistique.

À la lumière des travaux de Charron (1991a, p. 122; 1994, p. 56-58), Cohen et Young

(1981, p. 17), Ericson et collab. (1987, p. 140-153), Galtung et Ruge (1981), Kientz (1971,

p. 132), McManus (2002, p. 271), Rock (1981), Shoemaker et Reese (1991, p. 90) ainsi que

Tuchman (1978, p. 45-57; 2002), nous en sommes arrivés au constat qu'un évènement pour

être considéré digne d'intérêt doit répondre à quelques-uns des critères suivants : être

d'actualité (se déroule à l'instant, dans un passé récent ou dans un avenir rapproché); être

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 28

simple à comprendre (non équivoque); être dramatique, conflictuel, négatif, inhabituel ou

déviant de la norme; être personnalisé (mettre en scène des individus); être significatif (se

rapporte à l'intérêt public ou à la curiosité du public); concerner les élites politiques,

économiques et culturelles; s'inscrire dans un thème (c'est-à-dire être assimilable à d'autres

évènements ayant fait l'objet d'une couverture journalistique); être prévisible (les évènements

planifiés, qui sont la plupart du temps le fruit des sources officielles ou institutionnelles,

permettent aux organisations médiatiques de gérer leurs ressources en cas d'évènements

imprévus); correspondre à l'idée préconçue que le journaliste s'en fait (indépendamment de

ce qui s'est réellement passé); être rentable (que ce soit en permettant de réduire les coûts de

production ou d'augmenter les revenus); être conforme à la politique d'information de

l'organisation médiatique (celle-ci « prédétermine ce qui peut être rapporté à propos du

monde » [Rock, 1981, p. 66, traduction libre]); ou encore, procurer un avantage (notoriété,

prestige, crédibilité ou compétence) au journaliste. Les évènements sélectionnés par les

journalistes sont donc ceux qui se conforment le mieux à ces critères (Galtung & Ruge, 1981,

p. 60).

Ensuite, considérant que la crédibilité et la légitimité sociale de la profession

dépendent de l'objectivité journalistique, qui « repose sur le postulat d'un rapport de vérité

entre le réel et le discours journalistique sur le réel » (Charron & Lemieux, 1991, p. 12), les

journalistes ont développé des routines de collecte et de traitement de l'information visant à :

« prévenir l'intrusion de biais personnels, séparer les faits des opinions, inclure des points de

vue opposés et construire des textes faisant abstraction des cadres historiques ou explicatifs,

puisqu'ils s'appuient nécessairement sur une interprétation (biaisée) de la vérité » (Ericson et

collab., 1987, p. 105, traduction libre).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 29

Pourtant, ces routines les conduisent plutôt à présenter des informations qui

supportent leur interprétation de l'évènement (Ericson et collab., 1987, p. 237).

Effectivement, dans un souci d'efficacité et de productivité, les journalistes fouillent et

recueillent des informations qui leur permettent de cadrer5 l'évènement en fonction de la

compréhension qu'ils en ont (Ericson et collab., 1987, p. 222). Au point d'ignorer des

informations ou des angles qui iraient à l'encontre des cadres interprétatifs qu'ils privilégient

(Ericson et collab., 1987, p. 293-295).

Par ailleurs, comme les journalistes laissent à ceux qu'ils interrogent ou, dans une

moindre mesure, aux documents qu'ils examinent le soin d'expliquer les évènements à leur

place, ils ont tendance à relayer l'information fournie par des sources officielles (Croteau &

Hoynes, 2003, p. 62; Charron, 1994, p. 196; Charron et collab., 1991, p. 211-212; Gingras,

2009, ch. 2; Fishman, 1980; Tuchman, 1978). Ce qui réduit leur charge de travail pour deux

raisons. D'une part, comme ces informations répondent aux critères d'intérêt journalistique

susmentionnés et se soumettent à la grammaire journalistique, elles n'ont pas besoin d'être

retravaillées outre mesure (Charron, 1991a, p. 115 et 122; 1994, p. 56-58; Gingras, 2009,

ch. 2). D'autre part, comme ces informations sont considérées plus fiables, puisqu'elles sont

le fruit de sources jugées crédibles (en termes d'autorité et d'expertise) et légitimes (en termes

de représentativité), elles ne sont pas mises en doute (Fishman, 1980, p. 71-88; Deacon &

Golding, 1994, cité dans Greenberg, 2004, p. 355). Comme nous le verrons plus loin, cela

n'amène pas les journalistes à exclure d'office les points de vue opposés, mais plutôt à les

présenter d'une façon qui ne leur rendent pas justice.

5 Selon Entman (2002), « cadrer c'est sélectionner certains aspects d'une réalité perçue et les rendre plus saillants [...], de manière à favoriser une définition de problème particulière, une interprétation causale, une évaluation morale ou une recommandation quant à la résolution de l'élément décrit » (p. 392, traduction libre).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 30

Du reste, en tentant de rendre l'information plus digeste et intéressante pour attirer et

retenir l'attention d'un public sollicité de toutes parts (Hall et collab., 1981; Murdock, 1981),

les médias généralistes en sont venus à brouiller les frontières entre les faits et les opinions

(Watine, 2005). Ainsi, les journalistes se permettent de porter des jugements de valeur,

d'imputer des responsabilités, de prêter des intentions, de spéculer, de faire des allusions, ou

encore d'adresser des recommandations (Watine, 2005, p. 60). Ce qui est contraire aux

normes d'objectivité ou d'impartialité journalistique qui exigent des journalistes qu'ils fassent

abstraction de leurs préjugés, de leurs croyances et de leurs convictions ou, à tout le moins,

qu'il « [divulgue] toute forme de partialité [...] afin de ne pas induire le public en erreur »

(Bernier, 2004, p. 312-313).

Enfin, il est important de noter que si le manque de temps imparti à la collecte et au

traitement des informations ainsi que le manque d'espace rédactionnel peuvent amener les

journalistes à commettre des erreurs qui mineraient leur crédibilité (Charron, 1994, p. 235-

236), ces contraintes peuvent leur servir d'excuses lorsqu'ils ne parviennent pas à produire

une nouvelle conforme aux attentes de leurs supérieurs (Ericson et collab., 1987, p. 237).

Ainsi, les routines de sélection et de construction de l'évènement en nouvelle

conduisent les journalistes à s'intéresser avant tout aux évènements qui se conforment aux

critères d'intérêt journalistique, à s'abreuver auprès des sources officielles ainsi qu'à

« éditorialiser » leurs nouvelles. Ce qui est d'autant plus vrai lorsque les médias couvrent les

activités des mouvements sociaux.

Effectivement, les mouvements sociaux qui souhaitent attirer l'attention des médias

doivent organiser des « pseudo-évènements » dignes d'intérêt. Selon Charron (1991a), cela

signifie qu'ils doivent être ponctuels, significatifs (le nombre de participants à l'évènement et

d'individus concernés par la situation doit être considérable) et inhabituels, en plus de revêtir

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 31

une dimension conflictuelle, d'être simple à comprendre et de « [comporter] des éléments

dits d'intérêt humain » (p. 123). Quant à Gitlin (1980), il soutient que non seulement ces

évènements doivent se conformer aux critères d'intérêt journalistique, ceux-ci et leurs

promoteurs doivent correspondre à l'idée préconçue que les journalistes se font d'eux (p. 3).

Alors que Smith et collab. (2001) affirment, qu'à l'exception de l'ampleur d'un évènement,

celui-ci pour être considéré digne d'intérêt doit être assimilable à d'autres évènements ayant

déjà fait l'objet d'une couverture journalistique (p. 1401). Par ailleurs, une fois que les

mouvements sociaux font l'actualité, c'est bien souvent les versions des sources officielles

qui priment sur les leurs (Boykoff, 2006, p. 205-206; Gitlin, 1980, p. 27-28; McLeod, 2007,

p. 187; Tuchman, 1978, p. 94-95). Comme nous l'avons évoqué plus haut, non seulement les

sources officielles jouissent-elles d'une certaine crédibilité ainsi que d'une certaine légitimité,

notamment celles qui appartiennent à l'appareil gouvernemental et étatique, elles disposent

également des ressources nécessaires pour développer de meilleures stratégies médiatiques

(Schlesinger, 1992, p. 90-95).

Par ailleurs, les procédés d'« éditorialisation » que sont la personnalisation, la

fragmentation, la dramatisation ainsi que le cadrage défavorisent généralement les

mouvements sociaux qui critiquent ou s'opposent au statu quo (Boykoff, 2006, p. 205-206;

Neveu, 2010, p. 256). En effet, ils incitent les journalistes à s'intéresser à leurs figures de

proue, aux évènements qu'ils organisent ainsi qu'aux incidents qui s'y produisent, plutôt qu'à

la substance de leurs messages ou aux causes structurelles et systémiques de la situation

qu'ils dénoncent (Chan & Lee, 1984, cité dans Gatchet & Cloud, 2012, p. 15; Charron,

1991a, p. 123; Halloran et collab., 1970, p. 266; Murdock, 1981). De plus, ces procédés

d'« éditorialisation » amènent les journalistes à porter des jugements de valeur. Ce faisant, les

individus qui composent les mouvements sociaux deviennent marginaux, voire extrémistes,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 32

leurs comportements menaçants, voire violents, leurs accusations disparates, leurs objectifs

insignifiants, leurs stratégies inefficaces et perturbatrices (Adler & Mittelman, 2004, p. 207-

208; Boykoff, 2006, p. 211-220; Gitlin, 1980, p. 27-28; McLeod, 2007, p. 187). Considérant

les mouvements sociaux comme une menace pour l'ordre public, les journalistes favorisent

également certaines méthodes de résolution de problèmes axées sur la loi et l'ordre (Della

Porta & Reiter, 1996, cité dans Neveu, 1999, p. 46), parmi lesquelles figure rarement

« l'action collective comme source efficace et légitime de changement social » (Gamson &

Modigliani, 1989, cité dans Neveu, 1999, p. 36).

Au final, les routines journalistiques incitent les journalistes à traiter les mouvements

sociaux de façon superficielle et négative. Ce qui a pour effet de les marginaliser, voire de

les diaboliser et de rendre illégitimes leurs discours et leurs actions (Boykoff, 2006, p. 227;

Halloran et collab., 1970, p. 52-53; Shoemaker & Reese, 1991, p. 187; McLeod, 2007,

p. 185-188). Minant ainsi les accusations que les mouvements sociaux portent contre le statu

quo (Boyle et collab., 2012, p. 128; Gatchet & Cloud, 2012, p. 19; Gitlin, 1980, ch. 10;

Smith et collab., 2001, p. 1403-1404).

2. 2. 5 Logique individuelle

Shoemaker et Reese (1996, ch. 5) rappellent que les enquêtes relevant de l'approche

centrée sur le communicateur se sont intéressées aux effets des caractéristiques individuelles

(tels le genre, l'ethnie, l'orientation sexuelle et la position sociale), des expériences

personnelles et professionnelles, des attitudes, des valeurs et des croyances ainsi qu’à la

perception que les journalistes ont de leur rôle et de l'éthique.

Considérant que les routines journalistiques et les contraintes organisationnelles

tendent à gommer les différences individuelles, Weaver et Wilhoit (1991) affirment que les

caractéristiques individuelles et les expériences personnelles et professionnelles des

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 33

journalistes ne sont pas susceptibles d'influencer le contenu de la nouvelle (p. 25, cité dans

Shoemaker & Reese, 1996, p. 74). Gingras (2009), quant à elle, soutient que les journalistes

adhèrent à l'idéologie libérale procapitaliste avant même d'être embauchés et, si ce n'est pas

le cas, ils finissent par y souscrire par le biais de leur socialisation professionnelle.

Semblablement, Molotch (1977, cité dans Neveu, 1999, p. 54) affirme que le recrutement et

la formation des journalistes les prédisposent à défendre l'idéologie dominante.

Quant aux attitudes, aux valeurs et aux croyances auxquelles adhèrent les

journalistes, Gans (1985) soutient qu'elles sont également restreintes par les routines et les

contraintes organisationnelles (cité dans Shoemaker & Reese, 1996, p. 87). Cependant,

Shoemaker et Reese (1996) constatent, en comparant les résultats de différentes études

(notamment Drew, 1975; Flegel et Chaffee, 1971; Rainville et McCormick, 1977;

Shoemaker, 1984), que les attitudes, les valeurs et les croyances des journalistes sont en

mesure d'influencer le contenu de leurs messages lorsque leurs routines et contraintes

organisationnelles sont moins contraignantes (p. 87).

Quant à la conception que les journalistes spécialisés ont de leur rôle, le fait qu'ils

considèrent remplir à la fois une fonction d'information et une fonction critique les incite à

produire des nouvelles qui soient à la fois un compte-rendu, une mise en perspective et une

analyse critique des faits et des évènements observés (Charron, 1994, p. 179 et 204).

En ce qui concerne la perception que les journalistes ont de l'éthique, Shoemaker et

Reese (1996) soutiennent qu'elle influence le contenu des nouvelles en ce sens que les codes

de déontologie ne peuvent tout simplement pas prévoir tous les dilemmes moraux auxquels

peuvent être confrontés les journalistes (p. 94). Ainsi, certains journalistes auront tôt ou tard

à prendre une décision qui, si elle s'appuie sur une réflexion éthique, servira l'intérêt public

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 34

au détriment de ses intérêts particuliers ou ceux de l'organisation qui l'emploie (Bernier,

2004, p. 52-56).

Quant à l'influence de la logique individuelle sur le processus de fabrication de la

nouvelle portant sur les mouvements sociaux, Shoemaker et Reese (1996), en s'appuyant sur

les travaux de Gans (1979) et de Gitlin (1980), soutiennent qu'elle conduit les journalistes à

proposer une vision consensuelle et traditionnelle de la société. Ce faisant, ils traiteront les

idées et comportements nouveaux ainsi que les personnes et les groupes non conformistes

comme des excentricités n'étant pas dignes de considération par les gens raisonnables et

allant même jusqu'à être jugées comme indésirables (p. 6).

2. 3 Une question empirique

En somme, si les mouvements sociaux qui critiquent ou s'opposent à l'idéologie

capitaliste tendent à faire l'objet d'un traitement journalistique qui leur soit défavorable,

l'analyse de la couverture journalistique réservée à un mouvement social en particulier

demeure une question empirique. En effet, elle renvoie au contexte idéologique et politique

dans lequel ce mouvement social s'inscrit; à l'état des relations que les médias entretiennent

avec leurs annonceurs, leurs publics et leurs sources; à la nature des organisations

médiatiques et des journalistes qui les couvrent ainsi qu'à leurs routines de travail. « [Tout]

cela étant peu compatible avec une réponse globalisante a priori » (Neveu, 2010, p. 260).

2. 3. 1 Le « printemps érable »

En replaçant le « printemps érable » dans son contexte et en tenant compte des

stratégies déployées par les étudiants et le gouvernement, nous constaterons la nécessité

d'analyser empiriquement la couverture journalistique réservée au mouvement étudiant. En

effet, si le contexte journalistique laisse présager un traitement journalistique qui lui soit

défavorable, d'autant plus qu'une partie du mouvement étudiant remettait en question

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 35

l'idéologie dominante, les contextes idéologiques et politiques ainsi que l'adaptabilité des

étudiants et l'intransigeance du gouvernement peuvent, quant à eux, avoir joué en faveur du

mouvement étudiant. Voyons cela de plus près.

Comme plusieurs l’ont déjà montré, notamment Frappier, Poulin et Rioux (2012),

nous serions entrés depuis une bonne trentaine d’années dans une société néolibérale (p. 15).

Essentiellement, le néolibéralisme est une doctrine économique qui prône la privatisation des

services publics, la marchandisation de tout ce qui n'avait jusqu'alors aucune valeur

marchande, la dérèglementation tous azimuts et l'individualisation (Giroux, 2013; Pineault,

2012). Néanmoins, considérant les soulèvements populaires qui ont secoué la planète ces

dernières années, force est de constater que l'idéologie néolibérale n'est pas définitivement

fixée. Effectivement, au Proche-Orient, en Europe, en Amérique du Nord et en Amérique du

Sud, partout les salariés et les étudiants se soulèvent entre autres pour dénoncer le

néolibéralisme, dont les politiques ont précipité la crise économique mondiale qui a débuté

en 2007-2008, ainsi que les mesures d'austérité mises en œuvre pour tenter de la résoudre

(Frappier et collab., 2012, p. 13-24; Poirier St-Pierre & Ethier, 2013, p. 26-27). Ce faisant,

nous croyons que le contexte idéologique ne donne pas matière à un traitement journalistique

qui soit systématiquement défavorable à l'endroit du mouvement étudiant, et ce, malgré le

contexte journalistique québécois.

Effectivement, des douze principaux quotidiens qui desservent les Québécois, onze

appartiennent à des conglomérats. Sept d'entre eux (La Presse, Le Soleil, Le Quotidien, Le

Nouvelliste, La Voix de l’Est, La Tribune et Le Droit) appartiennent à Gesca, filiale de Power

Corporation. Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec sont la propriété du groupe

Sun Media, filiale de Quebecor. The Gazette est la propriété du groupe Postmedia Network

Inc. The Record, quant à lui, appartient au groupe Glacier Media. Enfin, Le Devoir est

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 36

indépendant. Cela soulève plusieurs questions et enjeux. Comme nous l'avons mentionné

précédemment, non seulement « de tels ensembles corporatifs minent la capacité de

résistance des journalistes en regard du respect des normes déontologiques [ils] entraînent

[également] une réduction des engagements déontologiques de l’ensemble des médias

d’information actifs dans un tel contexte » (Langelier, 2012, para. 7). Ce qui est d'autant plus

vrai, lorsqu'ils adoptent une orientation idéologique néolibérale (Langelier, 2012, para. 8).

Pourtant, le Centre d'études sur les médias (2014), qui a analysé quantitativement la

façon dont les quotidiens La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette ont

traité les protagonistes du « printemps érable », affirme que la majorité des articles examinés

n'étaient pas orientés (p. 32). Par ailleurs, il est intéressant de noter que les nouvelles qui se

sont avérées orientées étaient plus défavorables à l'endroit du gouvernement qu'à l'égard du

mouvement étudiant pour ce qui est de La Presse, Le Devoir et Le Journal de Montréal ou

également défavorable aux deux protagonistes en ce qui concerne The Gazette (p. 39). Le

Centre d'études sur les médias arrive donc à la conclusion suivante :

Dans cette optique, il n’y a pas lieu de croire, comme certains étudiants et des

manifestants l’ont pensé, que les journalistes aient couvert les événements d’une

manière préjudiciable à leurs actions ou à leur point de vue. Tout comme rien dans

cette analyse ne supporte ceux qui prétendent que les nouvelles publiées par les

journaux des grands groupes Power Corporation (La Presse) et Québecor (Journal de

Montréal) étaient orientées dans le sens des intérêts de ces puissants financiers.

(p. 69)

Par ailleurs, comme nous le mentionnons plus haut, nous croyons que les stratégies

déployées par les étudiants et le gouvernement ont pu jouer en faveur du mouvement

étudiant. Effectivement, si le mouvement étudiant a su adapter ses stratégies et, ainsi, se

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 37

transformer en mouvement social, le gouvernement, lui, est demeuré intransigeant, ce qui lui

a valu de nombreuses critiques.

Tel que mentionné par Poirier St-Pierre et Ethier (2013), « [r]ares sont ceux et celles

qui sont conscients de l'ampleur du travail préparatoire qui a été effectué avant l'année

2012 » (p. 23). Non seulement le mouvement étudiant battait-il de l'aile, plusieurs

associations étudiantes étant boudées par leurs membres, les étudiants, eux-mêmes,

répétaient le discours gouvernemental concernant la nécessité d'une hausse des droits de

scolarité (Poirier St-Pierre & Ethier, 2013, p. 24-25, 103).

De plus, malgré l'intensification de la mobilisation étudiante, les associations

étudiantes étaient conscientes qu'isolément, elles pourraient difficilement faire reculer ce

gouvernement. Elles ont donc décidé de faire front commun (Poirier St-Pierre & Ethier,

2013, p. 58). En dépit de leur solidarité, les associations étudiantes savaient également que

sans appui extérieur, elles ne seraient pas en mesure d'établir un véritable rapport de force

avec le gouvernement. Elles ont donc cherché l'appui des centrales syndicales (Bonenfant,

Glinoer & Lapointe, 2013, p. 156-157; Poirier St-Pierre & Ethier, 2013, p. 63). Par ailleurs,

le mouvement étudiant a été soutenu par le Parti québécois et Québec solidaire ainsi que par

différents regroupements citoyens, dont le mouvement dit des casseroles, qui est né de

l'indignation qu'inspirait l'attitude du gouvernement envers les étudiants, sentiment d'autant

plus renforcé par l'adoption de la loi spéciale (dont nous spécifierons la teneure plus loin)

(Frappier et collab., 2012, p. 133-135).

Enfin, le mouvement étudiant n'aurait probablement pas pu rallier tous ces appuis et

se transformer ainsi en mouvement social, si les associations étudiantes s'étaient contentées

de tenir des discours dénonçant la hausse des droits de scolarité. Bien qu'au départ, le

mouvement étudiant dénonçait l'augmentation des droits de scolarité, la situation financière

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 38

déjà précaire des étudiants ainsi que la mauvaise gestion financière des universités (Giroux,

2013, p. 521), sous l'impulsion de la CLASSE, les discours étudiants ont tôt fait de s'attaquer

à l'idéologie, aux politiques et à la gouvernance néolibérale et de proposer une vision plus

participative, inclusive, juste et responsable de la société québécoise et de ses universités

(Blouin Genest, 2012b, Giroux, 2013, p. 521; Poirier St-Pierre & Ethier, 2013, p. 121-130;

Sorochan, 2012).

[Par ailleurs, le] recours à des modèles de pratiques professionnalisés et l’intégration

stratégique des relations publiques ont également été envisagés comme leviers de

contre-pouvoir. Il s’agissait ainsi [...] de « travailler la forme du message » pour

tenter d’orienter le débat, de faire circuler un discours qui puisse convaincre, mais

également faire contrepoids aux stratégies du gouvernement et aux biais des cadres

médiatiques. (Millette, 2013, p. 99)

Bien que les discours étudiants aient permis d'élargir le mouvement de contestation,

l'attitude du gouvernement y était également pour quelque chose (Frappier et collab., 2012;

Martin & Tremblay-Pépin, 2012). Avant d'aller plus loin, il convient de rappeler le contexte

politique dans lequel s'inscrit l'intransigeance du gouvernement. Selon plusieurs observateurs

(dont Frappier et collab., 2012, p. 75; Martin & Tremblay-Pépin, 2012), le gouvernement

dirigé par Jean Charest, chef du Parti libéral du Québec, usé par trois mandats consécutifs

ayant été ponctués de nombreux scandales et désavoué par une part de plus en plus

importante de la population québécoise, a pris le pari de ne rien concéder aux étudiants,

s'efforçant ainsi de plaire à sa base partisane dans l'espoir d'assurer sa réélection lors du

prochain scrutin. Ce faisant, il a adopté quatre stratégies pour polariser la question de la

hausse des droits de scolarité (Martin & Tremblay-Pépin, 2012).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 39

Selon Martin et Tremblay-Pépin (2012), il aurait d'abord créé un faux mouvement

citoyen, le Mouvement des étudiants socialement responsables du Québec (MÉSRQ), qui

appuyait la hausse des droits de scolarité. Comme certains de ces porte-paroles étaient ou

avaient été des membres influents de l'aile jeunesse du Parti libéral du Québec, Martin et

Tremblay-Pépin (2012) y ont vu une stratégie de manipulation de la part du gouvernement.

Selon Bonenfant et collab. (2013, p. 120-121), si le MÉSRQ et les « carrés verts », cette

minorité d'étudiants qui appuyaient la hausse, reçurent une attention médiatique démesurée

par rapport à leur poids réel au sein de la population étudiante, ils n'ont pas réussi à briser le

mouvement étudiant.

Voyant que cette stratégie tournait à vide, le gouvernement s'est alors mis à accuser le

mouvement étudiant de recourir à la violence dans le but de le diviser en réclamant par la

suite des associations étudiantes qu'elles condamnent cette violence pour pouvoir prendre

part aux négociations (Martin & Tremblay-Pépin, 2012). Sachant que cela allait à l'encontre

du respect de la diversité des tactiques professées par la CLASSE, le gouvernement espérait

que l'élément le plus revendicateur du mouvement étudiant s'exclurait de lui-même en

refusant de condamner la violence (Frappier et collab., 2012, p. 76; Poirier St-Pierre &

Ethier, 2013, p. 176-179). Néanmoins, la CLASSE réussit à voter une motion condamnant la

violence à l'endroit des personnes tout en cautionnant les actes de désobéissance civile,

forçant ainsi le gouvernement à l'inviter à la table de négociation (Frappier et collab., 2012,

p. 100-101; Poirier St-Pierre & Ethier, 2013, p.176-182).

Incapable de diviser le mouvement étudiant ou de mater la contestation par la

répression policière, le gouvernement encouragea la judiciarisation du conflit (Martin &

Tremblay-Pépin, 2012). Ce faisant, sans affirmer que le gouvernement soit intervenu dans

les décisions des tribunaux, ajouterons-nous, des injonctions forçant la tenue des cours

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 40

qui avaient été levés furent accordées aux étudiants qui en faisaient la demande (Martin &

Tremblay-Pépin, 2012) et une loi spéciale qui avait pour but de mettre fin au mouvement

étudiant fut promulguée par le gouvernement (Frappier et collab., 2012, p. 127). Cette loi

spéciale — loi 12 (projet de loi 78), apportait des changements au calendrier scolaire,

réduisait le rôle des professeurs à celui de simple salarié, limitait le droit de manifester (les

organisateurs d'une manifestation pouvant rassembler plus de 50 personnes devaient

informés huit heures à l'avance les forces policières de l'heure à laquelle elle débuterait, sa

durée et son itinéraire) en plus d'imposer de lourdes amendes à quiconque l'enfreindrait et de

permettre aux administrations universitaires de cesser de percevoir les cotisations étudiantes

pour les associations dont les membres contreviendraient à cette loi (Frappier et collab.,

2012, p. 127-130). Loin de briser le mouvement étudiant, la judiciarisation du conflit

transforma la lutte étudiante en une lutte populaire (Sorochan 2012).

Enfin, tout au long du conflit le gouvernement utilisa un langage dénaturant la réalité

(Martin & Tremblay-Pépin, 20126). Par exemple, il soutenait qu'il s'agissait d'un « boycott

des cours » plutôt que d'une grève, alors que la légitimité de ce moyen de pression n'avait

jamais été remise en cause jusqu'en 2012, et ce, même si la Loi sur l'accréditation et le

financement des associations d'élèves ou d'étudiants n'aborde pas la question de la grève

(Pineault, 2012, p. 42-43).

2. 3. 2 Questions de recherche et hypothèse de travail

Considérant le contexte idéologique, politique et journalistique dans lequel s'inscrit le

« printemps érable » ainsi que les stratégies mises de l'avant par les étudiants et le

gouvernement pour « gagner » en quelque sorte la bataille de l’opinion publique, nous avons

6 Voir également Asselin (2012), Dumas (2012), Fortier (2013), Frappier et collab. (2012, p. 50-54), Gagné (2012), Guilmain et collab. (2012), Julien (2012), Lamoureux (2012), Langlois (2012), Leroux (2012), Mascotto et Coutu (2012), Paquerot (2012) et Weinstock (2012).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 41

tenté de répondre aux questions suivantes : comment le « printemps érable » a-t-il été couvert

par les journalistes québécois ? En quoi les logiques idéologiques, extramédias,

organisationnelles, des routines journalistiques et individuelles, en prenant appui sur ce

qu’ont vécu les journalistes québécois appelés à couvrir les évènements, ont-elles influencé

le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations étudiantes ?

À la lumière de tout ce qui précède, nous posons comme hypothèse de travail que les

journalistes québécois ont tout autant été influencés par l'idéologie néolibérale, le contexte

politique international et provincial, les rapports que leur employeur entretiennent avec leurs

annonceurs et leurs publics, les relations qu'ils entretiennent avec les différents protagonistes

du « printemps érable », le fonctionnement des organisations médiatiques qui les

embauchent, leurs propres routines de travail ainsi que leur situation individuelle.

Néanmoins, nous proposons aussi, à l'instar d'Ericson et collab. (1987), que ces logiques,

entendues comme contraintes structurelles (pensons à l'idéologie, aux marchés médiatique et

publicitaire et à la concurrence qui y sévit, au fonctionnement de l'organisation médiatique

ainsi qu'aux routines journalistiques) et circonstancielles (pensons plutôt ici aux relations

sources-médias et aux contraintes matérielles, temporelles et d'espace), ne font pas que

limiter la capacité d'agir des journalistes, elles leur permettent également de justifier leurs

choix et leurs comportements et, par le fait même, de maintenir ou de renforcer leur capacité

d'agir.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 42

3. Méthodologie

Comme nous l'avons indiqué précédemment, notre recherche visait à répondre aux

questions suivantes : comment le « printemps érable » a-t-il été couvert par les journalistes

québécois ? En quoi les logiques idéologiques, extramédias, organisationnelles, des routines

journalistiques et individuelles, tel que nous avons en avons discuté dans le chapitre

précédent et en prenant appui sur ce qu’ont vécu les journalistes québécois qui ont couvert

ces évènements, ont-elles influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les

manifestations étudiantes ? Pour répondre à ces questions, nous avons d’abord effectué une

analyse de contenu pour ensuite faire des entretiens semi-dirigés. En nous inscrivant dans

une perspective qualitative, nous souhaitions mieux comprendre les logiques qui ont

influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur le « printemps érable ».

3. 1 Analyse de contenu

Selon la définition proposée par L'Écuyer (1990), qui s'est appuyé sur de nombreux

ouvrages (notamment ceux de Bardin, 1977; Giorgi, 1975; Mucchielli, 1974, 1979; d’Unrug,

1974; et, Van Kaam, 1959),

[l]’analyse de contenu est une méthode scientifique, systématisée et objectivée de

traitement exhaustif de matériel très varié; elle est basée sur l’application d’un

système de codification conduisant à la mise au point d’un ensemble de catégories

(exhaustives, cohérentes, homogènes, pertinentes, objectivées, clairement définies et

productives) dans lesquelles les divers éléments du matériel analysé sont

systématiquement classifiés au cours d’une série d’étapes rigoureusement suivie,

dans le but de faire ressortir les caractéristiques spécifiques de ce matériel dont une

description scientifique détaillée mène à la compréhension de la signification exacte

du point de vue de l’auteur à l’origine du matériel analysé [ou à tout le moins à la

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 43

compréhension de la signification du matériel analysé, tel qu'il le proposait plus tôt

(p. 11)], et ce, en s’adjoignant au besoin l’analyse quantitative sans jamais toutefois

s’y limiter, et en se basant surtout sur une excellente analyse qualitative complète et

détaillée des contenus manifestes, ultimes révélateurs du sens exact du phénomène

étudié [...]. (p. 120, souligné par l'auteur)

Ainsi, considérant que cette méthode permet de comprendre la signification du

matériel analysé (L'Écuyer, 1990, p. 11) et que les contenus médiatiques « portent la marque

de leurs conditions de production » (de Bonneville, 2006, p. 14-15), nous pensons qu'il était

nécessaire, dans un premier temps, d'analyser le contenu des différentes nouvelles publiées

dans les médias concernant la mobilisation étudiante au Québec au printemps 2012, afin de

mieux comprendre les différentes logiques qui sont intervenues dans le processus de

fabrication de ces nouvelles.

De manière plus circonscrite, nous nous sommes concentrés sur les nouvelles portant

sur les manifestations dites « nationales » qui se déroulaient le 22e jour de chaque mois qu'a

duré la grève étudiante de 2012 et qui ont été publiées le lendemain de chacun de ces

évènements dans les quotidiens La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The

Gazette. Nous nous sommes intéressés à ces manifestations plus particulièrement,

puisqu'elles sont passées à l'histoire en raison du nombre de gens qu'elles ont mobilisés,

comme l'ont précisé Savard et Carel (2012) ainsi que Frappier, Poulin et Rioux (2012). De

plus, considérant le nombre de manifestations qui se sont tenues durant cette grève, il était

plus raisonnable dans le cadre d'une thèse de maîtrise d'analyser la couverture journalistique

consacrée à des manifestations qui se déroulaient mensuellement, plutôt que

quotidiennement. Par ailleurs, comme celles-ci se sont déroulées presque exclusivement à

Montréal, il est plus judicieux de se concentrer sur des quotidiens dont la salle de nouvelles

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 44

est située au cœur des évènements. D'autant plus qu'ils sont les quotidiens payants les plus

lus au Québec et les plus cités à la télévision et à la radio (Influence communication, 2013,

p. 133; La Presse, 2013; Le Devoir, 2013; Le Journal de Montréal, 2013), ce qui augmente

considérablement leur impact potentiel sur l'opinion publique.

Nous avons constitué notre corpus d'analyse au moyen des bases de données Eureka

et Factiva. Pour ce faire, nous avons indiqué les paramètres de recherche suivants en

français : « manifestation » ou « rassemblement » ou « marche » et « étudiant »; et ceux-ci en

anglais : « demonstration » ou « protest » et « student ». Ensuite, nous avons spécifié les

sources désirées, soit La Presse, Le Devoir et Le Journal de Montréal dans Eureka ainsi que

Montreal Gazette (The Gazette) dans Factiva, et ce, pour les six dates suivantes : le 23 mars

2012, le 23 avril 2012, le 23 mai 2012, le 23 juin 2012, le 23 juillet 2012 et le 23 août 2012.

Puis, nous avons écarté les nouvelles sans rapport avec les manifestations étudiantes ou

celles qui s'en servaient pour amener un autre sujet. Nous avons également fait abstraction

des articles d'opinion (tels les éditoriaux et les chroniques)7 ainsi que ceux parus dans des

sections autres que la section « Actualités » pour La Presse et Le Devoir, « Nouvelles » pour

Le Journal de Montréal et « News » pour The Gazette. Ainsi, nous avons uniquement

examiné les nouvelles qui traitaient effectivement des manifestations qui se sont tenues le

22e jour de chaque mois. Par ailleurs, comme la mise en page (soit l'emplacement du texte

autant dans les pages du journal que sur une page en particulier), les photos qui

accompagnent le texte et l'écriture périphérique (titraille, filets, trame, etc.) échappent aux

choix des journalistes, nous avons préféré nous en tenir au texte de nouvelle proprement dit.

7 Le choix de s'en tenir à l’analyse des nouvelles est peut-être limitatif, mais en nous intéressant uniquement au contenu des nouvelles ainsi qu'aux pratiques journalistiques nous évitions de comparer des genres et des pratiques qui ne se comparent pas. En effet, « par définition, les chroniques [et les éditoriaux, ajouterons-nous] permettent l'affirmation de points de vue personnels et subjectifs [ou organisationnels, dans le cas des éditoriaux] » (Centre d'études sur les médias, 2014, p. 61).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 45

Conformément à la méthode d'analyse de contenu présentée par L'Écuyer (1990,

ch. 2)8, nous avons d'abord effectué une première lecture du corpus. Ce qui nous « [a permis]

de [nous] donner une vue d’ensemble du matériel, de [nous] familiariser avec ses différentes

particularités et de prévoir les types de difficultés à surmonter » (L'Écuyer, 1990, p. 57-58).

Ensuite, nous avons procédé au découpage des nouvelles en unités de classification,

soit des « énoncés plus restreints possédant un sens complet en eux-mêmes » (L'Écuyer,

1990, p. 59, souligné par l'auteur). Par exemple, si nous prenons cet extrait tiré de notre

corpus d'analyse : « Dans une ambiance festive où le rouge était à l'honneur, de 100 000 à

200 000 manifestants ont envahi les rues de Montréal, hier, pour scander leur opposition à la

hausse des droits de scolarité. » (Breton, Santerre & Bilodeau, 2012, 23 mars, p. A2). Nous

l'avons découpé de cette façon : « Dans une ambiance festive », « où le rouge était à

l'honneur », « de 100 000 à 200 000 manifestants » « ont envahi les rues de Montréal, hier »,

« pour scander leur opposition à la hausse des droits de scolarité ».

Ce faisant, nous en avons profité pour regrouper les énoncés ainsi découpés dans des

catégories9 qui dérivaient autant de notre recension de littérature que des particularités de

notre corpus d'analyse (L'Écuyer, 1990, p. 64). Par exemple, nous avons décidé de regrouper

les énoncés selon qu'ils décrivaient l'évènement en question, qu'ils mentionnaient une source

ou encore qu'ils replaçaient l'évènement décrit dans son contexte. Après quoi nous avons

séparé les énoncés qui décrivaient l'évènement en fonction de la dimension décrite, soit les

participants, les qualificatifs employés pour décrire l'évènement, son déroulement ou ses

8 Si au premier abord la méthode proposée par de Bonville (2006) semble plus appropriée à l'analyse de contenu des médias, nous avons privilégié la démarche proposée par L'Écuyer (1990, ch. 2). En effet, elle nous permettait d'analyser qualitativement un nombre restreint de données, contrairement à celle proposée par de Bonville (2006). Par ailleurs, il est important de noter que la démarche proposée par L'Écuyer (1990) s'adapte à diverses problématiques (p. 4). 9 Selon L'Écuyer (1990), « une catégorie peut être définie comme toute unité plus globale (certains disent un thème) comportant un sens commun plus large et caractérisant d’une même manière la variété des énoncés [...] qui peuvent y être rattachés en dépit de leurs éventuelles différences de formulation ». (p. 64)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 46

raisons d'être. Puis, nous avons séparé les énoncés qui mentionnaient une source selon qu'elle

était affiliée à une association étudiante, à un corps policier, à un organisme non

gouvernemental ou encore qu'il s'agissait d'un manifestant ou d'un sympathisant, d'un

organisateur ou d'un bénévole, d'une personnalité politique ou artistique ou bien d'une source

journalistique. Nous avons également séparé les énoncés qui replaçaient l'évènement décrit

dans son contexte selon qu'ils traitaient des discours, des actions ou des stratégies étudiantes,

qu'ils détaillaient les autres manifestations ou perturbations organisées par les étudiants ou

qu'ils portaient sur les dissensions internes au sein du mouvement étudiant.

Par après, nous avons révisé chacun des énoncés ainsi classés, afin de nous assurer

qu'il cadrait bien dans la catégorie où il avait été préalablement classé (L'Écuyer, 1990,

p. 68). Ce faisant, nous avons révisé la pertinence de chacune des catégories et nous les

avons nommés et définis (L'Écuyer, 1990, p. 70-71). Ainsi, nous avons développé une grille

d'analyse dont les catégories et leur définition dérivent tout autant de notre corpus d'analyse

que de notre recension de littérature (cf. Annexe A : Grille d'analyse, p. 127).

Enfin, après avoir procédé à la classification finale des énoncés au moyen de la grille

d'analyse, nous avons, d'une part, procédé à la quantification et au traitement statistique des

données ainsi qu'à leur analyse quantitative (L'Écuyer, 1990, p. 71). Considérant la taille

minimale de notre corpus d'analyse — celui-ci est composé de 30 nouvelles, il n'y avait pas

lieu de faire des calculs statistiques sophistiqués. Nous nous sommes donc limités au calcul

de la moyenne. D'autre part, nous avons passé en revue les énoncés contenus dans chacune

des catégories pour faire ressortir leurs particularités spécifiques ainsi que « les relations [...]

qui peuvent exister entre les contenus d’une catégorie d’une part et ceux d’une ou de

plusieurs autres d’autre part » (L'Écuyer, 1990, p. 107-108). Ce faisant, nous avons réalisé

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 47

une analyse du contenu manifeste du matériel analysé, c'est-à-dire « ce qui est dit ou écrit, tel

quel, directement et ouvertement » (L'Écuyer, 1990, p. 22).

3. 2 Entretiens semi-dirigés

Comme nous l'avons mentionné plus haut, si l'analyse de contenu permet de

comprendre la signification du matériel analysé (L'Écuyer, 1990, p. 11), elle ne révèle rien

au sujet des décisions prises dans le cadre du processus de fabrication de la nouvelle (Ericson

et collab., 1987, p. 79). Qu'il s'agisse, par exemple, de décider quelle source contacter,

d'abandonner une histoire ou de la rendre plus intéressante d'un point de vue journalistique,

ou encore d'en modifier l'angle d'approche (Ericson et collab., 1987, p. 79). Voilà pourquoi,

nous avons proposé dans un second temps d’utiliser la technique de l’entretien.

Effectivement, l’entretien de recherche, tel que défini par Blanchet et Gotman (2007), « est

l'instrument privilégié de l'exploration des faits dont la parole est le vecteur principal. Ces

faits concernent les systèmes de représentation (pensées construites) et les pratiques sociales

(faits expérienciés) » (p. 25). C'est-à-dire que « [l]'entretien révèle la logique d'une action,

son principe de fonctionnement » (Blanchet & Gotman, 2007, p. 37). Ainsi, nous avons été

plus à même de comprendre ce qui fondait les choix effectués par les journalistes qui ont été

appelés à couvrir les manifestations étudiantes.

Afin de comprendre ce qui, de l'avis des journalistes, a influencé la production des

nouvelles que nous avons préalablement analysées, nous avons développé un canevas

d'entrevue qui comportaient des questions ouvertes donnant aux sujets toute la latitude

voulue pour décrire et expliquer la façon dont ils percevaient et vivaient leur situation au

moment des évènements (cf. Annexe B : Canevas d'entrevue, p. 132). Ainsi, nous nous

sommes tout autant intéressés à leur trajectoire socioprofessionnelle, à leur expérience du

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 48

« printemps érable », à la façon dont ils s'y sont pris pour produire l'article ou les articles

analysés, qu'à la couverture journalistique de ces évènements.

Puis, nous avons réalisé des entretiens individuels semi-dirigés auprès d'un

échantillon de 8 journalistes que nous avons sélectionné de façon aléatoire parmi les 35 dont

nous avons analysé les nouvelles dans la première partie de notre recherche. C'est-à-dire

deux journalistes travaillant pour La Presse sur une possibilité de 7, deux pour Le Devoir sur

une possibilité de 7, deux pour Le Journal de Montréal sur une possibilité de 10 et encore

deux autres pour The Gazette sur une possibilité de 11. Puis, nous avons envoyé un courriel

d'invitation aux journalistes sélectionnés via leur adresse courriel professionnelle. Si certains

d'entre eux refusaient de participer ou ne donnaient pas suite à nos courriels, nous les

remplacions en effectuant une nouvelle sélection aléatoire. Après quoi nous envoyions un

courriel d'invitation aux journalistes nouvellement sélectionnés. Lorsque nous recevions une

réponse affirmative, nous fixions un rendez-vous à leur convenance, que ce soit par

téléphone, via l'application Skype ou encore en personne dans une salle fermée pour des

raisons de confidentialité. Ces entretiens, d’une durée d’environ 60 minutes, ont été

enregistrés afin d'en permettre la transcription. Brièvement, notre échantillon était composé

de deux journalistes spécialistes, quatre journalistes généralistes et deux stagiaires. À

l'époque des faits examinés, ils avaient entre 1 an et 15 ans d'expérience dans le domaine et

la majorité d'entre eux travaillait pour les quotidiens sélectionnés en question depuis moins

de 3 ans. Dans un autre ordre d'idées, notre échantillon comptait trois femmes et cinq

hommes ayant tous poursuivi des études universitaires.

Comme pour l'analyse de contenu des nouvelles produites, nous avons d'abord

effectué une première lecture des transcriptions des enregistrements des entretiens.

Constatant, après maintes lectures, que les entretiens réalisés n'apportaient pas de nouvelles

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 49

dimensions au phénomène examiné, par exemple en termes de nouvelles logiques d'action à

considérer, nous avons procédé au découpage et à la classification des énoncés dans des

catégories qui découlaient de notre recension des écrits (L'Écuyer, 1990, p. 72-74; cf.

Annexe C : Grille d'analyse, p. 134). Enfin, nous avons procédé à ce que Ghiglione et

Matalon (1978, cité dans Blanchet & Gotman, 2007, p. 96) décrivent comme étant une

analyse thématique verticale et horizontale des transcriptions. Ainsi, nous nous sommes tout

autant intéressés à ce que chaque journaliste pris individuellement avait à dire sur les thèmes

abordés durant l'entretien (analyse thématique verticale), qu’à la façon dont chaque thème a

été abordé par l'ensemble des journalistes (analyse thématique horizontale). Ce qui nous a

permis de mettre en lumière les logiques qui ont influencé le processus de fabrication des

nouvelles portant sur les manifestations étudiantes.10

3. 3 Les limites de notre recherche

Comme toute recherche s'appuyant sur des méthodes qualitatives, notre

méthodologie comporte une limite importante, soit celle du nombre d'unités analysées

et de leur représentativité11 qui, espérons-nous, est compensée par la profondeur de

notre analyse. Ainsi, si nous ne pouvons pas généraliser nos conclusions à l'ensemble

de la couverture journalistique du « printemps érable » ou à l'ensemble des journalistes

québécois, nous pouvons cependant mieux comprendre les différentes logiques ayant 10 Si de Bonville (2006) semble exclure l’analyse des données issues d’entretiens de recherche du champ de l’analyse de contenu, nous avons pourtant procédé à une analyse de contenu des transcriptions des enregistrements des entretiens. En effet, considérant que de Bonville (2006) affirme également que les « analyses du contenu » sont des « pratiques improvisées », puisqu'elles se font « sans règles méthodologiques particulières » (p. 29) et que « [l]'analyse du discours porte généralement sur les propriétés linguistiques plus fines des messages que ne le fait l'analyse de contenu » (p. 30), nous avons préféré procédé une analyse de contenu des transcriptions des enregistrements des entretiens. Par ailleurs, les auteurs consultés en ce qui a trait à l'enquête par entretien, notamment Blanchet et Gotman (2007), indiquent de procéder à une analyse de contenu des corpus issus des entretiens de recherche. 11 Si nous ignorons le nombre de nouvelles qui ont été publiées pour toute la durée de la grève étudiante, nous avons appris que du 13 février au 23 juin 2012 le Centre d'étude sur les médias de l'Université Laval a recensé 1928 reportages, brèves, portrait et entrevues publiés dans les pages de La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette (communication personnelle avec l'un des directeurs du rapport).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 50

agi sur les journalistes qui ont produit les nouvelles auxquelles nous nous sommes

intéressées. Par ailleurs, si ces méthodes comportent un risque de subjectivité, Blanchet

et Gotman (2007) rappellent que :

La reconnaissance d'un biais fondamental n'est pas la marque de l'invalidité d'une

méthode, mais, au contraire, la condition nécessaire pour que cette méthode atteigne

un statut scientifique. Une méthode étant précisément caractérisée par la maîtrise des

distorsions auxquelles elle soumet les faits. (p. 115)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 51

4. Résultats de l'analyse de contenu

Dans le chapitre consacré à la méthodologie, nous avons proposé d'analyser le

contenu des nouvelles publiées dans La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The

Gazette au lendemain des manifestations s'étant déroulées le 22e jour de chaque mois qu'a

duré la grève étudiante de 2012. Dans le présent chapitre, nous présentons les résultats de

l'analyse de contenu que nous avons effectuée auprès des 30 nouvelles qui correspondaient à

ces critères.

4. 1 La description de l'évènement

D'abord, toutes les nouvelles analysées ont détaillé les manifestations qui se sont

déroulées le 22e jour de chaque mois qu'a duré la grève étudiante. Toutefois, comme nous

serons en mesure de le constater ici-bas, elles n'ont pas toutes détaillé les évènements en

question avec la même assiduité. En effet, le nombre de thèmes abordés dépendait de

l'organisation médiatique. Ainsi, La Presse a abordé, en moyenne, le plus grand nombre de

thèmes permettant de détailler les évènements en question (10,5 thèmes par article), suivi de

très près par Le Devoir et The Gazette qui, en moyenne, ont tous deux évoqué 10,4 thèmes

par article et Le Journal de Montréal qui, en moyenne, abordait 8,5 thèmes par article (cf.

Tabeau 1, colonne « t : Description de l'évènement », p. 136).

4. 1. 1 Les façons de qualifier l'évènement

Toutes les nouvelles analysées nommaient l'évènement d'une façon ou d'une autre (cf.

Tabeau 1, colonne 2.1, p. 136), qu'il soit qualifié de « manifestation », de « marche » ou de

« rassemblement ». Parfois, ces qualificatifs étaient agrémentés d'adjectifs décrivant

l'envergure de l'évènement, par exemple : « la manifestation colossale » (Myles, 2012, 23

mars, Le Devoir). Par ailleurs, sept nouvelles parmi celles-ci comparaient ces mouvements

de foule à des vagues ou à des marées et leur étendue à l'immensité de la mer, par exemple :

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 52

« une véritable marée rouge » (Bouabdellah, 2012, 23 mars, Le Journal de Montréal) ou

encore « a sea of people » (Semenak, 2012, 23 avril, The Gazette)12. Alors que trois autres

mentionnaient que l'évènement s'inscrivait dans une tradition instaurée par le mouvement

étudiant (Bilodeau, 2012, 23 juillet, La Presse; Gervais, 2012, 23 août, Le Devoir; Veilleux-

Turcotte, 2012, 23 juin, Le Journal de Montréal). Bref, lorsqu'elles ne décrivaient pas

l'évènement pour ce qu'il était, les façons de le qualifier témoignaient de l'ampleur et de la

longévité de ce mouvement social.

4. 1. 2 Les manifestants et leurs sympathisants

Des 26 articles qui détaillaient les individus ou les groupes qui manifestaient ou qui

encourageaient les manifestants (cf. Tabeau 1, colonne 2.2, p. 136), la quasi-totalité les

décrivait comme étant des étudiants au secondaire, au cégep ou à l'université, des parents et

des grands-parents, des jeunes familles, des travailleurs (surtout des enseignants et des

professeurs), des retraités, des membres de différents partis politiques (Parti québécois,

Québec solidaire et Option nationale), des membres de différentes organisations syndicales,

des groupes environnementalistes ou anticapitalistes, des citoyens ordinaires jeunes et moins

jeunes et autres militants ou sympathisants. Ces deux extraits de l'article de Bilodeau,

Duchaine, Nicoud et Santerre (2012, 23 mai, La Presse) illustrent bien ce fait : « La foule

composée d'étudiants, mais aussi de militants en tout genre, de sympathisants, de familles, de

poussettes et d'aînés [...] » et plus loin « Les associations étudiantes, les grands syndicats et

des politiciens comme Amir Khadir étaient au rendez-vous. »

Seuls les articles publiés le 23 avril 2012 détonnaient du reste. En effet, comme cette

manifestation s'est produite en même temps que la manifestation pour le Jour de la Terre,

12 Voir également les articles d'A-Trudel (2012, 23 mai, Le Journal de Montréal), de Gervais (2012, 23 mars, Le Devoir) de Guillemette (2012, 23 avril, Le Devoir), de Montgomery (2012, 23 mars, The Gazette) et de Teisceira-Lessard (2012, 23 avril, La Presse).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 53

certains de ces articles ont souligné la présence de militants environnementaux, occultant

presque celle des militants étudiants. Par exemple, Semenak (2012, 23 avril, The Gazette)

écrivait : « This time it wasn't students wearing red squares, waving red flags and clashing

with police. ». Sans être autant catégorique, Teisceira-Lessard (2012, 23 avril, La Presse)

affirmait ceci : « Après deux mois de manifestations étudiantes, c'était au tour des groupes

écologistes d'inviter les Montréalais ». Alors que Guillemette (2012, 23 avril, Le Devoir),

sans mentionner la présence des étudiants, avançait à tout le moins que la dénonciation de la

hausse des droits de scolarité était une des raisons d'être de l'évènement ou une des raisons

d'y participer. Payen (2012, 23 avril, Le Journal de Montréal), quant à lui, faisait figure à

part en écrivant : « Dans le cortège, le vert des écolos s'est fait relativement discret,

contrairement au rouge du mouvement des étudiants contre la hausse des frais de scolarité. »

Cela dit, la description des manifestants et de leurs sympathisants démontrait que les

étudiants qui s'opposaient à la hausse des droits de scolarité ont bénéficié de l'appui de

différents pans de la population. Ce qui n'est pas sans intérêt, puisque la description proposée

des manifestants et de leurs sympathisants ne les relègue pas à la marge de la société.

4. 1. 3 Le nombre de manifestants

Vingt-sept des trente articles analysés fournissaient une estimation du nombre de

manifestants (cf. Tabeau 1, colonne 2.3, p. 136). Plus précisément, 26 d'entre eux

fournissaient l'estimation du nombre de participants faite par le ou les auteurs de l'article,

15 présentaient celle faite par les organisateurs de l'évènement, neuf mentionnent le nombre

estimé par des sources policières13 et six spécifiaient celui rapporté par d'autres sources14.

13 Parmi ceux-ci, deux articles ne fournissaient pas le nombre estimé de manifestants par des sources policières, mais mentionnaient en contrepartie que le Service de police de la Ville de Montréal ne fournissait pas d'estimation de foule (Bilodeau, 2012, 23 juin, La Presse; Mennie et collab., 2012, 23 mai, The Gazette).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 54

Dans le même ordre d'idées, si tous les articles publiés dans La Presse, Le Devoir et

The Gazette fournissaient sans exception l'estimation du nombre de participants faite par le

ou les auteurs de l'article, six des dix articles publiés dans Le Journal de Montréal faisaient

de même (Agence QMI, 2012, 23 août; Bouabdellah, 2012, 23 mars; Laplante, 2012, 23 mai;

Massé, 2012, 23 juillet; Saillant & Moalla, 2012, 23 juin; Veilleux-Turcotte, 2012, 23 juin).

Ensuite, si tous les articles publiés dans La Presse fournissaient l'estimation du nombre de

participants faite par les organisateurs de l'évènement, quatre de ceux publiés dans Le Devoir

(Gervais, 2012, 23 mars; Gervais & Bélair-Cirino, 2012, 23 mai; Guillemette, 2012, 23 avril;

Mazataud, 2012, 23 août), trois de ceux publiés dans The Gazette (Mennie, Wilton, Riga,

Curtis, Harrold et Rocha, 2012, 23 mai; Seidman, 2012, 23 mars; Semenak, 2012, 23 avril) et

deux de ceux publiés dans Le Journal de Montréal (Bouabdellah, 2012, 23 mars; Payen,

2012, 23 avril) faisaient de même. Pour ce qui est de l'estimation du nombre de participants

faite par des sources policières, encore une fois, seule La Presse a fourni ce renseignement

dans tous ses articles. Alors que trois de ceux publiés dans The Gazette mentionnaient cette

information (Mennie et collab., 2012, 23 mai; Seidman, 2012, 23 mars; Semenak, 2012, 23

avril) et qu'aucun des articles publiés dans Le Devoir et Le Journal de Montréal ne la

fournissait.

Dans un autre ordre d’idées, si les estimations fournies par les organisateurs, les

sources policières ou les autres sources étaient presque toujours chiffrées (celles des

organisateurs étant toujours plus élevées que celles des sources policières), les estimations

faites par le ou les auteurs étaient plutôt approximatives. Effectivement, 19 des 26 articles

14 Notamment, la page Facebook de l'évènement (Saillant & Moalla, 2012, 23 juin, Le Journal de Montréal), l'AFP (Mazataud, 2012, 23 juillet, Le Devoir), l'expert en évaluation de foule embauché par Radio-Canada (Bilodeau, Breton et Handfield, 2012, 23 août, La Presse; Bruemmer, 2012, 23 août, The Gazette) et des sources non identifiées (Laplante, 2012, 23 mai, Le Journal de Montréal; Mennie et collab., 2012, 23 mai, The Gazette).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 55

dont le ou les auteurs fournissaient une estimation du nombre de manifestants, soutenaient

qu'ils étaient des milliers ou encore des dizaines de milliers de manifestants. Alors que des

neuf articles dont le ou les auteurs fournissaient une estimation chiffrée du nombre de

manifestants, quatre fournissaient les nombres minimal et maximal de manifestants (Breton

et collab., 2012, 23 mars, La Presse; Curtis, 2012, 23 juillet, The Gazette; Porter, Mazataud

& Dallaire-Ferland, 2012, 23 juin, Le Devoir; Saillant & Moalla, 2012, 23 juin, Le Journal

de Montréal). Un article publié dans Le Journal de Montréal présentait un nombre se situant

à mi-chemin entre les nombres minimal et maximal de manifestants (Veilleux-Turcotte,

2012, 23 juin). Trois autres mentionnaient uniquement le nombre maximal de manifestants

(Gervais, 2012, 23 mars, Le Devoir; Myles, 2012, 23 mars, Le Devoir; Semenak, 2012, 23

avril, The Gazette). Enfin, un article publié dans Le Journal de Montréal mentionnait

uniquement le nombre minimal de manifestants (Massé, 2012, 23 juillet).

Tout bien considéré, l'estimation du nombre de participants permettait de dissocier la

couverture journalistique de ces évènements selon le quotidien ou encore selon la date de

publication. Ainsi, non seulement les journalistes travaillant pour La Presse fournissaient-ils

toujours le nombre de manifestants estimés par les organisateurs et les policiers, leurs

propres estimations demeuraient neutres, c'est-à-dire qu'elles ne penchaient pas en faveur

d'un parti au détriment de l'autre. Semblablement, les journalistes œuvrant pour The Gazette

fournissaient généralement soit le nombre de manifestants estimés par les organisateurs et les

policiers, soit leurs propres estimations qui demeuraient plutôt neutres (à l'exception de

l'article de Semenak publié le 23 avril 2012, dont l'estimation correspondait davantage à celle

des organisateurs). Quant aux quotidiens Le Devoir et Le Journal de Montréal, nous avons

pu constater une évolution dans la façon d'aborder ce thème. En effet, si au départ les

estimations du nombre de manifestants fournis par leurs journalistes respectifs

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 56

correspondaient à celles des organisateurs, dès les 23 mai 2012, elles ont commencé à fournir

soit les nombres minimal et maximal de participants, soit un nombre mitoyen (à l'exception

de l'article de Massé publié dans Le Journal de Montréal le 23 juillet 2012).

Par ailleurs, 16 des 27 articles qui fournissaient une estimation du nombre de

manifestants faisaient également part des réactions suscitées par ce nombre. Parmi ceux-ci,

six ont été publiés dans The Gazette, quatre ont été publiés dans La Presse et dans Le Devoir,

les deux derniers ont été publiés dans Le Journal de Montréal (cf. Tabeau 1, colonne 2.3.1,

p. 136). Qu'elles soient le fruit du ou des auteurs de l'article ou encore des organisateurs, des

manifestants et de leurs sympathisants, les réactions au nombre de manifestants

transmettaient des émotions, par exemple : « Son collègue Gabriel Nadeau-Dubois s'est

réjoui du nombre de participants » (Bilodeau, 2012, 23 juillet, La Presse). Ces réactions

pouvaient prendre la forme de comparaisons avec d'autres manifestations, étudiantes ou non,

par exemple : « La foule présente pour la manifestation d'hier s'est montrée beaucoup moins

nombreuse que les précédentes manifestations des derniers 22 de chaque mois. » (Veilleux-

Turcotte, 2012, 23 juin, Le Journal de Montréal). Elles pouvaient également souligner le

caractère historique de la manifestation, par exemple : « “[...] des centaines de milliers de

personnes marchant présentement dans les rues viennent d'écrire une page dans l'histoire du

Québec. [...]” a pour sa part affirmé Jeanne Reynolds, co-porte-parole de la CLASSE. »

(Bouabdellah, 2012, 23 mars, Le Journal de Montréal). Enfin, lorsque, durant la saison

estivale, le nombre de manifestants diminuait, ces réactions ont alors pris la forme

d'explications à ce phénomène ainsi que d'un refus de s'avouer vaincu de la part des

organisateurs et des manifestants, par exemple :

“[...] la mobilisation est moins forte, plus difficile en ce moment [...]”, reconnaît

Camille Robert, coporte-parole de la Coalition large de l'Association pour une

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 57

solidarité syndicale étudiante (CLASSE), “mais on n'est pas vraiment inquiets, la

mobilisation se transforme. [...]”. (Porter et collab., 2012, 23 juin, Le Devoir)

En somme, non seulement le nombre de participants n'est pas sous-estimé (exception

faite de l'article signé par Massé le 23 juillet 2012 dans Le Journal de Montréal), mais les

réactions suscitées par ce nombre témoignaient à la fois de l'ampleur du phénomène et de la

capacité de ce mouvement à mobiliser des foules. Ce qui n'est pas inintéressant. En effet,

contrairement à ce que notre recension des écrits nous laissait présager, les articles analysés

ne réfutent pas l'efficacité de l'action collective.

4. 1. 4 Le déroulement de l'évènement

Tous les articles analysés ont décrit le déroulement de l'évènement et permettaient

généralement de répondre aux questions suivantes : quand l'évènement a-t-il eu lieu ? À

quelle heure a-t-il débuté ? À quelle heure s'est-il terminé ? Combien de temps a-t-il duré ?

Où l'évènement a-t-il eu lieu ? À quel endroit a-t-il débuté ? À quel endroit s'est-il terminé ?

Quelles rues ont été empruntées ? Comment s'est déroulé l'évènement ? Comment était

l'ambiance ? (Cf. Tabeau 1, colonne 2.4, p. 136) Considérant que seule « l'ambiance » des

manifestations était réellement sujette à interprétation, nous nous intéresserons uniquement à

celle-ci. Ainsi, il est intéressant de noter que si tous les articles qui décrivaient l'ambiance

dans laquelle se déroulait la manifestation affirmaient qu'elle était festive et joyeuse — une

journaliste allait même jusqu'à écrire : « At times, it was hard to tell if it was a party or a

protest » (Seidman, 2012, 23 mars, The Gazette) — certains d'entre eux laissaient tout de

même transparaitre la colère et la détermination des manifestants, par exemple : « Sous la

surface festive où cris et slogans montaient et éclataient comme des bulles, on sentait sourdre

du fond une colère palpable. » (A-Trudel, 2012, 23 mai, Le Journal de Montréal, voir

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 58

également Curtis, 2012, 23 juillet, The Gazette; Gervais, 2012, 23 août, Le Devoir; Gervais

& Bélair-Cirino, 2012, 23 mai, Le Devoir; Guillemette, 2012, 23 avril, Le Devoir).

Dans un autre ordre d'idées, 26 des 30 articles analysés mentionnaient l'absence ou la

présence de bouleversements, qu'il s'agisse de perturbateurs (manifestants masqués et vêtus

de noir), d'incidents, de méfaits, d'arrestations, d’actes de vandalisme ou de violence (cf.

Tabeau 1, colonne 2.4.1, p. 136). Parmi ceux-ci, 17 articles dénotaient à la fois la présence et

l'absence de bouleversement. À titre d'exemple, Seidman (2012, 23 mars, The Gazette)

écrivait : « Despite pockets of masked protesters, the event went off without a hitch ». Tandis

que six autres mentionnaient l'absence de bouleversements, que ce soit en affirmant qu'il n'y

avait pas eu d'incidents, de méfaits, d'arrestations, d’actes de vandalisme ou de violence ou

encore en affirmant que l'évènement s'était déroulé calmement ou pacifiquement.

Notamment celui signé par Saillant et Moalla (2012, 23 juin, Le Journal de Montréal) qui

affirmaient ceci : « Une foule bruyante et festive a marché dans les rues de Québec sous l'œil

des policiers qui ne déplorent aucun incident. » À l'inverse, trois articles signalaient la

présence de bouleversements, dont un publié dans La Presse (Bilodeau, Breton & Handfield,

2012, 23 août), un dans Le Journal de Montréal (Veilleux-Turcotte, 2012, 23 juin) et un

dernier dans The Gazette (Lalonde, 2012, 23 juin). Toutefois, la totalité des bouleversements

rapportés est présentée comme étant des gestes isolés ou encore le fait d'individus ou de

groupes spécifiques et non pas du mouvement dans son ensemble.

Par ailleurs, 17 des 30 articles analysés ont évoqué la question de la divulgation ou

non du trajet aux policiers. Parmi ceux-ci figuraient cinq des articles publiés dans La Presse

et Le Devoir, quatre de ceux publiés dans Le Journal de Montréal et trois de ceux publiés

dans The Gazette ont abordé ce thème (cf. Tabeau 1, colonne 2.4.2, p. 136). Parallèlement, si

dès le 23 mars 2012 trois articles abordaient ce thème, 14 des 17 articles qui le mentionnaient

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 59

ont été publiés après l'adoption de la loi spéciale en mai 201215. Plus précisément, les articles

publiés le 23 mars 2012 s'intéressaient surtout à l'impact que la divulgation du trajet aux

policiers a eu sur leur travail, aux réactions que les policiers ont eues à cet égard ainsi qu'aux

raisons pour lesquelles la CLASSE a décidé de ne pas divulguer son trajet. Les articles

publiés le 23 mai 2012, quant à eux, s'intéressaient davantage à la divulgation ou non du

trajet aux policiers, au respect ou non du trajet soumis ainsi qu'aux réactions que les policiers

ont eues à cet égard. Tandis que les articles publiés au lendemain des manifestations s'étant

déroulées le 22e jour des mois de juin, juillet et août 2012, se sont surtout intéressés à la

divulgation ou non du trajet aux policiers, aux réactions que ceux-ci ont eues à cet égard

ainsi que, dans une moindre mesure, au respect ou non du trajet soumis.

Dans un autre ordre d'idées, le tiers (10) des articles analysés traitait des impacts de

l'évènement sur la circulation ainsi que des réactions, autant négatives que positives, qu'a

suscitées l'évènement auprès des commerçants et des spectateurs assistant à la « Parade des

jumeaux » organisée dans le cadre du « Festival Juste pour rire ». La moitié (5) de ces

articles ont été publiés dans The Gazette, les cinq autres ont été publiés dans Le Devoir (trois

articles) et Le Journal de Montréal (deux articles) (cf. Tabeau 1, colonne 2.4.3, p. 136).

Parmi ces 10 articles, six traitaient des impacts négatifs de l'évènement sur la circulation.

Parmi ceux-ci figuraient les cinq articles publiés dans The Gazette (Bruemmer, 2012, 23

août; Mennie et collab., 2012, 23 mai; Montgomery, 2012, 23 mars; Seidman, 2012, 23 mars;

Semenak, 2012, 23 avril) et un autre publié dans Le Devoir (Myles, 2012, 23 mars). Trois

articles faisaient allusion aux réactions, autant négatives que positives, qu'a suscitées

l'évènement auprès des commerçants. Si Montgomery (2012, 23 mars, The Gazette)

15 Tel que mentionné précédemment, en vertu de la loi spéciale, les organisateurs d'une manifestation devaient divulguer aux forces policières l'heure à laquelle elle débuterait, sa durée et son itinéraire.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 60

mentionnait à la fois leur inquiétude et l'opportunité de profits que cela représentait pour

certains d'entre eux, Lefebvre (2012, 23 mars, Le Journal de Montréal) abordait uniquement

leur inquiétude. Porter et collab. (2012, 23 juin, Le Devoir), quant à eux, mentionnaient

uniquement l'opportunité de profits que cela représentait pour les vendeurs de crème glacée.

Enfin, deux articles traitaient des réactions des spectateurs assistant à la « Parade des

jumeaux ». À cet effet, il est intéressant de noter que Mazataud (2012, 23 juillet, Le Devoir)

a retenu le témoignage d'une spectatrice affirmant être « venu [sic] voir les jumeaux, mais

aussi la manifestation ». Alors que Massé (2012, 23 juillet, Le Journal de Montréal) affirmait

que pour ces mêmes spectateurs « la manifestation étudiante n'était pas la bienvenue. » Ainsi,

Le Journal de Montréal et The Gazette abordaient les impacts de l'évènement ainsi que les

réactions qu'il suscitait de façon plus négative que positive, contrairement au quotidien Le

Devoir.

Compte tenu de ce qui précède, si les articles analysés abordaient des thèmes qui

pourraient délégitimer le recours à la manifestation, ceux-ci sont présentés d'une façon qui,

dans son ensemble, nous semble équitable, en ce sens que les éléments rapportés « [ne

causent pas de] préjudice injustifié aux gens mis en cause, d'une part, et [permettent] au

public de se faire une opinion adéquate des faits, des évènements et des gens dont il a été

question, d'autre part » (Bernier, 2004, p. 220). Effectivement, si les bouleversements

survenus et les inconvénients causés lors de ces manifestations sont abordés, ces articles ne

focalisaient pas sur ceux-ci (à l'exception de l'article de Lefebvre paru le 23 mars 2012 paru

dans Le Journal de Montréal). D'autant plus que l'ambiance générale dans laquelle se déroule

la manifestation était immanquablement décrite comme étant joyeuse, festive et pacifique.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 61

4. 1. 5 Les raisons d'être de l'évènement et les raisons d'y participer

Parmi tous les articles analysés, seuls deux n'identifiaient pas explicitement les

raisons d'être de l'évènement ou les raisons d'y participer (Lefebvre, 2012, 23 mars, Le

Journal de Montréal; Myles, 2012, 23 mars, Le Devoir), tous les autres en identifiaient trois

ou plus (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.1 à 2.5.8, p. 136).

Parmi ces raisons figurait la dénonciation de la hausse des droits de scolarité et des

répercussions socioéconomiques qui en découlent pour la société québécoise qui a été

mentionnée dans 27 articles (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.1, p. 136). Nous pouvions discerner

cette raison dans les énoncés produits par les journalistes et leurs sources, par exemple :

« “[...] Il n'y a pas d'enjeu financier pour mes enfants, mais je pense à tous les autres qui n'ont

pas les moyens d'étudier. Au-delà de la grève, c'est un enjeu de société.” — Amélie B. »

(Colleu, 2012, 23 mars, Le Journal de Montréal). Nous pouvions également discerner cette

raison dans les énoncés mentionnant les éléments de couleur rouge, par exemple : « À

plusieurs endroits sur le chemin des manifestants, des personnes ont brandi de grands draps

ou des cartons rouges en signe de solidarité. » (Bilodeau et collab., 2012, 23 août, La

Presse). Par ailleurs, il est intéressant de noter que parmi les trois articles qui n'identifiaient

pas explicitement la dénonciation de la hausse des droits de scolarité comme étant une des

raisons d'être de l'évènement ou une des raisons d'y participer, deux laissaient des indices qui

donnaient à penser que l'évènement avait pour raison d'être la dénonciation de la hausse des

droits de scolarité. En effet, Myles (2012, 23 mars, Le Devoir) signalait que cet évènement

était organisé par la CLASSE, la FECQ et la FEUQ, figures de proue du mouvement étudiant

contre la hausse des droits de scolarité. Alors que Lefebvre (2012, 23 mars, Le Journal de

Montréal) rapportait le témoignage d'un étudiant qui s'opposait à la grève étudiante. Ainsi,

seul l'article de Semenak (2012, 23 avril, The Gazette) ne laissait pas place à l'interprétation

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 62

en occultant jusqu'à la présence des militants étudiants (cf. point 4. 1. 2). Notons également

que contrairement aux trois autres quotidiens examinés, The Gazette ne faisait pas de lien

entre l'idéologie néolibérale et la hausse des droits de scolarité.

Ensuite, la dénonciation des gouvernements (provincial et fédéral) en place ainsi que

leurs politiques environnementales (gaz de schiste, sables bitumineux, Plan Nord, protection

des écosystèmes et protocole de Kyoto) et néolibérales (mesures d'austérité, hausses des

tarifs et privatisation) était, quant à elle, mentionnée dans 21 articles. Parmi ceux-ci

figuraient six des sept articles publiés dans Le Devoir, cinq des six articles publiés dans La

Presse, six des dix articles publiés dans Le Journal de Montréal et quatre des sept articles

publiés dans The Gazette (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.2, p. 136). Cet extrait de l'article de

Guillemette (2012, 23 avril, Le Devoir) illustre bien ce thème : « “Il y a plusieurs enjeux qui

se mélangent : l'environnement, les étudiants, a expliqué Pascal Deschênes. Je suis là pour

l'attitude générale du gouvernement, pour sa façon de gérer le Québec.” »

Quant à la démonstration de l'existence d’une mobilisation étudiante et citoyenne,

elle est identifiée comme étant une des raisons d'être de l'évènement ou une des raisons d'y

participer dans 16 des articles analysés. Parmi ceux-ci figuraient cinq articles publiés dans Le

Devoir, quatre publiés dans La Presse et Le Journal de Montréal ainsi que trois articles

publiés dans The Gazette (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.3, p. 136). Nous pouvions discerner cette

raison dans les énoncés produits par les journalistes et leurs sources, par exemple : « “I'm

here to show that the movement is not over, that it hasn't run out of steam,” said a Université

de Montréal history major [...]. » (Bruemmer, 2012, 23 août, The Gazette). Nous pouvions

également la discerner dans les énoncés mentionnant l'ampleur et la durée de la contestation

ainsi que la nécessité de poursuivre et d'élargir la lutte, par exemple : « “La colère étudiante

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 63

est grandissante. Durant les prochaines semaines, nous serons plus nombreux que jamais

dans les rues”, a-t-il averti. » (Colleu, 2012, 23 mars, Le Journal de Montréal).

Puis, la dénonciation du statu quo est mentionnée dans 13 des 30 articles analysés.

Parmi ceux-ci figurent six des sept articles publiés dans The Gazette, quatre des sept articles

publiés dans Le Devoir, deux des six articles publiés dans La Presse et un des dix articles

publiés dans Le Journal de Montréal (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.4, p. 136). Nous pouvions

tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par les journalistes et leurs

sources que dans les énoncés mentionnant l'exaspération, le ras-le-bol ou encore le malaise

des manifestants eu égard à l'état actuel de la société québécoise ainsi que le « printemps

érable » ou le désir de changement. Cet extrait de l'article de Semenak (2012, 23 avril, The

Gazette) illustre bien ce thème :

[...] Pratte said he had a feeling the protest was "the start of something big." "It's cold

and miserable, and still all these people came out. We came for the future of our

children. We came to make ourselves heard," he said. "Maybe, just maybe, we are

ready to rise up. Maybe I will tell my children 25 years from now that we were here

when a new social movement began."

La dénonciation de la loi spéciale (projet de loi 78 ou loi 12) et de certains règlements

municipaux adoptés en vue d'encadrer les manifestations est, quant à elle, mentionnée dans

13 des 18 articles parus après l'adoption de la loi spéciale en mai 2012. Parmi les articles qui

mentionnaient ce thème, quatre ont été publiés dans Le Journal de Montréal, trois ont été

publiés dans Le Devoir et deux ont été publiés dans La Presse et The Gazette (cf. Tabeau 1,

colonne 2.5.5, p. 136). Nous pouvions identifier cette raison dans les énoncés produits par les

journalistes et leurs sources, par exemple : « “[...] contre la loi spéciale et contre les

règlements municipaux, jamais on ne va capituler”, a crié un des organisateurs de la Marche

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 64

nationale de Québec contre la hausse des frais de scolarité. » (Saillant & Moalla, 2012, 23

juin, Le Journal de Montréal). Cette raison pouvait également être discernée dans les

énoncés mentionnant le recours à la désobéissance civile.

La dénonciation de la gestion gouvernementale de la grève étudiante a été

mentionnée dans 12 articles. Si la moitié des articles publiés dans La Presse et Le Journal de

Montréal ont mentionné ce thème, un peu moins de la moitié (trois sur sept) des articles

publiés dans The Gazette et un seul article publié dans Le Devoir ont fait de même (cf.

Tabeau 1, colonne 2.5.6, p. 136). Nous avons constaté que la dénonciation de la gestion

gouvernementale de la grève étudiante était présente dans les énoncés qui traitaient des

discours, des actions ou des stratégies employées par le gouvernement libéral pendant la

grève étudiante. Les extraits suivants illustrent bien ce thème : « “On déplore que le

gouvernement Charest ait choisi la voie de la répression plutôt que celle de la négociation, a

pour sa part affirmé le président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin. [...]" » (Laplante, 2012, 23

mai, Le Journal de Montréal) et « “I'm here because I've never seen the youth of our

province treated so contemptuously [...]” » (Bruemmer, 2012, 23 août, The Gazette).

Enfin, la réclamation d'élections ou, lors de celles-ci, la dénonciation de l'absence des

enjeux soulevés lors du « printemps érable » a été mentionnée à cinq reprises au cours des

mois de juin et août 2012. Parmi les articles qui mentionnaient ce thème, deux ont été publiés

dans La Presse, deux autres ont été publiés dans The Gazette et un dernier a été publié dans

Le Devoir (cf. Tabeau 1, colonne 2.5.8, p. 136). En ce qui concerne la réclamation

d'élections, Bilodeau (2012, 23 juin, La Presse) affirmait, par exemple, que « les

manifestants étaient unanimes : ils réclamaient tous des élections dans l'espoir de se

débarrasser du Parti libéral. » Alors que pour ce qui est de la dénonciation de l'absence des

enjeux soulevés lors du « printemps érable », Gervais (2012, 23 août, Le Devoir) écrivait :

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 65

« Estimant qu'on avait peu parlé d'eux pendant la campagne électorale, ils ont pris la rue pour

se faire entendre. »

En définitive, les nouvelles analysées ne présentaient pas les manifestants ou leurs

sympathisants comme étant uniquement motivés par la défense de leurs propres intérêts. En

effet, même les motifs qui concernent de prime abord les étudiants (soit la dénonciation de la

hausse des droits de scolarité, de la loi spéciale et de la gestion gouvernementale de la grève

étudiante) sont présentés comme étant également d'intérêt pour l’ensemble des citoyens.

4. 2 Les sources

Tous les articles analysés citaient ou paraphrasaient au moins une catégorie de

source, qu'il s'agisse d'une organisation ou d'un individu. Néanmoins, le nombre de

catégories de sources ayant été citées ou paraphrasées varie selon l'organisation médiatique.

En effet, The Gazette a été le quotidien qui, en moyenne, a cité ou paraphrasé le plus grand

nombre de catégorie de sources (3,9 catégories de source différente par article), suivi de très

près par La Presse et Le Devoir qui, en moyenne, en ont fait intervenir respectivement 3,8 et

3,6 par article, puis, par Le Journal de Montréal qui, en moyenne, en citait ou en paraphrasait

2,2 par article (cf. Tabeau 1, colonne « t : Sources », p. 136).

Parmi les 30 articles analysés, 22 ont cité ou paraphrasé au moins une des trois

principales associations étudiantes ou leurs représentants (président, vice-président ou porte-

parole). De ce nombre, 21 articles ont cité ou paraphrasé la CLASSE ou ses porte-paroles.

Parmi ceux-ci, sept sont parus dans Le Journal de Montréal, cinq chacun dans La Presse et

dans The Gazette ainsi que quatre dans Le Devoir (cf. Tabeau 1, colonne 3.1.a), p. 136).

Treize articles ont cité ou paraphrasé la FECQ ou ses présidents, dont quatre ont

respectivement été publiés dans Le Devoir et Le Journal de Montréal, trois dans The Gazette

et deux dans La Presse (cf. Tabeau 1, colonne 3.1.b), p. 136). Alors que la moitié de ces 22

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 66

articles a cité ou paraphrasé la FEUQ, sa présidente ou son vice-président, dont quatre

articles dans The Gazette, trois dans La Presse ainsi que deux chacun dans Le Devoir et Le

Journal de Montréal (cf. Tabeau 1, colonne 3.1.c), p. 136).

Seize des 30 articles analysés ont cité ou paraphrasé des manifestants ou leurs

sympathisants, qu'il s'agisse d'étudiants du secondaire, du CÉGEP ou de l’université, de

parents, de grands-parents ou autres. Parmi ceux-ci figuraient cinq articles publiés chacun

dans Le Devoir et The Gazette ainsi que quatre articles publiés chacun dans La Presse et Le

Journal de Montréal (cf. Tabeau 1, colonne 3.2, p. 136).

Quinze articles ont, quant à eux, cité ou paraphrasé un corps policier ou ses

représentants. Parmi ceux-ci figurent six des sept articles publiés dans The Gazette, cinq des

six articles publiés dans La Presse, trois des dix articles publiés dans Le Journal de Montréal

et un des sept articles publiés dans Le Devoir (cf. Tabeau 1, colonne 3.3, p. 136).

Treize articles ont cité ou paraphrasé les organisations ou les individus ayant

participé à l'organisation de l'évènement ou ayant assuré son bon déroulement, autrement les

organisateurs et les bénévoles. Parmi ceux-ci, quatre sont parus dans The Gazette, alors que

trois articles parus chacun dans La Presse, Le Devoir et Le Journal de Montréal citaient ou

paraphrasaient les organisateurs ou des bénévoles (cf. Tabeau 1, colonne 3.4, p. 136).

Par ailleurs, douze articles ont cité ou paraphrasé des organismes non

gouvernementaux, qu'il s'agisse de regroupements de citoyens, de groupes de pression,

d'organismes sans but lucratif ou de syndicats, ou leurs représentants. Parmi ceux-ci figurent

trois groupes qui se sont formés dans le cadre du « printemps érable » (« Profs contre la

hausse », « Mères en colère et solidaires » et « Aînés contre la hausse »), trois syndicats (le

Syndicat de la fonction publique, la Confédération des syndicats nationaux et le Syndicat des

professeurs de l'Université du Québec à Montréal), plusieurs groupes environnementaux

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 67

(l'Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique, la Fondation David-

Suzuki, Jour de la Terre Québec, le Comité mobilisation gaz de schiste de Saint-Ours,

Greenpeace, Équiterre) ainsi que la Coalition opposée à la privatisation et à la tarification des

services publics. Parmi ces 12 articles, quatre sont parus dans Le Devoir, trois sont parus

chacun dans The Gazette et Le Journal de Montréal et deux sont parus dans La Presse (cf.

Tabeau 1, colonne 3.5, p. 136).

Sept articles ont cité ou paraphrasé des personnalités politiques, parmi lesquels

figuraient : Amir Khadir, porte-parole de Québec solidaire (Gervais, 2012, 23 mars, Le

Devoir; Bilodeau et collab., 2012, 23 mai, La Presse; Lalonde, 2012, 23 juin, The Gazette;

Mazataud, 2012, 23 juillet, Le Devoir), Pauline Marois, chef du Parti Québécois et de

l'opposition officielle à l'époque (Seidman, 2012, 23 mars, The Gazette; Teisceira-Lessard,

2012, 23 avril, La Presse), Gilles Duceppe, ancien chef du Bloc québécois (Bilodeau et

collab., 2012, 23 mai, La Presse; Gervais & Bélair-Cirino, 2012, 23 mai, Le Devoir), Jean

Charest, chef du Parti libéral du Québec et premier ministre à l'époque (Seidman, 2012, 23

mars, The Gazette), Pierre Curzi, député indépendant (Gervais & Bélair-Cirino, 2012, 23

mai, Le Devoir), Alexandre Boulerice, député de Rosemont-Petite-Patrie pour le du Nouveau

parti démocratique (NPD) (Gervais, 2012, 23 mars, Le Devoir), et, Daniel Paillé, chef du

Bloc québécois à l'époque (Teisceira-Lessard, 2012, 23 avril, La Presse).

Quatre articles ont cité ou paraphrasé des personnalités artistiques, telles : Dominic

Champagne (Teisceira-Lessard, 2012, 23 avril, La Presse; Guillemette, 2012, 23 avril, Le

Devoir), Guy A. Lepage (Teisceira-Lessard, 2012, 23 avril, La Presse), Gilles Vigneault

(Guillemette, 2012, 23 avril, Le Devoir), Boucar Diouf (Payen, 2012, 23 avril, Le Journal de

Montréal) et Yann Perreau (Porter et collab., 2012, 23 juin, Le Devoir). À l'exception de

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 68

l'article de Porter et collab. (2012, 23 juin, Le Devoir), ils ont tous été publiés le 23 avril

2012.

Trois articles ont cité ou paraphrasé des sources journalistiques, tels l'Agence France

Presse (Mazataud, 2012, 23 juillet, Le Devoir), La Presse (Bilodeau et collab., 2012, 23 août,

La Presse), l'expert en évaluation de foule embauché par Radio-Canada (Bilodeau et collab.,

2012, 23 août, La Presse; Bruemmer, 2012, 23 août, The Gazette) ainsi que d'autres

journalistes (Bruemmer, 2012, 23 août, The Gazette).

Enfin, le même nombre d'articles (3) ont cité ou paraphrasé des individus qui ne

relevaient d'aucun des thèmes précédents, tels un agent de sécurité (Lefebvre, 2012, 23mars,

Le Journal de Montréal), un homme d'affaires et un commerçant (Montgomery, 2012,

23mars, The Gazette) ou encore une spectatrice (Mazataud, 2012, 23 juillet, Le Devoir).

Essentiellement, les articles analysés ont fait intervenir davantage de catégories de

sources qui appuyaient la cause étudiante que de catégories de sources qui ne prenaient pas

position ou qui appuyaient la décision du gouvernent. Effectivement, à l'exception des corps

policiers, des sources journalistiques et des sources inclassables, toutes les autres catégories

de sources — même les personnalités politiques (à l'exception de Jean Charest, premier

ministre à l'époque) — étaient citées ou paraphrasées dans le cadre de leur participation aux

manifestations du 22e jour du mois. Ce qui n'est pas anodin. De fait, notre recension de

littérature nous porte à croire que les sources officielles seraient davantage citées ou

paraphrasées que les sources contestataires16. Par ailleurs, les articles analysés ont davantage

fait intervenir la CLASSE et ses représentants que les fédérations étudiantes et leurs

16 Néanmoins, cela pourrait tout bonnement s'expliquer par le fait qu'il s'agissait d'évènements regroupant des sources favorables à la cause étudiante.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 69

représentants. Ce qui est significatif considérant que les objectifs et les tactiques de la

CLASSE sont plus radicaux que ceux des fédérations étudiantes.

4. 3 Les mises en contexte

Dans un autre ordre d'idées, 26 des 30 articles analysés contextualisaient l'évènement

décrit, c'est-à-dire qu'ils replaçaient l'évènement dans un contexte plus large que ce soit en le

situant parmi l'éventail de stratégies étudiantes mises de l'avant tout au long de la grève ou

parmi les différentes manifestations ou perturbations organisées par les étudiants ou encore

en traitant des dissensions internes qui existaient entre les différentes associations étudiantes

ou au sein de la population étudiante quant aux questions entourant la hausse des droits de

scolarité et la grève étudiante. Comme nous serons à même de le constater plus loin, le

nombre de thèmes permettant de contextualiser l'évènement variait selon l'organisation

médiatique. Ainsi, The Gazette a abordé, en moyenne, le plus grand nombre de thèmes

permettant de contextualiser les évènements en question (2,3 thèmes par article), suivi par Le

Devoir (1,9 thème par article), La Presse (1,5 thème par article) et Le Journal de Montréal (1

thème par article) (cf. Tabeau 1, colonne « t : Mises en contexte », p. 136).

Plus précisément, 17 de ces 26 articles traitaient des paroles, des actions ou des

stratégies étudiantes mises de l'avant tout au long de la grève étudiante. Parmi ces 17 articles,

dix articles ont mentionné les paroles, les actions ou les stratégies mises de l'avant par les

étudiants pour contrer la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement libéral

ainsi que pour augmenter le soutien à leur cause. Les extraits suivants illustrent bien ce

thème : « Plusieurs associations notamment de l'UQAM ont également adopté une résolution

qui fera en sorte que le prochain vote de reconduction de la grève ne se tiendra que si la

ministre de l'Éducation dépose une offre satisfaisante. » (Gervais, 2012, 23 mars, Le Devoir)

« Desjardins said students will attend summer festivals across the province to lobby for their

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 70

cause and hand out red squares, as they did at the recent Francofolies Festival in Montreal. »

(Lalonde, 2012, 23 juin, The Gazette) Le même nombre d'articles (10) a traité des paroles,

des actions ou des stratégies mises de l'avant par les étudiants en vue de ou durant la

campagne électorale, par exemple : « Now that school is out for the summer, student leaders

say their nightly marches against tuition hikes will be replaced by door-to-door campaigning

designed to unseat the Liberal government. » (Lalonde, 2012, 23 juin, The Gazette). Alors

que seulement trois articles ont mentionné les paroles, les actions ou les stratégies mises de

l'avant par les étudiants pour contester la loi spéciale (projet de loi 78, loi 12), par exemple :

« FECQ launched a legal challenge to Bill 78 in June, seeking to have some of the law's

more controversial articles struck down by Quebec Superior Court. » (Curtis, 2012, 23

juillet, The Gazette). De ces 17 articles, cinq ont été publiés dans Le Devoir et The Gazette,

quatre dans Le Journal de Montréal et trois dans La Presse (cf. Tabeau 1, colonne 4.1.1,

4.1.2 et 4.1.3, p. 136). Les articles publiés dans The Gazette se sont autant intéressés aux

paroles, actions ou stratégies étudiantes mises de l'avant pour contester la hausse et la Loi

spéciale ainsi que pour s'introduire dans la campagne électorale. Alors que les articles

publiés dans Le Devoir et La Presse se sont davantage intéressés à celles mises en œuvre

pour contrer la hausse des frais de scolarité. Les articles publiés dans Le Journal de Montréal

se sont, quant à eux, davantage intéressés à celles mises de l'avant en vue de ou durant la

campagne électorale.

Dans un autre ordre d'idées, le tiers (10) des articles analysés détaillaient les

manifestations ou les perturbations organisées par les étudiants avant ou après l'évènement

décrit. Parmi ceux-ci figuraient trois articles publiés chacun dans Le Devoir et The Gazette

ainsi que deux articles publiés chacun dans La Presse et Le Journal de Montréal (cf. Tabeau

1, colonne 4.2, p. 136). Cet extrait de l'article signé par Gervais et Bélair-Cirino (2012, 23

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 71

mai, Le Devoir) illustre bien ce thème : « Contrairement à la marche de l'après-midi, la 29e

manifestation nocturne a rapidement viré à la confrontation. » À cet effet, il est intéressant de

noter que la quasi-totalité des énoncés regroupés sous ce thème établissait une séparation

nette entre les manifestations du 22e jour du mois et les autres manifestations ou

perturbations qui les précédaient ou les suivaient, qui étaient décrites comme étant

dérangeantes, voire violentes.

Dix articles traitaient des différends qui existaient entre les fédérations étudiantes et

la CLASSE ou des dissensions internes au sein de la population étudiante quant aux

questions entourant la hausse des droits de scolarité et la grève étudiante. Ils concernaient

également les énoncés produits par les journalistes et leurs sources qui mettaient en

opposition les trois principales associations étudiantes. Parmi ceux-ci figuraient trois articles

respectivement publiés dans La Presse et Le Devoir ainsi que deux articles respectivement

publiés dans The Gazette et Le Journal de Montréal (cf. Tabeau 1, colonne 4.3, p. 136). Les

extraits suivants illustrent bien ce thème : « But while Quebec's three main student

associations all want to freeze tuition and unseat the Liberal government, they remain

divided in their choice of tactics. » (Curtis, 2012, 23 juillet, The Gazette) et « Il y en a qui

vont vouloir poursuivre la grève, d'autres qui vont vouloir retourner en classe [...]. »

(Bilodeau, 2012, 23 juillet, La Presse).

Tout compte fait, si les énoncés qui exposaient les paroles, les actions ou les

stratégies étudiantes tendaient à démontrer la rationalité des contestataires, ceux qui traitaient

des autres manifestations ou des dissensions internes qui existaient au sein de la population

étudiante tendaient plutôt à démontrer le contraire. Ce qui peut miner la légitimité de ce

mouvement social et du recours à la manifestation comme moyen de contestation.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 72

4. 4 Les inclassables

Finalement, cinq articles comportaient des unités qui ne relevaient d'aucun des

thèmes susmentionnés. Parmi ces énoncés, deux sont particulièrement intéressants, puisqu'ils

traitaient des conséquences qu'entraine une grève étudiante prolongée. À ce propos, le 23

mars 2012, Seidman rapportait dans le quotidien The Gazette ces paroles de Pauline Marois :

« “Universities and CEGEPs are paralyzed. All of Quebec is losing” ». Alors que le 23 juin

2012, Porter et collab. rapportaient dans Le Devoir qu'« [à] Montréal, la présence

inhabituelle de deux associations de collecte de fonds a permis de mettre en lumière un

aspect peu connu de la contestation. En effet, après 130 jours de contestation, c'est désormais

le volet financier qui pâtit de la longévité du conflit ».

4. 5 Analyse de la couverture journalistique du « printemps érable »

Avant d'aller plus loin, nous souhaitons rappeler que compte tenu du nombre d'unités

analysées et de leur non-représentativité, nous ne pouvons pas généraliser nos conclusions à

l'ensemble de la couverture journalistique du « printemps érable ». Cela étant dit, compte

tenu de tout ce qui précède, force est de constater que le mouvement social qui a donné

naissance au « printemps érable » n'a pas fait l'objet d'un traitement qui lui soit défavorable, à

tout le moins dans les nouvelles analysées. Ce qui ne signifie pas que leurs auteurs tentaient

consciemment de le traiter favorablement, mais plutôt que la grande majorité des thèmes

qu'ils abordaient intercédait en leur faveur. En effet, en témoignant de l'ampleur et de la

longévité du phénomène, de la représentativité démographique des contestataires, de leur

capacité à mobiliser les foules, de la bonne ambiance dans laquelle se déroulaient ces

manifestations, de l'intérêt commun des causes défendues ainsi que de la rationalité des

paroles, actions ou stratégies étudiantes, le contenu de ces nouvelles tendait à légitimer non

seulement le mouvement en question, mais également le recours à l'action collective. Par

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 73

ailleurs, en faisant intervenir davantage de sources contre la hausse des droits de scolarité

que de sources qui ne prenaient pas position ou qui étaient en faveur de cette augmentation,

ces articles légitimaient les discours contestataires. Cela dit, certains des thèmes abordés

risquaient de miner leur crédibilité, voire leur légitimité. Nous n'avons qu'à penser aux

incidents survenus, à la non-divulgation du trajet aux forces policières, aux inconvénients

causés, aux autres manifestations ou perturbations ainsi qu’aux dissensions au sein de la

population étudiante. Toutefois, il est capital de rappeler que la quasi-totalité de ces articles

ne focalisait pas sur ces éléments négatifs (exception faite des articles de Lefebvre et de

Myles qui sont parus au lendemain de la manifestation du 22 mars 2012 respectivement dans

Le Journal de Montréal et Le Devoir). Ce qui contredit les accusations formulées par de

nombreux étudiants et professeurs voulant que les médias aient (a) fixé leur attention sur les

évènements fâcheux qui se déroulaient lors des manifestations, plutôt que d'encourager un

débat de fond; (b) stigmatisé les figures de proue du mouvement étudiant; (c) déformé,

censuré ou supprimé les informations qui pouvaient aider la cause étudiante; ou (d) relayé les

discours du gouvernement et de l'entreprise privée sans les questionner (Al-Saji, 2012;

Baillargeon, 2012; Blouin Genest, 2012a, p. 163; Cyr, 2012, para. 13, 38 et 48; Friesinger,

2012; Giroux, 2012, p. 520; Guillemain et collab., 2012; Langlois, 2012, p. 173; Manning,

2012; Martin & Tremblay-Pépin, 2012; Paquerot, 2012, p. 177; Pineault, 2012, p. 52;

Vaillancourt, 2012; Weinstock, 2012)17.

Quant à la couverture journalistique propre à chaque organisation, nous avons pu

constater qu'en moyenne Le Journal de Montréal abordait moins de thèmes différents que les

17 Nous devons de spécifier que ces accusations ne se fondaient pas sur des analyses de contenu et qu'elles concernaient l'ensemble de la couverture médiatique réservée au mouvement étudiant, c'est-à-dire autant les nouvelles que les analyses, chroniques et éditoriaux qui portaient sur les différents aspects du « printemps érable ».

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 74

autres quotidiens examinés. Ce, même si nous faisons abstraction des articles signés par A-

Trudel (2012, 23 mai), Colleu (2012, 23 mars) et Lefebvre (2012, 23 mars) qui abordaient

beaucoup moins de thèmes que les autres (cf. Tabeau 1, rangées 5, 6 et 16, p. 136)18. En

effet, en moyenne le nombre de thèmes abordés par les articles publiés dans Le Journal de

Montréal est de 11,8 et passe à 13,3 en faisant abstraction des articles susmentionnés, ce qui

est en deçà des moyennes des autres quotidiens examinés qui se situent à 16,9 pour The

Gazette, 16,4 pour Le Devoir et 15,8 pour La Presse (cf. Tabeau 1, colonne « T : Thèmes »,

p. 136). Enfin, sans affirmer qu'une tendance se dégage pour chacun des quotidiens

examinés, puisque la petite quantité d'articles analysés ne nous le permet pas, nous avons pu

observer que Le Devoir offrait une couverture légèrement plus favorable à ce mouvement

social que les autres quotidiens examinés. Nous avons également constaté que The Gazette

n'était pas aussi critique du gouvernement provincial en place que les autres quotidiens

examinés. Alors que La Presse et Le Journal de Montréal semblent avoir été autant critiques

des comportements des contestataires que de ceux du pouvoir politique lorsque ceux-ci

étaient jugés irraisonnables eu égard aux normes de la société québécoise19.

18 En faisant abstraction de ces articles, la moyenne du nombre de thèmes détaillant l'évènement passe de 8,5 à 9,6 par article, alors que celle du nombre de catégories différentes de source ayant été citée ou paraphrasé passe de 2,2 à 2,4 par article, enfin, celle du nombre de thèmes contextualisant l'évènement passe de 1 à 1,3. 19 Toutefois, nous devons préciser que les articles signés par A-Trudel (2012, 23 mai), Colleu (2012, 23 mars) et Lefebvre (2012, 23 mars) qui sont tous trois parus dans Le Journal de Montréal n'allaient pas dans ce sens. Si les deux premiers étaient franchement favorables aux contestataires, le dernier leur était plutôt défavorable.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 75

5. Résultats et analyse des entretiens

Tel qu'expliqué dans le chapitre consacré à la méthodologie, nous nous sommes

entretenus avec un échantillon de huit journalistes dont nous avons précédemment analysé

les nouvelles. Dans le présent chapitre, nous présentons les résultats de l'analyse des

entretiens que nous avons réalisés auprès de ceux-ci20.

5. 1 L'opinion que les journalistes interrogés ont du « printemps érable »

Comme nous le mentionnions au chapitre 2 (point 2.3), considérant que le contexte

dans lequel s'inscrivait le « printemps érable » avait influencé le travail des journalistes, nous

nous sommes intéressés, d'une part, à la définition que nos participants donnaient de ses

causes. D'autre part, nous avons recueilli leur opinion quant aux façons de le résoudre, aux

revendications étudiantes et au recours à la manifestation.

Ainsi, à la question « Quelles sont les causes du “printemps érable” selon vous ? »,

tous les participants ont mentionné directement ou indirectement la décision du

gouvernement libéral d'augmenter les droits de scolarité.

De surcroit, six participants affirmaient que l'attitude et les comportements des

acteurs en conflit, qu'il s'agisse des étudiants, des syndicats qui les ont supportés, du

gouvernement libéral, des forces policières ou encore des médias, n'ont fait qu'envenimer la

situation. Par exemple, l'intransigeance, selon eux, dont ont fait preuve les étudiants et le

gouvernement libéral a été mentionnée par cinq d'entre eux comme étant à l'origine de la

détérioration de la situation.

20 Afin de faciliter la lecture des extraits d'entretien, nous les avons « francisés ». Nous avons également traduit les extraits des entretiens qui avaient été réalisés en anglais. Afin de préserver l'anonymat des participants, nous avons privilégié l'emploi du masculin et nous avons regroupé les participants travaillant pour Le Journal de Montréal et Le Journal de Québec sous l'expression participants travaillant pour Québecor.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 76

Dans un autre ordre d'idées, six participants ont fait part du sentiment d'exaspération

qui était déjà présent au sein d'une partie de la population à l'égard des politiques

néolibérales, des mesures d'austérités et des inégalités sociales qu'elles génèrent, comme

l’ont, par exemple, affirmé en ces termes deux participants : « Et ensuite, c'est devenu une

protestation des politiques libérales. Bon, généralement l'argument c'était que ces politiques

néolibérales formaient l'injustice sociale. » (Participant travaillant pour Le Devoir) « Vous

aviez donc les étudiants qui étaient non seulement contre la hausse des droits de scolarité,

mais je pense aussi contre l'ensemble du contexte d'austérité. » (Participant œuvrant pour The

Gazette)

Quatre participants ont également mentionné le mécontentement généralisé de la

population à l'endroit du gouvernement libéral. Dans la même veine, deux d'entre eux

affirmaient que ce conflit s'inscrivait dans un contexte politique particulier :

Il y a eu aussi parfaitement un momentum. Ça n’aurait pas marché il y a deux ans,

quatre ans plus tard, je ne suis pas sûr [...], c'était comme à ce moment-là [...]. Donc,

je pense que c'était programmé ou presque. (Participant pour Le Devoir)

Ce gouvernement-là avait pris de mauvaises décisions régulièrement, ça faisait en

sorte qu'il y avait un faible taux de confiance [...]. Alors, je pense qu'il y avait un

contexte qui faisait en sorte qu'on arrivait en fin de mandat et le gouvernement était

obligé de bouger [...]. (Participant à l’emploi de Québecor)

Du reste, deux participants rapportaient que la polarisation du débat alimentée par la

sensibilité du sujet et l'émotivité des acteurs en présence ainsi que la durée et l'intensité du

conflit n'ont fait qu'empirer la situation :

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 77

Plus ça a avancé, en fait, plus j'ai l'impression que les sensibilités, les émotions ont

pris le dessus un peu pour tout le monde. [...] Puis avec le temps, la fatigue s'est

installée [...]. (Participant travaillant pour La Presse)

Donc, c'est sûr que c'était intense, je pense qu'aucune ville au pays n’a déjà connu

autant de manifestations en si peu de temps que Montréal, ce printemps-là. Et c'était

intense aussi parce que c'était très polarisant comme sujet. Puis, qu'on parle avec des

pro mouvements étudiants, des anti mouvements étudiants [...], les gens étaient

campés sur leurs positions. Puis, ils parlaient de ça avec beaucoup d'émotions [...],

plus ça allait, plus c'était vrai. (Participant pour La Presse)

Lorsque nous leur avons demandé comment le « printemps érable » aurait-il pu être

résolu, quatre participants ont affirmé que si les partis en conflit avaient agi de bonne foi,

celui-ci aurait pu se résoudre par le dialogue ou la négociation. Par exemple, un des

participants œuvrant au Devoir déclarait : « [...] je crois que ça aurait pu se régler dans le

dialogue même s'il y a eu des petites erreurs commises de part et d'autre qui ont fait que

l'opposition s'est cristallisée plutôt que de s'ouvrir en fait. » Un des participants travaillant

pour The Gazette affirmait, quant à lui : « Des deux côtés, je pense que, dès le départ, il y

avait, ce qu'il semble être, une réticence à engager un dialogue. » Néanmoins, deux d'entre

eux postulaient que le gouvernement libéral aurait pu être plus à l'écoute des revendications

étudiantes. Dans le même ordre d’idées, un des participants à l’emploi de Québecor semblait

affirmer que le gouvernement libéral et les étudiants auraient pu faire preuve d'une meilleure

écoute. Du reste, il postulait que le gouvernement libéral aurait pu revenir sur sa décision et

ainsi résoudre la crise, mais qu'il n'avait pas intérêt à le faire puisqu'il était soutenu, selon lui,

par une large partie de la population. Un des participants travaillant pour La Presse affirmait,

quant à lui, que si la hausse proposée avait été plus modeste ou si le gouvernement avait

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 78

plutôt proposé une indexation des droits de scolarité, cette mobilisation étudiante n'aurait pas

atteint de telles proportions. Sans dire comment le « printemps érable » aurait pu être résolu,

l'autre participant œuvrant pour La Presse soutenait qu'il aurait dû être résolu plus tôt. Enfin,

un des participants pour Québecor n'a pas voulu se prononcer sur la question. À cet effet, il

déclarait : « Je n'ai pas à me prononcer sur comment le conflit aurait pu être résolu. Je suis un

journaliste un petit peu plus traditionnel que d'autres, je n'aime pas donner mon opinion. »

En ce qui concerne l'opinion qu'ils ont des revendications étudiantes, quatre

participants ont affirmé qu'elles étaient légitimes. Par exemple, un des participants à l’emploi

de La Presse déclarait : « [...] est-ce que les revendications des étudiants étaient légitimes ?

Je pense que oui, je pense que la hausse était importante. » Un des participants travaillant

pour Québecor déclarait, quant à lui : « Bien, écoute, c'est légitime dans la mesure où il y

avait des arguments qui étaient pertinents. Moi, je trouve que les arguments concernant le

droit d'accès à l'école plus facilement sont pertinents. » Toutefois, il soutenait qu'elles

escamotaient des questions tout aussi importantes telles que : comment se fait-il qu'avec des

droits de scolarité aussi bas, le Québec n'ait pas un taux de scolarité plus élevé ? Quant à un

des participants pour Le Devoir, il déclarait : « [...] la hausse ne me choquait pas, j'étais ni

chaud, ni froid, mais après j'ai suis devenu enthousiaste à l'idée qu'un nouveau projet de

société soit développé pour le Québec par les participants du mouvement étudiant. » Alors

qu'un des participants travaillant pour The Gazette disait :

Je pense en fait qu'il est temps d'augmenter les frais de scolarité un peu [...]. [...] Vous

savez, les universités sont en quelque sorte l'épine dorsale de l'avenir, la richesse d'un

pays, et si nous continuons à les sous-financer, je crains que nous allons en payer le

prix [...]. (Participant pour The Gazette)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 79

Un des participants œuvrant pour La Presse affirmait, quant à lui, ceci : « [...] j'ai tellement

trop été là-dedans que je n'ai pas réussi à prendre position, parce que j'étais trop la cible des

frustrations de tout le monde [et] que je trouvais que c'était trop haineux. » Enfin, un des

participants pour Québecor n'a pas souhaité se prononcer sur la question. À cet effet, il

déclarait : « Je n'ai pas d'opinion sur les revendications étudiantes, excusez-moi. En fait, je

m'assure de ne pas me prononcer là-dessus. »

À la question « En tant que journaliste et citoyen, que pensez-vous du recours à la

manifestation comme moyen de confrontation extraparlementaire ? », trois participants ont

affirmé ne pas le percevoir comme un moyen de confrontation. Toutefois, un des participants

travaillant pour La Presse précisait « que dans le cadre du conflit étudiant c'est devenu un

moyen de confrontation ». Par ailleurs, cinq participants soutenaient qu'il s'agissait d'un droit

fondamental qui, selon trois d'entre eux, ne devait pas être restreint. Par exemple, un des

participants à l’emploi de Québecor déclarait : « [...] je vois ça comme un droit, un des droits

les plus essentiels à une démocratie [...]. » Quant à l'autre participant travaillant pour

Québecor, il affirmait ceci : « [...] fondamentalement, je pense que les manifestations c'est

une forme de démocratie qui est vraiment saine et qui, ça prend ça aussi, que les gens aient le

droit de manifester sans être attaqués par, mettons, des forces policières ou des ordres

qu'elles prennent du gouvernement. » Enfin, si trois participants postulaient qu'une

manifestation pacifique pouvait s'avérer un recours efficace et que deux participants

affirmaient que la façon de manifester demeurait problématique, un des participants pour Le

Devoir soutenait que le fait « de troubler l'ordre social [vise à] provoquer une réaction

politique, lorsque [celle-ci] ne se fait pas volontairement », alors qu'un des participants

travaillant pour The Gazette déclarait : « à vrai dire, la désobéissance civile crée du

progrès ».

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 80

En somme, loin de délégitimer ce mouvement social; loin d'ignorer la substance de

leurs messages; loin de faire fi des causes structurelles et systémiques de la situation

dénoncée; loin de dénigrer le débat comme moyen de résolution ou le recours à l'action

collective comme moyen pacifique, légitime et efficace de rectifier une situation; et, loin de

taxer ses objectifs d'insignifiants, les journalistes que nous avons interrogés ne tenaient tout

simplement pas de discours systématiquement dépréciatif à l'égard du mouvement étudiant.

Ce qui, à la lumière de notre recension des écrits et de nos entretiens, s'expliquerait de

différentes façons. D'abord, la décision d'augmenter les droits de scolarité créait des

dissensions au sein de l'élite et de la population québécoise. Ensuite, les stratégies déployées

par le gouvernement ont plus ou moins échoué, alors que celles mises en œuvre par le

mouvement contre la hausse ont généralement réussi. Enfin, ils ne perçoivent pas le recours à

la manifestation comme étant incompatible et contraire à l'exercice démocratique.

5. 2 Les logiques ayant influencé les nouvelles produites par nos participants

Comme nous l'avons vu au chapitre 2, le processus de fabrication de la nouvelle

portant sur les mouvements sociaux est tout autant influencé par les journalistes qui les

couvrent (logique individuelle), leurs routines de travail (logique des routines journalistique),

les organisations médiatiques qui les emploient (logique organisationnelle), les relations que

les journalistes et leurs employeurs entretiennent avec leurs annonceurs, leurs publics, leurs

sources et leurs instances règlementaires (logique extramédias) ainsi que le contexte dans

lequel les enjeux soulevés par les mouvements sociaux s'inscrivent (logique idéologique).

Nous avons donc interrogé nos participants pour voir si ces différentes logiques avaient

influencé la manière dont ils avaient couvert les manifestations qui se sont déroulées le 22e

jour des mois de mars, avril, mai, juin, juillet et août 2012.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 81

Avant d'aller plus loin, il nous faut, dans un premier temps, parler de la question de la

perception qu’ont les journalistes de leur rôle et de leur éthique. Effectivement, au cours des

entrevues, et en congruence avec ce qu’ont déjà montré plusieurs (voir le point 2. 2. 5 de

notre revue de littérature), nous avons été à même de constater l'influence de la perception

que les journalistes ont de leur rôle et de l'éthique sur le contenu de la nouvelle. Ainsi, à la

question « En quoi consiste votre rôle ? », les participants ont fourni des réponses qui se

résumeraient de cette façon : trouver des sujets au moyen de différentes sources

d'information, enquêter des sujets ou couvrir des évènements et rapporter ce qu'ils ont

constaté.

Par ailleurs, lorsque nous leur avons demandé quels étaient leurs droits ou libertés

ainsi que leurs devoirs ou responsabilités, six participants ont mentionné des exemples

relevant des principes de la liberté de presse ou du droit à l'information. Par exemple, un des

participants œuvrant pour Le Devoir mentionnait : « [...] je trouvais ça essentiel que les

journalistes aient accès aux policiers, aux lieux des manifestations, donc qu'ils puissent

bouger aisément [...] ». Pour ce qui est de leurs devoirs ou de leurs responsabilités, cinq

participants affirmaient qu'ils ont le devoir de rapporter des informations véridiques, exactes

et objectives ou à tout le moins équitables. Par ailleurs, deux participants ont mentionné que

les journalistes doivent respecter leur code de déontologie qui prescrit les devoirs

susmentionnés et plus encore. Dans un autre ordre d'idées, un des participants à l’emploi du

Devoir affirmait que les journalistes, à tout le moins ceux travaillant pour Le Devoir, doivent

être critiques vis-à-vis des propos que véhiculent leurs différentes sources d'informations.

Quant à un des participants pour The Gazette, il mentionnait : « En ce qui concerne mes

responsabilités, c'est de partager [les informations] avec le public et d'aider, je suppose, la

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 82

société à décider si nous prenons les meilleures décisions pour une obtenir société plus juste

pour tout le monde. »

Enfin, lorsqu'il est question de définir ce qu'est un bon journaliste, sept participants

affirmaient qu'un bon journaliste c’est d’abord et avant tout quelqu’un qui est conscient des

devoirs et des responsabilités mentionnés ci-haut. Dans un autre ordre d'idées, quatre

participants soutenaient qu'un bon journaliste est en mesure de trouver des sujets qui soient

préférablement inédits, et ce par lui-même.

5. 2. 1 La logique individuelle

D'abord, nous avons interrogé les participants à savoir si leurs caractéristiques

individuelles (genre, âge, ethnie, classe sociale d’appartenance), leurs expériences

personnelles et professionnelles, leurs attitudes, leurs valeurs et leurs croyances ainsi que la

perception qu'ils ont de leur rôle et de l'éthique avaient eu un effet, direct ou indirect, sur la

manière dont ils ont couvert le « printemps érable ».

Selon quatre participants c’est d’abord et avant tout leur expérience professionnelle

ainsi que la perception qu'ils ont de leur rôle et de l'éthique qui ont influencé leur manière de

couvrir les manifestations étudiantes. S'ils admettaient que leur vision du monde était

influencée par leurs caractéristiques individuelles, leurs expériences personnelles ainsi que

leurs attitudes, leurs valeurs et leurs croyances, ils soutenaient que cette vision n'affectait pas

leur production journalistique, puisque leur sens du professionnalisme, conditionné par leur

expérience professionnelle et leur éthique de travail, les disposaient à rapporter le plus

objectivement possible ce qu'ils voyaient et ce qu'ils entendaient. Par exemple, un des

participants déclarait :

Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de ces facteurs-là qui m'ont influencé. Là, je vais

avouer une chose, le fait d'avoir été impliqué dans un très long conflit de travail, [...]

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 83

fait qu'en principe ça nous prédispose assez facilement à avoir une certaine sympathie

pour les gens qui revendiquent. [...] Je crois que tout ça fait que lorsque je parlais

avec les manifestants qui sont souvent méfiants, voire hostiles envers les médias, ça

me donnait la capacité d'avoir une sensibilité, puis une délicatesse dans la façon de

jaser avec eux qui me servait bien. [...] Mais le fait d'avoir réussi à parler à ces gens-

là, [...] ça ne veut pas dire que j'avais un parti pris dans ma couverture pour eux. [...]

Donc, je dirais que tout ce que tu décris, notre background, nos expériences de vie,

pour moi, je le vois comme étant une aide dans la façon de travailler, la façon

d'approcher les gens, mais j'essaie que ça influence le moins le résultat final de la

production, parce que ça reste en fin de compte, l'article doit être équilibré [...], il faut

que l'article raconte ce qu'on a vu. (Participant pour La Presse)

Trois autres participants ont avoué que tout autant leurs caractéristiques individuelles,

leurs expériences personnelles et professionnelles, leurs attitudes, leurs valeurs et leurs

croyances que la perception qu'ils ont de leur rôle et de l'éthique avaient influencé leur

couverture des évènements. Ce qui, selon eux, ne les empêchait pas d'agir avec

professionnalisme et d'accorder une grande importance à leur crédibilité. Par exemple, un

d’entre eux affirmait que le fait qu'il côtoyait autant de gens qui étaient défavorables à la

hausse des droits de scolarité que de gens qui étaient favorables à l'idée, l'incitait à vouloir

tempérer le débat en faisant part des différents points de vue sur la question. À cet effet, il

déclarait :

Il m'était beaucoup plus facile de m'identifier aux gens dans la rue, parce qu'ils étaient

plus près de mon âge, ils se situaient à peu près dans la même catégorie

socioéconomique que moi et parmi tous les gens que je connaissais ou avec qui je

discutais, beaucoup s'opposaient et méprisaient l'idée [de hausser les droits de

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 84

scolarité]. [...] Et, d'un autre côté, ayant beaucoup de contacts avec des personnes

âgées, des baby-boomers et des personnes qui n'étaient pas d'accord avec eux, [...]

j'essayais de modérer la discussion un peu en présentant des arguments valables des

deux côtés et en évaluant l'ampleur de la situation. (Participant travaillant pour The

Gazette)

Un des participants œuvrant pour Le Devoir affirmait, pour sa part, que ses caractéristiques

individuelles, ses expériences personnelles ainsi que ses attitudes, ses valeurs et ses

croyances lui donnaient accès à des gens ou à des informations qui nourrissaient ses

réflexions ou lui permettaient de trouver des sujets de nouvelles. À cet effet, il déclarait :

Puis, comme je parlais, de la difficulté de séparer le citoyen du journaliste, puis, je

pense qu'à la fois les deux se nourrissent. Souvent on se pose des questions, dans

notre éthique, les journalistes. Bon, notre éthique nous interdit, par exemple, d'être

membres d'un parti politique, c'est un peu la base. [...] Mais, j'ai beau ne pas être

membre du Parti libéral, si je suis vraiment dans mon cœur convaincu, [...] mais c'est

ça ultimement qui va peut-être me donner accès à des gens, de l'information qui va

me nourrir aussi [...]. C'est ça qui te met en relation avec le monde, c'est ça qui

t'amène aussi de la nouvelle. (Participant pour Le Devoir)

Ce qui ne l'empêchait pas d'accorder beaucoup d'importance à la factualité des nouvelles qu'il

produit :

[...] je suis conscient que j'ai des sensibilités, mais c'est important que les gens quand

ils me lisent, ils se disent — même quelqu'un qui serait vraiment contre le

mouvement étudiant, puis tout ça, puisse dire : « Ce que [son nom] nous rapporte

c'est des faits, puis c'est ça qui s'est passé. » (Participant pour Le Devoir)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 85

Un des participants à l’emploi de Québecor, quant à lui, déclarait que seules son

éthique et son expérience professionnelle avaient influencé son angle d'approche. Lorsque

nous lui avons demandé d'expliquer en quoi ces éléments influençaient sa couverture, il

affirma :

[...] mon éthique m'oblige à rapporter les évènements comme ils se sont passés de la

façon la plus objective possible, ça influence ma manière d'écrire cet article-là. Et

toute mon expérience professionnelle m'a permis de saisir l'ampleur de cet

évènement-là, les différents tenants et aboutissants et, puis, comment me préparer

pour ça, à qui parler, avec qui faire les entrevues, etc. (Participant pour Québecor)

En somme, comme notre recension des écrits nous le laissait présager, les

caractéristiques individuelles, les expériences personnelles ainsi que les attitudes, les valeurs

et les croyances des journalistes interrogés n'ont exercé qu'une influence restreinte sur la

production des nouvelles portant sur le « printemps érable ». Effectivement, ces éléments

étaient relativisés par leur expérience professionnelle ainsi que la perception qu'ils ont de

leur rôle et l'éthique.

Du reste, lorsque nous leur avons demandé s'ils avaient été confrontés à un dilemme

éthique dans le cadre du « printemps érable », la plupart des participants qui ont admis avoir

expérimenté directement ou indirectement une telle situation ont démontré qu'ils accordaient

de l'importance à leur éthique professionnelle.

Par exemple, un des participants travaillant pour Le Devoir expliquait qu'il

désapprouvait le fait qu'une chronique pro-étudiante soit parue sur la page frontispice sans

qu'elle ne soit identifiée comme telle, que certains de ses collègues portaient le carré rouge

ou encore qu'un d'entre eux ait signé une pétition demandant au gouvernement de négocier

avec les étudiants. Effectivement, de telles situations sont contraires aux principes d'intégrité,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 86

d'impartialité et de rigueur journalistique (Bernier, 2004, ch. 8, 10 et 11). Par ailleurs, il

mentionnait aussi un article qui portait sur le profilage criminel au Grand Prix de Formule 1

où deux de ses collègues s'étaient déguisés en étudiants portant le carré rouge pour voir s'ils

seraient la cible d'un tel profilage. À cet effet, il disait : « ce genre de démarche là, ça heurtait

un peu mon éthique, fallait que ça soit un petit peu mieux ficelé. » Ce qui relève du principe

de l'équité procédurale en journalisme (Bernier, 2004, Ch. 9). Enfin, il a relaté un épisode où

un supérieur sympathique au mouvement étudiant lui avait demandé de produire un article

qui soit favorable à l'une de ses figures de proue. Ce qu'il refusa, puisque cela contrevenait à

son devoir d'impartialité et à la perception qu'il a de son rôle. Voici sa version des faits :

Je parlais donc de mon patron qui m'avait dit — je ne sais pas si c'est en ces mots-là,

ça fait deux ans je ne me rappelle pas trop, mais : « Fais un article pour réhabiliter la

réputation de [nom du porte-parole]. » Puis, j'avais dit : « Bien, non, je ne vais pas

faire ça. » [...] Voyons donc, ce n'est tellement pas ça le métier. [...] Puis, au Devoir

on peut se le permettre. (Participant pour Le Devoir)

Un des participants œuvrant pour La Presse affirmait, pour sa part, que le fait d'écrire

en direct des manifestations s'était avéré problématique, puisqu'il disait ne pas prendre le

temps de réfléchir avant de publier une information en ligne. Néanmoins, il déclarait

qu'« après ça, pour le journal papier, je refaisais un résumé de tout ça, j'essayais de mettre

tout ça en ordre. » Par conséquent, si le fait de couvrir ces évènements en direct mettait à mal

le principe de rigueur journalistique (Bernier, 2004, Ch. 8), à tout le moins, il s'efforçait de

rectifier son tir après coup.

L’autre participant à l’emploi de La Presse, quant à lui, mentionnait que lorsqu'une

collègue avait rapporté dans son texte qu'une manifestation s'était arrêtée devant le domicile

d'une personnalité médiatique et que l'individu en question s'était plaint pour atteinte à sa vie

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 87

privée, cela avait suscité une réflexion au sein de leur équipe, qui avait débouché sur le

retrait de l'information en question. Décision avec laquelle, semble-t-il, il serait en désaccord,

puisqu'elle faisait deux poids, deux mesures. En effet, s'il admettait que cette information

indiquait indirectement l'adresse de ladite personnalité, il rappelait que ce même type

d’information avait été diffusé lorsque des manifestations s'étaient arrêtées devant les

résidences de personnalités politiques. Ce qui lui faisait dire : « Alors pourquoi on le dit et

c'est correct de le dire quand il s'agit de personnalités publiques, mais pour une autre il ne

faudrait pas le dire ? »

Un des participants pour Le Devoir affirmait, pour sa part, avoir été confronté à un

dilemme éthique lorsqu'il a participé à la production d'un article qui rapportait l'interpellation

policière dont une collègue et lui-même avaient fait les frais 21 . Effectivement, si les

évènements en question étaient d'intérêt public, la conversation qui en avait résulté entre les

journalistes et les policiers n'avait pas été enregistrée et son existence n'était donc pas

démontrable. Pleinement conscient de cette difficulté, sa collègue et lui-même ont entrepris

de reconstituer dans les moindres détails le déroulement des évènements et du dialogue qui

s'était tenu. Ce faisant, ils s'efforçaient de respecter leur devoir de rigueur et d'exactitude.

Néanmoins, ils ont préféré produire un texte qui se présentait comme un récit plutôt qu'un

article d'information, puisque, disait-il : « ça aurait mal sorti comme un article informatif ».

D'autant plus, pensons-nous, qu'ils étaient parties prenantes des évènements et qu'ils

n'auraient pas pu être parfaitement impartiaux. Enfin, une fois l'article publié, ses supérieurs

lui ont demandé de ne pas accorder d'entrevue à ce sujet, ce à quoi il a consenti puisque,

selon lui, « tout ce qu'[ils avaient] à dire était dans l'article ».

21 Afin de préserver l'anonymat du participant en question, nous préférons nous faire avares de détails quant au contexte dans lequel s’étaient déroulés ces évènements, puisque cette information permettrait de les identifier.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 88

5. 2. 2 La logique des routines journalistiques

Considérant que les routines journalistiques se fondent sur la capacité des journalistes

à reconnaitre les évènements dignes d'intérêt, à collecter des informations factuelles ainsi

qu'à les traduire dans un format qui répond aux besoins et aux normes de leur profession et

de l'organisation médiatique qui les emploient (cf. point 2. 2. 4), nous nous sommes tout

autant intéressés au déroulement de leur journée de travail qu'à la façon dont nos participants

s'y prenaient pour sélectionner et saisir les évènements en question.

Ainsi, lorsque nous leur avons demandé de nous décrire le déroulement d'une journée

typique de travail lors du « printemps érable », plusieurs ont répondu que cela dépendait de

la journée. Toutefois, ils ont tous été en mesure de nous en donner un aperçu.

Essentiellement, ils commençaient leur journée en se tenant au courant de ce qui se passait

au moyen de différents médias. Puis, dépendamment de leur mandat22, ils allaient soit sur le

terrain couvrir l'évènement ou ils restaient au bureau pour rédiger un article pendant qu'un ou

plusieurs collègues allaient sur le terrain couvrir l'évènement et leur transmettre les

informations recueillies. Enfin, s'ils étaient allés sur le terrain pour couvrir l'évènement par

eux-mêmes, ils revenaient au bureau pour rédiger un texte qui rapportait ce qu'ils avaient vu

et entendu.

Par ailleurs, lorsque nous leur avons demandé d'expliquer les raisons motivant la

sélection de ces manifestations, la plupart des participants ont affirmé qu'il était évident

qu'elles seraient couvertes, et ce, pour plusieurs raisons. D'abord, l'envergure de l'évènement

y était pour beaucoup. Effectivement, six participants ont mentionné qu'il était prévu que ces

manifestations réuniraient un grand nombre d'individus. D'ailleurs, deux d’entre eux ont

22 Cinq participants ont déclaré avoir été assignés à la couverture des manifestations examinées et trois autres ont affirmé avoir décidé de les couvrir.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 89

indiqué qu'aux dires des manifestants il s'agissait de « manifestations nationales ». Ensuite,

les participants travaillant pour Le Devoir ont mentionné la prévisibilité et l'intérêt de

l'évènement. Pour leur part, les participants œuvrant pour Québecor ont affirmé qu'il

s'agissait d'un évènement important de l'actualité. Les participants à l’emploi de La Presse,

quant à eux, ont déclaré qu'ils couvraient de facto les manifestations étudiantes. Par ailleurs,

deux participants ont souligné que les manifestations qu'ils avaient couvertes marquaient des

moments charnières de la lutte étudiante. Enfin, un des participants pour The Gazette

déclarait également ceci : « [...] je pense que nous voulions montrer aux lecteurs que les gens

étaient toujours là et qu'ils se souciaient et se battaient encore pour quelque chose. »

Pour saisir l'évènement, les participants affirmaient s'appuyer sur leur observation

directe, les messages entendus dans les manifestations, les témoignages des contestataires,

les réactions du gouvernement, de l'opposition officielle, des corps policiers et des

établissements scolaires, les discours des associations étudiantes ainsi que les articles de

leurs collègues et de leurs concurrents. Toutefois, certains participants ajoutaient des

éléments à cette liste. Par exemple, un des participants travaillant pour Le Devoir affirmait

s'être appuyé sur les témoignages de personnes qui ont marqué le milieu de l'éducation ainsi

que sur ses discussions personnelles avec son entourage. Pour sa part, un des participants

œuvrant pour La Presse mentionnait les commentaires des commerçants. L’autre participant

pour La Presse a indiqué s'être également appuyé sur les témoignages des étudiants qui

étaient en faveur de la hausse des droits de scolarité. Un des participants à l’emploi de

Québecor affirmait, quant à lui, s'être servi des médias sociaux pour constater l'évolution des

évènements. Enfin, un des participants pour The Gazette mentionnait également le public en

général.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 90

En somme, comme notre recension des écrits nous le laissait encore une fois

présager, la sélection d'un évènement s'appuie sur une analyse multifactorielle et

circonstancielle, qui tient tout à la fois compte des intérêts et des objectifs du journaliste, de

l'organisation médiatique, de la source, du public et de la société ainsi que des contraintes

limitant le travail des journalistes. Néanmoins, contrairement à ce que notre revue de

littérature tendait à montrer, mais comme notre analyse de contenu nous permettait

d'anticiper (cf. point 4. 2), nos participants se sont appuyés sur une variété de sources

d'informations pour saisir les évènements couverts et n'ont pas privilégié les discours

émanant des sources officielles.

5. 2. 3 La logique organisationnelle

Comme nous l’avons vu au chapitre 2, une logique organisationnelle semble

intervenir dans la manière dont les évènements sont couverts et rapportés par les journalistes

qui ne travaillent pas dans un « vide organisationnel ». À cet effet, ils subissent souvent, sans

s’en rendre compte, le poids des modalités de fonctionnement du média pour lequel ils

travaillent. Par fonctionnement du journal, nous entendons la forme de propriété, les objectifs

organisationnels, les structures hiérarchiques et la ligne éditoriale. Quand nous les avons

interrogés à savoir si la logique organisationnelle avait un impact sur la manière dont ils

rapportaient les nouvelles, certains nous ont dit que ça ne changeait rien à leurs pratiques.

C’est le cas des participants travaillant pour Québecor, La Presse et The Gazette, qui

soutenaient que le fonctionnement de leur journal n'avait eu aucune influence sur leur

couverture.

Si un des participants œuvrant pour Québecor n'a pas expliqué les raisons qui sous-

tendaient cette réponse, l’autre précisait que si ses patrons décidaient du contenu de la page

frontispice, les journalistes, eux, « [avaient] la liberté complète de faire le texte qu'[ils

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 91

voulaient], c'est-à-dire qui reflétait le plus possible ce qu'[ils avaient] vu et de quoi avait l'air

la manifestation au moment où ça se passait ». D'ailleurs, il affirmait plus loin que ses

patrons n'avaient jamais apporté de changements à ses textes, sinon pour corriger ses erreurs

typographiques, orthographiques, grammaticales ou syntaxiques.

Quant aux participants à l’emploi de La Presse, ils soutenaient qu'il existait un mur

étanche entre l'éditorial, qui est la voix du propriétaire, les chroniqueurs et les journalistes. À

titre de preuve, ces deux participants ont mentionné le fait que si l'éditorial appuyait

franchement la décision du gouvernement, la grande majorité des chroniqueurs appuyaient,

quant à eux, la position des manifestants. Par ailleurs, tous deux ont affirmé ne pas avoir reçu

de commande ou de directive de la part de leurs patrons. À cet effet, un d’entre eux allait

même jusqu'à dire ceci : « [...] c'était moi qui me dictais ma propre ligne, puis ça n'a jamais

été remis en question par personne. » L’autre participant, quant à lui, indiquait que la seule

influence que ses patrons pouvaient exercer sur sa couverture relevait du titre apposé à son

article et de l'espace qui lui était alloué (c'est-à-dire tout autant son positionnement dans le

journal que le nombre de mots accordés). À cet effet, il déclarait :

Il n'y a pas vraiment d'angle à donner à une manif, tu racontes ce qu'il y a eu. Puis, lui

[(le directeur de l'information)], il décide : « Je vais faire la grosse une avec et les

deux premières pages ou je vais le reléguer en page 15 et ne pas en faire mention en

une. » Ça, c'est le contrôle du patron. Puis, les titres aussi. Mais c'est sûr qu'il peut y

avoir une orientation qui est donnée comme ça. Moi, je n'ai pas senti qu'il y en avait

vraiment une. C'est sûr que quand ça allait bien on en parlait moins que quand ça

dégénérait. Là, ça, c'est une orientation. Mais, moi, mon travail sur le terrain c'était de

raconter ce qui s'est passé, après ça j'appelle au bureau, ils me disent fais 300 mots,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 92

500 mots, 1000 mots [...], mais après ça, le contenu dans l'article, il n'est pas orienté

du tout là. (Participant pour La Presse)

Un des participants travaillant pour The Gazette déclarait, quant à lui, que le

fonctionnement de ce quotidien ne l'influençait pas vraiment et qu'on ne lui avait jamais dicté

une ligne éditoriale particulière. Pourtant, il affirmait tout de même ceci : « Nous sommes un

grand journal anglophone, nous ne sommes pas un petit journal étudiant, par exemple, et ça

doit faire une différence. » En ce qui concerne l’autre participant pour The Gazette, il

affirmait que le fonctionnement de ce quotidien n'avait pas influencé sa couverture.

Quant aux participants à l’emploi du Devoir, sans qu'ils aient eux-mêmes confirmé

que le fonctionnement de ce quotidien avait influencé leur couverture, leurs témoignages

laissent croire que c'était bien le cas. D'abord, en ce qui concerne la forme de propriété et les

objectifs organisationnels, un des participants affirmait que l'indépendance du Devoir lui

permettait d'être sympathisant du mouvement étudiant, ce qui était tout à son avantage,

puisque cela lui permettait de faire mousser ses ventes tout en « [demeurant] dans la niche un

peu à part qu'il s'était créée ». Ensuite, au niveau des structures hiérarchiques, l’autre

participant soutenait que celles-ci n'étaient pas très hiérarchiques et que de ce fait les

journalistes pouvaient très bien tenir tête à leurs supérieurs, comme nous avons pu le

constater au point 5.2.1. D'ailleurs, tous deux s'accordaient pour dire que les journalistes du

Devoir jouissaient d'une grande autonomie dans le choix de leur sujet et de leur angle

d'approche. Par exemple, lorsque nous avons demandé à l’un d’entre eux s’il avait décidé de

couvrir ces évènements ou si on lui avait plutôt demandé de le faire, il avait spécifié :

[...] il y a beaucoup d'autonomie dans mon travail, vraiment, pour toutes sortes de

raisons : parce que nos patrons sont comme ça. Il y a une autre dynamique, il n'y a

pas une grosse division entre les employés-journalistes et les patrons, on est un peu

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 93

tout le monde sur le même pied, on travaille en collaboration, en coopération plutôt

qu'en opposition. [...] Puis, nos patrons nous font confiance, [mais] ils n'ont pas le

choix un petit peu de nous faire confiance, parce qu'ils ne pourraient pas tous nous

gérer, parce qu'ils sont peu nombreux. (Participant pour Le Devoir)

Par ailleurs, l’autre participant travaillant pour Le Devoir précisait : « [...] il n'y a personne

qui va repasser derrière les articles pour dire : “tu ne peux pas parler de tel truc avec cet

angle”, par exemple. » Ce qui n'empêche pas que la décision d'allouer tant d'espace ou tel

positionnement à un sujet ou encore de publier ou non un article revienne à leurs patrons.

Enfin, pour ce qui est de la ligne éditoriale, tous deux indiquaient que Le Devoir avait adopté

une position éditoriale pro-étudiante. Ce qui, selon un d’entre eux, ne signifiait pas que les

journalistes se faisaient les « hérauts » et encore moins les « héros » du mouvement étudiant.

En effet, à son avis, cela signifiait pour les journalistes « de rapporter les faits avec plus

d'honnêteté [et] de ne pas autant mettre l'accent sur la casse, l'intimidation, le vandalisme que

l'aurait fait d'autres médias ». Considérant cette position éditoriale, l’autre participant, quant

à lui, tenait non seulement à accorder autant d'attention aux différents points de vue en

présence, il refusait également que ses articles soient juxtaposés à un article d'opinion

favorable aux étudiants.

De plus, à la question « Est-ce que les ressources, en termes d'effectifs, de temps de

rédaction, d'espace rédactionnel et de technologie, dont vous disposiez pour rédiger cet

article étaient suffisantes ? », tous les participants, à l'exception de ceux travaillant pour Le

Devoir et d’un des participants pour The Gazette, ont affirmé qu'elles étaient suffisantes.

À cet effet, trois participants ont rappelé que le « printemps érable » était l'évènement

à couvrir et qu'ils disposaient donc des ressources nécessaires pour en assurer la couverture

journalistique. Par exemple, un des participants à l’emploi de Québecor déclarait : « Oui, oui,

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 94

oui. Comme vous le savez surement mieux que moi, le printemps érable c'était un évènement

majeur dans l'histoire du Québec et on écrivait plusieurs pages là-dessus chaque jour. » Alors

qu’un des participants œuvrant pour La Presse affirmait : « Bien oui, à la base peut-être

même trop. C'est sûr qu'il y avait énormément d'espaces, c'était un sujet qui était populaire et

valorisé par les patrons qui décident dans le fond de l'espace qui est alloué. »

Quant à un des participants pour The Gazette, il déclarait à cet effet :

Elles ne sont jamais suffisantes, mais je suppose que dans ce cas-ci oui. Je veux dire

que tous les médias sont squeezés, nous avons donc moins de journalistes et de

photographes. [...] Alors, sont-elles suffisantes ? Non, mais en même temps, vous

devez équilibrer cela avec la volonté du public pour ces histoires et, par ce temps-là,

il en avait déjà vu beaucoup. Alors, je dirais qu'outre les manifestants, le grand public

s'y intéressait peut-être de moins en moins. (Participant pour The Gazette)

Un des participants travaillant pour Le Devoir expliquait, pour sa part, que comme ce

quotidien n'a pas un budget immense, il n'a pas les effectifs et les moyens techniques

nécessaires pour faire compétition à ce qu'il nomme « des médias de rapidité », tels que La

Presse. Sachant pertinemment cela, il affirmait que Le Devoir « a choisi de ne pas être un

média d'immédiat ». Ce faisant, il déclarait ceci :

Ce n'est pas un problème d'envoyer juste un journaliste qui va bien couvrir le sujet,

qui va mettre un peu plus de temps. Donc, en général, il y avait beaucoup de temps,

sauf quand la tâche était assez grande, puis l'heure de tombée arrivait tôt, bon.

(Participant pour Le Devoir)

Dans le même ordre d’idées, l’autre participant œuvrant pour Le Devoir indiquait

avoir constaté un manque d'effectifs et de ressources technologique. Toutefois, si en tant que

journaliste de la presse écrite, il parvenait à faire son travail avec son propre téléphone

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 95

intelligent, il a admis que Le Devoir avait dû renoncer à couvrir certains aspects du

« printemps érable » par manque d'effectifs. Par exemple, il a déclaré que son journal

n’« avait pas assez de journalistes pour être à tous les coins de rue puis voir combien de

vitres pétées, puis combien de violence. » Néanmoins, il soutenait que les journalistes du

Devoir tentaient de compenser ce manque en prenant un certain recul et en mettant en

contexte les évènements de l'actualité. Par ailleurs, il affirmait que si d'ordinaire il manquait

d'espace rédactionnel, pendant cette période, il manquait plutôt de temps pour rédiger le

nombre d'articles qu'on lui demandait de produire. D'autant plus, rappelait-il, qu'il s'agissait

d'une période extrêmement chargée en évènements. D'ailleurs, il mentionna plus loin que ce

manque de ressources s'expliquait en grande partie par la quantité d'évènements qui se

déroulaient au même moment :

[Les] contraintes d'effectifs et de temps, ce n'est pas tant la faute de mon journal, je

veux dire, il y a 12 heures dans une journée, il y a quatre évènements en même temps,

je ne pouvais pas être partout, c'était une contrainte naturelle là, parce que c'était très

chargé, il se passait beaucoup de choses. (Participant pour Le Devoir)

Bref, les participants, qui travaillaient pour des journaux faisant partie d'un

conglomérat médiatique, étaient sous l'impression que l'organisation médiatique n'influençait

pas directement le contenu des articles qu'ils produisaient. Ce qui ne signifie pas qu'ils nient

le fait que leurs employeurs, en décidant du contenu de la page frontispice ainsi que de

l'emplacement, la longueur et le titre d'un texte, orientent d'une quelconque façon la teneur

d'un journal, comme le laissait présager notre recension des écrits. Ainsi, nous pensons que,

parmi toutes les logiques à l'œuvre dans le processus de fabrication de la nouvelle, la logique

organisationnelle est celle qui agit le plus insidieusement, à tout le moins chez les

journalistes qui travaillent pour un conglomérat médiatique. En effet, s'ils reconnaissent que

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 96

l'organisation influence d'une certaine façon le contenu journalistique, ils affirmaient que

celle-ci ne s'immisçait pas dans leur propre processus de fabrication de la nouvelle. Par

ailleurs, si les témoignages des participants qui travaillaient pour Le Devoir laissaient croire

que le fonctionnement de cette organisation avait influencé leur couverture des évènements,

cela ne signifie pas que les nouvelles qu'ils produisaient ne respectaient pas les règles de l'art.

Effectivement, tous deux s'efforçaient de produire des comptes-rendus véridiques, équitables

et impartiaux. Ce qui nous permet de croire que leur sens du professionnalisme influençait

bien plus leur angle d'approche que des considérations telles que la forme de propriété, les

objectifs organisationnels, les structures hiérarchiques ou encore la politique éditoriale.

5. 2. 4 La logique extramédias

Considérant que des acteurs externes à l'organisation médiatique, tels les sources, les

publics, les annonceurs et les instances législatives, influencent le processus de fabrication de

la nouvelle (cf. section 2. 2. 2), nous avons demandé à nos participants de nous expliquer en

quoi ces acteurs externes avaient influencé leur couverture des évènements.

Ainsi, à la question « En quoi la nature et le climat des relations que vous entretenez

avec vos sources ou leurs attentes ont influencé votre angle d'approche ? », quatre

participants affirmaient que ces éléments n'avaient eu aucune influence sur leur angle

d'approche. Par exemple, un des participants à l’emploi de La Presse déclarait :

C'est moi qui décide de mon angle à la fin. Puis, je pense [...] que j'avais d'assez

bonnes relations avec à peu près tout le monde. Je pense que tout le monde respectait

justement — même les gens un peu plus militants que j'écorchais un peu des fois

reconnaissaient aussi que j'étais honnête et équitable dans ma façon de les traiter.

(Participant pour La Presse)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 97

Par ailleurs, trois participants indiquaient qu'ils n'avaient pas vraiment eu recours à des

sources dans le cadre du « printemps érable ».

Toutefois, lorsque nous leur avons demandé s'ils avaient éprouvé des difficultés ou

ressenti des pressions ou des contraintes en couvrant les manifestations étudiantes, cinq

participants, dont les trois indiquant ne pas avoir eu recours à des sources, affirmaient que

l'attitude des manifestants n'avait pas été de tout repos. Effectivement, ils déclaraient s'être

querellés avec certains manifestants ou encore s'être fait bouder, déranger, insulter,

bousculer, intimider, voire harceler par certains d'entre eux, qui n'appréciaient pas la

couverture journalistique qui leur était réservée. Un des participants travaillant pour La

Presse affirmait à cet effet :

On essaie de représenter la réalité, mais [...] les gens étaient assez frustrés contre les

médias, donc beaucoup de gens ne voulaient pas nous parler. Ça rendait ça difficile,

parce qu'ils disaient : « Ah vous ne dites jamais ce qu'on pense, vous ne représentez

pas notre avis », mais en même temps on ne veut pas vous parler. Fait que c'est dur de

bien faire son travail. (Participant pour La Presse)

De plus, quatre participants ont mentionné plus tard que les arrestations de masse

représentaient une difficulté importante pour eux s'ils n'étaient pas libérés immédiatement

après avoir signifié aux policiers qu'ils étaient journalistes. Effectivement, cela les empêchait

de bien rapporter le déroulement de la manifestation.

Dans un autre ordre d'idées, un des participants œuvrant pour The Gazette, étant

parfaitement conscient que les porte-paroles étudiants et gouvernementaux tentaient de le

rallier à leur point de vue, affirmait s'efforcer de trouver un juste-milieu afin de ne pas les

laisser influencer sa couverture. À cet effet, il déclarait :

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 98

Quand vous parlez avec les étudiants et les politiciens, vous savez que vous allez

avoir leur attention et qu'ils vont essayer de vous convaincre, de vous vendre leur

point de vue. Vous devez être très conscients de cela, parce que si vous ne l'êtes pas,

vous pourriez finir par épouser leur point de vue et totalement minimiser ou

marginaliser l'autre point de vue. [...] Et j'ai essayé, autant que possible, de trouver

une sorte de juste milieu, une sorte de logique à tout ceci et de ne pas laisser ma

relation avec les porte-paroles du gouvernement ou les porte-paroles étudiants

affecter ma couverture du sujet. (Participant pour The Gazette)

Pour sa part, un des participants travaillant pour Le Devoir affirmait se soucier du fait

que ses interlocuteurs soient en mesure de reconnaitre leurs propos une fois qu'ils étaient

rapportés dans un article.

Par ailleurs, comme nous le soulignions au chapitre 2 (point 2. 2. 2), l'influence des

sources est relativisée par leur capacité à mettre en œuvre des stratégies médiatiques

efficaces (Schlesinger, 1992). Considérant cela, nous avons voulu savoir comment les

journalistes interrogés évaluaient la performance de leurs sources en matière de relations

médiatiques. À cet égard, trois participants affirmaient que, contre toutes attentes, les porte-

paroles étudiants étaient très habiles avec les médias. De son côté, un des participants à

l’emploi du Devoir déclarait que les représentants étudiants avec qui il s'était entretenu

savaient composer avec les médias. Un des participants travaillant pour La Presse, pour sa

part, soutenait que les représentants étudiants s'en étaient mieux sortis en matière de relations

publiques que les représentants du gouvernement ou des forces policières. L’autre participant

pour La Presse affirmait, quant à lui, que le travail de base des porte-paroles étudiants était

fait correctement, mais comme ils étaient mécontents de la couverture journalistique qu'ils

recevaient, ils n'en faisaient pas plus. Alors qu’un des participants œuvrant pour The Gazette

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 99

soutenait qu'il était parfois difficile d'obtenir la position d'une association étudiante sur un

sujet donné du fait qu'elle représentait une multitude de voix.

Quant à la performance des porte-paroles des forces policières en matière de relations

médiatique, deux participants étaient d'avis qu'ils étaient, eux aussi, assez habiles avec les

médias. Comme pour les représentants étudiants, un des participants à l’emploi de La Presse

soutenait qu'ils faisaient correctement leur travail, mais sans plus. Quant à un des participants

travaillant pour Québecor, il déclarait qu'il n'évaluait « pas très bien » la performance

médiatique des porte-paroles des forces policières, même s’il affirmait qu'ils « sont habitués

de traiter avec les journalistes ». Deux participants s'accordaient pour dire qu'il était difficile

de composer avec les sources policières. À cet effet, un des participants pour La Presse

déclarait que certains d'entre eux s'efforçaient davantage de cerner l'opinion des journalistes

sur le « printemps érable » que de leur transmettre de l'information. Alors qu’un des

participants travaillant pour The Gazette expliquait que les policiers adoptaient souvent une

attitude agressive et qu'il lui était difficile de faire abstraction du fait qu'« [il avait] été frappé

au visage par la police à quelques reprises, [qu'il avait] été aspergé de poivre de Cayenne [et

qu'il avait] gazé ».

En ce qui concerne la performance des porte-parole du gouvernement en matière de

relations médiatiques, deux participants s'entendaient pour dire que les représentants du

gouvernement avaient eu du mal à faire valoir, à expliquer et à défendre leur position quant à

la décision d'augmenter les droits de scolarité et la façon de gérer le conflit qui s'en est suivi.

Comme pour les porte-paroles des forces policières, un des participants à l’emploi de

Québcor déclarait qu'il n'évaluait « pas très bien » la performance des représentants du

gouvernement, bien qu'il affirmait qu'ils « sont habitués de traiter avec les journalistes ».

Pour sa part, un des participants pour The Gazette déclarait : « [...] ce gouvernement fait cela

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 100

depuis une dizaine d'années, [...] ils savent donc comment cela fonctionne et comment faire

passer leurs messages. »

Tout bien considéré, si certains participants affirmaient que leurs sources n'ont

aucunement influencé leur couverture des évènements, nous pensons tout de même que

l'évaluation qu'ils font de la performance de leurs sources en matière de relations médiatiques

expliquerait pourquoi ils ont fait intervenir davantage de sources qui appuyaient la cause

étudiante que de sources qui ne prenaient pas position ou qui appuyaient la décision du

gouvernent (cf. section 4. 2). Effectivement, si la plupart de nos participants s'entendaient

pour dire que les sources étudiantes avaient mis en œuvre des stratégies médiatiques

efficaces, ce consensus s'effrite lorsqu'il est question de l'efficacité des stratégies médiatiques

élaborées par les sources policières et gouvernementales.23

Ensuite, à la question « En quoi la nature et le climat des relations que vous

entretenez avec votre public ou ses attentes ont influencé votre angle d'approche ? », trois

participants ont répondu que leur lectorat n'influençait en rien leur couverture. D'ailleurs,

même si un des participants travaillant pour Le Devoir affirmait que la fidélité du lectorat du

Devoir lui avait permis d'échapper aux nombreuses faillites qui l'avaient menacé, il ne

croyait pas que les attentes de ce public influençaient sa production journalistique. Il

déclarait à cet effet que les lecteurs du Devoir lui étaient fidèles de par sa nature. Un des

participants à l’emploi de La Presse indiquait, quant à lui, que si les attentes de son public lui

importaient peu, celles-ci étaient prises en compte par son employeur.

Pour sa part, l’autre participant pour La Presse affirmait ne pas avoir été influencée

par ses lecteurs, mais qu'il s'en était fallu de peu. Effectivement, si ses patrons ne lui avaient

23 Néanmoins, cela pourrait tout bonnement s'expliquer par le fait qu'il s'agissait d'évènements regroupant des sources favorables à la cause étudiante.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 101

pas permis de prendre une pause pour couvrir d'autres évènements, il « [se serait] peut-être

retenu d'écrire des choses sachant que ça allait susciter des réactions ou des attaques » de la

part de ses lecteurs. D'autant plus qu'il déclarait écrire pour ces derniers.

Quatre autres participants soutenaient que leur public avait influencé leur couverture.

En effet, trois d’entre eux affirmaient que l'existence de ce public les incitait à produire des

articles factuels, c'est-à-dire qui se rapporte aux faits, à ce que les journalistes ont pu

constater de visu, et impartiaux ou équilibrés, c'est-à-dire qu'ils ne prennent pas parti. Par

exemple, un des participants œuvrant pour The Gazette déclarait à cet effet :

Peu importe comment je me sentais vis-à-vis des [tactiques utilisées par] chaque parti

[...], il est important d'essayer de comprendre ce qui les justifie et d'en expliquer le

contexte aux gens. Et si je commence à prendre parti, je perds un peu de ma capacité

à faire cela. (Participant pour The Gazette)

Sans dire comment les relations qu'il entretenait avec son public avaient influencé son angle

d'approche, l’autre participant travaillant pour The Gazette déclarait ailleurs :

Je suppose que le public pour lequel vous écrivez et ce qu'il souhaite font une

différence aussi. Dans notre cas, il s'agit surtout d'un public plus âgé, je ne suis pas

sûr de mémoire [...], mais probablement que beaucoup d'entre eux n'étaient pas en

faveur des manifestations et se disaient : « Ah ces étudiants qui manifestaient, ils

doivent cesser de se plaindre. » (Participant pour The Gazette)

En somme, nos participants ont pour la plupart laissé entendre, au cours des

entrevues, que leur lectorat influençait leur couverture journalistique ou la politique

informationnelle du journal pour lequel il travaille. Un constat qui s’ajoute à ceux qui ont été

faits notamment par Ericson et collab. (1987), Champagne (2000) ainsi qu'Hall et collab.

(1978, 1981) dont nous avons parlé dans notre revue de littérature (chapitre 2).

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 102

Par ailleurs, tous les participants s'accordaient pour dire que ni la nature ou le climat

des relations qu'ils entretenaient avec leurs publicitaires, ni leurs attentes avaient influencé

leur angle d'approche. À cet effet, les participants à l’emploi du Devoir rappelaient qu’il

s’agissait d’un journal indépendant et qu'il échappait donc à de telles formes d'influences. Ce

faisant, nous sommes en droit de nous demander s'ils ne sous-entendaient pas que les autres

médias, eux, subissaient possiblement l’influence de leurs annonceurs.

Quatre autres participants rapportaient qu'il existait un mur étanche entre leur salle de

rédaction et leur département de publicité respectif. Par ailleurs, s'il apparaissait improbable

à trois d’entre eux que des annonceurs puissent influencer le contenu journalistique, ils

admettaient tout de même qu'il ne fût pas impossible que dans certains cas ils puissent

exercer une certaine influence. Par exemple, un des participants travaillant pour La Presse

déclarait à cet effet :

Théoriquement, ils n'ont pas d'impact sur le contenu, dans les faits, j'imagine que ce

n'est pas tout à fait vrai, mais je ne pense pas qu'un sujet comme le printemps érable

dérange les publicitaires. En fait, c'est bon pour eux, ça fait vendre les journaux, puis,

plus les journaux se vendent, plus ils sont contents. Fait que l'angle des sujets comme

ça, ça ne les dérange pas vraiment. Ce n'est pas comme, mettons, je donne un

exemple, Brault et Martineau serait notre plus gros annonceur, puis, qu'on faisait une

enquête sur Brault et Martineau pour dire qu'ils font de l'exploitation des enfants,

peut-être qu'ils n'aimeraient pas ça et qu'ils décideraient d'arrêter de faire de la pub.

Mais un sujet social comme ça, non. Puis, le gouvernement fait de la pub, mais ça

aurait tellement été mal vu qu'il l'enlève, parce qu'il n'était pas content, ce n'était pas

un risque. (Participant pour La Presse)

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 103

Ce qui n'est pas sans intérêt. Effectivement, si les journalistes consultés n'ont pas

ressenti cette influence, cela ne signifie pas que leur employeur respectif ne tenait pas

compte du potentiel de rentabilité que représentait un sujet comme le « printemps érable ».

D'autant plus qu'aux dires de plusieurs des journalistes interrogés, le « printemps érable »

était le sujet de l'heure ! Ce qui rejoint l'approche du marché, décrite par McManus (2002),

qui veut que le processus de fabrication de la nouvelle soit le résultat d'une analyse coûts-

bénéfices visant à réduire les coûts de production (en privilégiant les sujets les plus

économiques à produire) tout en augmentant les revenus publicitaires (en privilégiant les

sujets les plus populaires auprès de leurs lecteurs).

Quant à l'influence des relations qu'ils entretenaient avec leurs instances

règlementaires ou leurs attentes (par cela nous entendons leur syndicat, leur association

professionnelle, le Conseil de presse et l'appareil judiciaire), quatre participants déclaraient

qu'elle était inexistante. À cet effet, un des participants œuvrant pour The Gazette affirmait :

« Je n'ai presque aucun contact avec eux [...], vraiment, je m'appuie sur mon propre sens de

l'éthique journalistique et ce qu'on nous a appris à l'école. [...] Donc, ils n'ont jamais vraiment

influencé mon écriture. » Trois participants soutenaient, pour leur part, ne pas avoir ressenti

cette influence. Effectivement, ils indiquaient que comme le Conseil de presse n'intervenait

qu'a posteriori et que leur syndicat et leur association professionnelle intercédaient en leur

faveur, ces instances règlementaires n'avaient pas influé sur leur couverture. D'autant plus

qu'ils étaient d'avis qu'ils respectaient les règles de l'art. Par exemple, un des participants

travaillant pour La Presse affirmait : « [...] je suis pas constamment en train de me dire : “Ah

si je fais ça, je risque de me faire...”, ça va de soi, tant qu'on est équitable, qu'on rapporte ce

qu'on voit, qu'on n’invente rien. » Enfin, seul un des participants à l’emploi de Québecor

affirmait que ces instances influençaient son travail en ce sens qu'elles l'incitaient à agir avec

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 104

droiture sachant ce qu'il risquait s'il ne respectait leur cadre règlementaire. Bref, comme

notre recension de littérature le laissait présager, la grande majorité de nos participants

soutenaient ne pas avoir ressenti l'influence de leurs instances règlementaires dans la

couverture du « printemps érable ».

5. 2. 5 La logique idéologique

Comme nous l’avons évoqué dans le chapitre 2 et tel que nous l’avons réaffirmé dans

ce présent chapitre, le travail des journalistes ne se fait jamais dans un « vide social ou

organisationnel ». En effet, derrière la façon dont les journalistes rapportent certains faits ou

couvrent certains évènements se cachent souvent certaines attitudes, croyances et valeurs

voire idéologies partagées par la société dans laquelle ils ont été élevés.

Ainsi, à la question « En quoi les attitudes, les valeurs et les croyances partagées par

la société québécoise, au sein de laquelle vous avez été intégré et à laquelle vous participez,

ont influencé votre angle d'approche ? », tous les participants ont admis qu'elles les

influençaient dans une certaine mesure. « Dans une certaine mesure » seulement, puisque

même si ces idéologies peuvent les influencer, ils maintiennent qu’en fin de compte c’est

leur professionnalisme qui gagne. Par exemple, un des participants travaillant pour Le Devoir

soutenait que l'histoire et les valeurs de la société québécoise lui permettaient de

contextualiser la situation et de prendre du recul. Toutefois, il déclarait : « Je dirais que ça

alimentait comme ma réflexion, mais dans la production d'article comme tel, je ne pense pas

que ça ait un impact. » Deux participants indiquaient, pour leur part, que s'il est vrai que les

attitudes, les valeurs et les croyances partagées par la société québécoise modèlent leur

vision du monde, leur sens du professionnalisme leur commandait de faire fi de leurs

opinions personnelles. Enfin, un des participants œuvrant pour The Gazette affirmait que le

fait d'avoir grandi dans une province qui, plus que les autres provinces canadiennes, prône

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 105

des valeurs de gauche, modelait non seulement sa vision du monde, cela influençait

également la production de ses articles. À cet effet, il déclarait :

Pour ma part, j'accorde beaucoup d'importance au fait que les gens aient au moins

une meilleure compréhension de la perspective du Québec, parce que comme

journaliste, j'écris au nom de mon journal, mais dans un sens j'écris aussi au nom du

Québec — en particulier à The Gazette, parce que nous faisons partie d'une grande

chaine de journaux. (Participant pour The Gazette)

En somme, répétons-le, si les journalistes interrogés admettaient que les attitudes, les

valeurs et les croyances partagées par la société québécoise influençaient dans une certaine

mesure la production des nouvelles portant sur le « printemps érable », cette influence était

relativisée par leur sens du professionnalisme. D'ailleurs, il est intéressant de noter que six

des huit participants ont affirmé, à un moment ou à un autre de l'entretien, qu'ils ne croyaient

pas en l'objectivité journalistique absolue. Pour eux, il s’agit d'un idéal vers lequel ils tendent

tout en sachant qu'ils n'y parviendront jamais totalement.

5. 3 La couverture journalistique du « printemps érable », selon nos participants

Ayant précédemment analysé une partie de la couverture journalistique réservée aux

manifestations étudiantes (cf. chapitre 4), nous souhaitions, en dernière instance, donner à

nos participants l'opportunité de nous faire part de l'évaluation qu'ils faisaient de

l'information produite et de leur réaction aux critiques voulant que les journalistes aient

couvert le « printemps érable » de façon tendancieuse.

En ce qui concerne leur évaluation de l'information qui a été produite dans le cadre

du « printemps érable », que ce soit par eux-mêmes, leurs collègues et leurs concurrents,

quatre participants s'accordaient pour dire que la couverture journalistique de ces évènements

avait été assez bonne. Néanmoins, trois d’entre eux apportaient un bémol à cette affirmation.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 106

Un des participants à l’emploi de La Presse déplorait le fait que les médias s'intéressaient

davantage aux manifestations qu'aux enjeux soulevés par les manifestants, quoique, selon lui,

cela s’appliquait davantage aux médias télévisés qu'à la presse écrite. Un des participants

travaillant pour Québecor critiquait, quant à lui, le fait que les médias desservant la ville de

Québec n'aient pas couvert toutes les manifestations qu'il y avait à couvrir. Alors qu’un des

participants œuvrant pour The Gazette déclarait : « Certains médias étaient parfois un peu

tendancieux dans leur couverture, mais je trouve que, dans l'ensemble, nous avons fait un

assez bon travail en essayant de représenter toutes les parties. » L’autre participant pour The

Gazette affirmait pour sa part : « Je ne dis pas qu'ils mentaient ou quoi que ce soit, mais je

pense que certains journalistes véhiculaient leurs préjugés personnels dans leurs articles que

ce soit pour ou contre la grève. » Un des participants à l’emploi du Devoir déplorait, quant à

lui, le fait que les médias ne se soient pas autant intéressés aux comportements

répréhensibles des policiers qu'à ceux des manifestants. De plus, il reprochait aux médias

d'avoir trop personnalisé le débat. L’autre participant pour Le Devoir admettait, pour sa part,

que les journalistes, à l'exception de ceux du Devoir, s'étaient peut-être un peu trop attardés

aux incidents violents et au vandalisme plutôt qu’aux enjeux plus globaux. Néanmoins, il

affirmait qu'il y avait eu une réelle diversité d'information et que chacun pouvait y trouver

son compte. Enfin, un des participants travaillant pour La Presse soutenait que le fait de

couvrir les manifestations en direct avait exacerbé les tensions, puisque les journalistes

n'étaient pas en mesure d'évaluer l'étendue de ce qu'ils rapportaient immédiatement, surtout

lorsqu'il s'agissait d'incidents violents.

À la question « Comment avez-vous réagi aux critiques voulant que les journalistes

aient couvert de façon tendancieuse le “printemps érable” ? », trois participants réfutaient ces

critiques. Par exemple, un des participants œuvrant pour Le Devoir a rétorqué ceci :

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 107

« [...] c'est rapide de dire que c'est tendancieux, je me dis, c'est comme si on n’avait pas

d'éthique professionnelle. » Un des participants à l’emploi de La Presse déclarait quant à lui :

« [...] je peux juste analyser mon travail, puis ma façon d'aborder la chose, mais moi c'est une

critique que je rejette, que je prends avec un grain de sel, parce que je sais que je ne l'ai pas

fait de façon tendancieuse. » Deux participants, pour leur part, ont affirmé s'être sentis

frustrés et blessés par ces propos. Toutefois, un des participants pour The Gazette y voyait un

aspect positif. Effectivement, il déclarait : « [...] cette accusation [...] vous fait prendre

conscience de ce que vous écrivez, de ceux que vous citez et vous fait vous interroger à

savoir si vous êtes équitable, ce qui est positif. » Quant à un des participants travaillant pour

Québecor, il admettait que « [c'était] presque, entre guillemets, de bonne guerre ». En effet, il

affirmait que ces critiques étaient le fruit d'individus qui auraient préféré que les journalistes

prennent position en faveur du mouvement étudiant. Enfin, si un des participants œuvrant

pour The Gazette affirmait ne pas avoir été surpris par de telles critiques, il était d'avis

qu'elles ne s'appliquaient pas à tous les médias.

En somme, contrairement à ce que nous avons observé en analysant le contenu des

nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois, leurs auteurs — à tout le moins

ceux que nous avons interviewés — sont d'avis que de façon générale leurs textes, comme

ceux de leurs collègues ou de leurs concurrents, n'étaient ni favorables, ni défavorables à

l'endroit des différents partis impliqués dans ce conflit. L'origine de cette différence,

croyons-nous, viendrait du fait que les journalistes interrogés s'appuient sur l'ensemble de la

couverture journalistique réservée au « printemps érable », alors que nos conclusions

s'appuient sur un échantillon restreint de cette couverture. Par ailleurs, s'ils ont presque tous

concédé à un moment ou à un autre de nos entretiens que certains textes, certains

représentants des médias, certains médias ou encore certains médiums (les bulletins radio et

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 108

télédiffusés) étaient peut-être teintés, ils n'en demeuraient pas moins convaincu que

globalement le « printemps érable » avait fait l'objet d'un traitement journalistique impartial.

5. 4 Ce qu'il faut retenir des journalistes qui ont couvert les « manifestations du 22 »

Avant d'aller plus loin, nous souhaitons rappeler que nous ne pouvons pas généraliser

nos conclusions à l'ensemble des journalistes québécois qui ont couvert ces évènements du

« printemps érable ». Cela étant dit, compte tenu de tout ce qui précède, force est de

constater que le sens du professionnalisme de nos participants conditionné par la perception

qu'ils ont de leur rôle et de l'éthique journalistique ainsi que leur expérience professionnelle

a, selon eux, joué un rôle prépondérant dans le processus de fabrication des nouvelles portant

sur le « printemps érable ».

Ce qui ne signifie pas que leurs caractéristiques individuelles, leurs expériences

personnelles ainsi que leurs attitudes, leurs valeurs et leurs croyances (logique individuelle),

leurs routines de travail (logique des routines journalistique), la forme de propriété, les

objectifs organisationnels, les structures hiérarchiques et la politique éditoriale des

organisations médiatiques qui les emploient (logique organisationnelle), les relations qu'ils

entretiennent avec leurs annonceurs, leurs publics, leurs sources et leurs instances

règlementaires (logique extramédias) ou encore le contexte dans lequel s'inscrivent les

enjeux soulevés par les participants du « printemps érable » (logique idéologique) n'ont pas

exercé une quelconque influence sur ce processus. En effet, aux dires de nos participants, ces

différentes logiques ont influencé les étapes de sélection, d'interprétation et de construction

du processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois.

Néanmoins, leur influence leur semble relativisée par leur sens affirmé du professionnalisme.

Ce qui n'est pas sans intérêt. En effet, selon Charron (1994), Ericson et collab. (1987),

Fishman (1980), Francoeur (2012) et Tuchman (1978), ce sens du professionnalisme, cette

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 109

idéologie professionnelle ou ces prescriptions du journalisme relèvent également des

différentes logiques examinées. Ainsi, les logiques individuelles, des routines journalistiques,

organisationnelles, extramédias et idéologique en influençant le sens du professionnalisme

des journalistes interrogés ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur

le « printemps érable », et ce, parfois à leur insu.

Par ailleurs, ce sens affirmé du professionnalisme a permis à certains d'entre eux de

se ménager une certaine marge de liberté ou d'autonomie. Nous n'avons qu'à penser au

participant travaillant pour Le Devoir qui a affirmé avoir refusé de produire un article qui soit

favorable à l'une des figures de proue du mouvement étudiant, puisque cela contrevenait,

selon lui, à son devoir d'impartialité et à la perception qu'il a de son rôle. Nous pouvons

également penser au participant à l’emploi de La Presse qui affirmait décider par lui-même

de la façon de traiter les différents aspects de la grève étudiante. Ce qui, déclarait-il, n'a

jamais été mis en doute par ses collègues ou ses supérieurs, puisqu'il a toujours été équitable

dans sa façon de se pencher sur le sujet. Ainsi, nous pensons que ce sens du

professionnalisme, dans la foulée de ce qu'Ericson et collab. (1987) nommaient le

vocabulaire des précédents (cf. section 2.1), permettait à nos participants de maintenir ou de

renforcer leur capacité d'agir en couvrant les évènements du « printemps érable ».

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 110

6. Conclusion

En guise de conclusion, nous voudrions d’abord rappeler que cette recherche

poursuivait deux objectifs centraux. D'abord, nous souhaitions décrire la couverture

journalistique réservée aux manifestations étudiantes du « printemps érable » en 2012, pour

ensuite tenter de comprendre, en prenant appui sur le témoignage des journalistes qui ont

couvert ces évènements, les logiques qui ont influencé le processus de fabrication de ces

nouvelles. Pour ce faire, nous avons combiné deux techniques de recherche. Dans un premier

temps, nous avons réalisé une analyse de contenu sur les 30 nouvelles qui ont été publiées

dans La Presse, Le Devoir, Le Journal de Montréal et The Gazette au lendemain des

manifestations s'étant déroulées le 22e jour de chaque mois qu'a duré la grève étudiante de

2012. Ce faisant, nous avons été à même de constater que ce mouvement social n'a pas fait

l'objet d'un traitement journalistique qui lui soit particulièrement défavorable, à tout le moins

dans les nouvelles analysées. Ce qui ne signifie pas que les journalistes qui ont produit ces

nouvelles tentaient d'intercéder en sa faveur, mais plutôt que la grande majorité des thèmes

qu'ils abordaient lui étaient plutôt favorables.

Puis, dans un deuxième temps, nous avons réalisé des entrevues semi-dirigées auprès

d'un échantillon de huit journalistes parmi les 35 qui ont produit les nouvelles préalablement

analysées. Ainsi, nous avons pu constater que les logiques individuelles, des routines

journalistiques, organisationnelles, extramédias et idéologiques, en conditionnant le sens

affirmé du professionnalisme des journalistes interrogés, ont joué un rôle dans le processus

même de fabrication des nouvelles portant sur les « manifestations du 22 », et ce, parfois à

leur insu. Ainsi a-t-on été en mesure de constater, au-delà de l’autonomie dont disent

bénéficier les journalistes interrogés, que ces logiques agissent souvent comme des

« structures » qui orientent, sans déterminer complètement, les pratiques journalistiques.

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 111

Néanmoins, le professionnalisme affirmé des journalistes rencontrés semble aussi avoir joué

dans le processus de fabrication de la nouvelle. D’aucuns pourraient ici y voir, comme nous

l’avons souligné plus haut dans l’analyse, un espace d’autonomie voire une marge de liberté

dans la couverture du « printemps érable » proprement dit.

Ainsi, comme notre hypothèse de travail le prévoyait, nous avons non seulement pu

montrer que les journalistes interrogés ont été influencés par les différentes logiques

susmentionnées, mais nous avons également montré qu'elles ont permis à certains de

maintenir ou de renforcer leur capacité d'agir et ainsi de disposer d'une certaine marge de

liberté en couvrant ces évènements. Ce faisant, notre recherche nous a amenés, d'une part, à

fournir un portrait plus juste et plus nuancé de la couverture journalistique du « printemps

érable » et, d'autre part, à approfondir la compréhension de la dimension médiatique de ce

phénomène.

Bref, les observations que nous avons faites, en écho avec ce que nous apprend la

sociologie du journalisme, voire l’étude du fonctionnement interne des organisations, nous

permettent de mieux comprendre le travail complexe des journalistes. D'abord, en abordant

en termes de « logiques » les différentes « influences » qui façonnent le contenu médiatique,

nous réaffirmons, comme Bernier (2004), Charron (1994) et Ericson et collab. (1987) avant

nous, que les journalistes disposent d'une certaine marge de manœuvre dans la sélection,

l'interprétation et la construction de la nouvelle. Ce faisant, nous admettons, comme le veut

la théorie de l'acteur stratégique développée par Crozier et Friedberg (1977), que les

journalistes, en tant qu'acteurs stratégiques, peuvent délibérément choisir de contrevenir ou

encore de se conformer aux attentes de leurs employeurs. Néanmoins, cette marge de

manœuvre est fonction de la maîtrise d'un savoir (Crozier & Friedberg, 1977, p. 71). En ce

qui concerne les journalistes, ce savoir, qu'Ericson et collab. (1987) nommaient le

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 112

vocabulaire des précédents, correspond à la capacité (a) de reconnaitre les évènements

dignes d'intérêt, (b) de collecter les informations et les témoignages nécessaires à leur

explication, (c) de traduire les données recueillies dans un format qui répondent aux besoins

et aux normes de l'organisation et (d) de justifier leurs choix auprès de leurs collègues, leurs

supérieurs et leurs sources (p. 348). Ce savoir, les journalistes que nous avons interrogés

l’associaient à leur sens du professionnalisme. Ce sens du professionnalisme qui, rappelons-

le à la suite de plusieurs auteurs (Charron, 1994; Ericson et collab., 1987; Fishman, 1980;

Francoeur, 2012; Tuchman, 1978), relève des mêmes logiques qui influencent le processus

de fabrication de la nouvelle. Considérant que trop peu d'études conçoivent les journalistes

comme des acteurs stratégiques qui disposent d'une capacité, aussi limitée soit-elle, d'agir sur

le contenu médiatique, nous pensons, en toute modestie, avoir contribué à l’avancement des

connaissances dans les limites de ce que nous permet la thèse de maîtrise proprement dite,

puisque nous remettons à l'avant-scène une dimension importante du processus de

fabrication de la nouvelle qui, à notre avis, est trop souvent négligée.

Tout compte fait, même si nous ne pouvons pas généraliser nos conclusions à

l'ensemble de la couverture journalistique du « printemps érable » ou à l'ensemble des

journalistes québécois, nos résultats combinés à ceux du Centre d'études sur les médias

(2014) – qui, rappelons-le, démontraient que la majorité des nouvelles examinées n'étaient

pas orientées et celles qui s'avéraient l'être étaient plus défavorables à l'endroit du

gouvernement qu'à l'égard mouvement étudiant pour ce qui est de La Presse, Le Devoir et Le

Journal de Montréal ou également défavorables aux deux protagonistes en ce qui concerne

The Gazette (p. 39) – suggèrent que les journalistes et les médias québécois se sont éloignés

de ce que McLeod (2007) et Cottle (2008) nomment respectivement « the protest paradigm »

et « the media politics of dissent ». En effet, ces concepts veulent que les journalistes qui

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LE TRAITEMENT JOURNALISTIQUE DU « PRINTEMPS ÉRABLE » 113

couvrent les mouvements de contestation sociale aient tendance à les traiter de façon

superficielle et négative. Ce qui a pour effet de les marginaliser, voire de les diaboliser et de

rendre illégitimes leurs discours et leurs actions. Minant ainsi les accusations que les

mouvements sociaux portent contre le statu quo. Ainsi, comme Cottle (2008) et Neveu

(2010) avant nous, nous enjoignons ceux qui s'intéressent au traitement journalistique d'un

mouvement social ou encore aux relations médias-mouvements sociaux à tenir compte de

l'influence des logiques individuelles, des routines journalistiques, organisationnelles,

extramédias et idéologiques sur le processus de fabrication de la nouvelle. Ce faisant, ils

seront à même de constater, comme Cottle (2008) le dit si bien : « how protest and

demonstrations are variously selected, sourced, narrativized, visualized, discussed, contested

and elaborated in the news media remains worth struggling for » (p. 867). D'autant plus que

nous savons que les médias, tel que nous le montrent autant la psychologie, la sociologie que

l'étude des médias, façonnent notre représentation de la réalité.

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Annexe A : Grille d'analyse (analyse de contenu)

1. Identification de la nouvelle Afin d'être en mesure d'identifier les différentes unités et de les comparer entre elles, les unités appartenant à une même nouvelle doivent être identifiées comme suit : Le nom de famille du ou des journalistes et, le cas échéant (le nom de famille du ou des collaborateurs) / la date de parution, suivant le format jour-mois-année / le nom du quotidien. Exemple 1 : Breton, Santerre et Bilodeau / 23-03-2012 / La Presse. Exemple 2 : Gervais (Guillemette et Chaput-Richard) / 23-03-2012 / Le Devoir. 2. Description de l'évènement Les unités regroupées sous ce thème détaillent la manifestation qui s'est déroulée dans l'après-midi du 22 jour de chaque mois qu'a duré la grève étudiante. 2.1. Les façons de qualifier l'évènement Les unités regroupées sous ce thème identifient les façons de qualifier l'évènement. 2.2. Les manifestants et leurs sympathisants Les unités regroupées sous ce thème détaillent les individus ou les groupes qui manifestaient ou qui encourageaient les manifestants ainsi que tout énoncé voulant que des individus ou des groupes, qui auraient normalement dû être présents à l'évènement, brillaient par leur absence. 2.3. Le nombre de manifestants Les unités regroupées sous ce thème concernent le nombre de manifestants qui participaient à l'évènement selon les estimations fournies. Les unités regroupées sous ce thème incluent également tout énoncé voulant que les corps policiers ne fournissent pas d'estimation officielle de foule ou encore tout énoncé établissant la longueur du cortège de manifestants. 2.3.1. Les réactions au nombre de manifestants Les unités regroupées sous ce thème détaillent les réactions (émotions, déclarations et comparaisons) suscitées par le nombre de manifestants. 2.4. Le déroulement de l'évènement Les unités regroupées sous ce thème concernent le déroulement de l'évènement et permettent donc de répondre aux questions suivantes : quand l'évènement a-t-il eu lieu ? À quelle heure a-t-il débuté ? À quelle heure s'est-il terminé ? Combien de temps a-t-il duré ? Où l'évènement a-t-il eu lieu ? À quel endroit a-t-il débuté ? À quel endroit s'est-il terminé ? Quelles rues ont été empruntées ? Comment s'est déroulé l'évènement ? Comment était l'ambiance ? Comment était la température ? Qu'est-ce qu'on pouvait y entendre et y voir (qui ne peut être inséré sous aucun autre thème) ? 2.4.1. La présence ou l'absence d'éléments perturbateurs Les unités regroupées sous ce thème concernent la présence ou l'absence de perturbateurs (manifestants masqués et vêtus de noir), d'incidents, de méfaits, d'arrestations, d’actes de vandalisme ou de violence ainsi que la réaction des policiers aux éléments perturbant le

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déroulement de l'évènement. Les unités regroupées sous ce thème concernent également les souhaits exprimés par des sources de voir l'évènement se dérouler sans encombre. 2.4.2. La divulgation ou non du trajet aux policiers Les unités regroupées sous ce thème concernent la divulgation ou non du trajet aux policiers, l'impact que cela a sur leur travail, les réactions que les policiers ont à cet égard ainsi que les raisons pour lesquelles les organisateurs décident de divulguer ou non leur trajet. 2.4.3. Les impacts de l'évènement et les réactions qu'il suscite Les unités regroupées sous ce thème traitent des impacts de l'évènement sur la circulation ainsi que des réactions qu'a suscitées l'évènement des commerçants et des spectateurs assistant à la Parade des jumeaux organisée dans le cadre du Festival Juste pour rire. 2.5. Les raisons d'être de l'évènement et les raisons d'y participer Les unités regroupées sous ce thème identifient les raisons d'être de l'évènement et les raisons d'y participer. 2.5.1. Pour dénoncer la hausse des droits de scolarité Les unités regroupées sous ce thème identifient la dénonciation de la hausse des droits de scolarité comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant les éléments de couleur rouge et le carré rouge. 2.5.2. Pour dénoncer les gouvernements en place Les unités regroupées sous ce thème identifient la dénonciation des gouvernements (provincial et fédéral) en place ainsi que leurs politiques environnementales (gaz de schiste, sables bitumineux, Plan Nord, protection des écosystèmes et protocole de Kyoto) et néolibérales (mesures d'austérité, hausses des tarifs et privatisation) comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant les casseroles. 2.5.3. Pour démontrer l'existence d’une mobilisation étudiante et citoyenne Les unités regroupées sous ce thème identifient la démonstration de l'existence d’une mobilisation étudiante et citoyenne comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant l'ampleur et la durée de la contestation ainsi que la nécessité de poursuivre et d'élargir la lutte. 2.5.4. Pour dénoncer le statu quo Les unités regroupées sous ce thème identifient la dénonciation du statu quo comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant une exaspération, un ras-le-bol, un malaise, le « printemps érable » ou un désir de changement.

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2.5.5. Pour dénoncer la Loi spéciale et certaines régulations municipales Les unités regroupées sous ce thème identifient la dénonciation de la loi spéciale (projet de loi 78 ou loi 12) ainsi que certaines régulations municipales adoptées en vue d'encadrer les manifestations comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant le recours à la désobéissance civile. 2.5.6. Pour dénoncer la gestion gouvernementale de la grève étudiante Les unités regroupées sous ce thème identifient la dénonciation de la gestion gouvernementale de la grève étudiante comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) qui traitent des discours, des actions ou des stratégies employés par le gouvernement libéral pendant la grève étudiante. 2.5.7. Pour sensibiliser à la protection de l'environnement Les unités regroupées sous ce thème identifient la sensibilisation à la protection de l'environnement comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons tout autant discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) que dans les énoncés mentionnant le Jour de la Terre. 2.5.8. Pour réclamer des élections ou, lors de celles-ci, pour dénoncer l'absence des enjeux soulevés lors du « printemps érable » Les unités regroupées sous ce thème identifient la réclamation d'élections ou, lors de celles-ci, la dénonciation de l'absence des enjeux soulevés lors du « printemps érable » comme étant une des raisons d'être de l'évènement et une des raisons d'y participer. Nous pouvons discerner cette raison dans les énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s). 3. Source Les unités regroupées sous ce thème identifient les organisations ou les individus ayant été cités ou paraphrasés. 3.1. Les associations étudiantes ou leurs représentants Les unités regroupées sous ce thème identifient les associations étudiantes, telle la Coalition large de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), sa prédécesseure, la Coalition de l'Association pour une solidarité syndicale étudiante élargie (CASSÉE), la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ) ou la Fédération étudiante universitaire du Québec (FEUQ), et leurs représentants (président, vice-président ou porte-parole) qui ont été cités ou paraphrasés. Lorsque la nouvelle en fait mention, précisez si l'association étudiante a participé à l'organisation de l'évènement. 3.2. Les manifestants et les sympathisants Les unités regroupées sous ce thème identifient les manifestants et les sympathisants qui ont été cités ou paraphrasés, qu'il s'agisse d'étudiants du secondaire, du CÉGEP ou de l’université, de parents, de grands-parents ou autres.

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3.3. Les corps policiers ou leurs représentants Les unités regroupées sous ce thème identifient les corps policiers ou leurs représentants qui ont été cités ou paraphrasés. 3.4. Les organisateurs et les bénévoles Les unités regroupées sous ce thème identifient les organisateurs et les bénévoles qui ont été cités ou paraphrasés, c'est-à-dire les organisations ou les individus ayant participé à l'organisation de l'évènement ou ayant assuré son bon déroulement. N’incluez pas les organisations ou les individus appartenant aux thèmes 3.1. Les associations étudiantes ou leurs représentants, 3.5. Les organismes non gouvernementaux ou leurs représentants ou encore 3.7. Les personnalités artistiques. 3.5. Les organismes non gouvernementaux ou leurs représentants Les unités regroupées sous ce thème identifient les organismes non gouvernementaux (ONG), qu'il s'agisse de regroupements de citoyens, de groupes de pression, d'organismes sans but lucratif (OSBL) ou de syndicats, ou leurs représentants qui ont été cités ou paraphrasés. Lorsque la nouvelle en fait mention, précisez si le regroupement, le groupe, l'organisme ou le syndicat a participé à l'organisation de l'évènement. 3.6. Les personnalités politiques Les unités regroupées sous ce thème identifient les personnalités politiques qui ont été citées ou paraphrasées, telles que des chefs de parti ou des débutés affiliés ou non à un parti politique provincial ou fédéral ainsi que d’anciens politiciens. 3.7. Les personnalités artistiques Les unités regroupées sous ce thème identifient les personnalités artistiques qui ont été citées ou paraphrasées. Lorsque la nouvelle en fait mention, précisez si la personnalité a participé à l'organisation de l'évènement. 3.8. Les sources journalistiques Les unités regroupées sous ce thème identifient les organisations médiatiques ou les journalistes qui ont été cités ou paraphrasés. Veuillez inclure les énoncés mentionnant la firme ou l'expert en évaluation de foule ayant été embauché par Radio-Canada. 3.9. Les sources inclassables Les unités regroupées sous ce thème identifient tout autre individu cité ou paraphrasé qui ne relève d'aucun des thèmes précédents. 4. Mise en contexte Les unités regroupées sous ce thème replacent l'évènement décrit dans son contexte. 4.1. Les discours, les actions ou les stratégies mises de l'avant par les étudiants Les unités regroupées sous ce thème traitent des discours, des actions ou des stratégies étudiantes mises de l'avant tout au long de la grève étudiante.

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4.1.1. Pour contrer la hausse des droits de scolarité Les unités regroupées sous ce thème traitent des discours, des actions ou des stratégies mises de l'avant par les étudiants pour contrer la hausse des droits de scolarité décrétée par le gouvernement libéral. Elles traitent également des discours, des actions ou des stratégies mises de l'avant par les étudiants pour augmenter le soutien à leur cause. 4.1.2. Pour les élections Les unités regroupées sous ce thème traitent des discours, des actions ou des stratégies mises de l'avant par les étudiants en vue de ou durant la campagne électorale. 4.1.3. Pour contester la loi spéciale (projet de loi 78, loi 12) Les unités regroupées sous ce thème traitent des discours, des actions ou des stratégies mises de l'avant par les étudiants pour contester la loi spéciale (projet de loi 78, loi 12). 4.2. Les autres manifestations ou perturbations organisées par les étudiants Les unités regroupées sous ce thème détaillent des manifestations ou les perturbations organisées par les étudiants avant ou après la manifestation du 22e jour du mois. 4.3. Les dissensions internes Les unités regroupées sous ce thème traitent des différends qui existent entre les fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ) et la CLASSE ou encore des énoncés produits par le(s) journaliste(s) et leur(s) source(s) qui mettent en opposition les fédérations étudiantes (FECQ et FEUQ) et la CLASSE. Ils traitent également des dissensions internes au sein de la population étudiante quant aux questions entourant la hausse des droits de scolarité et la grève étudiante. 4.4. L'apport des technologies de l'information et de la communication Les unités regroupées sous ce thème traitent de l'apport des technologies de l'information et de la communication (des téléphones cellulaires et des réseaux sociaux, tels que Facebook et Twitter) sur la mobilisation. 5. Les inclassables Les unités regroupées sous ce thème concernent tout autre énoncé qui ne relève d'aucun des thèmes précédents.

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Annexe B : Canevas d'entrevue

La trajectoire socioprofessionnelle • Quel est votre titre ? • Quelle est votre formation académique ? • Quelles sont vos expériences antérieures de travail ? • Pourquoi avoir choisi ce métier ? • En quoi consiste votre rôle ? • À titre de journaliste, quels sont vos droits ou libertés ainsi que vos devoirs ou

responsabilités ? • Qu'est-ce qu'un bon journaliste selon vous ? L'expérience du « printemps érable » • Comment définiriez-vous le « printemps érable » ? • Quelles en sont les causes selon vous ? • Comment aurait-il pu être résolu ? • En tant que journaliste et citoyen, que pensez-vous du recours à la manifestation comme

moyen de confrontation extraparlementaire ? • Que pensez-vous des revendications étudiantes ? • Pouvez-vous me décrire le déroulement d'une journée typique de travail lors du

« printemps érable » ? • Cette journée typique de travail différait-elle d'une journée normale de travail ? La production de l'article [titre de l'article] Fournir une copie de l'article qu'il a signé. • Avez-vous décidé de couvrir cette manifestation ou vous a-t-on demandé de le faire ? • Pourquoi avoir sélectionné cette manifestation ? • Sur quoi vous êtes-vous appuyé pour saisir l'évènement (votre observation directe, les

témoignages des contestataires, les discours du gouvernement, de l'opposition officielle, des corps policiers, des établissements scolaires, des associations étudiantes, les articles de vos collègues et de vos concurrents, etc.) ?

• Est-ce que les ressources (temps, espace, technologie, etc.) dont vous disposiez pour rédiger cet article étaient suffisantes ?

• En quoi vos caractéristiques individuelles (genre, âge, ethnie et classe sociale), vos expériences personnelles, vos attitudes, vos valeurs et vos croyances ont influencé votre angle d'approche ?

• En quoi vos expériences professionnelles ainsi que la perception que vous avez de votre rôle et de l'éthique ont influencé votre angle d'approche ?

• En quoi le fonctionnement du journal a influencé votre angle d'approche ? Par fonctionnement du journal, nous entendons la forme de propriété (le fait de travailler pour un grand groupe médiatique ou pour un journal indépendant), les objectifs organisationnels, les structures hiérarchiques et la ligne éditoriale.

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• En quoi la nature et le climat des relations que vous entretenez avec vos sources ou leurs attentes ont influencé votre angle d'approche ? Comment évaluez-vous leur performance en matière de relations médiatiques ? Accordez-vous plus de crédibilité ou de légitimité à certaines d'entre elles ?

• En quoi la nature et le climat des relations que vous entretenez avec votre public ou ses attentes ont influencé votre angle d'approche ?

• En quoi la nature et le climat des relations que vous entretenez avec vos publicitaires ou leurs attentes ont influencé votre angle d'approche ?

• En quoi la nature et le climat des relations que vous entretenez avec vos instances règlementaires ou leurs attentes ont influencé votre angle d'approche ? Par instances règlementaires, nous entendons votre syndicat, votre association professionnelle, le conseil de presse et l'appareil judiciaire.

• En quoi les attitudes, les valeurs et les croyances partagées par la société québécoise, au sein de laquelle vous avez été intégré et à laquelle vous participez, ont influencé votre angle d'approche ?

La couverture journalistique du « printemps érable » en général • Avez-vous éprouvé des difficultés ou ressenti des pressions ou des contraintes en

couvrant les manifestations étudiantes ? Étiez-vous en mesure de limiter la portée de ces difficultés, pressions et contraintes ? Qu'avez-vous fait ?

• Dans le cadre du « printemps érable », avez-vous été confronté à un dilemme éthique ? Avez-vous, par exemple, délibéré seul ou encore avec un collègue ou un superviseur du bien fondé de produire un article qui ne correspondait pas à des critères tels que la vérité, l'intérêt public, la rigueur, l'exactitude, l'impartialité, l'équité ou l'intégrité ? Comment l'avez-vous résolu ?

• Comment évaluez-vous l'information qui a été produite dans le cadre du « printemps érable », que ce soit par vous-même, vos collègues et/ou vos concurrents ?

• Comment avez-vous réagi aux critiques voulant que les journalistes aient couvert de façon tendancieuse le « printemps érable » ?

• Quels conseils donneriez-vous à un journaliste qui devrait couvrir une situation semblable ?

Avez-vous quelque chose à ajouter, un point que nous n'aurions pas abordé ou que nous avons abordé trop superficiellement ?

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Annexe C : Grille d'analyse (entretiens)

1. La trajectoire socioprofessionnelle des participants Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent le titre des participants, leur formation académique, leurs expériences antérieures de travail ainsi que les raisons pour lesquelles ils ont choisi d'exercer ce métier. 2. Leur perception du rôle et de l'éthique d'un journaliste Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la perception que les participants ont de leur rôle et de l'éthique en fonction de ce qu'ils considèrent être leurs droits ou libertés et leurs devoirs ou responsabilités ainsi que ce qu'ils considèrent être un bon journaliste. 3. Leur perception du « printemps érable » Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent, d'une part, la définition que les participants donnent au « printemps érable » et à ses causes ainsi qu'aux façons de le résoudre. D'autre part, elles concernent leur opinion quant aux revendications étudiantes et au recours à la manifestation. 4. La fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la façon dont les logiques individuelles, des routines journalistiques, organisationnelles, extramédias et idéologique ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois. 4. 1. La logique individuelle Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la façon dont les caractéristiques individuelles, les expériences personnelles et professionnelles, les attitudes, les valeurs et les croyances des participants ainsi que la perception qu'ils ont de leur rôle et de l'éthique ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois. 4. 2. La logique des routines journalistiques Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent le déroulement de la journée de travail des participants ainsi que la façon dont ils s'y prenaient pour sélectionner et saisir les évènements en question. 4. 3. La logique organisationnelle Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la façon dont la forme de propriété, les objectifs organisationnels, les structures hiérarchiques et la ligne éditoriale ainsi que les ressources dont les participants disposaient ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois. 4. 4. La logique extramédias Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la façon dont la nature et le climat des relations que les participants entretenaient avec leurs sources, leurs publics, leurs annonceurs et leurs instances règlementaires ou encore les attentes de ces quatre groupes

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d'acteurs ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois. 4. 5. La logique idéologique Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent la façon dont les attitudes, les valeurs et les croyances partagées par la société québécoise ont influencé le processus de fabrication des nouvelles portant sur les manifestations du 22e jour du mois. 5. La couverture journalistique du « printemps érable » Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent l'évaluation que les participants font de l'information produite et de leur réaction aux critiques voulant que les journalistes aient couvert le « printemps érable » de façon tendancieuse. 6. Des explications complémentaires Les réponses aux questions regroupées sous ce thème concernent des explications complémentaires aux réponses précédemment fournies par les participants.

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Annexe E : Certificat d’approbation déontologique